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PHILOSOPHIE
DU XIX« SIÈCLE.
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PHILOSOPHIE
DU
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GUSTAVE SANDRE, ÉDITEUR
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DU SIÈCLE,
LIVRE I.
DE L'ŒirV'RE CONTEMPORAINE.
Qae de siècles écoulés depuis qu'existe le genre humain !
ils ont passé plus rapides dans la vie de l'humanité que
les jours dans la vie humaine. Chacun d'eux a eu joies ,
peiaes , espérances ; chacun son œuvre qu'il a léguée aux
siècles à venir : ainsi dans nos forêts, chaque année laisse
à celle qui la suit , pour augmenter l'humus fertilisant ,
les feuilles desséchées de nos arbres. Chaque siècle aussi
a eu son génie particulier, ses rêves, ses pressentiments :
grande poésie, langue sacrée dans le passé, dont les prêtres
se servaient pour expliquer aux peuples la volonté des Dieux.
Sous tous ces rapports, le nôtre continuera ses devanciers.
Le philosophe de notre époque, l'ami véritable de la
sagesse ne se borne pas à la vie sensitive et matérielle des
premiers âges. La parole sainte, révélée aux sanctuaires de
rinde, de Babylone et de Memphis, ne lui suffit même
plus. Il veut écouter les impulsions de son cœur, les cris
de sa conscience et le langage souvent austère de sa raison,
dans les conditions les plus harmoniques. — Emané de
cette grande nature qui de toutes parts le presse et l'en-
vironne, il l'interroge dans l'espace et dans le temps,
dans la cosoK^graphie et dans l'histoire , dans les cieux et
6 PHILOSOPHIE
sur le globe qui nous porte, pour en obtenir le secret de
ses œuvres et la révél^ion scientifique de ses lois. — Il a
besoin d'apprendre les my»tère» de ces transformations qui
font passer la substanj^e, àrtrfi^vers mille métamorphoses,
de rétat inerte à la vie la plu» élevée. — Désireux de
connaître sa destinée et celle de ses frères , il a besoin de
bien comprendre les relations qui existent entre le ciel et
la terre , entre la terre et l'homme ; il a besoin de connaître
l'organisation humaine selon les races et selon les sexes ,
féducation qui convient au genre humain selon ses diffé-
rents âges et la mission qu'il est appelé à remplir : aussi
reprend-il sans cesse avec ardeur l'œuvre de ses devanciers,
pour la développer selon ses forces, bien persuadé que la
science de la nature entière ou physiologie, embrasse
toutes les connaissances qu'il lui est donné d'acquérir.
Plusieurs rapetissent singuUèrement la grandeur et la
portée de la philosophie. Ne pouvant s'élever à sa hauteur,
ils la font à leur taille, sans comprendre qu'elle est l'un
des aspects sous lesquels tous les problêmes se présentent
à notre entendement; sans se douter que la science, la
Shilosophie , la religion sont les trois formes intellectuelles
e tout ce qui frappe nos sens. — Nous les laisserons de
côté, estimant qu'il vaut mieux parler à quelques hommes
(le bon cœur, à quelques esprits d'élite, que de perdre
son temps à redresser des rouages mauvais et faussés.
Il y a un peu plus de cinquante ans. De Laplace, dans
sa Mécanique Célesie et dans son Système du Monde, ensei-
gnait à ses lecteurs comment, la substance gazeuse une
fois donnée, les attractions, c'est-à-dire la gravitation et
les affinités suffisent à expliquer la formation et le mou-
vement du système solaire.
Deux hommes de génie ne tardèrent pas à le suivre
dans cette voie. L'un, Geoffroy Saint-Hilaire, comprit que
la providence a pour les êtres doués de vie animale , un
plan d'organisation. — L'autre, De Lamark, essaya de
développer la loi de transformation des êtres d'ordre vé-
gétal et animal.
Tous les trois avaient été précédés par Descartes qui,
dans son discours sur la méthode, pose hardime;it la grande
DU SIECLE. 7
question. Tunique question si philosophique à laquelle
toutes les autres se rattachent : le comment des choses^
Descartes avait eu lui-même de nombreux précurseurs :
c'était, entr'autres, le moine' Roger Bacon, qui dépensa
à Paris 80 mille francs, yAear actuelle, pour étudier les
sciences et surtout Fécole pythagoricienne , école éminem-
ment ÎBdduev' mais treasplantée à Crotone par son célèbre
fondateur. C'est ainsi que les racines du grand arbre de la
science touchent au fojer des premières et plus anciennes
traditions connues.
Notre siècle Tit singulièrement et à son insu, de la pen-
sée qui animait les sages des bords du Gange , les pytha-
gorici^is qui les ont continués au sein des Péiasges, et les
druides qui n'étaient autre chose que les pythagoriciens
(le la race gauloise. Le vieil esprit de nos pères semble
guider leurs fils vers les plus grandes conquêtes que puisse
ambitionner rintelUgœce.
L'œuvre du siècle, ce sera de compléter chacun des
rameaux de la science et de les rattacher au tronc commun ;
ce sera encore de faire du credo scientifique qui en sera
la conséquence, le credo des classes qui ont aujourd'hui
le privilège de l'éducation, le credo de celles qu'il importe
à la justice d'élever à la science , à la morale et aux vertus
qui en sont la conséquence.
Ne dites pas au sage que le besoin de savoir qui l'agite ,
que les inquiétudes qui le toiu*mentent , que cette fièvre
d'améliorations qui le dévore sont inconnus au peuple.
Parmi tous ces pauvres travailleurs qui suent du matin au
sdr, qui si souvent devancent l'aurore et que la nuit sur-
prend encore à la peine, en est*il un qui ne se soit jamais
interrogé à sa manière sur le comment des choses i un seul
qui ne se soit jamais questionné sur sa nature et sa des-
tinée , un seul qui ne se soit pas posé ces trois questions
si facàes à agrandir :
Qui suis-je ?
Pourquoi suis-je ce que je suis ?
Que deviendrai-je un jour?
^ le pauvre ne sait point les discuter et les résoudre à
la manière des hommes qui ont eu le loisir de l'étude et le
8 PHILOSOPHIE
privilège de s'y livrer, à qui la faute? Si nos sciences
manquent au peuple , si la misère l'avilit , si la civilisation
le néglige ou le dégrade, qui faut-i). en accuser? Pourquoi
l'abandonner à cette absence tofale a exercice des facultés
intellectuelles qui en prQ4ûit,néç,çssaifen;ïent la faiblesse,
comme l'absence d'action d'^n me^pibré, produit son atro-
phie, son dépérissement, Le 'plus, grand. ae tpus les mal-
heurs n'est-ce donc point de passer à travers la vie sans la
comprendre, à la manière d'un anipal inférieur, comme
un homme ivre ou endorçii?,
Ce qui s'applique si tristement aux pauvres, n'est-il pas
encore d'une déplorable vérité quand il s'agit des femmes
et même de celles des classes élevées ^ dont si peu reçoivent
une éducation réellement scientifique ?
Gardez-vous de dire au sage que les femmes ne sont
aucunement capables d'étudier les sciences, car il vous
répondrait qu'elles ne sont complètement mères qu'à la
condition de donner à leurs ei^jjapjs, après le lait' de leurs
mamelles, la première nourriture intellectuelle et morale.
Ne lui dites pas non plus que le pauvre, dont vous
voulez l'éloigner, sera -plein 4*mgratitude ; qu^il est vani-
teux, personnel, trop souvent dur, cruel et sans entrailles;
qu'il a plus de vices iqiie de vertus. N'ajoutez pas que
rhomme des classes inférieures est indigne de toute éman-
cipation intellectuelle; qu'il est ivrogne, colère, plein de
rancune, de défiance et de jalousie; car plus le pauvre
lui paraîtra mauvais et dégradé par l'ignorance , plus le
sage éprouvera le besoin de lui venir en aide., d'étudier
ses misères et ses maladie? morales et physiques, de se
pencher vers lui pour lui donner, après l'enfance, cette édu-
cation, cette nourriture intellectuelle qui lui a manqué ou
qu'il n'a reçue qu'incomplètement dans son jeune âge.
ÎBien peu de vérités ont .pépétré, jusqu'à ce jour, dans
l'esprit des peuples les plus çiyilîsQS , et les masses entières
dominées par l'ignorance 4. sefublent enchaînées à leurs
misères comme un trouppgi^ dé bêtes réduites à ce que les
gens du monde appellQui te. pur instinct. L'ignorance et la
misère, voilà, depuis l'origine des sociétés, le triste lot de la
majeure partie des hommes.
BU SIÈCLE. 9
ÙoBuvre encore si peu comprise des premiers jours du
thristianisme , ce fut d'élever le peuple aux enseignements
des sancluairés ius<^ù*àloirS téservés pour les privilégiés,
d'en divul^^r tes secret^', d'appeler tous les hommes à
participer à 1^ cqh'nal^sanèé'^du Dieu de paix et d'amour,
c est-à-Jire^^ux^fensei^lieiùetîis des sages.
Ainsi fut décliîrè le VDilè du temple.
Le temps est venu de faille; un inventaire des connais-
sances morales et sdeïltiftqtiefe ; d'ouvrir et de rendre aussi
accessible que faire se peut à un grand nombre, le livre où
sont déposées les vériték étemelles dont l'esprit humain se
préoccupe depuis les prèiïiîérs d^és du monde, comme à la
naissance du christianisme, le voile du sanctuaire doit être
déchiré.
Toutefois rien ne se fait en ée monde que progressive-
ment et pas à pas. Vouloir livrer à tous les religieuses et
philosophiques vérités que la science enseigne, ce serait
folie. Le laboureur ne jette point au vent des semences
précieuses; îl veut pour les receYoir^ une terre suffisamment
préparée. Mais n'est-ce donc rien que d'initier les plus in-
tell^ents des classes deshéritées et surtout les femmes des
classes aisées, aux vérités qui leur sont étrangères?
n est dans la nature et selon la chevalerie des Gaulois et
des peuples du Nord d'adorer les femmes. Sans elles com-
ment perpétuer la vie, comment en goûter les douceurs?
Mais le siècle dont nous nous faisons l'interprète ne saurait
accepter leur position actuelle ; il veut que, préparées à leur
rôle social par une éducation scientifique , enrichies de
grâces , de savoir et de beautés nouvelles , elles deviennent
dans leur généralité dignes de notre amour , pareilles à ces
types isolfe qui font aujourd'hui l'admiration des peuples.
(Qu'elles prennent, nous les y convions, la place de ces
divinités de la fables détruites par le christianisme, de tous
ces êtres invisibles que la science a détrônés ; qu'elles nous
aident à réaliser la poétique des prophètes et des sages ;
qu'elles soient, sous une forme visible et palpable, ces vertus
mystérieuses de la nature qu'adoraient nos pères; que leur
affection devienne le prix de la vertu, leur indifférence ou
leur dédain le châtiment du vice ; qu'elles se regardent
10 PHILOSOPHIE
comme prédestinées à devenir les prêtresses d'une croyance
scientifique aussi inspirée que positive, aussi rationnelle
que sentimentale ; — qu'eites lae oultitent dans leur phy-
sique et dans leur morale pour ^airiter i^iuuè plus grande
perfection, et surtout qu'elles n'iMiblienrtjailiaig que Tamour,
cet impérieux besoin de -louténtie,^nou9 'exalte* et nous
grandit en raison des sacvificai nie perfeciiiiûfiitiement indi-
viduel qu'il nous impose; qu^ila* iDendUBS^ sans élévation
est une fleur qu'un jour suffit-'poiir'liEiétrir.» :'^
Nous démontrerons ohérteiirementiiqoe ceiMe^st selon
les lois de la nature, quiisolttausiilasloisde la vie, et notre
morale franchira en sécimitéviaiiliilambeau de la science,
les espaces encore peu eotmosiqui nénssépiirent de l'avenir.
Le vieux savoir est débordé. Le siàcle he finira point
qu'il n'ait enseigné la polarité rniirerselle des molécules et
les faits qui en découlent , la circulation et la solidarité an
sein des mondes et à la Wfae^ de notté'glôbtd , le cosmos
et ses lois, l'homme, son origîhe, -sa nature, ses variétés
et les institutions qui doivçnt en tésulteri Notre siècle dira
encore sa pensée su^ les origities incotti^ues de ce qui existe
et il enseignera l'histoire %i peu Cbmfwise de l'humanité.
Alors le monde nouveau, aveo ses scientifiques croyances ^
son éducation perfeotionoée^^seslibeftés^vraiçs, deviendra
visible à tous les yeux; . i^ -! - » ^
CREDO SCÏË^trfïOCE tit^smcLE.
L'auteur de ce livre n'a poitft r^Hibition' de fàîre école.
11 a trop étudié les sérietiSés<iqtte$tion»'q;tfi s'élàboient ac-
tuellement au sein de TiiûlafMtéVt potor' ignorer que les
plus grands génies ont très-peu déoo«i[v<ért , que les plus
grands inventeurs ont trôs-p^ In^efilé, et pi^ur ne pas faire
bon marché de la gloriole tde totis' ceus ^i prétendent
avoir un secret pour sauver l'huBUtniité.
hn siÈctfi. 11
 ses yeux, il n'y a qu'un Dieu, l'être universel et infini ;
qu'un grand mystère, la nature vivante et animée ; qu'une
loi généralB d'ortkie i6t ds ri%, ou providence; qu'une
manière d'étudier œ<qiii «date d'une façon seientilique ,
robservation 6t;i:ec(pékienc6$ .qu^iioie science positive, la
physiologie V'Cejmot.étanlt pris dans son acception la plus
générale : aiisaî> ftiit-^il Iras peu de cas de tous ces petits
systèmes qui abritent des riens obecurs derrière des nuages
de métaphysique w>lderpoési6.
L'auteur da oe livre n'a qu'un désir, c'est d'être très
clair^ c'est de poser 'nettement la marche et le but de cet
ouvragé I c'est de démODlrer jiufiiix qu'on ne l'a fait jusqu'à
ce jour qu'il y a uaaphiloâH^pbîe naturelle ou physiologique
qui décote de l'étune de l'univers , c'est de faire pénétrer
cette cfoyaaee et: celles qui' en résultent dans l'esprit de
sesleeteurs. p >
Dans ce but, il ne eraindra'pas de répéter plusieurs fois
les vérités les plus esseafteUes^ et il va mettre la pensée
iutiicUh\si suite des pages Mqu' il a consacrées à 1 expo-
sition de ViBUvre qui doit être^ accomplie par nous et par
DOS fils. Ce résuôié.lrèa "fapider laissera nécessairement
beaucoup à désirer, mais? il donnera une idée générale de
Iâ série des iaits qui seront successivement expliqués au
lecteur; il rapprochera, dans un ordre naturel, la somme
des enseignements fournis par la science à l'humanité.
Sans plus de préambules, nous entrons en matière.
Notre système solaire oscille autour d'une situation
moyenne : aussi présente-t-il de grandes conditions de
stabilité dont la durée semble indéfinie, ce qui permet
aux vies individuelles de chacun des astres qui le com-
posent de se développer en liberté, sans inquiétude pro-
chaine d'avenir.
Cette matière eice^v^oftent dilatée qui occupe encore,
à l'état iofcurmei des e^aces^ immenses dans le ciel, voilà
h sobstanoe qui a servi à* former les systèmes solaires et
le nêtre en particulier. "
Notre système solaine n'a pas été créé dans le sens propre
de ce mot , mais il s'est formé* par le refroidissement et
par la gravitation au sein d'une masse gazeuze antérieure
13 PHItOSePHIE
à lui ; il est donc une émanatton et tine transformation de
ce qui Ta précédé. a . - rif» .
Les planètes et leè^saltdiÉ^suiiarmmM^e^ m 'système
ayant existé sous iiine) aii!lr$ifbfii^Jdffia»^r>afxift)^p^
excessivement dilatée lohiKieclIèili^if&'^oht dutreiâK>se que
des émanations (}e ^ftieoips^innâëiidè^, larrivéési^at* des
transformations sueoesseœsiàil'état q^^cAtéSifiréfsenteiit au-
jourd'hui, "ii^. oih\ tiî* ri'<l ♦' -'i!'i- -îi' /«'
Les satellites des pi&nètqs etil^taïQïieaftx^^ei^aitilrne sont
des émanatbns de leuiB'pIailètesiTe^cti«reë, formées aux
limites successives de Ieiir93aimei^phtirés,'itoiûm0')to planètes
se sont formées par le MimiitiBs^iirifttif et^ki(fgt^vitation aux
limites successives de l'atmosphère du sol^i"
Les périodes progressiirtesv'{9^eiitôeëiipar la' substance
qui compose notre système^'^laflie,'ft|rmeiyt»one série de
termes qui sont tous réman^tionlefi uils *des* smtreâ , qui
tous ont été produits par une évolution qtiii n'a flfiiît autre
chose que transformer «ncc&siv^mèiit le premier terme
dans le second, le secondiâftosctei tiolsième', le tromième
dans le quatrième. ; « i u «î - .n» . • . - i.
Les corps qui gravitent autour '*tf soleil forment aussi
une série dont les tenaoes^dÉfférentstoiit totfô été produits
par émanation du s<4m1v etoMlv e6tte>f(m, par émanation
les uns des autres. Us sent, àw reste , reliés entre eux par
une commune origine^ par. la» symétrie des formes, par
la solidarité de fooittidns, 6t -par/'lety' lois de Kœpler,
auxquelles ils sont t€us(£^mis. < i'* - . -
La série de nos planètes'-B^ àhfm m idteux groupes ou
familles, dont les memfans^iolit mot^^mx de& i^ations* de
parenté exprimées par leurs i «origines v fleuri v^^lmues; leur
vitesse de rotation, et queiqatst'aauiis pvdfi^riétés respec-
tives plus ou moins dévf!lop{)ée6.'datô'^aM;mi<-de^ deux
groupes. . .'i ' -n'i t'i'> , ••- v..;jo 11- '. t r
Tout ce que oous savon» isufife^ ei^^iDâte$, ies^^én^oifthes,
les étoiles, les nâBiu)eoses'X«ériwtibW<etUe9 nélf^^
irréductibles, confirme- led^ pitii]fr0sitiofid<:'qoii préeèd^êiit et
l'immense antiquité de?Jfuiiîfei8J,ï^diHit'bea«icoup de col-
lections d'astres existent depuis des; millioitô d'années.
Chacune des planètes, et ceci' mérite la plus sérieuse
BV 6IÈCI.B. 15
MleBtkm^ a reproduit, daM les premières phases de la
vie, c'est-à-dire dans sa vie fœtale ou embryologique, les
principauib phénoiaràiiesi^K^sgrttèm^ Saturne, dans
sesluaes.etiQe3*.WAMvx«,.fU)ti»îeiv>offire une preuve ma^
oifeste. Ainsi ti-embi^oni de ("beiiuiiie passe, dans le sein
de sa miNBe^rpar .àêdi^mmes^ diverses qui sont, pour ses
différeata offf^niâlaës;^ le^/état» réguliers et définitifs d'a-
nimaux inférieurs à lui, de telle sorte qu'il résume en
sa vie"l0S*«pvQ^Qè$«'at)eo]»pli» par la substance animale
dans le. sein de» ôtm» qu'elle 'sert à form^.
Il y ^ donc dans ^td^tGonèse: mille imssentiments sur
iëvolulion .<ia n^dliBt gtobe^^^smioctte de 1 homme lui-même
et de l'humanité^ i> ub .•^iiî-r. -
Troîfi'Véritéssonl^nfieDitesiSuriai voûte des cieux.
La pseBiiàre^:>que. lai f^rovidence a produit les plus
grands corps de- la* nature* aooi point par création, mais
par éttanatioO'V' n -t(,.-7' m.ih >
La seeende, qu'^eiikiiksra ^modifiés par une série de
tranfifonnatîons toutosi psogneâsives dans les faits à nous
connus, toutes produites par l'action constante des lois
immuables de la «naliive; ix
La ifoiaièiBe,' que cfaaqiia série senferme ses harmonies,
et que chacun des corps élndiés jusqu'à ce jour a vu ses
attractions déterminer eliiéglersa destinée.
Après avoir été «u» anneau de la matière cosmique qui
entourât le soiieil« après avoir.: brillé comme une petite
étoile , après avoir eu son atmosphère sombre et sa pho-
tosphère briUajiJte, ndire» tarre^i s'est refroidie sucessive-
ment, laissant lenienbSBt 'd^)Oser toutes les substances
qui formaient autour 4'dyte>uneiimmense couche gazeuse;
puis elle a deouoé BmsaaBee» àtune trentaine de forma-
lions trè^iioportantes; que dou£e soulèvements principaux
ont mises en évidence, en faisant surgir de la terre des
moDtaçMS de plus en -pbisiittcvéea, ea même temps que
le bassin Tdes>mers^<sfappneli)iidi6saît propcn^tionnellement.
Baos les diviersea* ODudMiST deioes dépôts formés à la
surface du gk^be,ttsettrott¥antulks débris des êtres orga-
nisés des autres àges< . • i! (*
Ces débris attestent que la vie a toujours marché du
H PHILOSOPHIE
simple au composé , et que les organes des végétaux et
des animaux se sont de plus en plus perfectionnés^ de
manière à produire sude6imém«ltt4ai<séi»ie des végétaux et
la série des aniuau^ qui «ïtelèfit^ieiUeH^beint^'à la surface
du globe. ■' ■"'•»n'^.:^inr.T2i()oniio(l -..»,( *../».,••,<,
Les tremblements de le^epet" tofiiivcaéanë'Kiclntribuent
à nous éelairer sur>4'^«i iàté^urdia'la t!em et' sur lliis-
toire de la formation de' séft.tAîilftsfei 'î '"
Notre globe présente cinq organes qui se seftt ^âélvëloppés
simultanément, à savoir t ' > >»• »i.|o,:ni i ... . .; r
Les continents ou plaeenttt'^teirrestré, les leàux;* l'at-
mosphère, la substance v6^éta!l!èf; eu iar substance animale.
Tout ce qui existe à sa^sintfaoê'est étnané^'de^ sa sub-
stance, comme lui-même Hl- est éÉâ^ané de Itt* substance
du soleil. Toutes ces émahaiioTfi diverses ont été suivies
de transformations et sutiCeéSiWfe' et' progressives.
Il n'y a pas eu à la sMfacier'du globe de création dans
le véritable sens de ce Mbt ;^ j^uisqiié -tout ce qu'il nous
présente s'est produit par émanation et s'est développé
par des transformations sueoessites.
L'étude du placenta terrestre conduit à penser ^e la
forme actuelle de nos continents'^ra Icmgtemps définitive,
tout en indiquant les ressources immenses accmnulées par
les siècles au profit de- rhuxuofnité. •
L'étude de l'air < atnn)spfaérf(|Ue semble prouver que
l'homme aura désorm'ais plus de : puissance que les réac-
tions directes des agents néCitrels ^our* le modifier. Cette
étude enseigne en outre une" foirie de données intéres-
santes pour les associations bumafnes. ^
Les mers ont formé successivement leurs grands dé-
pôts. Leur salure ne se modifiera guère dUèi des'teilliers
d'années, et l'on peut diVe^u>Jte&osc3lerrtrrt' longtemps
autour d'un état moyen fournissant è^respèce" humaine
des ressources qu'elle eelUMeiÉiée À' fëiné- à exploiter;
L'agriculture modifiè^ér plNtfondëlofient"^ /iors^u'élte - isera
organisée, toutes les espèces végétales qu'elle ji^era conve-
nable de conservera la <Mrt*efe<'dfe' la planètte. ^'''
La climatologie nous éifsei)^lie les oondilibU^ 'générales
de la culture du globe; elle nous sïontre de plus que ces
D0 8IÈCLB. 15
conditions n'ont changé, depuis trms mille ans, que sous
riuILuencci de IJi^omU^Q^if r. .
L'étn^i dfts ;ftiiéK^Wq(|(B${nfef^^ des uouveaux
procé^é^ fiiSti^oMommim^» i(gj'ji(i«erwt phis facile à
la France , avec une bonne organisation, de nourrir soixante-
dou29» m^UoB§f4'hQuua|BS)oqu^M90)le lut est aujourd'hui de
subtaqij^ilà pmi^i 0omi99'AlteÂe faîtv^ositrente-^six millions
d^habitants. De là , pms X'hfi^amtéi^ tes oonséquences les
plus jq^i^taotas^ «i^p i^.^n^.iiio pru » •.:
L'étude physiologique de l'unîifdrs conduit à connaître
runitéydi» pu* deit^ai^atumifUiif les vies sidérales, mi-
néral^d végétal^ vlii|ip>#^)J^tfSO€Â^ et la solidarité
des ètces lave^. li^ur^^ mdi^'W.^pcésents et passés. Delà la
lot de^iir^sConUi^tiws rtt^au^^i «yerron&Hfious que les mi-
néraux.pnt leurs i^6s ||é(m<Hlâques; que leurs molécules
ont leur. polarité-). fl|ei|E ea^)rj[4>logie , leur état utriculaire;
toutes. €)ioses.queiniQu$'{e^i|}iierons en lieu convenable.
L'étude des',végétiaft3(!4^mpo¥^ que les harmonies vé*
gétales sont le résultat (i^^)A distribution des végétaux en
groupes et en séries écb^lowftes et non interrompues,
et qMe chaque. vés^tAl,: gi^idé? par: ses attractions, s'est
fait à lui-même ^a. de&tio^e». m .
La pbysiologie./V(égi^talev«di^nsiouJt ce qui concerne les
genres, les espèces, les.,v^rp4feé^, l'organogénésie , la re-
production, les monstruçisités, senst pour nous la préface
de deux physiologi^s^ plias complexes et phis élevées : la
physiologie axûmai^ lét la làysiologie sociale.
Les espèces animalec; sent formées sur un seul plan, et
constituent une grat^^^ série5rd}Eins laquelle les animaux
inférieurs ne sont ^q^vles. supérieurs arrêtés dans leur
déTiel0{>pement. . . t>
Les monstruosité^^ Ipind'étffe une protestation coudre
les k>îs connueside la natpre^, s'expliquent parfaitement au
moy^ade ces lois dpl^ ^e&,^pjt n»^ éclatante confirmation.
Les» «animaux siipéfieyi^ipfircottrent dans leur vie fœtale
toute l'échelle d^iA(v4S4 ^ . . . .
L'homme lé^lim^e AoiM^s les vies de la série animale avant
de développer sa vie. propre, arrivant ainsi, par des trans-
formations successives et progresssives , à sou état définitif.
16 PIIILOSOTHIB
L'embryologie, en nous (joimani le» règles du ckéveiop-
pement du corps humain, en ooiis. renseignant son orga-
nogénésie , nou& ind4queriauMiilesDrè9ld^)d& il'enihrf(^gie
et de roï«a»ogénésm'«»iri^-''Ji6t p-U .ifp»nrn.n('^... .
La physiologie sociaj^'.)<ii9Nfa ;odrrîgen'«f}iooaipléleF les
études de MoreUi ^^^ sa$i{}riédé(i9«ietttsû^lderâaiiit^iiBon ,
de Fourier et de leifrg!fU^fii]>];0s,i>tebfi9iie GoMle, finfisi^tin^
Pierre Leroux, Jean Reynaud, J.iilcsïfcéiGhevallier^l'Toiœ-
senel, De Flotte, Conai^émoft^ifeteu,! etb. i8ou'>iBpfie sera
d'appliquer au perfectio^rtân^eat oifaai^iipilâe VmpDanité
les lois qui gouikjôcn^ût liËiSiiTia^ sîdéf'alte vilminé&aks v^ végé-
tales et animales, .-.i jirnn MK*-nMli!'.t'ï.'>.j l'«î " '
Les conditions de la yieirft lansuii^eréuioglQbei ont.été
tout d'abord très-favorables à la production ldes>- genres,
puis à la production deis 69|^.C0»;'.jmis0lle^'Xietle> sont plus
qu'à la production des variétés, .^i; ijiu.^. -i i ... . ; ^
Plus l'ineubationf de Vmist àam lar-^matiàse esl; longue,
proportionnellement à la(mii9d$<di^ f<|Btd8'4Mplu8^ L'animal se
trouve doué, à sa naissance, d'organes porfftitSL. ■
Plus l'enfance esi long^i^^ (pAoportftonneUement à la^masse
de l'animal, plus son .df^vt^faippeméat ii€érébiK)^inleUeetuel
acquiert de perfection.
Les données aeti*eILe$t>dd!te;^60îeBoe per^nettentde com-
prendre comment se sont produito'ks-itPes qui vivent à la
surface de la terre, m t. '> . r , .'. • .1
La période humanitaire et fai oérîiî^ biâtOTKfue ont saisi
les productions animales à^4e«^aegrés.drvttr8id'av4fiGement
sur les différents poinUr.dui gUri^a j : ; < ^ > - 1
La Nouvelle4IoUandjer^ Bornéo^ 'Sabm^ftf Madagaaear,
le Cap deBonne-Ëspéran^^jd'jmciepimeNiâev l'Amérique
du Nord et l'Amérique du Sud, ont eu leurs créations
spéciales» d'espèces aniiiiaia8,'<ni' plutôt fleurs tcansforma-'
tiens spéciales- - - . . . » -; • > .
L'homme pteutcaecofngiUr 'd^i .gikanâ$' pnogrès^ dass la
culture et la dooiestîciiti^ii.'d'iU) giiattd^jnombre.d'espèctes,
les unes domestiques, les a^rtiTessiiiimigBS/ -
Il pounra produirctidés j3»ul^noiiteaui: «tldeiioia|)reuses
et utiles variétés des espiieai^ co&nuesi ni\-- * '^
Les races humaines actuelles les pins inférieures ne sont
M SIÈCLE. 17
pas destiiiées h périfv mais' A s'élever par des transforma-
tioDs, suite dS'Croisettimtai '
Le râttet Jl'îiitetti^eftdhtâ&lâ]i«Mfil^ être étudiées
physiologiquement. Les faits -lÉft^iictaels et moraux sont
soaiw t^'JnflaenMifidift âfitafifté^lii^ , .< .
Laim>limitiftiid^)4i»8fi»t^>;ffihi^ ftl>sèn imnittïum'indi-
qaéfMÉiih .eUwiè io<»dtfc)te^^^t%tllftléi)^af Damas : c'est la
raliotf(tacaTatiérifrfllnçai».l*rJ'^^'iiv >îl ii- » . ■ «
iiaixrspiratien dè^ l'behniri^'iâf 'Mid^i ^es exigences phy-
^f(Miatkw>dtt«hjteUl <liiifiiitiliilon sont des faits dont
la efaimie rend parfaitement compte.
LaiicalorâfieBlièn lestHranei fonction très-bien expliquée
par B8que?el.'i"'î'"-''"^i 'î » '' ■•'• ' *
Laîrâcuta^n du^wog;^^ 'M* grande partie produite
par la loi de la pesanteur. .>•)"" '
L'iHubise adntdte icsl', mti^ to^triple rapport physique ,
intelleotel et'*n)oraW ié fboâiiitiide deut facteurs : la na-
lureetréduc«lîioi>.'''if»'y'=''i- , >m!».'..
U^ociétè peQtpétr«if:et}<n0diâ!evl'efepèce humaine par
leduoitidQ, comme i^dUeil^'iCâit pq^r*les espèces domes-
EUe«st biidû pta^ «espons^ble des' fautes des individus
411e les individus 6tix-4Hêaiosl'<4 >> -
Une excellente éducation , un système pénitentaire basé
sor la idiysiotogies! vdîUi d^nxi tes pmmîers besoins de toute
sociétéqui eompiénd^seB devioirs. ^ '^^
La p^sée, la volonté<isUB-m6nie, sont^ comme Ta dit
ftaspaib^.feiTésallJflertde^combîiiaiiom' a^omtqu^ entre deux
éléiôeiiÉBr subtils «1 impooàé^abtes't IHmpresrâon et la pro-
peosiwi;» - ») i • îi ' , • .'.''
Les facaltésitAtdlktttueAèS'SOtilimultiptes. Sous le rap-
port des intelligences et de la cranioscopie , les animaux
foroMit uneséw biett é^idMte,' da la grenouiUe à l'homme.
Lea preuves d6ii£(<»idlipUoîtéidids -fàeidlés intellectuelles
sont excessivemem^nambretiMiS. - t ,"
€h«|neifai%dté4nldteiâttdto mémoire, de
jugement, d'imagination ist>d'iii»tation.
L'étude physiolagique dti cerveau , organe de l'intelli-
18 PHILOSOPHIE
gence, conduit sdeatifiquemeot à k morale, d'où le posi-
tivisme d'mie morale ainsi démontrée.
Tottt cequi existoinûi) ^tmdaaiéfen'dînqlsériest Toutes
ces séries (sont soumMë^ «lix Am génâjales» de^^la jlatore ;
toutes expriment des {«(ip^d'jaignHkipiisip» d^^
mations sa(lcedaives;«toiitefiimpréaei|téqt^la totontifkteiBîeu :
donc TiiammedoblvdiiVû'aéGsnhplifiila^loiR^ la-
quelle est soumise r^iamanitéu^' «^ ii ).m it ..i » ^'/n r =
L'idéal de rboHifioto«lDit^)èlaie^(i»|s'é)iewef id« fd^s^en ptus
au-dessus des anîiaeuk^v'pàrdeidéiecitopiHBmen^desiamiI
oui lui sont propres v4''sa9oir.*fla<Téligiosit(>^yIaf9(loi
1 idéalité , la causalité '<et dei^eilneeuiiie^rfii,' par/une bonne
éducation, toutes 6e»tattcilctionsii<i|ai:toute9:alor9 deTîen*
dront bonnes et utiles^ "i • ^ ^. t: » • i.-.}::! ... m .i n
La masse cérébrale» ^t'ane^épabliquë des» ocgianes ma*
tériels de l'esprit, une as6eÉd»Ié&id^lib^ai&te de»-fdimltés
passionnelles, intellectvielieaet^moraîe&. -Cîèitte grande vérité
permet de faire dispaiflltroitouteBlesidismjdeneea^iai sé-
parent les philosophes et^deles^ ramener à* L'imité;
Les sens sont des preloogenieBtd lou >appendîoos^ eâré-
braux placés en <[ehoar^ide'k bohe oeseuses pourialier au
devant des sensations.
Chaque sensation eiLigd tmis faits : * rimpressR)n , la
transmission et la sensation^propcement dite.
Une impressicm devient dumble par une combinaison
stable entre la propension et l'impressioir.
Malgré l'état normal et: régi^etidesiappaareils ides sens,
les sensations peuvent éftm défeetarasesisi les organes cé-
rébraux, appliqués à jugertlesimpretoiong, ne sont '.pas en
état de les apprécier oenyenaUemeÉUti : ir/
L'étude des sens est iiiBtBictL!ve,>ip»Sr elle est lèia d';aToir
l'importance que lui .atteibuaâlounB< étoia célàbfe:^-^ S'il
n'y a pas d'idées ÎBnéeB^J'on (Mauttieffiomer qofiLexiste des
propensioœ innéesi^^^It.esEiaTeui^gaiés'îugentdas distmces
par la vue, lorsqH'im, kuvjTeoArdirvisionk. -^ Les.défouts
des facultés intdileeftueUeaIi0t:deâ'Oitgfflie» ides B^s sont
souvent héréditaires. - ivj i /j) «b /n.'. i ' o;;
L'homme vient au numdeimecpieâdiaposUions physio-
logiques nécessaires pour se créer un langa^. Les rappcMrts
BU SlfiGLB. 19
des sens avec les idées expliquent les rapports généraux
deslangues. >
Les faits ' deadémonomlaMnisJ^^ d'exjtasev de .magnétisme
anîmali, idecoatalepsié ^ sorit jdes phémmènes' d'ordre na-
turoL^^xiaelb seîfnoèiclaa80^el'jnppi^ie«toiifi les avoir encore
coavèoablamënt ië}apliqiiés<ij|aaqib'tk'<4le'joiEP. Us sont de
U)u& les tenàpsi^ >idei taiiq ries liiecuLi^iet/ las faits surprenants
auxquels ces phénomènes donnent MÎIsiaBee y peuvent être
prodoît^fiiir «ertainés' rpftosoiifetes> i toist-è'^fait indépendam-
ment >descrOgrancBf<iralsgyusâsidi|^^ elles ont foi.
Les '.piétaidus *imifi9él8S'.idesf<swe(ifeiiiborgisies et leurs
dues merveil|euseS'miseat''C|uâ»des phénomènes très-na-
tuFeb, fuer.le magnétisme', reisgieiix d'un musulman ou
d'un Indien pourrait tout aussi bien produire.
La-n&tve> de l'hopitne ^tisesiœilîeux^ expliquent les faits
qui h coacementv 'depuis l'eolaAee jusqu'à la mort.
La femme aides doMis ié9UH'3«8ux.de l'homme, mais
spédatti^»-^ EHeidotti âlrei«suec0ssivement fille, amante,
épouse, génitrice et éducatriéei^Qette mission lui impose
des devoirsipluséteBdus que:jeeuBiqu'eUe accomplit à cette
heure^ etréclame une éducation ^lus avancée sous le rap*
port scientifique.
La raorate est saseeptiUe de<pfrogràs, non dans son
essence , mais danssesapplioationst. -^ L'assurance est une
forme de^la charité Ixès^supévieMire -à l'aumône.
Le corps social peut et- doit être içomparé , pour son
organisation, au œrps humaÎB ; d^où il résulte que la physio-
logie sooîateesi unecooséciuencede la physiologie humaine.
Un alàme de .métalloïde 'Ob de)Bi4taU voilà la molécule
minérale; elle s'appeUe ou^ène^ i£»r^ > platine, selon sa
nature q^iale et ses propriétés iriumiques.
Un- corps vésiouleux^ compfioéjd'oxigène, d'hydrogène
et de-^carhonuevfjooûtenant: en jO^jëvo. souvent de l'azote,
qudqBâsé9is.d'auliresiSBtetaneBSË;^Mes<qpiMidfis sels, voilà
la moiéeulè ^ganiqne^, «Un teidannè ^ssàufOc', sa provenance ,
le Bom'de^fégélalsjEnbdrahiuale^ltaa^ plus souvent elle
pourrait appartenir aux deux règnes. ^. i>
L'hommei, à quelque race'qutii appartienne, voilà la
molécule sociale.
20 PHILOSOPHIE
Le premîef groupemait des ffloiécules sociales vers un
organisme, c'est la famille. Elle est' représentée dans le
règne minéral v pap<kslooii^inÂidamr8taMes> Se la-itiatt
par les olides,'lest;I3dbrm*es'4l€»îcld^re0v^^<^ulfc les
sels; elle a aus^ 6es taaio9u.eST<âiinsf4e règne ^végét^al et' le
règne animal. • ••ijmî.-» - -"u.vrf ^^i.T..ff.. j..? , . i^--- •
Les molécuiestmjliépale&'<6rmentr'de^ moliéonles^ compo-
sées par leurs oombifiaiëoQs, eiori&laUisâiil deumanière à
former des masses géôiBétFiqfiftes: 'Les motéouleËt ovganiques
forment des orgaôisinel^r lettr{assodia4ioiT<;>ks moléeides
sociales forment dee^férniHeë», de^ tpîbusy de» Communes,
des provinces , deâ états.et' fùrmerent. i'hîtim&mtéri'
La femme, perfectioilnéè pari'UàIUoeti4>n, produira le
mariage vrai et la famiUe iiJDre<«eUfe>dAns laquelle chacun
des membres du couplé buiakakl usera de s«r< liberté pour
remplir sa mission seloni le- plan ptoirideotieL i« *
La commune deviendra une association de familles Ubres
et améliorées par le i^ogifèç<fitoii awrfojcv domestique,
et personnifié dans. ta f mère ;de 'famHIe. . n • ? '
La province eu cercle ou «dâparfeéments' sëra> une com-
mune de second' ordre, 'i^ë-mbilte^
aux membres associés et solidarisés.' : •
L'état sera une .fanlille de •quatidème> ordre:
L'humanité, udefftmille de «^qinteie ordre.
L'humanité véritable est eilcore embryonnaire, et les
diverses civiUsations^ne^otit que lés. phases de cet état
embryonnaire, qui- est Ibind- être ^clrminé.
Les peuples pourront Ôpurei^ et 4Tfeittsfonuer la Teligion ,
mais non la supprifn^rw I^e est ^ ai kl fotsi d'essence 'infinie
ou divine, et d'esseiice hlimiâtke:pôur le lien qu'elle éta-
blit d'abord entre les bommes, pUi^ entre eux et l'uiurrer-
salité des chosesi • < • , ..f; i. .. —
Loin de les détruire , l'avenir t^onsacrera , mieuK que ja-
mais, les 9olennitéstappi9lées4ii»joiird'lmi'>saofeiomt6v qui
servent à entourer d'art; 4t de poésie les •> quatre ^nands
moments de la vie- hkimAïAe: i'entcéd dan» le 'BKUdde,
l'entrée dans l'adolesceBee;! l'^ntréi» 4ian$' la société par le
mariage , et la sortie* parf la mort. . ^
L'avenir obtiendra , par une meilleure organisation so-
BU eiÈ€t£. âf
eiaie dcr la coiDmiHie et des'cerporations-, pai" une éducatioil
seieiitifiqQe^d(mnéf»'tid8'iesl premiers jours' de l'existence ,
à toiid ie9^ieii{ambi«>taif«(^^9è8»4grand€P'4it|^ la
Pleèâàtenrs'jeette vbientdiâei«ofa¥ifl&,'déSdrmais' ouverte
à toujours à ses efforts, Thomme conquerra dé nouvelles
espèos^ mimiifeffn Pdui^'Wft'islesoiM' dis' toùt^ nature, il
iBQdffiersfTpffMotidéitieÉfti'oeltes^^i'a^éonquis^s, de ma-
û^iA(^piDdiite>dbB<vffiâété6o«p»si «liles (po^ nombreuses;
il sai0k'mieik;0iplwt«i^qu4iid}oil^ les ridièsses
dépo8éesf!daB9^1e9''doiicli€ts .deW'ieilraftfs '^ 'forment la
partie conntlerdeti'édofoeida<|^6be.^Gdndtilt par l'unité de
la 901811619^ d6)'kl»r8Ugi(ki'Tiet dà^ fia '^{philosophie, il s^arura
mieoifxlnHM utîhser ses passions,
mieux*ëm^jerisl9i forcei Uivprflf dé manième à précipiter
la réforme du passé »e^ le fè^qe du' progrès, car il y aura
Dails>la<'bonrrittires iîahriif 'to^vétement des classes ac-
tuellemeni pauvre» v diins^féchieatioi) 'physique , morale et
int^eelMllQf'de tcto;<ddi]9:rènseigiiement reUgieux, scien-
tifique etrpRrfe^ioûnell^'daffls l^éKlucatiôn, les fêtes pu]3liques
et la réforme pénitentiaire*; dans ^organisation de la pro-
duction et doilaconsoimnirtion';' danis l'utilisation des
substances oigouid'boifperdtlesi^daiis l'agriculture. Fin-
dnstrie et le cofmlnerce*; dMi5'Fe«tjWtation des grandes
forées deia Bstuiie, déstméeâtli ^^ir <fï aide aux associa-
tions humaines ; dans les routés,' léâ^canaux, les chemins
de foi^'iest pmtas' ^ftm iélégraj^ièB , <ei dans leur appro-
priaitionèftoiis; dans la- bai^ db Tint^Mcde l'argent ; dans
rorgaifottpon du icrédit; daffis^'lii pddnctiôn croissante de
riofliKDGd )da< capitid ^'dand^ la* piédMkmance du travail ;
dans la création d'immenses travaux publiée; dans la spé-
dalffiaitioiiides aasovîatîDSis } datt^ileurs»' échanges et leurs
retatid&ff téeiprecpist ; daijjsrieaagotff^nts nouveaux de notre
noirmlle^fatiupattîtéf^i^^ qfae^lesli6beté«$9 i6arienne& ou
{^MÉaRtétieAne^, oùrtoa doMeÛMPiii i^es de vie expéri-
Ces progrès rapprocheitmtrt^ bomm^s et leurs habita-
tiras, sui^fÉneront l&a»orceUement des terres et du travail,
ââ PHILOSOPHIE
Tégoïsme et rindividualisme sous toutes leurs formes ha*
bituelles. La guerre et les armées seront transformées. Les
banques, d'mdividueUeSbdeyieadiiojat sociales. Une assu-
rance générale et des; revienusr fiociaux remplaoèront nos
impôts actuels.! L'ém^latiw;iiiK)eè!âéra'à cette^guerre d'in-
dustrie que Ton apneUe)<»aoiurrencevi et chaque homme,
venant en ce mopae (xaYtaiQ diavoir4e^ 'l'éducation',' une
fonction^ puisi une retraite , .se trouvera débarrassé par une
providence sociale, des limbes de Terreur et des «langes
de la misère- Ainsi rhum^anitéf^'édlèiFera vers Dieu , 'einbel-
lissant ce globe dontelle est^la^fermiàre^ etVdssooiant aux
forces créatrices. de la psavidemov dasis la meàui^* exacte
de ses affinités, représeutée^pak^sdipùissanosiateUeotuelle
et son amour. . . i- .i •
, f
DE L'ORDftE laGIQfOÈ fiÈ ^* LIVRÉ
■ I . >.
Assez de critique.. u •. ^ . t .- - - •
Le passé n'ayantjpius.iài. pensée direotrioe, ni but à
atteindre, a perdu sa raison d'être.
Il a vécu ; sa trafisformationneomitieiice.
Prenez la longue-vue de la science et tous verrez poindre
à rhorizoQ le monde iDÔnvEau; aveô ie prestige de ses
industries, de ses art» , dlun savbip ^ui pénétrera de plus
en plus toutes leS'OOUlohes.BiKiales! a^vec oelti» religieuse
prévoyance qui séraipoiir lous lesi'holiAnes<'iine partici-
pation à Tassuranoe* unhierseUe contre l'ignorance et la
misère. ^ •• - - . > , ' ^
L'Inde etrEgyptesJEtatby^eime et Jérusalem, les
pousses su€cessiv«ë.de cetavbre humanitaire sur leqMl,
gr&ces à rimprimeme^âotsairaev Galilée i Kœpler>et iMrs
successeurs ont pti gDefferia vienouwelle de laseieiibe.
Cette vie comporte wiine jnstiee nouvelle , une société
toute différente de la société féodale , un monde moy^ ,
BU SIÈCtE. 35
centre de gravitation élevant à lui le$ masses et faisant ren-
trer ea lui les orgueîUeases sommités des noblesses passées.
Noire siècle est ooflihie< le llanus de la fable, son esprit
a. deux* figures: L'une e^ tournée v^rs l'ancien monde : son
œil élmoâaat révèle léspassiiNis l%s plue révolutionnaires ;
on la dirait: pète <à brojreraiii marteau v là briser de la hache
tout oe qui voudrait indftitteat surnager' affres Torage , tout
toutee quirn'Q ^lus^d'eilstencelégitlméi L'autre regarde
l'avemÎT^'' '■« i. »» ■ « * ■• - -l'i. s * • ,
Qm son abnour et «oè^ealibe nou^ inspirent; et puisque
la pensée doit conduire le bt?as, puisque la réflexion doit
pr^der le fait , le eavoirv toute organisation quiconque
livrera nos Âme» à la; méditation.
Le dieu du monde nouveau ce sera de plus en plus la
puissance , Faction , Tamour et Tiuiivers infini qu'ils
animent. Sa providence, sa loi étemelle sera représentée
par l'incessante action des attractions si multiples, si va-
riées, dont les puissantes sympathies produisent partout
le mouvement et la y^ (|ui diveis é^ges des productions
de la nature- '
L'hiunanité , de plus en plus virile , croira à la vie uni-
verselle , à l'ordre providentiel qui règle , dispose et har-
monise. Elle se considérera comme une seconde providence
attachée ao globe terfe9tre,"CommB un coadjuteur de la
divinité. » 7 ». .
Et toute cette philosophie se rattadiera logiquement à
un principe unique;
Cette pensée sur Dieu, la providende'^ la vie universelle ,
le plaa providentiel: des idioses* et la destinée de l'humanité,
i^'esttce qu'un 'Songe, qu'aune iUinsioB:,' que le rêve de
eonirs géiiéreux? Dieu a^auffa^t-ii plusde colères contre les
hommes; ne sera^t-ril plus la jouissance sévère et venge-
resse? La providence ne saurait-elle modifier ses lois? La
mitBie n'iifl»eUe*d<knr réelleareat'poitit' dé monstuosités?
Es(t^:permiA à.niomme de eonbalttel^ordre de développe-
ment desiphéiiomènes de la nature at le champ dans lequel
ces pbésomènes se doivent mianifester?. N'est-ce pas un
blasphème de l'amoar-^pnipre knmain , que d'accorder un
rùle en Dieu à l'homme et à l'humanité?
S4 PHILOSOPHIE
Un moment notre esprit affaissé se prend à douter ;
Thiquiélude trQufclç^ notre âm^.. ïï^ais k, science nous vient
en aide. Vojons , clit'-elïjç*^, procéfloi}^ .^u jQpnn^.à l'jnponnu ;
voyons d'abord si.Ja^grj^fiqç /tfinitjé, de.Uipujç^pp^^^^^
l'action, de Tamouf , se rettiQUve bqit.impUjeiJpipfieït^^^ sort
explicitement, au fpiBid.iJe tout^. WcMi^nciep^ioç^.VeÇgjÇ
Voyons si la çfrcuj^ffon, pt la/çoliwit^ qui. en .'seraient
les conséquences,. se manifçsfenV , partout dans .^çf-^r^^
choses terrestres et mê39cije..^^pè l^PTdççs socfptl.el, §ia&id.
Etudions les' agents, de ^'ladxwiat^ e^t ,dA"lia «solidarité :
La lumière, ,. '., J' 'j'.-.' i," , .;, .. /'v..',
La chaleur, i , t . i . ,; .
L'électricité, , . ..., . , .,, . ;, , ..
Les fluides gazeux et surf put, iVir .atrnps;pihiérique(r^
Les liquides et surtout [les çàux. , . ^
Etudions aussi les vies ^érMes et mipérales. et les
phases successives du globe,. ...
Voyons ce que l'homme p^ut ifaîre .des éléments dont il
dispose pour son agriculture et son îiidustriQ, oojoi'ment il
les a maniés, comment, avec plus de savoir, il pourrait
les mieux employer encore.
Etudions les vies végétales , anim^ales et sociales.
Essayons, en élevant peu à peu notre physiologie ,» de
découvrir les lois de la nature en tout ce qui concerne les
rapports des hommes, et que la cosmographie , dans le sens
le plus étendu de ce mot ^ nous fasse ses plus complètes
révélations.
Quel admirable enchaînement dans les œuvres de la
nature! Quelle infinie variété dans son unité! Mais le
cosmos ce n'est tout. Le fait actuel ne représente que l'es-
pace où la circulation et la solidarité se montrent sans
cesse à nos yeux.
En dehors de la puissance d'être , en dehx)rs de l'action
de cette puissance dans l'espace , il faut un troisième terme
susceptible de relier'les deux autres. -^ Ge terme, dans
la nature , c'est le temps. — Donnez-lui une parole ,. il
s'appelle l'histoire y et alors il devient successivement :
L histoire générale du système solaire y
L'histoire des révolutions du globe,
DU SI£CLE. 25
L'histoire des civilisations et des credo successifs de Fhu^
manité.
Cette ttilogîer, que^Tefeprii' étudie pour vérifier scienti-
fiqûetofeht les'iittu?tJohs dé' jïélTé âpae, c^esjt ]e poëme
im»€ill3é dé' lia nôffurè';' ri'esft TBïeti dans la partie ae son
être qètè ' nbi' ëéh^ bcftiVenf Htleiridré, ; • e*ést ' la providence
préViJ
nité ; teêbndfe'' 'jbfô'^idelnt^ ,* tdàdjutèto Ainsi se
vérifié; 'pôr^témdë Scîentïfltfiie d;é' la nature, l'aspiration
de nos cœurs vers des destinées nouvelles.
Les lignes qui précèdent sont en quelque sorte les titres
des pages d'une bible nouvelle ; nous allons maintenant en
parcouriih^'îèJ; ^èùlIlëts.'''âouvèht;hot[s'épellerons à grand'
peine ; mais le livre , si pïfôrtoè qu'il sôit encore , est dans
nos *infiôn^ *: '¥hùmànfté Ife Ifra uii jour dans son entier;
ce n'^st jplus qu'une (motion 'dé temps et d'interprètes
habiles pêrdr lès page^'ailTidïefe à dompreildre. — Ce livre
c'est rèr^catlo ^éhétjife'dé la nature ou physiologie
unrVëf selle, ddnt riôiîs ' allons essayer de présenter une
esquisse.
CE QirïL 1?AUT ENTENDRE PAR CES MOTS :
' r . .FHILOSbPfllE , S)ïef£S8B ^ ' V^&nTÉ , VfiETU.
. a . . . ,M . ... \ .
La pfertbsôphie se dit de ramoiir'dé la sagesse. Notre
siècle reçonnait ,deux sagesses ; l'une absolue et infinie ,
qui briHe 'd'un^' dîvinei splendeur dans les' lois de la
nattire et les^phétibmène^'qu^elles ehgehdirent ; — l'autre ,
humaine , faible "et J^ornée, qui doit avoir pour but et
pour volonté de k'enTapprôchèr sans cesse.
La sagesse universelle ,* c'est lé grand mystère, c'est
Dieu manifesté à i'hoinme par les affinités et la gravitation,
26 PHILOSOPHIE
par la force d'expansion qui leur fait obstacle, par les
infiniment petits et les infiniment grands de la nature.
La sagesse humaine a lieu quand notre raison coïncide par
la vérité, parla justice, pas la vqrtu, avec la sagesse infinie.
On entend par «vérité tout 'te qui «est démontré par
l'observation scientifique , tout ee qui peut Vêtre par inex-
périence et par les nombres oui4ajgédmétpife,lc'est-à-dire
tout ce qui est conforme aux kis étemelles de la nature.
Il n'y a pas deux espèces djs vérités, Tune senlÂnùentale ,
individuelle et retetive , Tartre absolue et générale.'
La vérité est une ; elle briUe du môme éclat à Benarès
et à Jérusalem, à la Mecque^ è Rome et à Paris ^ la ville
de la science. •
La justice étemelle se montre dans la gravitation qui
attire les corps en raison directe des masses, en raison
inverse du carré de leurs distances, dans les affinités ou
attractions à petite distance qui produisent la polarité des
corps , les six manières de cristalliser et les diverses orga-
nisations végétales et animales. La justice humaine a lieu
quand elle entoure de facilités proportionnelles dans leur
développement les droits ou intérêts proportionnels, accor-
dant l'égalité aux droits égaux.
Voyez le laboureur, ainsi fait-il dans son travail. Comme
il creuse le sol avec le soc de sa charrue, comme il le
brise avec sa herse , comme il l'émiette avec le rouleau ,
comme il distribue le mieux possible son engrais ! N'em-
ploie-t-Q pas les rigoles et le drainage pour égaliser l'hu-
midité de son terrain ? Dans sa défiance de la dextérité de
sa main, il a recours à un semoir mécanique, afin d'éga-
lement distancer les semences. — Chaque tige des plantes
qu'il a confiées à la terre aura donc, autant que possible,
des conditions égales d'air, de lumière, de vapeurs aéri-
formes , de rosée , d'humidité , de surface et de profondeur
dans le sol , d'engrais vivifiant : ainsi se prépare, par ses
soins habiles , la plus belle des récoltes. Transportez cette
savante agriculture , qui n'est que la justice appliquée aux
plantes , dans l'ordre moral et intellectuel de nos sociétés
humaines , qu'elle récolte magnifique ne pourrez-vous pas
obtenir !
BU SIÈCLE. 27
La vertu , c'est plus et mieux encore que la vérité , que
la justice elle-même .: a'est une vigoureuse tendance de
rame humaine vers ridétl>(i c'est une marche hardie dans
une dir^tion .conforme) au> plan* providentiel de l'univers,
c*est-à^4ire à la volontéide«la jsagease infinie exprimée par
ces lois , vqoi sont y.commp le disait éloquemment Bossuet ,
la parole < de Dieu ou iDieu> M-rmâffiae; . ; •
Etudier: ru&iverB , i recoBooaltre ses lois, transporter au
sein de rbuxoanité. quelque peu de cet ordre admirable qui
brille aux Qieca; montrer aux hommes .le plan de la pro-
vidence tel que Thistoire et la cosmographie nous l'en-
seignent par. rapport •au temps et à l'espace; les enflammer
du désir de concorder par leurs œuvres avec les œuvres
de l'infinie sag^se , et par leur volonté avec sa volonté :
telle est la mission de la philosophie.
La manière de poser. les questions influe singulièrement
sur leur solution. Dire avec les philosophes exclusivement
spiritualistes , l'étude du moi et du non moi de l'homme
et de l'univers, du petit monde et de l'infini, voilà toute
la philosophie, c'est, pour employer une expression vul-
gaire, placer la charette avant les bœufs; c'est oublier que
l'homme, que l'humanité, que notre globe, que notre
système solaire lui-même ne sont que des infiniment petits
et que des organismes divers au sein de l'être universel.
De même que dans notre nature terrestre, il convient d'étu-
dier chaque chose dans le groupe, la famille, la série dont
elle fait partie ; de même il convient de rapporter notre
système solaire , notre globe et l'homme à leurs groupes ,
à leurs familles et à leurs séries respectives.
L'étude de la nature entière , voilà donc aujourd'hui ,
romme pour les pythagoriciens et leurs disciples Copernic ,
Galilée , Descartes et autres , l'objet des véritables inves-
tigations philosophiques.
Remarquons maintenant que dans tout système , dans
toute existence, les parties diverses doivent être considérées
comme sohdaires d'une grande unité.
Si l'un des organes change , les autres doivent être né-
cessairement modifiés.
Cette proposition est la base de l'anatomie comparée et
38 pmLOsopniB
de toute étude sérieuse sur les animaux ; elle peut et doit
être étendue à tous les êtres de Ja nature , car il n'y a pas
plus de fonction sans organe ^ qujç.^'Wgqifte sans fonction.
.Appliquons ces prmciMp, ^ étude
comprendra bua^tre/^ ^tVi^^Ç)»» l^.^erre.,j Ybémme et
rhumahitë, oii bien deux. sp]ilpin^t,;4ç.miwdp fitilihomme,
le non râoï èl le moi^ qui se'^ési^f^Qt ,éft.\iae. grande unité :
l'univers , bu comme disaient ïfiîs.janpiens,; le .cosmos.
Notre conception Syrie çi|eVélwtp (J^'^apiiès o« qui précède,
solidaire^ des cônc^piîoijs; ^i^, l§i , jtep;e ^ . , pi^f; i'tiomme et sur
l'humanité , il' en résutté^çtopus.. allons le. prouver, que
le monde intellèct)jLel,i:j'esi.i^\ij,p^^r4*h^^ de
ruines. ' . ,
Copernic et dalilée , en brisfi[Rt cette voûte^ soUde que la
science du XVI"' siècle appelait le ûrmaiment, ont remplacé
la légende par la sciepce , ferveur par La vérité. Us ont rendu
à l'infini sa grandeur, et sa majesté à l'être des êtres. Us ont
renoué la chaîne des temps rompue depuis la disparition
des pythagoriciens , et détruit implicitement une foule de
croyances professées avant et pendant le moyen-âge , sur
la terre , sur l'homme , sur l'humanité , sur leurs fonctions,
leurs mission^ , leiu' avenir.
Au milieu du désordre produit par cet immense cata-
clysme spirituel, la science doit faire entendre sa voix.
C'est à elle d'étudier et d'ensejigner la place et la fonction
de chaque être., c'est-à-dire de chaque organisme au sein
du grand tout.
.Nous sommes sur les confins de deux mondes; l'un ,
celui des légendes et de la métaphysique , qui finit ; l'autre
qui commence et que caractérise la .connaissance de faits
généraux et de lois générales auxquelles nous devons ajouter
la polarité , la circulation et la solidarité , qu'enregistreront
bientôt nos instituts et nos académies^ De là , pour nous ,
la convenance de placer en tête de notre étude sur le ciel,
la terre , l'homme et l'humanité , xjuelques données prépa-
ratoires.
Parmi les hommes qui croiept à l'avenir de la science ,
il en est quelques-uns qui voudraient bannir du domaine
de l'étude tout ce qui se rattache aux causes premières ;
BU SIÈCLE. 29
mais s'il eiiste ea notre cervelle des organes qui corres-
pondent «u sentiment yénérateur, à Fidéal , à la recherche
du pimrquoi 'et dû ttoïnmètit deâ (fhoses , ne serait-ee pas
Yooknr les atrophier; "ta l^ càndaDànanf à n^ pas fonction-
ner, ^pié' 4e k^ inVolontairétneiit (5e, qu'il, faudrait pour
les afiioînârir én^bèniliîssant la grande poésie qui se relie
à toutes ce^ (iroyafûéèè encwè Vaguer ^ui flottent mysté-
rieuses entre le^'ciel et la terre f * .
La sôteiieë la plus positive et fa plu^ complète a toujours
été précédée, dans toutes les branches des connaissances
homaîiies, pér t!in^ science iticomptète basée sur des séries
et des gpoeipes' ^e faits indomplets et mal observés, ou sur
des à priori donnés par la métaphysique. Cette science si
défectueuse est elle-même Ta fille d'uiie science bien plus
inférieure encore, appuyée uniquement sur des intuitions
Irès-vagoes, très-conmses, sur des phénomènes peu ou
pas étudiés, sur des rêtes yéritables. — Le rêve, la méta-
physique , des connaissances plus positives , voilà donc les
trois étapes que l'esprit hxnnain a toujours parcourues et
qu'il parcourra toujours dans la recherche du vrai et de
ridéaL -
Ecarter l'étude de Dieu et celle de la providence , parce
que les hommes oat commis des crimes au nom de Dieu
et au nom de la providence , ce n'est pas. résoudre les dif-
ficultés qu'il faut vaincre, ce n'est pas délier le nœud
gofdi^o, ee n'est même pas le couper, comme le fit
Alexandre, mais simplement le mettre de côté.
0 est plus dîffiefle peut-être , mais aussi plus loyal et
{dus sékm le courage et la dignité de l'homme façonné par
1 etade , d'aborder de front ces difficultés. — Le mot Dieu
représente un problème à résoudre ; il réveille des idées
de grandeur, d'immensité , d'infini , que nous ne saurions
écarter sans avoir & rougir de notre taiblesse: — Le mot
jmnridence rappelle à son tour en notre esprit des idées
d'onfre et d'-harmonie, de prévoyance générale, d'action
constante , et , par suite , de lois générales. — Si Dieu , tel
que BOUS arriverons à le comprendre , si la providence ,
^ en esl la manifestation incessante , peuvent être expli-
qués de manière à élever nos âmes^ à chasser le doute
3
30 PHILOSOPHIE
qui afflige tant de cœurs, de manière aussi à nous faire
mieux sentir Tuniversalité de la vie , ses gradations dans
l'échelle des êtres, le plaa d'ensemble de cette partie de
la nature qui nous est connue , c'est-^à-dire de manière à
vivifier les plus grandes et les plus nobles aspirations de
l'intelligence, pourquoi nous priver de cet appui si puis-
sant comme consolation et comme inspiration? — Res-
treindre ses études et son langage, serait-ce par hasard
créer la verve, l'audace et donner des ailes à sa pensée?
— Ce fut à, travers mille inconnus divers que Christophe
Colomb chercha le nouveau monde-, ainsi fait, ainsi aoit
faire notre siècle dans ses pérégrinations intellectuelles.
DIEU.
Les croyances religieuses et les civilisations qui en dé-
coulent sont en rapport direct avec l'idée que les hommes
ont de Dieu et de la providence. Mieux nous comprenons ,
disait Hrosvita, .religieuse saxone du X""* siècle, avec
quelle habileté merveilleuse Dieu a réglé le nombre et le
poids des mondes, plus notre cœur brûle d'amour pour lui,
et c'est justice.
Appliquant cette doctrine à notre époque, nous devons
nous demander ce que nous pensons et ce qu'il convient de
penser de la divinité.
Est-eUe un pur esprit ; son essence va-t-elle plus loin ;
embrasse-t-elle à la fois ce qu'il y a de plus subtil et ce
qui peut frapper nos sens : l'intelligence et la matière? Dieu
serait-il l'inâni dans les trois ordres physique , intellectuel
et moral,' et, par suite, la puissance, 1 action, l'amour
dans l'infini de la nature ?
Pour résoudre un si grand problème , est-ce trop de faire
appel à la sagesse de l'histoire , à la précision de la science,
aux plus nobles aspirations du cœur ?
DU 8IÈGIB. 31
Laissant de cMé les agitations de notre vie sociale, notre
inteUigeace se rejKHle au loin dans le passé des figes pour
consulter les auteurs des livres sacrés de rinde, de TArie
(Asie Centrale), de l'Egypte, de la Judée, les druides ,
les sages de la Grèce, le» pères de la chrétienté, les tem-
pli^s qui se disent les 9uccesseurs> de saint Jean , les phi-
losojAies du dernier siècle et ceut de notre époque. A tous
elle pose cette question :
Qu'est-ce que Dieu? '
Ueu est tout oe qui est-, nous répondent, par Brahma, les
Yedas (la science) ou livres sacrés de rinde; il n'y a rien
en debois de lui, il est l'Ame y le souffle , la vie de la nature.
Dieu, répond Zoroastre dans ses Nakas (préceptes).
Dieu est l'infini. Il a produit Onnudz, la puissance ordon-
natrice des mondes. Onnudz est l'auteur de tout ce qu'il y
a de bon dans la nature. Unis à lui, les archanges, les
anges , les saints et les fidèles airiveront un jour à suppri-
ma- le mal sur la terre et même à convertir les démons.
Les bonnes œuvres réjouissent son cœur, et parmi les
bonnes œuvres il n'en est point de plus méritoire à ses
yeux que le travail et surtout que le travail agricole.
La nature infinie, universelle, vivante et animée dans
toutes ses parties , voilà ce que les sanctuaires de l'Egypte
appellent Dieu.
Les druides professent la même doctrine. Des forêts aux
chênes séculaires leur servent de temples; ils admettent
aussi des esprits intermédiaires entre Dieu et l'homme. La
grande circulation des agents de la nature leur avait donné,
mïst qu'aux Egyptiens, l'idée d'une métempsycose ou cir-
eolation des esprits dans les mondes qui peuplent les
espaces. Ils croyaimit à la renaissance de l'homme appelé
par des vies nouvelles et successives à se rapprocher de plus
en plus de la divinité, par le mérite de ses bonnes actions
H le perfectionnement de son être moral.
D est difficile, en se servant des traductions habituelles
de la Bible, d'arriver à la pensée de Moïse sur le Tout-
Puissant. Mais si l'on use des études dé D'Olivet, on est
conéntt à croire que Moïse a pensé comme Zoroastre , qu'il
a vu dans Jébova le grand oi^onnateur des choses.
33 PHiioeoPHu
Dans U principe, .Œlokim lui les Dieux mmit préparé à
la réunù^ lesélimmU de €û pid 4€eaiî étrs u» jour, le del
ei la 4err^ : .ielkâioitfploapiiefiiièiiea Ugn^ 4u Peutateuque
ou Sépherviii. -( ri f-ionno» mmt- ^r? -.? .^. ..'i •
Le texta«aiDanllifti&)ldldt^qi)6;>}3^ les. éléments
• Dieuiest'un , ^di$ait O^^^ée à la^Grèoe; il est la puissance
fécondante «t génératrÎpe-ded'univQfS., l'époux .et l'épouse
qui <>nt produit les< nHMdes. A\ œ fiijBU miique,^ le sage
de la Thraoe^w^qui aimf «pui^tiSA science aui^ sanctuaires
d'Egypte vfd0fW]ftittlx>i&fi»onaiS<^e;)ûn. «es trqû aspects de
puissance, d'aetion* et.di'aoï^iLr.hOu dit.qulil enseignait
aussi, suvile vierbes^^uelque peu<delAdo€trH>e,que Platon
et les chrétiens ont professée depm. . . i , , ' •
Pythagorei4 qvii avait étudié lesiUvpes sacrés de. tous les
peuples ,iPythagore, le plus^and des.sag^ de la Grèce,
considérait l'uniivers connue un tout animé; mais,. il y dis^
tinguait deux substances : Tune matérielle , l'autre spiri-
tuelle, l'éther, sounœ des émanatioûs ignées et lumineuses
et des émianations . intellectuelles dont,.3elon lui, seraient
formées les ftmes. -
€e que nous appelons^ le del, qui dans ses vastes flancs
embrasse tous lesôtres , nous idÂt Pliae « est un Dieu étemel,
immense, qui n'a jamais. été produit ^ qui ne sera jamais
détruit; il est tout, en tout v<oiu plutôt il est tout; il est
l'ouvrage de la nature et la nature ellenoième.
Dieu est/un pur.e$prift.,:.nous•enseign^ la .chrétienté; il
est un et triple, pêne «ilU 'et: saint esprit. Sa toule^puissance
a tiré le aao&de- diu néant. Quefa|ue£(Mfi cependant , plus
pmithéiste en son langage^, elle admet, avec saint Paul, que
nous sonuBdes^t queaoouâ nou6 jnquvonS'en lui. Par ailleurs,
elle CFOjitau mal oemme piincipe, à une faute d'un premier
coupb^ è) U transmission origineUe de ^cette faute et à une
rédemption nécessaire par les. ^«ràri tas du^Verbe incarné. U
y a deux-ehoBes dans^le monde ^. nous dit-ellci, Tesprit et
la matière .r l'esprit, r4ubst«nce impérissable < la matière,
qui subira pour les covpstdes hofwunes! une: complète trans-
formation lorsqu'ils viendront k ressusciter, c'est-à-dire à
renaître à une seconde vie; -^ Le x^hristianisme n'admet
point, cotome le maîdéBme cm religion de Zoroastre, que
Dieu paisse pfardôtinèf Axn dénMi» et ^a»ii^ grands eoupables
qni De se gemienl'-poiïït't^peniis* stirla terre. Le Tout-
Puissant des chrétiens proportionnera la punition de^pé-
chem àlfl m^^^é^vS^ Iàf*pe(soiktie^ff0ii6éie't> aussi sera-t*dle
étemeDe et infinie. Delà non- seulement» tin «purgatoiFe,
œmmedttnsla i^eligion' des mages -mai» encore lun enftr.
M. de Lameniiais, ane quelques-uns considèrent comme
le plus récéUff^deâ pêfres dé r-égli«e chrétiemie (nous ne
•lisons pas calholîqtfe')/prerfes6e le pwithéispne spiritualiste
etrimitérde3ub5tance.'*A'ses^'y«ta/ les'corpstne seraient
que d^ ombnés att^seitl ^de'lff «luttliète divine.
J.-J. Rous^au éTitede ge-proncmcer sur Tessence de
Dîeo. Tantôt il penche ^ersf le spirituaKsine absolu , tantôt
il T(Mt la dirinité-partout'! dans le soleil qui nous éclaii^e,
dans la terre rpâi nous porte,- dans rhormme qui pense,
dans la brebis «qui pat! i dans l'oiseau qui t vole, dans la
feuille qu'emporte le vent
Le rituel des templiers nions enseigne <ïue Dieu est le
srand tout; qu'il se compose d'une indivisible trinité : le
pêre, le fils, le saint-espnt. Le père, l'être infini, composé
<ietout ce (pi est; le fils, l'aetian, sans laquelle Dieu le
père ou l'existence serait comme si elle n'était pas ; le saint-
^prit, ou rinUlligence, sans lequel l'existence et l'action
ne seraient ni comprises f ni senties, ni perçues. Il tire,
«ître autres conséquences de cette formule, celle-ci : que
M ce qui existe participe «ux trois modes, aux trois pro-
priéMsde Dieu , qui constituent la vie universelle de la na-
ture et se manifestent dans tous les êtres, mais sous des
^es diverses et à des degrés diflKrents^
Frappé du rague- et du caroctère métaphysique de ces
conceptions, nous demandons à la science si elle pourrait
9ons répondre d'mie manière pius précise. Mais non, l'in-
^ est uii abîme au bord- duquel la pensée humaine
s'arrête. Elle voudrait en sonder les profondeurs , impos-
îMe!M — N'y a^t-il pas au oiePplus de soleils radieux que
^ grnns de sable au bord de la mer, que de gouttes d'eau
^«ns les océans? Le temps, l'espace, la matière, le mou-
^mmi et la vie ne peuvent être étudiés par l'homme que
S4 PfiltOSOPHIfi
dans d'étroites limites. — Les instruments et les méthodes
qui agrandissent la sp^^ de nos inrestigations ne sauraient
nous conduire à c^ qui <défMA«se toutes les bornes des sens
et même de rentendemem. La grande énigme encore si
{)eu déchiffrée de l'ttûîWrë^ ^r^'denc toujours pour nous
a manifestation splendide et infiftie de cet autre mystère
appelé Dieu. i u • : . .
Toutefois, après avoir ainsi recomm sa faiblesse, la
science reprend la question divine isous un autre aspect.
Alors elle observe partout^ dans les '^fttres 'soumis à son
investigation, une force iadiviéueUe, espèce de fragment de
la force générale ; partottl^elletetrouve aussi le mouvement,
partout Tamour, partout en un uKyt ces incessants change-
ments , ces transformations de leute heure que nous ne
connaissons que d'hier et que notre langue, en harmonie
avec notre faible savoir, lappeHe des créations. L'expérience
lui vient en aide et vérifie, âms tous les êtres connus, la
puissance , l'action ^ l'amour.
Dieu n'est donc point une hypothèse, un mythe, mais
un fait. Ce grand mystère qui nous domine et que notre
intelligence ne saurait concevoir, parce que l'infini n'a
aucune mesure commune avec notre être, nous est cejpen-
dant accessible dans une portion infiniment petite de 1 uni-
vers , qui nous le révèle chaque jour de plus en plus, selon
notre savoir. Le nier c'est impossible. Le mettre de côté
ne serait ni plus aiséni phissage.»
Ace point delà question le sentiment s'en empare. Si chez
tous les peuples, nous dit-il, on trouve mi profond respect
pour la majesté de l'univers et la grandeur des œuvres qui
s'accomplissent en son sein, "éhez tous aussi la croyance
religieuse varie et s'élève efr maison tte leurs connaissances.
La science et l'amour doivent donc marchev de front. Au
lieu , par suite, d'immolernos ftères pour le triomj^e d'une
conception métaphysique queU^^ qu'elle soit ^ unissons nos
efforts; formons une sainie^associationvmae sainte église;
complétons-nous ' les %ïS' par les autres -pour • les facultés
dont nous sommes dépourvu ; prtoccupons--nous de consr
tater les phénomènes de Finfim- et les lois de la nature,
dans la portion limitée du cosmos que nos investiga-
i)U SIËGLB. %&
tioos peuvent atteindre. — Que Tétude devienne notre
incessante prière; quQ par elle notre inteUigenee s'élève de
plus en plm vers les .tois inuip^uableis de runivers ; que la
pureté de. notre cosWi <iU9]p (^pitiff^ de notre vie se mettent
à Tunisson d&l.periteçitîoASide ^a,n«Mvce, car o'eat ainsi que
nous deviendrons de^ plujiî en plus capaUes et dignes de
Tadinirer, de l'étudier et de la comprendre. — Reculer les
bornes du sayoii:, soodar plua avant encoi^e les mystères des
existences 0t .d^s mondes * voilà la seule voie pratique ; de
la sorte nous trouverons. Dieu, partput et nous pourrons
relier nos crpyances.acJinc^es aux croyances passées^ dont
elles ne scmt que le . développenikent. La trinité des sages
et des saints nous appaj^altf a de nouveau dans cette gran-
deur des qhoses qui faumilie notre humaine faiblesse , dans
Imcessante action qui les relie « qui les solidarise et dans
cet amour, universel qui est la plus belle expression de la
ne. Placés en Dieu par cette conception, nous le retrou-
Terons encore dans le développement de toute les existences
et par suite dans toute loi nouvelle à connaître , dans toute
harmonie à créer dans la nature , dans tout bonheur, dans
tout bien-être à verser sur nos semblables.
bE LA PROVIDENCE.
Notre époque scientifique doit appeler de ce nom vénéré
la loi d'ordre et de vjie de. la nature, cette puissante attrac-
tion qui a produit, les masses, et le mouvement qui les
anime, cette affinité au^^symMthies si longtemps inconnues
qui rappDQch^ et combine les molécules, imprimant à
iether des étais.différmts jque.l'qn dénomme lumière, élec-
trieité, chaleur ; créfAt les réactions chimiques ou molécu-
laires des diverses substanges; cnstallisant et organisant la
matière de façon telle, que par des axes de plus en plus
parfaits, par des oi^anismes de plus en plus complets , elle
26 PHILOSOPHIE
arrive à produire les fonctions les plus élevées : celles de la
sensation, du sentiment et de la coimaissanee; en un mot
les pbénoQiènes j d'iprdfejiQqraL'et inteUectuel qui se mani-
festent au sein de rhuman^f^,.! il..-, n f.. ,., '.||)TI'
La p£QYi4)9)[fc^Mie^^péyl4i3QWeot,iia caisse; efficiente et
intégrante q^a b^rqipniésn/f^^. Qiond^ iqui ne «sont (que
Ton nous'pprmpttfe jjw'lwaagQ.(PW(flment poétique) que la
divt^$ et jp«wf «,o:flSktTT^,-i4tf
Songqfï ^yx.içijwns^* 4r'iW^i(Oau8^ PUJ&wmte agissant
pendflipt^ d^,§a}p4çs .fiiAr pRqdpari^e \ 4u,gic*eî;.qu^ de phé-
nomèneS| eU^|^çp^uit.ïiéc^^ffttfr<fW0fiU»t7p. Siicett^ oause agit
avec u^e:cer^me cég^AsupU^'id^Sf^on /action et 4ans son
intensité 1 le^|ph^f^^l^^^q^'«iÙe■a^lg«nf^e!Son^^ uns
aux aulfe&,,p^r,iwe v4rJ\^^4il(a|lioa ^-^.gioweatavec
harmonij^, C^MP deiifaosj^npptiopa, (fiUepi U^ qnes.de^'autres,
la Frauce n'a-l-elle jpas$ii|^i^^4€piûs.01pvÂ$ jus((u'à nous !
Pensez maintenait apx, w^uonces d'une cause plus puis-
sante encore quQ.,1^ {M^sép fr^i^çai^., agissant pwdant des
siècles sur I4 terre, eptièr^, .e( rep^^Btiez,' .cette i^ause en
votre esprit par, .les ^ affinités. Dp|ç^éçi#lw,çes': qu^ de» modifi-
cations, que (l9ç^^jîgep3ieftt^,,q^«de.ti:ansfonpatip»& vous
apercevrei^ à la su;:(^ç^, du.,glo|)^;. q\Lfl de vies q/ai com-
mencent, que d'autres qui^, fii;^ijSseni pour, recommencer
encore; que de pheijU)p\ènes.t9i^iplttS'. K^erveiljeux.les uns
que les autre^ aii sein de^ organisations iq^érales^ végétales
et animales! ■ /ri. . ^ -^ i . • • ♦
Pourquoi vous arrètçr sur /çetjto iroute ? Ayez mainteiMint
dansTcsp-it une portion de .r^espiice plu^«éteqdue<qtte la
France et que notre globe,,, notre. ■ système solaiv^, par
exemple , et une cause piu9«on9taiM^i^i^ soniotensi^ et bien
autrement pui^sante.qijLe la .pen^ française. Ainsi voyez des
yeux de 1 intelligence \^ moléci^^ du système .solaire ,
toutes si infipjipeat petites ^.parJ4il;emeat orieBtéeerou po-
larisées, S9umises k ta gravitation r wv^lopfpées en quelque
sorte d'une substance tr^s^enue^ d'une robe^éthépée, gjsze
la plus légère, vivait, à côté lesi u]»es d|9S «a^tr^s^, guidées
en leurs actes par le.urÀaJQrmités,..par <c^ amour universel
qui crée les sympathies et les antipathies , qui par suite dis-^
Dû STÈCM. S7
soul et combine, groupé et réiUnît; et bientôt an sein de
ces molécules *V(ms'«)iÉj^ flëé' 'ondàlàftioïls âthérées ,
sources de9ma[tiife^tl<]^s^él4«MI(}\iies^'M]!iàiûéU^è^ 6t ij^nées,
puis la circulation et la solidarttej' "^^J^^ ^ " * ' ' ^^
Que ttrt*ê pfeôséfe â'ëlâW'éiVédl^V'qtrélle'réùWàsfeJ eh 'un
faisceau la grfcvlt«tiott;»'lè9' affitti^Si'W^Hôldritë, 'éfes'pro-
priéléB mhéirentei ë >)« ëtibdtÉniië ffV)^dëébâeilt' la biVculation
et ta^toMiiHMr^'eH^bi^ê^lëdbërHèriéÀael'ëi^t^^^^ (Qu'elle
s'«ffr«Achissekleb'l&»M«^x)d1èitfb^^ ^and
anir^^^ k^^nnAMil, '(^'^^liiSttëài «'àtittens éfetttellès , aux
inténsHés^{yrobabtetilMt''¥d^liëi^dtde^ ô^is^flfhfés' et' dé-
(;reissHittésV ccw^antës^'IWtiï^iiWfi^ ^•iië^lîrtflté^V f^^
périodit|*eë aux yëiÉL fle-Diett; leiqiiéBes ci-éeht l'orfite; l'har-
monie»^ ïes^ë^rtle là^V^è,'&ôfrfète dèf l'brtIVé, dé Tharmonie
et des¥leslrttttefanfléës'»*rt lèildeÉtiMn': 'ôtors^bus arriverez
à comprendre* 'le'-ftirt '^tfbHttie'^é" lei^'hôrtimës' ont appelé
proTÎdetièe et dbnft'ibfeetoltaèWefifi'à pëbié à;avoir la notion.
Suppdsè2r maiiïfettatit 'nft'gétté^fès'-stlpërieur au génie
humain. Ne ?èrraît-fl -ph^ ^ en'éttfdëaî* Kritefisité dfe's cinq
lois que nous avons réuriiefe feli ^me sôùs le nôto de provi-
dence, et' les siibstèfnefes Stif lesJ^elles leur action peut
s'exercer, toute la série desi 'j^énomènes' qui doivent s'ac-
eomplir ûécessairemeiit sous leur influence , toute celle des
transformations ainquellesf ces lois doivent présider? — Mais
si cette intelligence gnandft jusqu'à Tinflili, quelle sera la
fimîte <le son dav^,'âe ses^ccntataissàhces, de ses prévi-
sions? — Lorsque nous trouvons partout la preuve d'une
ciieiiIaftkHatLniveirselle, tfuneiiniverselle solidarité.; lorsque
la polarité;' lès' afflhilés;!âi ^gravitation se révèlent partout
à nos itttîèitrgiltiônç, sufltt'terré et darte léS eèpAceà, pour-
quoi bJ* l'esprit' univèwet?' N'est-^il'lpai pl^^^ logique
d'anployet' notre savoir àréttfdièîr, tî'e^-à-dfrèf & le com-
preadre, pour le ténéret- selon te^ rtérites infinis de' ses
BiamfidfilatièiAS'?' La téite'e^ ioade', disâft'Platdïi; elle n'a
point d>'ïi^nes lAcômèteuri^, donc elle èfst iïumobile: Je ne
▼ois-pafi^ie eerveau de Tètre universel j' disent certains phi-
losaphés qm\ raisonnaiit^% himaniè^ 'de 'Maton ,* sont con-
Mis par suite; à nier Tkitellîgencede ce^and être, c'est-à-
doB K Riefa^ et à te réduire à Tétat de simple hypothèse.
88 PHILOSOPHIE
LA VIE UNIVERSteLI!EȑT'IIB=PtAN' PROVIDENTIEL.
-.' ^ M tti.. Jr.. i< .
Les philosopha», losisavanUfeaaMnèim» s'abuMt étran-
gement sur <e que l'on appelle>4ai^;'-^^ Ëtre>«ou<yi¥re ,
c'est tout un. S'il n'y a qu un vaibe être , -e'eslqne la vie
est uniY0V9tdle; qu'elle se -manifesta dans tous les êtres,
bien qu'à deada^réssou^nl tpè»idntants ks uns^des antres
et sous les formes les plus variées.
Notre longue ignorance de la circulation de la natupe et
de la solidarité qui relie • entre «ux tous les organes du
cosmos, voilà cette cause ^ laquelle nous devons attribuer
les erreurs écrites à l'enoontre' de runiversaltté de la vie ,
par les esprits les plus éminents.
Gonnaisse3>-vous une existence quî ne se rattache pas à
la grande vie de la nature? Si je respire, je puise dans le
domaine commun de l'anr atmosphénque cet excitant qui
entretient les battements de mon cœur; si je mange, je
prends dans l'ensemble des vies extérieures l'aliment qui
doit réparer mes forces épuisées ; les émanations de mon
être retournent au grand tout qui m'enveloppe ; mes pas
me font mesurer son espace et mes sens me conduisent à
apprécier les choses moléculairas sous divers aspects. Quant
à mon esprit , il est du domaine de mon être par son loge-
ment en ma cervelle ; mais il est du domaine de l'univ^rsa-
Uté des êtres par les enseignements de toute espèce que
sans cesse il reçoitde la nature qui mf'emeloppe , du grûid
inconnu, c'est-à*-dire de Dieu j i • '
In illo vifnmus H iumuêuEn lui nous sommes et nous
vivons, disait «saint' Paidy ^mand^ «ms l'-insp^ation d'un
magnifique pressentiment ,- il devançait kb siècles el voyait
au sein de la divinité, comme à l'état eipectant et latent ,
rhumanité tout entière «ecléreloppant A travers les Ages.
Beaucoup de physiologistes se sont trompés en voulant
définir la vie. La plupart ont puisé les éléments de leurs
BU siteu. 39
eiplicaiions dans les qualités spéciales à une ou deux seu-
lement des cinq séries d'existences que nous offrent les
mondes ; par suite ils ont été incomplets et inexacts. La
vie ne^«^d^i^i^ip«^y fififlqp'tl}erine &vii pas, puisqu'elle
est sans limite : elle se constate. Mais à quelque règne
qu'une existence appartienne, qu'elle soit minérale, végé-
ûle, animale , sociale ou sidérale, eUe présente les phéno-
mènes successifs ^ptô (nom QUoi»éninné^ :
i"". L'être stndîvidnaUbe»^- se > forme par émanation, au
sein d'éléments. antérieurs/: x . ■, - \ ■
2^ U sobii des transformations successires et progressives ;
5*" 11 oseille autour. «d'uan «état. moyen qui est pour lui la
perfection relative ; ..'...
4MIdém>it; . ^
S"" Sqsi parties se séparent; il y a dissolution. Alors se
présente ^in temps de repo^ plus ou moins prolongé, puis
les éléments qui avaient* vécu en association rentrent oans
la grande circulation de la nature ^ pour fournir des aliments
soit à des émanations nouvelles, soit à de nouvelles exis-
tenees. . t^
Notre système splaire est arrivé à la troisième phase de
celte série. Sur notre glcdDe, les eaux et l'atmosphère pa-
raissent arrêtés à la ;même pMode; l'humanité en est en-
core à la première, tandis que des existences plus rapides
en leurs manifestations., accomplissent journellement sous
nos yeux les cinq (emps.de- la vie.
La physiologie a pu étudier longtemps l'univers, sans
but déterminé, sans désir ardent d'arriver à comprendre
l'ordre général du grand touit et la sagesse d'une action
toujours la même, toiqovffs<eoDstante, ou régulière en ses
variations; mais le vieux; savoir est débordé. Partout au-
jourd'hui l'esprit de l'homme recherche le lien (la religion
et la cause) des êtres ^i dei.telie sorta que la théologie ou
étude deAieu se eooloiïdisaDs cessedavantage avec l'étude
philesopfaiqufi^ du cossk»^' c'estrÀ-dîpe avec la philosophie
ou physiologie gâo^le.
De rinrairiabte loi i qui gouverne la nature sous le nom
générique de providence, sons les noms de force, de concen-
tration et de force d'expansion, sous ceux encore plus
40 PHiauofiOpnn
spéciaux de gravitation;, d'affinités, de polarité, de circu-
lation et de solidarité.^ U ié9alterquele>x^amp 4ans lequel
les êtres^oivent.âe dével^ptr^JadifcotioiirdQileurs déve-
loppements sont des (aitoinéeaiwtéB.nf Mi Mr.' Ml*
Ce.,Q}ifi]»p et oette. cburefilttofdes .je^is^enoes^^imposés
par r4eUpnkM)essiinteTdd ki> kâi4kiidriBi^t)idt.hriesnreilà
pour noM^ie pIan:pro«idei)ttfiU ^^t . .fr ti v le •(> h.
Son pv^mier eara^tèsè edl( dtètreenteetenurpavilareirca-
lation 4es impondéraUesiet 4esipA^dârAUes.^ sonis^oad,
d'offiric partoict aux^ yena^ /ii^eUfigenlsnla^ pltis, «dmirable
solida4té*(diaQS toutesr seB:partieài (•> ,••:;/>,.. .n >ui.'. ui -.
Le ploD' prQiûdentîel{>fieiuti.qnoQK0:étrdi»esaiiBlié* dans
re^pactf^et* oans le t«mps«'rS6k)nla!-ooa0iejprf9>U«iet «selon
rAttf^otre. La cosmographie deviez alnrs la^ficiemet générale
de to^s,les phénoui^nes et -do 4oQSi lise^ faits fattlniiÉR à «me
époque d^pnnée., tandis que libiMoire^racMteieidéerit la
série des- phases que chaque «eKistance {larcdiurtidifis ses
manifesi(a(tions. ' ... t. . .
Les séries de phénomèoea^ tes «nsKd^rdro^soeial, les
autres plus .matériels^ que cette. élnaée^netenjévictenee,
voilà Texpressiondela vofenté d&i)iie«flB^on)les théologiens;
le résultat néeessaii» des4oisiide^k«patareis«dnn lesipbjsio-
logistes- . : '• •;•.;':. « i •*
. ] M -il [; : . r. / .• : : . ■ {■
DE LA DEBTINÉE'&B L^HUMANTtÉ. '
. ■ .■ -•.;!./ '..;■■; ri *'■ ' " •.
. . ^ ,. ï. ' : • . î .- •.
Je dirais volontiers «vec aamt Augnatiaf que- chercher
Dieu^ (|'est cherchée da vii$.hQ»r8iise;;qti6 les hommes n'ap-
pellent., de leuQs. vxBus une meUleiirB existence que parce
qu'ilsep ont lApmsswiiaMit;'M»ftûiÙL<iharo^ trouver le
Dieu de saint Au^^tin, c'esttà^iT&ia[>perfectiQDi, le bonheur?
La prière et la grftce^ voilà les sources Teligieuses du
bonheur selonie christiemisine ^la dernière et 1» plus étudiée
des religions révélées» Transformée par la r science ^ cette
grande religion voudra encore y puiser.
DU SIÈCLE. 41
La prière est une élévaiionide» notve âme vers Tètre des
èties. Haîsquettepnàiepliisrélc^ée j'plufiidi^ito^de-rbomnie
et deis diwiitéi^>4uftrâtialisi}qqr9'0àU)MâiBo(t)t^ que
Vétude incessante de l&<fiâlaee»ytq«i»ireihiMfr«tt6nti{ de
ses phénomènesi^ (faerU^raidiIffohé* iéi^ëê Ièis.<{Sîi'11ionaiÈe
eniuit.ett déMev'«i iibniaaitëaù bbreëmv'mdèrëCtaiiAive
en pésencedes grands spectaclbtflIuéliivoÇireh^i ïek mondes,
s'aàraE9sefcit>4an8 leiantecnfor; ]^ d«») sii^icaiionis; à ôet
infini qaides deiÉiia«V'y'h<>iB^^'®^i'b»mêMlé'tl^ont^iIsjp^
pcntt^eiM'y^aps tbirlige'fAii»UYirilv'dei>S''aék à Dieu
dans un autre langage, et d&'ttnqptacerJpa^ ^a^iDéditation
GiHilëm{dative et ^surtouti pai:txj|f'<ë|tuâa' >eti 'la ' idonnaissefnce
scieiitiflqaei^^iai>>«n:«*ost la) eonsécfQQBSce; le& peurs et les
sapplîestHmsd'nne antDeép«qdede|a vie?' ' '
C^ldiieiUeiir meyen^d-'étudiér èl dei prier' F4<re sU]»téme
que 'de : reoheiM)her> aa^ ) vrioiité^4ans! le»^ lois 'de< <taf nature ?
Le resAe n'est trop -soMent'qae^BtiMMption, 'manière' de
déifier les croyances et les désirs ae ThomBiev d'abaisser
Dieu que nous 'OonnoissoBd si- 'peui'at>dent>'riiTfim est si
aa-deœus de notre ««bendeineni ,i pour îraffubler de nos
homeors^ ••d&' nos pnéÎQ^ésv de'iioim ignonmcey de nos
mesqaipeeet hoQteoMSipassîonsi MiséraUe'etrchéiîve créa-
ture! in ne ferais le bien que dans la crainte d'être damnée,
lorsque tu portes au-dedans de toi ta raison , cette lumière
qui doit éclairer ta vie? Tu te gardes d'être méchant parce
que tu n'oses : mais c'est déjà de la méchanceté , quelque
chose d'indigi|e4/iiii êjtre qople-etTgéa^ux» a. Moi, te dit
a le prédicateur Charron, en son livre de la sagesse, je veux
a qae tu oses, mais que tu ne veuilles, quand tu n'en serais
» jamais tancé ; je veux que tu sois homme de bien , quand
• iQjie dofnaisfamaisJidlerien paradis, 'Mais ''pour ce que
» la naftnrs:^ lacaiion; etet^i^diM Dieu le veut; pour ce
B ipie latloi et-la pcJu». générale du inonde d'où tu es
B une pièselareqpidstiaiBBiv'etttitiiiéJfiMx'ebiidentir d'être
» ant» qoe ta ifaiUesiooDtre toi<»4nèine, len éltre^iei ta fin. »
G'étaîl, il y a huk mille uias^ nn grand enseignement
qiied'aBnon6eraux'hoBUnes.le'tiÂeniirfie définitif tlu bien,
du beau j de la vertu ; quei de -les i associer aux saints , aux
aqges et à Dieu lui-même , comme le faisait Zoroastre,
42 PHILOSOPHIE
pour combattre resprit de mal et de ténèbres représenté
par les^maux mauaisaats, k misère, Je rachitisme et la
f)rostiiution. M^is auj^^urd'lKui nous n'atoDS autre chose à
aire qpe d'étudier, le.fian.proviâentielr et les lois qui en
découliênt, pour iio^,yiCûSiformeF; C'est ainsi seulement
qu'il est possible de.cee0nnaitre la pince assignée à l'homme,
dans c^t immense CQQcerltOÙ. les perfections du cosmos et
les sublimités des mondpset des incessantes créatitms sont
chantéesi à chaque instant ^ «yee le lyrisme le plus complet
et dans le pl^us magnifique «des langages.
La grâce, telle que d'entendaient lesanoiennes croyances,
est immwquahlement suivie. du salut et du bonheur éter-
nel , qui se manifeste par le règne étemel en Dieu et avec
Dieu. L'être des.ètces étant tout->-piiissant ^ l'homme qui
règne avec lui participe, de cette toute-puissance. Ainsi
fait-il^ lorsqu'en étudiant la nature il se met en mesure
de comprendre le but tde.la providence et de travailler à
l'accomplissement de ses plans.
Obéir a Dieu, VQilà le langage de^ croyances religieuses
du passé ; suivre IéBs u>is de la nature , voilà «elui des
convictions non moins religieuses, mais plus savantes et
{)lus philosophiques, que nous. enseigne la physiologie* Au
ond c'est la même chose, car c'est, comme l'a dit saint
Jean« marcher vers la liberté et la vérité.
La grâce, cette protection si touchante accordée par
Fêtre des êtres à l'enfant au berceau , «ette lisière de l'hu-
manité des premiers Âge» n'est donc pas un non-sens ; mais
elle sera de. plus en-plus^pour le philosophe, la science qui
élève, qui grandit l'humanité ,- qui l'associe à la puissance
créatrice et ordonnatrâce de l'univers. L'homme aura besoin
de vénérer encore, mais cette vénération aura changé
d'objet et de caractère ; ellci ne sera point uniquement ma-
térialiste , parce qu'il y a dans, ce monde L'esprit qui vivifie ;
elle ne sera point uniquement spiritqalislie, panse qu'il y
a aussi dans ce monde autre chose, que: de l'esprît et de la
lumière. La sagesse écciteL eoigros cttractères dans toutes le^
existences et dans toutes les transformalions de la nature ,
voilà quel sera dorénavant l'objet ides contemplations hu-
maines. Arrivée à comprendre l'ordre 4u grand tout, dans
BU glÈCLE. 43
h partie qui nous est accessible, rhumanilé se repliera
sur elle-mâme pour s'y eonformeF. La loi de son développe-
ment, la source et.larcause de ses progrès deviendront
Vobjet de ses invesli08utk«e.iSUe"aiira ocwirnencé par re*
connaître qu'^Ue est soumise afoxdois générales de la vie ,
puis elle irou<ka se sentûr vivre ^de la vie universelle : alors
elle tentera de réaliser le -parfait dans l'association des
hommes 4 commoiil-sei^Use chaque Jour en dehex^ d'elle
dans lesxnstallisations ^s eombinaisons^ chimiques, dans
les (M^anisations végétales^ et animales. Les pogrès de la
science et de la 'pfailosophie<lui auront enseigné la part que
l'homme peut {ûrendre dans la création d'une plus grande
sdidarité et d'une circulation plus parfaite à la surface du
globe ^ l'action qu'il doit exercer par la culture de la planète
sur les éléments de circulation ^ • sur la lumière , la chaleur,
réleetridlé, l'atmosphère,' les vapeurs, les liquides et les
subsiaBces solides qu'ils peuvent dissoudre ou même em-
porter dans leurs volatiUsalions ; il connaîtra l'influence
qu'il peut acquérir par son action persévérante sur les
espèces* animales et végétales^* les transfonnations qu'il peut
leur imposer, les progrès- qu'il doit leur faire accomplir ;
et il sentira qu'il est à la surface de la terre le reflet de l'in-
telligence infinie , la loi vivante , la loi d'ordre et de dévelop-
pement , une seconde providenee chargée par la nature
d'aider le ^obe entier dans l'accomplissement de sa des-
tinée. Mais à quelles conditions ?' C'est qu'il deviendra de
|dus en plus le sertnteur de Dieu selon le vieux langage ,
le fermier de la terre et le ceadj$deur de la nature, selon
les données philosophiques. Àmsi sera supprimée la loi
écrite, si contraire. au bonheur des humains. Toute loi
écrite étant faite d'après les idées du passé, se trouve né-
cessairefluenten lutte avec le progrès* qui la nie. Lorsqu'il
s'agit de réaliser l'aveair, toute nègle qui tend à immobiliser
ce qui fut devi^tit, par suite, une. source de révolutions.
Lea lo^ de mieuxien mieuxoonnuesde la natcure, voilà
pour J'iiumanité oecede parfait, cet idéal vers lequel les
assoeiations terreatres dœvent 6e dirige. Ces règles sont
absolues, mais il n'est pas dans notre. organisation de pou-
îoir jamais les embrasser entièrement, ni d'arriver de suite
44 PHILOSOPHIB
à la perfection relative qui nous est destinée. D'an côté ,
toute évolution s'a^compHt lèntetnétit fet Mr dés progrès
gradués; de l'autre; la- ,TiStiire'(fe^t,rififfmi;' l'absolu, elle
nous dépàfesoBt ftdùs déprf*yera'W6jo*urt:'* .-'»"'•
L'humanité V ' M l'éufeHètrS' li W / h*a - JaiîiaSs' ' vécu sans
doetrines; elle a bé^sbih d'to lietiî spirituel;' d'ùh îdéàl.
Plus ses facultés^ se dévelo^ypent, plus ses rtoyattdes gran-
dissent et détiennent' titie' |loftion ttécessairé de sa vie.
Dès ses premiers jotfrs,*!èà niôridès 'éWiKs qui T)tffiaient
sur sa lètè , le^ montagne^' é* lès^plaitîes fléfe 'côntlttfents ; les
mefs au bord desquelles' <éMe essayait de ftèïés'èàqùîft, les
espèces végétales et àttWièflè^et lesitibe^slftiïAàihié^èîVArîées,
jetée* îja et 1* cotnme deS's^enïéWeeife stif lefslétté^ lés toietix
approptiées , Tunirers eti ixiï inôï dëVait ttéteséairement
fixer rattentiontieri intélB^encèssupéirleui^sl" ''*
L'origine des choses' et leur 'btil, <îé^ ^^ii^ gfaiids pro-
blèmes que présente pttttotit le "coitods , tel a 'été , tel sera
toujours Tobjet côn'stant des ihvestigatioris dès horiimes.
Sous le nom de philosophes, "ils ^e propèsetit d'appliquer
aux choses de la • terre uli peuxîè bette Sagesse infinie qui
dirige les mondes. ' . : •
On doit les appeler savantsf quand ils? ajoutent i' nos con-
naissances sur rhommeef^uf l'univers. '
Ils deviennent' les chefi âè' la reli^on quand ils nous
enseignent les rapports tiécessail^s qui relient leurs décou-
vertes et quand ils les rattachent au service de rhumanité.
D'où vient et où v^ le monde?
D'où Tiéht et où va notre gM**? '
D'où vient et oùva l'h\imanitér? '
Voilà trois question^/ dont la sdlution de plus en plus
approtinb^tive réstime , selon- les Ages , ' les connaissances
humaines et la sagesse des guides des peuples. • '
Tous 4es révélateurs ont eu la inême tendôiibe : tous ont
voulu de plus en plus énergiquement que les neltions se
dégageassent des sentiments de l'animalité qui vit encore
en nous pour s'élever dates 1- échelle des êti^s; en se l'appro-
chant de ridéal humain tKmr toniier W gî[*ande famille des
peuples. Mais cette pensée a rencontré partout deux puis-
sants obstacles, l'ignorance et la misère. Ses formes diffé-
1^0 S<iBGL£. 45
rentes , mafiifestées par des cixiUsatioos très-variées, sont
moins le résultat d'une di|i(edrgei94C€|,idaw$tla,div:^tion des
esprits suft^eurs, que l&.t^mçjgpfigq des t/iJiflicMlt^s qu'ils
ont rencontrées, qae.ji'e:!(pr€;9^A'.^W iâiffQft9r^i^';Qs,ont d&
faire au ae^.des ^lilie^x svii'ilQgqmilHrjUi^ agissaieM^ u^.
FiJlp dept sociétés incoanues,dep pr^a^fl^s»<lge6* deseendue
avec Bra^l^ma au ses'prédé(cesse^W[Sk.le^ «agesiiJJyncanîens,
des mic)|itagnes de la Ivaute.A^ie pQHF câjviJfow. Je globe;, .per-
fecijoDQ4^e,.w .Occideut par* 2>âroas^re( et tw^mise aux
peupl^.p^ les mages, les dinMdé^}«lilesMpatri.d<rahe8, la
crojr aîiefa.iipUgieuse , la jfeligioD r ««»lwi lei , fîulgaire4angage ,
s est .^pçevçlj^ en Egypte aux,,sa,)|^^a^ deiïby^setde
Memphi^». pour s'y déve(opj]^:S9US.:Vinfluanceideirétude
des gf^(£^ lois de lai vîe. $0|e(t\e dds .idWjpJ^si a^saCiMoise ,
Orphée, Pythagore et Platw^ elVn $,*^'jpgi<>olff^:dans le
monde i;q\isdes.aspects qui pojiivfiiidfit.^nfliîtfeiduxipeuples
entièr^ipeiit' nouveaux r «bien. qu'^$- i^r fussent quoi .le déve-
loppej|neo(4<que le perfectioiEvaeim^, naturel tdei crovanees
antériewesqi^t P^ Çoud^ha, f^reoaiffpt dans .l'bide une
forinejww^Ue.apitfopiïiée (^mf.u¥B]4psdi^,pwplps dX)riient.
Depuis lors Odin, le Christ, les pères de rJEIg)i&ei, Bt dans
un Qrd^^^oondaire Mahpm^treiLf^her^^lairOnt insufflé l'es-
prit qui anime encore: le yi/è^% monde, y étudie de la nature
ou phy$îoloffie lui fera faire ua pas' nouveau*!.'
Vis-à-yi^ des bonun^s âoûyancipés, larévélatf ui^fta changer
d'a^nect; âlva sortir, il est d^h sorti^ui^ppUijB^ife pour
vivre au milieu des mortels à la fafio^ d^sasoG^pitoye^os.
Connu sous les noms de Kœpler^de£îatilée i df fPascartes ,
de Newton^de Leibnitz, deSpinosa^dedM^ièretf^f^Oin^
de Condorpet, de Saint-Simon, de É'o^r^dri d^^R^rt Owen,
de LapLacOtr.de Geoiïrpy Saint-Hilaice, d'Arago^^d^iAe Hum-
bold, et sous le nom,CQUectif deswa0«|déuuessay#i)te$eitartiS''
tiques^îLfoi:m^ aujourd'huitcet ^tre^0Aidtiplj»v Q^t.ft^samblage
de sa,xa^(^ de phiJk>3opl^t.4eaK]ff4isli| tous
genrj^.qui, ûssésde U guerre soeifiif^ désesp^ia4e Vigpo-
mj^ et 4^ r,éta|. abject d'u^a .gnai^<^ p#f tie des {populations
du glf^Mf^ ^^j^^génient en.^mijile: maiwiie^t' chacun^ selon sa
spécialité, pour. ouvrir. aux. hownesiechamiQ du bien-être
qui est au;5$i celui des arts civilisateurs, de la vertu, de l'idéal .
46 ^filLOSOPHIE
DE LA POLARITÉ, DE LA SOLIDARITÉ ET DE LA
aRCULATION DANS L'UNIVERS.
Il y a trois séries de phénomènes d'ordre universel sur
lesquels les anciens n'étaient pas suffisamment renseignés :
nous devons les faire coi;maître. — Les académies et so-
ciétés savantes, vrais bureaux d'enregistrement, ne les ont
pas encore suffisamment étudiés et pesés : c'est donc à la
philosophie du siède de démontrer leur réalité et leur im-
portance, en faisant comprendre le rôle qu'ils remplissent.
Toutes les molécules de la matière jouissent de la faculté
de s'orienter quand elles sont abandonnnées au libre exer-
cice de leurs affinités, quoique cette orientation puisse
varier avec les températures ; mai^ une molécule qui s'o-
riente en cristallisant prend un axe et des pôles. Les axes,
les pôles, l'orientation des molécules sont donc des faits
soliaaires. — Le grand rôle joué par la puissante aiman-
tation du globe sur la polarité de ce qui existe à sa surface
est encore à étudier, et nous ne faisons que le pressentir.
— Dans un autre ordre, dans celui des organisations,
comment nier la polarité ; n'est^elle paâ évidente dans les
végétaux , où elle produit la racine, la tige et les feuilles ;
plus évidente encore dans les animaux, chez lesquels il
existe un organisme spécial , le système nerveux , qui lui
est exclusivement consacré?
Le système nerveux lui-même a son orientation, sa
racine , sa tige et sa tête ; mais si l'organe essentiel de nos
manifestations animales, mtellectuelles et morales a sa
polarité, on peut et l'on doit eix conclure qu'à existe une
orientation des intelligences.
Toutes ces proposition^, que nous ne faisons qu'énoncer,
demandent et recevront une démonstration plus complète
et des développements plus étendus. Il convient mamte-
nant de parler sommairement de la circulation et de la
tv sïÈciE. ii
solidarité , car nos lecteurs ont sans doute déjà compris
que, des phénomènes de polarité, de circulation et de soli-
darité dits matériels, nous arriverons à la polarité, à la
circuiatioo et à la solidarité "déns Tordre moral et social.
• / Il /, \ 'II*'
CIECULATION Et SOLtDABIT^ .
Portés sur les ailes^ des vents , le» nuages produits par
l'éTaporation des eaui de la mer arrivent sur nos conti-
nents. La verdure , les arbres et le froid de nos montagnes
les attirent; ils s'y coisgèlent ou deviennent, sous la forme
de pluie, l'origine des sources, les ilnes constantes, les
autres en été tarissables, qui forment les fontaines, les
ruisseaux, les rivières et le? fleuves. C'est ainsi qu'après
s'être élevée à l'état de vapeur, après avoir baigné mainte
rive pittoresque et créé partout les charmes et le» harmonies
de la nature , la masse des eaux de circulation retourne à
la mer remplacer le vide produit par l'évaporation. A c6té
de ce grand phénomène, combien de faits de solidarité qui
oichalnent et relient les glaciers et les réservoirs de nos
montagnes, les stalactiques et les stalagmites de nos grottes,
les mâle cristallisations dues au passage des eaux, les
fleuves souterrains qui donnent, sous la main de l'homme,
des sources jaillissantes, les bois, les prairies, les jardins,
les villes et toutes les existences qui se rattachent à nos
fleuves, depuis le grand port ou ville d'entrepôt qui ré-
sume le commerce de chaque vallée importante , jusqu'au
Elus humble des poisscms, des insectes et des plantes dont
I vie s'agite sur leurs rives ou dans leurs ondes. Hais la
drculation et la solidarité ont bien d'autres formes.
Voici un bec d'oiseau dur et recourbé , fait pour percer et
déchirer des chairs crues. Ne suppose-t-il pas, dans l'animal
qui «1 est pourvu, des yeux perçants pour apercevoir de loin
sa proie; des ailes véritables rames aériennes, mises en
mouvement par des muscles vigoureux ; des pattes armées
de manière à saisir des animaux vivants, à pénétrer dans
48 PHILOSOPHIE
leurs chaiîff, à 1^ emporter au besoin à travers les airs ;
de grands ôs creux lormaût line charpente aussi solide que
légère; un t^àfôùiàc èCttes'îttte^tins propres' â digère^ une
nourriture 'aiiiiftalô • toè' Wkulàtïori d'une grande activité,
susceptible dé èatîsîair'e'aui exigences fôrganès laborieux?
La même'soltdarîtè n*éxlste-t-e'llè pas entre toiis les organes
d'un autlré oiseau oU' d'un autre animal quelconque ? Et
Maintenant, partput où ,T*6n rencontre un animal ou un
végétal, c'est-à-dite un 'êlrë'olrgânîque,"n'est-îl pas là source
de deux couriints, et, par stiite, d'une véritable circula-
tion? Si,' d'uh èôté, il jbulse'dans les existences ambiantes
et dans le^ éléments 'de circiAalïoii générale lés alimehts
de sa vie , de l'autre il doit l'eridre à la nature , dans le
cours de son existence, tout ce qu'il en a reçu. De là cet
immense va-et-vient dé molécules qui, sous des^ formes
diverses, émerveille sans cesse les poètes, lès philosophes
et les naturalistes. Noiis aurons ultérieurement occasion de
démonti^er les rapports dé circulation et de solidarité qui
relient les espèces végétales aiïi espèce^ animales ; les unes
et les autres au globe que nous habitons?; niais îl contient
de pousser pliis loin nos investigations. Entrons dans la
vie sociale : si imparfaite qu'elle soit encore , elle nous four-
nit d'utiles enseignèmentsf^. — - Qu'est-ce qu'une ville au
point de vue de la circulation et de la solidarité?
Qu'un troupeau de gros et de menu bétail entre daiis
l'une de nos cités , ce troupeau est acheté par des bouchers
qui habillent et détaillent les chairs , tandis qu'ils mettent
de côté le suif, les intestine*, les peaux, les cornes, le
sang, les toisons, les pieds ^ etc. Les chairs sont mangées,
mais les os ne le soïit pas ou ne le sont qu'en partie , et
nous examinerons plus tard leur emploi. Le suif passe chez
Ids fondeurs, qui; le mettent en pain et le revendent soit
aux fabricants de bougiez s^ariques , de savon et de plu-
sieurs autres produits, soit atii fabricants de chandelles.
Les intestins vont dans les boyauderies , où ils sont préparés
pour l'usage de la charcuterie ou pour faire des cordesl La
laine est reportée au marché; elle paisse par plusieurs mains,
traverse des ateliers dans lesquels on fa fait carder, filer,
teindre, tisser, pour la livrer ensuite au commerce sous la
IU7. SIÈCLE. 49
forme de draps ; ou lûen encore, loulée et transformée en
chapeaux , elle devient une fLut|re espècç de vêtement. Les
peaux vont chez le tanneur, p^is ,^^ lecc^roye^i^ qui leur
donne. le dernier apprê(,j,, elles, piisseijLt de U,,fi^leaf.,les bot-
tiers, les carrossier^ /les setUers, etc. Les os^ le$ cornes,
le sang, les pieds des animaux,. les rognures de peaux,
les poils enlevés par le tanneur, sont aussi portés au marché,
et ces objets, rejetés autrefois, aV|eCjinépj;is comme inutiles,
sont naaintenant entoiirép d'aphe.teui;s. Les agriculteurs y
voient des engrais précîeuiç*; les fabricants de bleu de
Prusse^ la matière j;)reiaière:. de leurjndus^ric^ vpuis vien-
nent les raffineurs , qui ont b^esoin dû sang ; l^a, taWetiers ,
auxquels ilfaut la partie co^i pacte des os.; le^ chimistes,
qui font (de la gélatine, de Thuile de pieds ije bcôuf , ou
qui dégraissent les os pour faire , spit du gaz , soii du savon
avec la graisse , et , avec le reste „ du charbon animal , des
sels amoiiiacaux -, les fabrfbants de feutre ^ doubler les na-
vires et de colle forte, qui utilisent les poils et. les rognures
des tanneurs, etc. Mais ce iroupeau, en entrant d^ns la
ville, a payé des droits q^ii servent à entretenir la propreté
des rues et la sûreté des citoyens ; par son' séjour, il a dû
Srodtdre des fumiers , consommer des fourrages, ïaire valoir
es aubergistes et des n^anouvriers. Les objets à la pro-
duction desquels U a contribué., comme les draps , les cuirs,
les chjapeaux , la gélatine^ la colle forte, le noir animal , le
sang desséché , le sucre raffiné , le bleu de Prusse , les sels
amoniacaûx, le gaz. le savon, le feutre h doublage, les
05 et la^ corne travaillés, l'huile de pieds de bœufs, n'ont
pu êtx:e emportés ^ échangés sur plac,e ou exporté^ çans faire
valoir des charretiers, des marins, des portefaix, et sans
davenîr une source nouvelle d'échanges, l^s quand tous
ces objets ont été employés, quand chacun a su trouver
dans 1§ valeur et lutilité qu'il leur à donnée, p^r le secours
de 3on industrie , le secret de vivre et., par contre., de faire
vivre les autres , un autre troupeau ou toute, autre denrée
vient ,sur le place publique remplacer celle-ci et oroduire
des. effets semblables. Une, ville est dpnc, à bien aire, un
bazar, une 'foire perpétuelle où des producteurs nombreux
et solidaires, reliés par une incessante circulation, échan-
SO MIILOSOPHIS
gent sans cesse de nouveaux produits. C'est un spectacle
fait pour émouvoir le cceur des hommes qui savent penser,
que cette succession rapide de denrées qui se renoua
vellent. Ils considèrent avec orgueil la richesse qui en
naîtrait pour tous dans une société bien organisée, et le
bonheur public qui en serait la suite assurée. Mais combien
peu des mdustries que la vente d'un troupeau nous a fait
passer en revue étaient connues de nos pères ? Il n'y a pas
encore longtemps que, dans beaucoup de villes importantes,
le sang inutile coulait sur le pavé; les rognures de peaux et
les autres débris de tanneries étaient jetés parmi les im-
mondices ; le noir animal, aujourd'hui si recherché des
agriculteurs, enfoui dans des fosses au sortir des raffineries
comme cause d*infection ; alors, la fabrication d'huile de
f)ieds de bœuf, l'extraction du suif des os étaient inconnus ;
e sel ammoniac nous venait d'Egypte ; le bleu de Prusse
était à inventer. Voilà pour le pfcsent ; mais quelles trans-
formations nos villes ne subiront-elles pas quand la circu-
lation et là solidarité seront suffisamment comprises ?
Est-ce là tout , et la circulation sidérale et la- solidarité
des divers systèmes solaires seraient-elles des rêves de la
science ? Est-ce que les divers groupes stellaires ne pèsent
{)as les uns sur les autres ? Ne trouvons-nous point partout
a lumière , la chalenr et l'électricité , cette unité trinaire
encore si mystérieuse des choses impondérables, qui se
répand sans cesse à travers les espaces éthérés ouverts à la
grande circul«(tion des mondes? Notre terre elle-même , que
le soleil emporte avec lui vers la constellation d'Hercule,
n'a-t-elle pas son magnétisme, sa chaleur et même ses
lumières propres ? Quel est l'insensé qui oserait nier la cir-
culation et la solidarité dans l'ordre intellectuel et moral en
présence des chemins de fer, de l'imprimerie et des télé-r
graphes électriques ?
Homme superbe et dédaigneux , qui as eu si longtemps la
prétention, en te repliant sur toi-même, de deviner le
cosmos , ouvre donc les yeux ; regarde en face la nature,
cette mère si belle que tu méconnais sans cesse ; demander
lui ses lois, sache t'y soumettre , et alors tu recevras en
retour la grâce de ses dons les plus splendides.
DU SIÈCLE. 51
Les sources de la circulation et de la solidarité sont au
lUHDbre de six : les liquides et les gaz, que Teau et Vair
atmosi^érique représentent à la surface de notre globe; la
lumière, la chaleur, l'électricité et la pensée. Nous les
étudierons chacune dans son Heu.
DE LA CHALEUR, DE LA LUMIERE,
DE L'ÉLECTRICITÉ.
Deux grands faits nous frappent sans cesse dans nos
iuYestigaiions scientifiques : la concentration des corps et
leur expansion. Nous savons étudier les forces qui les pro-
duisent, mais nous ne savons rien, absolument rien de
l'essence même de ces forces. — On appelle habituellement
attraction les formes de cette volonté, bien autrement cons-
tante que celle de l'homme , qui concentre par gravitation
ou par combmaison chimique , quoique la gravitation et
les affinités moléculaires soient très-différentes. On nomme
chaleur ou calorique l'expression de la puissance ou volonté
qui s'oppose à la réunion.
Le calorique est-il un pouvoir accessible à nos investi-
gations, ou une simple manifestation phénoménale d'un
agent inc<Mmu? Son impossibilité d'être pesé avec la balance
ou le baromètre l'a fait appeler corps impondérable , et le
langage usuel a singulièrement dépassé l'état des faits
scientifiquement observés en l'appelant fluide.
Pour s'élever rationnellement au principe du calorique ,
pour arriver à l'étudier dans son essence , il n'y a qu'une
marche à suivre, c'est d'étudier d'abord tous les phénomènes
de la chaleur et de les bien classer par séries et par groupes.
Les uns ont trait à l'intensité de la chaleur : les thermo-
mètres et les pyromètres , la thermométrie et la pyrométrie
ont été imaginés pour les mieux apprécier.
53 PSILOSOPHIE
D'autres se rattachent à la oonnaissance de la quantité
absolue de chaleur que les corps Qontiennent dans un état
donné : le calorimètre et la calorimétrie servent à les
étudier.
Ici nous trouvons d'iinmenses lacunes que nous signa*
lerons à l'article des vies minérales ; elles correspondent à
de nouvelles découvertes en chimie. Ces lacunes comblées,
la métallurgie et Tart du chauffage ou pyrotechnie des
ateliers feront aussitôt les plus grands progrès.
D'autres faits se reUent au calme ou à l'état statique
et au mouvement de la chaleur.
De là trois séries de phénomènes calorifîciues. Entre ces
phénomènes, il y a des rapports; l'expression de ces rap-
ports porte le nom de lois. — L'étude des lois de la chaleur
se trouvant aujourd'hui dans tous les Uvres de physique ,
nous n'avons point ici à la reproduire ; mais nous devons
signaler ce fait, que souvent on se presse 4'enregistrer
comme exacts des rapports inexacts ou incomplètement
étudiés. De là des lois qui ne sont pas réellement scienti-
fiques, c'est-à-4ire qui ne sont pas des lois.
De même que Ton divise ou peut diviser en trois séries les
phénomènes calorifiques, de même on peut classer les phé-
nomènes lumineux de manière .à former dix groupes sou3
les titres suivants :
Optique. — Photométrie.
Réflection. — Action des miroirs.
Réfraction simple. — Action des lentilles.
Dispersion. — Achromatisme.
Cristaux à un axe. — Polarisation.
Ondulations. — Interférences.
Anneaux colorés. — Diffraction.
Cristaux à deux axes.
Mouvements des plans de polarisation.
Interférences de la lumière polarisés.
Si avancée que soit l'étude de la lumière , elle ne l'est
pas assez pour que les groupes de phénomènes qu'elle nous
f)résentê puissent ^tre sériés convenablement. Les livres
es plus vulgaires en parlent comme d'un fluide impondér-
DU SIÈCLE. 53
raUe , ce qui est contraire aux faits les mieux observés.
L'hjpothèse des vibrations ou ondulations éthérées est plus
vraisemblable; elle est relativement vraie, puisqu'elle suffit
à expliquer tous les faits aujourd'hui connus. Elle a même
penuis, et c*esi très-curieux, de mesurer exactement les
grandeurs des ondulations d'une molécule hypothétique
d'éther pour les diverses couleurs qui forment le spectre
solaire. Cette mesure a donné les -résultats suivants comme
valeur moyenne .:
Hillimètrea.
Violet. 0,000 423
Indigo 0,000 449
Bleu 0,000 475
Vert 0,000 512
Jaune 0,000 55i
Orange 0,000 683
Rouge 0,000 620
L'étude de la lumière , de la chaleur et de rélectricité
coodoit à .retrouver partout dans l'espace cette fameuse loi
d^aetions et de réactions que l'on formule ainsi :
LaTaisen directe des masses, la raison inverse du carré
des distances.
Mais, pour la lumière comme pour la chaleur, la masse,
test la surface qui réagit.
L'étude de l'électricité se rattache si singulièrement aux
, plus grandes découvertes de l'esprit humain et aux plus
grandes créations de l'industrie, qu'il nous parait conve-
nable d'en esquisser l'histoire : pareil récit s'encadre d'ail-
lears merveilleusement dans un traité de philosophie ou
de physiologie générale.
Que de mystères scientifiques au fond de toutes les
questions que soulève l'étude du magnétisme et de l'élec-
tricité ! Voici tat)is poissons : la torpille, le gymnote et le
silure, qui îouissent de la propriété de produire de l'élec-
tricité et d en lancer des décharges à des distances assez
notables. Chez chacun de ces animaux , i'organe électrique
se rapporte à desloerfs différents. Chez la torpille, il tient
54 PHILOSOPHIE
à la cinquième paire; chez le gymnote , aux nerfs céré-
braux ; chez le silure , k la huitième. N'est*-il pas extrê-
mement curieux de voir que le fer puis^ , par son contact ,
préserver le cuivre de toute altéraition dans les ^ux de
mer ? N'estM^e pas une bien intéressante espérienee qne
celle qui fait continuer la digestion d'iua lapn sous l'in-
fluence électro-chimique da la pile, après la section des
nerfs pneumo-gastriques quj, président à cette fonction ?
Pourquoi le suc gastrique de notre estomac,, la sueur et
Turine sont*elle& acides, tandis que la salive, les sérosités,
la bUe, la synovie et la sécrétion pancréatique i^nt alca-
lines? Pourquoi la peau a-t-eUe une électricité positive,
vis-à-vis de la bouche qui est négative ? — L'électricité ,
employée avec succcès en médecine dans les paralysies gé-
nérales sans déchirure du cerveau, dans les paralysies
locales, surtout quand jelles sont rbumatismiales o« quand
elles se sont produites sous Tinfluence d'entérites, dans
les gastralgies, les leucorrhées, les aménorrhées, contre
les lombrics et le tœnia, contre les rhumatismes chroniques
et même chez quelques scrofuleux, est unageat/dont
l'emploi, malgré les progrès récents de la science, laisse
beaucoup à désirer. Il semble en effet, dans bien des
circonstances, qu'il suffise de changer l'état, électrique des
I)arties malades pour produire la, guérison. — Ce n'est pas
(l'auiourd'hui que l'on connaît l'électricité; mais les progrès
de 1 étude des faits électriques ont suivi depuis cinquante
ans, depuis trente ans surto^it, une proge^sion bien plus
rapide que par le passé. Six cents ans. avant Jésu3-Ghrist ,
Thaïes connaissait les propriétés de l'ambre et du succin
frottés. Dans son Histoire NcAuuUe, Pline parle de piques
lumineuses dans l'armée de César ^ Les anciens appelaieat
l'aimant magnes, de Magnésie, contrée delà Lydie où l'on
trouvait l'oxide de fer , quq nous connaissons sous le
nom d'aimant. Pline rapporte que Dinocarès proposa à
Ptolémée-Philadelphe de soutenir au haut d'un, temple, la
statue de la reine Arsinoë,. au. moyen d'un aimant. Saint
Augustin parle d'une statua .suspendue par ce moyen dans
le temple de Sérapis, en. Egypte. — De saint Augustin au
XII"* siècle , le magnétisme et l'électricité occupent peu
BU SIÈCLE. ^
les esprits des savants; toutefois, un poëme m* j^ même
Xn™ siècle parie de la marinière, et Gilberij^ j^^ pierre*
anglais ^ a pidilié sous la même date un écrit de -
dans lequel il reconnaît le poutoir isolant de raii,j^ ^^^^^
Les recherches de Boyle et la machine électriquv^^g jjj|.
de Guer&e , maebme bien élémentaire, puisqu'elle cwi^^jj.
tait en un cyhnéh'e de soufre auquel on substitua biento.
on cylindre de rerre, ne datent que de 1670. Le docteur
Wall compara le premier les effet de Télectricité à ceux de
la foudre. En 1675, Newton pensa que l'éleetricité peut
être le produit de la vibration d'un principe éthéré mis en
mouvement dans les corps par le frottement. Le dévelop-
pemeoft delà lumière de Télectricité, quand elle traverse
le vide, n'a été décrit qu'en 1709 par Hawkesbie. Grey,
en 1737, étudia les corps conducteurs et les corps non
conducteurs. Six ans plus tard, Dufey montrait que les
corps isolés oonservent leur électricité; il imagina, pour
expliquer les phénomènes dont il était témoin , les électri-
cités vilfée el résineuse : ce fut huit ans plus tard , que Ton
tira une -étincelle d'un homme ou d'un animal isolé.
A la même époque, en 1741, Rose, professeur à Wur-
temberg, miagina les cylindres isolés placés devant la
machine. La fameuse bouteUle de Leyde ne daté guère que
d'un siècle i-elle est de 1740. L'abbé NoUet en répéta l'ex-
péri«cice sur 1,800 personnes, et l'on reconnut que la
vitesse de l'électricité était incommensurable ; mais il fallait
près de cent ans pour appliquer à la télégraphie cette ad-
mirable-propriété.* Les batteries électriques, cette foudre
en miniature, scMQt de Franklin, et datent de 1747.
Voici que les progrès se pressent et que les esprits travaillent :
d'Alit^rd et Franklin soutirent la foudre des nuages; Bo.u-
gaer et La Condamine observent sur une haute montagne
un wage éleefeique sans bruit de tonnerre; Beccaria dé-
couvre l'effet de l'étincelle sur l'air et le baromètre; il
reconnaît qu'une décharge électrique peut donner la pola-
rité à une tige d'acier^ et suppose qn il existe sur le globe,
du nord au' sod^ une circulation régulière de fluide. En
1T55, Le Honnier reconnaît des variations électriques
dans l'atmosphère ; Beccaria détermine la nature positive
S4 PHILOSOPHIE
à la cinqui^lté d'un 4iir sans nuages ; Canton explique Tau-
braux ; che| j^j. ^j^ passage d'électricité dans l'air raréfié,
mement cvjxa , Laplaee et Laivoisier se disputent l'hoDaeur
préserver «jouTcrt la pcodaction d'électricité dans Tévapo-
mer ? NJ^i^aus cerlaines réaotions ctiimiques. — Nous .voici
ceU^^Jfnant'sqr la voie de découvertes nouvelles : Lemery,
Jjtjfmm^ Noya, Wilson étudient lalourmaline; Canton re-
marque que chaque fra^pnent de ce minérd possède la
polarité et ime la chaleur modifie ses propriétés. Toutefois
les Appareiljs ne sont pas encore trèsrpariails : NoUet se
contentait, pour éloctromètres , de deux fils divergents;
Cavallo.y ^oute des balles de sureau; Volta emploie, des
pailleSj.etj^ussure ajoute une tige métallique à rélectromc-
tre de Cavatto;, pour reconnaître TélecUicité atmosphérique.
— C'est * la même époque qu'il faut rapporter la découverte
des actions par influence , le puits électrique de Pripstley
el la co;inai$sance du principe de la distribution d)électri-
4>ité selon* les surfaces, que las corps soient pleins ou creux.
De 17,85 à*. 1787, Coulomb fit faire à la scieiwce^de l'é-
lecliâcité.:d'immen$es furogrès dans la. connai^qoe de
rélectricité sjatiq^e. Il découvrit d!ahord qve le^'Jpis do
l'électricité dans les at^actions et les répi4sion$ .^ni.lcs
mêmes, que celles qui. récent le mouv^eiment des planètes
autour dji soleil. U y ^ attraction ou r^ulsion eÉ-^;aîson
directçi dés masses, en raison inverse du carré des (lislji|[pces.
11 inventa .sa haUnce de torsion, <éléctroscope d'une extrême
sensibilité; il découvrit ei^suiteque la. déperdition dC; l'élec-
tricité .répandue à la surface d'un corps est -prQpQrtioï|nielle
.a son intensité; il trouva, pour des isoloiFS,.qu'iU.«|giôsenl
comme ks.raicmes carrées ae leurs longueurs; ildéipontra
de j^iouyeau,, après Bepqaria et d'autres, que le .ilutd<î
électriquei se porte en entier à la surface, des corps iconduc-
teurs ; il «ixpîwua le pouvoir des pointes j)our pejçil^* ou
pour attirer l'électricité, . , .'...,
Vers, 1772, \Vilke fi t. des expérience curieuses' sur la
lumière .électrique. Ftottaifit l'un copjt^ l'autre, deu^.^nor-
ceaux de verre dans l'obscurité, il, observa una .lumière
phosphorique qui seqiblait adhérç^iilo a^% poii^t^ où' elle
6'était produite. Elle ne donnait ui af traction .ni répul-
DU SIÈCLE.- 57
sioa, et il en conclut que celle. lumtèfê était de même
nature qt|é celle du bois pourri, du àucre pilé; de la pierre-
BeÈ&iHriA' avait fait des^ expërfencès inr quelques corps
qui Tetiëftfîient la lumière solaire t^t rôconrtui que les mè- .
iaeâë3i^9 peuvent retenir la lumlSreéleétriduecbnimuni-
qoéë ]^ëf la déchargé d'ûtid^ bouteille dfe Leyde*
Lk science s'arfânçait ainiîi dans cette voie, cherchant
unè^ae qu'elfe ne trouvait paé-, torèt^e des' découvertes
Qoutvèftes vinrent oiivrir urt cham^p plus' vaste It l'étude de
rétéciiieité. — ^' Lçs anciens ; conrnie on le sait ', connais-
saient i'aimant , ' ne\>É-èf ra même les^ Chinofe' connaisëaient-
ilste tk>iisâote iïmle ans et plus^âvantnous ; mais le premier
oui^g^ frâttcais qui' en pftrlé ne date- que du' XM*' siècle ;
elle ^porf»t aflors le nom de ttïaririière. -^ Christophe
Colcibb/est Tundeé premiers qui ait Observé que sa direc-
tion T^ 4é qord nest pas constante, car d. existe un
mii^utasèi^lt de Grighbn^ pilote de Weppq de 1534, qUi fait
mention ^ thème fait. En 1576,' Robert Normann^ fabri-
caiil-a'tartfittrieats depTrysiqùe-, .déq(5fuvï*àfit rihHinîdiJîon de
Faillite'; et -bientôt les prîhcij^àles^prô'^riétés du'bâlreau
Jtequ*âlôrfeîè^féV avait été conadéi^fepriïmtp te* gèiil métal
nm^oê6tpxè : lia - aééôùVèrtê dd ^ cbb'ftU^ et du nrkel dé-
ini&tf'cetf^ ôpiîhion. Ces"déb(*ùVertés coridiiisirent tout
natjA^em^ni àitiesurèr le^^lVefsés forcées; Tnagnétîques et
à recîherchér teS' {urbcAléè» divers^ d'afriiâhtation. €dtilomb se
dî9fiiignk encore d(rfex5êttevOîé:D'iînfe part les' oscillations
de rafgtiflléiaimétntée,'^ dé rilwtte éa balance dé torsion,
ramWcbèreht à ^ ^conclure que les àftrùctidh» et réMsions
magnétiques so^cbWisôn directe de la densité électrique
et en raison InVei^e M câriré' de&' distances ;*' t^^ndis que
rétddè qu'A ffll Aé\t distrfbuHôn de rrnténsîté'inagnélique
dans un barreau aimanté conduisait à' la mfeiîl.eure forme
portp lèS' béïiflfeblè*. ■ CMîHmib i&^occàpjr' aussi ,- èômme nous
Tattoite dit ^ ttei dîVe^ piwédés ' (Tiiimahtation et de la
trefik|>e è'doânër A'ux'iaimèîiAs."Toiitéf6ls, des découvertes
d'un aafl*ear(fire devaient èontribuer à réunir l'électricité
et te magnétisme en une seule étude.
58 PfflLOSOFfflË
Sulzer, en 1703, avait. reconnu l'action de deux métaux
diiïérents réunis par une extrémité et séparés par la langue,
lorsque Galvani, en 1790, fit la découverte du girikani^nae.
Elle donna lieu à de nombreuses discussions ; toiei cette
découverte : si l'on arme les mwscles et les nerfs d'une
grenouille de métaux afférents , leur contact |)roduit des
contractions musculaires. Volta ne s'arrêta pomt aux ex-
plications données à cette époque pour interpréter ce
phénomène ; pour lui, te magnétisme c'était de l'électtricîté
en mouvement; aussi varia-t-îl l'expérience, plaçant un
morceau de métal entre deux liquides différents , pour pro-
duire les convulsions musculaires de la grenouUle. Bientôt
Crevé, professeur à Mayence, émit l'idée des irritants chi-
miques. Fabroni alla plus loin : il examina la réaction
chimique de divers métaux les «uns sur les autres, dans les
phénomènes galvaniques, et arriva de la sorte à conclure
que le galvanisme ne se manifeste pas sans action chi-
mique. . .
Les choses en étaient là, et La France venait de faiire un
rapport icurieux, lïwiis qui coMluaitmal, lorsque leSOmars
1800, Volta^ dans une lettre à M. Joseph Banck ,- tai an-
nonça l'une' des plus grandes découvertes du sièdè; eelle
de la i»ie qui porte son nom.
La pite galvanique de Volta amena la découverte «de la
décomposition de l'eau, par Nicholson ; la découverte du
transport d'un acide au jjftle positif, par Càrlisle ; celle 'des
réactions chimiques qtii ont lieu à la surface des couples
de la pile; et bientôt Nicholson reconnut que les bases se
portent au pôle négatif, tandis que Cruiskhanks arrivait,
de son côté, aux mêmes réstiltats. Davy ne tarda pas à
s'occuper dfes iiiêmes études : il Reconnut avec une pue de
110 couples', que la fibre musculaii^ Conduit mieux l'élec-
tricité que la fibre végétale, et celte-ci mieut encore que le
fil métallique humecté.
En 1801, Volta vint à Paris, oh il développa ses idées
devant l'Académie des Sciences v il expliqua son appareil et
fit connaître l'action galvanique du gymnote et de la tor-
pille. Napoléon assistait à cette séance, conseilla plusieurs
expériences, notamment sur le fer, dont il comprenait mer-
lÂT SIÈCLE. 59
Teilteusemëiit la puissance ciTilisatrice ^ et proposa une
médaille d'or pour VoHa.
En juin 1801, MM. Hachette et thénard brûlaient des
métaux avec la pile. Van Mariuu, la même année, prouva
que les aelicms chimiqmade la pile sont pour beaucoup
dans Télectricîté .qu'elle produite II établit encore que la
Tltcsse du fluide magnétique e&i imniense. Plusieurs phy-
siciens varièrent alors singulièrement les éléments consti-
tuants des piles, et Davy employa le diarbon et les acides.
Ritter, eu 180^, essayait si fo galvanisme pouitait produire
Faetioa magnétique sur. une aiguille formée d'une lame de
zîac et d'une lame* d'argent. Il insistait sur la valeur
donnée à l'action de la pile par les réactions chimiques. Il
établit que les corps qui ont une polarité dans le cercle
galvanique en sortent avec une polarité inverse.
.^rsled trouva ensuite que le fil qui avait servi quelque
temi^à la pile de VoUa poutait seul déterminer les con-
tractions des cuisses tl'une grenouille, et qu'un (il qui avait
recula décharge d'une batterie électrique jouissait de la
même^tropnMi mais avee moins de puissance. {^)ndant
plusifW^ iinfiéQs les- aimales des sociétés savantes furent
reoftplies de ménàoir^ sur les phénomènes de chaleur et de
décomposition et sur les actions chimiques produites par la
pQe.tLes phénomènes physiologiques et médicaux suivirent
de pfès-
Davy, cependaui;^ continuait ses études : bientôt il re-
eofBiut la ifacuUé: de 'transport de la pile sur les agents
décomposés; il vil: se former des combinaisons insolubles
lorsqu'il y avait sn^ le passage d'un corps les éléments qui
pouvaient servir ,è le$ produÂee ; il créa les premières théo-
ries électroH^himiquQS'.et décomposa les aleâis. Alors tarent
connus les M dradipa^ de la baryte, de la chaux, de la
strontiane.et de I4 magnésie $ appelés magnésium, stron-
tium , calcium et baryum ; il donna même à supposer que
rammoniaqueétait une basp oûdée. Cette* vue élevée que
Vammonium i^aliseï, ^nous; fait présumer à notre tour en
faveur delà composition binaire des métaux.
La science paraissait de nouveau stationnaire , comme
avant 1800, lorsqu'en 1820 ifirsted, professeur à Go-
60 PHILOSOPHIE
penhague, lui ouvrit une voie toute nouvelle , en créant
l'électrodynamique. Il reconnut qu'un lil de métal joignant
les deux extrémités d'une pile jouissait de la propriété de
dévier une aiguille aimantée, même à angle droit, aiec sa
direction naturelle. A peine Ampère en eut-il eu connais-
sance, qu'il étudia la grande question des courants, arrivant
à établir l'identité des courants magnétiques et galvanhjUes,
tandis qu'Acago créait l'aimantation artificielle et faisait ces
découviertes' importantes auxquelles nous devons le télé-
graphe électrique et. les machine» motrices.
Depuis cette dernière époque, l'étude de Télectrlcité^ a
fait de grands projgrès. Elle a ajouté aux probabilité» de
l'existence d'un fluide éthéré impondérable, servant à pro-
pager les ondes: lumineuses dans ce que nous appelons le
vide et au sein des corps transparente. On pense générale-
ment que ce fluide est modifié dans ses allures pap la
distribution: et l'orgwiisation des molécules des "cor^, dis-
position qui les rend plus ou moflfc fésîstantsV plus, ou
moins ékatiqiies., ele., et Von est- porté à croir'é qui^lLes
phénomènes\fli variéS'de l'électricité en découlent' ;nioSlâîés
qu'ils sont parles mouvements de l'éther'; niais 1ï Ven iSaut
de beaucoup ^e la science de l'éleclri^îté^it coiiij^fête.
Cette science se compoise d'un cfertaih nombtcvdë' groupes,
de phénomènes, dont la parenté est évidente èt^'ffonf la
filiation, par rafq)ort h un môme principe, n'est pa^ côiinfiic.
Plus eacece qt» la chaleur el la himière, mectrîcite se
relie directement^t incesdamment h tous les phénomènes
des vies minérale», végétales et animales»;' qm sait métne^
si son action ne s'exerce pas sur. les vies sociales ? '
Dans l'état aetuel de nôâ connaissances, on h Fhabiiudf^
d'étudier à paiit liivacmAîAvÈ stATifWB, et de rattacher à
ce titre ies machines électriqUes^, l'étude des corps conduc-
teurs, celle des toorps isolants, la balance élex^rique, la loi
des attractions^çt répulsions , le pouvoir' dfes pointes, /etc.
A L'ÉLBGTRioiTÉtLA'FÊfKtB se rattachent 'ïe^ipstrumentîv
propres à la constater 2 la l)OUtèiHé de Leyde, îé^ batteries
électriques et tous les détiSlls^de'la côristmcttofa ^e ces ins-
truments. ' -^ ' ^ ;' :' ' ■ ^ ■■
L'ÈLEGTRiciTË ÂTMOSPHiiRiaTjE iéspUquë et comprend la
BU SIÈCLE. 61
météorologie, les effets^de réLectricité dans le vide, sa vi*
tesse dans rAtmosphère, le transport par les courants
électriqiies d'atomes pondérables, l'étectrieité produite par
la vaporisation., rélectricUé des* nuages, les éclairs ou
étincelles atmosphériques, le bruit da tonnerre, les para-
tonnerres y les effets de la foudre , le choc en retour, et la
grêle.
Aux AiMAiCTS se relie un nouveau groupe de^ recherches
c(»icemant l'aimantation , la puissance d»ecfrice du globe,
les moyens d'aimanter, la déclinaison et rincliiiaison de
raigoîlle aimantée, les aimants axtiâeials, source toute
nouvdle de force motrice, et tout ce qui regarde le méri*
dien magnétique.
Lesaimants conduisent encore au MA«tBiÉm8XB iTBMSftTRE,
à mille, questions* de physique expérimenlrie et à cette
question de pratique sociale et de haute philosophie :
Le gjl0be m iera^^U pm tm jaiur une source exfiéiiuhle
de dateur et d^ magnétùme ?
En d'autres termes ; L'tspice humaiivfw fk^fiêi la providence
a d^nné en ewnmunauU hiouis$atce de ht lumière,} de l'air
et 4^11 eaux, na-t^elU pa$ n^de to mimemar^ire d'autres
jeuide^nçfs suseeptiU^ die servie é ramièiofyÊêion de la
plajiffè^» le jqur PÙ.- h sax^ir lui aHera^ révélé leur usage et
leur, emploi? - ■ .^ .^
îi'^jîjicTEOTJi^oKÊTlSKB e^t uncf. partie de la science qui
rép6â4 9^1^' niuil à son norn-; eUa- a trait à œ* que l'on
ap|>ei^e,le f^o^yieçi^ jde l'éleçtrieité: gakaniqaie,- à ce ^e
Ton pc^unçait, appeler s 4^ssi. lesi ondutatiens on vyorations
galvanique^. » . • . . : n < ■;
Qif:s'oeçupe, dans les études comprises ^sous Cè'titi*e,
de I« âj^YV^t^n de ^'aigi^U^ nmf^téejpai hd céuraiàt vol*
taim^% -^^ Vhciliôn.d'un courant» sue uni aimant, ide la
roâ^Aiop . fl'un c^uran;t paf V.AÇti<^ d'un- aimant^ et 4nee ^wrsâ,
du.^alyadpipètre lï^wjyycs^teujr,» l'une. des: pUis utiles inven-
tionç^oe ,îa fScien^ mod^i3i^e,.dQ l'aîimntalioi^ipap ^tourafits^
deji^ui^^f^^ du)% dpMX1^t des phénoBièiies ^etiiques
Lés FAÎT& THERMO-ÉLBGTRiQUEs Ont couduit à construire
une pile thermo-électrique ^ à» étudier la polarisation de
63 PHILOSOPHIE
la chaleur par réflection et par réfraction , d'où une identité
nouvelle entre la lumière et la chaleur ; ils ont conduit en-
core à inventer des thermomètres thermo-électriques, instru-
ments précieux pour la sci^ce et les arts. Le thermomètre
galvanique de Bequerel se compose d'un circuit de deux fils
de métaux différents soudés ensemble , enroulés en partie
sur le cadre d'tm galvanomètre : une des soudures est placée
dans un lieu d'une température connue et l'autre dans celui
que Ton veut explorer. L'instrument a été gradué à l'avance :
pour l*étude des basses températures , l'on emploie le fer
et le cuivre, métaux très différents dans leurs puissances
thermo-électriques; pour les très-hautes températures, le
platine et le palladium , métaux très-rapprochés.
L*ÉLECTKO-cHiBriE termine naturellement la série des
groupes de faits électriques. Ici , que de questions toutes
plus importantes les unes que les autres !
Ici se mêlent à chaque instant la physique , ou étude
des propriétés générales des corps, et la chimie, ou étude
de leurs affinités atomiques, de leurs propriétés moléculaires.
Ces deux sciences concourent à établir :
Que les actions chimiques produisent des courants d'élec-
tricité; que parfois les courants se neutralisent ati lieu
même de leur production ; que l'électro-chimie peut donner,
de la pile galvanique et de son action , une explication
plus ou moins satisfaisante, bien qu'incomplète encore
aujourd'hui , tandis qu'elle explique parfaitement les dé-
compositions et recompositions que produit cet instrument,
les décompositions produites par les actions vives et éner-
giques, les recompositions résultat d'actions lentes et
faibles.
La conductibilité des métaux pour l'électricité galvanique;
les ondes électriques qui, dans les fils conducteurs, assi-
mileraient l'électricité à la lumière et à la chaleur; les piles
secondaires, formées diB disques d'un seul métal, alternant
avec des rondelles de carton mouillées d'un liaùide conduc-
teur, piles qui sont susceptîbtes d'être chargées par une
pile de Volta et d'en remplit' ensuite les fohctîons , mais
avec oaoins d'énergie ; lés propriétés de éeitains métaux,
par exemple de l'éponge de piatme , qui peut opérer la
BU SIÈCLE. 65
combinaison de quelques gaz ; le transport de substances
parles courants galvaniques , conduisent la physique et la
chimie à se demander ce que c'est que Télectricité ! — Ne
sachant xieii de son essence, on s'enquiert tout naturelle-
ment die ses manifestations. Y a-t-il deux électricités ou
n'y ,en .a-t-il qu'une? S'il y a deux électricités, chaque
molécîule électro-positive est nécessairement entourée d'une
atmos^bàre électro-négative et vice versd, par suite de la
décomposition des électricités .voisines. Si vous combinez
d^ix molécules, l'une positive, l'autre négative, leurs
atmosphères se neutralisent et leurs électricités propres
restent à l'état latent : voilà l'une des hypothèses ; ainsi
s*expliquerait la chaleur produite dans cette réaction molé-
culaire* Mais que d'objections à faire contre cette théorie !
Comment comprendre qu'une molécule positive, sera posi-
Uve vis-à-vis un corps A et négative vis-à-vis un corps B ?
U es»t plus naturel, peut-être, d'admet^e qu'il n'y a
qu'une électricité positive ou négative, selon sa quantité;
positive en M, vis^à-visde A, si le corps M contient plus
d'électricité que le corps A ; négative vis-à-vis de B, si B
contient^plus d'électricité que le corps M.
Quoi qu'il en soit, il existe de curieux rapports entre
rélectrîcité,,la chaleur et la lumière. C'est ainsi que la
pile et da. machine électrique peuvent produire les effets de
la chaleur. — Observée à travers uiv prisme très-pur, avec
toates les. précautions scientifiques désirables, la lumière
éleetrique donne des spectres très-variables. L'étinceUe
tirée du mercuse^ se cpmpose de sept bandes colorées , sé-
parées par des intervalles obscurs , à savoir : deux bandes
orangées très-voisines, une verte et brillante, deux vert
btojÂtre, une poi^irpre et^ très^rillante, une violette. Tirée
du zinc, du bismuth, du plomb fondu, l'étincelle donne
des speetres trèsTdifférentspour le nombre et la position
descouleurSf mais^]lei:ne varie pour aucun métal, qu'elle
soit tirée dans l'air, Toxif^ne ou l'acide carbonique. Entre
des boules de. miétaux di^érents, TéXincelle donne dans le
speetre les bandes qui appartiennent à chacun d'eux.
Les phénomènes de. pnosphorescence sont d'un autre
ordre ; ilscmt lieu sans manifestation de chaleur appréciable
64 PHILOSOPHIE
OU appréciée : la percussion , le frottement de lentes actions
chimiques les produisent.
Chaque jour tes liivres élémimtaifes enregistrent des^dé-
couverte» nou-vellès ^ et chaque jour ces livresr élémentaires
vieillissent «ttx progrès incessants de la science. — Le plus
important de tous., ce sera la création de fotoes gi«luites
ou presque gi^atuites. Le coadjuteur galvanoHEnagnéti^pte,
que nouâ avons dréé dali» ce but , M. Eric Bernard et iMoi,
est l'expression , niicrdscopique encore , de k réalisation
d'un grand rôvè. Il consiste dans un aimant artificiel en
fils de fer cbur oa d'acier non cassant ^ placé sur le trajet
du pôle Guitre4'une pile et relié au pôle rinc pfjr un mar-
teau oscillant, de manière à joindre la puissance qu'iï déve-
loppe à la puissance de la pile qui sert à le produire. Ce
fait, basé suc des phénomènes trop peu étudiés, se lie à
un groupe de phénomènes inconnus ^ mais il est le germe,
la pensée-mère d'une série de découvertes.
Le passé, dans ses incessants progrès, a toujours présenté
trois phases : Uune d'intuitions confuses , l'autre de con-
ceptions incomplètes ,. La troisième plus sdentifique'«t plus
positive? L'inteUigenee hmnakie ne saurak procéder autre-
metit aujourd'hui <iU6 du temps de nos pères r.muniede
méthodes et d'instruments perfectionnés, elle a pu v ^le
pourra rèfrir à la théologie de^ prêtres , ' ^\JaL sanotaaîres
de leurs temples la première phase de tout sa^r<*/ieUe se
déflera^davantage de ces ooneeptioits incomplètem«it vraies
qui n'ont pas eu, pour s'appuya scdidement , une masse
de données su0isantes,-et toujours^ elle voodra <^e la véri-
table science vi^ne^iéelatrer die* ta hiimàre de ses interpré-
tations Tétude expérimentale des. phénomènes de ta vie.
Mais que de grandeur .déj^* dans cette analfsei^desiopérlitiotis
de l^âfivie hiâcnaine,' que de grandeur surtout dans chaauae
des phases nouvelles desétfides réservées à'Vesprût)^hHiBaÎQ !
Us ne soiit pas loin de nous ces jours où la ^ience eut
le pressentiment que la tenre était aoué« *dtt. magnétisipe :
voilà ,. dans son origine , lii ptesttèoe inloiiioti d'une grande
révélation religieuse, phi)0dophi!4|u& ût s^lentifiRiae'. Plus
tard, le magnétisme^ de ta tècria' a> été'T^oiiiinU ;- mais If on
n'a pu déterminer 's'il était ôA à une actionr pan influence
DU SIÈCLE. 65
OQ à une aeiion propre; à des coucants^ âeetriques;, ou bien,
soit en totalité soit en partie y à u» état magnétique de la
matièi^ %ai €0«ip^^ la erefttedu globe ; iFoilA la seconde
phaa^tdé^ cette révélatmu l*» troisième aura lieu quand,
plii§ éqlairés ^w les pbéoonèAes élecUo^ahtmtques , nous
poucMB» iii4»p(Mrter tous les faits qui concecneot le magné-
tîsiae: terrestre à l^^irs causes, naturelles. Mais arrivons à
Taware pUwe^ ee grand phénomène supposé magnétique ;
et 4|ue l^irogret.des féas, d^ esprits^, des rêveries senti-
mental^ 4e no^ pères, et des influences inconnues, ne tienne
poi^t s.'int0rposer eqtre ^otr^ lytne et des^sentiaaents. d'une
autne»] nature, qui ont leuc importeoice nouvelle et leur
gca^ur.
* ' AtTROBE fOtkXKlS,^
, ' . 1 • •
L'aaiK»e>polaîi:e>eal une iunôère ptopre à noire globe et
Fini ée&ipihis! grands. iphénomène^ qfài puîsaent bapper nos
smsc Appelée aotore Ja^réale aui pôle nord^ australe au
pôltt)Sua, ettei n^ saiippésante jamais dansn<)S^«ontAée» arec
caite «landeter qw ««l^gue 1 imagination.. U nien est point
aM6i(i«eDSrleQip6les>€ià4^ autt&.istecures' sontuoe .eKcep-
ûoni'^itmt^. aii»rpôli<h noid^ entre, guiatre et boit heures , la
bnimeiKiefitopià sa. p«rtie«vipérieiin&:. on dsraiit un rideau
de» ltiéftlre,qiir^ae âàebin& popr laisser apparaître 'fe pb^o-
mèneibriièantifii'il tiaehe.aux. jew, Pw A, peu^ dans cette
franger^ afipariiit mie] boidute^ de plus m plus (régulière,
are pAl»el<dâiiteii& d'abord v 4'une. couleur ijaun^^ ayant
floa fbeqt tni dassua ict . ses> plts appuyés sur tence,; puis il
9*élà9è>Ianldmanbeia^!ec, n^iesté:, sans çhaogiff «fle'jpdéridien
inapiiâfi^n^r/jAlltfEt 4e9 «wées* fiioiras' viennent ^wme régu-
lièl«||lallklaJmati»re^lu|ninauaer de^ eet. arc^ Voici que les
nfens-mAmbes^ir* .laAtH ilft s'alloiigenl, ^ntôt ils se
ttaeaufaisâiiQtw il409riÉcj|îMft.tes> pki3 YÎyes et Jk^s:plus l^tes ,
kgàphsfÊfômim Qfeleaj|dm(gr4Ve»se0)blAnll. se -passer au
sabda/^ dmtt«lîqde.phémiièQ^ 4» nuits pok^res. Ton-
'ym$ iou&'les oayons^ibmiitteu^ QOUYergent vers un même
66 PHILOSOPRIB
point du ciel , vers celui qu'indique Taiguille aimantée sous
l'influence de l'attraction qui la domine et la guide , et
constamment la partie inférieure des rayons offre la plus
vive lumière , en décrivant un arc presque régulier. Quelque-
fois ils se prolongent jusqu'à leur point de rèuniob; et alors
apparaît dans le ciel une immense et brillante coupole lu-
mineuse, qui pourrait servir aux chrétiens de ternie de
comparaison pour peindre les grandeurs des temples'de leur
cité céleste. Mais Tare lumineux continue à s'élever vers le
zénith f éprouvant dans sa clarté des ondulations lumineuses
5 ar suite de courants de lumière qui vont généralement
e l'est à l'ouest. Quelquefois aussi le courant lumineux
semble revenir instantanément sur lui-même , sans que l'œil
et l'esprit puissent exactement se rendre compte du phé-
nomène.
Voici que l'arc ^éprouve , dans le sens horizontal,
des ondulations alternatives; ici, comme partout dans la
nature, l'action et la réaction; l'aurore, en sa forme nou-
velle, ressemble aux plis d'un ruban, ou mieux d'une magni-
fique draperie. Le pôle nord s'est revêtu d'une robe
dont les falbalas , brillants de lumière , s'agitent et res-
plendissent aux regards étonnés. ' Des courbes et replis
gracieux de cette robe si splendide en ses clartés , il forme
ce que l'on appelle sa couronne boréale , dont les rhyôns
effacent en étincelantes lumières celle des étoiles de pre-
mière grandeur. Ces rayons dardent avec vivacité ,- les
courbes se forment et se déroutent comme les reptis d'un
chœur de danse, puis quelques-uneJà des plus belles' cou-
leurs du spectre viennent embeHir les rayons ' de cette
couronne splendide. Alors la baâe est'rouger, le milieu
apparaît avec une couleur verte, tandis^ que le T*este de
l'aurore conserve sa teinte lumineuse jaune clai^. Rien
n'égale la transparence de ces couletes, dont le rouge se
rapproche de la cbiileur du sangj «t lervert de celle d'une
pAle émeraude. Cèpetidant parf(Hs Tédat^ diminue-, les
couleurs disparaissent, tout s'étmnt ' subitement etf peu à
peu pour reparaître immédiatement et continuer à marcher
vers le zénith. Par l'effet diô' la J perspective , les rayons
diminuent de longueur; mais le sommet de l'arc atteint le
DU siiCLS. 67
zénith magnétique : les rayons sont alors vus par leur
extréaiité inférieure; ils se colorent et déyeloppent une
large b^nde rouge à trayers laquelle on distingue les nuances
vertes qui leur sont supérieures.
Tendant ce temps , de nouveaux arcs se sont formés à
rhoriaon, tantôt par des rayons diffus, tantôt par de très-
vifs. Chacun succède à celui qui le précède , en passant
par des phases presque identiques, et parfois Ion en
compte jusqu'à neuf. Quelquefob aussi les intervalles di^
minumit, les arcs se serrent, on dirait de larges zones s'é-
levant parallèlement vers le zénith pour aller se perdre en
s'aSaiblissant dans le sud. — Lorsque l'observateur fatigué
croit pouvoir se reposer de ses impressions et de ses
émotions , au moment où la zone occupe le haut du ciel ,
en s'étendant de l'ouest à l'est , des rayons semblent venir
du sud et forment la véritable couroni^e boréale , donnant
au brillant phénomène des nuits polaires la plus resplen-
dissante des beautés. 0 nature ! mère admirable , combien
tu es reine en ces instants, combien la grandeur de tes
œuvres domine, même en ces contrées si tristement nébu-
leuses, les glaciales impressions des frimas. Imaginez la
voûte céleste tout entière comme un dôme brillant , comme
une coupole étincelante qu'agitent des courants lumineux.
Le firmament s'est revêtu d'une soie légère , dont les ondes
moUeoient bercées s'impreignent par intervalles de couleurs
nmges et vertes des plus belles nuances ; le sol est couvert
de neige , et souvent à ses pieds et devant lui l'œil aperçoit
une seconde immensité : c'est la mer, noire comme
l'Erèbe, et dont rien ne semble agiter les ondes. Décora-
tioi^ de nos théfttres, fantasmagories de nos physiciens,
que Yous êtes peu de chose à côté des sublimes grandeurs
derinllni!
La^ première moitié de la nuit s'est écoulée 4 l'aurore perd
de sou intensité, les rayons deviennent vagues et confus ,
la lueur crépuscinlaire du jour, cette lueur si longue au
pNe, «rrire peu à pea : le phénomène s'affaiblit et dispa-
raît lentement, jetant encore parfois, comme un défi à l'astre
iesjows ,^des •clartés qui finissent par se confondre dans
68 PHILOSOPHIB
Herschel attribuait k des action? électroHfi«[^étiques la
lumière du soleil et deé étoiles. Il arrivait ainsi à trouver
quelques rapports entre ces lumières et celle dont nous
venons de donner la description.
L'auiïOre boréale était, inconnue dès anciens. Mairan est
le premierqui ait nettement décrit ce phénomène » au siècle
dernier, après l'avoir observé d'une' manière scientifique.
Des calculs assez approximatifs établissent que le» plus
remarquables des aurores boréales doivent avoir lieu à
environ 300 kilomètres au-dessus de la terre, ou à 50 lieues,
c'est-à-dire distns cet espace que l'on appelle le viae. La
cause de ce phénomène , que tout fait considérer comme
électro -magnétique , n'est pas encore connue el se
rattache évidemment aux nouvelles découvertes à faire sur
le magnétisme du globe. '
DE V^Km atmosphérique;
Pourquoi cette mélancolie, pourquoi cette vague tristesse
qui saisît Vime humaine ' en présence de Timmensitë des
mers et de Timmensité plus crande encpi;e des espaces
aériens? Homère, la Bible-, et , de nos jours , Chateaubriand
dans tous ses- ouvrages , Bernardin de Saint-Pierre dans ses
Harmonies de la Ji^ture, M"' Sand et beaucoup d'autres
encore, nous» ont ï*edît les impressions que nous ne cessons
d'éprouver à la vue dé tout ce qui domine notre esprit , en
l'accablant du poids dé Hdée de l'infini, idée à laquelle il
peut arnyefj â Uqtiellé il arrive , mais dont il ïie saurait
résoudite lés intéttogations. Les grands fleuves » les forêts
séculaires , les montagnes élevées, les plaines fertiles ou
désertes, les chnès blanches de* placiers ont I^ur poésie;
mais l'étalon brillant ' d*âik)Our qm hennit dan^ la prairie,
la plus humble fleTJrr des champs>, Tinsëcte caché sous
l'herbe, ne donrient-iti paè à penser à resprit qui sait ou-
1)9 SfËct^. 69
vrirses yeux et darder son regard? L'homme surtout, avec
son ii)telligeû<3e qui dépasse le monde qu'il habite , n'a-t-il
pas en lui quelque chose de dIus grand , de plus merveilleux
eneoFe qua les flots du Nu ou des Amazones^ , que les
blah&ies cimes des Alpes , des Cordilières et derHjrmalaia ?
A la Yi\ê de l'immensité des mers ou du ciel» là où Tab^
seûce dé limites nous confond et nous subjugue, noti^
âioe Eçste étonnée et' comme anéantie sous le poids' des^
grandeqis soleùneUes de ce qui la déborde dans tous les^
sens, H'ek bientôt l'esprit humain se relève de son abatté-
nuînt, le courage renaU au cœur de la' divine créature; elle
rêve, elle pense, elle ose. Un noble courage* la lance sur
une pirogue, et bientôt d'aventureux marins' apprennent à
reconnaître leur route sur cet élément où' leur passage ne
laisse aucune trace. Le besoin de savoir interroge lesastres,
étudie leurs mouvements et leurs vies , et la nature recon-
naissante déchire son voile : on dirait la plus tendre des
amantes révélant un nouveau charme à chaque nouveau
témoignage d'amoiir. Oh ! divine communion de l'esprit de
rhomme et de Tinfiiii! quelle langue» quelles expressions
jioorraient rendre tes grandeurs !
Les nuages et les vents qui les portent, les douces brises
qui s|H^eQt la fraîcheur^ 1^ chaudes haleines qui reyeu-
DÎsséû^, j^ 'ten;e glacée , ces voix mystérieuses^ qui parlent
dans lélfeuUlag^ des forêts,, qui se répètent aux échos' des
moôtàgnesç, ont {ait vibrer dans le* passé toutes l«s* celles
de l'âiné humaine» à l^q^eUe ellesracontaient ses souvenirs,
ses espérances et. ses pressontiiaents. Pçmpquoi la sci^çnce,
en changeîmt, Ift ï^tuEe des impressions que nous pouvons
ea é^uverVde^ruitdt-'eUp leur poésie ?
W]tifiii8parence de Taîr est uiote propriété. (jue l'on ne
saurait tfop me.tfré en relief; elle seule a jp<ebus à l'espace
hm4aine.|ae ipQrpppendjçe le.i^ extéruéupl Si TEgypte
n'avait fi^û'^'atmospère la plus; piir^,.. elle; n'eÂt pife réussir,
près de tcois mtpe cipq çejats açW.aMUt potre ère ^ à; créer son
«^alç'indrteçi Uéi^t çei^t^aigé^ ifontréèV <?ùj des ^brouillards ré-
imUers ^uppripijçnijentîèi'èw lei jmow : rien de
plus propre à rétrécir resprît.' ïjji ciel sans Wne et sans
étoiles , un soleil pâle et comme adouci par un verre sombre,
70 PHILOSOPHIE
ne disent rien à notre imagination ; ils suppriment le rêve
et toutes les opérations de Tesprit humain qui lui succèdent
dans leur ordre logique. ^
L'eau est l'intermédiaire nécessaire du sens du goût ;
mais l'aii; atmosphérique l'est des odeurs et même généra-
lement des sons; il joue donc vis-à-vis de notre imagination
un très-grand rôle. Tout ce qu'A y a d'enivrantes sensations
dans les parfums, de jouissances délicieuses dans la mu-
sique, nous vient par lui ; c'est encore lui qui est la source
de ces inspirations et de ces expirations qui font battre le
cœur en comptant par âes pulsations les moments de la vie.
Et cette vie , soit dit ^n passant , elle n'est pas seulement
dans l'être, quoiqu'il puisse s'en priver en se donnant la
mort; mais elle est à la fois dans l'être et dans la nature,
dans leur incessante communion. De là une mianière nou-
velle d'envisager l'individualisme et le conimunisme, deui \
grandes questions sur lesquelles il a été écrit dé" belles i
choses, des niaiseries et des sottises.
La science des arftmes n'est pas avancée; Les fè^iîéristes
ont beaucoup parlé d'un, monde aromal; ils né Vbni pa&
étudié. Nous en sommes, à ce sujet, où nous en étièm^'l^vant
eux, par suite des essais de Barruel pè^e. Ce i^aVànt' pré-
parateur de l'Ecole de Médecine verse un jour de Tacide
sulfurique sur du sang et il trouve qu'il â'en exhale une
odeur très-prononcée, analogue à celle de l'animal qui
avait fourni lé sang; mais il n'alla pas plus loin , laissant
l'aromôtrie dans un grand état d'imperfection. La prodi-
gieuse facilité de certaines odeurs à émaner du cor'ps qui
les produit , sans perte apparenté , a été signalée par les
physiciens comme une prouve de l'iminônse^ divisibilité
mécanique de la substance. Prenez cinq centigrammes de
musc ^.laissez-les un mois dans un tirtnr rempli de linge et
de soieries, tout sera impreigné au bout d'un mois de
l'odeur. de musc^ et cependant les cinq centigrammes pèse-
ront encore cinq centigrammes.
 côté des arômes* se placent les miasanes; si peu étudiés
jusqu'à ce jour, qu'on ne les a même' point classés par
genres, bien loin d'être arrivé à les diviser en espèces.
Dans quel livre trouver la description de ces miasmes,
DU SliGLB. 71
qui ont produit la peste du ¥!■• siècle , la peste noire du
XIX- siède, le choléra du XIX"' siècle?
Est-il (^nc si peu important de d'occuper des miasmes
qui peuvent produire des endémies telles que la variole, la
scariatine, la rougeole, que personne! n'ait eu soin de le
taire?
Quelle est la nature dee miasmes qui occasionent les
fièTres intermittentes? L'humidité est-elle nécessaire à la
manifestation de leur influence, l'humidité, si généralement
utile dans toutes les manifestations phénoménale^ d'ordre
organique de l'air atmosphérique? Pourquoi, dans les pays
tropicaux, les naturels perchent -ils comme les oiseaux?
Loi)«er?ation ne leur aurait -elle pas révélé qu'A y a une
I éléTatioQ à laquelle les miasmes, si dangereux pour les
Européens qui couchent h ras le sol, n'atteignent pas
hahiluellement ? Jeunes chimistes , jeunes médecins , vous
tous qui étudiez la nature , pensez souvent aux arômes et
aux miasmes, rapprochez- les des ferments, de ces subs-
tances'^*:prodmdent les bouquets des vins^, de ces corps
que Tair renferme, comme l'iode à Tétat* de vapeur, et
compr^oeï bien que je vous signale enr ce tnoment une
srand& page, du livre de la nature où personne n'a su
déchiffrer une ligne.
L'ak atmosphérique enveloppe tous les points de notre
#e. Sa pression sur une surface donnée est justement
égale à celle de la colonne barométrique du mercure. Au
niveau des m^s, la moyenne de cette pression est 0" 76.
Si, au lieu de mercure-, l'on prenait de l'eau, cette colonne
attrait 10" 5 d'élévation. Il n'a pas été possible, jusqu'à ce
jour, de reconnaître la hauteur réelle de l'atmosphère,
Doais il est bien positif qu'elle s'élève h plus de dix lieues
aiHiessus du globe, et tout porte à croire qu'eftte è'éteûd à
qaioze ou vingt lieues.
Les attcactions solaires et lunaires , et surtout la chaleur,
5«it les causes des courants aériens. Les vents ont deux
manières de se mamfesler. Ils se font par aspiration, comme
celai qui entre dans un soufflet où le vide se produit , et
Fv insufflation : c'est ce qui a lieu. lorsqu'on souffle avec
I^boodie ou avec une machine soufflante petite ou grande.
73 PHILOSOPHIE
Le vent qui ne*faitqu'anedeiïlWieue à l'heure, qu'un
demi-mèire par secotide , est à peitie sensiUe ; mais il
le détient dès- qu'il $t\é,ni la vitesse* d'un mq|re, il est
encore modéré à 2 mètres par seconde; à' S mètres 5 cen-
1,nnèlres parseeoûde^ il a déjà la f(^e nécessaire pour
bien tendre les voiles } à 10 mètres on rappelle frais V c'est
un Vjônt fo?t; i 20 mètres, c'est un vent très-fort, se Rap-
prochant de cet état ique nous désignons sous le liorn de
tempête, et qui péclame dansl'air une vitesse de Sa mèti'es
ÇO ccsitimàtres par ^seconde; à'27 mèfres 50 centiulètrt3s,
la tempête «st très-violente. La vitesse de 5& mètrefe pro-
duit les oiiiragans ,. c'est une vitesse de 52 Keues quatre
()ixièmes^-à l'heure; l'ouragan qui atteint une vitesse de
45 mètres.par secotMte ou de 40 lieues'et deniié fcrbeiU'e,
déracine les arbres* et renverse lesédifices qui se trouvent
sur son passage.
La science- est loin d'avoir des-donnéeë exatetes dàr tout
ce :(|ui concerne les mouvements de l'air; elle n^'satt j>as
d'une nMimèrè' assez absolue quelles sont les pressions tqui
correspondent! à» 'des vite^à ahntwphériqueè donriéfeâV'
Les: vents ialisés- alternent avec les saisons : on les'ab)[)eMe
moussons 'dëû&rinde; ils sont produits par U abtA)le
action de la ehaleur et du Mouvement de ta terre.' Toupies
joursfv^sn bo»d<tes' mers qui' sont voisines dé montagnes,
et surtout dans' le& pays- chauds, H règne un coûtant ^(jui
porte à t€rre»quandJa rtiontagne est échattffée pai* le ic<eil,
et qui'porte ià la-Baer dans le'eas opposé; Lesf veiils premitent
le earaetèrè des eomrées sur lesquelles ils passent pis se
châ£g0n6 >de >v\apeurs, qulind^ ill balaient les m'ei's et les
grands: ïac^; de ^fote fin, quand 11$ sbufflent surles déserts
d'Ajfifique^eV d'Asie;- de eettdres et d'acides, iquànd'ils^ se
mêlftntiauxeïhalaisons des volcans. On les a vu^trans^drler
au loin des grenouilles' et des poifesous, de petits 'Vnwi^ttrx
et des gjfalnes. A côtë'despr^'Ugés populaires it y a t<]Wjt)Urs
une vérité 'V aussi n-étaiti-ce pas sans^ raison que nos pères
s'inquiétaittiten voyant'^les' oifagei prendre* iflicairfificftère
inaocoutuméo Phi^- édlaifé^, notl^ trouvons^ dttnS' leâ^ 'pluies
extraordinaires la présowptiën de quelque phéiionièhe qui
aurait produit ailleurs de fAeheux résultats. Les' vents qui
passent sur les montagn6&«'éck«Hffwt oii«e refroklîssent ,
selon que ee^ inontagues sont couvâtes de neige eu qu'elles
ont $ubi.j['actiontdu .soleil. En replantant les montagnes
dénu()ées^^ en reportant la verduro au désert , Thomme
pourra ^jipguUièrement modifier la température de la planète
et rinflnence aujourd'hui désordonnée des mouvements
atioosphoriques; il rétabUra les grands oouis d*eau, il
ramèx^sra à l'jétai de fleuves oude rivières les fleuves et leç
rivif^DQ^ terrratielloft.
ta nature , en nous permettant de prendre dans le bas^n
des,iQers.a«sex d!eau, c'est-À-dire assez- d*oxifène et dihy-
drogèi^e pour r^ésenter un deminlécimètre oube sur une
surf^ce.diejquatorze mille myriaBoètres 4)aiTés, nous a donné
le mq}'en de couvrir de végétation les continents , ce pla-
centa Qourricier de tous les êtres qui vivent à leorsuriace.
Un jour, qui n'est cas éloigné , l'agriculture du ^be aura
une direc^u imit&ira« fournie par l'étude de ses intérêts
géoâr9ux.et des modifiea^ons qu'il i^fiporte de faire subir
aux jents de quelques contrées. Alors l'introduetioa à l'état
pennaitent de cent décimètres cubes d'eau, dans un terrain
q^^lconqye d'une surface .4'unmè^reeafié,peinQ(iettra de
le40itisfonner en un bois, en une prairie naturelle, et de-
vie^^irji l'un dea grands moyes^ emidoyés fnar les peuples
poili: iBOdii^er laré^m^^Amosphérique, météorologique et
nouiîricier de U planète.
.A k pression. prdiiaaire^ le mètre cubé d'air pèse iS95
gr^^uoes. 187^ Ju'f au dissolvant une eertaîne quantité d'air
atmosphérique » on a calculé que la masse de ceiuiqui pour
vait.êlre engagé dans, lés eaaine pouvait atteindre dySOO
de r.atmosphère. Le poids (}e l'air ambiant étant d'environ
100' kilog^ par décimètre carrà, il s'ensuit que l'hoianne
adùl^^t, â<^ ^^ surface est de i*^ â^ supporte au moins
l^^MWi kilpgr^ammes; de pression ;^t cependant «il ne s'en
apcirGoit.j^^s tant que ses fluides intérieMrs^nt mie force
élastique susceptible'de f^dre équilibre à la pre^on de l'air.
llid^qijCqn appin^ue une ventouse , sur ^m^e partie, ou que
dc^i circonstance^ intérieures vi^iment à^joedifierla vitalité
et p(tr suite rllélasUcité des organ^^ . aussitôt la question
change, G'e^t du. rest^ cequi arrive quand on gravit des
74 PHIL06(»HIE
moQlagnes élevées : la mèin^ |iuantité d*air ne pouvant plas
satisfaire aux besoins de la vie , la respiration devient pré-
cipitée. Si Ton s'élève davantage, des hémoptysies, des
crachements de sang sont souvent la suite du défaut de
pression sur les muqueuses en contact avec Tair atmosphé-
rique.
Le mercure du baromètre s'abaissant au fur et à mesure
que Ton s'élève , cet instrument suffit seul pour aroir des
indications approximatives çur Télévation des montagnes
ou sur la profondeur des mines. Pour avoir des dpnnées
réellement exactes, il faut tenir compte aussi de la tempé-
rature et de rhumjdité : d^ la température , parce qu'une
chaleur plus élevée tend.à allonger la colonne du baron^ètre ;
de rhumidité, parce que Teau retenue dans l'atmosphère
modifie nécessairement son poids.
Il est d'usage , dans le monde, de sa servir du baromètre
pour savoir s'il fer$ de la pluie ou du beau temps : cet
mstrument ne donae, sous ce jrappo;rt, que des indications
très-incertaines.
L'air atmosphérique se compose, en poids, de 25,01.
d'oxigène et de 76,99 d'azote ; en volume, de 28,81 d*oxi-
gène et de 79,19 d'aswte : on y trouve des traces d'acide
carbonique. Â 6 et 7,000 mètres, sa composition ne varie
pas; cependant il est probable qu'à une* plus grande hau-
teur, la différence de pesanteur entre l'oxigène et l'azote doit
augmentetr la. quantité :de ce dernier corp3. — Le§ plantes
absorbent, pendant le jour, l'acide carbonique de l'air et lui
restituent die l'oxigèii^t }
Les études fajte^ par les savants , sur Fair atmosphérique,
ont conduit ^ des résultats physiologiques d'une haute
importance* Nous. allons les énumérer rapidement;
La pluie diminue la quantité d'acide carbonique de l'air ;
elle dissout ce gijt? ^l le porte aux racines des plantes. Il
y a quelquefois des pKoporUoQS notables d'acide carbonique
dans l'atmosphère des vjJUes.
D'après Dumas, \m honatme adulte consomme par heure
pu brûle, par Teffet de. sa respisration,' tant en carbone
qu'en hydrogène « ui^e quantité équivalente à 10 grammes
de carbone , et l'air sortant de ses poumons contient , en
DU SIÈCLB. 75
moyenne, 4 X d'acide carbonique. Un kilogramme d'afbide
stéarique produit la mâme altération de 4 X sur 50 mètres
cubes d'air.
Péçlet a trouvé qu'il faul par heure , i un homme adulte,
6 mètres Qul>es d'air ; d'est la quantité nécessaire pour que
Teau produite par ses transpirations pulmonaire et cutanée,
soit mainteniie à l'état de vapeur. Combien de malheu-
reux qui coucbent la nuit dans de^ Meux étroits , où cha-
cun a'a pas , . pendant toute la durée de son repo$ , les
13 mèti^s (nibes que Péelet regarde comme la proportion
la plus convenable au bien-être , pour deux heures seùler
ment ? N'y a-t-il pas déjà beaucoup à réformer, dans un
état social qui ne doiine pas à tous les hompies l'air néces-
saire à leur respiration? Cependant les expériences de
Leblanc nous apprennent que l'air vicié d'un centième est
très-nuisible, etcelleis de M. Dumas, concordant avec les
études de Péelet,. nous prouvent qu'en une heure un
homme vicie 6 mètres cubes d'air, en y versant 2 millièmes
d'acide carbonique , c'est-à-dire en quintuplant la quantité
normale de c^ gaz. Appliquant ces données à la recherche
de râir p^çessaire, pédant la nuit, aux hommes adultes,
l'on «irrive au ehiffire de 50 mètres cubes.
Nûusi, avons visité des casernes où les soldats n'avaient
que iO^JAètrescubfl^; des logeiaients d'ouvriers où chacun
devait i^contenter.del mètres cubes; des salles d'hospice
qui ne renfermaient que 8, 15 et 14 mètres cubes a air
par lit de malade. Pendant huit années nous avons été chef
de service dans des galles de l'Hôtel-Dîeu de Nantes , où ,
faute d'air^ les enfants qui venài^it avec leurs mères tom-:
baient m^Jades, de telle sorte qu'il fallait ou renvoyer la
mère non;guérie, ou exposer les jours de l'enfant. Voilà
ce qui se passejoumeUement sous nos yeux. Grands dieux,
que de*ré&>rmes à faire dans eette direction I ! !
Chez rhc^ome, la priva^km- d'air pur- produit un grand
nomlMre de maladies. Quelques-^unes, comme l'ophtal-
mie cathairale.i soitf contagieuses; plusieurs autres, com-
me la £èvre luuqueuse anree symptômes typhoïdes, sont
extrèaiâmeiit; graves. Chez les chevaux, la morve parait
être souvent la conséquence du séjour dans des écuries
76 PHII.080PHIE
mal aérées. Jusqu'à cb Joqc, la cinmie a été très impuis-
sante à rechercher et h mesurer les miasmes que la res-
piration verse dans l'atmosphère. J'ai vu des hommes
auprès do^uels il m'était impossible de «éieumer, et €e-
peudant le produit de leur respiration n*a donné, aux
réactifs usuels, aucun :résidtat appréciable. En somme ,
nous ne devons jamais oublier que nos organes peuvent
être ii^fluencés défavorablement par une proportion d'acide
carbonique inférieure à un centième. N'oublions jam^iis
non j)ius les dangers de la combustion du charbon , qui
veçse.dai^s l'air, non seulement de l'acide carbonique , mais
aifssi de l'oxide de carbone^ substance réellement et for-
tementjvénéneuse. — Dans certains lieux tels, par exemple,
que les mines, des décompositions peuvent absorber de
l'ojyigène, et rendre très^promptement l'air impropre àia
respiration. Il suffit pour cela, >oil que la proportion d'oxi-
gène ^oit réduite à 15 %^ ou que des gaz nuisibles ^ent
mêlés à l'air atmosphérique.
l'état stationnaire auquel .semblent anivées les eaux se
jgjésente aussi quand on étudie l'atmosphère, tout nous
porte ii croire que sa composition ne variera plus sensi-
blement. L'acide carbonique qui s'y produit est aus^tôt
absorbé par les plantes. L'oxigène consommé est sans cesse
rét§b)i p^T l'excrétion des végétaux, et y azote Nidifié dans
Jes nitrières de la nature ne peut compter que pour mé-
4i]ioire. Hais ici se. présente une grande question : l'hpnmie
«e .pourra-t-il p^ lui-môme , par l'agriculture , confkmer
en, quelque sorte la création? Chargé de distribuer la
substance animale et la substance végétale à la surface de
la planète, pouvant puiser dans ses entrailles, n'aiva-t-il
pas^ous la main les moyens, par des itranjsformalions
nouvellçs, de se faire créateur à >son tour?
L'air qui se dis^ut dans l'eau, lui donne certaines pro-
priétés dont il faut tenir compte. Les e^ux que le peuple
appelle légères contiennent hahilnellement une -«omme de
gaz qui est de Sa k 30 centimètres cvbes par litre. D'autres
contiennent plus d'acide carbonique ; oe dermw gaz joue
un grand rôle dans l'économie terrestre^ comme nous
l'expliquerons à l'article des eaux. Remarquions en passant
DU SIÈGIA. 77
que Tinduslrie a eu , daiw ces derniers temps , l'heureiise
idée d'injecter de Tair et de le comprimer, dans des mines
voisines de la Loire, pour étiter l'invasion des eaux. — Il
y aurait beanooup à dire sut le mélange de la Tapeur d'eau
à l'air atitoosphérique , surtout à l'occasion des grands
phénomènes de circulation et de 'solidarité; mais nous
renvem)Bs eûoore cette question, pour lions occuper de ce
qui est plus spécial à Tair. =
Lorscfue, sons l'influence d'un choc, les molécules d^un
corps s'écartent de leur état statique habituel, elles ne revien-
nent à leur position primitive qu'en décrivant des oscillations
isochrones autour de ces positions. Ces oscillations, qui vont
toujotire en diminuant, produisent ce que Ton appelle le son,
quand' elles se transmettent à l'or^lie par l'intermédiaire
d'un fluide élastique. — Ne confondons point le son avec le
hrutt. Le bruit se dit du son dont l'oreille ne peut percevoir
lesvibrations. Le-sen, au contraire, possède nécessairement
trois qualités : son timbre ou accentuation , sa force , sa
grariléou acuité. Le timbre d'une clarinette , d'une flûte et
d'un hautbois tfest pas le même pour les mêmes notes.
L'inteBflité ûa son dépend de l'ampleur des vibratHns ; sa
hâirt9«r/-de leur nombre; Le ïïOftibre des vibrations , pour
une <«MFde; est en raison inverse de la longueur de son
rajomî'H éireet^ment proportionnel à la racine carrée du
poidsiqui la^ $ousfeiid. ^— ^f]n coi^è? qui vibre dans le vide ne
rommunique au^un son à- l'ttfèilfe : voilà pourquoi le bruit
^t èien monaë intefitee ^ur \e& hautes montagnes, où l'air
est teès*f aréfié: La vitesse du son-est égale à la racinecarrée de
lelastiiilé dki -lOÎMefit:, divisé par sa densité; sa propagation
est indépendante €te sa hauteur, fjft air joué à- l'extrémité
don tuy^ÂJi'd'tin ^art dte licaie de long est entendu à l'autre
eitrémité sans aucune altération.
Un 'S€#i6taiif Représenté par !•, la physique démohtrc
que'sa quiniei^a 15/3, sa Quarte 4/6, sa tierce majeure
S/4, sa tierce minélure ^5.
On<appèlle adcori' la sensation predtiitè par un ^apport
entre?! 4eum<»ëlms amwltaftési <le rapport ne tient ni au
nombrtiabsolu des* vibrations, ai à la différence arithmé-
%c A^ws liombres.
78 PHILOSOPHIE
On appelle accord parfait celui qui se compose de trois
sons dont les vibrations sont entre elles comme les nombres
4,3,6. — La gamme se compose de trois accords par-
faits renversés. Les sons de la gamme peuvent être ainsi
représentés :
UT RÉ MI FA SOL LA SI UT
1 9/8 5/4 4/5 5/2 5/5 15/8 2
Il suffit de les écrire de la sorte pour avoir les trois accords
signalés :
FA LA UT UT HI SOL RÉ SOL SI
4/5 5/5 6/5 4/4 5/4 6/4 9/8 12/8 15/8
Les sons harmoniques sont ceux que produit , outre le
son principal, une corde qui vibre seule. Il en est trois
qu'en général l'oreille distingue aisément. Le son fonda-
mental étant 1, les harmoniques seront 5 ht 5. Les oreilles
exercées peuvent en distinguer deux autres , c'est-à-dire
cette série 1,2,5,4,5. — Les prêtres des sanctuaires
de l'Inde et de l'Egypte, qui mettaient la musique au
nombre des sciences mathématiques , tenaient pour sacrés
les noftbres 1, 2, 5, 4, 5, 7, 10, 12, 14, et les prêtres
d'Egypte faisaient chanter les notes en se servant des
voyelles de leur aphabet.
Il y a peut-être une explication mathématique qui peut
rendre compte des accords. Des savants très-éminents font
donnée, nous la répéterons après eux.
Toutes les équations par lesquelles les géomètres repré-
sentent les vibrations d un corps homogène d'une nature
donnée, peuvent être vérifiées ou satisfaites dans leurs
conditions par une infinité de fonctions périodiques, pourvu
qu'elles aient toutes entre elles des rapports que l'on puisse
déterminer. Ces fonctions représentent chacune un état de
vibration particulier d'un son d'une certaine haïueur.
Lecteur, remarquez en passant ce fait des fonctions
périodiques jouant ici un rôle , car partout nous les retrou-
verons , môme dans la physiologie humaine.
Lamé, dans son Traité de Physique, oubliant que la
faculté de juger les accords ou l'harmonie est un fait pure-
ment intellectuel , s'évertue à expliquer comment l'appareil
BU 8IÈCLB. 79
eiteme de Toreille pourrait entrer pour tout ou presque
tout dans cette sensation. — Dans ce système , les disson-*
oances seraient manifestées à Toreille par des vibrations des
diverses parties de cet organe qui ne seraient point entre
elles en rapport convenable, c'est-à-dire en harmonie. Ce
a*est pas résoudre , c'est tout simplement reculer la diffi-
culté sans la vaincre.
Deux ou plusieurs sons, entendus à la fois, produisent
des consonnances ou des dissonnances. Les consonnances
charment Voreille, et généralement les dissonnances sont
désagréables: quelques-unes cependant sont employées,
parce qu'en musique comme ailleurs les contrastes rem-
plissent un rôle utile ; mais cet emploi réclame des précau-
tioDS. — L'accord est le résultat de la consonnance des
S0D5. Deux sons suffisent pour former un accord ; mais il
en faut au moins trois pour former un accord parfait , une
harmonie. Sous ce rapport , l'on peut dire que 3 est un
groupe et non une série, et que toute harmonie réclame
la i^oduetion d'une série de sons*
La variété des attractions de notre esprit est , pour les
diveis individus , en raison de la variété de nos Acuités.
Il y a des peuples qui sont dépourvus de la faculté construc-
tive , d'autres du sentiment des couleurs , d'autres de la
faculté des nombres ; il en est aussi chez lesquels le sen-
timent de l'harmonie est très-peu développé; d'autres,
au contraire, chez lesquels il est extrêmement riche. —
Dans la race blanche, la variété germanique est la plus
sensible aux accords ; elle sacrifierait quelquefois volontiers
la poésie et la beauté d'un chant, au besoin de jouir de
rharmonie des sons. La variété gauloise , ou mieux gallo-
romaine, est dans un autre ordre de sentiments. Celle-ci
sacrîiierdt plutôt l'harmonie au chant que le chant à rhar-
monie. Ce peuple, sans éducation de ces deux variétés
humaines, nous présente ce fait à un très-haut degré. Ici
les ehants populaires se chantent tous en chœur, chacun
ayant le besoin de faire son accompagnement. Là, au
contraire, vous n'entendez que des voix seules, et la mé-
lodie se dessine un peu maigre, un peu nue, sans être
soutenue ailleurs qu'aux ritournelles et aux refrains. £vi-
80 PHILOSOPHIE
demment ces deux musiques sont incomplètes. L'harmonie
sans la mélodie n'est rien ; la mélodie sans rharmonie
est bien peu de chose , quoique Ton puisse écrire des
phrases très-belles et très-sentimentales pour établir le
contraire.
Notre éducation musicale n'est pas encore assez avancée
pour que Ton puisse comparer en ce livre les airs nationaux
de la vieille Gaule et de la vieille Germanie, de la France
et de TAllemagne. Ces derniers, résumés en quelque sorte
pour les chants guerriers , par la Marseillaise et le Chasseur
Noir, deux petits poèmes , deux expressions si énergiques
en leur genre et cependant si différentes d'une même
pensée qui fait bondir les cœurs des patriotes des deux
pays. Il nous semble aussi qu'il y a eu entre les diverses
époques historiques , une manière très-différente de sentir
musicalement. Nous ne pouvons comparer, sous ce rapport,
les Egyptiens et les Grecs; mais nous savons passablement
comment l'art était compris du X"' au XVI"* siècle.
Le moyen-âge a été surtout l'expression du sentiment
paternel. Le peuple , aux églises , n y voyait personne eu
face, ef à peine, de temps à autre, la figure des prêtres.
Dans les cathédrales gothiques , la sonorité est nulle.
Construisez au contraire de vastes lieux de réunion d'après
les principes qui ont présidé à l'établissement, à Paris,
de la salle Barthélémy, et nos chanteurs d'opéras, nos
acteurs des Français et des théâtres de vaudeville pourront
s'y faire mieux entendre de cinquante mille personnes
qu'ils ne le sont aujourd'hui de deux à trois mille: aussi
notre époque devient-elle éminemment fraternelle en ses
grandes communions. Ajoutez qu'une architecture nouvelle
est la conséquence nécessaire du progrès dans la coupe des
{)ierres, dans les diverses industries métallurgiqi^ , dans
a fabrication des glaces et des cristaux , dans la prépara-
tion et l'emploi de la lumière artificielle. — Tout ceci,
lecteur, n'est point étranger à la circulation et à la soli-
darité , qui jouent un si grand rôle dans la vie sociale.
Maintenant, si vous me demandez de conclure, ne pour-
rais-je point vous citer le Guillaume Tell de Rossini , qui
répond si bien aux deux besoins de l'âme : le chant et
BU SIECLE. 81
rharoKHiie, comme l'un des types de la plus grande mu-
sique de notre époque.
Noos avons dit ratmosjdière agitée et l'atmosphère so*
nore; passons à des faits d'un autre ordre.
L'idée de voyager à travers les airs n'est pas neuve. 11
y bien loogtemp que , pour la première fois , en voyant
les ailes des oiseaux , l'envie d'en posséder est venue à
l'esprit de l'homme. Plus tard, il a inventé les cerfs-volants;
beaucoup plus tard , et seulement en 1785 , Etienne
Hootgoliier créa les ballons. Sa première expérience fut
faite h Avignon, dans une auberge, au moyen d'un ballon
de soie. La seconde fut publique; elle eut lieu à Ânnonay,
le 4 juin 1783 , en présence des Etats du Vivarais ; elle fut
faite au moyen d'aûr chaud. Vint ensuite le ballon à hy-
drogène, de Charles. Les journaux du temps parlent avec
Qoe profonde admiration de ce phénomène de l'industrie :
les spectateurs étaient ravis et subjugués ; quelques per-
sonnes pleurèrent aux impressions qu'elles éprouvèrent.
Dès le 21 décembre 1785, Pilastre des Rosiers et le marquis
d'Ariandes faisaient un voyage aérien. Partis du jardin do
La Muette dans une montgolfière ou ballon à air chaud ,
ils passèrent par dessus Paris et descendirent entre les
Iwrières d'Enfer et d'Italie. — A quoi bon cette invention,
disait-on près de Franklin, à cette occasion? — A quoi bon
Teûfant qui vient de naître? répliqua vivement le sage de
la république américaine. Le 1" décembre 1785 , Charles
et ftobert faisaient une ascension aux Tuileries, en un
ballon à gaz hydrogène. Bientôt eurent lieu les ascensions
de Blanchard, au Champ-de-Mars ; de Proust et de Pilastre
des Rosiers, du duc de Chartres; et Blanchard traversa la
Manche. Après les succès les revers : Pilastre des Rosiers
périt en voulant imiter Blanchard.
En 1704 , l'on songea à employer les ballons aux armées.
Coutelle organisa le petit corps des aérostiers ; son ballon
lEtUreprenant fut utile à la bataille de Fleurus. — En
1785, Sébastien Le Normand imagina le parachute, per-
fectionné depuis par Gamerin.
Depuis leur invention, les ballons ont été très-fréqucra-
ment employés dans les fêtes pubhques ou par des aéros-
82 PHILOSOPHIE
tiers qui voulaient en tirer profit. Plusieurs fois aussi les
savants en ont fait usage pour des études scientifiques.
Quatre de ces voyages , le premier, de MM. Robertson et
Saccharoff; le second, de MM. Biot et Gay Lussac; le troi-
sième, de M. Gay Lussac ; le quatrième , de MM. Barrai et
Bixio, ont laissé des souvenirs. Toutefois, jusqu'à présent,
la science n*a point retiré un grand parti des ascensions
aéronautiques, quoiqu'elle paraisse pouvoir y profiter. 'Ce-
pendant elles ont servi à démontrer : que Tair a sensible-
ment la même composition à toutes les hauteurs ; que le
magnétisme s'exerce dans les régions supérieures avec ia
même intensité qu'à la surface de la terre ; que les oscilla-
tions de Faiguille , quand on s'élève , sont aussi nombreuses
et ont la même amplitude qu'à la surface du sol ; que la
pile de Volta et les appareils d'électricité fonctionnent aussi
bien dans la nacelle du ballon qu'à terre.
Dès les premiers jours de l'invention des aérostats , on
a voulu les diriger pour en faire usage dans des voyages
aériens. Malheureusement, jusqu'ici, l'on n'a pas eu de
succès. Si Meuùier et Monge ont cru à la possibilité de les
conduire, Navier semble avoir établi rigoureusement que
c'est impossible, avec les moteurs mécaniques dont nous
disposons aujourd'hui. — Il n'y a pas toutefois de contra-
diction absolue entre ces deux propositions : il sera , il est
très-possible d'arriver à diriger les ballons , en se ser\'ant
du vent qui les pousse, pour aller à peu de chose près
dans la direction de ce vent; mais il sera impossible,
jusqu'à ce que l'on n'ait inventé des puissances mécaniques
d'une grande force sous un poids très-léger, telles que
pourrait l'être une machine à acide carbonique, d'arriver
à faire marcher les ballons dans une direction voulue,
quelle que soit la direction du vent, à la manière de nos
bateaux à vapeur. Toutefois ne désespérons de rien : gar-
dons-nous d'une foi absolue dans les axiomes qui n'ont
d'autre base que les études plus ou moins parfaites des
savants officiels ; mais sachons comprendre qu'un ballon
n'est point un oiseau, puisqu'il est plus lourd que son
milieu ; que ce n'est pas un navire , puisqu'il ne touche
pas à deux milieux, mais à un seul; qu'il a surtout de la
BU SIÈGLB. ' 85
ressemblance avec les poissons ; qu'il a besoin , comme
eai, d'une vessie natatoire pour s'élever et s'abaissera
volonté; qu'il lui faut en outre des nageoires spéciales
ou appareils de locomotion. Nous avons souvent médité sur
cette grande question, et nous sommes convaincu que
c'est dans cette voie qu'il y a de l'avenir. Toutefois nous
sommes loin d'accorder à la locomotion aérienne une
valeur que les télégraphes électriques et les chemins de fer
réduisent chaque jour davantage.
LES EAUX.
Lorsque Ton quitte les côtes de notre Océan pour passer
sous la zone torride , l'on est frappé , surtout dans les pays
chauds, de la phosphorescence de la mer. Le jour disparaît
à peine, et l'on voit jaillir du sein des eaux une lueur phos-
phorique. Cette lumière se montre surtout à la crête des
vagues, soit qu'elles se brisent contre les flancs d'un
Darire ou contre les rochers du rivage. 11 n'est pas rare
qu'un vaisseau, dans sa marche rapide, laisse après lui une
longue traînée lumineuse. Au premier abord , si peu natu-
raliste ou philosophe que Ton soit, on est impressionné
vivwnent par cette brillante et mystérieuse manifestation
de la vie. Peu à peu l'on s'y habitue et on n'y prend plus
garde; mais ceux qui aiment à savoir le pourquoi et le
comment des choses , ne s'arrêtent pas à une observation
superficielle. Deux causes seulement peuvent produire cette
phosphorescence : ou elle est due aux animalcules qui
nagent dans la mer et qui nous présentent, sur une très-
grande échelle, l'effet des vers luisants, ou elle est déve-
toppée par des matières organiques tenues en suspension
dans les eaux et susceptibles, comme les mucosités qui
suintent de certains poissons , de développer cet état
particulier. La première opinion est conurmée par les
».
84 PHILOSOPHIB
observations de MM, Quoy et Gaimard , qui ont étudié ce
phénomène dans File de Rawac, sous l'équateur. Ces sa-
vants ont trouvé que la phosphorescence de la mer était
duc, près de cette île , à de très-petits zoophytes qui na-
geaient en zig-zag, et laissaient sur Teau des traînées
brillantes. Ayant placé de ces animalcules dans un bocal
rempli d'eau , leur opinion se trouva confirmée par la phos-
phorescence qu'ils communiquèrent au liquide. Us recon-
nurent aussi que leur faculté lumineuse était Uée à la
chaleur. Les observations de MM. Bequerel et Breschet
prouvent que la seconde opinion peut être soutenue.
Les grandes étendues d'eau varient beaucoup en couleur;
*antôt elles sont vertes, tantôt bleues, comme certains lacs
de la Suisse ; tantôt elles ont un aspect sombre et même
quelquefois rougeâtre. Jusqu'ici Ton ne s'est pas parfai-
tement rendu compte de ce phénomène , qui est mtimement
Ko aux faits de la lumière ; il y a toutefois des colorations
qui tiemient à d'autres causes : c'est ainsi qu'un haut-fond
de sable jaune- fera paraître l'eau de couleur verte, et que
les matières organiques qu'elle tient en suspension peuvent
lui' donner une couleur fauve. Les grandes bandes d'eau
verte des mers polaires ne doivent cet aspect qu'à des mil-
liers de milliers de méduses dont la teinte est jaunâtre.
La pesanteur de l'eau de mer varie. Le décimètre cube
de ce liquide pèse de 14 à 16 à 29 grammes de plus que
l'eau distillée. Les mers les moins salées sont celles qui,
pour une petite étendue, reçoivent une grande somme de
cours d'eau douce: ainsi la Baltique, la mer Noke, la
mer de Marmara qui en dérive.
Les eaux de la Méditerranée sont au contraire les plus
lourdes de toutes^ La pesanteur spécifique plus grande
des eaux de mer est due aux chlorures de sodium et de
magnésium-, au sulfate de magnésie, au sulfate de chaux,
aux carbonates de chaux et do magnésie.
Pour l'Atlantique, le poids des sels est de 40 grammes
936 par kilogramme. Dans la Manche, il est de 39 gram-
mes 514, dans la Méditerraiiée de 41 grammes 150. En
général, la salure dos mers diminue quand on se rappro-
che des pôles; mais on u'a pas encore déterminé si elle
BU SIÈCLE. 85
Taiîe selon les profondeurs des océans. Sî la quantité de
s€l que les mers renferment était desséchée , elle serait
assez considérable pour recouvrir toute la terre d'une cou*
cbe d'environ quinze mètres. La salure des mers tient aux
sels gemmes que les eaux renferment depuis une époque
quil est très-difiicile d'apprécier; aux fleuves salés et aux
sources souterraines également chargées de sel que reçoivent
les grands bassins de la planète. M. Boussingault a calculé
que le rio-vinaigre qui sort du volcan de Puracé, débite par
vingt-quatre heures 54,784 mètres cubes d'eau chargée de
o8,611 kilogrammes d'acide sulfurique et de 51,654 kilo-
grammes d'acide chlorhydrique.
Bequerel a calculé que la salure des mers devait augmen-
ter rien que par l'apport des eaux de pluie transformées en
eaux fluviales, de 1^0 en cent mille ans ; mais nous ne nous
arrêterons pas à ce détail , qui est loin d'avoir la valeur des
ingénieuses considérations si communes chez cet auteur.
Remarquons toutefois à cette occasion que les eaux de la
mer Morte ou lac asphaltite doivent, plus que bien d'autres,
ressembler à celles des mers et des grands lacs géologiques.
Gmélin en a fait l'analyse et il y a trouvé sur cent parties :
Chlorure de calcium. . 3,214
— de magnésium 11,775
Bromure de magnésium 0,489
Chlorure de sodium 7,078
— de potassium . . ► 1,674
— d'aluminium 0,090
— de manganèse 0,022
Sel ammoniac 0;008
Sulfate de chaux 0,055
Total des sels 24,404
Eau 75,599
Ce lac et la source acide du Puracé nous expliquent une
fouie de faits des temps antérieurs, que la chimie plus
rahne et plus pacifique de notre globe ne reproduit aujour-
<rhui que très-exceptionnellement. Ce sont , en quelque
sorte, des souvenirs des âges passés, des temps paléonto-
logiques, conservés presque fortuitement pour ménager la
A*
86 PHILOSOPHIE
transition aa milieu de Tépoque que caractérisent les qua-
drumanes et les bimanes , les singes et les hommes.
Existe-t-il un pôle austral et un pôle boréal de salure
dans chacun des océans ? L'Océan Atlantique est-il plus
salé que l'Océan Pacifique ? Ces faits sont probables el
appellent de nouvelles observations qui confirment celles du
capitaine Kotzebue.
La température des eaux de la mer varie singulièrement
à sa surface, mais elle est toujours en rapport avec celle
de Tair ambiant , qu'elle surpasse quelquefois d'un degré,
La température des profondeurs est généralement bien
moins élevée : de là des courants d'eau froide qui se di-
rigent par les fonds, et des courants d'eau chaude qui se
dirigent par les surfaces.
L'élévation des mers qui communiquent entre elles
diffère peu. Cependant, d'après le nivellement de la com-
mission d'Egypte , la mer Rouge serait de 9 mètres 9 à
marée haute, et de 8 mètres 12 à marée basse, plus élevée
• que la Méditerranée; mais ce nivellement est contesté. A
Panama, le niveau de l'Océan Pacifique est de 1 mètre 1
plus élevé que le niveau moyen de l'Océan Atlantique à
Chagres. Le niveau des mers intérieures varie quelquefois
dans une proportion très-différente. Les lacs amers entre
la Méditerrannée et la mer Rouge , lacs dans lesquels se
rendait autrefois le canal qui joignait la mer Rouge au Nil,
sont d'une centaine de mètres au-dessous de la mer. La
mer Morte est de 427 mètres au-dessous delà Méditerranée,
et la Caspienne est de 18 mètres 3 au-dessous de la mer
d'Azoff. Il en résulte qu'un jour des canaux d'une construc-
tion nouvelle pourront réunir la mer Noire à la Caspienne,
la mer Rouge et la Méditerranée à la mer Morte ; qui sait
même si cette dernière ne sera pas le moyen le meilleur
de mettre en conamunication les mers intérieures el l'océan
des Indes ? j
L'on estime que la masse des mers équivaut à une couche
liquide de mille mètres d'épaisseur qui recouvrirait toute
la surface du globe. La superficie des mers, y compris celle
des lacs, est de 5,700,000 myriamètres carrés. La surface
totale du globe n'est que de 5,100,000, ce qui laisse pour
BU SIÈCLE. 87
les terres et les îles 1,400,000 myriamètres carrés. Il existe
plus de mers au midi qu'au nord, et le contraire a lieu pour
les terres. Evidemment la surface des mers a diminué en
raison du relief acquis par les continents. Nous ignorons
quelle est la forme de leurs bassins , mais Ton suppose
qu'elle doit avoir les plus grands rapports avec la forme
des continents. On prétend que l'Océan Atlantique a une
profondeur moyenne de 1,000 mètres, et l'Océan Pacifique
de 4,000. Les deux continents n'ont point la même direc-
tion, mais leurs grandes pointes sont tournées vers le sud.
Les chaînes des montagnes ont sensiblement la même di-
rection que leurs continents respectifs ; il en est de même
des grands lacs.
Les changementsque les eaux ont subis pendant les temps
géologiques, ^' expliquent par les immenses dépdts lacustres
ou marins que les soulèvements de nos montagnes ont mis
en évidence ; aiais l'état des mers ne présente rien aujour-
d'hui qui annonce pour l'avenir des modifications considé-
rables. Les espèces végétales et les espèces animales qui
habitent les eaux ne trouveront donc dans cet élément, au-
cune cause de modifications nouvelles assez puissante pour
créer des genres nouveaux, ni même pour transformer les
espèces actuelles en espèces nouvelles. Ainsi, tout s'accorde
pour nous prouver que la terre est arrivée à l'époque de
sa virilité manifestée par la stabilité de ses principaux
organes. Le règne social qui est né le dernier, aura seul
à subir les nombreux progrès qui doivent manifester sa
ne. Tout nous prouve encore que désormais l'homme doit
régner en souverain sur le monde qu'il habite , chargé de
détruire les animaux nuisibles , de multiplier et de varier
les plantes et les races utiles.
Les jeunes gens ne sauraient trop s'attacher, au début de
leurs études, à connaître lespropriétésphysiques et chimiques
de l'eau. Savoir parfaitement quelles sont les séries de sels
sdubles, les groupes de sels insolubles, c'est savoir la
statique de la chimie. Joindre à cette connaissance celle
des réactions de l'eau sur les principaux corps, c'est péné-
trer encore plus avant dans l'étude de la science indus-
trielle par excellence. Voulez-vous vous préparer à l'in-
88 PHILOSOPHIE
telligence des grands faits physiologiques de la vie générale
(le la nature? remarquez qu'elle présente l'air dissous dans
Teau aux poumons spéciaux des poissons ; qu'un, air très-
sec et privé de vapeur d'eau ne pourrait servir ni à la res-
piration des plantes, qui deviendraient impuissantes à dé-
composer l'acide carbonique de l'air, ni à la respiration des
animaux, au nombre desquels il faut placer l'homme. Le
moyen de respirer avec des membranes desséchées comme
les vessies qui servent d'enseignes à nos charcutiers ! Il y a
au sein de la nature une grande, une sublime palingénésie
dans laquelle l'eau joue le principal rôle. C'est elle , fait im-
portant observé déjà par les chimistes arabes, qui contribue
par son action à ramener à l'état minéral les substances qui
ont déjà vécu de la vie organique , comme c'est elle aussi
qui aide les substances minérales à franchir le pas qui les
sépare des vies organisées. Sous l'influenoe de l'eau , les
substances végétales et animales se résolvent en éléments
terreux, en acide carbonique, en ammoniaque. N'est-ce pas
aussi à la faveur de l'eau que les plantes absorbent leurs
sulfates, leurs silicates, leurs carbonates, leurs phosphates
de chaux, dépotasse, et quelquefois de soude, de magnésie,
de fer, leur silice , leurs chlorures terreux et alcalins? Ne
savons-nous pas aujourd'hui que l'acide carbonique con-
tenu dans l'eau joue , dans cette circonstance , un rôle
important en facilitant la solution des sihcates, des phos-
phates et des carbonates? Mais l'eau n'est pas seulement
un dissolvant, elle est encore un agent chimique; elle dé-
compose les engrais et les charrie en quelque sorte au sein
des plantes qui les réclament. Toutes ces choses devraient
être dites et parfaitement expliquées, non-seulement aux
élèves de nos collèges, mais encore dans nos salles d'en-
fance aux plus jeunes êtres des deux sexes : ainsi se forme-
raient des générations réellement capables et dignes d'un
grand avenir.
L'eau, si abondante en certaines cristallisations, forme en
général plus des deux tiets du poids des organismes végé-
taux et animaux. De là des conséquences philosophiques du
plus haut intérêt sur les productions végétales et animales
qui devaient néeegsaireroent attendre sa présence à la sur-
BU SIÈCLE. 89
lace du globe pour s'y produire. Nos arbres forestiers, au
momeot de l'abattage , en contiennent de 40 à 50 pour 7o.
L'eau se montre en vapeur dans l'atmosphère à toutes les
températures ; mais elle y est d'autant plus abondante au
voisinage des mers, que l'air est plus chaud. La nécessité
d'avoir à bord des navires, de l'eau douce pour boire et
j)Our laver le linge, a conduit, dans ces dernières années,
MM. Peyre et Rocher (l'ex-commissaire de la République)
à rinvention d'un appareil, le premier qui ait parfaitement
résolu le problème économique de la transformation de
Teau de mer en eau potable. Réduite en vapeur, l'eau de-
vient un gaz facilement condensable, dont les propriétés
diverses sont utilement employées dans les arts, soit pour le
chauffage, soit pour produire de la force motrice , soit pour
d autres usages encore.
Les eaux que l'on appelle courantes, descendent des
lieux élevés vers la mer, vers des lacs ou des marais. Les
mille accidents qu'elles subissent et qu'elles font nattre dans
leur parcours, contribuent à créer les unités plus ou moins
développées que l'on appelle contrées, pays, cantons^
Parmi les grands cours d'eau, quelques-uns ont terminé le
travail qui a constitué leurs vallées ; mais il n'en est point
tunsi pour tous , parce que tous n'ont point rencontré dans
le sol les mêmes conditions. Tantôt les soiu*ces des fleuves
sont indécises, à ce point qu'en Amérique, dans la saison
des pluies , on y trouve mi moyen de communication di-
recte entre les deux mers, communication qu'il suilirait
d'approfondir et de régulariser pour l'affecter immédiate-
ment à une importante navigation fluviale ; tantôt, comme
en Afrique , les vallées ne sont trop souvent que des lits de
cailloux que ne recouvre encore aucun dépôt sédimen taire,
ou de vraies séries de petits lacs séparés par des torrents, des
cataractes, et des rochers qui produisent ces accidents. Par-
tout la nature terrestre appelle à son aide la main de
l'homme pour b&ter l'accomplissement de ses destinées,
comme une mère l'accoucheur qui doit effectuer sa déli-
vrance.
Dans les temps modernes, et surtout depuis notre siècle ,
la géographie est entrée dans une excellente voie» Elle
90 PHILOSOPHIE
étudie avec le plus grand soin les cours d'eau , et dans cette
étude, elle comprend les lignes de partage des eaux, les
cours supérieurs, moyens et inférieurs des fleuves. Cette
étude, plus elle se répand et devient populaire, a ce grand
avantage de mieux faire comprendre à tous, instinctive-
ment d'abord, puis scientifiquement ensuite, qu'il y a
solidarité absolue entre la terre et l'humanité sous les
aspects physiques et intellectuels, et même sous l'aspect
moral. En Amérique , le Missouri et la Colombie ne sont
séparés à leur source que par un espace de 1,000 à
i,200 mètres. Ces deux fleuves qui se jettent, l'un dans
l'Océan Pacifique, l'autre dans l'Océan Atlantique, ne
sont pas une cause de séparation et de division entre les
contrées qu'ils arrosent, mais bien au contraire une source
de relations possibles et d'associations par échanges et par
transports. Creusez 1,200 mètres de canal, et vous aurez
joint les deux mers. A ceux qui enseignent , avec M. de
Falloux, que les hommes sont voués à l'individualité, et
que les grands cours d'eau en sont une des preuves (ce
que cet habile orateur a dit un jour à l'Assemblée natio-
nale, en langage magnifique et digne d'une cause plus
vraie) , je préfère les Mongols rendant un culte, dans leur
sagesse , aux montagnes de partage. Ils y élèvent des mas-
ses de pierres abruptes sur lesquelles ils plantent un éten-
dard reUgieux. Jamais un tougou ne passe à côté de ces
monuments sans y jeter une branche d'arbre , afin que la
sainte montagne, source des eaux et cause de leur partage,
augmente toujours au lieu de diminuer. Cette coutume si
philosophique est certainement très -ancienne et se lie
étroitement aux idées sociales les plus justes et les plus
élevées sur le rôle et l'appréciation des cours d'eau. L'Amé-
rique, nous dit Rit ter, a neuf points de division des sources
entre l'Océan Oriental et l'Océan Occidental. L'Europe en
a dix très remarquables entre les diverses mers : aussi est-
elle pour cette raison plus pratiquable que les autres par-
ties du monde. L'Asie et l'Afrique , au contraire , sont ou
paraissent très pauvres sous ce rapport,
La direction des fleuves est due à des causes trèsr-varia-
bles et difficiles à déterminer : tantôt c'est la nature du sol
BU SIÈCLE. 91
qui, en ouvrant sur un point une route plus facile, a dé-
terminé la route des eaux, tantôt ce sont les affluents. Il
n'est pas jusqu'au fond du lit qui n'exerce une action sur
les masses fluides. Quelquefois les fleuves se sont formé leurs
vallées, quelquefois ils ne Tont fait qu'en partie. Ici, ils se
sont contentés d'en prendre possession. Là , nous voyons
(les torrents qui parcourent un et deux mètres par seconde;
mais ce fait n'a lieu que dans les pays montueux , et sur-'
tout dans le cours supérieur des fleuves. Les lacs allongés
ont eux-mêmes, dans les montagnes, une pente considéra-
Ue. Ainsi , le comte de Horoso a trouvé 52 pieds de pente
entre les deux extrémités du lac Majeur, situé dans le Pié-
mont. Toutefois la pente habituelle des rivières, dans leur
rours supérieur, est d'un douzième , soit i centimètre pour
li centimètres de parcours. De là leur rapidité , leur bruis-
sement , la faoilité avec laquelle elles absorbent l'air, et
réeume si fréquente partout.
Au pied des grandes montagnes qui les produisent , les
fleuves ralentissent leur cours : la pression , le volume des
eaux et la vitesse acquise exercent alors une grande in-
fluence sur leurs habitudes. On appelle lit, l'espace qu'ils
occupent en largeur; chenal, la partie où se fait le plus fort
courant. Dans le cours supérieur des fleuves, le chenal et
le lit se confondent ; dans le cours moyen , ils sont généra-
lement très distincts. A une époque an té-historique , la plus
fiart de nos vallées se composait d'une série de lacs.
Ce fait existe aux Etats-Unis sur la plus grande échelle. Le
fleuve Saint-Laurent traverse de très grands lacs avant de
prendre son nom. Le Rhin , le Danube , le Gange et l'Eu-
phrate ont été soumis à la même loi; le Rhône en est
encore la preuve vivante. Les fleuves qui ont des lacs dans
leur cours supérieur ont généralement un volume d'eau
plus constant que les autres. La main de l'homme, sous
ce rapport, doit faire ce que la nature a détruit ou négligé.
Il importe à notre espèce de créer dans toutes les monta-
gnes, de grands réservoirs pour les sources torrentielles :
ia climature , l'agriculture, les irrigations , la pisciculture et
la navigation fluviale ne peuvent qu'y gagner. Les forces
motrices des chutes d'eau qui en résulteront viendront aussi
92 PHILOSOPHIE
en aide aux efforts de l'homme. Partout , entre les monta-
gnes, les grands fleuves présentent des défilés, des étran-
glements, souvent même des cataractes ou tout au moins
des rapides, preuve certaine du passage ancien des fleuves à
travers de grandes étendues d'eaux lacustres. A mesure que,
dans les âges anté - historiques , les lits supérieurs et
moyens des fleuves se sont formés par le percement des
montagnes et la rupture des digues naturelles, les lits in-
férieurs sont devenus des faits nécessaires. Ici le cours des
grands fleuves est singulièrement ralenti. D'après Andan-
son , le Sénégal n'aurait, en 60 lieues, que 2 pieds 1/2 de
pente. Le fleuve des Amazones n'aurait, d'après La Conda-
mine, qu'un mètre de pente sur 72 milles ou 24 lieues
dans son cours inférieur. De là, par suite, à l'embouchure
des grands fleuves, des phénomènes très curieux pour le
flux et le reflux qui se fait sentir très loin ; de là, des dépôts
et des delta nécessaires que l'on observe pour le Rhin , le
Rhône, le Gange, l'Indus, l'Euphrate et le Nil. Si celte loi
ne s'applique ni au Saint- Laurent , ni à quelques autres
grands cours d'eau, c'est qu'ils sont placés dans des condi-
tions exceptionnelles. Le cours inférieur des fleuves pré-
sente encore à notre étude deux grands faits : l'un , c'est la
facilité avec laquelle les eaux changent de chenal sous l'in-
fluence des glaces, des tempêtes, des grandes marées et
des inondations venant des parties hautes; l'autre, c'est
que , sous les tropiques , c'est au cours inférieur que com-
mencent les inondations annuelles.
L'influence historiquedes grands systèmes d'eaun'a pas été
assez étudiée. Non-seulement à cette influence se rattachent
tous les progrès et toutes les anciennes habitudes des naviga-
tions, fluviales et maritimes , mais il y faut rapporter une foule
d'influences secondaires en apparence, très-sérieuses en réa-
lité, qui ont eu les plus heureux efl'ets sur la civilisation ; car
tel est le résultat de la loide solidarité qui rattache l'état social
et moral de l'homme à l'état physique de la terre qui le porte.
L'eau qui coule dans nos fleuves , n'est-ce pas le liquide fé-
condant des artères du globe? L'humanité en son berceau
n'était qu'une masse confuse, mais les eaux ont contribué à
dessiner et à créer les personnalités des peuples et des étals.
DU SIÈCLE. 95
La natmre ne nous a pas donné les mers qui baignent nos
eoDtioents ^ et les fleuves qui les arrosent , pour continuer à
mourir de misère et de souffrance à côté de ces grandes
richesses. Les eaux sont Taliment le plus puissant de la
îégétation : l'art des irrigations a donc besoin de sortir de
l'enfance. Tous les corps que Ton plonge dans Teau perdent
une quantité de leur poids justement égale au poids du
liquide déplacé : Teau est donc, par suite, un moyen de
support et de transport économique. Les chûtes d'eau pro-
duisent une force motrice ; et dans le sein des eaux, de nom-
breux animaux , utiles ou agréables , peuvent trouver les
conditions et les aliments de leur vie. C'est à ce quadruple
point de vue que la société doit et devra de plus en plus les
envisager. N'oublions pas cependant que Ténorme capacité
de Teau, (K>ur absorber la chaleur, peut encore en faire un
excellent intermédiaire, pour produire dans nos habitations
le chaud et le froid.
Ces prémices posées, que répondrait l'humanité si on
lui demandait compte de l'usage qu'elle a fait de la plus
abondante et de la plus utile des substances minérales.
Si sa conscience était plus développée, quels ne seraient
pas ses remords et sa douleur.
Pour diminuer les frais des longs voyages, et surtout pour
en réduire la durée, il serait indispensable de percer les
isthmes de Suez et de Panama. L'antiquité avait, dit-on,
créé ce travail si utile pour l'isthme de Suez : elle avait fait
plus , un second canal joignait au Nil les lacs amers ou
salés, lacs très profonds, placés, nous l'avons dit, à plus de
100 mètres au-dessous, du niveau des mers, et dont la sur-
face avait eonsidérablement augmenté par suite de leur
communication avec la mer Rouge ; mais nous , les civilisés
modernes, nous les avons laissés s'ensabler. Des grandes
œuvres des Pharaons, il ne nous reste aujourd'hui que des
souvenirs historiques et de§ vestiges.
Quant à l'isthme de Panama, si aisé à couper sur plu-
sieurs points, notre lésinerie va le rendre plus facile à
traverser au moyen d'un chemin de fer ; il eut été cepen-
ilant tout -à' fait di^e de notre époque de permettre au
même navire de faire le tour du globe. Â quoi bon ces
94 PHILOSOPHIE
chargements et déchargements inutiles que Ton pourrait
éviter? Est-il donc si difficile soit avec des machines à va-
peur, soit avec des moulins à vent , de faire monter Teau
jusqu'aux points de partage qui regardent à la fois les deux
océans , de manière à suppléer à rinsufûsance des sources
et à réparer les pertes de Tévaporation jointes aux exigences
du service des écluses?
Jusqu'à ce jour, en Europe, et non moins en France
qu'ailleurs, l'on a fait des canaux pour faire des canaux.
Très-souvent les grandes irrigations qu'ils devaient produire
ont été complètement négligées. On a oublié que ces ca-
naux pouvaient devenir la source de pêches lucratives ; on
est même allé jusqu'à négliger entièrement les forces mo-
trices de leurs écluses.
J'écris ces lignes à 200 mètres du canal de Bretagne, qui
ne sert à aucune irrigation. Il a crée inutilement d'inuti-
les marécages et des fièvres intermittentes. Ses chutes
d'eau sont vierges encore d'usage industriel , et ses
chaussées perpendiculaires ont suppriné la pêche des sau-
mons autrefois si lucrative. Ce n'est pas tout : son absurde
tarif équivaut à une prohibition pour le transport des pro-
duits. C'est ainsi qu'une énorme machine de 150 lieues de
long , qui a coûté plus de 68 millions , qui pourrait pro-
duire en vingt ans une plus-value de plus de 600 millions,
chôme depuis vingt années au milieu de populations misé-
rables, au grand détriment des intérêts de l'agriculture , du
commerce et de l'industrie. Hommes du siècle, administra-
teurs des privilégiés , voilà vos œuvres !
Tout canal créé dans des conditions avantageuses , coûte
en moyenne , dans ce monde , un million au plus par lieue ,
et rapporte habituellement à la société , en plus-values de
toute nature , de cinq à seize fois le capital engagé : d'où
nous pouvons conclure , que si la France seule avait em-
ployé , sous le règne de Louis-Philippe , à creuser des ca-
naux, la dépense de ses armées permanentes, qui ne sont
qu'une grande gendarmerie , nous posséderions aujourd'hui
plus de sept milles lieues de navigation nouvelle, source
abondante et reproductive, représentant une plus-value
d'au moins trente-cinq milliards et peut-être de cent mil-
DU 6IÈCLB. 95
liards. — Ces chiffres presque fabuleux sont cependant
au-dessous de la réalité. Le canal du centre , qui a coûté
16 millions, ne produit pas moins de 10 millions de plus-
value annuelle , ce qui équivaut à 12 fois son capital ; tan-
dis que le canal du Languedoc , qui a coûté 30 millions ,
produit 2S millions de revenu annuel, ce qui revient à
dire qu'il a donné au pays 16 fois la valeur du capital
engagé. Que serait-ce donc si une civilisation véritable sa-
vait utiliser les canaux au mieux des intérêts de l'humaine
espèce ? Supposez un instant que la France ait consacré en
18 années 7,200 millions à lutter avec la nature , par des
voies fluviales artificielles, pour féconder et embellir son
territoire ; supposez encore qu'elle ait employé dans cette
glorieuse entreprise tout le savoir, toute l'imagination,
toute l'adresse, toute la ruse, tout le bon goût, tout l'art
de ses enfants, quelle admirable métamorphase!!!
Partout les canaux deviennent d'immenses viviers , dans
lesquels on essaie et l'on multiplie les plus beaux , les
plus délicieux poissons des deux mondes. Toutes les chutes
sont utilisées , car les chevaux d'eau ne mangent ni foin ni
charbon. Celles qui ne travaillent que le jour servent la
nuit à faire des irrigations au moyen de roues , de turbi-
nes , de béliers ou d'autres engins hydrauliques. Les jar-
dins arrosés et les prairies qui, sur une surface de 53 mil-
lions d'hectares, n'occupent aujourd'hui, en France, que
4 millions 1/2 , arrivent à dépasser le chiffre de 10 mil-
*lions d'hectares parfaitement mouillés à souhait par des
eaux vives. Aux flancs des montagnes et sur les sommets
des collines , l'œil surpris aperçoit les bateaux des mariniers
qui se dessinent au milieu de la plus brillante verdure, de
la plus luxuriante végétation ; tandis que par des canaux
ou syphons souterrains des villes , des bourgs et de grands
villages, souvent même des cités importantes voient par-
tout des eaux jaillisantes se marier sous les formes les plus
gracieuses et les plus élégantes à la verdure , aux arbres ,
aux animaux vivants et aux monuments qui les décorent.
Des troupeaux splendides de gros et de menu bétail pais-
sent à souhait sur des terres aujourd'hui stériles; partout
les chants du laboureur se mêlent au mouvement, au bruit,
96 PHILOSOPHIE
au va-et-vient de Finduslrie. Ici c'est un canal souterrain ,
véritable styx, servant à verser dans la Loire les eaux des
houillères de Saint-Etienne et les produits de son industrie.
Ailleurs ce sont de vastes tunnels passant sous les plus
hautes montagnes pour relier la France à l'Espagne et à
ritalie , en faisant descendre à la fois sur notre sol , par
des ouvertures artificielles, leurs sources abondantes et les
produits de mines nouvelles qu'elles recèlent nécessaire-
ment dans leur sein ; car si partout ailleurs l'homme ne
peut pénétrer qu'à 2,000 mètres dans l'intérieur de la terre,
les montagnes semblent disposées tout exprès pour lui per-
mettre d'atteindre , sans s'exposer à une température trop
élevée , les minerais les plus riches qui se trouvent actuel-
lement à l'abri de ses recherches. Mais à quoi bon cette
énumération des valeurs que nous pourrions créer en utili-
sant les eaux. N'est-ce donc pas à leurs irrigations que
'l'Egypte et la Judée devaient leur agriculture si prospère?
Les Pharaons n'avaient-ils pas semé de puits artésiens leur
royaume et les limites du désert ? Le Tigre et l'Euphrate ne
nous offrent-ils pas encore les restes de digues puissantes ?
Et nous, Européens, nous les émancipés de la science,
nous dépensons à tuer ou à tyranniser nos semblables , les
richesses qui multiplieraient le bonheur!...
Toutes les eaux ne sont pas fournies à la surface du
sol par les pluies ou par les fleuves. Les puits artésiens
nous sont un moyen d'aller saisir, entre deuii couches de
terrains imperméables, un fleuve souterrain qui traverse
une couche perméable. En été, -ces puits peuvent devenir
un moyen de rafraîchir l'atmosphère et d'y verser la vie ;
en hiver, ils fournissent une eau chaude qui pourrait servir
au chauffage et à l'arrosage de grandes serres telles que l'on
n'en construit pas encore : de serres immenses , gigantes-
tesques , ayant quelquefois plusieurs hectares de surface et
destinées dans les grandes villes de nos climats brumeux à
réunir au besoin plus de cent mille personnes à l'abri des
injures des saisons , au milieu des arUtes et des fleurs de
tous les pays du monde. Les puits artésiens sentiront aussi
à limiter les déserts de l'Afrique et de l'Asie, à reconquérir
les terres ensevelies sous les sables , à créer des oasis de
DU SIÈCUS. 97
verdure dans les terrains les plus brûlants , à marquer les
étapes de ces caravanes civilisatrices qui verseront un jour,
sur les bords du Niger et dans Tintérieur de l'Afrique, la
science et la vie des hommes de l'Occident.
Nous venons d'exposer successivement en ce premier
livre préparatoire :
L'œuvre du siècle;
Le credo scientifique du siècle ;
L'ordre logique de cet ouvrage ;
Ce qu'il faut entendre par ces mots philosophie : sagesse,
vérité , justice , vertu.
Nous avons fait nos actes de foi sur Dieu, la providence,
la vie universelle et .le plan providentiel, >et sur les destinées
de l'humanité.
Nous avons expliqué par anticipation ce que c'est que la
polarité, la circulation et la solidarité, en faisant connaître
leurs grandes fonctions.
Nous avons sommairement étudié la chaleur, la lumière,
1 électricité , l'atmosphère terrestre et les eaux , ces grands
éléments de circulation et de solidarité à la surface de la
planète. Notre œuvre de préparation terminée , nous allons
maintenant entrer en matière et raconter la physiologie de
l'univers. I^os efforts auront pour but de mettre cette étude
à la portée d'un grand nombre, de combler de nombreuses
lacunes et de faire pressentir ce que d'autres devront ulté
rieurement démontrer.
98 PHILOSOPHIB
LIVRE n.
VIES SIDÉRALES.
Que d'enivrantes et mystérieuses poésies dans Tétude de
ces mondes qui roulent dans Tespace! Elle seule nous
donne Tidée de Tinfini, elle seule nous révèle dans toute
leur grandeur les merveilles de cette force éternellement
active qui imprime le mouvement à toute la nature , qui
donne la vie à tant d'existences individuelles et collectives
plus grandioses que celles de notre globe et de notre sys-
tème solaire tout entier. Quelle source puissante d'études
pour le savant , de méditations pour le philosophe , d'épan-
chements affectueux pour l'homme religieux, que cette
réunion de tant de corps immenses roulant les ims autour
des autres avec une majestueuse harmonie , au sein d'un
espace sans bornes et d'un temps sans limite ! ! !
D'où vient ce soleil lumineux, qui par sa chaleur. féconde
notre globe? A-t-il toujours vécu, vivra-t-il toujours J Sa
lumière diminuera-t-eUe dans l'avenir, et devons-nous
craindre pour notre terre une nuit éternelle , que la lune
elle-même n'éclairerait plus de ses pâles rayons ?
Et cette lune , qu'est-elle ? Quelle est sa mission dans
ce monde ? Est-ce une terre habitée , un aride désert sans
air et sans eau ?
Que dire de ces autres terres , de ces planètes qui gra-
vitent comme nous autour du soleil ? Que penser de ces
comètes, dont les unes, tout-à-fait planétaires, paraissent
ne point s'écarter des mondes les plus voisins, tandis que
d'autres aux ellipses plus allongées^', passent de notre ciel
DU SIÈCLB. 99
à des cieux inconnus? Cette lumière zodiacale , cette appa-
rence lumineuse à la forme pyramidale qui embellit si sou-
yent les nuits des tropiques, quelle est sa cause? Que
penser de ces astéroïdes qui, sous la forme d'étoiles filantes,
Tiennent tomber à la surface de la terre ; et de ces étoiles
qui brillent aux cieux, et de ces nébuleuses qui semblent
des systèmes plus ou moins complets comme notre système
solaire, mais à des degrés divers d'organisation? Ce sont
là quelques-unes des nombreuses questions que nous dé-
sirons mettre à la portée de beaucoup , que nous voulons
exposer selon le savoir ou les doutes du moment , selon la
vérité absolue ou le roman de la science , pour en déduire
des conclusions utiles et religieuses , en montrant les
rapports nécessaires qui lient intimement toutes les parties
de l'univers.
LE SOLEIL.
Notre soleil, cette étoile autour de laquelle gravitent
des planètes et des comètes, est susceptible d'exercer son
influence à des distances plus éloignées que celles des astres
qui forment son cortège habituel.
De temps à autre , des comètes , quittant d'autres soleils ,
viennent à lui des immensités de l'espace , subissent son
attraction puissante, et disparaissent ensuite pour aller
demander à de nouveaux soleils la même attraction.
Il conviendrait à la paresse de notre esprit de faire de
cet astre le centre du monde , ou tout au moins d'admettre
que toutes les étoiles se meuvent autour d'un centre im-
mense, lumineux ou obscur; mais les divers groupes de ces
œrps qui remplissent l'espace de leur lumière et de leur vie ,
sont loin d'accomplir leurs fonctions dans la même direc-*
tion de l'immensité des cieux. Peut-être même notre soleil
n'est-il autre chose qu'une étoile qui décrit une ellipse infini-
ment grande autour d'un autre soleil plus puissant que lui.
iOO PHILOSOPHIE
Placé en moyenne à vingt-quatre mille rayons terrestres
de nous , c'est-à-dire à trente-huit millions de lieues , le
soleil a un volume environ treize cent mille fois plus consi-
dérable que celui de la terre ; mais sa pesanteur spécifique
est moindre que celle de notre globe. Tandis qu'en moyenne
la terre pèse cinq mille cinq cents kilogrammes par mètre
cube, le soleil n'en pèse que treize cents. Sa lumière ren-
ferme des rayons de trois espèces différentes : les uns
produisent de la chaleur, d'autres de la lumière, d'autres
sont essentiellement chimiques.
Les savants s'accordent à admettre que cet astre se com-
pose d'un noyau presqu'entièrement obscur, d'une at-
mosphère nuageuse très-dense, et d'une photosphère ou
atmosphère lumineuse qui enveloppe le tout et qui nous
transmet la lumière et la chaleur. Cette manière de voir
explique les taches que l'on aperçoit à sa surface ; non seu-
lement elle s'accorde avec les observations télescopiques ,
mais elle est encore vérifiée par les récentes découvertes
sur la lumière , et par la genèse que nous exposerons ul-
térieurement. Ainsi, les taches sont produites tantôt par le
corps même du soleil , que ses atmosphères nuageuse et
lumineuse laissent à nu, tantôt par la seule atmosphère
nuageuse que l'atmosphère lumineuse ne recouvre plus ,
et alors elles se présentent comme une pénombre sans
noyau obscur. Il résulte aussi des études d'Arago, que la
lumière qui émane du soleil est projetée dans l'espace par
un corps gazeux et non par un corps solide, tel que pour»
rait être un boulet de canon chauffé à blanc.
Les taches du soleil ont beaucoup occupé les astronomes ;
elles ont fait reconnaître que ce corps immense est doué
d'un mouvement de rotation sur lui-même , qui s'effectue
d'occident en orient en vingt-cinq jours et demi. La
plus grande des taches que l'on ait mesurées, de 1716
à 1720, présentait six mâle lieues de diamètre; en 1758,
Mayer en a mesuré une qui offrait cinq fois le diamètre de
la terre ou environ quinze mille lieues; en 1789, on en a
mesuré une autre qui était assez grande pour correspondre
à seize fois l'espace que notre globe pourrait recouvrir. On
s'est demandé quelle peut être l'influence de ces taches
BU SIÈCLB. 101
sur les saisons et la température de notre globe. Pour
résoudre cette question, Herschell avait dressé une table
dans laquelle il plaçait le prix du blé ^n regard des années
dans lesquelles le soleil avait présenté des taches , et des
années dans lesquelles il n'en a point offert aux observa-
teurs. Mais ce tableau ne prouve rien : d'un côté , parce
que le fameux astronome n'a pas tenu compte de la dé*
croissance de la valeur de l'argent ; de l'autre , parce que
le blé a été tantôt cher, tantôt bon marché, dans les
années dans lesquelles le sol^l a offert des taches, tout
aussi bien que dans les autres.
Une question non moins importante à résoudre , c'est de
déterminer la nature de l'enveloppe brillante ou photosphère
du soleil. Tout en admettant, avec flerscbell, qu'eUe en
est distante de huit cents lieues, nous croyons nécessaire
d'admettre aussi que cet astre a passé , comme toutes les
planètes de notre système, par 1 état de matière diaphane
et gazeuse dans lequel paraissent être aujourd'hui certaines
nébuleuses irréductibles; d'où il faut nécessairement con-
clure que la substance qui en forme le noyau fermente et
bouillonne autant et plus peut-être que les laves de nos
volcans. L'hypothèse de La Place, sur la formation des mon*
des solaires, nous conduit aussi à une autre conséquence:
c'est ^ que les mêmes éléments chimiques, mêlés par le
mouvement, mais cependant mélangés et combinés dans
des proportions qui doivent varier beaucoup, composent la
masse du soleil et des astres qui appartiennent à sa forma-
tion. Que de corps simples, selon notre chimie, que do
composés binaires et ternaires fixes à nos températures ha-
bituelles, qui se décomposent ou^se volatilisent à moins de
mille degrés de température et qui, à deux ou trois mille ,
doivent former nécessairement à la surface du soleil , au
dessous de sa photosphère, une couche atmosphérique con-
densable un jour, mais de nature, dans l'état actuel,
à produire des flammes par les actions et réactions né-
cessaires qui sont les conséquences de son existence
même. Si la photosphère du soleil se confondait avec ces
flammes électriques, résultat des réactions chimiques les
plus immenses, sa couleur ne serait plus ce qu'elle est*
102 PHILOSOPHIE
Cette observation n'explique pas les couleurs si variables
d'un grand nombre des soleÛs de l'espace étoile, mais
elle indique l'une des causes qui pourraient les produire.
Francœur a cru devoir faire remarquer que l'étemelle com-
bustion du soleil , sans diminution apparente de volume ,
pourrait n'être pas un fait positif. Puisque, dit-il, cet astre
a 2,000 secondes de diamètre , et que chaque seconde ré-
pond à 267 lieues , une diminution de deux pieds par jour,
dans le diamètre du soleil , ne serait que de 160 lieues en
3,000 ans , c'est-à-dire tout-à-fait inappréciable. Pour
nous, cette observation aura une autre signification : ce
n'est pas la combustion , c'est le refroidissement du soleil
par diminution de la combustion qui peut entraîner ime
réduction de volume. Si cette réduction de volume est
inappréciable en une série de trente siècles , nous devons
en conclure que la phase d'incandescence du soleil sera
encore d'une immense durée et que la vie du système so-
laire devra se prolonger pendant des milliers de siècles. Le
soleil s'éteindrait donc cependant un jour comme la terre a
dû s'éteindre , comme ont dû s'éteindre nos autres planètes.
Après avoir commencé dans la voie lactée , à la manière
des mondes qui s'y forment pour ainsi dire sous nos yeux ,
il se dirige à travers l'immensité des temps et des espaces
vers la constellation d'Hercule , présidant à l'existence des
planètes et des lunes qui forment son cortège, semant à
leur surface la lumière et la vie , donnant naissance à ces
combinaisons minérales, végétales, animales et sociales,
qui, multipliées à l'infini, variées à l'infini, toutes formées
aux dépens de sa propre substance, toutes subordonnées à
son action, toutes solidaires de sa propre vie, racontent,
chacune à leur manière , les grandeurs sublimes de la na-
ture et la constance de ses lois. £t cependant cet astre , sa
force vitale épuisée , sa fonction finie , verrait un jour se
terminer son existence , que nos pères croyaient étemelle
et qu'ils déifiaient. Alors plus de ces éjaculations embra-
sées qui , se répétant sans cesse , donnent au monde qu'il
gouverne le bonheur et la joie. Adieu cette atmosphère
brillante que nos yeux ne peuvent fixer. Vieux et impuis-
sant, passera-t'il à la refonte au sein de quelque nébuleuse,
BU SIÈCLE. 103
OU deviendrar-t-il d'abord, et pour un temps, le vassal,
l'humble planète â*un soleil plus puissant qu'il n'a jamais
été!...
Naître, produire et mourir, pour revivre encore, n'est-ce
dooc point pour tous, grands et petits, le résultat de l'ac-
tion de ce faisceau de lois que nous avons appelé providence ?
Les variations, jadis si peu étudiées, aujourd'hui quel*
que peu pressenties, qui existent pour un grand nombre
d'étoiles , soit sous le rapport de la couleur, de la lumière,
soit sous le rapport de l'intensité , nous conduisent à penser
que de pareilles révolutions peuvent avoir eu lieu dans la
photosphère du soleil ; car pourquoi notre soleil serait -il
différent de ceux qui peuplent l'espace infini ? Ces révolu-
tions, si elles ont eu lieu , ont nécessairement réagi sur no-
tre planète avec la plus grande énergie , mais où en ren-
contrer le souvenir et la preuve? Notre science si jeune est
encore à son berceau.
MERCURE.
Liées par une commune origine , les planètes de notre
système solaire sont toutes soiunises aux mêmes fonctions.
Le soleil qui les échauffe et les éclaire, le soleil, autour du-
quel toutes gravitent, les unit et les associe dans une
commune solidarité de lumière , de chaleur et de mouve-
ment. Sans èlre identiques , leurs existences présentent de
nombreuses analogies. Longtemps la science s'est occupée
des différences qui les séparent ; mais le temps est venu de
les considérer comme les membres d'une seule famille et
d'étudier leurs rapports de fraternité.
Mercure est , de toutes les planètes , la plus voisine du
soleil. II est placé à quinze mulions de lieues de cet astre ,
qui y parait trois fois grand comme nous l'apercevons.
D'après Newton , la chaleur que Mercure en reçoit serait
10% PHILOSOPHIB
sept fois plus considérable que celle que nous Tecervons
sous la z6ne torride; mais diverses circonstances, et surtout
repaisse atmosphère de Mercure, modifient sans aucun
doute cette température , de manière à la mettre plus en
harmonie avec les conditions physiologiques -qui produisent
la vie à la surface de notre globe. Le diamètre de Mercure
est de 0,39, celui de la terre étant un. Son volume est le
dixième de notre planète ; sa densité ou pesanteur spécifi-
que est justement égale à celle du métal dont il porte le
nom , si toutefois les calculs qui l'ont fournie sont réelle-
ment exacts; elle est aussi de 2,87, celle de la terre étant
prise pour unité. Mercure décrit son ellipse autour du soleil
en 87 jours environ et parcourt 655 lieues par minute. En
ackneltant que cette planète se compose de quelques-uns
des principaux éléments que Ton trouve à la surface de la
terre, son voisinage du soleil porterait à conclure que la
densité de son atmosphère tient à une énorme quantité de
vapeur. Les jours y sont plus longs que sur la terre de cinq
minutes trois secondes , et ils sont prolongés par des cré-
puscules plus considérables. Des journées très-chaudes , de
. très-violents orages , des nuits relativement froides et don-
nant naissance à de très-abondantes rosées , peu ou presque
pas de mers , telles seraient les conséquences des faits con-
nus de cette planète. Il est probable encore que ses conti-
nents sont très-élevés , hérissés de hautes montagnes qui
font paraître son croissant comme tronqué à l'une de ses
extrémités , et que les conditions physiologiques de la vie
doivent y varier plus encore que chez nous , des vallées aux
grands plateaux et aux montagnes. 11 n'est pas irrationnel
de supposer dans Mercure des hommes ou d'autres animaux
très-intelligents, et très-rapprochés de nous ; mais tout
porte à penser que cette planète doit jouir encore et jouira
longtemps d'une existence analogue à celle dont les faits
géologiques nous fourniront la tradition. Sa densité, très-
considérable , semble indiquer, si elle est exacte , ce qui
nous parait douteux, ou -que plusieurs planètes sont des
sphères creuses, ou que sa composition cnimique est diffé-
rente de celle de la terre. Les montagnes , dont les détritus
forment chez nous le sol cultivable , y seraient alors d'une
BU SIÂCLB. 105
AQtre nature ) Tor, le platine et d'autres éléments d'une
grande pesanteur spécifique entrant pour une part considé-
rable dans leur composition.
VENUS.
A 37 millions SOO mille lieues du soleil , se trouve une
seeonde planète à laquelle son brillant éclat a fait donner
le nom de Vénus. Pour nous , cette terre nouvelle est , au
milieu des étoiles, une véritable reine de beauté. Son dia-
mètre est à celui de notre globe dans le rapport de 97 à
100. Son volume forme les neuf dixièmes du volume de la
terre ; sa densité est légèrement plus considérable. Ses jours
sont de 35 heures 21 minutes, et ses années de 224 jours 16
heures M secondes. La vitesse de sa marche est de 485 lieuos
par minute. Presqu'aussi grande que la terre, elle se meut avec
plus de rapidité, parce qu'elle est plus rapprochée du soleil.
Vénus possède une atmosphère analogue à notre at-
mosphère terrestre. Elle n'a point de lune, mais, comme
le dit Arago, la planète Mercure est son étoile du matin.
De hautes montagnes , lorsqu'elle nous parait sous la forme
dan croissant, nous dérobent l'une de ses cornes. On
croit y avoir observé des mers et des continents. Le soleil y
parait double en grandeur de ce que nous le voyons ; mais
ponr tempérer ses ardeurs , combien la providence ne s'est-
elle pas montrée prodigue de ressources ! D'abord son an-
née est moins longue que la nôtre de 141 iours, et la
brièveté des saisons a pour résultat naturel d'en adoucir
les rigueurs ; en second lieu, cette planète a sous sa zone
lorride deux étés et deux hivers chaque année : aussi pour-
quoi des hommes ne vivraient-ils pas à sa surface ; pour-
quoi des Yégélaux et des animaux analogues à ceux de
notre planète n'embelliraient-ils pas les solitudes de ce
monde inconnu et si favorisé ; pourquoi cette sphère n'au-
106 PHILOSOPHIE
rait-elle pas, comme la nôtre, une vie complète, lorsqu'il est
présumable qu'elle possède toutes les conditions de bon-
heur que créent à la surface de la terre les climatures les
plus favorisées ? Comment supposer qu'il s'y trouve de l'a-
zote, de Toxigène , de Thydrogène et du carbone , sans que
ces substances aient donné lieu aux combinaisons qu'eUes
produisent à la surface de la terre, aux corps qu'elles y
animent ou à des corps relativement semblables et créés
pour une même fin ? Serait-ce donc seulement pour exciter
la curiosité de quelques savants de notre planète que la
providence aurait donné à Vénus une croûte solide pareille
à notre croûte terrestre , des minéraux probablement sem-
blables aux nôtres , une pesanteur spécifique presque pa-
reille , une atmosphère , source de vie pour les végétaux et
les animaux , des eaux pour mêler à cette atmosphère les
vapeurs que réclament sur notre globe toutes les existences
animales et végétales, et des saisons relativement plus fa-
vorables que les nôtres ? Quoi ! la providence aurait fait de
Vénus un Eden véritable, et cet Eden serait une solitude
magnifique mais inanimée, où tout à coup les lois immua-
bles de l'univers auraient cessé de s'exercer ! Evidemment
cette supposition est inadmissible. Combien de fois , dans
mes rêveries , n'ai-je pas étudié les conditions physiologi-
ques des êtres qui habitent Vénus, et les probabilités de
leurs fonctions etde leurs formes ! D'autres reprendront ces va-
gues pressentiments avec l'aide des découvertes nouvelles, et
quelque jour le roman de la science s'agrandira de données
aussi profondes que poétiques, aussi curieuses que grandio-
ses. Les mondes de Fontenelle seront à refaire en entier au
point de vue d'une philosophie plus religieuse et plus élevée.
LA TERRE.
La terre est un sphéroïde légèrement applati à ses pôles ;
son demi-diamètre, à l'équaleur, est de 6,577,107 mètres.
DU SIÈCLE. 107
et an p61e, de 6,556,198 ; ce qui donne une différence de
30,909 mètres.
Cette planète fait sa révolution diurne en 24 heures , et
sa réyolution annuelle en 365 jours 5 heures 48 minutes
48 secondes ; c'est là ce que Ton appelle Tannée tropique.
Mais si Ton prend une étoile fixe pour point de départ et
d'arrÎTée, Ton aura Tannée sidérale qui est de 365 jours 6
heures 9 minutes 12 secondes.
L'inclinaison de son aie sur son orbite est de 66 degrés 52
minutes. Sa densité est environ 5,5, celle de Teau étant prise
pour unité. Sa distance du soleil est de 38 millions de lieues.
Vue de Vénus, la terre est une planète dont le croissant
présente une brisure au pôle austral qui se termine par des
mers, tandis que les continents vont plus loin au pôle bo*
réal. Les savants de Vénus ont dû aussi être surpris par la
vue de deux corps brillants situés à nos pôles , qui ne sont
autre chose que les glaces polaires ; mais en étudiant la
planète Mars, ils en auront trouvé de semblables.
Vue de la lune, notre terre, au dire des astronomes,
présente un aspect tout différent. Les habitants de la lune,
s'il y en avait à sa surface, la verraient comme une luno
superbe, quatorze fois plus grande que celle qui éclaire
nos nuits, mais toujours immobile à la même hauteur du
ciel. Tandis que notre satellite tourne sur son axe, la terre
lui présente les aspects les plus variés ; les lies , les conti-
nents., les mers lui apparaissent comme autant de taches
de grandeur et d'éclat différents que modifient sans cesse
les nuages de notre atmosphère.
LA LUNE.
La lune est à 86,000 lieues de nous : son diamètre forme
les 27/100 du diamètre terrestre; son volume en est la
cinquantième partie; elle pèse en moyenne 3,575 kilo-
108 PHILOSOPHIE
gnammes par mètre cube; en d*autres termes, la densité
de la terre étant un , la sienne est de 0,715,076. Sa révolu-
tion est de 27 5/10. C'est là lé mois lunaire périodique ;
mais si Ton compte le mois lunaire en prenant le soleil pour
point de départ, comme le soleil aura marx^hé pendant la
révolution delà lune, ce second mois,, que Ton appelle
synodique , sera plus long de deux jours et quelques mi-
nutes»
La lune nous réfléchit la lumière du soleil et n'émet point
de lumière propre. On appelle lumière cendrée celle réflé-
chie par notre globe sur son satellite , qui permet souvent
de voir une portion de la lune qui n'est point éclairée par
le soleil. Les montagnes de la lune sont visibles à l'œil nu
et elles le deviennent plus encore avec un télescope. Les
astronomes ont mesuré les plus élevées ; il s'en est trouvé 6
au dessus de 6,800 mètres et 22 au dessus de 4,800 mètres;
cette dernière hauteur est celle du Mont-Blanc. Toutes ces
montagnes sont formées par des soulèvements ; toutes ont
la forme da très-grands cratères annulaires , et l'on a cru
longtemps qu'il y avait encore dans la lune des volcans en
activité. Le célèbre Herschell a partagé cette opinion , qui
était la suite d'une illusion d'optique. On n'a jamais aperçu
de nuages à la surface de notre satellite , et jamais il n'a
donné lieu à aucun ph^omène de réfraction annonçant
une atmosphère de quelques milliers de mètres. Son air at-
mosphérique ne s'élève pas à une Ueue. C'est un astre mort,
incapable de servir de théâtre à des vies telles que notre
physiologie terrestre les conçoit, si peu ambitieuses que
puissent être ces existences. Il n'y a donc point d'habitants
dans la lune. On s'est demandé si notre satellite devait
être considéré comme une comète arrêtée dans son mouve-
ment par la terre , ou s'il fallait accepter en entier la théo-
rie de La Place. Tout milite en faveur de cette dernière
opinion , que l'étude de la terre confirme. Il est naturel ,
d'après la loi des analogies , d'admettre que la lune a pos-
sédé des liquides et une atmosphère : nous devons penser
par suite que ses gaz et ses eaux ont disparu par ab-
sorption chimique, en servant à former des oiides et des
sels à sa surface.
ou SIÈCLE. 109
La lune nous- présente toujours le même c6té , et Ton a
fait de nombreuses suppositions sur celui que nous ne voyons
pas. Aucune d'^es n'a conduit a un résultat utile ou spé-
cieux. Envisagée sous un autre point de vue, la lune nous
fournit des preuves curieuses de la solidarité qui relie tous
les faits de la création, et qui rattache Thomme et sa venue
sur la terre à Thistoire géologique du globe.
Cet énorme aérolithe destiné à vivre sans habitants, a
des montagnes très-différentes des nôtres : des soulève-
ments de même nature ont pu leur donner naissance; elles
peuvent avoir et elles ont leurs analogues parmi les monta-
gnes de notre globe ; mais cette terre n'a jamais eu ses
Taliées labourées par les orages et par les torrents , et les
mers n'ont roulé leurs galets ni sur ses collines, ni même
sur ses parties affaissées. Chez nous , au contraire , une des-
tination d'une autre espèce , une appropriation tout-à-fait
différente donnait au résultat du refroidissement de la cris-
tallisation et des soulèvements , im caractère de nécessité
absolue et de prévision, ou, ce qui revient au même , de
conséquences logiques : de nécessité , puisqu'il était le pro-
duit de lois immuables ; de prévision ou providentiel, en
ce qu'il élevait au-dessus des mers des surfaces considéra-
bles, dessinant à grands traits les vallées et le cours des
eaui , et surtout en ce qu'il plaçait au-dessus de la sphère
d'action de la chaleur intérieure du globe , des glaciers pres-
qu'aussi vieux que les dernières montagnes , sources inta-
rissables qui devaient alimenter les grands bassins de notre
planète et fournir plus tard des moyens de transport aux
produits miniers et forestiers des montagnes-, aux produc-
tions agricoles et manufacturées des vallées.
C'est ainsi que l'existence d'une atmosphère longtemps
diargée d'immenses vapeurs entrahiait à sa suite la forma-
tion de mers, de vallées, de fleuves et de ces terrains dé-
posés par les mers et par les grands lacs , dans lesquels
l'homme trouve de si importantes ressources pour les be-
soins de sa vie. Ajoutons la possibilité d'un règne végétal
et d'un règne animal dont la lune est dépourvue ; la for-
mation de grands canaux naturels, et plus tard la création
4e canaux pour le transport des produits et le passage
5*
HO PHILOSOPHIE
cVune mer à l'autre avec rétablissement de villes d'entrepôts
destinées à résumer, à l'embouchure de chaque grand fleuve,
le commerce et l'industrie des contrées qu'il parcourt et
qu'arrosent ses afOiuents. Ces observations ne sont pas sans
importance , puisqu'elles rattachent la mission de 1 homme
et ses travaux sur le globe au plan d'ensemble de l'univers.
BOLIDES, ÉTOILES FILANTES, AÉROLITHES,
On pense généralement aujourd'hui , sans en avoir de
preuves satisfaisantes et suffisamment scientifiques, qu'au-
tour du soleil se meuvent , comme les planètes que nous
venons d'étudier, d'autres planètes bien plus petites, au
nombre desquelles les bolides , les pierres météoriques et
les étoiles filantes, en décrivant, comme les premières, des
sections coniques.
Quoique l'on ait établi des différences entre les étoiles
filantes et les bolides , il n'y en a pas d'essentielles. Les bo-
lides considérables , accompagnés de détonations, de fumée
et d'un fort dégagement de lumière , et ces corps plus pe-
tits , les étoiles filantes , qui se dessinent sur l'aznr du ciel
comme la lumière d'un feu d'artifice , ne sont peut-être que
le même phénomène dans des conditions différentes.
A diverses reprises l'on a mesuré la prodigieuse rapidité
des bolides, des étoiles filantes et des aérolithes, mais l'on
n'a rien pu établir de précis sur leur formation.
Leur composition chimique a été soigneusement étudiée.
On a relevé avec soin tous les récits qui les concernent ,
mais il reste encore à la science beaucoup d'études à faire
dans cette direction. Quelques-uns de ces météores ont dé-
veloppé à la surface de la terre la prodigieuse vitesse de 12
li^es par seconde. On a cru remarquer plusieurs fois que
ces corps se montraient à plus de 200 lieues au-dessus de
la terre. Dans diverses circonstances ils ont donné lieu à
W 8IÈGLB. 111
une véritable pluie de pierres. Il en tomba plus de 4,000 en
1802, dans le département du Haut-Rhin, et en 1805, plus
de 300 dans le département de l'Orne. En 1833, dans la
nuit du 12 au 13 novembre , on en observa un si grand
nombre à Boston , <}ue pendant un quart d*heure le direc-
teur de rObservatou*e ne put les compter ; mais le phéno-
mène ayant diminué d'intensité , il en put numérer 650 en
18 minutes. D'après le calcul d'Arago , il dut en tomber
cette fois , pendant 7 heures que dura ce phénomène, au
tnoins 240,000.
En comparant avec soin les époques auxquelles ont eu
lieu ces chutes d'étoiles filantes , on a remarqué qu'elles se
représentaient surtout deux fois Tan, l'une du 12 au 14 no--
Tembre, l'autre du 9 au 14 août ; il y a cependant une au-
tre époque, celle des 10 derniers jours d'avril, dans laquelle
les pluies d'aérolithes sont communes. On a signalé aussi
la période du 6 au 12 décembre ; d'où cette conclusion que
les grandes chutes d'étoiles filantes sont périodiques. Jus-
qu'à ce jour elles se sont montrées indépendamment de
toute circonstance locale ; cependant leur apparition coïn-
cide souvent avec des aurores boréales.
Probablement ces myriades d'astéroïdes f(H*ment deux
anneaux contigus qui coupent l'orbite terrestre ou qui s'en
rapprochent beaucoup ; mais la théorie de ces anneaux est
trop récente pour n'être pas encore fort obscure. On a re-
marqué , non pas une précession , mais un retard dans l'ap-
paritioD des grandes époques des chutes de ces météores :
on ne sait s'il faut l'attribuer à une létrogradation ou à
une oscillation de l'anneau formé par les aéroUthes, oscilla-
tion qui modifierait le point où l'orbite terrestre est coupé
par le plan de ces bohdes.
II s'en faut de beaucoup que les deux apparitions an-
nuelles d'étoiles filantes soient aussi remarquables que celles
de 1799 et de 1833. Olbers a prophétisé pour 1867, du 12
au 14 novembre , le premier retour de ce grand phénomène
où les étoiles filantes et les bolides tombent du ciel comme
des flocons de neige. Qui vivra verra. De Humbold suppose
qoe les observations anciennes prouveront la rétrogradation;
il cite à cette occasion une apparition d'étoiles filantes si-
112 PHIEOSOPHIB
gnalée dans les annales de^ l'église dB Prague , sous la date
du 21 octobre 1366 (ancien style), et il se demande si celte
apparition , qui fût tpès-remarquable , ne correspond pas à
celles qui signalent aujourd'hui la mi-novembre.
En général, le 7 février et le 12 mai, le soleil perd de- son
éclat et de sa chaleur. Le 12 mai correspond à ces jours de
saint Mamert , saint Pancrace et saint Gervais, que le peu^
pie appelle des jours froids. Quelquefois, comme en iêSi ,
l'obscurcissement du soleil a duré plusieurs jours, et le- re-
froidissement consécutif a été très-sensible. On attribue
maintenant ce phénomène au passage des deux anneaux
d'aérolithes , doù proviennent les principales pluies de
pierres qui tombent sur notre globe ; et en effet, le 7 février,
les étoiles filantes, qui étaient en opposition au moi&d^aotft,
se trouvent en c<>njonctiott avec le soleil. Il en est de même
pour les dates de mai et de novembre; elles correspondent
probablement aux oppositions et aux conjonctions des boli-
des qui forment le second anneau.
Les personnes qui acceptent encore la croyance au ciel so-
lide', nous donnent des pierres météoriques une singulière
explication : — « Ce sont, nous dit de Humbold (157), les
» pères de l'Eglise qui ont transmis au moyen Age l'idée
)) d'une voûte de cristal ; ils l'avaient prise au pied de la
» lettre et renchérissaient encore sur 1 idée primitive ; ils-
» imaginaient un ciel de verre formé de 8 à 10 couches su-
» perposées à peu près comme les peaux d'un oignon.
» Cette conception singulière s'est même perpétuée dans
» certains cloîtres ie l'Europe méridionale. — Si j'ai bien
» compris le propos que me tenait un vénérable prince de
)) l'Eglise, au sujet du fameux aérolithe VAigU^ dont on
» était alors vivement occupé, cette prétendue pierre re—
» couverte d'une croûte vitrifiée n'était point la pierre elle-
» même , disait-il à ma grande surprise , mais un simple
i) fragment du ciel do cristal qu'elle avait dû briser en tom*
» bant. »
BU OàCLE lis
MARS.
EnYiion deux fois plus éloignée du soleil que la terre ,
cette planète a des années doubles des. nôtres. Les jours
et les nuits s'y succèdent à peu près comme sur notre
globe , puisqu'elle tourne sur elle-même en 24 heures 1/3 ;
mais elle est près de six fois plus petite et n'a pas de sa-
tellite. Tandis que la distance de la terre au soleil ne yarie
guère que d'un million de lieues, celle de Mars peut varier
de plus de cinq millions de lieues ; c'est par l'étude de cette
planète que l'illustre Kepler est arrivé à la détermination
des lois qui régissent les mouvements dés corps de notre
système.
Deux taches très-brillantes se font remarquer aux deux
pèles de Mars ; celle du pôle sud paraît surtout considéra-
ble. On a reconnu qu'elle augmentait en hiver et diminuait
du contraire en été , ce qui fait supposer qu'elle est due à
des glaces semblables à celles de notre terre. Le soleil ne
tran^net à cette planète que le tiers de la lumière qu'il
Dous accorde. La hauteur et la densité de l'atmosi^ère de
Mars doivent apporter des modifications d'un autre ordre à
sa surface, et compenser, d'après. Arago, l'absence de lune
ou de satellite. Il s en faut beaucoup cependant que les^ lu-
oes- aient été créées pour éclairer leurs planètes respectives.
Si la previdence avait voulu s'en servir dans ce but , elle eut
Irouvé moyen , par une autre disposition très-simple , d'ar-
river à ce résultat; il suffisait, pour y parvenir, de mettre
à Torigine notre lune en opposition avec le soleil, dans le
plan noémede Técliptique, aune distance de la terre égale à
la centième partie de la distance de la terre au soleil , et de
donner à la lune et à la terre des vitesses parallèles et pro-
pctflioiuielles à leurs distances de cet astre. Alors la lune,
sans cesse en opposition avec le soleil, eut décrit autour
114 PHILOSOPHIE
de lui une ellipse semblable à celle de la terre ; les deux
astres se seraient succédé Tun à Tautre sur rhorison, et
comme à cette distance la lune n'est pas éclipsée, sa lu-
mière aurait constamment remplacé celle du soleU. Ainsi
pensait La Place. Pour nous, la question est d'un autre or-
dre , elle appartient à Tembryogénie des planètes et à leur
développement sous Tinfluence de la gravitation sidérale.
Reste à savoir encore si la providence n'a point employé les
satellites dans un autre but , si en même temps qu'ils ont
été le résultat de. plusieurs centres d'attraction dans la
même zone de matière cosmique, au sein de l'ancienne né-
buleuse solaire, ils n'auraient pas eu pour mission de
soustraire à leur planète des corps qui eussent pu détruire
la vie à leur surface. On peut aussi dire des lunes ou sa-
tellites , ce que nous dirons plus loin de certaines séries
animales : que ce sont des efforts de la nature qui n'ont pas
abouti , qui sont restés sans conclusion , comme un témoi-
gnage de la marche qu'elle a suivie dans les modifications
imprimées à la matière.
PLANÈTES TELESCOPIQUES.
Vesta , Junon , Cérès et Pallas sont des planètes que le
télescope seul permet d'examiner. Ce ne sont pas les seules
fdanètes télescopiques , mais nous croyons qu'il faut laisser
es autres aux ouvrages spéciaux. Leurs orbites se cou-
pent ; deux de ces orbites dévient beaucoup du zodiaque.
Ces planètes ne sont pas rondes; elles ont des faces angu-
leuses, et passent toutes par le même point, exactement
comme si elles étaient les fragments d'une plus grosse pla-
nète brisée dans ce même point de l'espace. Vesta n'a pas
l'aspect que présente un disque ; on la croit à 91 millions
de lieues du soleil ; elle met 5 ans S mois à faire sa révo-
ution, Junon est plus ronde ; elle a 275 lieues de diamètre ;
DU SIÈCLB. 115
sa réToIution dure 4 ans et 4 mois ; sa distance du soleil
est d'environ 102 millions de lieues. Cérès a été décou-
verte en 1801 ; son diamètre n*est pas connu. HerscheU Ta
éialué à 50 lieues , et Schrœter à 475 , ce qui semblerait
{ffouver qu'elle a la forme d'un fragment et que ces deux
astronomes ont mesuré des diamètres différents. Sa révolu-
tion dure 4 ans et demi. Sa distance du soleil est d'environ
106 millions de lieues ; elle possède une atmosphère que
Ton croit très-élevée. D'après les mesures de Schrœter,
cette atmosphère aurait au moins 376 Ueues d'épaisseur.
PaUas, découverte en 1803, aurait, d'après Herschel, 501
lieues de diamètres et 700 d'après Schrœter. Son orbite
est très-allongé; sa révolution dure 4 ans 7 mois et 11
jours; elle est blanche et très-difficile à apercevoir; sa dis-
tance du soleil est de 106 millions de lieues. Tout an-
nonce qu'elle a la forme d'im fragment , et les mesures
différentes de son diamètre confirment cette opinion.
JUPITER.
Jupiter est la plus grosse des planètes. C'est la plus bril*
lante après Vénus, quelquefois même elle la surpasse en
éclat, ^n diamètre, dans le sens des pôles, est au diamètre
équatorial dans le rapport de 15 à 14. Sa rotation sur son
aie est excessivement rapide; elle s'accomplit en 9 heures
33 minutes , ce qui doit donner aux vents de l'équateur,
e'est-à-dire à ceux qui correspondent à nos vents aUsés ,
une vitesse extrême. Sa révolution autour du soleil a lieu
en 12 ans. Sans doute qu'il éprouve des phases comme
Mercure et Vénus , mais sa grande distance ne permet pas
de les observer. Son volume est 1,470 fois plus considéra-
ble que celui de la terre , mais sa densité est à peu près
quatre fois moindre ; d'où cette conclusion que Jupiter ne
Fenferme que les plus légères des substances que Ton
116 PHILOSOPHIE
trouve à la surface de la terre , ou que cette planète est
une sphère creuse. Ces deux suppositions ne sont pas sans
probabilité ; Tune et l'autre pourraient être vraies. Le so-
leil parait, de Jupiter, cinq fois plus petit que de la terre ;
la distance de ces astres est de 200 millions de lieues ; le
diamètrede Jupiter est de 54,680 lieues ; Tinclinaisonde son
axe sur son orbite est à peu près un angle droit, soit 79,45.
Jupiter possède quatre lunes ou satellites ; elles se meu-
vent dans im orbite qui est à peu près le plan de Téqua-
teur de cette planète. Comme notre lime , ces satellites
présentent toujours la même face h leur planète. Les
éclipses de ces satellites n'ont jamais lieu d'orient en
occident, d'où cette déduction que ces lunes marchent,
comme toutes les planètes de notre système, d'occident en
orient. Elles ont fourni le moyen de déterminer la vitesse
de la lumière , et sont d'une grande utiUté pour la déter-
mination des longitudes^
Avec un bon télescope, l'on aperçoit à la surface de
lupiter des bandes brillantes que l'on considère comme
des nuages transportés par les vents. Leur vitesse , d'après
les observations d'Herschell , pourrait aller jusqu'à six
mille mètres par minute. Le corps de la planète paraît brun.
Les nuits de iupiter sont courtes et à peu près constam-
ment égales aux jours , dont la moyenne est d'environ
cinq heures. Jupiter reçoit du soleil vingt fois moins de
chaleur que nous , mais les nuages^ que l'on voit à sa sur-
face le protègent contre la déperdition que notre terre su-
bit. La variation des saisons y est insensible , le soleil se
trouvant toujours presque perpendiculaire au plan de son
orbite ; par cette même raison , la chaleur qui lui arrive du
soleil est aussi profitable que possible à son bien-être.
Les êtres qui habitent cette planète ont nécessairement
une constitution physique très-différente de la nôtre, à
cause des vents si rapides et de la pesanteur des corps que
la grande masse de la planète rend bien plus considérable.
Nous ne sommes encore ni assez avancés en civilisation ,
ni assez raisonnables pour que nous nous permettions ici
de décrire les généralités de leurs conditions d'existence.
Toutefois personne n'ignore que la lumière seule produit
DU SliCLB. 117
les bdles colorations , et que les animaux et les plantes de
Jupiter sont mal éclairés ; personne n'ignore que les vents
assez rapides pour parcourir six mille mètres en une mi-
nute, ou 100 mètres par seconde, ont une vitesse prodi-
gieuse par rapport à notre terre. Peu de coloration chez les
animaux, une transpiration bien moins facile que chez
nous, quoique fortement excitée par le mouvement de
Tatmosphère, un air beaucoup plus lourd à respirer,
voilà des éléments différents qui doivent réagir sur les for-
mes. U faut encofe que les animaux de Jupiter diffèrent
des nôtres sous le rapport des moyens de station. Que de-
viendraient notre girafe, notre chameau, notre cheval,
dans une atmosphère aussi fortement agitée ? ne seraient-
ils pas entraînés* par des alises si rapides ? La matière ani-
male a donc, dans Jupiter, d'autres formes donnant moins
de prise et susceptibles de s'accrocher plus fortement au
sol. Rien qu'en s'abandonnant aux vents ordinaires, si cette
planète possède des bêtes volantes , ses oiseaux pourraient
en 199 de nos jours faire le tour de leur monde, même en
supposant qa'ûs se reposassent la nuit.
Aller plus loin dans cette voie, ce serait entrer tout-
à-fait dans le domaine du roman scientifique. Nous évite-
rons donc de chercher à résoudre les questions suivantes :
Quels ont dû être les phénomènes géologiques de Jupi-
ter? Quelles ont été ses conditions de refroidissement?
Quels sont ses éléments de production et de conservation
de chaleur? Quelle est la hauteur probable de son atmo-
sphère ? Quel est le poids minimum d'un mètre cube de
cette atmosphère à la surface du sol ? Quelles modifications
peut-il résulter de sa densité pour des branchies et des
poumons ? Que penser de la combustion des corps à la sur-
face de cette planète ? Que supposer sur la production et la
propagation de la lumière et de la chaleur ?....
Et cependant un jour viendra que toutes ces questions
seront en parties résolues,. Si nous habitions l'une de ces
planètes qui tournent autour de Fun des soleils les plus
voisins du nôtre, Jupiter serait invisible même avec nos
instruments les plus perfectionnés, ou nous paraîtrait comme
ie conapagnon très-pflle de notre soleil.
118 PHILOSOPHIE
SATURNE.
De mèipe que nous verrons l'homme résumer dans sa
vie fœtale les vies antérieures , de même Saturne résume
dans son état actuel les principaux phénomènes des trans-
formations qui ont eu heu dans les bandes ou zones cos-
miques abandonnées par le soleil à leur action spontanée.
Il est à lui seul une série complète dans la série solaire
dont il forme le neuvième élément , si Ton compte pour
un terme les anneaux qui nous donnent les aérolithes. Cet
astre possède sept satellites et un anneau. Cet anneau est
double. Le demi diamètre intérieur du plus petit aurait ,
selon Herschell , 33,000 lieues ; le demi diamètre extérieur
du plus grand en aurait 55,000 : la largeur totale des deux
anneaux serait donc de 12,000. Ces anneaux tournent sur
leur axe en 10 heures 39 minutes 16 secondes, exactement
comme le ferait un satellite qui aurait pour orbite leur cir-
conférence moyenne. Arago pense que les anneaux de Sa-
turne n'ont pas plus de 100 heues de largeur. Ces corps si
intéressants sont composés de substances sohdes ; le plus
extérieur est le moins brillant, l'autre n'a pas le même
éclat dans toute sa largeur. Le diamètre moyen de Saturne
étant d'environ 39 mille Ueues, il en résulte que la partie
voisine du second anneau en est encore à plus de 8,000
lieues. Evidemment , lors de la formation de Saturne , si
les anneaux n'avaient été saisis et solidifiés par le refroi-
dissement , ils eussent donné naissance soit à un , soit à
deux satellites. Leur peu d'étendue s'expUque très-bien par
leur mode de formation ; ils devaient être beaucoup plus
étendus et former deux larges nappes lorsqu'ils se trou-
vaient à l'état de vapeur gazeuse.
Un fait très-curieux, c'est que le plus grand diamètre
de Saturne ne se trouve pas à l'équateur. Cette planète
BU SIÈGLB. 119
semble avoir été produite par la révolution d*un rectangle
à angles arrondis. Son diamètre maximum fait avec l'autre
un angle de 45 degrés 20 minutes. Quelle est la cause de
cette forme ? Herschell a voulu l'expliquer par l'attraction
de l'anneau, mais il est difficile de comprendre sa dé-
monstration ; il serait plus naturel de supposer que l'anneau
eût dû rendre au contraire le diamètre équatorial plus con-
sidérable que les autres. Nous trouvons une explication
plus simple de ce fait dans le même refroidissement très-
prompt qui a saisi à la fois les anneaux et la planète , de
telle sorte que tout est resté dans le statu quo sans pouvoir
passer à la transformation qui devait suivre cette forme
temporaire. En d'autres termes , le froid aurait produit
dans Saturne un arrêt de développement. Quant à l'éclat
plus remarquable de^ parties inférieures de l'anneau in-
terne , il doit tenir à la plus grande densité de ses parties ,
et cette plus grande densité a été la conséquence naturelle
de la pesanteur.
Le volume de Saturne est 887 fois plus considérable
que celui de notre globe ; mais cette planète ne pèse ce-
pendant que cent une fois plus que la nôtre, ce qui prouve,
comme pour Jupiter, qu'elle est creuse ou composée d'élé-
ments plus légers que la terre, ou peut-être la vérité de
ces deux suppositions. Il est très-difficile de supposer que
cette planète n'ait pas une écorce solide , et cependant sa
•fensité moyenne n'est que de 0,56. En supposant une
tcoree dont la densité serait 2, 24, c'est-à-dire plus légère
que le feldepatb , le quartz et le mica , il en résulterait 3/4
de creux ; en admettant une écorce dont la densité serait
1, 12, c'est-à-dire presque celle de l'eau , la moitié de la
planète serait encore à l'état de creux , remplie par des va-
leurs qui devront se condenser un jour si elles ne le sont
pas dès maintenant. Ces considérations sur la genèse de
Sttume ne sont pas sans importance ; elles conduisent à
étudier une partie de la science qui ne l'a pas été suffi-
samment , et nul doute qu'elles n'amènent un jour soit
directement, soit indirectement, à donner l'explication
d'une forme qui n'a pas d'analogues connus dans la série
des planètes.
120 PHILOSOPHIE
La distance de Saturne au soleil est de S56 minions de
lieues; sa rotation se fait en 10 heures un quart; sa révo-
lution sidérale dure 29 ans et demi.
La lumière de Saturne est bien moins intense que celle
de l'anneau , ce qui peut tenir à une atmosphère dont
l'anneau serait dépourvu. Sa surface présente de grandes
bandes blanches semblables à celles de Jupiter, mais plus
difficiles à apercevoir ; elles sont aussi plus variables.
Celles du jour difierent de celles du lendemain ; elles re-
présentent probablement des nuages chargés de vapeur ou
de neige. Les régions polaires varient d'éclat : éclairées
longtemps par le soleil , elles deviennent moins blanches ,
ce qui smblerait indiquer une fusion sous l'influence de
cet astre.
Les satellites de Saturne se meuvent dans le plan de son
équateur ; à l'exception du septième , qui s'en écarte sen-
siblement. S'ils étaient plus visibles , ils pourraient servir,
comme les satellites de Jupiter, à nos usages astronomi-
ques. Le septième ne fait qu'un tour sur lui-même pen-
dant la durée de sa révolution ; probablement qu'il en est
ainsi des autres. La vitesse de l'anneau , qui est celle
qu'aurait un satellite placé à la partie moyenne, ajoute
singulièrement à cette présomption ; mais nous ne savons
pas encore pourquoi les planètes qui se sont produites dans
les anneaux ou zones de matière cosmique abandonnées
par le soleil, sont animées d'un très-rapide mouvement sur
elles-mêmes en tournant autour du soleil , aux dépens du-
quel elles se sont formées ; tandis que les planètes secon-
daires ou satellites conservent le mouvement qu'avaient les
anneaux qui les ont précédées , ne faisant qu'une seule ré-
volution sur elles-mêmes en parcourant leur orbite autour
de l'astre dont elles sont émanées.
Cette question , comme bien d'autres , laisse entrevoir sa
solution , et die ne résistera pas longtemps aux investiga-
tions de la science.
BU SIÈCtB. 121
URANUS.
Iranas, ou Herschell , est à 737 millions de lieues du so-
leil. Soo diamètre est d'environ 13,600 lieues, ou 4 fois
et quart celui de la terre. Son volume est 77 fois et demie
eelui de notre globe; il pèse 19, 8 fois plus que la terre.
Sa densité, plus considérable que celle de Saturne, est de
1. 35, celle de l'eau étant un. Sa révolution dure environ
85 ans et un mois. On ignore la durée de sa rotation ; l'on
ignore aussi l'inclinaison de son axe sur son orbite. Sa mar-
che est de 93 lieues par minute. On lui a reconnu deux sa-
tellites et l'on croit en avoir aperçu quatre autres.
NEPTUNE.
Neptune , ou Leverrier, termine la série des planètes de
Q&tre système solaire. Ce corps, très-peu connu, parcourt,
^it-oo, son ellipse en 79,403 jours , ce qui fait plus de 316
mées terrestres.
SÉRIE PLANÉTAIRE.
Les planètes que nous venons d'étudier forment un en-
^mble de corps analogues , une série composée de deux
Joupes, c'est-à-dire que toutes possèdent des caractères
^jQiffluns à la série , des caractères moins tranchés parti-
liliers au groupe dont elles font partie , et des caractères
•^•éciaux qui constituent leur individualité. Leurs caractè-
122 PHILOSOPHIE
res généraux tiennent à leur origine. Ce sont : l"" de se
mouvoir dans des courbes planes , dont les rayons vecteurs
décrivent autour du soleil, placé à l'un des foyers, des
aires proportionnelles au temps ; 2** de parcourir des ellipses
presque semblables à des cercles, par suite des rappro-
chements de leurs foyers ; 5"* d'accomplir leurs révolutions
dans des temps dont les carrés sont proportionnels aux
cubes des grands axes des orbites. Si la loi de Bode , sur
les distances des planètes au soleil , n'est point parfairement
exacte ; si Mercure , Vénus et la Terre lui donnent un
démenti, il n'en est pas moins vrai qu'elle possède un de-
gré d'approximation suflSsant pour mériter d'être signa-
lée comme reliant encore les planètes les unes aux autres.
Ainsi donc, la communauté d'origine et la solidarité de
fonctions , voilà les deux faits qui caractérisent surtout la
série planétaire.
Si l'on considère les planètes télescopiques comme un
groupe intermédiaire formant une zone de séparation , les
planètes les plus rapprochées du soleil seront intérieures
et les autres extérieures. Les planètes intérieures jouissent
de propriétés analogues ; elles tournent sur leurs axes dans
des temps presqu'égaux, qui se rapprochent pour chacune
du jour terrestre. Elles sont médiocrement aplaties aux
pôles, de grandeur moyenne, d'une densité à peu près
cinq fois plus grande que l'eau , à l'exception de Mercure ,
qui pèse environ quatorze fois plus , si toutefois Ton ne
s'est pas trompé dans l'évaluation de sa densité ou pesan-
teur spécifique* Les planètes extérieures sont énormément
plus grosses et beaucoup moins denses. Leur aplatissement
aux pôles est plus considérable , leur rotation au moins
deux fois plus rapide ; ajoutons que leurs satellites sont nom-
breux , et remarquons bien que les transitions brusques qui
existent entre les diverses termes de ces deux groupes n'ex-
cluent pas la généralité des règles secondaires auxquelles
chaque groupe se trouve soumis. Ainsi la vitesse de
rotation augmente de Mercure à Neptune avec la durée de
la révolution autour du soleil; tandis que la densité
marche en sens inverse, mais sans régularité géomé-
trique.
BU SIÈCLE. 1S3
DES COMETES.
La famille des comètes se sépare de celle des planètes
par des caractères tout-à-fait tranchés. Les comètes ne par-
courent point des ellipses presque circulaires , mais des el-
lipses tres-aUongées , quelquefois même des paraboles , de
telle sorte qu'elles peuvent venir se chauffer aux rayons de
notre soleil pour disparaître à jamais. Leurs inclmaisons
varient , et beaucoup s'en faut qu'elles appartiennent à ces
plans très-rapprochés dans lesquels se meuvent le soleil et
les astres , ses satelUtes ; elles peuvent avoir, par rapport à
ce plan , toutes les inclinaisons possibles. On appelle noyau
leur point central , qui est la partie la plus lumineuse , et
chevelure , la nébulosité qui les environne. Il est de ces
chevelures en forme de queue dont la longueur a pu dé-
passer 10 millions de myriamètres : aussi est-il permis de
croire que certaines comètes abandonnent sans cesse de la
substance gazeuse à l'espace éthéré. Les astronomes ont
dressé un catologue des comètes étudiées ; mais il ne ren-
ferme pas la description de 180 trajets de ces astres si nom-
breux dans le ciel.
La comète de Halley est la première dont on ait annoncé
la périodicité et prédit le retour. Son histoire présente ce
fait remarquable , que Glairant annonça que ce retour se-
rait retardé de 618 jours par l'action de Jupiter, ce qui se
vérifia. Depuis lors , la comète de 1770 , la comète d'Encke
ou à courte période , la comète de six ans trois quarts ou
de Biela , la comète de 1845 et celle de Paye , ont eu le pri-
vilège, entre toutes les autres , d'intéresser non-seulement
les astronomes , mais encore le public éclairé.
Arago , plus que tout autre , s'est occupé des questions
qui concernent les comètes ; il a dit leur variabilité de for-
mes , décrit leurs anneaux et leurs queues , prouvé qu'elles
empruntent au soleil une grande partie de leur lumière,
194 PHILOSOPHIE
sans établir toutefois qu'elles n'aient aucune lumière pro-
pre. Il a démontré par A plus B qu'elles n'exercent aucune
action sensible sur le cours des saisons; qu'il n'y a pas de
probabilité qu'elles puissent venir heurter la terre ; que no-
tre globe n'a jamais été choqué , au moins fortement , par
l'un de ces astres ; que la terre a pu passer par la queue
d'une comète sans en ressentir d'influence appréciée. Arago
établit encore <jue les brouillards secs de 1782 et 1831
n'ont pas été produits par des queues de comètes , et que
la lune non plus n'a jamais été choquée par un de ces as-
tres. Tout en acceptant qu'une énorme comète puisse en-
lever la terre à sa position et l'entraîner à sa suite comme
un satellite, il prouve l'invraisemblance d'un fait sem-
blable ; il établit enfin que la comète de 1680 n'a pas pro-
duit le déluge signalé par Moïse et les livres sacrés de
l'Orient , et que le choc aune comète n'a point subitement
changé les latitudes des divers points de notre globe.
Nous renvoyons aux intéressants écrits d'Arago tous
ceux qui désirent d'autres renseignements sur ces nom-
breuses questions ; pour nous, c'est surtout à un autre point
de vue que nous nous occupons du ciel. Nous savons que
le système dont nous faisons partie est peu variable , qu'il
oscille autour d'un état moyen , et nous avons foi dans sa
stabilité , comme nous avons foi aussi dans la grandeur des
lois qui gouvernent les mondes.
D'où viennent les comètes ? voilà par où nous eussions
désiré commencer et par où nous regrettons de ne pouvoir
finir. Sur cette question, rien ne nous éclaire, et nous
n'aurions à présenter que de vagues hypothèses.
DES ETOILES FIXES.
Il y a deux mille ans qu'Hypparque déterminait la posi-
tion de 1,080 étoiles. Parmi les astres qui forment les
constellations dont cet astronome et d'autres savants do
BU SIÈCLE. 1S5
l'antiquité nous ont laissé la description , il en est quelques-
uns qui ont singulièrement changé d'éclat ; d'autres ont
disparu peut-être pour toujours ; d'autres se sont éclipsés
pendant un temps, tandis qu'il est des étoiles nouvelles
qui ont apparu dans le ciel.
L'intensité des lumières célestes a donc des variations
qui peuvent tenir à des causes très-différentes les unes
des autres.
L'étoile du pied de devant du Bélier était, au temps
d'Hypparque, une étoile remarquable ; elle n'est plus au-
jourd'hui que de quatrième grandeur. L'étoile Alpha de
Cassiopée, autrefois plus brillante que Béta^ est aujour-
d'hui moins lumineuse. Le 10 octobre 1781 , W. Herschell
aperçut la cinquante-cinquième d'Hercule placée sur le col
de la constellation, et remarqua qu'elle était rouge. Le il
avril 1783, il l'aperçut de nouveau et la nota comme une
étoile ordinaire ; le 24 mai 1791 , il n'en restait plus aucune
trace. Sinus , l'une des plus brillantes des étoiles du ciel ,
était rougefttre il y a 1900 ans. Ces variations dans l'inten-
sité lumineuse des astres qui embellissent nos nuits , ont
été pour les astronomes une source d'études nouvelles. On
s'est demandé s'il n'y aurait pas quelque chose de régulier
dans l'apparition et la disparition de certains d'entre eux ,
et la question a bientôt été résolue pour plusieurs.
En 1639^ Holwarda reconnut que l'Omicron de la
Baleine était périodiquement visible et invisible : on
sait aujourd'hui que le temps qui s'écoule entre deux
disparitions successives de cet astre est de 531 jours. Le
Khi, du Cygne, visible pendant 484 jours, disparaît pen-
dant 90 ; pour d'autres étoiles, la lumière s'affaiblit, dé-
croît rapidement et reparaît ensuite ; quelquefois ces pha-
ses sont assez rapides pour ne durer que quelques jours.
On a formé deux classes des étoiles variables : dans l'une
on a placé toutes celles qui le sont réellement ; dans la se-
conde, celles sur lesquelles on a des doutes.
On s'est épuisé en conjectures sur les motifs de la varia-
tion d'intensité des étoiles. Le tort des savants a été de tout
vouloir expliquer par une seule cause, là où il y avait pro-
bablement des phénomènes très - différents. Bouillaud a
6
136 PHILOSOPHIE
rendu compte de la disparitîoQ de certaines étoiles, en les
considérant comme d^ (^orps lumineux^dans une partie de
leur surfaiQ6.y obscar$».dana le.oeste, lei. doués d'tn mouve-
ment de.rotdiion aDtoi}r>die Wvfn de leurs diaaièitres.
Il est d>utre&. étoilq^ qiui.^i>tidoiil)le3'eii qui tournent
autour] .l!up.e ide loutre : qoelquefoid eltes/90«t ileoouleur
diffé^ent^• ; Tu^fte -ee|.wi«fcQh^ et brillante oukleua , Kautre
est rouge ^ et li^ur vaise inomen^s^acooDiplit silencieuse-
ment à>.tf;avep;^:l6$4i espaces sans* bonie6r4oiU l-a&tradainio
seule .noui» atrévélé IfifiipiinK Xa^scienoea, démontré^' «dans
ces de^er$,te«r]|psHi que.siiTiVK^ considère ^^mme fixeixplus
intensQ dedeux' étoile»^ dowWe? , Tai^tire décrit lautour d'elle
une courba qui esiiun^ ellipse véritable L#; gnuidid.loi de
la gravitation >S0 tfQuiv:edonc'iadttâi ratifiée. ;par les j^héno-
mènes qui:$e pas^enV sous nos. yeux et par 'Ceuxrdont les
études les plu^ proicasdes et.les inôtrumente les plus parfaits
nous donni^i^t , seuls connaissance. Les étoiles doubles ou
multiples fentraJnent .peut-être à. Uup suite des' cortèges de
planètes et.de^ lunes jnvi3U)l6s à nos f«âbles yeum^ même
armés, des. plt^ p^issanits.téjlâ^iipes;. mais ie ceHatre de
leurs mouveipentdsetrouvedans un espace qui parait vide,
occupé seulement par de la matière cosmique ou fàc un
corps obscur. Il ne s'enstjûtpas eependadat qu'il n'existe
aucune analogie enire. ces corps et ceux de notre syatême
solaire.
Le temps que la lumière -met à nous venijf des étoiles,
nous est un gage de leur éloignement: il faut 9 ans un
quart à un rayon lumineux parti de la soixante^n2ième
du Cygne, pour arriver jusqu'à la teirre. lia lumière des
étoiles viaibles avec le télescope de 10 pieds met au. moins
mille ,ans à traverser les espaces pour se montrer à nous ;
d autres étoiles mettent au moins 2,700 ans à nous mani-
fester leur clarté, et parmi les nébuleuses, il en est qui
mettent des e^ntaine& de milliers d'années et même des
millions d'années à nous faire parvenir leur lumière.
Il y a donc des étoiles et des corps brillants dans le ciel,
qyi ont changé de place depuis longtemps , qui ont changé
d'aspect et de forme , qui se «ont évanouis , qui sont morts
peut-être quand leur lumière parait à des astres naissants
DU SI*C1E. 127
et à des astres vieillis , sang qne Ton puisse le moins du
monde apprécier quelle quotité du ciel cette lumière a par-
eounie. En présence û'xme semblable immensité , que
l'homme , que les lieares , que les anhées , que la vie hu-
fflaifl», qu^la: vie'Msialei; que la vie du globe terrestre lui-
même so«t peu -"db'cliKme! fîMais qtïelle est grande cetto
prisée par laqueHe Cieu a përaris (^ue ses enfants com-
prissent ^ekfqe peu les merveilles d^ ses œuVres !
Ptasièuré géetoètre» èiilîessayé de mesurer les intensités
relatives de W» lumière tifl feole*! et de celle de diverses
étoilefe./Hert^hell a tntmvé que 'l'éclat de rétéfle Alpfea du
Centaure est 'tin peu -plus quedenHedè l^clat du soleil.
WoHasiofi pensbit quel Téclat de Sytius était ^ Ms plus
cottsMérable que* eeter de Fastre qm nous éclaire , ce qui
le rangerait dans utie 'eatégorîe assez isecondafre.
La ecAileur des étoiles offre de grandes variations : Syrius,
qui-étdit autrefois une étoile tonge, est devenu une étoile
Manche. Quelques étmks sont jaunes : ainsi Béta de la
Petite-Ourse. D*airtres passent du blanc au rouge : c'est c<'
que Vùn a d)servé pour Alpha de la Croix. Une autre étoile
de la «onslellalioii d'Argo varie non-*senlement de couleur,
mais d'édtat. Herschell, qui s'en est beaucoup occupé, fit
à la suite de scm voyage au Cap, ulh catalogue de 70 étoiles
de septième , huitième et neuvième gaudeur, toutes d'un
rouge de rubis. Il y a aussi des étoiles bleues : Eta , de la
Lyre , est une étoile bleue. Dans beaucoup d'étoiles dou-
bles, l'mie est blanche et l'autre bleue, quelquefois toutes
les deux ont la coloration bleue ; d'autres sont vertes ou
bleues-veniatres. Jusqu'à présent les astronomes n'ont for-
mé «uoiine hypothèse sur la source de la coloration diffé-
rente des étmles , mais riei) n'établit qu'elle ne puisse être
ni soupçonnée ni déootsverte.
D'ffffUres variations ne sont pas moins curieuses. Tycho-
brahé nous a signalé «me étoile nouvelle qui a été visible
enviFon 17 mois dans la constellation de Cassiopée. Après
avoir été Tétoiie la plus brillante du ciel, elle changea de
couleur, perdit peo à peu son éclat et disparut. Les ob-
servations des Chinois signalent une vingtaine d'étoiles qui
n'ont en qu'un éclat de courte durée. D'autres étoiles su-
128 PHILOSOPHIE
bissent des variations périodiques que Tobservatiou a pu
constater; d'autres, après avoir augmenté d'éclat, présen-
tent des variations régulières peut* être, mais dont la loi,
nous est encore inconnue.
Les nébuleuses sont ces lumières diffuses que Ton re-
marque dans toutes les parties du ciel. Elles résultent
d'une collection prodigieuse d'étoiles que l'ceil et les faibles
instruments ne peuvent distinguer, ou encore elles peuvent
être quelquefois le produit d'un amas d'une matière diffuse
qui serait lumineuse par elle-même. Beaucoup de nébuleu-
ses stellaires^ après avoir résisté à des grossissements de
50, de 100, de lôO et de 300 fois, se décomposent en
étoiles distinctes quand on les examine avec un télescope
d'un pouvoir grossissant de mille. Les nébuleuses stel-
I aires varient dans leurs formes; cependant' elles ont en
général l'aspect d'un anneau elliptique; mais cet aspect
n'est qu'une ap[)arence , et c'est ainsi que la fcHrme sphé-
riquo doit se montrer à nos yeux. On en remarque qui
n'ont point de contours réguliers ; on en voit qui paraissent
comme un anneau brillant obscur au centre ; d'autres
ressemblent à des éventails, à des aigrettes, à des lignes
droites, etc., etc.
Des appréciations ailssi exactes que possible dans l'état
actuel de nos connaissances , portent à penser qu'une nébu-
leuse , grande en apparence comme le dixième de la lune ,
ne contient pas moins de 20,000 étoiles. Ces immenses
agglomérations d'astres ne sont pas uniformément répan-
dues dans toutes les régions du ciel ; en général, elles sont
distribuées par couches.
Les nébuleuses diffuses affectent toutes les formes, et
présentent souvent comme des points de condensation.
Ticho-Brahé , Kœpler, et d'autres astronomes avant et de-
puis eux, ont considéré ces immenses amas de matière
cosmique comme le lieu de formation de nouveaux systèmes
solaires. Herschel a fait plus , il a démontré la possibilité
et la probabilité de formations semblables , et si nous pou-
vions reproduire ici les belles leçons d'Arago, dans V An-
nuaire du Bureau des Langiludesei dans son cours de l'Obser-
vatoire, ces propositions seraient pour tous vérités acquises.
BU SIÈCLE. 129
De Htimbold a écrit sur la question qui nous occupe on
ce moment, et sur la position dans le ciel de notre système
solaire, quelques passages intéressants par lesquels nous
croyons devoir terminer cette partie de notre travail.
« Il a fallu, dit ce savant, recourir à des hypothèses plus
ou moins vraisemblables sur les diverses grandeurs des
éloiles et sur leur nombre relatif, c'est-à-dire sur leur
accumulation plus ou moins marquée dans les espaces
égaux que circonscrit le champ d'un télescope donné, arnui
toujours du ménae grossissement , pour évaluer Tépaisseur
des couches ou des z6nes qu'elles constituent. Aus^i est-il
impossible d'attribuer à ces aperçus , quand il s'agit d'en
déduire les particularités de la structure des cieux , lo.
même degré de certitude auquel on est parvenu dans l'é-
tude des phénomènes particuliers à notre système solaire ,
ou dans la théorie des mouvements apparents ou réels des
cùrps célestes en général , ou même dans la détermination
des révolutions accomplies par les étoiles composantes d'un
système binaire autour de leur centre commun de gravité.
Cette partie de la science du cosmos ressemble aux époque:^
fabuleuses ou mythologiques de l'histoire. Toutes deux re-
montent, en effet, à ce crépuscule incertain où viennent
se perdre les origines des temps historiques et les limites
de Tespace que nos mesures cessent déjà d'atteindre. Alors
l'évidence commence à disparaître de nos conceptions , et
tout invite l'imagination h chercher en elle-même une
forme et des contours arrêtés pour ces apparences confuses
qui menacent de nous échapper.
» Mais revenons à notre comparaison entre la voûte cé-
leste et une mer parsemée d'îles et d'archipels ; elle aidera
à mieux saisir les divers modes de répartition des agré-
gats isolés que forme la matière cosmique de ces nébuleii*
ses non résolubles, condensées autoui* d'un ou de plusieurs
centres, portant en ell^mëme l'indice de leur antiquité ;
de ces amas d'étoiles oa de ces groupes sporadiques dis-
tincts qui présent^iit des traces d'une formation plus récente.
L'amas d étoiles dont nous faisons partie , et que nous
pourrions appeler ainsi une île dans f univers , forme une
couche aplatie , lenticulaire , isolée de toutes parts ; on es-
130 PHILOSOPHIE
time que son grand axe eU égal à sept ou huit cents fois
la distance de Syrius à la terre , et le petit axe à cent cin-
quante de ces unités. Quant à la grandeur absolue de l'u-
nité dont il s'agit, pour s'en former une idée, on peut
supposer qaoiU.I«tPaa«eide<8y»(as4ïôi*âïJa$^^oint celle
do la brillante du Centaure : dans ce cas , la lumière em-
ploierait trois années à parcourir la distance qui nous sé-
pare de Syrius. D'après les admirables travaux de Bessel ,
sur In paraltaxe de-la 'soixaflte-unfenipe 'du!G|fgnèi étoile
dont le môuvoiûent propre condidévabte Mdiaitsmipçotmer
la proxiiûtté, un rayon Itmïîneut; ^rtl^<ie cet ditre ne peut
arrirfer jusqu'à nous, qu'après nmi ans et un qulirt."
» Notmàma&'d'étôilee, dont l^ép«»isifteur estrelatiVêimeiït fai-
ble, sepArt;ag€i en detisbrahèhes^surunitiers Jenvîrôn de son
étendue : on pense que le «ystêine solaire y estsiwé excen-
triquement, non loin du point de pafrtâge,^lus prèa de la ré-
gion où brille Sjtîus que de la c(m$tell^tion de l'Aigte, et
presqu'au milieu de la c«»uçhe dans lô sens desonépmsseur.
» Nous l'avons dit plus haut; c'esT eii Jaugeant systéma-
tiquement le ciel , c'est en comptant les étoiles contenues
dons le champ invamUe d^un télescope dirigé successive-
ment vet*s toutes les régions de l'espace , que Ton est par-
venu à fixer ainsi la place de notre systêmo solaire , à dé-
terminer la forme et les dimensions de l'amas lenticulaire
d'étoiles dont il fait partie. En effet, si les nom^b^es plus
ou moins grands d'étoiles que renferment des espaces
égaux » varient en raison de l'épaisseur même de la couche
dans chaque direction , ces nombres doivent donner la lon-
gueur du rayon visuel , sonde hardiment jetée dans les pro-
fondeurs du ciel, lorsque le rayon attekil le fond de la
couche stellaire on plutôt sa limite extérieure , car il ne
peut être question ici ni de haut ni de bas. Dans le sen»du
grand axe , le rayon visuel doit rencontrer les étoiles éche-
lonnées suivant cette direction*, en beaucoup plus grand
nombre que partout ailleurs.; les étoiles sont, en effet,
fortement condensées dans ces régions , et comme réunies
dans une nuance générale qu'on peut comparer à une
poussière lumineuse. Leur ensemble dessine sur la voûte
céleste une zone qui paraît l'envelopper complètement. »
BU SIÈCLE. 131
FORHA'TION MIT SYSTÉtfB SOlAtRfli
' . t . » •'
Up, jpMir.mi n'esA pas éloigné.^ l'histoire rnâveraello se
compose^, oet tD()Â$ grmads .Uvres c i'uQ sera* oonsaoré à la
formation 4u 9y&tê«)0i notoire ; leaecond, à Khisloûre géolo-
gique duiglob^; le troisièiDae V à TbistoiDe des oivilisations
qui ^^,&cmpA. succédées k la suffade de la teere. La science
InQdem^ réunit jcbaque jour l^s feuillets 'épars'di»' troisième
de C9& Ùyies >v elle dispose. depuis trente ans lef jalons au-
tour fles^els 4$e grouperont les faits géolo^;iqiuessi nom-
breux .e| si.complexQ^.que l'on découvre- chaque jour.
Quaot^ la. genèse du systole solaire, elle en est encore k
l'hjiP(B^ibè$o.de..La Place qqi^ yrlileiOu yraisemblable eti son
poiat de départ^ Iaîs$& beaucoup à désirer pour les détails ;
doù .cette conolusioa que le génie bumain^ avalgré les
eiToiçtsi^u, siècle, s'es4 à grand'peine frayé la route quil
doit suivre; il ressort ausai de ce qui précède que jusqu'à
ce jour l'on «'a pas très^bien compris ce que devrait être
une histqire universelle. Quoi qu'il en soit de Tinsuifisance
de rhypotbèse de La Place , nous allons raconter, en nous
mei^anl ^ son point de vue , les phases successives du sys-
tème solaire: ce sera l'un des compléQaents.dc notre étude
survies Tias sidérales^
Aussi ioin que notre intelUgance peut remonter diuns les
infinis du passé, elle comprend qu'une niasse immense de
matière gazeuse a j^ exister quelque part dans les espaces
éthérés à côté de soleils naissants et de soleils éteints ,
semblable , dans sa mwière d'être, ^ 'Celles que les cieux
présentent encore à notre observation. Cette masse, c'était
renseml>le de nos mondes subsolaires. — L'attraction réu-
nit ses molécules éparses, et de leur rapprochement naqui-
rent leur mouvement et leur forme. Sous l'influence des
deux forces attractive et centrifuge , cette masse devint
132 PHILOSOPHIE
une sorte de sphère très-aplalie , ressemblant à une meule
de moulin. Tandis que la pesanteur rapprochait les molécu-
les de matière incandescente et gazeuse, déterminant ainsi
leur mélange et leur mouvement autour d'un axe central
qui devait être celui du soleil , la force centrifuge, au con-
traire, tendait sans cesse à les- écarter et à les disperser
dans l'espace. — Le grand diamètre de cette masse était
nécessairement plus considérable que la double distance
qui existe de la planète Neptune au centre du soleil, et
Ton s'en fait une idée en pensant que la lumière peut à
peine la parcourir en 10 heures, malgré sa vitesse de 70
mille lieues par seconde.
A chaque instant , des astres errants devaient la visiter.
Malheur à ceux qui venaient à frapper l'une ou l'autre de
ses faces; arrêtés dans leur marche par le frottement de
la matière gazeuse et comme accrochés par l'attraction , ils
étaient nécessairement entraînés dans cet immense tour-
billon et servaient à augmenter le volume de ce qui de-
vait être un jour le système solaire actuel. Il résulte natu-
rellement de ce qui précède qu'il ne doit exister présente-
ment dans notre système solaire que des comètes qui, avant
sa formation , se trouvaient en dehors de- lui. Mais comment
les planètes se sont-elles produites ? On peut croire , avec
La Place, que ces corps ont été formés aux limites succes-
sives de l'atmosphère du soleil , c'est-à-dire aux limites
successives de cette masse de matière gazeuse que nous
venons de décrire , par la condensation des zones qu'en se
refroidissant elle a dû abandonner dans le plan de son
équateur. Il est encore naturel de penser que les anneaux
(le Saturne sont restés autour de celte astre comme un té-
moignage de la méthode employée par la nature pour pro-
duire ée qui existe , et que les lunes ou satellites se sont
formés aux limites successives des atmosphères de leurs
planètes, comme les planètes elles-mêmes aux limites suc-
cessives de ralmosphcre solaire.
C'est ainsi que 1 on s'explique le mouvement de tous ces
corps autour du soleil dans des plans peu différents de celui
lie l'équateur solaire, et leur direction constante d'Occident
en Orient, de telle sorte que les trente-huit mouvements
BU SIÈCLE. 153
bien étudiés de notre système soient tous dirigés dans le
même sens. C'est encore par ce mode de formation des pla-
nètes et de leurs satellites , que l'on se rend compte de la
forme presque circulaire des ellipses qu'elles décrivent ,
tandis que celles que parcourent les comètes sont excessi-
vemeot allongées et très-diversement inclinées sur le plan
de réquateur solaire. Ainsi s'explique aussi cet anneau
double d'astéroïdes que l'on croit exister entre Mars et la
terre, et qui serait au soleil ce que sont les anneaux de
Sdtume à cette planète.
Si nous reprenons maintenant )e^ zones de matière cos-
mique qui ont formé nos planètes et leurs satellites , pour
étudier les faits généraux qui les concernent, nous arrivons
à penser que ces bandes devaient contenir, sinon les.mêmes
substances, au moins des mélanges très-rapprochés pour
leur composition chimique , surtout dans les zones les plus
voisines. Quelle que soit la date de leur chute, quelle que
soit leur origine , en quelque pays qu'elles soient tombées,
les masses ignées connues sous le nom d'étoiles filantes
ont un caractère commun qu'il est impossible de mécon-
naître; elles ont, comme le remarque de Humbold, les
mêmes formes extérieures, les mêmes propriétés physiques
de la croûte , les mêmes modes d'aggrégation de leurs élé-
ments, bien qu'elles se divisent en deux classes , celle des
fers météoriques et celle des pierres à grains fins ou gros-
siers. Ce qu'il nous importe de remarquer en ce moment ,
c'est que les pierres tombées du ciel ont fourni jusqu'à pré-
sent, à l'analyse chimique, du fer, du nikd, du cobalt, du
manganèse, du chrome, du cuivre, de l'arsenic ^t de l'étain,
puis de la potasse, de la soude, du soufre» du phosphore
et du charbon ; c'est-à-dire le tiers des. éléments connus des
divers minéraux que l'on rencontre à la surface du globe.
Que ces bolides soient de petites planètes ou des fragments
échappés à l'anneau qui nous donne la lumière zodiaca^Ie,
nous y trouvons la preuve des rapports de composition qui
doivent relier entre eux tous les corps du système solaire.
Les zones ou anneaux gazeux que l'atmosphère solaire a
successivement abandonnés , ont dû suivre la même mar-
che dans leurs condensations respectives.
13i PHILOSOPHIE
Tout d'abord, chaque zone s'est concentrée sur elle-
même , ou , si elle n'en a pas eu le temps, si elle a été trop
\ite saisie pai* le refroidissement, elle a dA donner nais-
sance à un anneau ..composé d'une infinité de pierres ou
de petites planètes liées entre elles par la gravitation. C'est
ce qui a. eu lieu pour celui qui existe entre les orbites de
Mars et de notre planète.. Peat-être ce fait s'est-il. pré-
senté plusieurs fois de manière à donner naissajuce à d au-
tres aimeiaux formés de corps ^lides placés, à, j^e certaine
distance Içs uns des autres ; mais une ipifodiictioq de oeUe
nature est somnise k trop de pectucbatiom de la .p^rt.des
autres astres , pwr avoir de grandes, chances de durée.
Lorsque la sLCaxe toute enlièye a ^ pu. se ifémk en .une
seule masse^ alors ellc^ a formé om^ planète brillante comme
le& étoiles du ciel, environnée d'une iosmi^n^ atmosphère.
Plus la masse de matière cosmique de qhaquQiZÔne se
trouvait dilatée, plus elle était éloignée du soleil, plus il y
avait de chances pour que la condensaticdi ea un seul
corps n'eut pas lieu ; plus il devenait logique ou que des
lunes se produisissent au moyen des anneaux gazeux aban-
donnés par les plai^ètes dans leur refroidissement, ou que
ces anneaux, conservant leur ifo?me comme ceux, de Sa-
turne, se solidifiassent sur place en conservant aussi les
conditions d'élasticité réclamées par leurs .mouvements.
C*est ainsi que poiy: chaque planète se répétaient» mais
sur une échelle bien plus réduite, les phénomènes que
I ous avons signalés pour la masse cosmique du sjstj&me
solaire tout entier.
Passons maiatenant à une période plus récente , et puis-
que toutes les piianètes ont avec la ten^e. de grandes analo-
gies , expliquons , par les transformations de notre globe ,
celles qui ont dû avoir lieu dans les autres.
A une température de plus de 2,000 degrés, dont les
combinaisons chimiques de la substance terrestre suiiisent
à rendre compte, la croûte planétaire n'existe pas encore.
La terre est alors une fournaise sphéroïdale. Cependant les
premières couches du globe tendent à se former, ce sont
des glaçons de granit qui voguent sur une mer de corps
fondus, plus brûlants que la lave de nos volcans. Au flux
DU SIÈCLE. 155
et au reflux des marées , ces glaçons se heurtent, se cho-
quent , se brisent , et forment , en 9*accumulant , des lies
incandesceiltes que d*aiïtres nièfréeà' pourront submerger et
détruire. Les principaux corps appelés généralement métal-
loïdes , des métaax volatils ou rendus tels par leurs combi-
naisons chimiques, devaient 'alors se trouvefr dans les airs ,
ainsi qu'une grande partie de éet oîtigène qui forme les 40
centièmes *es^ corps composant Vécorce de la terre.
Notre atmo^hèr^ , qui ne pèm atgoùrd'htoi que 100 kilo-
grammes par déeîiWèti*e'c8^rré, dcfVhit' exërceh une ém>rme
pression sur les trtuches inférieùrei', qiS , tl'un autre tdié ,
se trouvaient dilatée par^'dtte 'tetopéraWitfe de plus de
1,000 degrés. A la^bàste dé cette 'cole^nne se trouvaient na-
turellement fes cotribtoaisons les moins' volatiles, tandis
que les^ régions- Supérieures* étatettt occupées phrdes gaz
transpaitents et beaucoup plu& lé^fers. De là , deux couches
dans ctette atmosphère : f une 'épaisse et nuafgeuse for-
mée de chlorures, de broriîurês, de sulfures, d'iodures
à bases diverses-, l'autre', plus transparente?, composée
de vapeur, d'éau^d'oxigène, d'hydrogène, d'azote,
d'aoide carbonî^, excefelveitteiit dilatés* par* la haute
tenrpérature du foyer terrestre et' par les réactions
chimiques incessantes que devait produire, dans cette
atmosphère, le contact de ces différents corps h des
températures excessivement élevées. Ajoutez maintenant
à cette atnaosphère les vents alises et les marées aérien-
nes, éomme moyen continuel de mélwige et de frottement
des couches gazeuses les unes contres les autres; joi-
piez-y un énorme' développement d'électricité qui devait
sans cesse prodm're des combinaisons nouvelles ou détruire,
au milieu d'orages continuels, lès combinaisons déjà pro-
duites, et vous arriverez k conclure que le^ couches supé-
rieures de ia planète devaient être enflammées et former
une enveloppe ou photos|Aère analogue k celle qui, du
soleil , lance dané les espaces et la lumière et la chaleur.
Notre terre a donc été' un petit soleil, et son atmosphère ,
au Ifeu de s'arrêter à cette époque à 18 ou 20 lieues, de-
vait s'étendre bien plus- loin de son noyau opaque. Nul
doute qu'il n'en ait été ainsi pour les autres planètes. Vu
156 PHiLOsopmE
des étoiles les plus rapprochées, notre système a pu pa-
raître autrefois comme un assemblage de soleils plu» ou
moins considérables, tournant autour d'un soleil central
plus important.
Ce qui précède n'explique que jusqu'à un certain jpoint
la lumière de Tastre qui nous éclaire ; cependant si l'on
considère qu'il est 1500 mille fois plus gros que la terre,
que son atmosphère sombre est à 800 lieues du noyau
opaque, que sa pesanteur spécifique est mokidre que celle
de notre globe , on arrive à conclure que la providence a
donné à ces deux astres des destinées très-diflBérentes , et
par suite à penser que la production de la lumière et de la
«:haleur à la surface du soleil a nécessairement quelque
chose de cette stabilité que nous admirons dans l'orgsoiin
sation mécanique du système tout entier. Cette quasi-per^
pétuité ne s'explique pas en prenant notre organisatioii
de l'atmosphère terrestre pour type ; mais on peut supposer
telle composition chimique qui permettrait aux oxydes et
aux sels de se décomposer au sein des nuages, pour se re-
combiner de nouveau avec dégagement de lumière et de
chaleur. Cette hypothèse ne conduit pas à admettre pour le
soleil une diurée infinie , mais bien une durée indéfinie et
excessivement prolongée.
La croûte terrestre a nécessairement passé par des états
successifs et progressifs vers cette vie qui embellit sa sur-
face , et ce que nous disons de la terre s*appUque entière-
ment aux autres planètes. Après avoir eu 2,000 degrés de
température, la surface de notre globe n'en a plus eu que
1,500, que 1^000, que dûO, et son atmosphère s'est abais-
sée relativement ; puis la température est tombée à 100 de-
grés et au-dessous de 100 degrés. Pareille à ces pellicules
qui se produisent par le refroidissement sur les corps li-
quides et qui donnent naissance à des cristaux plus ou
moins variés, selon la nature des substances génératrices,
l'écorce de la terre a subi divers degrés de constitution
physique avant d'être solide, et bien d'autres encore avant
de se modifier de manière à devenir, grâce à son atmo-
sphère et a son humidité, le placenta naturel des organes
qui vivent et se développent à sa surface.
DU SIÈCLE. 137
Noos venons de dire qu'à l'époque où les roches ignées
étaient encore semî*liquides, où se cristallisaient les gra-
nits , où se formaient les porphyres , les eaux ne pouvaient
exister ; que d'imn^enses vapeurs de toute nature aiou-
tdient au volume et à la densité de l'atmosphère ; qu'il n'y
avait ni mers ni verdure , mais des fies flottantes de matière
incandescente et boueuse comme les laves récemment fon-
dues des volcans , dont la chaleur chassait au loin tout ce
qui était susceptible de se volatiHser. Cependant les âges
se succédaient , et le refroidissement du globe s^accom-
plissait selon cette loi que le génie du géomètre Fourier
nous a révélée. Pressée au dehors par les vapeurs conden-
sées, rétrécie au dedans par celles qui se formaient sur
bien des points, par sa cristallisation et son refroidissement,
la croûte terrestre, devenue plus solide ^ dut nécessairement
se fendre et donner naissance à des soulèvements, à des
anfiractuosités, source ultérieure de nombreux volcans: les
mers se produisirent alors, et dans leur sein se formèrent
des dépôts insolubles aujourd'hui dans nos eaux refroidies ,
e( sous la pression d'une atmosphère don! la composition
chimique a totalement changé. Telles ont été les phases
probables des premiers ftges des planètes du systèime dont
notre globe fait partie.
158 PHILOSOPHIE
LIVRE Ht
ËTUDB PRÏfiiOLOGIQUE DES EXlâTEKCES Mt!!«ËflALËS,
DU MoçTEareisT et pes çqbcbs »oTai€Bs.
La science, en ses études, distingue ordiîlaitetnent entre
rétat statique des corps et Fétat dynamique. L*élat statique»
ou d'immobilité absolue , m peut être qu'une hypothèse
de l'esprit»' L'état de mouvement est partout : dans les
corps que nous avons l'habitude d'appeler exclusivemeut
vivants, et même. dans ceux que nous considérons comme
morts; dan» eeuxHci la tie existe toijgours, mais sous des
formes diiSévmtes du passé. Les corps que nous appelons
inertes sont aussi en mouvement , quoique leur vie sort
au-dessous du 0 de la vie animale, parce qu'elle est relati-
vement presque nulle à la première vue vis-à-vis de la vie
des animaux et surtout vis-à-vis de la vie de l'homme.
Il n'y a pas de mouvement sans déplacement molécu-
laire. La chaleur, la lumière, Télectricité, la sensation , se
transmettent, se meuvent en apparence sans déplacement
réel de àioléoules , et cependant , en réalité , il y a un dou-
ble déplacement : l'un tieht à un changement dans l'état
moléculaire d-une substance pondérable; l'autre tient à
des vibrations communiquées par la substance hypothéti-
que appelée éther.
Je [iends un corps , soit un boulet rougi à blanc. Ce
corps répand sa chaleur dans Tespace : voilà un mouve-
ment dans la substance éthérée. Mais en se refroidissant ,
ses molécules se rapprochent et produisent un mouvement
moléculaire.
DU SIÈCLB. 139
Je prends une lumière : là où elle est perçue, elle Test
au moyen de vibrations dans les molécules hypothétiques
de Féther; mais là où elle a un foyer, un lieu de manifes-
tation, elle est produite par des réactions moléculaires.
Dans l'intérieur aune chambre obscure, je place soit du
papier préparé exprès , spf^ uoe pViOTe d'argent préalable-
ment iodée, et bientôt fer'putis tecôhnaître que les vibra-
tions lumineuses des molécules d'éther ont produit à la fois
la transmission d'une image et la réaction chimique qui
peut la reproduire.
Sj J9 ^^ pf rçc^^ Tji^triQitié ^ne> ligna ' Ittâgfl^hkiue,
est-ce que cette électricité ne suppose pas, d'une part, des
vibrations élfaéiiées-, dé Tftutre ;'iin fojisr de proSuction ?
Si je regarde des lignes dans ce livre , la sensation que
j éprouve ne résultert-eUç pqç de l'action âeçtro^nerveuse
d'une impression conduite à l'organe cérébro^inteUeciuel
par mon nerf optique, conducteur analogue aufil télégra-
phique? et maintenant, ce centre cérébro intellectuel
D'est-3 pas e9 un. mouvement moléculaire continu ?
Pénétrons au-(lelà,de l'écorçe de la question qui nous
occupe : lorsque l'air se meut ,. pouw|uoi- se meut-il? Ou
bien il cède à Tat traction. du soleil et dfe U lune,. ou bien
il tourne moins vite que la terre , ou encoi^e il se déplace
sous rin&uence de son augmentation de vohime par la cha-
leur, de sa réduction de volume par le froid : augmenta-
tion et réduction qui dîmimuent ou augmedxtrat sa pesan-
teur.
Le mouvement de l'air atmosphérique est une forcé gra^
tuite donnée par la nature : nos moulins à vent sont des
machines de$tmées à emprunter quelques bribes de cette
force gratuite pouur les besoins de notre existence.
L'eau qui s élève en vapeur à la surface des laers et se
condense sur nos montagnes, forme un demi-circukt. Deui
forces, l'une la pesanteur, la seconde l'adhérence de ses
molécules^ les unes pour les autres, la conduisent ensuite à
la mer.. Les roues, les turbines, les béhers hydrauliques,
sont les machines avec lesquelles nous ^vons emprunté une
partie de sa puissance à la force gratuite de cette grande
circulation créée par la nature. Nos pères utilisaient 55 %
140 PHILOSOPHIE
de la force qui agissait sur leurs engins hydrauliques ; nous,
nous savons en utiliser le double et même plus , mais que
de forces gratuites nous perdons mal à propos le long de
nos fleuves et de nos rivières!
L*eau des mers , dans son flux et son reflux , est soumise
aux deux lois de la pesanteur et de l'adhérence des molé-
cules.
Un animal qui se meut est à la fois un mouvement
produit et le premier rouage de la machine qui le transmet.
Tout mouvement animal est dû à des réactions moléculaires
accompagnées, de mouvement dans les molécules hypothé-
tiques de Téther répandu dans les nerfs.
Il résulte de ce qui précède que l'homme possède trois
sources de forces motrices :
1** Les forces gratuites données par la nature ;
^ Les animaux ;
S® Les réactions moléculaires qu'il peut produire avec
les agents dont il dispose.
En fait de forces gratuites , l'homme a utilisé jusqu'à
ce jour le mouvement de l'air, le mouvement de l'eau et le
magnétisme terrestre, mais celle-ci uniquement pour diri-
ger l'aiguille aimantée. Cependant, si notre globe est une
source inépuisable de chaleur et de magnétisme , pourquoi
ne pourrions-nous point parvenir à Texploiter? pourquoi
les puits artésiens, ces compléments de l'instrument appelé
syphon, n'auraient-ils pas leurs analogues? Le paraton-
nerre, qui soutire l'électricité si irrégulière des nuages,
n'est que le précurseur de deux autres instruments : l'élec-
tro-soustireur et le calorico-soustireur, qui viendront avant
la fin du siècle promettre au monde des gloires nouvelles
et un bien-être coulant à larges flots. C'est avec une foi
f)rofonde que je prends acte de cette double prédiction : en
a lisant , le mot de rêveur pourra venir sur les lèVres de
beaucoup de mes contemporains , mais avant cinquante ans
ce rêve sera réalisé.
Augmenter les jouissances gratuites sans rétrécir les
droits de l'individu , c'est-à-dire créer et développer des ri-
chesses communales et les utiliser au mieux aes intérêts
de tous , voilà le but incessant de la religion , de la philoso-
BU SIÈCLE. 141
phie et de la science. Ecrivons donc ici en gros caractères :
CoiMvnALisME , puisque ce iqpt est si gros de progrès,
puisqu'il peut exercer sur Tavenir une si capitale influence
au fur et à mesure que nous aurons su comprendre et ap-
pliquer tout ce qu'il renferme*
Remplacer les réactions moléculaires qui se font à cette
heure dajns les muscles de resclave, du serf, du paria,
dans ceui même des animaux , réactions dont ils sont les
moyens de transmissions , par des réactions moléculaires
produites au seiu de la nature ou créées par l'homme selon
les lois de la nature et directement appliquées à des appa-
reils de fer, de cuivre et de bois : Toilà l'une des formes
du grand problême scientifique et social que nous oflre
l'industrie.
Dans nos ateliers , la chaleur se transforme souvent assez
aisément en force ou en lumière , la lumière en force ou
en chaleur, la force en chaleur et en lumière; mais ces
transformations ont lieu dans des conditions de travail et
de dépense essentiellement différentes. De là une science
importante : l'économie. Il ne suffit pas de faire, il ne suf-
fit pas de bien faire , il faut arriver au mieux avec le
moins possible de frais.
Toute dépense consiste soit en efforts à faire , c'est-à-dire
m travail ; soit en capital , c'est-à-dire en efforts ou travail
antérieur accumulé et mis en réserve par l'épargne.
L'humanité a pour capital le globe entier avec ses appro-
priations diverses. Chaque nation a pour capital les efforts
qu'elle a mis en épargne sous forme de routes , de canaux,
de digues, d'édifices et de monuments publics, d'armes et
d'engins de toute nature.
Le capital est nui chez les peuples sauvages ; 'il com-
mence à êtire quelcjuse chose chez les. peuples civilisés. Rien
n'est aussi sacré , rien n'est aussi respectable que le capi-
tal, si ce n'est le travail ; mais il faut savoir s'entendre sur
•« mode de distribution du travail accumulé et mis en ré-
serve par nos pères. A côté de la question scientifique , la
51'ule dont nous nous occupions en ce moment , il y a la
question d'héritage, de lignée, de race, qui demande,
comme toute chose sérieuse, à être studieusement élaborée.
143 PHILOSOPHIE
L'homme a eu d'abord pour agents moteurs les es-
claves et les animawi do))a|fiStiqties ; puis il a emprisonné
les eamc et*»f^é '©ôS-VOTes sur Vaction dn vent pour
obtenir dds moteuln^^hrfArttMiqués et aériei^y; pdis il a
songé à la chaleur qui produit de si merveilleux déolace-
ments;' • '■■ - ' '•' •' ' ' ' '' '' ^''' ''■"/ '^
L'éolypile estime cornue à ga(ildtttôs-éttdit,*qM. lance
un jet de ^v^tpeur quatid on la chauffe t c'est tine seringue
sans pistow dans laquelle la ôfealerur produit l'effet An pis-
toniel fait sortir sous forttie *6 liqtfide où de tapent (à vo-
lonté, sêten la itfanièr'e dtot on '^ Tait u^a^e) ie' liquide'
renfermé dans la panse. Vittuve s'en est servi pour expli-
quer l'effet de la chaleiff dans la production' dès vents,
mais que d'années , que de siètîles même ehtté l*invénlion
de Féolypile et celle desmachiûes à vapeur:
Nous passerons sous.^ silence les. recherchée de Philibert
deTOrine, qui écrivait ^*i iS67 ; celles de Salomoh de
Caus (1616) ; les études du marquis de Worcester (1667),
et celles du chevalier de Moï^lahd (1685), pour aitivèr à
Denis Pafpin. Ce grand hi:>mme, l'un des libres penseurs
que persécuta Intolérance catholique de son époque, pro-
posa d'employer la vapeur soas un cylindre dans un piston,
et de la condenser ensuite : par ce moyen, le piston devait
etro élevé par la vapeur puis abaissé par son poids et par
la pression de l'atmosphère. Il signala sa machine comme
propre à lancer des bombes , à épuiser les eaux des mines,
à faire marcher les navires en mettant en mouvement une
crémaillère , et , par suite , dos roues. Il imagina en outre
la soajwipe de sûreté. •
Arrêtons-nous ici pour le moment , et remarquons dans
cette m«iehîne de Papin, être mécanique créé par l'homme,
esclave inventé par lui pour substituer une force à une
autre, des organes de fer à des organes de chair, les appa-
reils ou organes suivants :
1* Un réservoir d'eau représentant la vie générale de la
nature qui, dans toute existence, se combine sans cesse
avec la vie individuelle ;
2" On tuyau de communication entre le résen'oir et la
chaudière à vapeur ;
DU SIÈCLE. 145
S"* La chaudière à vapeur que. le médecin Papin compa-
rait peut-èMre aux pQumoo^ide Tbomme.;
4'' Uue soi^apç de sûreté^ quatrième loi'gane dastiné à
suppléer à yi^Ll4^^^^^^4?*i'wiw^linwiveau<q voulait
créer;. .. ,,',, ' ... ,. . ,. .'.';.» -,*., ....
6" Bés tuyaux de conduite de la vapeur, véritable sys-
têmeartépeïç^sa.maohine^; ,^
6** Vu çjlip4re ou cçaur.iiei cet èt^^^ maisïun oœ»r. in-
complet ^ CQiqme;|Qi^V)i ^ anim^aux Jo^férieurs aw:x>i^ux
et aux y;ç;rti^hre3t et , par suite , ii^çapaUe da trwsmettre
la u^êBie. forcé à,.U machine qu'up (QfltiMive h d9(i)>l# effet ;
7" t>es crémaillères, et d^ç,^pu^s: a», musdeSi tendons,
véritiablé spt^fl?<B fli^Dteur de lapiaclÛBCi. .
Cetie jdivi^iou eu organes», qui peut s.*applii|uer è une
machine «quelconque, n'est pa^ indifférente ; elle établit de
suite ^^ qon)pa];^^U, qui a une grande valeur, entrer les
machines, ei Ic;^. animaux ^^ples*» les machines (^i.le&ani-
mai4x,jk organes. Qpmpilexes.. < . . >*
Savaxy eut sur Jfii^ia Tavanlage de eréer dQs machines
que l'on vit fooctioniiier ; il em^plîojnBit la vapeur à «moyenne
pression » et se sery^ût du (roid ex^tw^Qf potir produire la
coudénsation.; il imagina de plus un moyen de s'assurer
de la quantité d*eau contenue dansi la cbaudièce , et nous
lui devons Feipploi des soupapes de* sûreté, coniques ima- <
ginées par Papin.
En 1699,.Amontpns perfeetioima bdauooup la machine
à vapeiir; il contractait ou condensait Jbt vapeur au moyen
d'eau froide/
En 1705 , Thomas Newcomen employai!, la pression de
la vapeur sous le piston, la pression de Tair sur le piston.
Un ingénieux polisson, du nom de Humphry Porter, qui
était chargé de tourner les rouets, .imagina, pour se
créer les loisirs de Técole buUsonnière si agréable à jtous les
âges, d^ajouter un nouvel organe à cette machine et de se
remplacer par un petit appareil que le balancier mettait en
mouvement, — On doit h Newcomen rinjection de Teau
dans la machine comme moyen de condensation, un jeu
légulier de soupapes et le premier emploi du balancier.
Résumant en un excellent travail, vers 1759, tous les
144 PHILOSOPHIE
efforts mécaniques tentés avant lui, Belidor publiait, dans
son traité, un bon écrit sur. Thistorique des machines à va-
peur et sur leur description.
Les diverses propriétés de la vapeur, sa pesanteur spé-
cifique sous divers volumes, sa chaleur spécifique, sa fa-
culté d'expansion à diverses températures, n'étaient pas
suflSsammenl connues, ou, pour mieux dire, la vapeur
était entièrement à étudier. Paynes, Black, Irwing et Craw-
fort s'en occupèrent , mais leurs recherches laissaient beau-
coup à désirer , lorsque James Watt entreprit de rendre
usuelles des machines qui n'étaient encore que d'un emploi
exceptionnel. Voici ses inventions :
IL imçigina d envelopper le cylindre de la machine pour
réduire les pertes de force par refroidissement de la va-
peur. Il étabUt. un condensateur séparé du cylindre de la
machine , une pompe à eau et à air pour le condensateur;
parce que l'eau est toujours mêlée d'air. Il utilisa la va-
peur sans condensation ; il fit aussi une roue à vapeur, ins-
trument médiocre qui résolut mal le problême de la rota-
tion directe. Il est le premier qui ait construit des machi-
nes à double effet ; il songea à utiliser la détente de la va-
peur et créa pour cet usage six mécanismes différents des-
tinés à rendre le mouvement uniforme. Nous lui devons
, encore : une machine à double cyUndre (la vapeur agissait
par pression dans le premier, par expansion dans le se-
cond) ; le parrallélogramme destiné à remplacer les chaînes,
les crémaillères , les roues dentées ; une machine à mou-
vement circulaire alternatif; une seconde roue à vapeur;
im nouveau système de soupapes et une nouvelle machine
propre aux voitures. — En 1785, ce grand homme don-
nait les principes de la construction des fourneaux ; il ap-
pliquait aux machines, comme régulateur, un pendule
conique, et -ajoutait aux chaudières le manomètre et l'ins-
trument appeïé indicateur^
Watt a }ais^ les machines à vapeur dans un girand état
de progrès; il restait cependant à accomplir un nombre
considérable de perfectioanements dans diverses directions.
Les machines de Watt sont très-^pesantes.
Les diverses pièces de ces machines exigent trop le tra-
BU SIÈCLE. 145
vail du marteau et de la lime , pas assez celui du tour, qui
est moins coûteux et plus facile.
La condensation s'y fait avec une pompe à air et à eau ,
c'est-i-dire sans utilftser jamais» la chaleur de la vapeur à
condenser.
Chaque force d un cheval exige une dépense de cinq ki-
logrammes de houille à l'heure.
Les chaudières sont énormes en volume. Pour les ma-
chines de cent et deux cents chevaux ^ ce sont de petites
maisons»
Ses transmissions de mouvement direct en mouvements
rotatifs exigent des engrenages, moyen peu commode et
même défectueux quand il s'agit de réaliser de grandes vi-
tesses.
Watt , malgré son savoir, malgré ses études sur la cha-
leur latente des vapeurs , malgré ses inventions nombreuses,
succombait à la peine , et la machine à vapeur , condamnée
par Smeaton à n'être qu'une machine de second ordre,
rentrait dans la série des utopies qui ruinent leurs inven-
teurs. L'établissement industriel de Watt , comme un na-
vire désemparé , faisait eau de toutes parts ; sa signature
commerciale devenait sans valeur, lorsqu'im très-habile né-
gociant nommé Boulton , sut apprécier son génie , la gran-
geur de sa découverte, et jeta généreusement sa fortune
(plus d'un million) dans la balance en faveur du progrès.
11 fil plus : il redevint industriel et , laissant à Watt la sur-
veillance et les études scientifiques, il le débarrassa de
tout ce qui concernait les ventes, les achats et la fabrica-
tion. — Que son nom soit glorifié ! quels immenses services
le capital peut rendre^ quand il est employé dans le but de
servir la vérité !
Quelques autres [Ht>grès ont été accomplis vers l'époque
de Watt et depuis : nous allons les signaler. Hornblower a
inventé une machine à double cylindre pour utiliser l'ex-
pansion. Bientôt il songea qu'il conviendrait d'utiliser ce
mode d'action dans une machine directement rotative : c'é-
tait entrer dans la voie des derniers progrès à réaliser ; mais
son appareil n'a point suffisamment réussi. Mathieu Murrey
a imaginé de régler le feu par la force de la vapeur de la
i46 pniiosopHfB
chaudière elle-même ; il plaça horizontalement les cylin-
dres des machines, et se servit de la propriété d'un cercle
qui tourne dans un autre de double dSartièt^e, faisant dé-
crire à' chacùft dé' séb points UWe^llgtï^ dtôité ou dlàifiètre
du grand cercle, pour transformer le moutem'ént de' va-et-
vient du'piètHh^ïi ùW/moiïVèmeht dhîUteire où toiatif!
Mwdoeh perféétïodn* la flftbricàtiôil dfes faiâchiriés', in-
venta ùti' bmi' Mezdir' pour les cylindres^ 'ftyrtbtf d'une
seule pièce le cyShâffe etsoii èfflveloppe ,* fit IbàcitoiAiei^ avec
une^^ule' lîge ; ^n' lés rteliànt entre elles ; lefe sbubapos' d'en
haut lét d'en ba'é ," et s'tolcëUpa isfusaf , nwiis ^ans succèè [ de
machines directement rotatives. ' • ' ~ ' '
Brahitfe, né etl 17S9, itiort m f»!*, eSt î'tetéut d'un
robinet à quatre ouvertures dans lequel TuSui^ 'éSt ^gale
Sartout ; il a parfaitement réglé le itiomeût des bti^rrures
essoupapes. . ! j - \ ,^ .1 ..
En 180Î, Trèvithick et VîViàn s'occupèrent 'avec 'succès
des machines à haute pression. '•
Vef^ la même époque , W^iolt essayA s&ns suctè's les
chaudières tubuUifës. Deux ans plus tard; il prenait une
patente pour une machine fc' détente dont îl n'était pas l'in-
venteur, machine importée depuis-en France par la mai^n
Perier et exploitée par MM. Edowards et Chaper: Tôttte-
fois, le plus grand service rendu à l'Angleterre depûfe cfette
époque, dans la construction des machines à vapeur, l'a
été par la publication de l'ouvrage de Tredgold , en 1828!
L'ingénieur français Mellet a fait une traduction de ce livre
important , mais il ne s'est point mrèié là : il a corrigé et
revu les formules , qui en avaient besoin ; de plus , il a
traduit en unités métriques tout ce qui se ti^uvait, dans
Trelgold, en unités anglaises. -^ A la même époque et
môme un peu auparavant, M. Clément Desoimes fiaisait ,
au Conservatoire des arts et métiers à Paris, un travail
analogue : il publiait un tableau de la force expansive de
la vapeur, indiquait sa quantité de chaleur sous toutes les
pressions , et «a pression depais 0 jusqu'à ISO degrés de
température ; de pltts , îl établissait les unités de chaleur
et de force motrice qui sont indispensables pcfur s'en-
tendre.
DU SIÈGLB. 147
On appelle maintenant, d'un commun accord :
Calorie, la force nécessaire pour élever un kilo, d'eau de
un degré de temjyéraAure»; • h 5
Dynaipie> l§,.pi9is$,anQ^«4ce9$4irç jpour élever un, mètre
cube d'eau 4ç^. un xa^trei. , . » .
Foro^ d'Mn cbe¥aWceU3.({iM élève par.heure 370 màtre^s cubes
àunmè.t]^e^<^u 75.Mlo. çar3acpnde;oM4»â00kilo. parmJwte.
Lu pnessijpp p^4^ntuQètrç carré d'une atmosphère est de
lkilo..i/S6,|P(ariqentimèti;e,w
La pr|Çssion d'un.iilp. est^ par centimètre carré, 175,5
ou 10 mètres, 4'^» ; elle est, par centimètre: Qirc^laire, de
93,6 ou là mètres 73.
La pa^^î^atiQu. à lji;i^eur et les tracions à la vapeur sur
les cheçuns de fer se lient trop étroitement pour que nous
puissiop^ les oi:di>U^r;.il ne s'agit pas d'une histoire de ces
inventions, mais de quelques faits intéressants à connaître
et su^ont.de la. nouvelle direction à donner aux ^ffprtsidc
l'esprit humain. Inventer des ma(;hii;ies pour gagner de
Targept , vpilà la pensée datasse qui domine beaucoup
trop les laits du|M;é6ent ; inven^r des machines pour venir
en aide «auix. travailleurs, pour multiplier les etTorts de
rhQaifno:et.ses produits, pour assurer au profit de tous sou
rè^eisur notre planète, yoilà la pensée réellement scienti-
fique M religieuse de l'avenir.
En 1680, sous les Stuarts, époque où le charbon de
tecse^fut sid)$titué au charboia de bois, l'on imagina des
chemins «artificiels pour rendre les transports plus faciles;
mais rjhumidité d'une part, et de l'autre la pesanteur des
trains,, ne tardèrent, pas à faire abatidonaer cette innova-
tion, n a .fallu â8 ans, avant que l'on songeât à remplacer
le bois par le fer, et 30 années s'écoulèrent encore avant
que l'on .songeât à diviser siir plusieurs wagons les poids
éDoro^es qui pesaient sur un seul. Dès 183â , l'Angleterre
possédait un grand nombre de chemins de fer : les nns ser-
vaient à desservir des usines , d'autres d'embranchement à
des canaux^ Vers cette époque , Palmer proposait son sys-
tème aérien à une seule voie, qui a été abandonné ne
convenant que iK)ur de petites masses ; James prenait un
brevet d'invention pour des rails servant à la conduite des
148 PHILOSOPHIE
eaux. Les actions des canaux, en regard des chemins de fer,
baissaient ; elles étaient en général les 5/5 des actions pri-
mitives. Déjà Ton desséchait des canaux pour établir dans
leurs cuvettes des chemins de fer. ^ Deux systèmes étaient
en présence : les ornières creuses , et les ornières saillantes
qui ont prévalu. Les chemins à crémaillères de John Easton,
proposés alors, ont à peine été essayés, et les chemins
souterrains , marchant par la pression de Tair atmosphéri-
que , n'ont pas eu beaucoup plus de succès , le frottement
et le manque de joints étant ici un grand obstacle. — Les
machines de Trevithick et Vivian, imaginées en 1802, per-
fectionnées depuis, étaient, vers 1850, les plus employées
sur les chemins de fer d'Angleterre.
De 1850 à 1840 , nos voisins d'outre-mer ont employé
tous leurs capitaux disponibles à la construction des che-
mins de fer. De brillants succès, de gros dividendes en-
couragèrent la spéculation ; mais la concurrence , la trop
grande longueur de quelques lignes et la médiocre position
de quelques autres ne tardèrent pas à ammener une crise
analogue à celle que les folies industrielles du règne de
Louis-Philippe et leur mauvaise direction ont produite chez
nous, en 1847. L'Angleterre commit alors la grande faute
que nous avons servilement imitée , de livrer les chemins
de fer à l'agiotage, sans tenir assez compte des services
que leur bas prix pourrai^ rendre. Ce pays , où l'intérêt des
capitaux est tombé à 2 ;^ , où l'on marche rapidement vers
le crédit presque gratuit, n'a pas senti assez nettement
l'utilité nationale de transports presque gratuits et s'abais-
sant comme le loyer des capitaux vers la gratuité. La
France , qui eut dû accorder à la généralité tout ce qui est
d'intérêt général, s'est laissée pousser par Arago dans
cette mauvaise voie. Les fautes poUtiques de cet habile as-
tronome pèseront longtemps sur notre avenir : notre pays
n'a pas su comprendre que les routes de grande commu-
nication sont d'intérêt national et doivent appartenir à la
nation ; qu'il y a des routes qui doivent être ouvertes ,
parce que l'intérêt public l'exige, encore qu'elles ne puis-
sent donner en location 1 7o des capitaux engagés, et il a
oublié l'unitarisme des traditions françaises.
BU SIÈCLE. 149
Quelle admirable chose , si la terre était couverte de che-
mins de fer et si ces chemins voituraient , pour les seuls
frais de traction , les Yoyjageurs et toutes les denrées qui
sont les besoins journaliers des industries, les matériaux de
construction, les engrais, les fourrages, les combustibles
et les animaux destinés à la boucherie. Quelle immense
plus-value cette manière, qui n'est pas nouvelle, de
c(«iprendFe les routes , les canaux et les routes ferrées , ne
I^oduirait-elle pas immédiatement dans le capital social de
la planète ?
Les Anglais, peuple trop national et trop peu humani-
taire encore, oublient, quand ils parlent de la navi-
gation à la vapeur, les travaux de Papiu, du marquis de
Geouffroy, de Cugnot qui s'occupa des vaisseaux et voitu-
res à vapeur, et même ceux de l'américain Fulton. — Si
lonathan HuUs prit une patente pour la navigation à la va-
peur, rien ne prouve qu'il ait réussi. Le duc de Bridge-
Water, le comte de Stanhope, et plusieurs autres après lui,
n'ont pas été très-heureux. En 1782, pendant quinze mois,
le marquis de Geouffroy fit marcher sur la Saône, entre
Lyon et ChAlons , un bateau de 41 mètres sur 5 mètres de
large ; il calait un mètre. De 1785 à 1788 , l'on s'occupa
de navigation à vapeur aux Etats-Unis , en Angleterre , en
France et même en Italie. En 1802, l'ingénieux Symington
dépensait 75,000 francs pour étudier la vapeur comme mo-
teur de bateaux ; il imagina un remorqueur, jugé utile ,
mais qui n'a pas été employé. En 1802, Fulton exécutait à
Paris ses deux premiers bateaux ; il en fit l'essai en 1805 ,
réussit, mais fut éconduit par la commission scientifique
chargée d'étudier son système. Dégoûté de la France, où-
il avait vécu assez malheureux , ne trouvant aucune sym-
pathie pour ses grandes idées , il commanda , en 1804, une
machine à Watt ; en 1807, il la plaçait sur un bateau amé-
ricain , lancé le 5 octobre à New-Yorck. C'est là le premier
vapeur qui ait complètement réussi. L'Angleterre n'obtint
UD demi-succès dans cette direction qu'en 1811.
Dès 1821 , les Américains comptaient 500 bAtiments à
vapeur; ils en avaient, sur les chantiers, de 600 tonneaux.
En 1825, l'Angleterre ne possédait pas encore 200 navires
7
150 PHILOSOPHIE
de 4 à 140 chevaux, de 50 à 500 touneaux; le port total
était estimé 16,000 tonneaux et la force totale 6,000 che-
vaux, — En 1827, le plus grand vapeur d'Angleterre était
du port de 530 tonneaux ; sa machine était de 160 che-
vaux ; il faisait les transports entre Londres et Dublin. A
cette époque , la France possédait à peine quelques bateaux
à vapeur sur ses fleuves. La ligne de Nantes à Pahnbœuf ,
créée par le consul américain Fenwick, en 1821 — 1822,
est la première qui ait fonctionné régulièrement. On éva-
luait alors en France à 500 mille francs un vapeur de cent
chevaux, que les machines rotatives et les chaudières tubu-
laires permettraient de livrer pour 100 mille.
Quels sont aujourd'hui les progrès possibles de la navi-
gation mécanique des chemins de fer et machines à va-
peur ?
Si les machines des mines ont pu réduire des 2/3 ou des
3/4 leurs dépenses de combustible en employant les hautes
pressions (4 à 6 atmosphères) et la détente , pourquoi les
machines des navires ne réalisent-elles pas cette améliora-
tion, surtout lorsque nous avons tous les jours sous les
yeux le spectacle de locomotives marchant à 4 , 5 et 6 at-
mosphères ?
Le perfectionnement dans les organes du mécanisme
peut porter l'effet utile de la vapeur de 60 à 75 7o > soit un
quart.
La conséquence de ces deux perfectionnements réunis
serait de diminuer de moitié le poids des machines de nos
navires, et des 2/5 aux 3/4 le poids du combustible à
transporter.
A puissance égalé du moteur, le vaisseau mu par une
force ainsi perfectionnée, se trouverait réduit dans sa ca-
pacité consacrée aux machines et au charbon, de plus du
tiers au proût de la capacité consacrée aux voyageurs et
aux marchandises.
Remarquons maintenant que la section transversale à la
plus grande largeur du bâtiment pourrait être diminuée
dans une notable proportion : alors la rapidité de la marche
augmente, selon la théorie, dans une raison donnée par la
loi du cube des vitesses.
BU SIÈCLE. 151
Déjà les Anglais ont réalisé 32 kilomètres à Theure.
Ils en affirment 40.
La science allant au-delà, doit en affirmer 50, c'est-à-
dire là lieues et demie à l'heure pour une époque assez
prochaine.
Voilà l'avenir des grandes lignes de navigation maritime
et fluviale.
Revenons aux locomotives. Brunnel est arrivé à presque
doubleir la vitesse des chemins de fer d'Angleterre en élar-
gissaat la voie ; mais cet élargissement a eu un très-grave
inconvénient : il a détruit l'unité des chemins de fer du
pays britannique.
Les efforts de la mécanique et l'invention de Crampton
ont réalisé le même résultat sur les petites voies. Cet ingé-
nieur a placé son mécanisme entre de grandes roues, sans
élever le centre de gravité de l'appareil locomoteur ; il a pu
de la sorte augmenter la capacité des chaudières , mais le
poids de 22 tonnes de ses locomotives use et ruine les voies.
Le perfectionnement sera d'améliorer encore cet état en
transformant les locomotives. Sous ce rapport, il y a une
double amélioration à faire : il faut perfectionner les chau-
dières et perfectionner le mécanisme; ce qui, en pratique,
devra.se traduire ainsi :
Diminuer et mieux répartir le poids ;
ilieux utiliser le combustible ;
Chauffer à la houille ;
Changer le système des machines à piston , qui implique
300 pulsations et 200 pertes de vapeur par miimte sans
presque d'emploi de la détente.
Remarquons , avant de passer outre, que les dangers
ne viennent pas de la vitesse. Les accidents , non moins
graves à 10 qu'à 20 et 50 lieues à l'heure , viennent de
Tabsence de précision dans le service. — Le télégraphe
électrique, en détruisant les dangers qui résultant de la
multiplicité des départs , ouvre une voie nouvelle à l'admi-
nistration , à la sécurité, à la célérité du chemin de fer.
Les progrès accomplis depuis dix ans dans les machines
à vapeur nous indiquent la voie de l'avenir et ses espé-
rances. — On est arrivé à employer usuellement des
152 PHILOSOPHIE
pressions de 5 et 6 atmosphères , mais a-t-on suffisamment
utilisé la détente et augmenté la vitesse des pistons ?
Ne l'oublions pas » un effet dynamique est un produit.
Trois facteurs y contribuent dans les machines à vapeur :
La surface du piston ;
La pression de la vapeur ;
La vitesse des pistons.
Si l'on double la vitesse, toutes choses restant dans le
même état, l'on multipliera par 2 l'effet dynamique: la
consommation de vapeur aura doublé, c'est vrai, mais
n'est-ce donc rien que de produire deux fois plus de force
avec le même appareil ?
Les Anglais ont compris cette amélioration et l'ont exé-
cutée pour tous leurs paquebots de la Manche et des ports ;
mais la France ne semble pas se douter de cette immense
amélioration.
D'autre part, nos voisins ont porté les vitesses de 1
mètre à 1 mètre 80. Pour neutraliser l'excès de dépense, on
a détendu ; mais la vapeur n'a pas encore , dans la plupart
des chaudières, une pression initiale suffisante.
Les meilleurs esprits ont toujours dirigé leurs regards
vers les chaudières tubulaires. Telles qu'elles existent elles
sont un progrès très-grand, mais incomplet. Leurs mu-
railles §ont planes, et si la surface productive peut sup-
porter toute la tention désirable , leur enveloppe n'a guères
plus de résistance que jadis. On est loin d atteindre qua-
tre et. cinq atmosphères, pression qui permet, dans les
mines de Cornouailles, d'exploiter largement les bénéfices
do la détente. Mais . en partant des premiers essais et en
leur comparant ce qui se fait actuellement , nous pouvons
affirmer que l'on peut faire et que l'on fera très-prochaine-
ment des chaudières tubulaires propres à l'eau de mer et
supportant 4 et 5 atmosphères.
Ce n'est pas tout : la combustion dans les appareils ac-
tuels est mauvaise ; au lieu de 5 kilo, de vapeur par kilo,
de houille , des fourneaux bien installés et bien conduits en
donneraient 6^ 7 et même 8. — Entrez dans un vaisseau
appartenant à la nation française , voyez la situation du
chauffeur, placé en face d'une fournaise ardente de deux
BU SIÈCLE. 153
mètres de profondeur, et demandez- vous si le chauffeur le
plus intelligent , placé en pareille position , peut être autre
chose qu'une machine à lancer du charbon dans la four-
naise; s'il lui est possible de vérifier Tétat de la combus-
tion et d'utiliser son intelligence; si, par suite, l'emploi
de charbons supérieurs n'est pas une condition nécessaire
de nos foyers actuels..
Les éléments d'économie, dans la question que nous ve-
nons de passer sommairement en tevue, sont nombreux ;
voici les principaux :
Emploi des hautes pressions ;
Détente ;
Perfectionnement de la combustion ;
Perfectionnement des chaudières en tuyaux ;
Augmentation de la vitesse des pistons.
Cette dernière amélioration a porté Watt et un très-
grand nombre de mécaniciens à s'occuper de machines di-
rectement rotatives. Nous en avons vu diverses de plu-
sieurs systèmes, et nous croyons actuellement le pro-
blême résolu, notamment par la machine et la chaudière
Bordillon (1).
Les rotatives auront l'avantage de supprimer presque
toutes les pièces en fer, pour les remplacer par de la fonte
travaillée au tour; de supprimer le balancier et' les bâtis
nécessaires , pour relier invariablement le cylindre' à l'axe
de rotation , pour assurer le jeu des bielles et des mani-
velles; de supprimer la destruction de forces vives, d'or-
ganes mécaniques pesant des centaines de kilos , ce qui a
lieu une fois par seconde h la mer et plusieurs fois dans
DOS locomotives pour le piston, la tige, la bielle, les guides
et manivelles.
(1) La sptèflû BardflloD a varié: ses daraîères rotativss se composent de trois
pièees priodpales eo fonte et de de»^ aubes ou palettes. Nous avons vu , dans son
aidier, uw maefaiod du poids de 25 h 30 kflo. produire la force de 3 à 3 cheTaiix
eUenoor f Mfl'à 400 toiira parunnute; elle eut pu rocaroir de fair chaud tout aussi
■es que 4e la vapeur. Nous avoiB vu un^ autre machine r du môme mécanicien ,
aarcber avec dèlento et condensation à 112 tours par mioûle; elle servait de lo-
cQiBotive â on teteàa et- faisait 3S dievaui. La vapeur fSoumie à cette machine sortait
d'âne ebaudière & tubes indioés qui a fonctionné sous nos yeui d une manière très-
satisfiiisanle.
154 PHILOSOPHIE
Elles suppriment aussi les pertes de vapeur à chaque
changement de mouvement, pertes devenues si consiaé-
rables dans les locomotives par l'avance des tiroirs.
Les vitesses à Tétat normal pouvant être triples de
celles employées aujourd'hui, la surface des pistons ou des
appareils qui en tiendront lieu pourra être réduite au tiers ;
f)ar suite, le poids, l'encombrement de l'appareil et les
rottements seront considérablement diminués.
C'est ain^, pour terminer par un exemple, qu'un ap-
pareil de mille chevaux (vaisseau le Napolèwi) qui pèse
700 tonneaux, devra être réduit im jour à moins de 200
tonneaux avec 5 fois moins de dépense de combustible*
Telles sont les espérances d'un prochain avenir.
Ces espérances ne sont pas les seules qui se puissent réa-
liser. L'introduction dans les fourneaux, de charbon moulu
et d'air injecté par un ventilateur dans les proportions de
leurs équivalents chimiques, permettra de mojjifier et
presque de supprimer les cheminées et d'arriver à produire
constamment 10 kilogrammes de vapeur pour 1 kilogramme
de charbon consumé.
Les machines à air chaud, encore dans l'enfance, utili-
seront naturellement iouteis les améliorations que nous ve-
nons de signaler. Celle d'Erickson contient un nouvel or-
gane excessivement ingénieux : c'est un poumon métallique
destiné à souffler successivement le froid et le chaud. Il
ouvre à la mécanique une voie nouvelle. Très-probable-
ment le système qui , pour les machines à vapeur, per-
met la rotation directe , pourra et devra aussi être appliqué
aux machines à air chaud qui réaliseront alors de nouveaux
progrès.
DES MACHINES ELECTRO-MOTRICES.
Lanlupart ont la pile pour moteur; presque toutes se ser-
vent aes aimants artificiels, et toutes celles que nous avons
vues sont directement rotatives.
su SIÈCLE. 155
Hais ici Ton ne sait pas se débarrasser des inconvénients
de l'oxidalion : — ailleurs Ton double la force galvanique
sans doubler la force de la machine ; ailleurs Ton dépense
quatre fois plus pour produire l'effet utile de deux hommes
que pour produire l'effet utile d'un seul. Cependant
comme aujourd'hui la mécanique sait transformer tous les
mouvements, comme elle possède une série d'organes
qu'elle peut employer dans des conditions données, nul
doute que les machines & galvanisme ne fassent des progrès
bien plus rapides que ne l'ont été ceux des machines à va-
peur. — Trois faits importants pourront conduire à ces
progrès : Fun c'est que l'action des fils multiplicateurs est
d'autant plus puissante qu'ils sont mieux isolés , ce que
nous avons reconnu en séparant des fils déjà isolés par de
la soie avec un nouveau corps isolant ; le second , que les
aimants composés de fils de fer doux réclament beaucoup
moins de fil isolant pour être rendus tels , aue les aimants
artificiés composés d'un seul corps solide (ces deux faits,
nous les avons signalés à l'Institut, en avril 1855) ; le troi-
sième, c'est que l'on découvrira des appareils galvaniques
beaucoup plus économiques que ceux dont nous faisons
usage. — Il est impossible que le globe n'accorde pas un
jour, à nos instantes prières, son magnétisme et sa chaleur.
De la TÉLÉ0R1PHIB ÉLficTRïQUB. — La télégraphie ac-
tuelle n'est qu'un cas particulier de l'emploi de l'électricité ,
comme force motrice. Elle est basée sur la possibilité de
transformer immédiatement en fer doux un aimant artifi-
ciel, aux plus grandes distances, lorsque ce fer doux est
mis en contact avec une pile galvanique.
HoKLOGES k Gàlvaihishe. — Ricu de plus aisé, au moyen
d'une seule horloge et d'aimants artificiels , que de faire
marcher toutes les horloges d'une grande ville. Ce pro-
blème est un cas particulier de la télégraphie électrique.
De ce qui préâde^ nous 'pouvdns eoûclure, avant de
passer outre, que si Paris, Londres ou toute autre grande
ville , était à reconstruire , l'on pourrait disposer les choses
de telle sorte que la lumière , la force motrice , le chauffage,
la parole, la mesure du temps, partissent de centres
communs poiu* se distribuer aux hrf)itations voisines, selon
156 PHILOSOPHIE
les besoins de chacun , avec Tordre le plus parfait et la plus
grande économie» Appelez ce centre commun maison mu-
nicipale , qu'il en existe une tout d'abord dans chacune des
grandes communes du monde, et bientôt Tunivers sera
lancé à toute vapeur dans la voie du progrès.
Des Forces explosives. — La force n'est pas toujours
employée à modifier les éléments de la planète au profit
de l'homme : elle devient trop souvent lui moyen de des-
truction. Les outres d'Eole sont le symbole de la puissance
qui se produit spontanément et brusquement, qui brise et
qui déchire, qui tue et renverse tout sur son passage.
Dans ces derniers temps, les poudres explosives et les
armes à feu ont acquis une perfection que nous ne sau-
rions trop admirer, si elle avait pour but le bonheur de
l'humanité.
Les diverses poudres, au salpêtre, au charbon et ftu
soufre, ont été étudiées au double point de vue économique
et pratique. On a fait de grandes recherches surjes ful-
minates, qui seront toujours d'un prix élevé, et Ton a
trouvé dans le fulmi-coton, soit pur, soit combiné avec la
{)Oudre ordinaire , avec l'azotate et le chlorate de potasse,
'élément indispensable désormais de la meilleure poudre
de mine. Elle coûte plus cher, dit-on; cela se peut , mais
comptez-vous pour rien les vies hïimaines qu'elle permet
de sauver ? Quelle différence entre une poudre qui ne pro-
duit pas de fumée et qui exerce directement ses efforts sur
les corps voisins, et nos poudres de mines, dont les inconvé-
nients sont si nombreux et l'action relativement si faible !
Les fusées à la congrève lancées par un mortier, s'en-
flamment et voût porter jusqu'à cinq kilomètres la mort et
l'incendie: Des expériences très-précises ont prouvé que
l'on pouvait s'en servir pour détruire les batteries de brèche
et prolonger indéfiniment les longueurs d'un siège au mo-
ment où on le croit terminé. La science a inventé des bou-
lets qui pénètrent dans les bordages deç navires, s'y arrêtent
et font explosion de manière à les détruire , de telle sorte
qu'il soit impossible d'y apporter remède. D'autres boulets,
en faisant explosion , remplissent Tair d une vapeur înfecte
et vénéneuse \ Us empoisonnent ceux qui la respurent. D'au-
BU SIÈCLE. 1S7
très éclatent en l'air à quelques centaines de mètres de la
gueule du canon, et laissent paraître une grêle de balles
animées d'une telle vitesse acquise , qu'à 600 mètres elles
traversent des planches de trois à quatre centimètres d'é-
paisseur. Voici des carabines de la plus grande légèreté,
avec lesquelles, en une minute, l'on peut lancer quinze
balles et porter la mort à cinq cents mètres ; en voici d'au-
tres plus lentes , mais plus dangereuses , qui portent à
mille mètres. Voici de simples pistolets avec lesquels on
peut ajuster et tirer au blanc à trois cents mètres. Voici la
carabine belge de Montigny, véritable chef-d'œuvre en l'ait
de destruction ; elle lance sans bruit des balles coniques qui
portent avec justesse à cinq cents mètres.
Nos pères avaient des balles rondes; nous avons des
balles ellipsoïdes armées d'une tête d'acier, qui traversent
des plaques de tôle à trois et quatre cents mètres. Nos
pères avaient la poudre ordinaire ; nous avons de plus les
chlorates', les fulminates et la poudre coton. — ; Nos pères
avaient des canons simples ; nous en avons de très-variés et
nous savons les revêtir intérieurement de chemises rayées
pourleuf coiifier des boulets ellipsoïdes dont le tir est aussi
sûr que celui de la carabine, oont la portée peut aller à
quinze cents et deux mille mètres, frapper l'homme que l'on
o'a pu voir qu*à l'aide d'une longue vue. — Un vapeur h
hélice peut arriver sans bruit par une nuit obscure , raser
les fortifications d'un port , y lancer des fusées incendiaires
sur les chantiers de construction , sur les magasins de pro-
duits combustibles , et disparaître ensuite sans que Ton ait
eu le temps de tirer sur lui quedques coups de canon.
Mais laissons ce sujet et voyons ce que l'homme peut faire
en industrie des forces explosives,
La cuirasse du crocodile , la peau épaisse de l'bippopo-
toe, ïes os si résistants du tigre et du lion sont désormais
des défenses impuissantes. La chasse à l'aide des armes, sa-
vantes Çjyrgera le globe des animaux malfaisaots que
Ihomine jugera convenable de supprimer. Partout dans les
contréèi' sauvages, elles le protégeront contre Ja férocité
i^ bêtes fauves et pourront lui procurer une abondante
nourriture.
ISS PHILOSOPHIE
La pèche h Taides des armes ncavelles le débarrassera
de tous les grands mangeurs de poissons qui lui font con-
currence; au besoin , il leur jettera au bout d'un fil de cui-
vre, des appâts contenant une quantité suffisante de poudre
explosive, que rélectricité d'une pile placée à bord d un na-
vire fera éclater dans l'intérieur de leurs corps. Le» fleuves,
les lacs et les mers pourront alors devenir pour l'homme
de magnifiques vivier» qu'il enrichira des espèces les mieux
choisies , sans avoir à redouter la voracité des requins ou
des baleines.
Muni de poudres d'une puissance très-supérieure et ne
laissant point de fumée, il rendra plus facile le travail des
mines.
Les mêmes poudres lui permettront de faire rouler des
débris de montagnes dan* les vallées où nos rivières pren-
nent leur source et d'y créer ces vastes étangs, ces petits
lacs sur lesquels nous ne saurions trop appeler l'atten-
tion, réservoirs artificiels destinés à alimenter nos fleuves
piBndant les sécheresses , ou à fournir, par de grandes
irrigations, à de vastes contrées, les éléments de la fer-
tilité.
Percer les montagnes , soit pour créer des communica-
tions, soit pour faciliter l'exploitation des mines, voilà l'un
des grands besoins de notre civilisation moderne. Pour
cette /œuvre, si gigantesque qu'elle soit, les forces explo-
sives seront d'un immense secours.
Ici elles ouvriront un chemin au milieu des rapides de
certains fleuves ; ailleurs elles supprimeront des cataractes
en faisatit disparaître les roches cachées sous les eaux. De
nombreuses montagnes, comme des vieillards que les ans
ont rendus chauves, présentent partout leurs têtes dénu-
dées (leur roc trop dur ne saurait être, érltamé par le pie ^
et cependant il importe de couvrir lëùh riimes d'une che-
velure gui entretiendrait à leurs pîeds dès sources fécon-
des , qiii abriterait et fertiliserait leuri coteaux. -^ Quoi de
plus facile aujourd'hui que de les entourer,^ de dix ibètres
en dix mètres, d'eicavations faites à la mine, de remplir
ces excavations de terre végétale et de débris de pierre , et
d'y placer, selon la hautciu* de la montagne, selon les in-
BU BIÈCU. 159
térèts du pays, soit des plantes rampantes , soit des ar-
bustes, soit même des arbres, tels que des bouleaux, des
acacias ou des sapins.
L'homme ne manque, sur cette terre, ni d'œuvres à
accomplir ni d'instruments pour les exécuter ; mais il man-
que entièrement de l'intelligence de ses devoirs. Il a sur-
tout besoin de connaître et d'étudier sa destinée, et de ratta-
cher ses œuvres à un plan d'ensemble en rapport avec la
mission de l'humanité.
œNSIDÉRATIONS SUR LES CORPS LES PLUS USUELS.
Il ne s'agit ici ni de statistique ni de chimie pure , mais
de réflexions et d'observations appropriées aux mtérêts gé-
néraux des espèces humaines.
Oxi^ÈNB. — Le bas prix de cette substance transformerait
un grand n(mibre d'industries. Son influence sur les vies
organiques n'est pas moindre que son influence sur les vies
miûérdes; mais elle est moins bien comme. Un litre d'eau
en dissout 46/1000 ; le sang veineux en contient davantage,
près de 60/1000, et le sang artériel de 100 à 120. — A
chaque respiration, l'air du poumon perd de ce corps 4 à 6
pour cent. L'on pense généralement que l'oxigène sert à
l^er du carbone, de l'hydrogène et même quelques autres
substances , à l'intérieur du corps ; toutefois le rôle qu'il
remplit n'a pas été suffisamment analysé. Il y a lieu de
croire qu'il produit l'acide carbonique et la vapeur d'eau
qui s'écnappent dans la respiration ; mais il est bien prouvé
que ce n'est pas au poumon que se passe là combmaison
ehhnique qui les produit. Les expériences de Régnault et
d*Airet établissent que l'acide carbonique, chassé par les
expirations, ne représente que lés 3/4 de Toxigène absorbé.
— Cet oxigène introduit dans les paumons est dissous par
les globules du sang et porté dans tous le corps par la cir-
I60 PHILOSOPHIE
culation. Il est malheureux que nous n'en sachions pas
beaucoup pius; mais tout ce qui a été écrit dans ces der-
nières années, à l'occasion des oxidations qui se passent au
sein de TéccHwmie, tout cela, disons-nous, est encore à
rétat de pure hypothèse. Très-probablement la vie deTÎen-
drait plus active dans une atmosphère plus chargée d'ari-
gène : les expériences tentées pour éclaircir ce fait n'oot
été ni assez nombreuses, ni assez longues, ni assez f triées.
Hydrogèihe. — La décomposition de l'eau à bon marché
changerait immédiatement l'art du chauffage dans les mai-
sons particulières et les ateliers. Cette découTerte abaisse-
rait aussi le prix de la lumière et de la force motrïce ; peut-
être décuplerait-elle rapidement ; en tout cas elle double-
rait immédiatement les richesses sociales du monde entier.
Elle exercerait sur le commerce, sur l'industrie, sur l'a--
griculture , une influence qui est incalculable : c'est l'une
des plus grandes questions qui puissent préoccuper la science
et les gouvernements.
Bien que la flamme de l'hydrogène pur n'éclaire point
par elle-même , elle peut facilement servir à l'édairage : il
suffit de la mettre en contact avec un fil de platine pour
lui procurelr un grand pouvoir lumineox. — Mêlé à de
Toxigène , Uhydrogène, que l'on fait arriver avec les pré-
cautions nécessaires jsur un cône de chaux , donne une
flamme dont il est impossible à l'œil j^e soutenir l'éclat.
Cette lumière-, appelée lumière Drummont, est comparable à
celle que prodmt le galvanisme sur le charbon , à la lu-
mière qui nous vient des astres , et conduit à penser qu'un
jour l'éclairage aura partout trois formes : la première indi-
viduelle ; la «seconde comAmnale et consacrée au service d'in-
térêts plus où moins étendus, tel» que ceux d'une cité
ouvrière , d'une cité bourgeoise, d'une commune; la troi-
sième appropriée aux plus grandes viUes et à l'écla^age
des côt^* : telle est la voie dans laquelle il importe d'entrer
au plus vite , ^our satiifaire à tous les besoins.
Le satig 'dissout une petite quantité d'hydrogène. Les
gaz expirés péndahtla 'respiration en renferment des traces.
11 peut remplacer l'azote pendant cet acte hnportant , sans
entraîner ni la mort ni la maladie.
DU SIÈCLE. 161
L'AzoTB se trouve ,daDS notre économie, au poumon dans
le sang et dans les gaz des intestins ; celui du poumon y
parait s'échaoger incessamment contre Tapote du sang. Ce
corps est partout très-négatif en ses propriétés. L'une de
ses cpinbinaisons, Tacide azotique (A2. 0'), est fort em-
ployée dans les arts; cet acide sert à fabriquer l'acide sul-
furique^ le fulmi-coton, à préparer l'or et le platine. La
France seule en consomme 450,000 kilo. Il est l'objet d'un
commerce considérable qui réclame impérieusement l'abais-
sement de pri:^ des azotates de potasse et de soude qui ser-
?ent à sa production.
ÂicMoniAQUB (Âz. H^). — Les usages de ce corps sont
eiLcessivement répandus. Il fait partie de l'eau sédative de
Raspail, médicament justement apprécié , que nous avons
expérimenté nous-même avec le plus grand succès daaas des
rhumatismes articulaires, dans des érjsipèles, dans des
ruptures musculaires, et pour la phlébite , maladie si sou-
vent mortelle* La médecine emploie encore l'ammoniaque
comme excitant, et comme caustique. Elle forme , avec les
divers acides, ^'un des éléments les plus actifs des engrais.
Sa préparation à bon marché serait, après Udéeemposition
de l'eau à vil puj^ , l'un des plus grands services que l'on
pourrait rendre ^ux hommes,, car il n'y aurait plus de terres
rebelles à. la culture.
Le ^OUFBB sert apprendre des empreintes, à faire des
moules k médailles, 1 fabriquer des allumettes et la poudre
ordinaire. L^. médecine l'emploie en noudre,. contre les
hémorrhoïdes jet Içs maladies cutanées ; la médecine vétéri-
naire. .rutiUse comme, purgatif ,
Il îorpgkQ, av§c l'oxigèn^, sept cpmbinaisoi^s, dont deux,
l'acide .sulfureux ^ l'aeide sulfurique, sont très-utilisés
dans.; les a^ts.. — .L'^çi^e sulfureux est. wiplpyé à la
prépAcalioii. ^é| r^^4^ .^urïque , au^blancUment des
étoâ6S..(te.laM)ei.et^dç i(i^el^ On s'en
sert quelquefois,, à.. b^d .de;i navires pour chasser de la
calejies. ratSf.ije^ souq^, les insectes, et c'est un tort de
n'avÔMi,ypiis..de^. appareils tout exprès pour, w user fré-
quemment. Il est eiQployéen médecine, .contre les maladies
de peau. L*acide sulfurique, connu jadis dans le commerce
163 PHILOSOPHIB
SOUS le nom d'huile de vitriol , est employé en médecine
comme caustique ; mêlé à du safran , il forme un caustique
particulier qui a sa valeur et que l'on a utilisé dans le
cancer. A la dose de quelques gouttes dans un litre d'eau
sucrée , il forme une Umonade agréable ; étendu de beau-
coup d'eau, il peut servir à arroser des champs consacrés
aux trèfles et aux luzernes, si ces champs sont en terrain
calcaire , parce qu'il forme alors avec la chaux un plâtrage
artificiel. L'industrie l'emploie journellement à une foule
d'usages : aussi serait-il d'une excellente économie sociale
de viser sans cesse à en abaisser le prix de revient.
Le soufre se trouve dans les cratères éteints d'un grand
nombre de volcans et surtout en Italie et en Sicile, par
amas irréguliers, au milieu de marnes bitumineuses, de
couches de gypse et de calcaire appartenant à la formation
crayeuse. On pourrait l'extraire de quelques sulfates très-
abondants dans la nature, tels que le sulfate de chaux ou
plâtre. Tout récemment l'on a découvert, en Egypte, des
mines de soufre que l'on dit très-riches.
La quantité de cet utile minéral dépassera toujours les
besoins. Le (^obe en consomme aujourd'hui, année com-
mune , 50,000,000 de kilogrammes.
Les progrès de l'industrie moderne ont donné une
grande extension aux fabriques d'acide sulfurique : ces éta-
blissements, très-insalubres, versec^l dans l'atmosphère
d'abondantes vapeurs très-vénéneuses , mais qui se mêlent
rapidement aux matières aqueuses et retaaâ>ent sous la
forme de pluie et de rosée, sans porter leurs ravages à plus
de quelques centaines de mètres. — La préparation de cet
acide n'est pas sans dangers pour les ouvriers qui y tra-
vaillent. Leur rétribution est insuffisante ; aucune pré-
voyance sociale ne veille sur leur sort, sur celui de leurs
femmes et de leurs enfants ; aucune solidarité ne les relie
dans leurs dangers et ne les rattache aux établissements
dont ils font partie et dans lesquels on les utilise comme
machines inteUlgmtes et pensantes.
L'acide sulfhydcique (H. S.) est im corps gazeux très-
vénéneux, soluble dans l'eau; on l'appelle aussi acide hydro-
sulfurique et hydrogène sulfuré. La médecine l'emploie
BU SIÈCLE. 165
fréquemment à l'intérieur, mais surtout en bains, en lo*
tions, en douches et toujours avec précautions; il noircit
presque toutes les substances métalliques en leur aban-
donnant son soufre. Aussi est-îl Tune des cause qui récla-
ment une parfaite purification dans l'éclairage au gaz.
Le Chlore (Cl.) est un corps gazeux électro-négatif
excessiyement puissant ; on Textrait du sel marin ou chlo-
rure de sodium qui est très-répandu dans les mers et dans
les terrains de trias ; il peut être aisément liquéfié. L'acide
cbkfrique est lune des combinaisons qu'il forme avec
l'oxigène ; cet acide fait partie du chlorate de potasse,
sel coûteux, mais très-utile pour préparer des poudres
fulminantes et qui pourrait l'être pour activer l'action vitale
des végétaux.
L'acide chlorhjdrique (Gl. H.) est le résultat de la com-
binaison du chlore et de l'hydrogène; ses usages sont
très-nombreux dans les arts. Son mélange avec l'acide
azotique donne l'eau régale , corps oxidant très-énergique.
Le chlore est employé directement ou en combinaison
pour détruire les miasmes putrides et pour décolorer les
substances végétales, telles que les tissus de toile et de co-
ton, la pâte du papier. Son prix est en rapport direct avec
celui de l'acide sulfuriqué et de Toiide de manganèse, qui
servent à sa préparation.
La médecine l'utilise avec succès dans les catharres
chnmiques de la poitrine ; mais nous ne croyons pas qu'il
ait jamais contribué , quoiqu'on en ait dit ou écrit , à la
guérison de phtysiques. Nous avons assisté^ sous ce rapport,
à des expériences que l'on disait concluantes et qui nous
ont pam négatives.
Le Brôhe (Br.) et I'Iode (Io.) sont deux corps très-utiles
depuis la découverte de Daguerre; 3s forment, avec le
chlore , un groupe très-intéressant , ma» tous deux ont des
propriétés bien moins énergiques. Ces corps, malgré leurs
aspects et leurs qualités différentes , présentent de nom-
breuses analogies. La médecine les emploie comme exci-
tants du système absorbant chez les sctofoleux , le^ psori-
ques, les syphilitiques.
Le Fluob, corps peu étudié, fait aussi partie du même
164 PHitosopniB
groupe. Son acide fluorhydrique sert à écrire sur le verre.
C'est une substance d'une très-violente énergie , dijBicile à
manier, produisant les brûlures les plus cruelles et les plus
dangereuses. Cependant le fluor est chassé par le chlore, de
ses combinaisons.
Le Phosphore (Ph.) n*a été réeltement étudié que de-
puis 1769 ; il est très-employé dans les arts pour la fabri-
cation des allumettes chmiques. Il peut servir à empoi-
sonner les rats et les animaux gloutons , tels que les re-
quins et d'autres poissons qu'il tue en brûlant leurs intestin».
Il rendra d'immenses services le jour où l'homme, plus
avancé en civilisation , jugera convenable de débarrasser le
globe d'une foule d'hôtes dangereux. Le phosphore fait
aussi partie des os des animaux et de plusieurs combinaisons
très-utiles. Son revient économique et le bas prix de ses
composés seront avant longtemps ime question de premier
ordre en industrie et surtout en agriculture.
L'ÂRSBNiG. (As.) présente de l'analogie avec le phosphore
pour ses combinaisons. — Il a l'aspect métalliqro et rend
cassants les métaux qui en contiennent. Son oxide blanc,
acide arsénieux (As. 0'), est un poison violent empldyé fré-
quemment dans les arts. Cet acide a deux formes : l'une
opaque, l'autre transparerlte ; ceÛe^i n'a plus exactement
les mêmes propriétés que Tautre : elle est bien moins solu-
ble. L'acide arsénieux et l'acide arsénique (As. 0*) servent
à faire des sels' employés en médecine contre les maladies
de peau et les fièvres intermittentes. — Il existe une com-
binaison gazeuse d'hydrogène et d'arsenic qui se produit
avec la pkis^ grande facilité : eUe est excessivement véné-
neuse et joue un grand rôle en médecine légale. Il existé
un sulfure. d'arsenic employé en peinture; sa formule est
As. S' ; on- l'appelle réalgar. Un autre sulfure porte le înom
d'orpiment; sa formule est As. S*.
Le BoKBne: nous intéresse que pour la combitïaison de
son acide borique (Bo. 0'), appelée borax ou botate de
soude , qui serd à souder.
Le SiUGiUK (Si.) forme , avec loxigène , l'acide silicique
qui joue un très'-grand rôle dans la nature. Cet acide a
pour formule Si. 0* ; il forme la base des roches purement
BU SIÈCLE. 165
siliceuses , telles que le cristal de roche , le quartz , les sa-
bles ; il entre dans la composition des granits , des gneiss ,
des schistes.
Le Cabboiœ n'est autre chose que le charbon très^pur ; il se
présente dans la nature et dans les arts, sous les états suivants :
Le diament ou carbone pur cristallisé ,
La plombagine ,
Le coke ou résidu de la calcination de la houille ,
Le charbon animal, que l'on obtient en calcinant les
substances de ce règpe.
Le carbone , sous la forme de houille , de tourbe ^ de
bois ou de charbon, est aujourd'hui le combustible par
excellence et le réducteur d'un grand nombre d'axides,
auxquels il enlève leur oiigène : aussi est-il extrêmement
employé dans l'industrie. Mieux utiliser la chaleur déve-
loppée dans sa combustion et le remplacer par d'autres
combustibles , voilà la double direction de l'économie in-
dustrielle. L'économie sociale devrait s'occuper depuis
longtemps du reboisem^it des montagnes «t de l'aménage-
ment des mines de houilles, qui sont plutôt gaspillées
qu'exploitées ; mais eUe n'en est pas encore là. >
Le charbon très-poj^us et dont les molécules étaient
écartée^^au moment de sa production, le charbon de bois,
le charbLon animal, et surtout les charbons de sciure de bois
calcinée avec do la potasse, et le charbon de matières ani-
males calcinées de la même manière, ab$(Mrbent singulière-
ment les .gaz et» décolorent les liquides. Ce soni des sub-
stances, éminemment désinfectantes; de là leurs usages en
médecine, e^ chimie, en industrie, dans la clarification des
sacrer et ^ans la fabrication des engrais : usages qui pour-
ront varier, mais qui augmenteront nécessairement. <
La c£irte- de l'çpoque houillère de M. Elle de Beaumont ,
établit que les trois quarts de- la hoiuiUe européenne se
trouvf;Q(,s^s Jies eaux,, sous la forme d'un limmeonse^ tra-
pèze, .^ont; l'un .des petits côtés néunirait Edimbourg et
Chester, tandis que l'autre , moitié moindre , passerait près
de Liège. I^ autre banc de houille^ moins considérable,
mais cepend^pt large encore de plus de 10 lieues, commence
dans le nord de la France pour aller se terminer en Irlande,
166 PHILOSOPHIB
après avoir traversé l'Angleterre dans sa plus grande lar-
geur: malheureusement une moitié de cette formation se
trouve sous les eaux. Les pays les plus riches en houille
sont l'Angleterre et la France ; on en trouve encore au
Harz en Saxe, en Bohême, en Autriche. L'Espagne, le
Portugal et l'Italie en paraissent presqu'entièrement privés.
La Chme et le Japon sont très-riches en combustible fossile ;
on en a rencontré aussi en Amérique , dans la Nouvelle-
Hollande et en Sibérie. La consommation de la houille
double en 14 ans. La statistique des terrains houillers
n'existe pas ; elle serait extrêmement utile : par elle on
pourrait prévoir l'avenir industriel réservé d'ici à plusieurs
siècles aux principales contrées du globe.
Le produit des houillères dont l'exploitation était con-
nue , fournissait en 1844 , 250 millions de quintaux, repré-
sentant plus de 150 millions de francs, et si l'industrie
reprend toute son activité , l'on pourra compter, en 1860,
sur une extraction de 750 millions de quintaux représentant
plus de 450 miUion$ d^ francs. Il serait temps du reste que
les divers gouvernements de la planète s'entendissent &ur
la réglementation de l'exploitation de la houille, afin de ne
pas arriver à un , épuisement presque complet des mines
avant quatre cents ans. Ajoutons que sur plusieurs points ,
la mauvaise exploitation des houillères fera perdre , comme
à Saint-Etienne , le quart du charbon.
Il est vrai que de nouvelles découvertes viendront dimi-
nuer en apparence la consommation du combustible. Ahisi
pensera-t-on pour ces machines à vapeur et à éther, dans
lesquelles la vapeur d'eau sert à vaporiser de l'éther, du
chloroforme ou du chlorure ^e carbone ; pour ces machines
à air chaud qui réalisent la force d'un cheval de vapeur
avec le tiers ou le quart de sa consommation habituelle de
houille. Mais il est bien évident pour ceux qui suivent les
progrès de l'industrie , que qes machines perfectionnées au-
ront pour résultat de répandre de plus en plus l'usage des
forces motrices et d'augmenter encçre la consommation ac-
tuelle du combustible fpssile.
L'un des plus grands progrès accomplis depuis peu, c*est
d'avoir fait parvenir le charbon en poudre et l'air atmo-
BU SliCLE. 167
sphérique dans les fourneaux, dans des quantités directe*
ment proportionnelles aux équivalents d'oxigène et de ma-
tière combustible qu'ils renferment. Cette découverte , due
à M. Corbin , nous a conduit à reconnaître que toute la
pyrotechnie des ateliers va changer entièrement d'ici quel-
ques années , une immense révolution se préparant à petit
bruit dans le monde industriel.
Le carbone donne, avec l'oiigène, trois combinaisons :
Toxide de carbone, corps gazeux (C. 0) que l'on voit brûler
avec une flamme bleue à la gueule des hauts fourneaux ;
l'acide oxalique (C*. 0'); l'acide carbonique (C. O').
L'Acide Cabboi«ique sert à rendre les eaux gazeuses ; il
fait en bonne partie la valeur des eaux de Spa , de Vichy,
de Contrexeville, de Seltz et d'un grand nombre d'autres ;
il est l'un des agréments des boissons mousseuses , telles
que le cidre , la bierre , le vin de Champagne : è ce double
point de Tue son usage s'étend sans cesse. — Il est le pro-
duit de la fermentation ; sa présence est favorable à la vé-
gétation. L'air atmosphérique en contient depuis des traces
jusque à 3 ou 5 pour 7o.
On trouve chez l'homme de l'acide carbonique dans le
poumon , dans le sang , où il est dissous par le sérum et
les globules , dans les intestins et les urines. Le sang arté-
riel en renferme plus que le sang veineux. Les expériences
de H. Verdeil établissent que l'acide pneumique qu'il a dé-
couvert dans le poumon , décompose les carbonates du sang
et qu'il est Tune des sources de l'acide carbonique de l'éco-
nomie ; la substance organisée en serait une autre ; le sang
lui-même en serait une troisième par suite de Toxigène et
du carbone qu'il renferme (Marchand). MM. Hervier et
Saint-Lager ont constaté que l'acide carbonique contenu
dans Tair expiré éprouve des variations horaires, parallèles
à celles du baromètre. La peau laisse échapper par jour
17 grammes d'acide carbonique, et le poumon 1100 à 1172.
— Toutefois les expériences qui paraissent établir qu'un
centième de plus dans l'atmosphère d'acide carbonique
peut influencer défavorablement la respiration, nous pa-
raissent avoir été faites avec de l'acide carbonique contenant
un peu d'oxide de charbon , corps très-vénéneux.
168 PHILOSOPHIE
L*ÂciDB OxÂUûUB ne peut exister seul sans renfermer
trois parties d'eau. Sa formule exacte est C*. 0'. + 3 H 0.
Il se trouve dans un grand nombre de plantes.
CoMBiifÂisoNS DB Cabbonb ET d'Hydrogèke. — A la sur-
face des eaux stagnantes se dégage souvent un gaz formé de
carbone et d'hydrogène : c'est le gaz proto-carboné C^.
H*. Celui qui sert à l'éclairage contient deux fois plus de
carbone; sa formule est C*. H*. Ces combinaisons don-
nent lieu à des isomérismes curieui^ ; elles nous permettront
démontrer comment on peut passer de l'hydrogène protocar-
boné , ou gaz des marais , aux autres carbures d'hydrogène ,
à l'acide acétique, à l'éther, à l'alcool, aux sucres, aux fé-
cules, à la cellulose.
Cbllulosb. — On appelle de ce nom le tissu générateur
des plantes, celui qui forme la trame de tous les tissus vé-
gétaux» Il y a aussi une cellulose animale ; mais celle-ci en
diffère un peu ; elle est d'autant plus azotée ou animalisée
que Ton avance vers les animaux vertébrés. Il y a encore
une cellulose minérale.
Les bois se composent en grande partie de cellulose; ils
sont en général d'autant plus altérables (fu ils renferment
plus de matières azotées. On les conserve par divers procé-
dés qui ont tous pour but de les priver d'air et de remplir
leurs pores d'une substance conservatrice. M. Boucherie
emploie à cet usage la puissance d'aspiration des végétaux :
c'est ainsi qu'il fait pénétrer le liquide conservateur dans
des arbres frais abattus ou encore debout. D^autres em-
ploient de très-fortes présidions ; d'autres ià température
élevée de- liquides gras ou résineux fortement chauffés.
La cellulose donne lieu , sotis le nom de papier, à fune
des fabricatîMs les plus importantes des pays civilisés. Si ,
en Europe, la: liberté de la presse et si les postes étaient
organisées dans l'intérêt des administrés, cette fabrication
deviendrait néceBsairëtoent quadruple de ce qu'elle est au-
jourd'hiii. Dans la fabrication du papier, les chiffons sont
d'abord triés avec soin; l'on met à part les chiffons de soie
et de laine, souvent aussi ceux de coton, qui donnent des
papiers bien Moins -résistants que les chiffons dé lin et de
chanvre , ce qui tient à la contexture de leur cellulose. Les
BU SIËCLB. 169
cbiffons sont ensuite lessivés à la soude et à la vapeur,
puis poTt^ sous le cylindre qui les eflUoche et les divise.
Ce cylindre fait 180 à 2â0 tours par minute ; il est à la fois
laveur ei effilocheur. Vient ensuite le blanchiment, au
moyen de rhypochlorite ou chlorure de chaux. Une fois
blanchie, la pâte est remise dans les piles où elle est affi-
née, puis colée au moyen d'un savon résineux. Divers
savons peuvent être employés à cet usage. Nous avons fait
personnellement des essais utiles dans cette direction , dès
1827, en associant la fécule cuite au savon résineux. —
Ainsi préparée , la pftte est versée sur les formes. On a au-
jourd'hui des formes sans fin préparant des papiers indéfi-
niment longs ; mais pour avoir des papiers de qualité supé-
rieure^ il faut encore employer les formes à la main. —
Payen évalue à 75 chevaux la force nécessaire pour pro-
duire, par jour, 1500 kilo, de papier; d'où ils résulte que
les grandes papeteries devront toutes un jour être placées
sur les bords de grauids fleuves, ou aux déversoirs des grands
étangs qui seront installés dans nos montagnes, pour amé-
nager le cours des eaux et faciliter les dérigations. — C'est
ainsi que toutes les forces créées par la nature ou par
l'homme trouveront leur application par suite de cette éco-
nomie sociale bien entendue, qui n'est autre que l'applica-
tion de L^ solidarité et de la circulation aux intérêts so-
ciaux,
Farii^es et ÀxiBOif. — Sous le nom de farines, de fécules
ou d'aoûdoUf l'on di^signe souvent des substances très-
différentes. — Beaucoup de farines contiennent du gluten:
on les en débarrasse , s'il y a lieu , soit par la fermentation
sait par la malaxation. La fermentation, voilà l'ancien pro-
cédé ; il a Le grave inconvénient de perdre le ^uten. La ma-
laxation, que l'on pratique à lamam sur de- petites, masses,
f^ut Vùtjce sur des masses plus consÂdérabfes , au moven
d'une espèce de pétrin mécanique. De cette manière l'on
sépare la fécule du gluten , que l'on conserve pour des nom-
lireux; usagés auxquels il convient. — Baspail est le pre-
mier qui ait. étudié philosophiquement la féeule; il a dit ,
en quelques pages, l'histoire d'un corps sur lequel on avait
écrit des volumes remplis d'erreurs. Les auteurs dont il
170 PHILOSOPHIE
a mis à néant les travaux ne le lui ont point pardonné ;
et d'autres, peu riches de leur propre fonds, se sont en
quelque sorte coalisés pour s'emparer, sans le citer, de tout
ce qu'il avait dit de nouveau. — Il est bien constant au-
jourd'hui que la fécule, séparée du gluten, se compose de
deux parties : une substance enveloppante et une substance
enveloppée ; que la substance enveloppée est une gomme
soluble que l'iode colore en un beau bleu , tandis qu'il ne
colore point de la même manière les graines de fécule dont
l'enveloppe n'a pas été décolorée.
Les fécules sont loin de se ressembler toutes. Beaucoup
sont très-faciles à distinguer au microscope : aussi cet ins-
trument est-il le meilleur moyen de reconnaître de suite les
additions de farine, de fèves , de haricots et de maïs faites à
la farine de frosoent. Cette dernière est polygonée. Un seul
grain de fécule de maïs est très-reconnaissable au micros-
cope entre 500 de farine de froment. La fécule de pommes
de terre est aisée à distinguer par le grand volume qu'elle
S rend sous Tûafluence de la soude ou de la potasse ; mais
ans les boulangeries, le meilleur de tous les moyens,
c'est un essai préparatoire sur une petite quantité de farine.
Les solutions de soude et de potasse transforment de
suite et à froid les fécules en empois. Les acides étendus
réagissent aussi sur les fécules , mais d'une autre manière ;
ils les changent d'abord en dextrine, substance gommeuse
soluble dans l'eau , puis en glucose.
La pomme de terre est la substance féculante que l'on
emploie le plus habituellement pour en extraire la fécule.
Cette opération , bien plus complexe qu'on ne le pense ,
comprend dix t^mps : 1"* lavage des pommes de terre ;
S"" râpage ; 5° . taipisAge ; 4'' décantage du liquide qui re-
couvre la fécule; 5"^ nouveau tamisage; 6*" égouttage ;
7** deuxième égouttage ; 8** séchage ; 9" séchage à l'étuve ;
iO"" écrasage et blutage.
Le carbonate de soude, qui enlève à ,1a fécule de pommes
de terre l'odeur qu'elle manifeste souvent, permet aussi de
préparer d'excellente fécule avec les marrons , qui devien-
dront de la sorte un fruit d'autant plus utile que chaque
jour multiplie les emplois industriels des fécules diverses.
BU SIÈCLE. 171
La préparation du pain, dont il convient de dire ici quel-
ques mots, comporte cinq opérations :
Le délayage de la farine ,
Le pétrissage ,
La fermentation ,
L'apprêt ,
La cuisson.
Le pétrissage et la fermentation doivent être faits de
(elle sorte que 100 livres de farine produisent de 156 à
142 livres de pain. Si ces deux opérations sont mal faites,
le rendement tombe à 155 et aundessous. Le pain est alors
lourd et désagréable , quelle que belle que soit la farine em-
ployée. 115 à 117 de pAte devant donner 100 de pain, il
eo résulte que 160 livres de p&te donnent environ 156 à 140
de pain bien préparé et correspondent à 100 livres de farine.
Les fours de boulangerie qui paraissent les meilleurs
sont ceux qui chaufTent à bouche fermée, par suite de
tuyaux conducteurs qui y apportent l'air extérieur. Leur
cheminée doit être munie d'une soupape régulatrice qui per-
mette d'ouvrir ou d'intercepter la communication de l'air
eitérieor. Ils offrent moins de dangers et sont plus écono-
miques.
Les pétrins mécaniques, beaucoup vantés dans ces
derniers temps , sont utiles , mais ils ne font subir à la pftte
qu'une préparation: elle a besoin d'une dernière ma-
nutention à bras d'hommes, si Ton veut qu'elle soit légère
et parfaitement préparée
L'on a prétendu, dans ces derniers temps, avoir trouvé
le secret de faire absorber de l'azote à la farine , de ma-
nière à augmenter le rendement d'un cinquième ou d'un
quart : ce fait est encore à démontrer. Pareille découverte
serait extrêmement profitable à l'humanité, puisqu'elle
lui donnerait presque gratuitement le -quart ou le cinquième
de la nourriture actuelle.
La fabrication du pain ne soulève pas seulement des
questions d'ordre chimique, mais aussi des questions d'or*
dre économique et administratif. On s'est demandé s'il
ne conviendrait pas , pour prévenir les disettes et les acca-
parements , que chaque commune eût sa boulangerie so-
172 PHILOSOPHIE
ciétaire et un approvisionnement en farines et en blés.
Cette question n'a pas encore été résolue par l'expérience ,
quoiqu il existe des boulangeries sociétaires à Nantes , à
Brest et sur quelques autres points de la France. Elles, sont
dues , pour la plupart , à l'action éminemment civilisatrice
que les phalanstériens exercent sur l'industrie. — Il n'est
Sermis à personne , parmi les hommes qui se sont occupés
e philosophie depuis trente ans, d'ignorer que l'école
phalanstérienne a publié les plus beaux travaux sur l'orga-
nisation industrielle des sociétés , que , souvent attaquable
sous d'autres rapports , elle a pris sous celui-ci le premi^
rang.
Sucre. — La consommation du sucre augmente sans cesse
dans les pays européens ; elle est , en Angleterre , de 10
kilo, par tête ; en Belgique, de 7,5 ; en Hollande, de 7 ; en
France, par suite d'un mauvais système colonial et de
droits inintelligents, elle est de 5 kilo. 55; en Espagne, elle
s'élève à peu près au même chiffre ; en Italie, elle n'est que
de 1 kilo. ; en Autriche, que de 0,9; en Russie, elle atteint
à peine 0,5.
On estime, pour le globe, la production annuelle en
sucre à 780 millions de kilo. — La canne d'Otahïti, la
plus riche de toutes çn substance saccharine , renferme 18
pour % de sucre cristallisable , presque le double de la
betterave et dans des conditions plus faciles de prépara-
tion. L'introduction, aux colonies, des procédés de la chi-
mie moderne, à savoir : l'évaporation dans le vide, la fil-
tration sur le noir animal, une meilleure extraction du
jus , a déjà changé et changera encore davantage les condi-
tions du revient du sucre colonial , de manière à supprimer
le sucre de betterave , industrie de parasitisme qui ne peut
se soutenir qu'à l'aide d'abus, tels (jue des droits protec-
teurs. La nature ayant créé les spécialités des cultures et
des cUmals, y a-t-il rien de plus absurde que de payer, en
France, le sucre beaucoup plus cher à des exploitants bette
raviers , plutôt que d'aller échanger nos proauits manufac-
turés dans les Indes, contre les denrées naturelles aux pays
équatoriaux ?
Alcool. — Par la fermentation le sucre se transforme en
BU SIÈCLE. 173
alcool; aussi la fermentation est-elle la base des opérations
qui ont pour but de préparer le cidre , le poiré ou cidre de
poires , la bière , le vin et les eaux-de-vie de grains et de
pommes de terre, — La bière étant celle de ces boissons
dont la préparation est la plus compliquée, nous allons Tcx-
poser sommairement : l"" on mouille les grains pour les
faire germer ; ^ on les fait germer, ce qui produit dans le
grain la diastase qui le transformera plus tard en substance
sucrée; 3* on sèche le grain germé et on lui enlève les
radicelles; 4^ on soumet le grain préparé de la sorte à
une grosse mouture dont le produit porte le nom de malt ;
5"* la saccharification vient ensuite : elle a pour but , en
soumettant le malt dans Teau à une température de 75 de-
grés en moyenne , d'y produire le plus de sucre possible ;
6* le^eaux qui ont servi à épuiser le malt sont chauffées à
100 degrés avec du houblon , puis 7° elles sont soumises à
!a fermentation; 8" le collage vient après: il a pour but
de clarifier le liquide obtenu. On se sert pour cette opé-
ration d'icthiocoUe ; cette substance agit en formant comme
un Téritable filet à ^tailles serrées au sein de la bière. Ce
filet emprisonne toutes les substances étrangères.
L^importance de la fabrication des cidres, très-grande
en France, n'est point encore entrée dans une statistique
de l'univers, ouvrage qui manque à nos bibliothèques.
Nous regrettons d'avoir à signaler le même fait pour les
vins, qui correspondent en France à deux millions d'nectaros
planté en vignes, et, pour les ventes, à un milliard de francs.
Le Bartux et le Strontium: ne fournissent que très-peu
de produits utiles. Le chlorhydrate de baryte a été pré-
comsé en médecine sans que la légitimité de ses succès soit
bien établie. Les azotates de baryte et de strontiano
servent à faire des feux Jaunes et rouges sur nos théâtres.
Le Calcium (Ca.) produit la chaux fCâ. 0) si employée
en médecine et dans les arts , soit à l^état de chaux soil
à l'état de sel. Eteignez, dans une terrine placée dans
une barrique où vous faites asseoir un malade en fermant
avec une couverture l'ouverture de la barrique, quel-
ques kilo, de chaux, et il se produit assez de vapeur d'eau
pour donner un bain économique.
174 PHILOSOPHIE
Mêlez de la chaux vive à de la potasse ou de la soude,
et vous avez un caustique excessivement facile à manier.
La chaux est la base des bons mortiers. On appelle
grasse celle qui foisonne la plus, hydraulique celle qui
contient assez de substances siliceuses et autres pour for-
mer une vraie pierre et durcir sous l'influence de l'eau en
produisant un silicate. Le béton e^t une sorte de silicate ar-
tificiel que l'on obtient en mêlant du sable ou de pelites
{)ierres à de la chaux , et surtout à de la chaux hydrau-
ique, dans des proportions indiquées par la science. La
chaux maigre est celle qui contient une grande proportion
de substances étrangères ; elle devient peu propre aux arts
et très-impropre à l'agriculture si la magnésie est au nom-
bre de ces corps.
Employée comme engrais à la dose de IS à 50 hectoli-
tres à l'hectare, la chaux est à la fois un amendement
utile et une fumure excellente par la transformation en
ulmine qu'elle fait subir à toutes les substances végétales
avec lesquelles on la stratifié quand elle est vive ; elle donne
aux chaumes des blés une plus gramme résistance et favo-
rise singulièrement leur fructification. Il n'est pas de pays
européen qui ne puisse en moyenne fumer à la chaux Le di-
xième de ses terres, et quelques-uns pourraient aller au
cinquième. De ce fait, de ceux qui précèdent et de ceux
qui suivent , nous devons conclure qu'à l'aide des engrais
minéraux l'on pourrait arriver à augmenter considérable-
ment les terres du globe actuellement consacrées aux lé-
gumes, aux prairies et aux céréales, tout en augmentant
dans une énorme proportion leurs rendements habituels. La
chaux sert encore à une foule d'usages domestiques. Fort
heureusement les gisements des calcaires qui servent à la
fabriquer sont aussi abondants et aussi communs qu'on
peut le désirer.
Le sulfate de. chaux employé sous la forme de plâtre
dans les arts , dans les constructions et en agriculture , se
rencontre en grande quantité soit dans le terrain de trias, soit
dans le terrain tertiaire inférieur. Il s'y trouve en général
en amas considérables de forme lenticulaire. Quelques-uiis
ont été produits par des sources thermales.
DU SIÈCLE. 17â
Ce corps se présente SOUS deux états différents : anhydre ou
hydraté ; c'est ce dernier qui porte le nom de plâtre. L'on
appelle pl&tre cuit celui dont on a chassé Teau de cristalli-
sation par la chaleur. Réduit en poudre et tamisé, le pIAtrc
devient propre à faire des objets d'ornement, des bustes ,
des statuettes, des modelures. Trempé dans un bain de
stéarine, le plfttre se durcit singulièrement: les objets
confectionnés de la sorte se conservent mieux et jouissent
d'un fini plus remarquable. On peut arriver, par ce pro-
cédé que 1 on varie , à fabriquer des objets d'art assez dé-
licats. — Le stuc n'est que du plâtre gâché à la colle et
poli ensuite ; ce produit industriel peut acquérir une grande
dureté. On lui donne , avec des couleurs , les veines que
Ton désire , de manière à imiter les plus beaux des marbres
naturels.
La petite quantité de sulfate de chaux qui existe en
dissolution dans quelques eaux , car ce sel est très-peu so-
luble, les rend peu propres aux usages domestiques; elles
dissolvent mal le savon et cuisent mal la viande.
Le carbonate de chaux a des formes très-variées ; il est
extrêmement abondant. A l'état de craie et de coquilles ,
il peut être employé en agriculture ; en roches , il sert à la
préparation des chaux grasses ou hydrauliques. On l'appelle
marbre, calcaire et calcaire coquillier , selon ses aspects.
Blanc et transparent, c'est le marbre de la statuaire. Ce
corps est insoluble dans l'eau, mais les eaux chargées d'acide
carbonique en peuvent dissoudre des quantités notables.
L'azotate de chaux se forme naturellement à la surface
des roches calcaires et dans les plâtras. Sa production est
phis facile dans les pays chauds. Il sert à préparer le sal-
pêtre.
Le phosphate fait la base des os des animaux; il se
trouve dans un grand nombre de graines. Son emploi en
igriculture facilite singulièrement la fructification. Intime-
sent mélangé avec im dixième ou un vingtième de ma-
tière animale, il devient un excellent engrais à la dose
"le 8 hectolitres à l'hectare. Il formé les 80/100 du noir
smmal , résidu des raffineries que l'Ouest de la France
Khète sur tous les marchés de l'Europe pour fiuner ses
176 PHILOSOPHIE
terres. On emploie aussi dans bien des contrées , pour
le même usage, les 09 pulvérisés non privés de leur gé-
latine.
Rien de parfait, en son genre, comme la poudre de
ces os broyés ; on la rend plus active en agriculMire en y
ajoutant cinq à dix pour cent d'azotates, de salpêtre, par
exemple.
Le chlorate de chaux , plus facile à obtenir que le. chlo-
rate de potasse, sert à préparer ce dernier corps. S'il était
d'un prix moins élevé , l'agriculture l'utiliserait comme en-
grais.
L'hypochlorite de chaux, jadis chlorure de chaux ^ est
un sel éminemment propre à la désinfection et à la déco^
loration des substances végétales. La médecine remploie
pour lotionner les ulcères, pour faire des injections dans
les trajets fistuleux , pour détruire Vodeiur de certains ma-
lades, pour laver les brûlures , et dans les amphithéâtres de
dissection ; l'industrie , dans ses ateliers de blaochiment et
ses fabriques de papier.
Le chlorure de calcium est un sel e$sentieUem0Qt déli-
quescent qui sert h dessécher les ga2 dcuos tes laboratoires
de chimie.
Les sulfures de calcium sont employés dans les. hospices
à préparer des bains. sulfhydrés.
Le HUgnesium (Mg.) fournit un oxide , la magnésie ,
trcs-*employé en médecine comme contre^poisoo des acides
et comme absorbant pouvant servir à combattre les aigreurs
de l'estomac. . , •
Le sulfate de magnésie est un sel utilisé comme purgatif
à la dose deSO à 40 grammes. U forme l!éléwi.eat actif des
eaux de Sedlitz naturelles et artificielles que nos phanna-
ciens livrent généralement trop peu gazeuses..
Aluhuvium. — Ce corps est le radical de l'abimiA^ ; oette
substance , excessivement commune dans la Mture , est la
la base de presque toutes les pierres; elle estiiifu&ible dans
nos fourneaux* C'est, après le diamant, le corps lepius dur
de la nature : aussi sert^lle à faire l'émeri employé au po-
lissage ; et , d'un autre c6té , elle entxe po«r l^ucoup dans
la composition des pierres et des briques réfractaires.
BU SIÈ€tB. 177
Le sulfate neutre d'alumine est aujourd'hui Irès-employé
en teinture ; il a pour composition Al* 0^ 5S0' H- 18 HO ,
c'est-à-dire qu'il renferme dix-huit équivalents d'eau de
cnstidKsation.
Les aluns sont des sels doubles d'alumine et de potasse
d'akmline et de soude d'alumine et d'ammoniaque. Les si-
licates d'alumine sont excessivement intéressants pour la
fabrication des poteries. Le feldspath est un silicate double
d'alumtoe e! de potasse de soude ou de chaux. Si la po-
tasse €«1 la soude sont enlevées par les eaux à l'état de si-
licates , celui d'alumine reste seul ; il porte alors le nom
de kaoKn dont la formule est Al* ©• Si 0* -f- 2 H 0.
L'alumine est la base des ar]giles. On appelle terre à
foulons celle qui sert au dégraissage des draps ; ocres ,
celles qui renferment de l'hydrate de protoxide de fer.
La fabrication des pierres factices et la taille mécanique
des {Âerres naturelles sont deux faits immenses. L'indus-
trie' mioden^ne' tend incessamment vers leUr perfectionne-
ment. Peut-être eussions-nous dû en parler de préférence
à rarfi^e'de la silice, mais cette question peut trouver ici
sa plaec^: D'un côté; la terre cuite s'élève chaque jour, de-
puis la brique la plus vulgaire jusqu'aux émaux , jusqu'aux
pore^ines les plus précieuses, avec des réductions telles
dans les prix , que les objets jadis les plus rares puissent
devenk muels. Il est du devoir de tons les gens de bien de
facîlfteï"*eetle tendance et de mettre de plus en plus les
ceuvn^ d'art à la portée des plus pauvres. D'un autre côté,
chaque jour l'on apprend à tailler et à polir à meilleur
marché le porphyre et le granit. Quant aux divers schistes,
et siiitoul awix schistes atdoisiers, la lailk' mécanique des
Mœs de cette substance , si commune dans la natare , va
faire une révotutkm dans les oènstructionsi '
La possibilité d'élever instantanément, d'improviser en
quelque sorte des habitations avec des montants en fonte
et des plaques d'ardoises polies préparées à l'avance , sera
d'uff'gtfand secours dans tous les pays ou les tremblements
de ferre sont habituels.-^ On fait aujourd'hui, à la mé-
ranîqife, dans des* plaques d'ardoises, des incrustations qui
les transforment en des mosaïques jadis inabordables à
178 PHILOSOPHIE
cause de leur prix. On s'en sert aussi et pour des toits
plats et pour des cloisons excessiTement favorables aux
peintures à fresque. Ces ardoises amèneront un change-
ment complet dans la construction des serres^ des volières,
des écuries de luxe et, ce^ qui vaut mieux encore, des
écuries hygiéniques, qu'elles contribueront à multiplier.
Le Potassium (K. de Kali) produit la potasse Ko , qui
sert en médecine comme caustique et dans les arts à pré-
parer nombre de sels.
Le sous^arbonate , ou carbonate de potasse, est un sel
fortement alcalin ; on l'extrait en général des cendres des
végétaux. Il porte alors, impur qu'il est, le nom de sa
provenance: on l'appelle potasse d'Ajnérique, de Russie, etc.
Le bicarbonate de potasse est très-favorable à la végéta-
tion ; il est peu employé.
L'azotate, ou salpêtre, est usité en médecine comme diuré-
tique ; il entre pour 7/10 dans la fabrication de la poudre ,
et sert à préparer l'acide nitrique. Il est très-favorable à
la végétation, soit seul, soit mêlé à d'autres substances. Il
serait extrêmement important que l'on multipliât son em-
ploi par l'abaissement de son prix de revient. On le trouve
dans la nature et on peut l'obtenir artificiellement.
Le sulfate de potasse (Ko. SO*) est un sel purgatif à la
dose de 50 à 40 grammes ; il est employé en industrie.
Le chlorate sert à préparer des mélanges détonnants ,
et l'oxigène de ce sel est très-favorable à la végétation.
Les sulfures , en se dissolvant dans l'eau , donnent nais-
sance à des sulfhydrates très- usités en médecine pour
bain set pour douches.
Le chlorure de potassium est inusité. L'iodure et le bro—
mure , l'iodure surtout , sont très-employés en médecine ,
dans les maladies scrofuleuses , dans les maladies cutanées
ou psoriqueset dans les maladies syphilitiques. Le prix élevé
de ces substances empêche de les administrer en bains ,
malgré les avantages très-réels que Ton en a retirés.
Le Sodium (Na.) ressemble singulièrement au potassium
pour son action, ses combinaisons et son usage.
La soude pure (Na 0) et la soude simplement préparée
h la chaux sont employées comme caustiques.
DU SIÈCLE. 179
Le cari)oiiate est extrêmement utile dans les arts et donne
^u à des fabrications considérables ; on le retire du sel ma-
rin que Ton décompose.
Ce sel sert à la préparation du bicarbonate et des sels
dils végétaux , tels que le lactate , Toxalate , le citrate. La
▼errerie en consomme des quantités considérables. Réduit a
Tétât de soude caustique , il sert à la préparation des sa-
Tons de Marseille, des savons résineux et autres; on peut
l'employer aussi, comme le sel parallèle de potasse, au
blanchiment des toiles, à la préparation d un hypocblorite
desinfectant, appelé jadis chlorure de soude ou liqueur de
Labarraque , etc., etc. — Au besoin , on pourrait l'extraire
des cendres de varecks , qui en contiennent beaucoup.
Ces cendres et celles du bois sont d'excellents engrais ,
mais il faut se garder de les mêler aux substances animales :
elles chassent l'ammoniaque.
Le bicarbonate est très-employé aujourd'hui , non seule-
ment en industrie, mais aussi dans les ménages où il sert
à faire des eaux gazeuses.
Le natron, que Ton trouve en Egypte, au Mexique, aux
Indes, est un sesqui-carbonate que l'on peut produire arti-
ficiellement dans nos contrées par la réaction du carbonate
de chaux sur le sel marin.
Nous l'avons essayé avec succès il y a plus de vingt ans ,
comme fondant des minerais de fer en associant le sel ma-
rin au carbonate de chaux. Des tentatives, que nous croyons
dans cette voie, sont faites à celle heure à Nantes ; elles au-
raient pour but d'obtenir de la soude par un procédé nouveau.
L'azotate que l'on trouve dans la nature, dans l'Amérique
Méridionale et ailleurs, est un excellent engrais et une
source abondante d'acide azotique; il peut aussi servir à
préparer le salpêtre.
Les phosphates de soude , sels très-curieux au point de
Tue de la science pure , sont des engrais précieux.
Toutes les mesures administratives, toutes les décou-
vertes qui auraient pour résultat d'abaisser le prix du car-
bonate , du bicarbonate , de l'azotate et du .phosphate de
soude , seraient de grands services rendus à l'agriculture et
à Imdustrie^
180 PHILOSOPHIE
Le chlorate de soude est, comme celui dépotasse, un corps
très-oxidant, propre à composer des mélanges détonnants.
Son prix élevé ne permet pas de l'employer comme engrais.
Le borate de soude ou borax sert à souder les métaux, et
la chimie scientifique l'emploie pour les essais au chalumeau.
Le chlorure de sodium ou sel marin est un condiment
excellent pour la nourriture des animaux. A la dose de
60 grammes c'est un purgatif. L'industrie Vemploie pour
préparer le chlore, le sulfate et le carbonate de soude;
l'agriculture le mélange avec avantage à ses compots.»Peu
favorable à la germination , il offre à la végétation un exci-
tant de haute valeur. L'eau de mer en renferme générale-
ment 5 pour **/o , 2, 7 quand on cherche à l'obtenir trèsrpur.
Le bas prix du sel marin exercerait , malgré toutes les
assertions contraires, la réaction la plus vive sur l'agricul-
ture. Partout ce sel pourrait être employé, surtout dans les
pays humides, pour préserver les animaux domestiques delà
phtysie; partout aussi il pourrait être mêlé, à la dose de
deux hectolitres par hectare , aux engrais employés sur les
plantes dont la végétation a besoin d'être activée. Nous
avons fait personnellemeet des études qui prouvent ces
deux assertions. ^ ;i •
Les Sels Ammoniacaux jouent' un îtrès-grand rôle en mé-
decine et dans les arts.
Le chlorhydrate est Tun des résolutifs les.pluô puissants ;
je l'ai employé et fait employer par,quelquQ8-,unSi<fe mes
anciens élèves de médecine de Nantes, avec le plus grand
succès, dans les engorgements des glandes et même dansœux
(le la matrice. Peut-être ce sel est-il réellement le meilleur
des résolutifs connus. Les frictiows sur la moelle épinîère ,
avec une pommade contenant du c«^mphre et du chlorhy-
drate d'ammoniaque , rendent les pli* grands services dans
diverses maladies. „ \
Ce sel favorise singulièrement la végétation.
Le sulfate doit être préféré p^r les agriculteurs; mais
pour les médecins il ne vaut pas le chlorhydrate.
Le phosphate est utile aux uns et ^ux autres , parce qu'il
renferme des éléments qui conviennent singulièreinent aux
êtres organiques débiles.
BU SIÈCLB.
181
L'aiolate est peu employé en médecine , et l'agriculture
ne peut en faire usage à cause de son prix élevé.
L'acétate est un sudorifique puissant , un excitant utile
eo médecine. C'est généralement une substance dangereuse
et vénéneuse pour les plantes.
Le sullhyhrate est mortel à tous les organismes végétaux
et animaux ; il est excessivement commun dans les fosses
d'aisance et les usines à gaz. On le décompose aisément au
moyen de certains sulfales ou chlorhydrates métalliques.
lÂifeÀKisE (Mn). — Son bioxide sert à préparer le chlore.
Le Fbr (Fe.) forme , avec Foxigène , quatre combinai-
sons : Fe 0 est la base des protosels ; Fe* 0' celle des
sesquisels ; Fe 0* joue le rôle d'acide ; Fe* 0* est Toxide
noir ou magnéticjue que Ton considère comme une combi-
naison de protoxideet de sesquioxide de Fe 0 avec Fe* 0*.
On trouve le fer dans la nature sous les fcmnes suivantes :
Fbr Ml^TAU^IQUE.
OXIDES.
ET nthVKÈS^
PjSOSPHUABS
ET ARSÉIfSURES.
Sbls be fer.
Sels â! acides
MBTALLIQaBS.
Fer météorique.
Fer natif (rare).
Oxide rouge anhydre.
Oxide rouge hydraté.
Oxide noir magnétique.
Franklfaiite.
Pyrites jaunes et Manches.
Pyrites magnétiques.
Tellurures.
Phosphure de fer.
Arseniure de fer.
Arsenio-suUure de fer.
Sulfate.
Carbonate.
Silicate.
Arseniate.
Oxalate (Humboldite).
Chromâtes.
Tungstates.
Tantalites ou tantalates.
Titanates.
iS3t PHILOSOPHIE
Le fer ïe plus doux est celui qui se tire le mieux à la fi-
lière ; il est aussi généralement le plus pur. — Cette condi-
tion est importante à étudier pour ceux qui se servent d'ai-
mants artificiels et qui essaient de développer les usages
du magnétisme.
L'acier est une combinaison de fer épuré avee du car-
bone, de l'argent , du silicium •
La fonte est un carbure de fer plus ou moins pur ; elle
est blanche, grise ou très-grise. Cette dernière est généra-
lement de qualité supérieure , quand il s'agit de la travailler
à la lime ou au burin.
La fabrication du fer, quels que soient les progrès
qu'elle ait accomplis , est encore daks l'bnfance ; elle
réclame des fourneaux gigantesques et d'immenses efforts
de soufflerie , consommant en pure perte des quantités con-
sidérables de carbone» U serait cependant bien simple de
mettre en contact les substances qui doivent réagir sous
leur forme la plus appropriée et sous leurs poids propor-
tionnels, au lieu de verser dans les hauts fourneaux des
morceaux gros comme des osufs de pigeons de fondant de
charbon et quelquefois même de minerai.
Entre les petites forges catalanes et les hauts fourneaux ,
la science et l'industrie réclament un moyen terme qui
n'existe pas.
Très-souvent l'on pourrait faire avec avantage, de la
réduction des minerais et de leur fusion , deux opérations
distinctes.
Nous avons reconnu, il y a plus de vingt ans, en
essayant des mélanges de sel marin et de carbonate de
chaux, que Ton pourrait faciliter la fu^on des minerais si-
liceux et produire des laitiers utilisables comme verre à
bouteilles.
Il se peut que le puissant tirage produit par l'injection
de la vapeur d'eau dans une cheminée , joint à la réunion
sous leurs poids équivalents des produits qui doivent réagir,
ammènent les plus notables changements dans la métallur-
gie du fer, surtout si l'on améliore les fondants. J'ai vu
quelques produits d'une tentative faite dans cette direction ,
dans le double but de faire du verre et du fer, tout en
DU SIÈCLE. 183
supprimant les hauts fourneaux : cette tentative a échoué ,
mais les produits qu'elle a fournis étaient une promesse de
succès.
II est possible, dès aujourd'hui, dans la plupart des
usines , d'obtenir la fonte gratuite d'une certame quantité
de lieille fonte ou de minerai réduit , que Ton peut ajouter
aux charges habituelles , sans augmenter la dose de com-
bustible.
La similitude presque absolue des foutes blanches et des
fontes grises , qui diffèrent surtout par le degré de tempé-
rature auquel on les produit et par la manière dont elles
sont refroidies, est une indication dont on n'a pas encore
su profiter.
L'industrie jusqu'à ce jour n'a pas tenu assez compte de
la façon dont le carbone se trouve mélangé à certaines fontes
grises au lieu d'être combiné.
Partout , en France , au moment où nous écrivons ces
lignes, les fontes de seconde fusion se vendent 58 francs;
les fontes de première fusion 16 à 18 ; et cependant il se-
rait possible , dans l'état actuel de l'industrie , de faire
inuuédiatement, en fonte de première fusion, sur quelques
points situés au centre des grands marchés , une foule de
grosses pièces pour nos machines et nos divers ateliers , ce
^ produirait une économie de moitié.
Partout , ou presque partout , les transports des minerais ,
des fondants et du carbone sont d'un prix trop élevé , tan-
dis que nos chemins de fer et nos canaux devraient servir
à les voiturer au plus bas prix possible.
Partout encore l'industrie privée gaspille les minerais
de fer au lieu de les exploiter régulièrement. Cette manière
de faire, qui compromettrait l'avenir si ces minerais
n'étaient extrêmement abondants, demande à être ré-
formée.
Ces observations suf&sent à prouver qu'il j a beaucoup
à redire à la métallurgie du fer. Les essais qui ont déjà
donné des fontes en seconde fusion et de très-bonne qua-
lité , dans de amples fours à reveii)ère , au moyen de fontes
blanches des plus médiocres, nous sont une garantie des
améliorations qui vont venir.
f84 PHILOSOPHIB
Le fer est le roi des métaux; son magnétisme nous a
permis toutes les études qui ont été faites à cette occasion
et les progrès de la navigation ; sa dureté, sa malléabilité,
sa ténacité Tont rendu le métal de la guerre et surtout de
la civilisation.
Quoique les minerais de fer soient excessivement abon-
dants , cependant il serait très-important que les gouver-
nements empêchassent de les gaspiller et qu'ils s'occu-
passent à cet égard d'une statistique destinée à en bien
faire connaître les ressources. Tous les jours l'emploi du
fer augmente rapidement et il doit augmenter encore.
Le nombre des machines est très-réduit auprès de ce
qu'il doit devenir. Les chemins de fer se multiplient et
traverseront le monde entier. Des essais to«t nouveaux ont
permis d'émaiUer le fer^ et probablement l'on s^ servira
sous peu d'ustensiles de tôle recouvert d'émail, poàr beau-
coup d'usages de cuisine. On en fera des doubla^^es pour
remplacer le cuivre employé à recouvrir les navj^es; on
s'en senûra pour la toiture des édifices nationaux; on y
aura rocours pour tous les instruments qui peuvwt être
ainsi préservé de l'oxidation. Faut-il ajouter que pour les
usages -les plus élémentaires , l'agriculture n'empjtoie pas
la moitié du far dont elle aurait besoin si le travail était
moins opprimé! — Est-ce que tous les socs de charrue ne
devraient pas être en fer et de dimension convenable ;
est-ce que le nombre des charrettes et leur ferrure^ne sont
pas au-dessous des besoins ; est-ce que les herses , les
extirpateurs et autres machines agricoles perfectionnées
sont suffisamment répandues ? Trouve-t-on partout les ma-
chinesjà èficljtre.».;?9ues par la vapeur, qui réussissent sî
admirablement, en allant de village en village, à suppri-
mer le plus pénible des travaux agri*M)les ? Ntos vignerons
f)euvent-ils se permettre d'ajouter quelques cercles de^fer à
eurs fûts pour leutîdonnei* h la fois et de la qualité et de- la
durée t Est-il possible d'avoir, sw nos rivières, quelquechose
de plus léger que nosbatéaui! en fer ? Les essafis ^îomparatifs
de grands vapetir» ètf fer divisés en plusieurs comparti-
ments isolés, et dé'vapelir^ :en bôîs; n^ont-ils |WJis été très-
favorables aux premiers? L'emploi de la fonte et du fer
DU SIÊCLB. 185
n*a-i-ii pas doublé depuis quelques aimées dans nos mai-
sons et nos édifices publics ? Tout ne nous annonce*t-il pas
que nous verrons se multiplier les ponts en fer, les ponts
suspendus et les ponts à tôlier de tôle ? Nous nous an^te-
roDs dans cette énumération qui nous conduirait beaucoup
trop loin si nous voulions la faire complète : nous avons
justifié nos réclamations contre le gaspillage des minerais
et cela suffit.
En 1845^ la production du fer était en Europe de
iOfili^SÙ de quûitaux ainsi repartis :
Angleterre 9000 000
France 5084 450
Russie ; 1027 000
Suède 805 500
Autriche 850 000
ÎVusse 754 000
Hartz 600 000
Hollande et Belgique 680 OÔO
ne-d'Elbe, Italie 280 000
Piémont..' 200 000
Espagne ..\,... 180 000
Non^'ége J. . . . i 150 000
Danemarci: 155 000
Bavière. 150 000
Saxe . .: 80 000
Pologne .'. 75 000
Çuiise. . .,....' 50 000
Savoie. 25 900
. .. .,1' . -' p..,;./ . . 18,072 560
Saçjb^)ps bien j^^v^ la reUtion qui existe entre le
bas prix^du,. % ,et les progrès de la civilisation. Il im-
porta d^. cqipprendf^ ^parfaitement queU fabrication
du lecna^^' Ja. plfU^i^^ et la plus ulile des
déoouiVer,(e&...Prlvé^.doi cetçaét/sd précieux, conunent notre
soeiété Sj& sQutienârai,treUe 7 ta . lithogrophie sijq^^léerait
plos ou nu^juas k l|impriineii§ qui demande de Tacier pour
graver ses caractères, mais toutes les machines disparal-
186 PHILOSOPHIE
traient, et les outils seraient remplacés par de mauvais ins-
truments de cuivre. Le travail des mines , la construction
des navires, la fabrication de nos vêtements et de nos
meubles , la préparation de nos aliments , la culture des
terres seraient entravées par d'énormes difliicultés.
Prenons la question dans un ordre inverse, et nous
voyons les peuples qui nous ont engendrés s'arrêter, faute
de fer, à la civilisation des Péruviens. Comment , en effet ,
sans la boussole et les instruments nautiques , la navigation
eût-elle pu se perfectionner ? Comment les arts , comment
l'industrie, comment la science, qui réclament dans leurs
engins et leurs instruments une si grande perfection,
eussent-ils pu arriver sans fer, sans fonte et sans acier, au
point où ils sont aujourd'hui ?...
L'aimant, ou oxide magnétique , est le plus important de
tous les minerais. C'est une combinaison saline de protoxide
et de sesqui-oxide. Il doit indubitablement son action magné-
tique à l'action lente et continue du magnétisme du globe
sur ses gisements. Il donne souvent de 60 à 70 pour % à
la fusion dans les hauts fourneaux ; il forme , en Suède ,
une montagne toute entière. On en trouve aussi en quan-
tités très-considérables en Norwége , en Angleterre dans le
Derbyshire^ en Piémont, en Espagne et sur divers points
aux Etats-Unis.
Les aimants naturels avaient autrefois une grande im-
portance au point de vue du magnétisme , mais elle a sin-
gulièrement diminué depuis la découverte de l'aimantation
galvanique.
Les sels de fer sont très-employés en médecine ; ils ont
une propriété tonique et servent à combattre la chlorose.
Les préparations les plus usitées sont la limaille de fer,
l'oxide noir ou éthiops martial, l'oxide rouge ou sesqui-
oxide ou safran de mars, le proto et le sesqui-carbonate ,
le proto - sulfate qui est aussi employé comme astringent
dans les diarrhées chroniques et dont on se sert encore
dans les fièvres intermittentes , les chlorures et le chlorure
ammoniacal connu sous le nom de fleurs de mars , le proto-
iodure qui est peut-être le plus utile de tous, enfin le
tartrate , le lactate et le citrate. La teinture utilise aussi
BU SIÈCLE. 187
les sels de fer, surtout le sulfate ou couperose verte et
Tacétate. — Arec la noix de galle et les substances tannan-
tes , tous les sels de fer donnent des noirs de diverses nuan-
ce; ils fournissent, avec le prussiate ferrure de potasse,
des bleus connus sous le nom de bleus de Prusse.
Le chrome (Cr.) forme un oxide vert et des chromâtes
de potasse et de plomb employés dans les arts.
Le cobalt (Co.) sert à préparer des oxides employés en
peinture et pour colorer le verre et les émaux.
Le NiKEL (Ni.) est un métal aussi magnétique que le fer;
il sert à la préparation d un alliage appelé maillechort ou
argentan très-employé aujourd'hui pour la fabrication d'or-
nements et d'instruments de chirurgie. Cet alliage ressem-
ble à l'argent pour l'éclat. Argentés, les couverts fabriqués
avec cette substance durent longtemps.
Le Ziwc (Zn.) est aujourd'hui très-employé à une foule
d'usages industriels ; son oxide pourrait remplacer et rem-
place le blanc de plomb avec avantage pour la santé des
peintres. Son sulfate est un émétique violent à l'intérieur,
un astringent à l'extérieur ; son chlorure est un caustique
puissant employé pour détruire les tumeurs cancéreuses.
ËTÀiN (Sn). — Ce métal était jadis très-employé à la fabri-
cation de vases et d'ustensiles consacrés aux usages domes-
tiques; il sert à étamer le cuivre. On l'emploie en feuQles
minces pour préserver beaucoup de substances de l'action
de l'air et de l'humidité. La fabrication des bronzes , le fer
blanc „ rétamage des glaces , la soudure des plombiers en
absorbent de notables quantités. Il sert encore à préparer
des chlorures utilisés par les teinturiers , la laque minérale ,
le pourpre de Cassius et l'or mussif. Hais ces usages ne
paraissent pas devoir s'accroître aussi rapidement que ceux
d'un grand nombre de substances minérales. L'Europe ne
produit guèresque 110 mille quintaux d'étain, et l'Angle-
terre entre dans cette production pour 100 mille. Les mines
du Brésil et du Mexique sont abondantes. Celles de la par-
tie méridionale de l'Asie , de la Chine , du Pégu , de Su-
matra, de Malaca, de Banca, passent pour être extrême-
ment riches, mais très-mal exploitées, et l'on n'en connaît
pas le produit.
188 pHiiosopniB
PLOifB (Pb.). — L'industrie emploie le plomb à l'état
métallique; il forme un sub-oxide (Pb* 0), un proto-
xide (Pb 0), un bioxide (Kide (Pb 0*), et plusieurs oxides in-
tennédiaires appelés miniums, formés de prôtoxide et de
bioxide. — Le silicate de plomb entre dans la fabrication
des cristaux. Le chromate jaune est employé en peinture ;
Tacétate Test en médecine ; le cart)onate forme la base des
céruses.
Le plomb est si abondant dans la nature que beaucoup
de ses mines ne sont pas exploitées. C'est un corps dan-
gereux pour ceux qui le préparent ou qui fabriquent ses
préparations, telles que le plomb à giboyer , les céruses, le
minium ; il les empoisonne en produisant d'abord une co-
lique nerveuse trop connue dans les hospices sous le nom
de colique saturnine , et cependant jusqu'à ce jour la so-
ciété n'a pris aucune précaution en faveur des malheureux
qui travaillent ce métal et ses combinaisons chimiques.
Bismuth (Bi), — Cecorps entre dans la composition d'allia-
ges fusibles. Le sous-azotate de bismuth est employé par
les vieilles femmes à peindre la peau en blanc, et pa^ la mé-
decine ^oûime anti-spasmodique.
L'AwTiMomE (Sb.) sert à la fabrication des caractères
d'imprimerie. Son sesqui-oxide blanc (Sb* 0*) est em-
ployé en médecine à dose élevée comme expectorant. Ses
sulfures iaune et brun , le soufre doré et le kermès sont
utilisés dans le même but , mais leur activité médicamen-
teuse est grande. — Le sesqui-chlorure d'antimoine, appelé
vulgairement beurre d'antimoine, est un corps éminemment
caustique.
L'émétique est un tartrate antimonié de potasse dont la
médecine tire lé plus grand parti , soit à l'extérieur soit à
l'intérieur : à l'extérieur, pour faire des pommades qui font
naître dies pustules sur la peau ; à l'intérieur, pour produire
les vomissètoents ou, à dose plus élevée, pour modifier
l'état du sang dans les rhumatismes et surtout dans les
pneumonies.
CuiTRB (Cu). — Ce corps a de très-nombareux usages.
L'oxiduTé (Cu* 0) se trouve dans la nature ; le prôtoxide (Cu 0)
est noir; le sulfate est très-employé dans les arts et en mé-
BU SIÈCLE. 189
decine comme caustique ; le carbonate est souvent exploité
sous la forme apjpelée malachite, pour faire des vases et
des ornements ; 1 arsenite Test en peinture sous le nom de
▼ert de Schele. — Allié au zinc le cuivre forme le laiton ;
allié en outre à l'étain il forme le clinquant, le similor, le
chrysocale; allié simplement à Tétain il forme le bronze
des canons, le métal des cloches, celui des cymbales et
tam-tams, celui des télescopes, celui des médailles. —
Les objets d'art vendus en France renferment toujours une
notable proportion de zinc.
Les mines qui produisent le cuivre sont en général si-
tuées dans des pays où son exploitation ne présente ni les
facilités ni la sécurité désirables : aussi est-il d'un prix
élevé.
On ne connaît en aucune façon la production des mi-
nes de cuivre du Japon, de la Chine, de TArabie, de la
Tartarie et de TAnatolie^ — On ne connaît pas mieux
les produits des mines du Chili où , dans la guerre de Fin-
dépendance, on a remplacé les boulets de fer par des
boulets de cuivre. On estime à 400 mille quintaux, valant
70 millions de francs , les quantités livrées au commerce
))ar les contrées dont nous connaissons tant bien que mal
a production, La France n'entre dans ce compte q^ue pour
une valeur de 500 mille francs , mais cette statistique est
encore très-incomplète, quoiqu'il soit si utile à tous les pays
civilisés d'être parfaitement renseignés sur toutes les ques-
tions qui concernent la production et les richesses minéralo-
giques.
Hkrcuke (Hg.). — Ce métal sert à fabriquer nos ther-
momètres, nos baromètres ou balancer atmosphériques,
nos manomètres, qui ne sont que des baroiiaètres pour des
pressions plus élevées ; il sert à l'étamage des glaces et à
une foule d'autres usages. Son oxidule (Hg^ Ô) a été employé
comme vermifuge. Son oxide rouge (Hg. 0) est un caustique
utiKsé ; . à' l'extérieur surtout , dans les maladies des yeux
et de la peau. — Presque toutes les préparations de mer-
cure ont été employées en médecin^ ; beaucoup, le sont
encore. -^ Trituré avec de l'axonge, le mercure forme
longuent mercuriel. L'azotate acide est un caustique puis-
190 PHILOSOPHIE
sant , le seul peut-être qui guérisse aisément certaines dé-
générescences syphilitiques. Le calomel est le purgatif à la
mode en Angleterre; c'est un sous-chlorure Hg* cl. Le
chlorure ou sublimé, qui est très-soluble dans i'iodure de
potassium, est employé journellement contre les maladies
syphilitiques; le cyanure Test quelquefois; les iodures le
sont aussi, ainsi que les sulfures. Le fulminate de mercure
est consacré à la fabrication des capsules détonnantes. Le
mercure forme de nombreux amalgames : ceux de cuivre
et d'argent sont employés, le premier pour prendre des
empreintes de médailles , le second par les dentistes.
La recherche des mines de mercure devrait occuper sé-
rieusement les gouvernements; ils devraient surveiUer
aussi avec soin leur exploitation au point de vue de la salu-
brité. On extrait le mercure en Espagne , en Carniole , en
Hongrie, en Transylvanie, dans le duché des Deux-Ponts,
en Chine, au Japon, au Pérou. Il parait aussi qu'il en
existe en Californie.
Aegejxt (Ag). — Ses nombreux usages sont connus. C'est
l'un des métaux utilisés pour les objets d'art. Son azotate
est extrêmement employé en médecine sous le nom de
pierre infernale. Son iodure joue \m grand rôle dans le
dagueréotype , invention qu'un livre de philosophie véri-
table ne saurait passer sous silence. — Joseph Nicéphore
Niepce est le premier qui ait employé l'action chimique de
la lumière pour créer des images. Louis-Mandé Daguerre
en a perfectionné les procédés , et nous lui devons le da-
gueréotype. Les premières tentatives dans cette direction
remontent à 1815. L'invasion ne ralentit point la patiente
ardeur de Niepce. Voici comment il procédait : il prenait
du bitume de Judée, en recouvrait une plaque d'étain,
puis il y appliquait une gravure rendue transparente avec
du vernis. Les parties noires arrêtaient les rayons lumi-
neux, les blanches les laissaient passer et blanchissaient
le bitume : ainsi se produisait une image. En la trempant
dans de l'essence de lavande , les noirs étaient enlevés et
l'image restait dessinée sur la plaque métallique par le bi-
tume altéré. En 1824 , il imagina de se servir de la cham-
bre obscure ; il parvint alors à faire mieux et il obtint des
DU SIÈCLE. 191
plaques qu'il put traiter par les acides de manière à obtenir
des eaux fortes ; quelques-unes étaient assez parfaites. Le
14 décembre 1829 , il s'associa M. Daguerre , très-connu
dans le monde artistique pour ses beaux dioramas. Le pro-
cédé du bitume de Judée fut perfectionné , mais il ne don-
nait pas tout ce que désiraient les inventeurs, quand un
hazard , en imprimant une image sur plaque d'argent
iodurée, les mit sur la voie d'un immeuse perfectionnement.
L'opération du daguéréotypage est très-connue ; cepen-
dant nous croyons devoir l'expliquer à nos lecteurs. —
On iodure une plaque de plaqué avec de la vapeur d'iode
et on la place dans la chambre obscure sans qu'elle ait
subi le contact de la lumière. Le verre de la chambre
obscure est alors découvert , les rayons lumineux y pénè-
trent et l'iodure d'argent se trouve décomposé ; mais cette
décomposition n'est pas visible. Pour la rendre visible aux
yeux. Ton soumet la plaque à l'action des vapeurs mercu-
rielles; celles? ci se condensent inégalement sur la plaque.
Le mercure attaque uniquement les parties dont l'iodure a
été altéré par la lumière ; alors se manifeste un dessin au-
paravant invisible, dont l'exquise pureté est admirable.
Mais la plaque est encore imprégnée d'iodure d'argent et ,
si elle était abandonnée, le dessin serait bientôt détruit
sous l'influence de la lumière. Pour se débarrasser de
cet iodure 9 on la lave avec une dissolution d'hypo- sul-
fite de soude , sel qui jouit de la propriété de dissoudre
riodure d'argent ; puis on la lave une seconde fois à l'eau
distiUée et elle devient susceptible de se conserver indéfi-
nimeot.
A la suite de la séance du 50 juin 1839 , dans laquelle la
Chambre des Députés vota une rente de quatre mille francs
comme récompense nationale à M. Niepce fils, représentant
son père , et une rente de six mille à M. Daguerre , cette
découverte étant tombée dans le domaine public, on s'est
occupé de la perfectionner. Tout d'abord on a employé
de meilleurs objectifs que M. Daguerre et diminué ainsi le
temps que les épreuves devaient passer dans la chambre
obscure ; en second lieu , on a eu recours à des substances
dites accélératrices. Ensuite est venue la découverte de
192 PHILOSOPHIE
M. Fizeau, qui consiste à mêler du chlorure d'or à Thypo-
sulfite de soude et à chauffer légèrement , ce qui rend les
épreuves daguerriennes moins miroitantes et bien plus so-
lides : moins miroitantes, parce que Tor brunit légèrement
l'argent qui forme les noirs de la plaque ; plus solides , puis-
que les épreuves ainsi fixées résistent au frottement mieux
qu'un dessin au crayon.
Plusieurs procédés ont été imaginés pour la gravure des
dagueréotypes ; mais ils sont susceptibles de perfectionne-
ments.
La photographie sur papier est venue depuis peu faire
concurrencé à la photographie métalli(^ue ou daguerrienne
avec des produits singulièrement supérieurs. Aux premiers
jours de Tannée 1847, M. Blanquart Evrard , de Lille , obte-
nait déjà de belles épreuves, ressemblant à s'y méprendre
à des dessins à la Sepia; toutefois, il avait été aevancé
dans ses essais et dans ses succès par M. Talbot , qui obte-
nait mieux encore. Déjà, depuis 1834, cet habile expéri-
mentateur faisait de la photographie , et il se proposait de
publier sa décôuvefrtequand il fut précédé par M. Daguerre.
Il écrivit bien à l'Académie des sciences, mais feon procédé
mal répété ne réussit point. On crut à des réserves de sa
part ; la jalousie tiatibnale , Tune des sottises du siècle , s'en
mêla et, n'ayant point de camarade à l'Académie, il fut ou-
blié. IM'eut été bien plus si M. Blanquart Evrard n'avait
remis' efn honneur sa' découverte.
M. Talbot obtenait cependant de magnifiques épreuves.
Ce procédé a été depuis très-perfectionné par M. Niepce de
Saint-Victor, qui , pour bbtfenir les épreuves négatives ou gé-
nératrices , se sert d'une plaque de verre recouverte d'albu-
mine sèche , imbibée de sels d'argent. — De grands progrès
ont été accomplis depuis 1859 ; mais il y a mieux à faire :
c'est d'obtenir la permanence des couleurs, c'est d^utiliser
la photographie comme moyen de mesurer les intensités lu-
mineuses , c'est d'en faire usage en télégraphie , c'est en-
core, et nous avons tenté quelques essais dans ceflte direc-
tion, de 'voir sî elle ne pourrait pas rendfe conïpte de la
transmission aii cerveau des impressions fugitives qui se
font sur la rétine. — Mettez une plaque métallique exposée
BU SIECIB. 195
à la lumière dans une chambre obscure, en un contact gal-
vanique avec une autre plaque : la première représentera
la rétine , la seconde le cerveau , et peut-être obtiendrez-
vous plus que celui qui écrit ces lignes.
La découverte de Daguerre et de Talbot est surtout im-
portante en ce qu'elle nous convie à nous occuper chaque
jour davantage des impondérables. L'honuue le plus sa-
vant, jj'est. encore qu'un enfant véritable qui ne se doute
pas plus de sa puissance sur la matière que des moyens de
l'exercer.
Oii (Au). — On a employé les sels de ce métal en mé-
decine contre le cancer et la syphilis. L'argent et l'or, indé-
Fendamment des autres services qu'ils nous rendent , font
office de monnaie. Les mines d'or, avant la découverte des
mine^ de Californie et d'Australie, produisaient 45 fois
moins que les mines d'argent ; cependant vu les nombreux
usages de l'argent, sa valeur vénale n'était que 15 fois
moindre q^e celle de l'or. Cette valeur est susceptible de
variations : aussi les gouvernemœts ontrils eu. tort d'avoir
pris plusiews métaux pour monnaies. Avant la révolution
de 1789, la pièce d'or de S4 francs se vendait 35 livres
9 sous , ce qui prouve la. vérité de notre assertion. En
Orient , les valeurs respectives de l'or et de l'argient ne sont
pas les mêmes qu'en Europe. Au dire des voyageurs , une
livre d'or vaudrait en Chine là livres d'argent , et 9 seule-
ment au Japon. ]H. de Hum})od évalue à 359,000,000 le
produit des mines de métaux précieux. M. .Boudant à
336,O00^0QP seulement, dont l'Europe ne fournit que la
dix-septième partie. L'abondance des mines d'argent serait
teQe dajDs les Andes ^ au dire de M. de Humbold , et ce mé-
tal aurait été si mal exploité jusqu'à ce jour, que sa valeur
devra cqpsidérablement baisser. On peut en. dire autant
pour les mines d'or, depuis les découvertes récentes.
Les progrès de la science moderne en électricité ont créé
de nçm])reqses applications ; beaucoup d'autres sont encore
à d^uvrir. £n attendant qu'elles viennent, nos arts et
DOS industries commencent à se servir de la galvanoplastie.
Chaque JQW tend h supprimer davantage la vaisselle
plate pour créer une vaisselle recouverte d'argent et d'or
3'
194 PHILOSOPHIE
ue le goût le plus exquis combine avec des cristaux, avec
ies dessins très-élégants en laiton argenté ou doré : de la
sorte les œuvres les plus remarquables descendent à la
portée d'un grand nombre de fortunes. — La galvano-
plastie ne date que de 18S8 ; elle fut inventée à cette époque
par Spencer, en Angleterre, et Jacoby, en Russie. Loin
d'avoir dit son dernier mot, c'est un art encore dans l'en-
fance, malgré ses brillantes productions. On peut déjà et
l'on pourra de plus en plus lui demander des médailles ,
des statuettes, des statues, des clichés, des bronzes, et l'on
s'en aidera pour la gravure, indépendamment d'une foule
d'autres usages qui ne sont encore que pressentis.
Le Platine (Pt.) rend de grands services à l'industrie
et en rendra de plus grands encore. S'il est facilement atta-
quable par beaucoup de corps, aucun ne résiste mieux à
l'action la plus élevée de nos fourneaux ni à celle des aci-
des. Réduit en éponge il donne lieu à des phénomènes que
tout le monde connaît ; plus divisé encore et sous la forme
de noir de platine, il peut condenser plusieurs fois son vo-
lume de certains gaz. Il donne alors lieu aux phénomènes
de catalyse les plus remarquables. L'industrie les utilisera
un jour, mais elle ne l'a pas encore fait.
DES RÈGLES OU LOIS DES EXISTENCES MINÉRALES.
INTRODUCTION.
Phis nous irons , plus nous reconnaîtrons qu'il n'existe
qu'une science , celle de la nature ou Physiologie, au ser-
vice de laquelle nous mettons incessamment nos instru-
ments et nos procédés d'ordre matériel et d'ordre intellec-
tuel. — Ceux-ci dominent les autres : ils s'appellent
mathématiques quand ils servent à observer, k étudier les
quantités, les grandeurs et les formes; physique^ quand
ils s'occupent des propriétés générales des corps. La chimie
DU SIBCLB. 195
étudie leurs propriétés moléculaires , leur passé , leur ave-
nir, leurs métamorphoses ou tran^ormations ; mais il s'en
faut qu'elle soit bien limitée. Les transfonnations d'ordre
végétal, animal ou social appartiennent k d'autres sciences.
L'aoatomie clive un cristal et s'appelle alors usuellement
cristallographie ou minéralogie ; or il est évident que cette
anat(»nie est Tune des opérations de la science que nous
appelons la chimie. Si elte perce les couches de l'écorce du
globe pour les étudier, elle prend le nom de géologie;
si elle dissèque un végétal ou un animal, elle conserve son
nom propre, tout en prenant des noms particuliers , selon
qu'elle examine les vaisseaux ^ les viscères , les muscles et
les nerfs.
Si l'anatomie dissèque une civilisation pour étudier les
races humaines qu'elle concerne , le pays , théAtre de ses
manifestations, les classes sociales dont elle se compose,
les idées mères empruntées à d'autres civilisations et la
série d^ faits qui forme sa lég^^de^ cette dissection porte
le nom d'analyse historique.
Je comparerais volontiers les hommes qui font des livres
à perte de vue et qui endorment leurs lecteurs à l'occasion
de la classification et de la hiérarchie des sciences, à des
ouvriers qui entreraient dans le cabinet d'un architecte et
qui s'y évertueraient à limiter la portion de travail qui in-
cooibe dans un édifice aux maçons , aux charpentiers , aux
couvreurs , comme si la maçonnerie ne peut pas être sub-
divisée entre des maçons , des tailleurs de pierres, des
appareilleurs , des plâtriers et des sculpteurs omementistes ;
comme si les autres travaux ne sont pas susceptibles d'un
pareil fractionnement , de telle sorte , par exenmle , que le
sculpteur en ornements empiète à la fois sur les attribu-
tions des couvreurs, des charpentiers et des maçons.
On pouvait écrire en 1848 , ainsi que Ta fait Gerhard ,
dans sa belle introduction à Y Elude de k» Chimie : « Les
» êtres matériels répandus à la surface du globe et dans
» le sein de la terre se distinguent en deux grandes
A classes :
i> Les uns naissent d'êtres semhlahUs à eux-mêmes^ et
» n'ont qu'une existence limitée. jLes autres , inhabiles à
196 PHILOSOPHIB
» se reproduire , naissent d'êtres dissemblables et peuvent
» exister de toute éternité. »
Aujourd'hui cette distinction est démentie par les re-
cherches de Brahme , sur l'état utriculaire des mméraux , et
par celles de Gros, sur les vésicules élémentaires d'ordre
végétal et animal (les englènes).
11 est bien constant que la vie existe partout , que toutes
les sciences ont son étude pour résultat; et que les ordres
sidéral, minéral, végétal, animal et social, quoique si
séparés en apparence , présentent des milliers de points de
contact au véritable physiologiste.
Jusqu'à présent nous avons conformé notre langage aux
habitudes reçues : nous allons maintenant nous en écarter
davantage. Tantôt nous rapprocherons les uns des autres
les phénomènes d'ordre minéral , végétal , animal et social ;
et le plus possible nous laisserons de côté l'habitude, si fa-
milière à notre esprit , si agréable à notre paresse, de dissi-
muler notre ignorance , en remplaçant par des entités , par
de simples mots, très-vides quoique sonores, les phéno-
mènes que nous n'avons pas étudiés , ou leurs causes très-
inconnues.
Pourquoi ne l'avoir pas fait plus tôt, se dira peut-être le
lecteur ?
Je réponds : Sommes-nous en 1855 , et non en 1870 ou
en 1900 ? A qui s'adresse ce livre ? est-ce aux hommes
qui viendront ou à ceux qui ont plus de 17 à 18 ans, et
qui savent déjà quelque chose ? Ceux-ci n'ont-ils pas un
langage et des* habitudes qu'il faut redresser progressive-
ment ?
Des ELÉiTBifTS. — Les anciens , c'est-à-dire les sages de
l'Inde etlespythagoriciens, en reconnaissaient cinq, à savoir :
L'éther,
Les impondérables,
Les aériformes ,
Les liquides ,
Les solides.
Il nous est évident qu'ils distinguaient ou croyaient dé-
signer ainsi les cinq formes possibles de la substance.
BU 8ISGLB. 197
Platon, cet écrivain aux phrases si musicales, qui a
tant contribué à faire reculer l'humanité , déserta les ten-
dances scientifiques de P^thagore et réduisit à quatre les
éléments. Aristote le suivit malheureusement dans cette
voie.
Les modernes n'ont point d'opinion faite sur cette ques-
tion ; ils savent qu'ils connaissent passablement soîxante-
deui corps non décomposés , et peut-être y a-t-il chez un
grand nombre d'entr'eux , une tendance prononcée à n'ad-
mettre que deux substances, l'une pondirabU, l'autre tm-
pondirMe^ dont les réactions produisaient les phénomènes
que nous appelons électricité, chaleur, lumière, sensation ;
mais il s'en faut de beaucoup que les faits de la nature
soient' assez bien observés , groupés et sériés , pour que
cette opinion soit scientifiquement prouvée. Il y a 23 ans
qu'à Nantes, en un cours public de philosophie, nous
rémettions comme un credo basé sur de simples intuitions,
comme une hypothèse à vérifier. Cette hypothèse a grandi ,
elle. s'est appuyée sur des découvertes nouvelles , mais c'est
encore une hypothèse.
Il est toutefois bien démontré pour nous, qu'il y a en
dehors de la substance pondérable, quelque chose d'impon-
dérable qui échappe à l'action du scalpel et de la balance.
Des Molécules et des Atomes. — Nous avons confondu
sous ces deux noms, aux chapitres qui précèdent, les par-
ties les plus divisées de la substance pondérable ; mais il se-
rait plus convenable d'agir autrement , d'appeler atome le
dernier résidu , la dernière particule de la substance pondé-
rable, et molécule, ces atomes associés qui forment la
partie plus saisissable des corps , celle que les investiga-
tions de la chimie moderne ont pu atteindre.
Du Poids des Molécules. — Si nous pesons , par un
procédé quelconque, les molécules des corps usuels, nous
trouvons sensiblement les poids suivants :
Nom abrégé. Poids.
Hydrogène H 1.
Cari[>one C 12.
Aluminium Al 13,7.
9
198 PHILOSOPHIE
Nom abrégé. PoMs.
Azote ou Nitrogène Az ou N 14.
Silicium Si 14.
Oxigène 0 16.
Calcium Ca 20.
Sodium ou Natrium Na 35.
Chrome Cr 26.
Fer Fe 28.
Manganèse Mn 28.
Nikel Ni 29,6.
Cobalt Co 29,6.
Cuivre Cu 51,8.
Soufre S 52.
Phosphore P 62:
Zinc Zn 55.
Chlore Cl 56.
Potassium ou Kah K 59.
Etain Sn «9.
Antimoine Sb 64,5.
Baryum Ba 68.
Arsenic As 75.
Brome Br 80.
Platine Pt 99.
Mercure ou Hydrargyre Hg 100.
Plomb Pb 104.
Argent Ag 108.
Iode I 126.
Or Au 196.
Il résulte , à la première vue , de ce tableau , que tous
ces chiffres , excepté cinq , sont des multiples de chiffre
de l'hydrogène; d*où cette conséquence, que l'hydrogène
pourrait être une molécule primitive, la plus simple connue,
formée des atomes d'une substance qui produirait presque
tous les corps non décomposés.
Volume des Molécules. — Après avoir comparé les
poids, si l'on compare les volumes des corps que l'on
possède à l'état de gaz, ou que l'on a pu réduire en va-
peurs, on trouve que les chiffres qui expriment leur pesan-
1
DU SIÈCLE. 199
leur spécifique , par rapport à rhvdrogène , sont les mêmes
que ceux qui représentent le poids des molécules , qui se
combinent les unes avec les autres et que Ton appelle ha-
bituett^onent ckiffres proportionnels, ou qu'ils en sont des
multiples par 2 ou par 3.
Il en résulte que ce serait singulièrement simplifier la
science, que de prendre l'hydrogène pour point de départ
et d'y rapporter toutes les densités.
L^ gaz présentent deux lois , enseignées aux cours de
physique, qui ne sont point complètement exactes. Elles
subissent des exceptions pour les gaz condensables dans
les circonstances voisines de leur condensation , sous forme
liquide ou solide ; cependant elles sont incessemmment uti-
les. On peut les formuler ainsi :
Les gaz se dilatent ou se contractent de la même quan-
tité pour un degré du thermomètre.
La seconde est la loi de Mariotte, sur la contraction
des gaz par la pression.
L^ thermomètres à gaz et les manomètres ou baromètres
des machines à vapeur sont des instruments basés sur ces
lois.
De la. Liberté. — Il y a une physiologie pour les corps
qui roulent dans l'espace ; il y en a une minérale ou chimi-
que, dont Berthollet a posé les bases. Les végétaux, les
animaux et les corps sociaux ont aussi leurs conditions,
leurs règles d'eustence , qui toutes se relient au plan pro-
videntiel de la nature. La liberté c'est donc, pour un être
quiconque, le pouvoir d'accomplir les lois de sa vie.
La liberté des molécules de la substance pesante est plus
étendue qu'on ne le pense habituellement. Soumises à des
tendances et à des répulsions qui s'appellent sympathies et
antipathies, dans un ordre plus élevé, ces molécules agis-
sent dans une sphère où il est facile d'apprécier par le
calcul, les forces qui les régissent , ce qui est presque im-
possibles dans des ordres supérieurs. — Les êtres minéraux
ont, comnae les autres, leurs transformations et leurs méta-
moiphoses, leurs amours (langage de Boerhave et de
Herschell), et présentent en réaUté au philosophe les bases
00 premiers édielons de cette grande science qui lui révèle
200 pfliLosopniE
de plus en plus, chaque jour, les secrets de la nature.
Cette science, encore un coup, elle est une : c'est la phy-
siologie.
De l'EoALiTiâ Chimique. — Y a-t-il une seule ou plu-
sieurs substances pesantes primitives? Nous l'ignorons.
Nos instruments , nos procédés , nos méthodes , impuissants
à disséquer l'atome , n'ont pu saisir encore et soumettre
à nos investigations que des molécules. On appelle équi-
valentes celles qui peuvent se substituer les unes aux au-
tres dans les combinaisons chimiques, et qui jouissent
par suite d'une égalité relative à leur puissance, quelle
qu'en soit la nature , sans qu'il y ait pour cela égalité de
poids ou de volume.
Ce serait se tromj)er grossièrement que de croire que les
équivalents soient tous les mêmes , et que d'appeler de ce
nom les molécules qui correspondent aux chiures propor-
tionnels que nous avons donnés plus haut.
Si la molécule 1 d'hydrogène correspond à la molécule
S6 de chlore , et peut former avec elle une combinaison
intime appelée acide chlorhydrique , il n'en est pas moins
vrai qu'elle n'est pas l'équivalent de la molécule 16 d'oxi-
gène : il faut pour cela qu'elle soit doublée.
Mais si l'hydrogène est un métal , une base ; si le chlore
et l'oxigène sont tout l'opposé, il faut donc diviser les
équivalents en deux classes , selon leurs fonctions :
Equivalents par combinaison ,
Equivalents par substitution.
32 soufre, 16 oxigène, 72 chlore, voilà des équivalents
par substitution, parce qu'ils se peuvent substituer dans
leurs fonctions de corps non métalliques.
Hydrogène 1 et chlore 56 , voilà des équivalents au point
de vue des réactions chimiques.
Remarquons que l'équivalence est subordonnée à la fonc-
tion, et n'a lieu que dans un certain nombre de cas limités ;
que 1 d'hydrogène, qui est l'équivalent de 36 de chlore,
n'est l'équivalent que de 1/2 oxigène ou 8 en poids.
Equivalfkts en Volume. — Les corps gaxeux se comftt-
nent toujours entre eux y dans des rapports simples : ainsi
Teau se compose de deux volumes d'hydrogène et d'un \o-
DU SIBCLB. 301
lume d'oxigène. Si le produit est volatil ou gazeux» il est
toujours en rapport simple avee les composants : ainsi deux
Tolames d'azote et un d'oxigène forment deux volumes de
protoxide d'azote ; deux Yolumes d'azote et deux d'oxigène
forment deux volumes de bioxide. — Pou&sant plus loin
encore leurs observations^ les chimistes ont reconnu quil
y a contraction f et par suite réduction de volume» si les
composants sont en nombre impair.
Si au lieu de deux composants, nous en avons plusieurs,
la loi des volumes , d'après Laurent et Gerhard, se formule
ainsi :
Dans toute substance organique représentée par deux volu*
mes de vapeur, la somme des coefficients^ des nombres propor-
tionnnels de Vkgdrogéne^ de Pazote, du phosphore^ de Varsenic
et des corps halogènes ^ est représentée par un nombre pair.
Cacsb DBS Volumes. — Quelle est la cause des volumes?
Cette cause ne se he~t-elle pas directement à la cause des
états différents des corps ?
Sans doute l'être appelé chaleur n'existe pas. La cha-
leur est un phénomène, et à cette occasion, Ton peut
émettre une hypothèse et dire : La chaleur se produit sous
Imfluence de la combinaison d'un corps avec la substance
hypothétique appelée éther, qui remplit les espaces com-
pris entre les molécules pondérables. Mais cette hypothèse
est loin d'expliquer actuellement tous les faits. — Toute-
fois , comme on est parvenu à mesurer certaines manières
d'être de la chaleur, l'ou a observé qu'un gramme d'une
substance donnée absorbait toujours la même quantité do
chaleur, pour passer de l'état solide à l'état liquide, et
une autre quantité toujours constante pour passer de l'état
liquide à 1 état gazeux. L'étal Uquide d'un corps ne serait
donc que le produit , jdus ou moins stable , de sa combi-
naison avec une quantité donnée de chaleur, et l'état ga-
zeux qu'un produit analogue Quelle que soit l'hypothèse
acceptée à l'occasion de la chaleur, ces deux derniers faits
sont constants. La chimie qui est , sous beaucoup de rap-
ports, la science des métamorphoses ou transformations
dans la nature , devrait toujours en tenir compte : ce qu'elle
ne fait pas ; aussi est-dle encore très-incomplète. Nous
202 PHILOSOPHIE
avons vu , par suite , des ingénieurs très-habiles , qui ne
savaient s'il y a avantage ou désavantage à faire parvenir
dans le cendrier des fourneaux , un fUet d'eau qui se ré-
duirait en vapeur et qui passerait en cet état à travers le
charbon embrasé.
Loi des Equivalents. — Nous avons dit que , dans des
circonstances données , les molécules de divers corps pou-
vaient représenter des puissances égales , et que par suite
on pouvait les substituer les unes aux autres. Nous avons
ajouté pour les molécules gazeuses, qu'elles étaient toujours
en rapport simple ou régulier de volume. Il en est ainsi
pour les poids de toutes. L'équivalent du corps A se com-
bmera toujours avec 1, ou 2, ou 5, ou 4, équivalents de B;
deux équivalents de A se combineront avec 1, 2, 3, 4, 8
de B ; ou encore , trois équivalents de A se combineront
avec 5 ou 7 de B : de là des rapports rationnels et commen-
surables.
Il résulte de ce qui précède » que les équivalents repré-
sentent toujours des volumes réguliers des corps gazeux ,
mais sans rappeler en rien le chiffre de ces volumes. Ainsi,
HO signifie habituellement un équivalent d'hydrogène pe-
sant 2 , et un équivalent d'oxigène pesant 16 , sans indi-
quer que l'équivalent d'hydrogène se compose de deux
volumes, et que par suite HO représente deux volumes de
vapeur d'eau; tandis que la notation 2H. 0 rappelle beau-
coup plus de choses à l'esprit , puisqu'elle indique à la fois
et les équivalents, et la composition en volume, et même
la contraction des trois volumes de gaz en deux de vapeur
d'eau.
Il est donc à regretter que la notation , qui prend l'hy-
drogène pour point de départ, et que Dalton a popularisée
en Angleterre , ne soit pas chez nous la notation usuelle.
Des Formes des Cristjlux. — Les corps minéraux ne
disposent point leurs molécules au hazard , les unes à côté
des autres. Pour peu que les molécules aient la liberté de'
se placer selon leur position naturelle , selon ce que l'on
pourrait appeler leur bien-être , elle le font de manière à
prouver qu'elles sont toutes orientées , e'est-à-dire qu'elles
ont un axe et des pôles. — La disposition qu'elles prennent
DU SIÈGLB. SOS
alors, appelée cristallisation, est soumise par suite aux lois
de la géométrie. — Quelques variés que soient en apparence
les eristaux, leurs formes primitives sont très-limitées et
réduites à six , auxquelles toutes peuvent être ramenées par
une dissection qui les casse ou les clive , selon des surfaces
planes : ce qui est généralement très-facile.
Les caractères des six ordres des cristaux sont les
suivants :
!•' ordre. — 5 axes semblables, perpendiculaires entre
eux.
2* ordre. — 3 axes perpendiculaires, dont 2 seulement
sont semblables.
3* ordre. — 4 axes , dont trois semblables , disposés dans
le même plan , et se coupant sous des angles de 60 degrés.
Le 4* axe est différent et perpendiculaire aux trois autres.
4* ordre. — 3 axes perpendiculaires entre eux , mais
dissemblables.
5* ordre, — 2 axes obliques , l'un par rapport à l'autre :
le 5^ perpendiculaire aux deux obliques ; les trois dissem-
blables.
6* ordre. — 3 axes obliques et dissemblables.
DoKmPHisvB. — On croyait autrefois que la même
substance ne pouvait cristalliser que d une façon. On sait
aujourd'hui que quelques substances peuvent cristalliser
de deux façons, avoir deux formes: de là le nom de
dimorphisme ou dimorphie. Il est possible que la trimorphie
et la polimorphie puissent exister, mais il n'y en a pas
d'exemple connu.
Les molécules des corps qui cristallisent de deux manières
jouissent de propriétés souvent très -différentes. Leurs
cristallisations ayant eu lieu à des températures le plus
souvent très-éloignées , il en résulte :
Que les puissances en vertu desquelles la substance
cristallise , varient avec les températures : aussi les forces
qui agissent h la température ordinaire, sur un cristal,
sont-elles souvent très-différentes de celles qui ont présidé
à sa formation.
Ao point de vue de la recherche des origines , ce fait
esf Irés-grand ; il nous montre des variations dans les forces
304 PHILOSOPHIB
naturelle» qui présitlent et (fui ont présidé à la constitution
de notre globe ; variations fatales, nécessaires, qui pourraient
être soumises au règles du calcul , aux lois de la géométrie,
que Ton pourrait , par exemple , représenter par des lignes.
Il conduit par suite à se poser cette grande question :
Qu'était autrefois, qu'est aujourd'hui, que sera un jour
le magnétisme terrestre? Comment serait-il possible de
représenter géométriquement ses intensités passées, pré-
sentes et futures, ou tout au moins prochaines?
On appelle Isomorphismb cette propriété découverte par
Mitscherlich, que possèdent les molécules de corps différents,
de présenter souvent des formes presques semblables. Cette
propriété joue un grand rôle en chimie, en ce qu'elle
permet fréquemment à un corps de se substituer à un
autre d&as ses combinaisons. L'isomorphisme des cris-
tallisations existe pour les corps qui présentent des com-
binaisons chimiques identiques. Faites un mélange de
sulfate de cuivre et de sulfate de fer, vous obtiendrez des
cristaux de sulfate de cuivre et de fer. Plongez un cristal
de sulfate de cuivre dans une solution de sulfate de fer, il
se couvrira de couches de sulfate de cuivre; plongez-le
ensuite dans du sulfate de fer, il se recouvrira de cette
dernière substance.
L'isomorphisme se retrouve aussi dans le règne végétal
et dans le règne animal : dans le règne végétal, il a créé
la greffe et les hybrides ; dans le règne animal, les hybrides
et la transfusion du sang. Passablement étudié dans le
règne minéral, il n'a pas dit son dernier mot dans les deux
autres.
Etat utriculairb ©es Mit^raux. — La science en était
là, quand, en 1845, mon savant confrère, M. Brame,
découvrit l'état utriculaire des minéraux. Le chimiste de
Tours, en "^ agissant sur des- corps fusibles à de faibles
tempéra tures ou solubles dans des substances essentiellement
volatiles , a vu des états différents dans les phases des pre-
miers moments de la cristallisation , ce qui conduit à dire
que les êtres minéraux ont leur vie embryonaire avant
d'arriver à la cristallisation. Les utricules des minéraux
se composent d'mie' enveloppe extrêmement mince, flexible
DU SIÈCUB. 205
et incolore, vraie membrane, très-semblable en sa manière
de se comporter, aux membranes végétales et animales.
En son sein, car elle forme une vésicule, on trouve une
matière de même substance, qui, pour le soufre, par
exemple , est à l'état de vapeur.
Ainsi l'état vésiculaire serait la source primitive de toute
cristallisation. En s'organisant , c'est-à-dire en se groupant
sous forme de vésicules , la substance deviendrait végétale
ou animale : elle serait minérale en se cristallisant. Beaucoup
d'études manquent encore autour de cette observation
féconde du D*^ Brame ; mais le fait principal , accepté par
la science la plus sévère, crée à lui seul une série d'analogies
fécondes. Remarquons, avant de passer outre, que l'état
utriculaire des substances minérales a été surtout étudié
au moyen des cristallisations ignées, et rappelons - nous
que les 2/3 en poids des substances végétales et animales,
ne sont autre chose que de l'eau : alors nous comprendrons
comment, dans la nature, la substance a dû se cristalliser
avant de s'organisa ; comment elle a dû s'orienter selon
l'individualité de chacune des molécules que renfermaient
les vésicules utriculaires , au lieu de s'orienter selon ces
vésicules elles-mêmes , ce qui eut été vivre d'une autre
vie. — L'état utriculaire nous conduit encore à une
con^dération d'ordre très-élevé. Qu'est-ce que le tissu
vésiculaire des utricules minérales, sinon l'analogue du
tissu cellulaire, qui joue un si grand rôle dans les organismes
végétaux et animaux.
Langue de là Chimie ^Nobienclâtuse). — Les corps
réputés simples sont aujourahui au nombre de 62. Chacun
des corps appelés simples étant susceptible de prendre
part à une série de combinaisons, il eut fallu inventer
plusieurs milliers de mots pour désigner par un mot
spécial ces combinaisons diverses. Au Ueu de cela, on a
imaginé de faire des 62 noms des corps simples, autant de
radicaux, et de désigner chacune des combinaisons possibles
en se servant du radical et de particules adjonctives.
Mais il en est de la langue de la chimie comme de toutes
les autres ; elle a ses dialectes et ses variantes. Celui-ci ,
par exemple , appelle métal ce qu'un autre chimiste appelle
9»
métalloïde, et vice tertâ, La science n'étant pas encere
faite, surtout pour la chimie organique, son langage s'en
restent singulièrement. Chaque chimiste un peu autorisé
a la prétention de faire adopter son dialecte , pour Téleyer
à Tétat de langue universelle.
Il est toutefois des fautes de logique qui sautent aux
yeux. Pourquoi dire oxides et non oxuies? Quel rapport
existe-t-il entre les noms ammoniaque, caféine, brucine,
quinine, pouvant indiquer une similitude de fonction dans
des substances toutes alcaloïdes.
On a suivi, mais de très-loin et sans le connaître, le
procédé naturel de la formation des langues.
Notations Chiuiques. — L'algèbre est une langue
abrévialive , qui a été comprise de bien des manières. Elle^
doit s'entendre aujourd'hui de tout langage susceptible de
résumer d'une façon claire et précise ce qui, dans les»
langues usuelles, réclamerait les plus longues phrases.
A ce compte, la chimie a son algèbre. Cette partie de
la science, inventée par Lavoisier, étudiée depuis par
Hassenfratz, a été très-perfectionnée par BerzeUus. Elle
consiste dans des notations abrégées , destinées à rappeler
les composés par des quantités proportionnelles des^
composants , et les corps simples par les initiales de leurs
noms. Ces notations abrégées sont à la fois plus logiques et
plus correctes que la langue usuelle de la chimie, sans
être parfaites.
S 0% dans la notation usuelle, est une formule abrégée
qui dit : soufre , une partie ou 53 ; oxigène , trois parties
ou 48. Que le mot acide sulfurique soit plus ou moins
convenable, peu importe, si l'on s'en tient à la notation.
Un exemple plus complexe sera plus probant encore.
C® Az' Fe 2 H , cela veut dire : carbone , six parties ;
azote, trois parties (ou cyanogène); fer, une partie;
hydrogène, deux parties ou acide hydro-ferro-cyanique.
Cette manière d'écrire nous fait reconnaître , à la première
vue, les similitudes d'un grand nombre de corps très-
différents par leurs noms. C* Az' Fe 3 K. Le cyano-ferrure
de potassium ne diffère de l'acide hydro-ferro-cyanique ,
que par la substitution du potassium à l'hydrogène. Ces
nt7 SIÈCLE. 207
deux formules 9 si rapprochées, ncms conduisent à nous
demander quelles sont les prédispositions qui existent dans
les combinaisons chimiques , s'il y en a d'autres que celles
qui permettent qu'un ou plusieurs éléments d'un composé
soient remplacés par d'autres composants. Cette question ,
très-élevée, touche directement à celle de la liberté des
molécules inorganiques.
IsoMÉRiSME. — La comparaison des formules de diverses
substances conduit à un résultat très-curieux : c'est qu'il
y a des corps qui ont pour nous la même composition
chimique , et qui diffèrent essentiellement pour leurs
propriétés physiques et chimiques. On les appelle isomères.
L'isomérie conduit aux méditations de l'ordre le plus
élevé. — Il est, selon nos prévisions, que les savants de
recelé unitaire expliqueront un jour, et du même coup ,
les cristallisations, l'isomérie et beaucoup d'autres faits
généraux que nous ne pouvons actuellement qu'enregistrer.
MOYEIIS DB BIfill FAIRE COMPRENDRE l'uTILITÉ DES
Notations abrégées. — La formule de l'ammoniaque est
Az H* ; mais l'ammoniaque ne peut se combiner avec les
acides qu'autant qu'elle contienne un équivalent d'eau
HO. Az H' H- HO, voilà l'ammoniaque hydratée qui
entre dans toutes les combinaisons salines. Az H^ -h HO
peut s'écrire Az H* 0. Az H* sera de l'ammonium, corps
parallèle , dans toutes ses combinaisons , au potassium , au
sodium et aux autres métaux. Az H* 0 sera de l'oxide
d'ammonium ; d'où cette supposition , que le potassium ,
le sodium et d'autres corps pourraient avoir une composition
analogue. Mais le nitrate d'ammoniaque (Az H* 0 -h Az 0*)
est un sel en tout semblable , même pour la cristallisation ,
au nitrate de potasse (KO H- Az 0*); d'où cette autre
conclusion, que le nitrate d'ammoniaque fourni par le
règne animal, relie la chimie dite animale à la chimie
minérale par sa similitude avec les autres nitrates.
Ce que nous venons de dire expliquera toute notre pensée
à ceux qui ont étudié ; elle déposera des germes féconds
chez ceux qui ne savent pas encore. Nous devons toutefois
revenir sur l'isomérisme. Les hommes de science savent
très-bien que l'isomérie peut être produite par un grouppe-
208
PHILOSOPHIB
m«nt différent des atomes qui seraient en nombre égal,
ou par une différence dans le nombre des atomes qui
constituent les molécules. Dans ce cas-ci, le chiffre relatif
des molécules est le même; mais le chiffre absolu est
différent. C'est ce qui a lieu pour les combinaisons
hydrogénées- qui ont la même composition chimique, mais
dont les volumes égaux renferment des quantités très-
différentes de molécules.
ÛBS Corps Métalliques ou Bàsioiibset noiv Métalliques
ou non Basiques. — Il n'y a pas un seul ouvrage de chimie
où la classification des substances dites élémentaires , en
corps métalliques et corps non métalliques , soit appuyée
sur des faits sérieux. Il serait donc mieux d'abandoimer le
mot métal y ou tout au moins de le transformer, comme Ta
fait Gerhard, pour dire avec ce savant, dont les livres sont
si profondément empreints de philosophie , que l'hydrogène
et l'oxigène sont les deux éléments chimiques dont les
activités sont les plus opposées. Alors on diviserait les
substances non encore décomposées en deux séries. L'une,
celle des corps dont les activités chimiques ont de la
ressemblance avec l'activité spéciale de l'oxigène: voilà
les corps non métalliques^ L'autre série se composerait de
tous ceux dont les affinités ou activités chimiques ont
quelque rapport avec l'hydrogène : voilà les métaux. —
Cette classification serait toute chimique, puisqu'elle ne tien-
drait aucun compte des propriétés physiques des corps. Ces
deux séries se présenteraient alors ainsi, pour les corps usuels :
PREMIÈRE SËKUi.
Oxigène.
Soojfre.
Phosphore.
Arsenic.
Azote.
Chiôrë".
Brume •
Iode.
Fluor.
Carbone.
Bore.
Silicium.
DEUXIÈME SERIE.
Hydrogène.
Potassium.
Sodium.
Baryum.
Calcium.
Gadminm..
Zinc.
Nikel.
Cobalt.
Guivra.
Fer.
Man^nèse.
Aluminium,.
Chrome.
Bismuth.
Antimoine.
Etain.
Plomb..
Argent.
Mercure.
Platine.
Or.
BU SIBCJLB. 209
Nos lecteurs voient de suite dans ce tableau , emprunté
à Gerhard , une division en deux séries , et une division de
la première série en cinq groupes , de la seconde en sept
groupes. — Nous ne prétendons point affirmer que les
groupes qui précèdent soient aussi bien distribués que
possible dans Tétat actuel de nos connaissances; mais
nous aOirmons que , dans Tétat actuel de ces connaissances,
CD ne saurait procéder philosophiquement dans l'étude de
la chimie sans l'assimiler aux autres branches de l'histoire
naturelle.
ChOOES MiNÉRALB , VÉ0ÉTALB £T AlïIMÂLB. — Si VOUS
étudiez des molécules et leur activité propre, abstraction
faite de leur provenance minérale, végétale ou animale,
vous faites de la chimie. Si vous allez plus loin , si vous
étudiez des molécules en tenant compte de leur provenance
et des actions si complexes que peuvent exercer leur»
milieux , vous dépassez ce que l'on est convenu d'appeler
la chimie : vous faites de la physiologie minérale , végétale
ou animale. Déjà nous avons fait pressentir que la chimie
est une y que sa division en minérale , végétde et animale
ne répond plus en aucune manière aux besoins de la
science ; mais cela ne suffit. Il importe de prouver à ceux
qui remplacent la division Prinaire par lUie division binaire y
chimie minércUe , chimie organique , que cette dernière
division est toute fictive encore, et qu'il serait beaucoup
mieux d'étudier les corps par groupes et par séries, de
manière à bien mettre en évidence les tran^ormations qui
se font incessamment dans nos laboratoires.
Pourquoi les alcalis peu puissants, appelés alcaloïdes,
seraient-ils plutôt des alcalis végétaux ou organiques que
Fammoniaque , substance avec laquelle ils ont une ressem-
blance si grande, signalée depuis vingt ans par Raspail,
mais avec quelques erreurs de sa part ? Peuvent-ils jouer
leur rôle d'alcalis autrement que l'ammoniaque, c'est-à-dire
sans* avoir fixé préalablement un équivalent d'eau? Les
ctiimistes qui admettent l'oxide d'ammonium , et par suite
rammonium, ne sont-ils pas dans l'obligation d'admettre
lequinium, le cinchonium,le morphinium, comme les sources
d'où dérivent la quinine , la cinchonine , la morphine ?
210 PfilLOSOPHIE
Prenons un autre exemple, d'une autre nature, parce
qu'il touche à des corps plus usuels et qu'il démontre
merveilleusement la liaison intime de& chimies appelées
aujourd'hi minérales et végétales. — Le tissu cellulaire du
bois se compose, comme le dit sa formule C** H** 0*®,
de 12 proportions de carbone, de 10 d'eau ou 10 d'hydro-
gène et 10 d'oiigène. (Nou&nous servons et servirons ici
de la notation adoptée par Regnault, qui est la plusûsuelle,
nous ne disons pas la meilleure). La fécule a exactement
la même composition. Elle est un isomère de la cellulose
ou tissu cellulaire du bois. La fécule de Lichen et les
gommes sont dans le même cas.... fait curieux.
Le sucre de cannes , qui joue un si grand rôle dans
l'économie domestique de l'univers, n'est que du ligneux
de la gomme ou de la fécule , avec une proportion d'eau
en plus. Il a pour formule C*^ H* * 0* ^ Mais si I'chi combine
le sucre de cannes avec l'oxide de plomb , on obtient un
corps appelé saccharate , dont l'étude prouve que le sucre
cristallisé est un corps hydraté (nous nous servons ici à
dessein du langage usuel et de ses idées), composé de deux
proportions d'eau et de C** H* 0*; d'où cette formule du
sucre cristallisé : C*^ H* 0* H- 2 HO. Le sucre des fruits
acides peut être représenté par la fopmule qui précède ,
dans laquelle on aurait ajouté un équivalent d'eau ; soit
£;i2 gi2 Q4 2 ch^auffé avec des acides, le sucre de cannes
devient ce sucre des fruits acides. — Le sucre de raisin et
celui qu'on obtient par l'action de l'acide sulfurique sur la
fécule, sont ainsi composés: carbone 12, hydrogène 14,
oxigène 14 (C*^ H** 0**), c'est-à-dire qu'ils contiennent
trois proportions d'eau en sus du sucre de canne.
Quand on fait réagir de l'acide sulfurique sur de la fécule
étendue d'eau, sa désaggrégation produit d'abord la dextrine,
dont la formule est C*^ H*® 0**^. L'action catalytique de
la substance azotée appelée diastase , sur cette dextrine, ou
l'action prolongée de l'acide sulfurique, la transfornft en
glucose , substance identique au sucre de raisin.
Nous venons de montrer les relations qui existent entre
la cellulose, le sucre cristallisé anhydre ou privé d'eau, la
fécule , le sucre de cannes , le sucre des fruits acides et le
BU SIÈCLB. 211
sucre de raisin ; allons plus loin , et demandons-nous
qu'est-ce que Talcool? Ce corps se compose de quatre
parties de carbone, de quatre d'hydrogène et de deux df'eau :
C* H* 0*. Or il est évident que deux parties d'alcool et
quatre d'acide carbonique forment une partie de sucre des
fruits acides ; et, en effet, si on livre ce sucre à la fermenta-
tion , on obtient de l'alcool , la fermentation lui enlevant
4 CO* ou quatre parties d'acide carbonique.
Ecrivez maintenant l'alcool C* H* 0*, sous cette forme :
C* H* 0 -h H 0; supprimez H 0, ou l'équivalent de l'eau,
par l'action de l'acide sulfurique sur l'alcool , et vous aurez
îether C* H* 0. Mais ce corps n'est autre chose que du
gaz oléfiant, dont la formule est C* H*, avec un équivalent
d eau. — Au lieu de réagir sur l'alcool par l'acide sulfurique
et la chaleur, faites-le fermenter, et l'alcool C* H* 0*, en
soxidant, deviendra C* H* 0*, c'est-à-dire l'acide acétique,
qu'il est mieux d'écrire C* H* 0* -h H 0 , si nous considé-
rons qu'il renferme un équivalent d'eau. L'acide acétique
est donc de l'alcool oxidé , mais c'est aussi autre chose.
La distillation du bois produit un second alcool dit
méthylique , plus intéressant au point de vue de la
philosophie de la science qu'au point de vue de l'industrie.
— Son équivalent est représenté par quatre volumes de
vapeur; sa formule est C^ H* 0*. Il jouit de propriétés
analogues à celles de l'alcool et dissout tous les corps que
Talcool peut dissoudre. — Soumis à l'action de l'acide
sulfurique , il donne aussi un éther appelé méthytique C*
H' 0 , qui correspond à deux volumes de vapeur. Cet éther
n'est donc que son alcool moins H 0 , ou un équivalent
d'eau. De même qu'un hydrogène carboné C* H', encore
inconnu , a des rapports directs avec l'éther alcoolique et
avec l'alcool, de même l'hydrogène proto-carboné ou gaz des
marais (C^ H*) a des rapports avec l'éther méthylique. Or,
l'acide acétique relie , par sa composition , l'alcool vinîque
et rftcool méthylique. — Dérivé de l'alcool vinique, l'acide
acétique n'est que l'hydrogène carboné , plus deui équiva-
lents d'acide carbonique. On peut s'en convaincre en
faisant passer cet acide à travers un tube chauffé au rouge
et contenant de l'éponge de platine. On peut encore s'en
312 PHILOSOPHIE
assurer en écrivant les deux formules Tune à côté de l'autre
et constatant leur équation: C* H» 0 -f-H 0 = 2 C 0* -+- C^
H* ; puis par d'autres moyens encore.
Parmi les éthers méthyliques se trouve Téther méthyl-
chlorhydrique (C* H' Cl), que l'action du chlore peut
transformer en C^ H CP. Cette composition est l'éther
méthylchlorhydrique bichloré, connu sous le nom de
chloroforme , si usité aujourd'hui en chirurgie pour pro-
duire l'insensibilité.
Oxidez l'alcool méthylique et vous avez l'acide formique
(C^ H 0' -<- H 0).
L'éther formique (C* H» 0. C» HO») et l'éther
méthylformique (C* H^ 0. C* H 0») se préparent de la
même manière : il suffit de remplacer l'alcool vinique par
de l'alcool de bois.
Nous croyons devoir passer ici sous silence une foule de
corps parallèles , toute une double série d'éthers provenant
des deux alcools dont nous venons de parler. Ce qui
précède suffit pour établir le lien qui rattache la chimie
dite organique à la chimie minérale, et combien l'alcool ,
les éthers , les hydrogènes carbonés et l'acide acétique sont
mieux connus qu'il y a vingt ans.
Si toutefois , après avoir lu ce qui précède , vous n'êtes
pas convaincu que la chimie offre aux conquêtes de la
science, des groupes très-nombreux et de magnifiques
séries destinées à remplacer cette division en chimie
minérale, végétale et animale, et même en chimie minérale
et organique, qui sont l'enfance du savoir, étudiez aussi
rapidement que possible quelques combinaisons de carbone.
L'essence de thérébenthine , si utile dans les arts, a
pour formule G^* H** ; les vingt parties de carbone, les
seize d'hydrogène correspondent en réalité à la formule- C^
H*. On a adopté l'autre notation, parce que l'équivalent
de ce corps est représenté par quatre volumes de vapeur.
La carbonisation d'un mélange de poix et de Usine
produit un gaz très-éclairant , un charbon très-divisé ,
pouvant servir à la peinture , et une essence ayant même
composition que l'essence de thérébenthine , quoique
réellement différente.
DU SlfiCLB. 315
L*esseDce de thérébenthine est susceptible de se combiner
ayec Teau et de fonner un hydrate dont voici la formule :
C" H** 6 H 0. Cet hydrate, en se combinant avec l'acide
chlorhydrique , forme un chlorhydrate de thérébenthine
doot la formule est C" W Cl H.
L'essence de citron a la même composition que l'essence
de thérébenthine et se comporte de la même manière ; ainsi
de l'essence d'orange..,, et cependant que leurs odeurs sont
différentes ! ! !
Les diverses combinaisons isomères que peuvent fournir
les essences hydratées au contact de l'acide chlorhydrique
et de l'acide sulfurique , ont été , dans ces derniers temps ,
l'objet de sérieuses études.
Les camphres ont été reconnus des essences oxigénées.
La formule suivante, carbone 30, hydrogène 16, oxigène 3
(C" H* * 0*) représente à la fois le camphre du Japon , le
camphre de Bornéo , l'essence de menthe poivrée , etc.
Pourquoi le chimiste n'arriverait-il pas à fabriquer
artificiellement les essences et les camphres dont il connaît
la composition ?
Pourquoi une physiologie savante en chimie n'arriverait-
elle pas, soit à modifier les plantes de manières en faire des
laboratoires naturels, travaillant dans des conditions données,
soit tout au moins à développer les conditions d'action de la
fabrication des essences par les plantes qui les fournissent ?
Remarquons, avant de passer outre, que notre nomen-
clature , malgré les très-nombreuses corrections qu'elle a
subies depuis le siècle dernier, est très-imparfaite pour les
produits qui nous occupent et pour beaucoup d'autres
corps dont nous avons eu à parler, tels que l'alcool et
i'éther. Mais pénétrons plus avant au sein des difficultés.
Si l'on combine le carbone et l'azote, on obtient le
cyanogène, qui nous mène de nouveau à la chimie dite
animale, comme tout-à-l'heure nous étions introduit, par
desKransformations d'un autre ordre , au sein de la chimie
dite végétale. — Le cyanogène est le premier corps
découvert par la chimie moderne qui ait offert un composé
jouant, dans ses combinaisons, le même rôle que les
prétendus corps simples appelés chlore , iode et brame.
214 PHILOSOPHIE
La combinaison de l'hydrogène (H) avec le cyanogène (C*
Az) est parallèle à l'acide chlorhydrique et aux autres acides
hydrogénés ; elle est extrêmement vénéneuse et porte le
nom d'acide cyanhydrique. Les anciens la connaissaient et
s'en servaient dans les sanctuaires de l'antiquité, pour
empoisonner les disciples indiscrets ; mais ils ne la prépa-
raient pas à notre manière. — Il existe quatre combinaisons
isomères du cyanogène avec l'oxigène. Le chlore en donne
deux très-différentes : Tune gazeuse , l'autre solide. Des
combinaisons avec l'oxigène , l'une joue un grand rôle , par
suite de sa propriété de former des sels fulminants. Sont-ils
minéraux ou organiques ?
Si le lecteur a bien suivi ce qui précède , non-seulement
il a dû comprendre combien la division des substances
moléculaires, étudiées par la chimie, en substances
minérales, végétales et animales, n'a rien d'absolu , mais
encore , et ceci n'est pas moins important , que tous les
corps à étudier dans leurs propriétés moléculaires , par la
science appelée chimie , se rattachent à des groupes et à des
séries. La chimie ne sera une science claire, une science
faite, que le jour où elle aura pu parvenir à réformer sa
nomenclature, de manière à l'appliquer à tous les corps
distribués par groupes et sériés selon leurs principales
propriétés et leurs points de contact.
Cette distribution par groupes et par séries aura, dès
qu'on s'en occupera très-sérieusement et d'une façon
générale, un résultat pratique très-curieux: on reconnaîtra
de suite un grand nombre de corps possibles, dont
l'absence rend les séries incomplètes, et l'on sera conduit
delà sorte à des découvertes rationelles et non empyriques
comme celles du siècle dernier, comme beaucoup de
celles du nôtre. — Cette manière si philosophique de
considérer la chimie moderne n'avait pas échappé à Dumas,
alors qu'il s'occupait sérieusement de science. Il avait eu
aussi l'idée fort heureuse, au point de vue de la physiologie,
d'étudier l'homme sous le rapport des combustions qui se
passent dans son sein et qui servent aux manifestations de
son existence. Elle a été pour Gerhard l'occasion de deux
ouvrages, dont le dernier surtout mérite de grands éloges.
bu SIÈCLE. S15
Des ÀFFmiTÉs. — Tout aime dans la nature , disait un
jour, à Nantes , le grand astronome Herschell ; et il ajoutait
que souvent , dans la vie sociale , les affinités de deux êtres
ont besoin d'une étincelle électrique pour unir leur hydrogène
et leur oxigène. Une spirituelle plaisanterie qui lui fut faite
lui fournit l'occasion de s'élever aussitôt aux plus hautes
considérations. — Boerhave ne parlait autrement. Amour,
affinité, c'est tout im, mais dans des ordres différents. —
Mariage et combinaison , c'est tout un par suite , mais de
la même manière. Cette façon d'envisager la nature
conduit tout d'abord à considérer l'unité comme le produit
d'une dualité primitive. Prenons en effet les deux séries
des corps non métalliques et des corps métalliques ; exa-
minons-les, et nous verrons que l'activité spéciale de
chaque équivalent non métallique peut s'appeler affinité ,
amour même , si l'on place cet équivalent vis-à-vis d'un
équivalent métallique. — L'ordre animal nous offre des
individus mâles et femelles, pouvant être fécondés et
pouvant aussi féconder. L'ordre minéral nous offre des
molécules métalliques vis-à-vis des non métaux, et non
métalliques vis-à-vis des métaux. — Mais, dira le lecteur,
pourquoice mot affinité ? c'est de l'ontologie ; il représente
une puissanse moléculaire qui m'est inconnue. L'expression
force chimique ou activité chimique vaudrait-elle mieux ?
Non, sans doute, elle représente de la même manière
cette activité spéciale des molécules qui nous est inconnue
dans son essence et à laquelle il faut cependant un nom
pour la facilité du langage. Mais revenons au fait : si l'unité
résulte ou paraît résulter toujours, de prime abord, d'une
dualité , ce phénomène est-il assez général pour qu'on en
puisse faire une loi ? — Les chimistes qui ont admis d'une
manière absolue la théorie électro-chimique telle qu'elle
existe aujourd'hui, ont admis nécessairement, qu'ils l'aient
ou ne l'aient pas senti, un universel dualisme. Ils ont été
les fils d'Orphée , qui disait :
Jupiter est Tépoux et Tépouse immortelle.
Mais la science, dans sa rigueur, ne se prête point aux
conceptions à priori de notre esprit ; elle veut que ces
316 PHILOSOPHIB
conceptions soient résumées par des formules déduites de
Tobsenration. Un jour, M. Baudrimont se permit de se
demander si Ton était absolument dans le vrai ; il fit à la
doctrine du dualisme telle qu'elle était posée , une
toute petite brèche , et bientôt d'autres hommes éminents
s'empressèrent de l'élargir.
Si vous écrivez K 0. C 0^, vous admettez implicitement
que, dans le carbonate neutre de potasse, les molécules
de la potasse ont une certaine manière absolue d'être
groupées vis-à-vis des molécules de l'acide carbonique;
vous oubliez par suite qu'il y a trois corps dans sa compo-
sition, et vous niez la possibilité d'écrire logiquement K C
0\ sans que, dans l'état actuel de nos connaissances,
vous puissiez établir d'une manière absolue quelle est ,
dans l'être appelé K 0. C 0*, la disposition des molécules
K et C et des trois molécules 0^ vis-à-vis les unes des
autres.
Prenons pour exemple le sulfate de baryte , que les uns
écrivent Ba 0. S 0^ et les autres 2 Ba 0. S 0% parce que
selon les premiers, Ba correspond aux deux molécules
d'hydrogène qui se trouvent dans une molécule d'eau.
Si vous produisez ce corps avec l'acide sulfurique et la
baryte, vous êtes conduit à l'écrire Ba 0. S 0'. Si vous le
produisez avec l'acide sulfureux et le bioxide de baryimi ,
vous devez l'écrire Ba 0^. S 0^. Si vous le produisez avec
de l'oxigène et du sulfure de baryum , vous devez l'écrire
S Ba 0*. Cette objection de Gerhard est très-sérieuse.
Plus on étudie les sulfates, plus on reconnaît qu'il faut
moins tenir compte du mode de formation que de l'équilibre
établi entre le corps S 0' d'une part , et le corps oxidé de
l'autre, que nous appelerons M 0 (M signifiant métal).
Il suffit que le sulfate en question soit un sulfate de
cuivre, et que l'on mette dans la dissolution, du fer
métallique , pour remplacer un seul des quatre termes par
un autre. En somme, S 0"^ M 0 a tout l'aspect d'une dualité
électro-chimique , et peut-être est-il de 1 essence des corps
les plus stables de se manifester ainsi. — Mais croire et
enseigner que tous les corps minéraux soient ainsi constitués
moléculairement , c'est affirmer ce qui n'est pas prouvé, ce
BU SIÈCLE. 217
qui n'est pas probable. Le grand dualisme se retrouvera
cependant, il se retrouve partout, mais il a diverses
formes. Nous le venons ultérieurement.
Que faire, dans le doute ? Faut-il écrire désormais S Ba
0*, formule qui n'implique aucune idée préconçue, ou S 0*
Ba 0 , formule qui rappelle l'une des étapes philosophiques
parcourues par la science ?
Nous penchons pour la première formule et même nous
la corrigerions ainsi : S Ba^ 0*.
La vérité a été évidemment dépassée dans les ouvrages
qui ont admis la théorie électro-chimique et le dualisme
universel, comme règle très-accentuée. Le dualisme uni-
versel est un fait , mais il ne se présente point partout de
la même manière. Ainsi, quelle différence du dualisme du
vertébré au dualisme des amorphes : l'un est complet ,
l'autre informe et nidimentaire.
Les unitaires sont plus près de la vérité que les électro-
chimistes ; mais ils n'accordent pas assez à la dualité si
accentuée dans tous les sels qne l'on représente habituelle-
ment sous cette forme : M Qy N 0* (Ba 0. S 0»).
Groupbs et Séries Chimiques. — L'étude la plus
remarquable qui ait été faite dans cette direction est sans
contredit celle de Gerhard. En voici le résumé, tel qu'il l'a
donné dans son ouvrage :
Série de faxigène, comprenant les oxydes, peroxydes et jsousr
oxydes.
— du soufre, — les sulfure*, sulfates , sulfites,
hyposulfates, etc.
— de Tazote , — les azotures, nitrates, nitri-
tes, etc.
— du phosphore , — les phosphures , phosphiles ,
phosphates , sulfopbospha-
tes , etc.
— de Tarsenic , — les arséniures, arsénites, arsé-
niât., sulfarséniat., etc.
— du chrome, — les chromâtes, chlorocbrônia-
tes, etc.
318 PHILOSOPHIE
Série du manganèse, coaiprenant les manganates et permanga-
nates.
— du fluor, — les fluorures.
— du chlore , — les chlorures , chlorites , chlo-
rates , perclorates , etc,
— dubrôme^ — les bromures, bromat., etc.
— de l'iode, — les iodures, iodates, perio-
dates, etc.
— du carbone , -^ les carbonates et toute la dûmie
organique.
— du jbore, — les borates, fluoborates, «te.
— du silicium, — les silicates, fluosilicates, etc.
t— de rétain, -^ les stannates, etc.
La plus légère inspection suffit pour monter combien ce
travail si remarquable laisse encore à désirer, notamment
pour la série du carbone.
Des FàiTS de Catalyse. — Les molécules de la substance
f)ondérable sont susceptibles de deux sortes de réactions :
es unes donnent lieu à des combinaisons et à des décom-
positions véritables dans les substances rapprochées ; les
autres sont, pour Tune, des phénomènes 'de contact,
et, pour l'autre, des phénomènes de composition et de
décomposition : on les a dénomés phénomènes catalytiques.
Ces phénomènes jouent un très-grand rôle dans la nature ;
ils offrent à la chimie des voies toutes nouvelles; ils sont
de trois ordres et portent les noms de phénomènes de
contact, phénomènes de fermentation, phénomènes de
putréfaction.
Faites arriver de Thydrogène sur de l'éponge de platine :
il s'enflamme au contact de l'air atmosphérique. L'or et
l'iridium jouissent de propriétés analogues; l'argent et le yerre
aussi, mais ils demandent une température élevée. L'éponge
de platine suffît seule à transformer en acide azotique le
deutoxide d'azote et l'ammoniaque mêlés à du gaz hydro-
gène ^ et en ammoniaque, les combinaisons d'azote et
d'oxigène placées dans une atmosphère d'hydrogène;
DU SIÈCLE. 219
mais le noir de platine est plus actif encore. Placez sous
une cloche de verre du noir de platine ; faites arriver de la
vapeur d'alcool : elle s'oxidera et se transformera en acide
acétique. — Le noir dé platine peut absorber et condenser
plusieurs fois son volume de certains gaz. Une goutte
d*alcool versée sur du noir de platine qui a séjourné dans
de l'oxigène, s*enflamme et le platine devient incan-
descent.
Voilà des exemples assez diiïérents, et bientôt la liste
en sera plus longue. Pour ce qui regarde la catalyse nitreuse,
nous savons déjà que les corps poreux humides, les roches
calcaires humides et les corps en putréfaction peuvent
jouer un peu le rôle de Téponge de platine. — Faire un
pas de plus dans cette voie, qui nous donne déjà le
salpêtre^ ce serait employer à notre profit les forces gratuites
delà nature. — Les substances albumineuses et les ferments
servent, depuis un temps immémorial, à transformer
ralcool en acide acétique ; et, pareils à M. Jourdain, qui
faisait de la prose sans le savoir, combien de temps nos
pères n'ont-ils pas créé des phénomènes cataly tiques , sans
s'en douter en aucune façon ?
Sous rinfluence de Tacide sulfurique, Talcool se décom-
pose : il se dégage de Téther.
Faites une dissolution d'amidon, de gomme de fécule ,
de cellulose , de sucre de cannes ; ajoutez-y un acide
étendu , et surtout de l'acide sulfurique ; aidez , par une
douce chaleur, l'acide n'est pas altéré , et vous avez de la
dextrine qui , par une action plus prolongée , devient du
sucre de raisin.
La diastase jouissant de la même propriété pour l'amidon,
il entre de suite dans notre pensée qu'une diastase particu-
lière pourrait servir à transformer la cellulose en sucre
cristallisable. — La découverte de cette diastase nouvelle
changerait aussitôt la face d'un grand nombre d'industries
et modifierait singulièrement le fait de l'esclavage.
Au contact du gluten ou d'une matière azotée qui a
subi l'action de l'air, la glucose et le sucre de lait se trans-
forment en acide lactique. Cette catalyse a nécessairement
lieu tous les jours dans notre estomac.
SSO PHILOSOPHIE
Là traiisfonnalioTi btttyriqtie est du même genre; elle
a lieu quand on ajoute un carbonate à une quantité notable
de lait. On obtient d'abord de 1- acide lactique ; Tacide
butyrique se' prodiiit ultérîetù'ement, lorsque le corps
catalytiqtte s'est putféfté; '
Bans là digestion stomachale se pas^e-t-il un phénomène
catàiytîque ? Est-il petmîs d^appeler de ce nom la simple
liquéfaction des viandes, qu'il est si facile d'obtenir en
ddïors' dfe l'estomac, en les hachant préalablement, 'en
les faisant gbhflèf dahs de l'eau à peine acidulée d'acide
chlorhydrique, puis en les faisant chauffer doucement dans
du liquide stowacliàr artificiel ?
Qtiel^fues phénomènes de catalyse ont un autre caractère :
sous rinfluénce des matières animales de l'urine, Tui-ée
s'empàre^ de quatre 'équivatents d'eau et se transforme en
carbonate d'ammohittoue:
Sous l'action d'un ferment , de leVure de bierre , d'une
matière azotée pourrie, la glucose donne de Tacide carbo-
nique et de l'ateool.
Toute matière azotée devient ferment sous l'action d'un
ferment.
L'action des matières azotées sur les substances animales
produit la fermentation putride, qui est encore très-peu
étudiée. ^
Les phénomènes de catalyse jouent un très-grand rôle
dans le règne végétal et dans le règne animal. Mieux ils
seront connus, mieux nous saurons comment germent, se
développent, vieillissent et se dissolvent les êtres organi^-
ques.
DE L'ÉTUDE DE LA CfflMIE.
L'étude de la chimie et des sciences qui §*£ rattachent,
sera désormais la base des progrès industriels deThumanité;
elle pourra , elle devra singulièremait ajouter au bien-être
BG SliCLE. 9âl
des hommes. Pourquoi donc ne serait-elle pas généralisée?
pourquoi , dans les salles d'enfance , les plus jeunes êtres
ne verraient-ils peint se passer sous leurs yeux les réactions
les plus intéressantes, de manière à connaître, dès Tâge
de sept et huit ans , beaucoup des corps importants de la
nature? — Cet enseignement devrait être continué dans
les salles de la seconde enfance, et je ne vois pas pourquoi
les filles en seraient exclues.
Au sortir de ces écoles , ceux qui auraient de l'aptitude
pour les études philosophiques s'élèveraient à de plus
hautes connaissances.
Toute civilisation digne de ce nom a sa manière de
voir sur l'individu, la famille , la commune, les corpora-
tions et les autres faits sociaux. — A Dieu ne plaise que
je demande le rétablissement des corporations du Moyen-
Age; mais nous venons de passer en revue divers corps
qui se rattachent aux plus importantes des industries
modernes. Or, de toutes les industries, nous pouvons
affirmer, ce que nous avons déjà fait pressentir, que
chacune réclame un syndicat destiné à représenter, dans
Tétat actuel, qui est essentiellement transitoire : l** les
maîtres ou chefs des industries , c'est-à-dire la direction , le
capital, les instruments de travail, les outils; 3"* le talent
spécialisé, si souvent utile dans un grand nombre d'établis-
sements pour aider le chef , et 5*" les efforts laborieux des
ouvriers usuels, qui demandent des connaissances moins
étendues. Dans chaque industrie, ce syndicat connaîtrait
merveilleusement les possibilités de la production, les habi-
tudes de la consommation, le chiffre des apprentis néces-
saires et les besoins des familles. — La réunion de pareils
syndicats serait bientôt en mesure d'organiser partout
l'éducation professionnelle , — le travail pour tous les hom-
mes valides dans l'âge de force , — les secours à domicile ,
en cas de maladie , et la retraite après le travail dans toute
rétendue des pays sur lesquels elle exercerait son action.
Dans cette voie , on peut trouver la solution du problème
du piolëtan^t.
Les découvertes pratiques, que la chimie peut faire , ont
m rapport direct avec le bien-être de l'humanité. Le
10
3S3 PHILOSOPHIE
règne végétal et le règne animal doivent être envisagés
cornm^ deux grands laboratoires» au sein desquels» rhpmme
doit présider aux métamorphoses, de la substance pondé-
rable et aux phéiiomènes des impondérables.
Les découvertes plus philosophiques auront aussi leur
valeur. Ne serait-ce rien que d'arriver à réduire à deux
les substances de 1^ nature : l'une, Véther, impondérable;
l'autre, pesante et formant les corps que nous pouvons
palper? Cette découverte ferait ptpbablement disparaître
tout ce monde occulte de phénomènes inappréciés qui
donnent lieu au magnétisme animal, se passent autour des
tables dites tournantes et produisent des épidémies d'or-
dre moral. . .
Il y a environ dix ans, j'ai eu occasion de remarquer
chez trois opérés de cataracte, qu'une sensibilité exquise
avait persisté assez longtemps après la. guérisoUi L'une ,
M"' Godin, femme très-distinguée, veuve d'un lipu^ant-
colonel, me voyait comipe phosphorescent aux na^ins et à
la figure, et mon pantalon de toile plus grise que blanche,
lui paraissait un tissu brillant et argenté (sic). Aussi je suis
loin de nier les assertions de Reichenbach ; mais je ne
saurais les accepter sans les avoir vérifiées.
Les études de ce savant pcM-tent à conclure qu'il y, a de
la lumièsro beaucoup au-dessous da 0 de la vision, çt que,
pour quelques humains très-sensibles, cette lumière est
perceptible dans l'obscurité mathématique.
D'après lui, le bleu, le pôle nord de Taiguillô, la sensa-
tion du frais et te côté droit de l'homme, forment le pôle
austral. Le jaune, le pôle sud de l'aiguille, la sensation de
chaud, et le côté gauche, forment le pôle boréaL
Nous reviendrons ultérieurement suc cette grande ques-
tion. Hous avons d'ailleurs l'intaition de ij^constituer le
baquet de Mesmer, en mettant autour d'un table cinq
personnes en contact les unes avec les autres, chacime
ayant en mains les, deux extrémités d'un courant d'induc-
tion. Or, il est facile de rendre cinq courants d'induction
solidaires, en les faisant provenir du même aimant artificiel.
Que résultera- t-il de cette expérience? le ne sais encore :
mais ne serait-ce rien si elle conduisait directement à
BU SIÈCLE. 233
relier plus étroitement qu*fls ne le sont , aux autres phéno-
mènes de la nature , les jfthénomènes !de la vie sociale , de
la TÎe InteUeclucfle et de la vie morale de Thomme ?
ESQUISSÉ HISTORIQUE
DES KÉVOLTJTIÔNS DU ' GLOBE.
Cette terre qui nous porte, si grande à nos yeux, ce
grain de sable dans l'immensité, sur lequel s'agitent les
desiiflées humaines , a-t-elle été créée en un seul jour, ou
s'est^Ue individualisée au sein d*une substance préexis-
tante? Est-elle un être inerte, ou serait-ce, comme le
disait Platon , un animal divin ? Refuserons-nous de croire
à sa vie ou devons-nous la considérer comme pourvue de
cinq organes : l** Tair atmosphérique; 2^ les mers; 5** les
continents; 4* le règne végétal, et 5** le règne animal ? De
quelle manière la nature a-t-elle modifié la constitution,
rétendue et le poids de son atmosphère, la salure et la
profondeur de ses mers , la hauteur de ses montagnes , la
surface de ses continents? Comment a-t-elle dirigé le
développeitient de ses espèces végétales et de ses espèces
animales ? — Faut-il croire au grand déluge universel de
la BîNe ? Faut-il croire que vingt- sept fois, faisant Tou-
Trage de Pénélope, la nature ait entièrement détruit
tous les êtres qui vivaient à la surface de notre globe,
pour reconstituer aussitôt après , par vingt-sept créations
nouvelles et complètes , les essences végétales et animcJes,
arrivant alorstout d'un coup et de prime-saut aux créations
les plus complexes en leurs organismes et les plus distin-
guées sous le rapport de la perfection de leur système
nerveux'. — En présence de si grands phénomènes, devons-
nous comprimer toute exaltation vers le mystère et le
grand ineonnu qui nous domine ; ou , croyant à Tamour
universel, à cette chaleur qui pénètre les âmes et qui
partout se ffeit sentir, pouvons-nous regarder la providence.
224 PHILOSOPHIE
cet ensemble d€s lois de la nature, «opme un jardinier
très-habile , comme un éleveur éaiérite , dont la prévoyance
infinie aurait cru devoir renouveler souvent le milieu des
êtres qui lui donnaient les plus grandes espérances, afin
de les amener à leur parfait développement? — r N*étalt-il
pas nécessaire, pour obtenir la plus grande perfection de
leurë organes, de nettoyer souvent cette 'étable en laquelle
ils étaient placés? Notre pensée sera-t-«lle humble et
défiante en présence des grandeurs de l'uoivers, manifestées
sur notre globe ; ou bien , plus hardie , doit-elle les interro-
ger sur le plan^ d'ensemble de ce qui est accessible h nos
investigations, sur le but et la fin des <?hoses' que notre
intelligence peut embrasser î
Oh ! science, divin flambeau, porte partout la lumière,
et mon esprit racontera* selon ses hnpvessions, les ehoees
qu'il aura pu considérer à loisir; et, sous Tinfluenee d'une
grande clarté, celles qu'il n'aura distinguées qu'à grand 'peine,
celles encore qu'il n'aura fait que pressentir-
Un premier âge stellaire ou minéral, un second Age
terrestre et organique, nn troisième humanitaire, qui
commence à peine > se partagent le passé de la vie de notre
globe.
Le premier de ces âges se divise naturellement en cinq
périodes; le second, en trois ; le troisième, en quatre.
11 fut un temps où notre planète n'existait qu'en puis-
sance d'être, au sein d'une substance singulièrement divisée.
Ses atftmes remplissaient alors de leur matière , moins
condensée peut-être que notne atmosphère actuelle, un
plus grand espace, ou, pour mieux dire, une plus grande
parcelle au sein de l'infini, et faisaientpartiede l'atmosphère
excessivement dilatée du soleil. ♦
Les temps succédèrent aux temps; mais la mesure appelée
jour n'existait pas encore. La substance gazeuse se conden-
sait à la limite de la sphère d'attraction du soleil, dont une
force centrifuge Técartait sans cesse. Cette condensation
créait le noyau du globe, aux dépens duquel nous devions
ultérieurement nous former, tout en produisant une
immense chaleur, dont une partie se perdait dans les
INI 6I£€LB« 2io
espaces, tandis que Tauli^ Eiaiatenait la matière, non
gueuse à l'état >de, fusioD^ . - .
Emanàa 4e la ^staaoe du- grand astrie qui produit
autour de lui lumière: ei ohalieur^ la lierre vit à sqn.tour
se former, à la limite «de. sa aphèffc diaetiouvua satellite
ou compagnon de sas péd^^grinationa oéle£i|tes. . .
Lesifoîs de mieux: ea nteuxicoonue^de Ia|)ol4rité„ nous
eii^u|iierotit 4 avant la fin dasièelO/^ le eomm^nl d^ $à vie
et une pariie^de sa. mission.
La terre fut d'abord pour aon satellite , comme tin ^leil
aux flaiomea ardentes^ au-desdous desquelles «se. trouviait une
atmosphère do. vapeurs saltness ga£ GK^nd^saUea \m jour,
puis le noyau brûlant de son gl<Ae, .
Les temps auoeédèrent au temps. Lea jours qui avaient
pani depuis la fenaatîoBet la rotatioadu gleibe sur son
aie,, succédèrent aux jours. Les gaz enftammés s'éteigni-
rent» ei l'atmosphère de vapeurs salines se GQndensa» {iUle
retomba sur notre terre qui était une sphère molle et
brûlante ; puis les réactions violentes diminuèrent peu a
peu et le calme naquit.
La planète était alors entiècement couverte de dépôts
amoEphesou cristaUsés; les vapeurs ré{>aBdues dans l'at-
mosphère étaient très - condensables. Cette atmosphère
était elle*même impropre à la vie d'un grand nombre
d'êtres organisés ^ et les eaux tenaient en suspension une
masae eonsidérable de substances salines^ que plus tard
leur refroidissement devait laisser déposer. Toutefois la
chaleur diminuait graduellement et le moment arriva où
les moléeuks vésiculaires purent se rapprocher et s'associer
les. unes aux autres^ Ce fut alors le second âge de la
planète; elle possédait une atmosphère, des mers, et 1*}^.
premiers continents ne tardèrent point à, ém^ger.
La période primitive ou palœosoïque du deuxième âgo
de. la terre a été signalée par trois révolution^ dans la
b»9ne de sa surface. Nous leur devons les plus anciennes
inontagnes. du monde ; eUes eut été le point de départ de
cinq h six formations géologiques très-importantes. Six
révolutions nouvelles et quatorze à dix-neuf couches do
326 PHILOSOPHIE
terrains nouveaux se produisinent pendant la seconde
période. La tnoisièine a été signalée par 4n)is cata<»lysmes
et la formatÎKHii de six icooehes successives. Le tmisième âge
de la terrei a poiu* 4ate relaVîTe la fonHatHm de la chaîne
printipdi^rdeSiAlpes^ eiti se divise en quatre périodes*
I>a ppofùiàre anti^historique V^l^'^^^'otide a ctéé fes dvi-
lisaiionslinKloue, mazdéeiHiev égyptienne^ babylonienne,
juive'f oeltàqnB', grecque; bouddhiste , chinoise , et nous
ammène) au premier siècle de notre ère. La troisiènie a
créélejnoyieahàge et l^islannsme ; ^He s'est termmée aux
grande» déDOUverles du XV' sièdè et du XIV% La quatrième,
queil'onpfaut appeler sciemliifique; a terminé sa première
phase à la. fin du dernier siècle.
Revenons/ k la première période du deuxième âge. Cette
époque a. présenté trois viotmtes révolutions: ttx)is fois au
moins, à de grandes distanees, selon les temps, les liquides
intérieurs ei brûlante de la planète , pressés outre mesure
par le: restait de son écoroe, la déchirèrent et produi-
sirent à sa surface ces cmduiations, ces aspérités que
nous appelons des montagnes.
Les premières, que la géologie considère comme du
même ftge que le Westmarelflnd et le Hundsruck, sont
dirigées E. îV S.
Las secondes eorrespondent aux Vosges , aux collines du
Boooage de la Vendée, à celles de Tancienne province de
Noroaandie; elles sont dirigées £. 15"^ S.
Les tPOi^èmes se rapportent aux montagnes du nord de
r Angleterre; elles sont dans la direction S. 5* E.
La hauteur des montagnes est en rapport direct avec
'.Tépaisseur de la croûte du globe aux lieux où elles se sont
formées , et dans les temps où elles se sont produites ;
il est donc naturel que les plus récentes soient en générai
et de beaucoup les plus élevées.
Les formations géologicpies que les soulèvements des
montagne» du globe ont mises en évidence , sont loin d*être
parfaitement connues pour leur nombre , pour leur étendue,
pour leurs fos^les. L'inventaire de la planète n'est encore
terminé ni pour ce qui concerne sa flore et sa faune , ni
B17 SfÈCLB. 227
mtee pour beaucoup de faite géugraphique» d'une gronde
impoiluiee: aussi -giirftoii&HMusi de croire que tes terrains
silaneu 4 inférieure sufiémur^ i^ l'étage (Mvonien \ «que
les terrains oarbamAf6$ soient! absotamenc dus à des révo-
lutions générales pour la surface «ntiière dei ta 'pianèle. Déjà
les études de Marie RouauU, spr^ks terrains p6iéî9fi<M[çues
de r4)uest de la Franee, et sa magnifique' icolteeiion ,
démontrent le eootrain». — Tandis que la .vie sé^ montrait
au dehors des terrains qu'il a étudiés, sous les > formes^ le$
plus révoiuUamiaires-; ici, pltt6>'plâoidey eUe «ar^aitiaTec
calme ot en i quelque sorte d'un oudu^rainent sileti^eux.
Où Ton ne eoaMÎssaits ilj a iqnciques années f'qaeioihq à
six familles de fossiles, le conderrateurdu nraséedeilenties,
ce pAtre devenu d'abord perruquier, puis savant géologue,
ea a découvert de cinq' à six cents; et la continuation 'de
ses jpechecebes conclut à .^tiMtr quatre: étages nauvea«Ët et
diién^ls, là oà les géc^ues en établissaient deux seule-
ment. Il y a trois «as ài peine de cesi découvertes* villes
n'ont eu po«r théàtte «qu'un pelit coin de la France
seotement : que serait41anivé si, partagé <en départements
géologiques , le monde entier avait eu quelques centaines
éè Marie Bouault préoccupés de l'étude de son éeorce? et
comment eroire<aux affirmations si absolues qui* tondent à
établir que la terre présente tout juste vingt-sept étages
géologiques , pas un de plus , pas «n de moins ; que l^hacun
d'eux a élé, en son temps, général et urriverscA; que la
nature aurait marché d'époques critiques en époques orga-
niques, sans transition? Autant vaudrait dire, pour l'Age
humanitaire)» que- Sœsostris^ qu'Alexandre, que César,
que les Mahométans et que Napoléon Bonaparte ont con-
quis, en leur temps, le monde entier.
La providence , que nous ne connaissons que par les
grandfi> lois de la nature , ne crée ou plutôt ne forme rien,
ne combine quoi que ce soit avec les éléments dont jelte
dispose en un lieu el en un temps donné , que graduelle-
ment ; par cela même , n'ayant pu produire que sucoessi-
TeiBeot les végétaux et les animaux, elie a procédé du
simple au composé, leur donnant d'abord des organes
d'imbibition , rudiments des organes digestifs, que suivent
228 PHILOSOPHIE
ensuite 4^ .or^nos respi£«.toires, de^ organes du mouve-
ment, des organes générateurs, puis enfm des.orgaae3 de
circulation et de sensibilité de^ plus, en plus déYeio(>pé9. 11
n'est dgpo pas étonnant ,de, ne trouver dans les ancieus *
dépôts de.rjejlage le plfis inférieur des formations géologi-
que$ , 4aos^ cdui qui se trouve placé $ur. des joches dans
lesquelles la vie orgailiqw n'a pas .encore été eo^stalée,
ni les maottCères akml le. système nerveux, cérébral est
relativ;eip6nt si parfait^ ni des oiseaux aux vastes poumons,
ni des reptile^i nimêm^ despoissons das ordres supérieurs;
mais.quâlques poissons très-in£érieurs, des animaux, aunelés,
des triiobitesj des. mollusques, céphalopodes, gastéropodes,
brachiopodes^ des écbinoderme^ , des t polypiers et des
aninaaux sajas forme ou amorphes. Parmi les genres de
cette époque que Ton a*. retrouvés,. combien qui devaiejoit
mourir dans ÎVtage supérieur, combien qui devaient
s'amoindrir, disparaître ou so transformer par suite des
conditions nouvelles d'existence qui {Mouvaient et devaient
développer, amoindrir ou déiruire leurs vies ?
U est \m fait dont il faut bien temr compte en étudiant
la loi du progrès dansles développements organiques ; c'est
que cette loi a été souvent mal formulée , qu'elle est loin
d'être aussi simple qu'elle le pourrait paraître à des yeux
ininCoUigents. — L'ai'bre zoologique nous présente de
très-nombreux geores qui se rattachent à des ordres diffé-
rents, c'est-à*-dire de très-nombreux rameaux entés sur des
branches différentes. Tandis que cet arbre développait
incessamment sa vie et poussait verticalement, tandis qu'il
subissait le progrès qui existe entre les animaux vésiculaires
et rhommte, qui en forme la tige très- verticale , ici, des
rameaux, depuis longtemps évolvés, mouraient sur diverses
branches, et les braoches latérales elles-mêmes s'arrêtaient
dans leur évolution. Partout du reste la même loi ; la
civilisation scientifique, née après de grands cataclysmes
humanitaires , n'est que le rameau vertical do la civilisation
indoue. Les branches mazdéenae, égyptienne, babylonienne,
juive, bouddhiste, chinoise, celtique, g^manique, ro-
maine, mahométane, et la, civilisation du moyei><-Age, se
résument daus^ la civilisation scientifique » comme l'homme
DU SIÈCLE. SS9
résume tous les organismes; mais toutes ces civilisations
sont, depuis des siècles, 'ftde§ états différent» d'arrêt
oudètncnrt pltis ou moins (^tiyptète: ^
Tlràttsporlons-Doiift itiérkitéttàttt , paria pensée'; artt sein
delà première période' p*féo5Éôïqtie, «fu débiitwW
i^ terre^re: cette pfètofere période;, la ^tifetoe ^de îaf vie
dft globe, se manifesta Ji notï*e e^prit'pdr'k'CiMillmumion
du pefcpidissemeïît; LêS' eaili ïdtf lent à I»' surface 'de la
terre , les anfractuosités des* mers sotlt felatitéittent bien
moins profondes que de nos jouw, et les montagiiès moins
#^ées; des plantes et d^'toîmaîix, pamUètenJent aussi
iirferieurs , se produîseilt selon les conditions phjisioldgîques
du plan d*ensemble de îa nature entièiîB et de la planète,
k la surface des terres qui éuiergent. Les montagnes do
cette époque sont autant de placentas véritables pout • des
milliers d'êtres; et si un 'instant'le grand» arbre deiï ries
organiques semble n'avoir de prime^àbord qu'une seule
souche, de suite et en quelque' sorte inslaWanément il s«^
biRmiue au moment de son apparition, comme' de nos
jours encore dan sles expériences de Gros, sut* les englènes.
— Fils des premières vésicules organisées, les premiers
végétaux et les premiers animaux arrivent promptement à
des oi^anes plus complexes et même aux deux sexes. Ceux
qui doivent devenir ultérieurement parfaits semblent
prendre plus de temps , dès ce jour, pour accomplir leurs
traosfcH'mations. De longues années, l'électricité, la cha-
leur, le magnétisme du globe, cette force que la géologie
oublie sans cesse en ses récits^ Fabondance relative de*^
substances nutritives, tels furent les premiers facteurs du
développement des premiers êtres;
Nourrir, évolver, conserver les individus , les multiplier
et les reproduire, voile, remarquons-le bien atant dépasser
outre , le but de ce que nous appelons vulgairement la vie.
Ces phénomènes étant tout-à-fait physiques , sont essen-
tiellement du domaine de l'observateur. Il manquerait de
pMosophie celui qui ne demanderait pas aux lois de la
nature les règles àes changements intérieurs qui se moni-
fesient et dans les corps inertes et dans ceux dùni la vie
est plus apparente, celui qui rie considérerait pas les
10»
330 PHILOSOPHIE
phénomènes observés dans les corps vivants comme des
faits pbyaiqae»; et qai ne régavdevaif pas rorganisation
(XMmne ia manière d'èt«e neroiate des coi^s qm ne peutent
erislalliser.; parceiqtie, composés de véécules 'perstsCaâtes
et mm ^nbrjHtnaires*, coDOHke ddles. qui précèdent ta cm-
tallisation de& mioératts (ou tout m moin.s àé eertaîns
min^uo:)» leur crislaUtsatipn, À eux, c'est d'être giioappés
de manière à focmeréestiorganes vencqplissant des^ fcmotioiis
de pkis.en phts élevées. U maniiiierait encore de philoso-
phie;, cehû:<pii9 après avdr rémarqué que tous les aninianx
ne sont pas susceptibles de {>eii9ep, de vouloir ^ d'éprouver des
sensattf>fiSv ni mèmede faire volontairement des mouvements,
ne chercherait pas^ soiit en étudiant les es|)èces animalc^s ac-
tuelles, :^oit en étudiant les divers terrams géologiquei où
sont: ensevelies les premières espèces, à se rendre compte
des trafiflitioinsdan&la graduation des facultés e^la multiplica-
tion.de&organesaufar etimesurequeron passe deKune des
sériesi inférieures aux séries supérieures, et d un terrain ttès-
piimÂtif.à dee terrmsde plus eu plus récents, pour l'étude
des fos»ile& qu'ils présentent à notre observation. Aurait-dl
le moindre esprit d'observation, celui qui ne remarquerait
pas que plus les coucbes géologiques sont vieilles, plus sont
inférieurs aussi les fossiles qu'elles renferment ?
Démreux de faire bien comprendre comment le progrès
géologique s'est manifesté à la surface de la terre et sûonl-
tauéoient, dans l'émersionde montagnes nouvelles, dans
le i^u»mimi des mers. et la réduction de leur surface,
dans répuration de l'air <it des eaux, dan» le développe-
méat des organes des espèces animales et végétales qui
sont arrivées par suite à présenter de nombreuses espèces
nouvelles., aussi variées pour les formes que pour les
fonctions, nous allons continuer à faire mavcher de front
l'histoire du progrès de^cioq organes de la planète, à savoir :
l'air atmosphérique, les eaux, les continents, les espèces
végétalest^t les espèces animales. Remarquons, en passant,
que cette énumération des organes de la terre correspond
à l'ordre de leur développement, et qu'il est épriùri très
naturel de penser que cet ordre sera aussi celui de leur
progrès et de leur complète évolution.
hV SIÈCLE. 931
La terre, continuant à se refroidir et par suite à se
contracter^ la croûte oiieiMrebppe qui* s'était formée à sa
sorfaee.pril encore du retrait^ se teomta plus étroite qne
la jnasse ^nvelopi^ et -trop peu solide pour résister
égideiaent partout aoxréaotionsi intérieures d^ ciatte masse
brûlante q^'éHei renfemnaît/De là des^famures-et des fentes,
le aoulèvejnent de certaines. partitts^ 'Tobaiiseaiient' de
quelques autres , et le redressement 4e couehes horiBonta-
lement déposées. Un érèoement de eette nature fit mllir
les Vosges , Lee collines delà Nonnandie , du Boœage de* la
Vendée, et eelks de k* Bretagne qui sont dirigées de
rOae&t à r£st> A part» i de oette rév^iflion nouveite , les
cinq organe» de la- t^me soient aeeéiéper leur motivement
de j[»ogrè&; le nombre et retendue des lle^ émergées
derient plua c(Misidérable ;- les pAlesne i(Mit pas encore
assez refroidis pour présenter des glacer. D- immenses
brouîlbirdS) duft à l& grande évaporation des eaux , s'oppo
sent , la nuit , à :1a déperdition de la chaleur terrestre par le
rayonnement, et prolégeui les plantes et les animaux ,
peiadant le jour, c<»itre iWcàs de tempéraiure(, de manière
à eré^ pour la terre entière une olimature à peu près
égale*. Un air moins impur que par le passé couvre la
surface du sol' : môle d'une f^imde quantité d'acide carbo-
DÎqne et de vapeur d'eau ^ plus loivd et plus puissant en
énefgie réfractiye <|ue aotra airactnel', surtout aut parties
iirfàrieurea^ il prolonge le» jours par de plus longs crépus-
cules ^ retardant Tappontion, ohé? le^ animaux, d'ori||anes
pulmonaires perfectionnés , s'opposamt par smte k la ptx)-
ductien d'un emni' douUe, à deus ventricules et deux
oreilloUeft, à la parfaite >ciréttlalion du sang qui ene^ la
ecmséquenee, et au développ«ineiit du système nen^eux
qui se raaaclie d'une taçoa sâ intime aux progrès de la
circulation. — De là de grands obstades à rapparition des
mammifères on animaux vertébrés pourvus de mamelles ,
et même à orile des oiseonif, dent la respiration est si
étendue. Mais ces <A>staoles étaient moindres pour les
reptiles et pvesque nids pour les poissons : «ussi les terrains
paiéosoïques , dont Uente^im ordre sont «eennfos, nous
offrent-ils, sur ces trente-un ordres, huit ordres de
332 PHILOSOPHIE
rayonnes, neuf de moUttsquôs, onze d'annelés et trois
seulemeni de verliélm^Mérieiiiis.'ûue ces vertébrés 'soient
élevés, pour leurs forme» v daûs les* séties auxquelles- ils
appaFtiennçjnt , pensonne! ne ïe tonlestei; «aais que ïwtmTe
ce fa^r sinoA que dèeKl(»r6 les xaiUeus, teè^iiapix^TeBiaux
oiseam^ aux manuoifèrea et à rbomme de notre époque ne
percuiettaieint aun Yieâai[iiaa4le6de se développer que sourdes
{ori^e^ nûeu^L appropriées aux eoiKiiEtion& d*eiListe&ce* qu'ils
préÉientaiettt.
D^ mèsae que chaque période humamtaîre ' a eu sa
civiliâatiQn dQipinatrko et prépondécanle ^ créée par des
antécédents^ et pac un milieu approprié; de même aussi
chaque époque géologique a eu ses- organismes domina-
teuj^^ Alors, comme a:iqourd*hui, tout était donc en
hari^onie et marchait vers le mieux. Etudions^ en effet ce
qui se passait lorsxle l'époque carbonifère.
De hautes montagnes n'avaient pas encore soulevé leurs
cimes en dehors de la sphère d'aGt*<Hi de la chaleur into-
ricMiffe de la terre ; il n'existait ^ à proprement parler, que
descoUioes élevées, sans nieigesni ^aciers. Rien ne refroi-
dissait les vents; ils ne rencontraient nulle part les sommets
des Gordillières, des Alpe^ et de l'Hymalaïa, qui divisent
aujo4>rd'hui les courants d'air, en abaissant leur température.
Nos^pays européens devaient nécessau^eoieut jouir alors et
jouissaient en réalité d'une dimature analogue aux chaudes
joumé^fi des contrées iniertropieales. Toutefois, la plus
gra^e partie de notre Europe se trouvait encore sous les
eau]^ ; ma^s d'immenses tourbières augmeortaient la surface
des îles qui existaient et dessinaient ces contrées qui
devfuent être un jour ie» terrains houillers. Kn Europe , en
Amérique» dans la NouveUe*-Hollande , la végétation pré-
sentait partout les oièmes plaates ou des plantes analogues,
exigeant des eonditions de vie à peu près identiques:
c'était des cryptogames vasculabes > des fougèoes grandes
coflikmet no^ ambres, des lyoopodiacées, des équisétacées
gigantesques, et d'autfes encore voisines des conifères et
des cycadées, dont les analogues ne se retrouvent plus
aujourd'hui que sous le climat brûlant des Tropiques.
Des insectes, des poissons, et même de volumineux reptiles,
B0 SIÈCLE. 255
aoiiqaieDt déjà les terres et les mers de cette époque.
L'éleatfkité produdle pAr.4a^va|MiMftîon des eaut et par
l^gil^tiQa.id une «UB06ph^ pla» dame, était ^oe scmrce,
\m finuf^ nécessaire de grands r phénomènes aéfierls. De
l8mps.i^>auliei9'desioiageadont'C0as despaj'd intertropieaux
paui(eQt« à peine nous donner inne idée, éévMtot iKMite-
vaisQr ]a natuie, entière, hediant et dérafcititot tes atiyi^es,
et t^akyAnitipat des ipines 'torrentieUes tout ce qili se
trouvait sur la route des eaux. Les plaines et les beteaux ,
surtout, perdcâenl' leur ebeveloreiperdoyatHe, qm s'arrê-
tait (^ les -tourbièees ^ au milieu de«i grands hèrtmgés.
Bieobtôt ce dépôt était reooa^evt par des couches de v^se
ou de sable enlevées aux* c6te.aux' voisins, et c'est* ainsi
que,, pi^r des stratifications suoeessères de earbone et 'de
ûlcj^e carbonifère, de acbiste (1) ou ée grès hotliller, le
globe se préparait à des^ p^odes noorvelles et balançait
rdctiou. et le dévoloppement de^ se» eîDfq organes : Tat^o-
sphèreetle» eaux qui se purifiaient sans cess^, les continents
qui. ausqfkentaient en-mu^face, les "végétaux et les animaux
qui joaai^haieAt chaque jour, par des progrès nouveaux
dans leur» organisiiiiee, Ters notre époque contemporaine.
Ces grands drames dee soUtudès de l'ancieh m^nde
a'4|ai6iût |mbu» saiisipoiésie : de^temps à autre, au milieu des
violentes reammotîoos- de la nature bouleversée, la mer,
mm^ pcofonde que de nos jours^ s'élançait au loin sur
les terres a{4a4ks de ses rives, produisant d'immenses
inondatioo9i9 des délavas vérkables*; tandis que k^ réactions
iutérieures de la. chaleur du globe poussaient sans cesse,
à trarers les couches » de sa surface , -des granits , des
porphyres quartzUères, ^«s serpentines, des euphotides,
des diocites , roches ignées eincore brûlantes , échauffées à
[a chaleur de ses entrailles , qui deraiefil produire suir leur
passage les violences les plus éponvvintable». Puis, par
intervalles^ tout reirtrail dans l'oràreel le cahne renaissait.
De QQmbreuseâiret {ertileà> alluvions^ s'élemient alors au-
(1) Oo sppeile schistes , de» rocher^ <jpB se divisent par Iums ott par faailies ,
catRne feiraraéises, et qui 'en ont la teiturë. On appelle ^rès, les roches siUceuses
formée» de aabtes féiiais par un cimefit qaarlzeai.
a:
254 PHILOSOPHIE
dessus de la ligne ordinaire dés eaux ; bientôt elles étaient
couvertes d'une végétation luxuriante , que de nouveaux
orages, et de grandes ooiomottons ensevelissaient encore
pour les besoins des tempsià ^enir. Ainsi Vair atmosphé-
rique et les e^aux continuaient ii se purifier par des dép6ts
dontrio^porta^ee est facile à oampreiidre, quand on songe
que tout le carbone de notre atmosphère ne formerait
u'une couche de hauiUer d un millimètre 3/10 à la siuface
u globe, ^t qu'il {aut un siècte de végétation forestière
sur la surface qu'elle recouvra pour produire l'équivalent
de 16 miUiajiètras de houiUe. Les calcaires , en se déposant,
foucnissaiefît un élément de plus à la transformation de ce
qui existait. D'un côté, le calcium avait absorbé de l'oxygène
pour se faire chaux ; de l'autre , la chaux, soit directement,
soit pardouble décomposition! se transformait en carbonate.
Le fer carbonate lui-rmèmev si commun dans cette forma-
tion, solidifiait, aussi lui, une masse considérable d'oxigène
et d'acide carbonique: de la sorte se' produisaient des
dépôts successifs de calcaii^ bleu avec couches de houiUe,
de fer carbonate , de schiste avec eouches de houille , de
grès houiller, qui composent la formation dite cart>onifère
ou le terrain de transition supérieur.
Au fur et à mesure que nous avancerons vers l'époque
actuelle , les plantes et les animaux se rapprocheront, pour
leur ensemble 1 de ceux qui vivent aujourd'hui sur nos
continents et dans nos mers ; il est môme possible , pour
quelques espèces, de retrouver leur filiation directe jus-
qu'aux premiers jours. Les espèces végétales et animales ,
soit qu'on les classe dans l'ordre naturel et scientifique ,
soit qu'on les i^nge dans l'ordre géologique qui est celui
de leur apparition, forment toujours deux s^es semblables
dont les organes, sont de plus en plus parfaits.
Ne nous faites point dire que chaque série animale ait
marché constamment sur une seule ligne ; que les végétaux
et surtQiit les animaux soient deux arbres sans branches.
Loin de nous cette erreur. Mais nous entendons qu'entre
les points extrêmes , il y a une distance immense dont le
parcours «xi^aît l'accomplissement d'une muUkude de
progrès organiques.
DU 8IÂGLB. 935
Les soulèvements du Hundsmok et des Ballons avaient
exliaussé les dépôts antéiienars ; le soulèvement du nord de
rAfigleterre et « tapoînte occidetitalede ia Basse-Bretagne,
attffibaé«n Angleleppe à rérupthm dès roches trapéennes ,
m Ba86e-Br«tagtte à eelle des nochers amphiboliqties ,. vint
donaer oaîsssnDe à un^ iiouvelle ph«tse de la vie de la
terre.
VIII' PÉmiMB. — C'est alots> que se forme le terrain
dit pénéen. Dn mmveau grès rouge,' renfermant très-peu
de restes organiques, quelquefois des schistes bitumineux ,
du caloftke mftlé desohiste que l'on appelle zechstein, voilà
les éléments de ees dépôts qui devaient commencer la
série des terrains secondaires.
Las gfès des Vosges, les terrafins de trias, les terrains
jurassiqnes, les terrains crétacés inférieurs et supérieurs,
se sont sueeessivement superposés au dépôt pénéen. Pen-
dant éMe période, six révolutiems importantes, six
caCacljrsmes très^tendus ont brisé la croûte de la planète
et redressé en montagnes les parties appelées aujourd'hui :
Le eystème des Pays-Bas et du pays de Galles ,
Le système du Rhin ,
Le système d^ Thuringenrald,
Le i^stêrae de la €ôte-d'Or,
Le système do Mout-^Viso,
Le sysième des Pyrénées et des Appenins.
Les reptiles étaient twes dans la houille ; ils venaient à
peôie de paraître. Us deviennent plus communs dans le
terrain pénéen, formation dans laquelle on remarque aussi
des plantes de la famiUe des conifères.
Au-dessus des grès rouges, on trouve quelquefois des
schistes bitumineux r^ermant des algues et des conifères.
Le zechstein est postérieur; il se compose d'assises de
schiste mttées de calcaire. Les eaux thermales de cette
époque, beaucoup phis puissantes que les nôtres, pa-
raissent avoir contribué à sa production. Celle formation
est peot-âtre la première où Ton trouve des sauriens
analogues à nos crocodiles et à nos caïmans actuels. Mais
les poissoQs analogues à ceux de la houiMe ne reparaissent
plas ensuite.
256 PHILOSOPHIE
Passons aux terrains de trias. On appelle ainsi ce dépôt,
parée qu'il est formé de trois ptotfaits géologiques : de grès
bigarré, de- calcaire , coqàlHiér et de marnes (1) irrîsées.
Ce temiitt a en outre quelques dépôts de chârbcta fossile,
et spuvent ses marnes fosriles renferment des amas de
gypse ou sulfate de chaui; et de sèl mariri ou chlorure de
sodium.
©ans la Hesâe, le grès bigarré- aicônservé les: empreintes
des^ pieds des battraciens. En • Amérique, on y trouve
des^ empreintes de pieds de volatiles; mais il ne me paraît
pas probaWe que ces volatiles fussent des oiseaux aux
poumons absolument j)areîfe à ceux de nos oiseaux mo-
dernes t l'air n'était pas encore asseï pur pour les besoins
de leur respiration. Le calcaire de cette époque est surtout
très-fiche en débris organkjues. Tandis que de nouvelles
espèces s'ajoutent au règne végétal, le règne animal
s'avance vers une plus grande perfection et s'élargit; il
s'enrichit surtout d'un nombre très-considérable de co-
quilles. •
Les roches qui traversent les couches qui nous occupent
ou qui faisaient irruption dans les terrains de cette époque,
et que la réaction des forcés intérieures du globle poussait
à travers son écorce , étaient dii granit qui oetait s'arrêter
aux terrains crétacés, des porphyres quartzifères qui n'ont
pas dépassé les terrains jurassiques , des traps et diorites
qui ont atteint les terrains tertiaires, et des mélaphyres
qui paraissent avoir été éjaculés par le globe à partir de la
fin de l'époque- carbonifère.
Les couches calcaires plust>u moins marneuses du terrain
jurassique, alternent avec des couches d'argile. Les étages
supérieurs portent le nom de calcaire oolithique ; son étage
inférieur est appelé lias : c'est un calcaire dans lequel
on trouve une énorme quantité de gryphées^ arquées; il
recouvre une couche de grès. Pendant cette époque , qui a
dû avoir une longue et pacifique durée , les progrès de la
vie du globe ont marché régulièrement et sans catastrophes.
(i) Les marnes sont des argiles reofermant beaucoup de carbonate de chaux.
IHJ SIÈCLE. 257
Purifiée par les dépdu de calcaire .at de.carjboqe, r^tmo-
sphère, reaferaxaU.dç9 animaux supérieur^ à' ceux des
époques précédentes. Dès lorSfYivaieQt dQs.lézatrds -violants.
Dès le lias, on trouve des sqi^eUos de {désia^auses de
sept mèUes de longueur» des icthiosa(^^^. d^ quatre à- cinq
mètres. Ces animaux, moitié lézards, moitié poissons,
devaient être d'une grande. voracités On trouvei aussi dpns
le li^s des ptérodactyle^, léisards ou sauriens volants et
hideux , aux ailes de chauves-^souris. Quelques autreis sau-
rieQs étaient plus effrayants enoore; lun d'eux i le mega-
lausaurus, atteignait , une IcMigueur de quinze à vingt
ûiètr^, et consommait pour sa. nourriture , énormément de
matière animale,
Quoique ralentie , la formation du combustible fossile
avait encore lieu : le lias en contient quelques dépôts.
Au-dessus du lias , se .trouve le calcaire à forme d'œufs
de poissops , connu sous le nom d'oolithiqu^, q4i com-
prend quatre groupes : la grande ooUthique et les calcaires
oifordien , corallien et portla^dian. Les pUotes de la
grande oolithique sont encore des cooifères , des cycadées ,
des fougères, mais -d'espèces différentes de celles qui les
avaient préc^ées. Des squelettes do grands cétacés et
mèffle des masurpiaux se rencontrent dans cette forma-
tion, ainsi que des grypbées, des térébratules , des
ammonites. Le calaireoxfordien présente des ammonites
el des gryphées. Des polypiers, des madrépores, des
coquilles, caractérisent la formation coralienna. Le terrain
portiandien possède quelques gisements de combustible fos-
sile, des ammonites et surtout une grande quantité d*huUres.
Si parmi les fossiles de cette époque aucun ne ressemble
singulièrement aux singes ni aux honunes , cela ne prouve
pas qu'il n'y eut sur la terre aucun aninial pouvant se
transformer et devenir singe ou homme; cela prouve
seulement que nos. recherches géologiques ont été, jusqu'à
ce jour, très-restreintes , et qu'elles ne se sont pas ét^ues
aux lieux qui ont été les berceaux primitifs du genre singe
et du.genre liomme, qui certainement n'^>nt pas apparu
brusquement sur la scène du monde , comme Minerve qui
sortit , ditH>n , toute armée du cerveau de Jui)iter.
238 PHILOSOPHIE
Dans la période antérieure^ c'étaient les orages qui
balapçiaiieiit ei retenaisat entoe eux, dans iine Juste pro-
portion, les cioq.orgaoes de la nature. Maiatenaiitv les
aniipaux.varaçes covuneacent à- prédominer > et i régler
la quAotité 4e6 espèaes végétales et animaleB, en mettant
\m^ limite i au développement des espèces' animales.
Ils^^dp^vi^imeAt évideauDent les .rois de* la < terre; tant
il est vrai que. depuis longtemps la force gouverne le
monde« . .
Immédiatement après le dépôt des terrains j«ati^iques ,
le terrain crétacé inférieur se produisit. Il se compose de
sabl^ ferrugineux» de gnès ordinaireaient • terdfltre ,
appelé pour cela grès vert , et de la craie^uffau de la
Touraine. On y trouve beaucoup de débris d'animaux , et
l'on s'aperçoil., en «les étsuiûnt, que les organes de la vie
se sont perfectionnés*
Le soulèvemeuit qiû fi.t saillir le tlont*Viso, fit aussi
saillir plusieurs crêtes élevées de la Grèce, parmi lesquelles
se remarque la fameuse. montasse du Ptnde. Il détermina
la dir^ectipn des. principales côtes d'Italie, et se fit sentir
en France et en Espagne à travers les Pyrénées, depuis
rUe de Moirmoutiers jusqu'à Valence. Il interrompit les
dépôts des terrains de L'époque antérieure^ et fut suivi de
la formation d'une puissante assise de calcaire mêlée de
couches de silex , à laquelle on a donné le nom de terrain
crétacé supérieur. On y remarque des bancs très-con-
sidérables uniquement composés de* coquilles microsco-
piquqs. .
Cette alluvion est riche en squelettes ; les deux tiers
appartiennent, à des espèces qui n'existent plus. L'énorme
saurien de Maëstricht , voisin des iguanes par ses formes ,
connu sous le nom de mosasaure, long de huit mètres,
dont la tête, longue d'un mètre et demi, était armée de
dents terribles; puis des mammifères-cétacés, appartenant
aux genr^$ lamentins et dauphins, figurent au premier
rang parmi les plus curieux de ces débris fossiles. En
revanche , la flore est peu riche.
Le neuvième système de montagnes, soulevé par la
réaction des forces intérieures du globe , plaça tout -à-coup
DU SIÈGLS. 259
au-dessus des eaux la plus grande partie de notre continent,
la ehalae^des Pyrénées /les Appenins, les Alpes Julienrtes,
les Carpathes, les Balkans, dnrcfrses montagnes de la
Grèce, delà Bosnie et de la Croatie, et fit senftir son action
même en Angleterre. Il sépara le terrain crétafcé supérieur
de ceux qae l'on devait appeler tin jottl- les terraitis
tertiaires; Alors commencàrmt à se <dé|yoser -Fai^^le *plâsti-
que et les Jigoites de celte fonnalioA , ptiis le calcaire
grossier, puis les marnes gypseuses avec ossements de
mamioîlèpes. » •: . * •
yui* Péeicmmj *^ La chaleur' superficielle du globe
était moins intense que par le passé. La croûte terrestre
augmentait en ^misseur ; tes saisons commençaient
à se dessiner; Tair était sensiMement purifié r aussi le
règne végétal et le règne animal se rapprolchèpent-ns,
par des modificatioiis nouvelles, <fe te qn^ils devaient être
un jour.
Dw: conifères se renootitrent en compagnie de pha-
n^ogames monocotylédones, de palmiers et de dyco-
liledons.
Le' calcaire de cette époque est riche en coquilles, et
surtout en madrépores, en cérites, en cétacés, qui ont
eocore leurs analogues. Les oiseaux étaient en petit nom-
bre : c'étaient probablemesit les premiers qui eussent paru,
car il conviendrait peu sans deute d'appeler de ce nom
les volailles qui vivaient dans l'air de rëpoque du grès
bigarré. Parmi les m(immifères terrestres, on remairquait
des paleotherium et des anoplotherium.
Trois autres soulèvements sont venus, depuis l'apparition
des Pyrénées et des Appenins, modifier encore la- surface
du globe et dessinw, tels qu'ils le sont aujourd'hui, nos
contin^fits. Le premier, N. S., a fait saillir la Corse et la
Sardaigne, antérieurement à la déposition du grès de
FoBtatoebleau , du calcaire d'eau douce, des meulières et
des lignites du terrain tertiaire moyen.
Le second, N. 26** E. , auquel appartiennent les
Alpes Occidentales , a précédé beaucoup de roches
quasi-volcaniques, telles que les trachytes et les ba-
240 PHILOSOPHIE
sy^s (1,). Ces roehes ignées, produites par éruption , ou
sioiipuit^ l'onMiûepar éjâculation, se sont manifestées
eaUw^.lea sfoic^nsimodômes et tesinéteipbyres trd^s dioriles
at 8^rj)éntinas, . . . ,
Cette formation a été produite par le soulèVettient de
graiMtS)que^ ptr erreory tongteiiips Fdn a^Dippëlés ]!)remiers
proiduils. QUiprotogynes-; die a précédé le ttff k osseimënts
fûssilQs., ies.eouchéà de sable €»t les alluvions dé la pre-
niièr^, , époque <fes terrain» ' tertiaires.
heÀSi" et demkr ^and soulèvement européen a mis en
reliiBf la ^hatne principale des Alpes. Dirigé E IB*» N, il est
pq^tériiiur 4uii dépôts des terrains tertiaires et antérieur
avuterraàa^ comlettipteaifis, anx grands voleans des Andes,
k nos a^trds voleans modernes éteints on' brûlants, à cette
forçiation que Tun dermes amis, M. Emile Boblaye, a
déprite à Iff $«jkit« de son voyage en Morée , et 4 Tapparition
dos^ dépôts sédîmentairfB de la Sardaigne.
La IX* époque du globe a vu se fermer les terrains
d*allpvic|ns qui . l'eiopliasent les vallées et les deltas de nos
grands fleuves , nos volcans modernes, éteints ou brûlants.
Cett^e 4poque panaït av^tr pour date la formation actuelle
de la Jtfédilerranée, la séparation de la Fraiifce et TAngle-
tcrre, et se rattache aux troisième âge de la terre;
Nous devons reveair maintenant sur les dernières forma-
tions pour rappel0P quelques faits.
C'est surtout à Tépoque jurassique qu'apparaissent tes
icbtiosaures^ les {désiosanres et les ptérodactyles.
C'est dans le terrain crétaoé supérieur qu'on rencontre
les mamn^ifèras, dauphins et lamentins qui vivaient au
sein (ï^s eaux. C-est dan» la formation que le soulèvement
(I; Les tracliTles sont dei rocher d'éruption (piasi-rokaniques , forméej& presque
enli^fWMit de feidapa^, dont eltes offrent parfois de très-beaui cristaux Les uaes
ont coulé eonm^ilei ivfes (W nos Tolcana, k» anliiis se sont élevée» h Tétat pâteux ,
sous la forme de masses arrondies. Les basaltes 8<^iU des produilu folcati^uaa com-
posés principalement de labrador^ qui e«t un feldspath & base d'alumine de dieux ,
de soade el de pjroièt» ^ sabsleiice qoe noos avons déj& fait conoetlre. Sourent les
basaltes forment des prismes si^Dlepftue» accolés les «os aux ««treij consleanent
sur leur passage ils modifient les coucnes qu'ils traTersent, transformant le combus-
tible fossik en eoke , et le earbooat« de chaui en marbre.
BU BiÈa4M. 241
de la Corse et 4e h. Sardiiigne a mise. «n évidence, que
lou trouve les premières plautes- dyceéilédoiiées' et des
animaux vertébrée de ToMUe' des*. maHmiiftres, àiipéiiéiirs
aai cétacés et aux marsupiaux, analogues à nos' ta|)ît»s et
à notre i;hiDocéros,. \ i . », ri '
Les terrains qui suivirent reo^went de* squelettes' de
palœo,therium:différeqts diQ-ceuxdu gypwe^et'dudyflotfcéri^
giganteujoî- Oa y trouxe du ocfmbuBtible fossile. I^es eûi-
preinles de ces lignites nous appranneist <|«e des xroyers,
des oi;mes, des érablps« de» bouleam: mreifo ft' ceiix ^ui
existent, mêlaient i^ur feuiHage: à eduide' plantes dtr gertre
des palmiers, dansla.Suiâseï Ja Provoiûe et le Lahguedôc.
Le soulèvecnent des Alpes Oecideiiitoles paraît - slvOir
précédé l'apparitio» de. grands carnivores analdgues iiiit
ours, aux. hyènes, pux lions, aux tigres, aux loups qui
ment encore à la sunfeçfe de la terre. Ils habitaient des
caTemes oii leurs ossements se trouvent en grand liombre.
Ces animaux et la masse des plantes dycotilédonées n'ont
apparu qu'après une derrière épuration^ Tair par la
craie. Avant ce cataclysme, qui a piécédé TappaWtlon sur
la terre.de toute civilisation, une eonfiguration différente
du globe lui donnait une autre dimatore, et puis ces diverses
espèces d'animauK pouvaieal • différer quelque peu des
nôtres : aussi les éléphaats, les mastodontes, Phippopo-
tame, le rhinocéros, le tapir^ le megatlierium , le cerf et le
bœuf Tivaient-ils dans les cmtrées oà Ton trcwvaitj'ours ,
rhyfenc* '^ lion, et le tigre de l'époque. * '
Ce qu'il importe airtout de bien remarquer, c'est que
les forces organogénésiques de la nature ont toujours agi
depuis la formation des premières, meilécules animales et
Tégétales, en procédant du simple au composé. C'est que
le développement des êtres doués de vie animale a marché
progressivement au fur et à mesure que leurs milieux, l'air
et Feau s'épuraient et s'amélioraient , au fur et à mesui^
que les continents et les mers offraient à leurs besoins
une nourriture plus abondante; c'est que les organes de
la vie animale ont suivi rapidement les progrès de la respi-
ration. Comment comprendre qtie les poumons reçussent
de jour en jour un air plus oxygéné et plus pur de vapeurs
243 ?HiL080PHIB
et d'acide carbonique sans admettre une oxygénation plus
parfaite du sang, une nutrition di^ârenle de tous les
organes noussant. à dos .jaaodifioations progressives dans
chacun ueui : modifications incessantes qui deyaient
prooiptiemept altérer une race de manière à la transformer
en une ,ri5|Ge.£KMiYeUe? GoE^ment admettre encore; a^ant
rej^istenceid'auin^auY-à.poumonsycpie l'action d'un air plus
pur fût san& influence sur les organes «qui se trouvaient a
son contact ?
C'est .aiusi que noi^s. arrivons à compnandre les transitions
si bien ménagées qui ont précédé l'apparition de l'homme
actuel sur le. globe*
Un jour, cettephilosopbie seca refaite avec les données de
découvertes nouvelles : alors elle oontieûdra la série des diffé-
rentes phases du globe , représentées par des cartes analo-
gues , h celles qu'£Iie de Beaumont a tracées^ pour nos
contrées européennes.
La séri^ des soulèvemi^nts du inonde entier aura son
histoire plus complu que ne l'est aujourd'hui celle des
soulèveqients européens.
En regard de chaque formation géologique , figureront
les plantas e( les animaux que l'on y ■ trouve , ainsi que les
roches ignées qui les ont traversées.
Les épwatioi^ successives des eaux et de l'atmosphère
seront appréciées par la nature et l'épaisseur des couches
qui, ont servi à cette œuvre ù importante. Ainsi se trouve-
ront écrites les vies solidaires des cinq organes du ^obe :
les conjtinents^ les eaux, les airs, la substance végétale
et la substance animale; et l'homme , dans cette grande
histoire des ères antérieures à la sienne , trouvant le secret
de sa mission , puisera le courage nécessahre pour accom-
plir ses destinées.
TREMBLEMEI^S DE TERRE ET VOLCANS,
Les trembleoienls de terre et les volcans sont, ccMntne
les sources chaudes et la chaleur des puits artésiens , une
BU 8IÀCLB. 245
conséquence de la chaleur mlérieure du globe. On y trouve
enoulre une preuve de la réaetion contre l'écorce de la
planète t de^ substauces încaudegcentes liquides ou pâteuses
que le globe reufecaûie.
Les trembleiBentâ de terre sont plus communs dans les
pays équ^tOKÎaui que dans nos contrées tempérées, dans
les îles qu€( d^ns les continents considérables. Ils se font
surtoul sentir au voisinage des rokans , ce qoi relie leur
action à celle de ces profonds soupiraux qui mettent en
oomuuuûçation rextérieur delà planète et la partie liqué-
fiée. LfS soudrces d*eau chaude ou de vapeurs, les volcans
de boue ou salzes , les déjections aqueuses ou acides des
Yolcan^,, les scories kieandescentes et les misseaux ou
coulées de laves foâdues^ forment une série de phénomènes
dus à la chaleur :int^ieure du globe, dans lesquels les
tremblen^ents n'appacaissent qu'après les autres, surtout
lorsqu'ils se propagent au loin.
Lors^u^une eontrée très^étendue se trouve ébranlée, il
arrive couvent que les points intermédiaires ne le sont pas
sensiblement. En 1755, lors du feraeux tremblement de
terre qui détruisit en paortie Lisbonne , les maisons de la
plaine soufl^irwt beaucoup , mais celles de la montagne ne
fur^t pas endommagées.
Les tr6dnblements.de terve se manifestent, soil par de
simples mouvements anategues à ceux . que produirait la
percussion du sol, soit par des secousses ondulatoires,
soit encore, ce qui est bien plus grave, par des secousses
de bas en haut. Souvent^ dans ce dernier cas , le tremble-
ment de terre se fait sentir par des fentes , des crevasses
et des soulèvements, à des centaines de lieues du point
où il manifeste sa principale action.
Lors de celui de Lisbonne , des secousses furent éprou-
vées jusque dans le nord de l'Europe, sur les côtes
occidentales de cette partie du monde et sur les côtes
d' Afrique. Plus la cause qui p]:oduit le tremblement de
terre est profonde , plus les effets de la secousse doivent se
faire sentir loin.
En TaJimée 1839-1$80, la Loire ayant accumulé de
grandes quantités de glaees en amont du pont de Pirmil,
244 PHILOSOPHIE
je proposai de les faire sauter avec des marrons et de
mettre ainsi les communications à l'abri de toute inter-
ruption. Il existait deux couches de glace fort épaisses,
séparées par 5 décimètres d*eau. J'eus soin de placer mes
marrons au-dessous de la seconde couche de glace; ils
étaient chacun d'un kilogramme de poudre et descendaient
à près d'un mètre au-dessous du niveau de la première
couche. Chacun d'eux produisit une ouverture de 8 à 10
mètres de diamètre et des fentes rayonnées qui se prolon-
gèrent à 150 et 200 mètres : ainsi font sur une grande
échelle les tremblements de terre. Lorsqu'ils sont dus à des
matières gazeuses, produites par des réactions chimiques
nées probablement de la pénétration de l'eau; leur effet
est presque toujours entièrement local, parce qu*il n'a
pas lieu à une très-grande profondeur. On ne saurait
attribuer à cette cause ceux qui donnent naissance à de
grandes commotions. Dans cette occurence, il est naturel de
penser que les matières contenues sous l'écorce terrestre
se trouvant trop resserrées par la cristallisation de l'enve-
loppe, réagissent sur les parties les plus faibles, à cinq ou six
lieues au moins , à plus de dix lieues peut-être de profon-
deur dans l'intérieur du globe. Alors des bancs épais de
roches et de terrains stratifiés se trouvent rompus, soulevés
et redressés. De pareilles violences ne peuvent avoir
Ueu sans produire des fentes et des commotions à de
très-grandes distances, c'est-à-dire quelques fois à S, 4 et
5 cents lieues.
Il est difficile d'apprécier exactement l'état de l'intérieur
du gtobe. Si la couche cristallisée qui forme l'enveloppe
recouvre une masse liquide , cette masse doit être soumise
aux attractions solaires et lunaires qui ont à l'équateur leur
maximum d'intensité. Est-ce pour cela que les tremble-
ments de terre et les volcans sont bien plus communs dans
cette partie de notre monde ? Nous ne pouvons l'affirmer ;
mais il est présumable que cette cause influe sur la moindre
fréquence des agitations terrestres vers les pôles.
Les volcans ne sont point, comme on l'a cru longtemps,
la cause des tremblements de terre , mais bien 1 un des
effets des causes qui les produisent. Ne faut-il pas , même
DU SIÈCLE. 245
dans les actions locales, des puissances d'une grande
énei^e pour soulever des cônes aussi élevés de trachyte-
feldspathique et de dolérite que le Puits-de-Dôme en
France, et le Chimborazo dans l'Amérique du sud? Lors-
que cette action des forces intérieures de la chaleur
centrale s'exerce d'une autre manière, lorsque les couches,
pressées de bas en haut , sont brisées puis relevées extérieu-
rement, de manière à donner naissance à un escarpement
intérieur, elles produisent l'enceinte d'un cratère de
soulèvement et favorisent la formation d'un conduit plus
ou moins sinueux par lequel pourront s'échapper des gaz ,
des vapeurs et des liquides incandescents. Si un semblable
phénomène se casse au fond des mers, il crée naturellement
une île volcanique : ainsi se sont formés les cirques de
Nysiros et celui de Palma , décrit par de Buch. Il arrive
parfois, comme le fait remarquer De Humbold, qu'une
partie de l'enceinte de ce cratère de soulèvement soit
détruite, et que la mer y creuse des bassins où des familles
de coraux installent leurs habitations cellulaires; parfois
un conduit s'établit , et le cratère de soulèvement devient
un volcan véritable, possédant vers son centre un canal
d'écoulement ou plutôt d'éjaculation. Sous celte forme,
le volcain n'est autre chose qu'une soupape de sûreté pour
les contrées voisines ; mais il peut arriver aussi qu'après
les violences qui ont brisé et redressé les couches de la
surface du globe, de manière à les soulever sous une forme
plus ou moins annulaire , une partie de la masse retombe
et ferme aussitôt l'issue sinueuse et longue de plusieurs
lieues, ouverte par des déchirements et de violentes
secousses aux efforts des substances comprimées : alors il .
n'y a qu'un cratère de soulèvement sans volcan véritable.
Ainsi se sont produits quelques-uns de ces Ilots de la mer
& Sud, qu'agrandissent aujourd'hui, de manière à les
transformer en îles habitables, les efforts si faibles en
apparence, si puissants en réalité par leur persévérence et
leur action continue , de ces êtres infimes dont les demeures
forment des bancs de calcaire tout autour, et quelquefois
même de dangereux rescifs.
Ces phénomènes ne sont pas d'aujourd'hui, et les roches
246 PHILOSOPHIE
volcaniques ne sont pas seulement celles qui couleqt sous
la forme de laves des soupiraux modernes du globe; mais
dans toutes les phases de sa formation la terre eut ses
soulèvements. Les basaltes et les trachy tes sont des roches
ignées qui ont précédé les nôtres et qui ont eu aussi leurs
antérieures, tout comme des familles d'animaux anté-
rieures aux familles de coraux» ont travaillé d'une manière
analogue d'autres substances que le calcaire , par exemple,
la silice elle-même , ce qu'Ehrenberg a prouvé dans ces
derniers temps.
Un volcan réel n'existe pour nous que là où la nature
a créé une communication permanente entre l'atmosphère
et l'intérfeur du globe. Alors on voit le volcan s'élever au
centre d'un cratère de soulèvement ; son cône d'éruption
est entouré d'un rempart circulaire de roches. Mais il
s'en faut de beaucoup que cette forme régulière se produise
toujours , quoiqu'il y ait en général une grande identité
d'aspect entre les élévations et les montagnes produites par
les mêmes causes.
De Humbold a rendu cette pensée avec grandiose et
poésie : « — Lorsque , dit-il , le navigateur éloigné de sa
)) patrie est parvenu sous d'autres cieux, où des étoiles
» inconnues ont remplacé les constellations accoutumées ,
M il voit dans les îles des mers lointaines , des palmiers ,
» des arbustes nouveaux pour lui et les formes étranges
)> d'ime flore exotique; mais la nature inorganique lui
» offre encore des sites qui lui rappellent les dômes arron-
» dis des montagnes d'Auvergne , les cratère de soulève-
» ment des Canaries et des Açores, le Vésuve et les
» fissures éruptives de l'Islande. Un coup-d'œil jeté sur
» le satellite de notre planète permet de généraliser
» l'analogie que nous venons de signale^. Les cartes de
)) la lune, dessinées à l'aide de télescopes moyens, nous
» montrent la surface de cet astre parsemée de vastes
» cratères de soulèvement qui entourent des éminences
» coniques ou qui les supportent sur leurs enceintes çir-
» culaîres. 11 est impossible de méconnaître ici les effets
» d'une réaction de l'intérieur du globe lunaire contre les
)) couches extérieures , réaction éminemmèut favorisée par
DU SIÈCLE. 247
» la faiblesse de la pesanteur qui règne à la surface de
» notre satellite. »
L'activité des volcans est généralement en raison inverse
de leur élévation. Le Stromboli est en pleine vie depuis les
temps d'Homère, et sert de phare aux navigateurs; tandis
que des montagnes ignivomes, six et huit fois plus élevées,
n'^itrent en éruption qu'à de très-longs intervalles.
La hauteur de5 volcans donne la mesure de la force
que la nature a employée pour les produire. Quelques^
uns ne sont que de simples collines , tandis qu'il existe des
e^nes de 6,000 mètres d'élévation. En supposant , ce qui
doit être passablement exact, tous les foyers situés à la
même profondeur, il est bien évident que la force né-
cessaire pour élever les laves depuis le foyer jusqu'à la
partie supérieure, doit varier selon la hauteur de l'ouverture
qui leur donne une issue. De Humbold, qu'il faudrait citer
à chaque ligne si Ton voulait être complet, en décrivant les
phénomènes terrestres, signale à cette occasion la série
suivante :
Le Stromboli , colline qui fume tous les jours.
Le Guacamayo , 707 mètres ; il est toujours aussi eu
action.
Le Vésuve, 1,181 mètres.
L'Etna, 3,313 mètres.
Le pic de Ténérife, 3,711 mètres.
Le Colopaxi , S,812 mètres.
Toutefois il ne conviendrait pas d'exagérer la valeur
de cette remarque. Il n'est pas supposable que dans les
centres d'action volcanique, la croûte solide du globe ait
plus de 5 à 10 lieues d'épaisseiu» : d'où cette conséquence
que la pression exercée sur les liquides terrestres par la
colonne à laquelle le volcan donne issue, n'est pas moindre
de SM>,000 mètres de roches fondues représentant, à cause
de leur pesanteur spécifique, de 4 à 6 mille atmosphères.
Une surélévation de 6,000 mètres ou de 1,000 à 1,800
atmosphères, dç 4,000 mètres ou de 800 à 1,200 atmo-
sphères ^a( 'son toiportance, mais n'explic^ue peut-être pas
sufBsaibmeïitl^â'étivité continuelle des petits volcans et la
très-grande intermittence des autres.
248 PHILOSOPHIE
Il est très-intéressant d'observer que plus les volcans
vieillissent, plus leurs déjections sont pesantes, et que les
produits volcaniques antérieurs à l'apparition de rhomme
avaient un poids moindre que nos laves actuelles, ce qui
s'explique bien naturellement quand on prend garde que
les parties les plus lourdes ne pouvaient se trouver à la
surface liquide de la terre. Il est rare que les éruptions
se fassent par les cônes des volcans eux-mêmes, et c'est ici
surtout qu'il faut tenir compte des hauteurs relatives.
Plus le volcan sera élevé, plus il y aura chance qoe la
pesanteur et la chaleur de la lave fondante lui ouvrent une
issue latérale vers les points où la mdntagne offre le
moins de résistance. Il se forme souvent, dit De Humbold,
des cônes d'éruption sur ces fissures lattérales , mais c'est
à tort que les plus grands sont considérés comme des
volcans nouveaux. Ce n'est pas un petit travail que de
créer des soupiraux destinés à faire communiquer l'inté-
rieur ,et l'extérieur de la terre ; il est toujours plus facile
aux laves de r'ouvrir ceux qui existent, fussent-ils
obstrués , que d'en percer de nouveaux. Nous ne savons au
juste quelle est la pression exercée sur les laves fondantes
à la base des colonnes auxquelles nos volcans donnent
issue, mais cette pression doit souvent atteindre et dépasser
400,000 kilogrammes par décimètre carré de surface.
De Humbold a encore remarqué que les volcans entourés
de plateaux élevés ne vomissent presque jamais de laves ,
quoique leurs détonations se fassent entendre à plus de
cent lieues et que leurs scories incandescentes donnent
lieu à de formidables éruptions. Nous ne savons ce qui
se passe alors dans les entrailles de la croûte terrestre , et
si les laves ne s'y logent pas de temps à autre dans de
grandes fissures , laissant les produits plus volatiles vaincre
la résistance de la pression et s'épancher au dehors.
M. de Buch, qui a fait une si belle étude des volcans, les
divise en deux classes : les volcans centraux et les volcans
établis sur des chaînes. Les premiers rayonnent autour
de leur centre d'action ; les seconds sont alignés djns une
même direction, probablement le long d'une faitte' ou
grande fissure de la croûte terrestre.
DU SIÈCLE. 249
En Europe et en Asie il n'existe pas de volcans alignés ,
tandis qu'ils le sont tous en Amérique. Les volcans
alignés sont donc représentés sur la terre ferme par la
chaîne à laquelle ils appartiennent , et, dans les mers , par
des montagnes sous-marines indiquées ça et là par des îles.
Voici, d'après Girardin, le relevé des volcans actifs et
des solfatares ou volcans éteints :
HUlBMIHtNDK.
81IRLBSC0NTINENS
SUR LES ILES.
TOTAL.
Europe.
Afrique.
Asie.
Amérique.
Oeéanie.
4"
2
i7
86
»
20
9
29
28
108
24
114
108
109
194
505
Davy, après avoir découvert le potassium , le sodium et
par suite toute la série des corps analogues, tels que le
silicium, raluminium, le magnésium, etc., etc., supposa
que ces métaux pouvaient exister à l'état simple dans les
entrailles du globe. Il devenait alors tout-à-fait naturel
d'expliquer, par les infllrations et par la décomposition
des eaux, tous les phénomènes volcaniques : le sodium,
le potassium, le silicium, l'aluminium, en s'oxidaut, pro-
duisaient la silice, l'alumine, la potasse et lai soude;
développaient une énorme chaleur, une immense quantité
de gaz; augmentaient considérablement de volume : de là
les,. laves et les produits volcaniques; de là encore ces
immenses cavités au moyen desquelles l'on peut expliquer
les bruits terribles des volcans et leur tonnerre souterrain.
Le voisinage de la mer qui se trouve à proximité des grands
volcans v^nait à l'appui de cette théorie , en faisant jouer
aux chlorures qu'elfe renferme , un rôle important dans
les opérations chimiques des laboratoires^ des monts igni-
vomes.
250 PHILOSOPHIE
Tout en critiquant cette théorie, d'après laquelle il devait
se produire des masses d'hydrogène que Ton ne remarque
pas , Gay-Lussac la modifia en admettant que les phéno-
mènes volcaniques sont dus à Faction des eaux de la mer
sur les alcalis et les chlorures contenus dans les entrailles
de la terre. Il explique Facide sulfureux des volcans par
la décomposition des sulfates à une température élevée , et
la transformation du soufre en acide sulfureux au contact
de Tair. — Il suppose qu'après avoir pénétré par des
tissures dans de grandes cavités souterraines, la mer laisse
refermer ces voies conductrices. Les longues intermittences
des vokans lui permettent de croire que les feux volcaniques
ne se railiupent que peu à peu, et que la lave, après avoir
obstrué les conduits par lesquels l'eau était arrivée, s'élève
ensuite par son dégorgeoir accoutumé.
Cette théorie est bien incomplète : 1** Il y a des volcans
qui ne sont pas au bord de la mer et qui laissent échapper
de l'acide chlorhydrique ; 2" il est bien plus naturel que
les laves suivent un conduit tout tracé que de rompre, pour
s'ouvrir une route, des couches de roches et de terrains
consolidés de 5, 6 et 10 lieues d'épaisseur. Sans doute les
métaux terreux et alcalins et les chlorures anhydres sont
susceptibles de produire de très^violentes réactions sous
l'influence des infiltrations aqueuses; mais rien n'explique
la première de ces intiltration& dans la théorie de Gay-
Lussac. Nous n'accepterons donc cette théorie que pour
les phénomènes accessoires et nullement pour les phéno-
mènes principaux. Une citation intéressante , empruntée à
De Humbold , va compléter notre-pensée :
« Les volcans. qui s'élèvent au-dessus de la limite des
i) neiges perpétuelles présentent, comme ceux de la chaîne
» des Andes , des phénomènes particuU^s. Les masses
» de neige qui les. recouvrent fondent subitement pédant
jt> leséruptiojis, et produisent des inondations redoutables,
» des torrents qui entraînent pôle*mèle des blocs de gbtcc
» et des scories fumantes. Ces neiges exercent encore une
i) action continue pendant la période de repos du volcan ,
>> par leurs infiltrations incessantes dans les roches de
» trachyte,.
DU SIÈCLE. 2ol
a Les cavernes qui se trouvent sur les flancs de la
» montagne ou à sa base sont transformées peu à peu en
« réservoirs souterrains que d'étroits canaux font coramu-
» niquer avec les ruisseaux alpestres du plateau de HJuito.
» Les poissons des ruisseaux vont se multiplier de pré-
» férence dans les ténèbres des cavernes , et quand les
» secousses qui précèdent toujours les éruptions des Cor-
» dilières, branlent la masse entière du volcan, les voûtes
» s'entrouvrant tout-à-coup, Teau, les poissons, et les
» boues tuffacées sont expulsés à la fois.
» * ,
9 Dans la nuit du 19 au 20 juin 1698, le sommet du
» moot Carguairaso, de 6,000 mètres de hauteur, s'écroula
» solMteDient , sauf deux énormes piliers, derniers vestiges
» de l'ancien cratère. Les terrains environnants furent
» recouverts et rendus stériles, sur une étendue de près
» de sept lieues carrées, par du tuf délayé et par une vase
» argileuse contenant des poissons morts. Les fièvre^
fl pernicieuses qui se déclarèrent sept ans plus tard* dans
» la ville d'ibarra, au noni de Quito, ferrent attribuées
» à la putréfaction d'un grand nombre de ces poissons ,
» que le volcan avait rejetés. »
Voilà les phénomènes qu'explique la théorie de Gay-
Lussao. Que l'eau provienne de la mer ou d'ailleurs , c'est
elle qui, par sa pénétration, les produit, mais toujours
à la surface du sol ou à peu de profondeur. Les boues et
les eaux qui sont alors expulsées ne sortent pas habi-
tuellement du cratère lui-même , mais bien dés cavernes
qui existent dans la montagne : aussi pensons-nous , avec
De Aimbold , que leur apparition n'est qu'un phénomène
accessoire et nullement un fait téellement volcanique. On
peut en dire autant de cet autre phénomène , que De
Butobold a décrit sous le nom d'orage volcanique.
« Des vapeurs d'eau extrêmement chaudes s'échappent
» pendant une éruption, s'élèvent à plusieurs miliers de
» mètres dans l'atmosphère et forment, en refroidissant,
» un nuage épais autour de la colonne jde cendres et de
» fumée. Leur condensation subite et, selon Gay-Lussac ,
» la formation d'un nuage à large surface , augmentent
253 PHILOSOPHIB
» la tension électrique. Des éclairs sortent en serpentant
» du sein de la colonne de cendres. On distingue parfai-
» tement les roulements du tonnerre et les éclats de la
i> foudre au milieu du bruit qui se produit dans l'intérieur
» du volcan. Tels furent en effet, en 1822, dans les derniers
» jours d'octobre, les phénomènes qui signalèrent la fin
>j de l'éruption du Vésuve, d'après Olafsen. La foudre
D éclata au sein de ces nuages volcaniques pendant
» l'éruption du Katlagia (Islande), le 27 octobre 1755 ;
» elle tua deux hommes et onze chevaux. »
Non-seulement ces faits viennent à l'appui de notre
opinion sur les volcans , mais le dernier justifie complè-
tement la théorie que nous avons émise sur les atmosphères
sombre et brillante de notre planète , à cette époque où sa
surface était encore brûlante. Si, de nos jours, des nuages
de vapeurs, de cendre et de fumée donnent lieu, en
s'étalant , à de violents orages volcaniques, et par suite à
de grandes réactions , combien les mêmes causes , agissant
sur une bien plus grande surface , et multipliées par des
agents beaucoup plus énergiques, n'ont-elles pas dû
donner lieu à des phénomènes bien plus grandioses
que ceux qui nous frappent aujourd'hui de terreur et
d'admiration! î î
M. Cordier a recours à une autre théorie pour expliquer
les tremblements de terre et les volcans. Il admet , ce qui
est vrai , que le globe est dans un état de refroidissement
progressif; que par suite la rapidité de rotation de la
terre doit augmenter. Il admet encore que les pôles doivent
en conséquence se rapprocher. Il établit qu'une diminution
de 1/500 de milimètre dans le rayon terrestre correspond
à un kilomètre cube d'éjaculation volcanique. Il en oonclut
qu'un retrait d'un miUmètre dans le rayon de la terre
fournirait de quoi alimenter, pendant {dusieurs siècles, les
éruptions des volcans ; puis acceptant (et ici il quitte le
fait pour l'hypothèse cfenuée de preuve) que la surface
intérieure de la croûte solide est couverte d'inégaUtés,
qu'elle présente de vastes cavités rempUes de gaz; il
explique les oscillations et les tremblements de terre par
leur déplacement plus ou moins rapide. Les craquements
DU SIÈCLE. 255
seraient le résultat du froissemeot les uns sur les autres des
terrains déplacés ; quant aux laves , elles seraient éjaculées
sons la pression du retrait de la croûte terrestre.
Cette théorie est trè&-ing^ieuse ; mais il nous semble plus
naturel d'attribuer aux simples retraits résultant du refroi-
dissement de l'écorce du globe les phénomènes volcaniques :
alors ils deviennent, ainsi que les tremblements de terre, un
simple effet et la conséquence physiologique de la fracture
des couches de cette écorce ; ils succèdent aux grandes
disbcations , au heu de les produire et de les précéder.
Aussi tous les volcans sont-ils placés sur une ligne de Mie
de montagnes, c'est-à-dire sur une ligne où la brisure des
couches du globe a permis aux matières incandescentes de
Tintérieur de se glisser plus facilement et d'arriver avec
moins d'efforts à la surface de la planète.
FUHAROLLBS, SALZES, GEYSERS ET SOURCES
CHAUDES.
A côté des tremblements de terre et des volcans, les
fmnaroUes , les geysers , les volcans de boue ou salzes et
les sources d'eaux chaudes sont des phénomènes bien
secondaires, quoiqu'ils méritent à tous égards de fixer
notre attention.
Les fumaroUes sont des éruptions de vapeurs qui
s'échappent du sol par des crevasses , à une température
très-élevée et bien supérieure à 100 degrés. Quelquefois
leurs eolonnes ont une élévation de 10, là, 30, 35 mètres.
Presque toujours elles produisent, en sortant des entrailles
du sol , le bruit de ces jets de vapeur qui s'échappent de
DOS machines à haute pression , dans lesquelles il n'v a pas
d'appareil condensateur. On les observe dans les solfatares,
dans les cratères des volcans et même dads quelques autres
terrains.
11*
254 PHILOSOPHIE
L'Italie présente^ en Toscane, une ligne de ces fumaroUes
qui peut avoir dix lieues de long. Les jets de vapeur s'y
trouvent sur plusieurs points, quelquefois au nombre de
10^ SO, SO. On pense que la ligne qu'ils tracent sur le sol
correspond à une brisure de couches souterraines.
On nomme geysers, des sourcesjaillissantes qui projettent
de Tcau bouillante. Quelques-unes sont intermittentes; cm
cite surtout celle d'Islande , qui aurait par fois 6 mètres de
diamètre et 50 d'élévation. La haute température de ces
eaux leur permet de dissoudre une foule de substances
insolubles dans.nos eaux froides. Celles d'Islande déposent
une grande quantité de silice.
Les volcans de boue sont des cônes de peu d'élération
qui laissent échapper par leur sommet, du gaz, de l'eau, de
la vase ; il en existe dans le Modènais, en Sicile, en Crimée,
dans la province de Carthagène, dans l'Amérique méri-
dionale. De Humbold a rendu ces derniers célèbres en les
décrivant. Il y en a encore en Chine et dans l'Indoustan.
Quelquefois ces volcans donnent lieu à de légers trem-
blements de terre, mais leurs commotions ne se font
jamais ressentir au loin.
Les sources d'eau chaude ont joué un grand rôle dans
les époques géologiques; on leur doit la formation d'un
grand nombre de terrains que leurs solutions ont laissé
déposer. Elles sont, ainsi que les sources de gaz, des
conséquences de la chaleur centrale, mais leur rôle s'est
bien réduit. Leur température kidique approximativement
la profondeur à laquelle elles passent avant d'arriver à la
surface du sol. Une source de 50 degrés a dû presque
nécessairement traverser des terrains situés à cinquante fois
trente aaètres, c'est-à-dire à 1,600 mètres avant d'arriver
au sol.
La source de Vichy a déposé une masse de calcaire
considérable, sur laquelle est bAtie la ville de Vichj même,
et cependant aujourd'hui Teau de Vichy ne contient guère
de chaux. Les eaux du Mont-d'Or, qui ne contiennent
plus de silice, ont jadis déposé des masses de cette
substance. A Saint-Nectaire ^ les eaux ont successivement
déposé de l'arragonite ou carbonate de chaux, de la
DU SIÈCLE. 355
silice , de l'ocre très*friable , puis du travertin ; et c'est
encore ce qu'elles déposent aujourd'hui. Il suffit de ces
exemples pour montrer comment, dans les époques
antérieures , les sources d'eau chaude ont pu contribuer à
la formation de nombreux terrains.
Nous trouvons, en France, plusieurs sources d'une tem-
pérature élevée; celles de Chaudes- Aiguës sont à 88
degrés ; celles de Dax , à 60 degrés; celles de Bourbonne, à
50 degrés.
Les puits artésiens nous seront un jour un moyen puissant
dont l'homme pourra et devra disposer pour se procurer
des eaux thermales.
DES FILONS METALLIQUES.
n y a deux opinions sur le remplissage des filons ou
fentes de la croûte terrestre par des métaux et des sels.
Les uns demandent à l'action marine ou lacustre des eaux
l'explication du phénomène, d'autres à la sublimation et à
la pàiétralion des couches terrestres de bas en haut.
Ces deux expUcations s'appliquent à quelques cas, mais
naliement à tous, il est une troisième explication qui
complète les deux premières , c'est d'attribuer certains
filons , certaines masses minérales , à la déposition , sur le
globe, de substances jadis subUmées- et répandues dans
notre atmosphère «ous forme de vapeurs. Ajoutez à ces
trois explications l'action lente des puissances électro-
chimiques les plus faibles, mais les moms contestables , et
vous aurez la solution de tous les cas qui peuvent se pré-
senter À voire examen.
256 PHILOSOPHIE
LIVRE IV.
DES VIES VEGETALES.
Un Yogétal est un être collectif, une association d'orga-
nismes, un produit véritable dont les facteurs principaux
sont les cellules , les bourgeons ou gemmes , les feuilles et
les organes reproducteurs.
Un axe inférieurement développé en racine et supérieu-
rement en tige , voilà la forme générale des plantes : les
végétaux ont par suite une polarité très-accentuée..
Turpin a donné le nom d'appendimlaires à leurs organes
latéraux.
La symétrie végétale n'est pas celle des cristaux , mais
n'en existe pas moins ; elle a préoceupé les botanistes les
plus distingués par leur esprit philosophique : Dupetît-
Thouars,. Decandolle qui a signalé les causes de ces
modifications plus apparentes que réelles , Robert Brown ,
Gaudichaud , Moquin-Tandon et beaucoup d'autres encore.
Les sympathies des végétaux pour la lumière et le soleil,
sympathies qui, dans mUle circonstances, modifient leur
développement, nous montrent que leur polarité se rattache
aux phénomènes généraux de la vie de la nature.
Au premier abord certains cristaux, ceux, par exemple,
qui ont trois axes dissemblables obUques, présentant entre
eux des rapports quelconques de grandem*, de telle sorte
que le choix de l'axe principal soit complètement indiflEé-
rent , paraissent sortir de la série des cristaux réguliers et
faire mentir la loi que nous avons signalée , tandis qu'ils
BU SIÈCLE. 257
composent le sixième ordre des cristallisations. — De
même, il y a des familles végétales uniquement composées
de genres dont les verticelles sont irréguliers, celtes des
polygalées, par exemple , et cependant une analyse xm peu
suivie les rattache immédiatement au grand plan a ensemble
des végétaux.
Nous n'avons pas essayé de définir le végétal , et nous
nous garderons bien de dire qu'il faut appeler de ce nom
les êtres organiques privés de sensibilité. La sensitive, que
Ton peut chloroformiser, a sa sensibilité végétale très
développée , quoique différente de la sensibilité animale et
surtout de la sensibilité humaine , parce que les facultés et
les fonctions présentent des ressources et des pouvoirs
différents, selon les divers étages de l'échelle des êtres.
L'organisation anatomique des végétaux, plus simple que
celle des animaux , est singulièrement plus complexe que
cële des minéraux. Leur liberté est plus étendue , plus
développée.
La substance vésiculaire parait aujourd'hui dans l'état
actHel de la science , l'élément primordial des végétaux et
des animaux : tout semble en dériver.
Dans le végétal, la substance vésiculaire forme des
bourgeons; ceux-ci donnent naissance à des feuilles et
à toutes les transformations que les feuilles peuvent subir.
Ce théorème n'entraîne point, comme conséquence, que
le bourgeon soit feuille d'abord et se transforme ftdbite-
ment ' en élamine ; mais il signifie que l'on passe du
bourgeon à la fleur, de la feuille à l'étamine par ainsensi-
blés transformations.
Ce théèréme suppose encore^, ce qui est vrai, que les
arrêts de développement dans la vie d'un végétal puissent
Qe piésenter qu'une feuille là où nous nous attendons h
trouver une élamine : c'est ce qui a lieu fréquemment.
Xous ne cherohercois point à suifvre , en nous appuyant sur
des exemples 9 les changements que subit la feuiUe en
devenant bractée, sépale, pétale, étamine, carpelle et
périspenne ; il. nous suffit d'indiquer quelle est la voie
suivie par la botanique moderne , et comment, pour elle,
la multiplicité et la variété naissent de Tunité.
258 PHIIOSOPHIB
Les végétaux ont une polarité très-accentuée , avons-nous
dit. Leur racine se dirige vers les entrailles de la terre ; leurtige
en sens inverse. Cependant si, à l'exemple de Knight, on place
des graines prêtes à germer, sur la roue d'une meule de
moulin , on remarque que les radicules subissant l'action
de la force centrifuge et non celle de la pesanteur, se diri-
gent vers la circonférence.
Malgré ce que nous avons déjà dit de l'origine des
végétaux , au livre précédent , nous croyons devoir revenir
en quelques mots sur cette grande question.
C'est une règle générale dans la nature que les incuba-
tions des germes se fassent à l'abri de la lumière et sous
l'influence d'une douce chaleur. Les êtres les plus parfaits,
l'homme lui-même , proviennent d'œufs qui sont incubés
au dedans de la mère, et qui possèdent un placenta auquel
le fœtus est fixé dans le premier âge ; puis un amnios ou
liquide chaux et albumineux, nécessaire au développement
d'une vie trop faible encore pour se mouvoir dans un autre
milieu. La nature nous paraît avoir profité de ce moment
passager qui, dans l'exi&tence delà terre, a duré peut-être
quelques milliers d'années, où les mers étaient chaudes et
formaient un liquide plus dense et plus onctueux qu'au-
jourd'hui , où quelques collines se dessinaient à peine à la
surface des eaux, où l'atmosphère chargée d'énormes
vapeurs couvrait d'un voile protecteur ses premières opé-
rations créatrices en les dérobant aux ardeurs du soleil ,
pour procéder à la grande incubation des gennes des êtres
ui devaient exister , faisant ainsi des crêtes émergeantes
e nos collines le placenta des espèces futures et des mers
un immense amnios. Alors se développèrent la vie animale
et la vie végétale par des formations très^rudimentaires , et
le grand arbre des existences futures ne parut avoir qu'une
seule souche avant cette bifurcation, qui, par des organes
de plus en plus distincts, a lentement séparé chaque jour
les végétaux des animaux , formant ainsi , des deux grandes
séries des êtres organisés, un couple nouveau, une pile
galvanique gigantesque, destinée à fabriquer les produits
de ce laboratoire terrestre au sein duquel, selon le plan
providentiel de la nature, l'humanité doit un jour manifester
ï
BU SIÈCIB. 259
ses progrès en participant à l'œuvre de Dieu par une série
de créations appropriées à ses triples besoins physiques ,
moraux et intellectuels.
Aujourd'kui que les recherches modernes nous ont
appris que la vie animale domine dans les profondeurs
océaniques au sein d une nuit éternelle , tandis que la vie
végétale se répand plus abondamment à la surface des
eaux et sur les continents , ces anciens placentas de leurs
premiers germes, nous trouvons dans ce. fait une induction
<ie plus dans Tordre de nos conceptions philosophiques sur
les (Hngines et le développement des deux grandes séries
de vies dont nous esquisserons largement les principaux
phénomènes.
Les botanistes ont classé les végétaux par séries de fa-
milles naturelles. Cette classification , la plus philosophique
de toutes, a le grand avantage de commencer par les végé^
taux les plus simples, les moins organisés, pour s'élever
sacces^vement, par d'insensiUes transitions, aux v^étaux
les plus organisés.
L'ensemble des familles végétales forme trois embran-
chements, lorsque l'on considère leur manière de se
reproduire et lorsque Ion étudie les premiers jours de leur
développement.
Les végétaux acotylédonés sont ceux dont les oi^anes
de reproduction ne nous sont pas bien connus. Dans cette
grande famille, la structure est quelquefois entièrement
cellulaire , sans axe , sans quoi que ce soit qui ressemble à
des feuilles; d'autres, plus organisés, arrivent à posséder
un axe et des feuilles connues sous le nom de fronde
foliacée. Les algues sont dans le premier cas; les hépati-
ques et les mousses, dans le second. D'autres, acotylédonés,
possèdent une organisation cellulo-vasculaire ; leurs or-
ganes r^roduQteurs sont connus et diversement disposés;
leur structure est beaucoup plus parfaite. Les équisétacées,
les lyeofKKliacées , les fougères appartiennent à cette nou-
velle série.
Lorsque l'embryon du végétal se développe par une
extrémité à un seul lobe dans la partie qui correspond à
la tige, la plante appartient à l'ordre des monocotylédo-
360 PHILOSOPHIB
nés; elle appartient à celui des dycôtilédonés lorsque
rembryoo présente une division profonde , et par suite
deux lobes à cette même extrémité. Sous le rapport de
l'organisation , les dycôtilédonés l'emportent de beaucoup
sur les monotylédonés.
Le règne animal des mondes primitifs a successivement
varié ; il a marché, dans ses progrès organiques, parallèle-
ment à l'agrandissement des terres émergées , à répuration
des eaux de la mer, à l'épuration de l'atmosphère et aux
progrès des espèces animales. Les époques successives de
la vie du globe ont eu leurs flores successives et en même
temps progressives.
Les plus infimes des végétaux , les algues marines,
apparaissent seules dans le terrain cambrien et même dans
la. plupart des formations siluriennes.
Le terrain dévonien nous offre des végétaux appartenant
à des familles plus organisées^ des calamités et des lyco-
podiacées. Probablement c'est à la vascularité et à la
nature moins développée des acotylédonées de cette époque
qu'il faut attribuer la structure particulière de l'anthracite,
qui est de la même date.
Le terrain carbonifère est la quatrième étape parcourue
par la substance végétale dans ses pérégrinations à travers
les âges. La flore de cette époque est assez riche pour
que d^'à l'on ait pu classer près de quatre cents espèces
fossiles qui lui appartieonent : ce sont des fougères , puis
des monocotyliédonées , à savoir, des gazons, des liliacées,
des palmiers^ puis des dycotilédonées inférieures, telles
que des conifères et des cycadées. Parmi toutes ces plantes,
nous remarquons avec intérêt des calamités et des lycopo-
diaoées grandes comme nos arbres , des léjHdodendrons
squammeux , des stigmaria pareils aux cactus, des sigiUaria
de vingt mèbres de- longueur, des fougères aussi élevées
que eelles de nos pays équatoriaux, des frondes nombreuses
et variées, des naïades, des conifères presque pareils à
nos pins du genre araucaria. Cette flore aux formes étranges,
qui réclamait un air plus chaud et plus chargé d'acide
carbonique, a vécu jusqu'au grand dépôt de la craie et
et même jusqu'à l'apparition de ses dernières couches.
BU SIÈCLB. 261
Quelle û été la durée de Tépocpie houillère ? 11 est difficile
de l'apprécier ; mais mille siècles ou cent mille années de
la végétation de nos forêts ne suffiraient pas pour produire
un sSmiI des lits de charbon du Creuzot ; il faudrait au
moins cinq cent mille ans pour fournir les dép6ts de
houille de Saarbruck, J'admets qu'à cette époque la vie
végétale pouvait être deux fois , trois fois , cinq fois plus
active : e est encore cent mille années , pour le moins ,
qu'aurait duré la formation houillère. Remarquons main-
tenant que les espèces géologiques complètent la série de
nos végétaux actuels. De Humbold, qui s'est occupé
de cette question, fait observer que les lépidodendrons
géologiques se placent, d'après Lindley, entre les conifères
et les l^eopodites ; il fait remarquer encore que les végétaux
géologiques ne sont point répartis confusément dans les
Uts superposés de charbon de terre , sans distinction de
genre ni d'espèce ; que le plus souvent , au contraire , ils
y sont disposés par genres , de telle sorte que les lycopo-
dites et certaines fougères se trouvent dans une couche ,
les stigmaria et les sigillaria dans une autre : d'où cette
double conclusion, que la vie végétale a toujours progressé,
et que de plus elle a dû exiger bien des milliers d'années
pour recouvrir successivement la môme surface de genres
et d'espèces différentes.
Les lignîtes des trois périodes qui ont précédé l'époque
contemporaine sont un charbon brun dans lequel on trouve
les plantes géologiques acotilédonées des autres âges ,
d'autres arbres de la ztoe torride et des conifères.
Des palmi^^s et des cycadées apparaissent encore dans
le terrain tertiaire moyen ; mais la végétation du terrain
tertiaire supérieur offre la plus grande analogie avec notre
Bore actueUe. Toutefois les espèces géologiques de cette
formation sont remarqueil>les par leur énorme volume : c'est
ainsi qu'on a trouvé à Yseux, près d'Abbeville, un chêne
de 4 mètres 1/3 de diamètre , c'est-à-dire âgé de mille ans^
au moins lorsqu'il fut enseveli dans la tourbière où il s'est
conservé.
Si de l'histoire du passé nous revaions à notre époque
moderne t à l'étude qu'elle fait et qu'elle pourrait faire des
262 PHILOSOPHIE
cent soixante mille plantes connues , pour les approprier à
ses besoins et les modifier de la manière la plus protitable,
nous arrivons tout naturellement à rénumération de nos
ressources en richesses végétales ; toutefois nous passerons
outre en faisant remarquer seulement que les végétaux
sont un moyen de reporter le sol sur les terrains dénudés,
de fixer les sables errants, de produire de la nourriture
herbacée pour ceux des animaux qui en vivent , et de
fournir à Thomme , pour ses besoins domestiques et écono-
miques , des combustibles , des bois de construction , des
denrées alimentaires et ces mille produits que nous
employons dans les arts et dans la pharmacie , soit pour
embellir nos demeures , soit pour conserver notre existence.
A la botanique générale se rattachent, au point de vue
scientifique, le commerce des graines et des farines, l'agri-
culture, rhorticulture, le commerce des denrées exotiques
et celui des drogues; et la physiologie qui résulte de ses
investigations forme, comme nous l'avons déjà dit, la
préface de deux physiologies plus élevées-: les physiologies
animale et sociale.
Le philosophe ne se borne pas à étudier l'utilité des
choses. Le bien-être matériel et les jocdssanoes sensuelles
ne sauraient lui sufiire ; il n'y voit que l'un des éléments
du bonheur idéal auquel il aspire dans sesrÔTeries. Il a
besoin d'une nourriture intellectuelle et morale : aussi
demande-t-il à la nature le secret de ses merveilles, et aux
lois régulatrices de la vie , les mystérieuses pensées de la
providence. Si peu savant qu'il soit, il a besoin d'être
renseigné sur les phénomènes des diverses organisations ,
sur les progrès de la science et les espérances de l'avenir.
Sachant quelque peu d'où il vient , U a la prétention de
vouloir savoir où il va , et d'éclairer au flambeau de l'étude
la route qu'il doit parcourir. Essayons donc de résumer
rapidement les généralités sur les organes, les fonctions
et les transformations des végétaux que tout homme un
peu complet a besoin Je connaître pour se faire à lui-
même sa petite encyclopédie et comprendre le lien qui
unit toutes les existences.
L'embryon ou spore d'un végétal acotylédoné n'est en
DU SIÈCLB. S6S
génial qu'un simple réservoir ( utrieule ) rempli d'une
substance granuleuse. Placé dans des circonstances favo-
rables, la partie qui appuie sur le sol devient une racine
tubolaire, tandis que 1 extrémité opposée s'élargit. Pour
beaucoup il ne se produit pas de tige. Les premiers
rudiments de cet organe se montrent sous la forme de
cellules accoUées présentant souvent une série de tubes.
Viennent ensuite des tiges plus compliquées , formées de
cellules disposées autour d'un axe qui est dépourvu de
vaisseaux : leur apparition constitue un nouveau Qpgrès.
Sous ce rapport, les lycopodes sont plus organisés que
les mousses, comme les mousses le sont plus que les
eharas , et les charas que les plantes rudimentaires. Les
fougères ne sont pas toujours' herbacées comme dans
DOS contrées ; elles s'élèvent souvent à 15 et 20 mètres
dans les pays équatoriaut, ce qui a eu lieu aussi pour
d'autres espèces aux époques géologiques; mais leurs
liges ne croissent nue par leur extrémité supérieure et
par Talloiigement ces faisceaux déjà formés. Si parfois
elles sont bifurquées , cela tient à Texistence primitive de
deux bourgeons terminaux qui ont vécu accollés pendant
i(»ig'temps avant de se dédoubler. Coupée perpendiculaire-
ment à l'axe , la tige d'un arbre acotylédoné présente
de gros faisceaux ligneux rangés en cercle vers sa circon-
férence ; ces faisceaux sont entourés extérieurement et
intérieurement de tissu cellulaire. — Dans les mono-
colylédonées , les faisceaux ligneux sont disposés dans
l'ordre apparent. Le centre reste tout-à-fait cellulaire,
mais dépourvu de cette organisation qui en forme un étui
médullaire, de telle sorte que l'axe est encore imparfait.
Le tronc des arbres de cette série est élancé , uniforme ,
dépourvu de branches et de rameaux , et présente seule-
ment à son sommet une touffe de feuilles ou quelques
branches touffues. La solidité de leur tige décroit de la
circonférence au centre.
Pour les dycotilédonés, comme l'orme, l'acacia, le chêne,
la lige est beaucoup plus compliquée. Au centre, l'on trouve
la moelle ; plus en dehors, des fibres ligneuses qui servent
aux usages de nos industries. En contact avec la moelle ,
364 PHILOSOPHIE
existent des vaisseaux appelés trachées. D'autres sont
plus gros et plus extérieurs. Sur les fibres ligneuses, se
trouve appliqué le système cortical qui se compose de Tépi-
derme et de trois couches; les deux extérieures sont
cellulaires, la troisième est fibreuse. — Le tissu cellulaire
qui sépare la couche ligneuse de la couche corticale sera
plus tard le siège d'une fluxion de liquides et d'une orga-
nisation de deux feuillets, Tun cortical, l'autre ligneux,
phénomène qui se répète chaque année. C'est pour cela
que la coloration et la dureté diminuent du centre à la
circonférence.
Les racines, comme les tiges, secom posent et s'organisent
depuis les algues jusqu'aux plusi parfaits des cotylédonees.
Rudimeutaires dans la première série, elles ont pour
les monoeotylédonées la même structure que la tige. Ce
fait n'est pas aussi absolu pour les dicotylédonées ; cepen-
dant leurs racines conservent l'étui médullaire et se déve-
loppent de la même façon.
Les feuilles sont aqueuses ou aériennes selon que la
plante vit dans l'air ou dans l'eau. Elles ont deux faces et
un parenchyme. La partie inférieure est plus vasculaire que
la partie supérieure. Les feuilles aqueuses n'ont pas d'épi-
derme, et leur structure est très-différente.
Dans les angles compris entre les tiges et les feuilles ,
naissent les bourgeons, qui ne sont autre chose que le
premier ftge des branches. On les a comparés aux embryons
dont ils diffèrent, parce qu'ils font partie d'un végétal tout
formé et parce que leurs premières feuilles ne sont nullement
charnues et nullement destinées, comme les cotylédons, à
fournir à leur nourriture.
Comment s'exécutent les fonctions des végétaux? Beux
liquides, l'un très-aqueux, l'autre plus dense, séparés par
une membrane perméable pouvant servir de filtre, se
mêlent , mais de telle sorte que le premier augmente rapi-
dement en volume aux dépens du second qui filtre à
travers le tissu membraneux : ce fait porte le* nom d'en-
dosmose ou d'imbibition^ et il explique tràs4:iiet) l'absorption
des végétaux. Locsque Du Trochet le découvrit , ti voulut
en faire une loi nouvelle et gésérale; mais Raspail réduisit
BU SIÈCLB. 265
bientôt eelte grande loi de la nature à ses yéritables
proportions, en prouvant par de nouvelles expérimen-
latiODs que Du Trochet avait trop vite généralisé ; que la
goaune et l'albumine , substances très-avides d'eau , sont
presque les seules qui soient propres à constater le phéno-
mène observé par Du Trochet^ qui joue un si grand rôle
dans la végétation.
La sève, plus épaisse que l'humidité du «pi, en est séparée
par une membrane perméable qui permet à l'endosmoso
d'avoir lieu. Les fortes racines sont moins propres à
l'absorption que les radicelles, parce que leur épidermc
est plus épais, plus dense, par suite bien moins perméable.
La cûeulation s'eiécute en grande partie sous Tinfluence
de i endosmose ; toutefois il est des végétaux qui possè-
dent des vaisseaux^ et alors elle se trouve activée par la
capillarité de ces tubes excessivement étroits. La sève
ascendante en raison de ce que nous venons de dire , doit
être d'autant plus liquide qu'elle est prise plus près des
racines : c'est aussi ce que l'expérience vérifie. Si la sève
est si abandante au printemps , c'est qu'à cette époque
la terre extrêmement humide est une véritable éponge
dans laquelle l'endosmose est d'autant plus active que
les cellules et les vaisseaux de la plante sont remplis d un
sue êfMSsi par l'hiver. Haies a reconnu par des expériences
très-exactes, que la sève pouvait avoir une force d'ascension,
dans la vigne^ égale à la pression exercée par un mètre
de mercure ou par quatorze mètres d'eau, ou cinq fois
plus grande que celle qui pousse le sang dans la grosse
artère d'un cheval. Le développement des bourgeons et
des feuilles et leur transpiration exercent aussi une action
puissante sur l'ascension de la sève en produisant une
succion véritable. Dans les arbres, la sève ascendante monte
par le Hgneux, et surtout par c^tte partie du ligneux qui ,
moins colorée et plus récente de formation , porte le nom
d'aubier. Arrivée aux feuilles, elle y subit le contact de
l'air et s'y trai^orme , puis elle redescend douée de pro-
priétés souvent tout*à-»-{ait différentes de celles de la sève
ascendante; quelquefois c'est un liquide très-vénéneux,
tandis que la sève ascendante serait, au contraire , une
266 PHILOSOPHIE
boisson agréable et rafraichissante. On l'appelle parfois
corticale, à cause de la partie du végétal dans laquelle
cette sève circule en descendant aux racines, imitant, dans
cette seconde portion de sa course, ce qui a lieu dans les
vaisseaux capillaires des animaux. Elle dépose dans sa
route, des amas de substances destinés pour la plupart à
former les tissus , et c'est ainsi qu'elle revient au point de
départ. Outre cette circulation, il y a un mouvement rota-
toire observé d'abord dans le chara , observé depuis dans
une foule de plantes de genres très-différents, qui parait
général. C'est ainsi qu'il existe, sous l'écorce des végétaux,
dans le silence de cette vie paisible si longtemps ignorée
dans ses curieux détails, des courants produits par l'endos-
mose, et la capillarité ; des courants de rotation qui montent
et descendent en changeant sans cesse de direction et en
se ramifiant ; un fourmillement moléculaire incessant , dé-
couvert par le célèbre botaniste Robert Brown, et dont
toute matière très-divisée doit, selon l'opinion de De
Humbold , présenter quelques traces. Les plantes ont encore
leurs phénomènes de nutrition et leurs gaz intérieurs,
forces puissantes si méconnues pendant tant de siècles ; et
c'est de la sorte qu'elles manifestent leur vie , croissant et
multipliant à l'iufini sur toute la surface du globe , faisant
pntendre quelquefois, par suite de leurs gaz, comme des
cris plaintifs , quand la coignée vient à les frappa.
Leur respiration a cela de particulier que les organes
dans lesquels elle parait s effectuer ressemblent aux
trachées des insectes; mais une étude plus approfondie a
prouvé que ce n'était pas là le véritable lieu de cette
importante fonction. La manière dont elle agit sur l'air
atmosphérique est très-importante : pendant le jour la
plante fixelecarboneetdégagede l'oxigène , pendant la nuit
elle dégage de l'aicide carbonique en absorbant au con-
traire de l'oxi^ne. Mais la respiration du jour suffit
pour faire équilibre et à l'action de la nuit et à l'action
en sen$ inverse des animaux, qui absorbent de l'oxigène
et versent dans l'atmosi^ère de l'acide carbonique. Ce
fait, qui nous montre, comment s'exécute, à la surface do
la terre, le balancement de ses organes, est très-impor-
DU SIÈCLE. 267
tant, mais il ne le serait pas moins de faire végéter deux
ou trois ans des végétaux dans des atmosphères factices,
pour arriver à bien comprendre l'action des divers gaz sur
leur développement et leur organisation.
Ainsi se comporte cette grande circulation des éléments
gazeux ou aériens. La même substance peut être successi-
vement partie d'une plante, détritus de végétal, terrain
fertile, substance dissoute et désagrégée, solide, liquide
ou gazeuse , partie intégrante de l'air ou de l'eau de la
planète, ou partie intégrante d'un animal ou sécrétion
fécondante fournie par le règne animal ; toutefois la
quantité de substance enlevée aux mers et à l'atmosphère
pour se transformer en terrains fertilisables et fertilisés, en
végétaux et en animaux, est encore susceptible d'augmenter
long- temps sous l'action de l'homme, de manière à modifier
la géographie animale et végétale.
Dumas a défini les végétaux, des appareils de fixation, et
les animaux, des appareils de combustion. Cette manière de
les envisager est trop exclusive pour être vraie. Au moment
de leurs amours , les végétaux deviennent trop évidemment
des appareils de combustion susceptibles, pour quelques-
uns, d'une notable élévation de température, pour qu'aux
autres époques de la vie ils ne possèdent ni souvenir ni
pressentiment de ce qui se passe alors en eux au moment
du rut ; quant aux animaux , ils ne doivent leur accroisse-
ment qu'à la propriété qu'ils possèdent de fixer les substances
élémentaires pour en former leurs tissus.
Vincent Raspail a dit avec raison que le règne organisé
se divise en deux départements tellement confondus par
leurs points de contact, que l'esprit est très-embarrassé de
tracer entre eux une limite. L'éponge animale d'un côté ,
le fucus végétal de Tautre, le zoopbyte et la conferve
oscillatoire ne présentent point de différence essentielle. Il
y en a mcûns encore entre ces vésicules primordiales qui
produisent soit des végétaux , soit des animaux. Poursui-
vant cette pefliséev Raspail ne trouve pas que le mouvement,
que la locomotion, que la possession d'un cœur et de
poumoi^ soient le caractère exclusif des animaux. Quant
au tube intestinal, il déclare très-philosophiquement que
268 PHILOSOPHIE
son essence ne réside pas dans sa forme canaliculée , mais
dans la fonction de ses parois, et cette fonction, Tex-prison-
nier de Doulens la retrouve chez les végétaux ; d'où cette
conclusion légitime, qu'il doit exister une physiologie géné-
rale dominant et résumant les physiologies des corps qui
cristallisent , des corps qui s'organisent et des corps qui
s'associent encore plus intimement , c'est-à-dire minérale ,
organique et sociale.
Raspail, dans son nouveau système de chimie organique,
a distingué les éléments organiques des tissus de la manière
suivante : il a appelé substances organisées végétales , la
fécule, rinuline, la fécule verte, le ligneux, la subérine,
Tulmine, le gluten, la légumine, Thordeine, le pollen, la
lupuline ; substances organisées animales, les tissus grais-
seux ou adipeux, albumineux, membraneux, musculaires,
nerveux, osseux, cornés, cellulaires, respiratoires, em-
bryonaires , parasites et spontanés. Il a nommé substances
organisatrices végétales, la gomme, le sucre, la sèye ;
substances organisatrices animales , le lait , le produit de
la digestion , le sang, la lymphe et le sperme , les graisses
et les huiles grasses. La cire et la chlorophyle ont été
reconnues par lui substances organisantes communes aux
deux règnes; mais les huiles essentielles, les résines et les
gommes-résines sont du règne végétal , tandis que la bile ,
le picromel , le suc pancréatique et la salive sont du règne
animal.
Les acides végétaux, les matières odorantes ou aroma-
tiques , les matières colorantes peuvent être le produit de
l'organisation dans le règne végétal ; des miasmes , de
l'esprit pyro-acétique , de l'alcool , le produit de la désor-
ganisation; des éthers, des alcalis végétaux, des acides ,
le produit de l'action humaine. Les séries des matières
colorantes et des matières odorantes sont le produit de
l'organisation; le mucus, diverses sécrétions, la sueur,
l'urine, Turée, l'acide urique, le produit de la désorganisa-
tion normale ou vitale ; la suppuration , la gale, le produit
de la désorganisation anormale. Raspail considère encore
l'osmazome^ la gélatine, l'acide prussique, le cyanogène
comme des produits artificiels.
DU SIÈCLE. â69
Après ce tableau des divers produits de la vie organique,
il énumère les bases incrustées sur les tissus , combinées
avec leur substance, dissoutes dans les liquides qu'ils éla-
borent, isolées ou décomposées par la carbonisation et
par rincinération. L'exposition de cette grande étude forme
un livre qui a révolutionné la science en semant à chaque
pas des idées nouvelles. L'auteur a pu errer : il a erré ,
il a été souvent paradoxal ; mais il est le Rousseau de la
physiologie.
Nous n'essaierons point, pour clore ce chapitre, de
signaler ici les nombreuses conquêtes que l'homme peut
faire en améliorant par la culture , des plantes que l'on
regarde aujourd'hui comme improductives , ou que l'on n'a
pas étudiées. Qui donc ignore les transformations que sa
main savante peut faire subir aux végétaux ?.... Nous ne
signalerons point les avantages qui pourraient résulter,
pour un grand nombre de contrées, de l'échange de leurs
plantes, par suite d'un acclimatement bien dirigé. Nous
ne dirons pmnt les espèces et les variétés nouvelles que les
diverses espèces de greffe peuvent faire subir aux végétaux ,
et nous laisserons de côté la sensibilité de la sensitive sous
l'influence du chloroforme, fait si curieux qui rapproche
les vies végétales des vies animales. Sous tous ces rapports,
l'homme est à peine éclairé depuis quelques siècles, et
même, pour quelques-uns, depuis quelques années seulement,
par le flambeau de la science , de telle sorte que tout est
dans l'enfance , et qu'aux yeux du philosophe noire pro-
fond savoir se réduit à un simple germe que l'avenir devra
développer. Lorsque la masse Ses hommes recevra le bien-
fait d'une véritable éducation, lorsque le rapprochement
des habitations aura permis et créé les grandes études sur
toute la surface du monde , lorsque toutes les villes possé-
deront de magnifiques jardins couverts , c'est alors seule-
ment que l'homme saura se servir des plantes pour créer
les bois, les denrées alimentaires, les épices, les teintures,
les gommes et les produits divers que réclament ses
besoins, et qu'il considérera la substance végétale dans ses
miDe variations vivantes et animées comme un laboratoire
naturel qu'il est de son devoir d'entretenir et de perfec-
12
270 PHILOSOPHIE
tionner, pour alimenter son bien-être, ses plaisirs domes-
tiques et pour embellir ses fêtes les plus religieuses.
DES ANOMALIES VÉGÉTALES.
La nature , par les anomalies qu'elle crée sans cesse sous
nos yeux , nous a mis et nous met sur la voie de manifes-
tations nouvelles et de progrès nouveaux.
Les anomalies, comme le dit avec juste raison Moquin-
Tandon , qui a écrit sur ce sujet un bon livre , peuvent être
rammenées à des principes communs qui ne sont eux-
mêmes que des corollaires des lois générales de Torganisa-
tion.
Quand on pense que le froment peut être considéré
comme une anomalie de Tœgilops, produite par la culture,
comme une véritable monstruosité, on arrive de suite
à comprendre où peut conduire Tétude des questions
résumées dans ce chapitre.
Moquin-Tandon , que nous prenons ici pour guide, a
admis les variétés suivantes :
L'albinisme, — le chromisme, — les altérations , — le
glabrisme , — le pilosisme , — le rammolissement , —
rinduration , — le nanisme , — le géantisme. Nous adop-
tons volontiers cet ordre.
La couleur verte n'est pas due absolument à la lumière ,
puisque l'hydrogène peut parfois y suppléer. Elle n'est pas
due non plus à ces deux causes seulement , et les actions
chimiques qui se produisent pendant la vie des végétaux
sont à peine étudiées. — Toutefois , dans notre opinion ,
les couleurs des feuilles sont polarisées.
Nous invitons le lecteur à remarquer avec soin que le
bleu et le jaune sont les pôles de ces colorations.
On a rapporté à la série des fleurs jaunes les genres
oxalis, rosa, verbascum, potentilla, tulipa, ranunculus;
DU SIÈCLE. 371
— à la série des fleurs bleues ou cyaniques, les genres
eampanula, vinca, phlox, géranium, scilla, anagallis.
D'autres espèces peuvent appartenir aux deux séries ; mais
cette question , à peine effleurée , n'a pas été étudiée.
Les influences qui produisent les colorations n'ont pas été
recherchées , et cependant ce que nous venons de dire des
fleurs s'applique aux fruits.
Revenons aux anomalies. L'obscurité crée des fleurs
blanches et donne à divers organes un nouvel aspect , un
nouveau goût. — Le froid contribue aussi à décolorer les
végétaux. — Les plantes polaires et celles qui viennent
sur les montagnes élevées ont des fleurs moins colorées
que les mêmes espèces soumises à une autre température.
Le froid accidentel prolongé modifie aussi les teintes.
Les feuilles affectées d'albinisme incomplet portent le
nom de panachées. Cette manière d'être se transmet par la
reproduction. — L'horticulture s'attache vivement à multi-
plier les espèces atteintes de cette anomalie, qui est un
ornement. — Les fleurs et les fruits peuvent aussi présenter
des couleurs panachées.
La bouture, la greffe et la marcotte sont des moyens do
reproduire les plantes panachées. Les individus délicats se
panachent plus aisément que les autres: une grande vi-
gueur de constitution peut supprimer, dit-on, cette manière
d'être.
Le chromisme est l'inverse de l'albinisme ; il représente
l'excès de coloration. — Semez une céréale dans un sillon
fortement fumé avec du sang : toutes les plantes qui pousse-
ront seront d'un vert noir. — Il suffit de 23 heures pour
colorer en vert une plante étiolée (Sennebier).
Les variétés . dans la coloration , si faciles à obtenir
surtout en faisant des hybrides, ont donné naissance à
toutes les variétés de roses, de tulipes, de jacinthes et de
dahlias de nos jardins.
Les poils peuvent diminuer ou disparaître. Les terrains
gras et humides sont favorables, nous dit Moquin-Tandon,
à. cette transformation ; la lumière et la température ont
aussi une action sur ces organes. — Les lieux secs et
maigres produisent souvent l'effet inverse.
272 PHILOSOPHIE
La consistance et l'induration des plantes sont singuliè-
rement influencées par les milieux; de là les variations
qu elles peuvent offrir. Il en est de même du nanisme et
(lu géantisme ; cette dernière manière d'être peut aussi
résulter d'une grande longévité.
Moquin-Tandon cite à cette occasion quelques exemples
curieux de grand volume et de longévité. Nous lui emprun-
tons les suivants. — On connaît :
Des palmiers
âgés
de 200 à
500 ans
Un érable
))
316
Des orangers
—
400
640
Un noyer
—
»
900
Des tilleuls
—
500
1076
Des chênes
—
600
1600
Des oliviers
—
700
2000
Des ifs
—
1214
2880
Des baobabes
—
»
6000
Les monstruosités , ou déviations du type spécifique ,
agissent sur les parties appendiculaires du végétal ou sur
celles qui en forment l'axe. Elles se présentent à l'état
sauvage et à l'état de culture : c'est môme une question
très-importante pour l'humanité que d'apprendre à les
produire à volonté.
Ces monstruosités consistent en réductions de volume ou
atrophie des organes, en augmentations ou hypertrophies,
en altérations irrégulières ou déformations , en irrégulières
appelées pclories , en changements d'un organe en un autre
ou MÉTAMORPHOSES, disjouctions , déplacements, avorte-
ments et multiplications.
De toutes les monstruosités curieuses pour les savants de
profession, les métamorphoses seules ont une portée et des
af)plications réellement sociales. — Lorsque les organes
fondamentaux se transforment en accessoires , il y a dégé-
nérescence ; lorsque les organes accessoires se transforment
en organes fondamentaux, la plante s'élève dans l'échelle
des êtres et devient plus titrée en facultés. La première
altération a souvent lieu quand on abandonne à elles-mêmes
des plantes long- temps cultivées, et surtout quand cet
BU SIÈCLE. 373
abandon a lieu dans des terrains pauvres. La seconde doit
être le but des véritables naturalistes; elle créera des
variétés et plus tard des espèces nouvelles; elle est l'un
des grands moyens d'embellir et de transformer la planète.
La plus importante de toutes les métamorphoses signalées .
depuis vingt-cinq ans, a été celle de Tœgilops, pressentie
par Raspail. Elle a été réalisée d'abord à Bordeaux par
Latapie , puis à Agde par Fabre : cette transformation si
importante est grosse de faits non moins sérieux.
AGRICULTURE.
Individuelle ou collective, la vie est un mouvement
continu, une incessante préparation du présent dans ses
tendances vers l'avenir, une série de transformations. —
Chassé du terrain de la politique dans la pluspart des pays
européens , tourmenté quelquefois par l'intolérance quand
il donne libre cours à ses comment et à ses pourquoi philo-
sophiques, l'esprit humain se réfugie à cette heure dans
le domaine si étendu des intérêts matériels et de la science,
préparant, en agriculture, en industrie, en commerce,
dans les sciences positives et dans l'ordre moral, surtout
en ce qui concerne l'état social des femmes , les révolutions
les plus hardies et les plus radicales.
L'insecte qui devra devenir le papillon aux couleurs
diaprées, a sa forme de chrysalide qu'il brise un jour,
lorsque le temps en est venu , pour s'élever à un monde
nouveau. Le têtard h son tour transforme ses organes ,
comme nous le répéterons en son lieu, et substitue des
poumons à ses branchies pour devenir un batracien , pour
s'élever de la vie aqueuse à la vie aérienne, c'est-à-dire à
une existence plus active et plus exigeante en ses besoins
nouveaux. — Tel est l'enseignement que nous donne la
nature, quand nous étudions à la surface du globe les
existences inférieures et subordonnées à celles de l'homme ;
274 PHILOSOPHIE
tel est encore le langage de Thistoire. L'intelligence
humaine obéit à la loi générale de tous les êtres doués de
vie. Son calme, c'est le travail de la préparation à une
nouvelle existence ; son repos, ce sont des études capables
de l'éclairer et de la fortifier.
Cette proposition si rassurante pour ceux qui ne croient
plus au mouvement quand la politique sommeille, et pour
tous les hommes qui ont porté, qui portent encore en
grand noir, le deuil du parlementarisme français, a besoin
d'une démonstration complète qui s'applique aux faits
d'ordre si divers que l'esprit humain peut embrasser.
Cette démonstration, ce livre la présente incessamment
d'une façon sommaire , et cependant nous espérons qu'elle
portera conviction dans les esprits.
On appelle en général industrie , la science avec laquelle
l'homme s'empare des agents extérieurs pour arriver à une
appropriation : de là I'Industrie àoricole qui transforme
en blés, en légumes, en fruits, en viande, en lait, en
beurre, en poils et en laines, au moyen du sol, l'air,
l'eau , les détritus végétaux et animaux et quelques sub-
stances minérales de notre planète.
L'Industrie Manufacturière et Ouvrière , soit dans
de grands, soit dans de petits ateliers , transforme les blés
et les farines en substances alimentaires, pain, vermicelle;
et les lins, les chanvres, les soies, les laines, en étoffes
de diverses sortes; les peaux, en chaussures et en harnais;
les minerais, en fontes, fer, cuivre, zinc, etc.
L'Industrie Commerciale , procédant des deux autres ,
les relie sans cesse; elle est dans le monde matériel ce
qu'est le Saint-Esprit ou l'amour dans le monde spirituel
(les philosophes et des chrétiens : le lien de la pmssance
et de l'action. Elle s'informe des besoins des objets manu-
facturés sur toute la surface du globe et des moyens de
les y voiturer au meilleur marché possible ; c'est elle qui
distribue le crédit en fournissant à l'agriculture et à l'indus-
trie les moyens d'étendre et de perfectionner leurs travaux,
souvent même de les commencer. Par suite les agents de
circulation pour la pensée , le crédit , les transports sont
entièrement de son domaine.
BU SIÈCLE. ¥16
Etrange et singulier phénomène ! la trinité se retrouve-
rait-elle partout ? La puissance, Taction, Tamour seraient-
ils, en passant d'un monde à un autre, Tagriculture ,
l'industrie manufacturière et le commerce? Oui, sans
doute : aussi est-il vrai de dire que le monde des idées
renferme le monde sensible et tangible, qu'il y conduit
et que l'industrie n'est autre chose que la transformation
d'un fait spirituel en un fait matériel. Ainsi considérée ,
son pouvoir est sans bornes comme celui de la pensée ; ses
progrès sont sans limites, et l'homme, dans sa noble
audace , peut tout tenter pourvu qu'il se conforme aux lois
étemelles de la nature. Oh ! n'est-ce pas le cas de dire,
avec les cloarecs ou étudiants de Basse-Bretagne : u Men
Doue, tout an tout azo bras! — Oh ! mon Dieu, que votre
universalité est grande ! »
C'était, il y a quelques années, une manière philoso-
phique et scientifiques d'examiner l'agriculture à son point
de vue le plus ^néral , que de diviser la surface de la
terre en régions agricoles, selon qu'elle peut produire:
La canne à sucre ,
Les oliviers et les mûriers ,
Les céréales ,
Les herbages ,
Les forêts.
Mais aujourd'hui , grâces aux découvertes récentes, nous
savons, sur l'acclimatement des plantes, beaucoup de choses
jadis ignorées, beaucoup d'autres sur les végétaux qui
peuvent se remplacer les uns les autres dans la fabrica-
tion des produits industriels, beaucoup encore sur des
[arons toutes nouvelles de tirer parti de plantes jadis
inutiles.
Il y aura toujours des climatinres plus favorables à
certaines cultures ; mais tout porte à penser que les régions
agricoles de la canne à sucre et des oliviers se pénétreront
chaque jour davantage, et qu'il en sera ainsi, même de
ces régions, vis-à-vis des autres : aussi nous placerons-nous
à un point de vue nouveau , en reconnaissant pour l'agri-
culture savante de l'avenir, trois grands, trois uniques
facteurs :
276 PHILOSOPHE
L'humidité,
Les labours,
Les engrais.
Les dérigations et les arrosements mécaniques , voilà les
deux moyens que Thomme possède pour humidifier le sol
qu'il cultive. Nous avons suffisamment indiqué les grands
emplois à venir des dérigations ; mais les arrosements
mécaniques ne seront pas moins utilisés : ici des chutes
d'eau serviront à mouvoir des turbines ou des pompes ;
ailleurs des moulins à vent rempliront le rôle de moteurs et
sendront à appeler les eaux sur les flancs des collines ; sur
d'autres points , la force inutile des animaux des fermes
sera fructueusement appliquée à des manèges ; au besoin
l'on aurait recours à l'air chaud et à la vapeur.
Que laissent à désirer aujourd'hui nos charrues à versoirs
en fonte qui creusent leurs sillons à plus de trois décimètres,
nos extirpateurs, nos herses- à dents de fer, nos rouleaux
destinés à briser les mottes, à émietter le sol comme la
bêche le fait en nos jardins? N'arrivons-nous pas aussi tous
les jours à des semoirs mécaniques de plus en plus par-
faits ?
MM. Barrât n'ont -ils pas inventé, dans ces derniers
temps , une pioche mécanique mue par la vapeur, qui a
meneilleusemont fonctionné dans toutes les expériences
publiques auxquelles elle a été soumise ? Est-ce que cette
pioche , supérieure aux araires à vapeur de MM. Osbome ,
Usher et lord Willoghby, ne cultive pas mieux encore que
la pluspart des charrues à bœufs et presqu'aussi bien que
la bôcbe ? N'est-elle pas de nature à remplacer le travail
de l'homme sur bien des points, surtout dans les plaines
des pays équatoriaux, où le soleil est si brûlant, où l'humi-
dité du matin est si dangereuse? Nos colonies ignorantes
n'en ont pas encore usé , mais elles en useront , et alors
seront résolus à tout jamais les grands problèmes de la
servitude et de l'esclavage ; alors les terres mortelles à la
santé des laboureurs pourront êtres défrichées avec des
dangers nuls ou fortement amoindris. — Reste donc la
question des engrais.
Celle-ci avance vers^ sa solution. Nous connaissons au-
BU SIÈCLE. 277
jourd'hui quatre manières de les employer; ils peuvent
senrir:
1" Pour le chaulage ;
2** Pour Tarrosement ;
8"* Sous forme pulvérulente ;
4"* Sous forme der fumiers , de compots, d'amendements.
Mouillez des graines dans une solution fortement végé-
tative, laissez-les sécher, semez-les ensuite: voilà Tune des
formes du chaulage.
Mouillez des graines dans de Teau, roulez-les dans la
poussière d'un engrais très-actif : voilà une autre forme.
Prenez cent livres de sang des boucheries parfaitement
brassé ou son équivalent, quelques litres de poussière de
charbon, un litre de sulfate de fer comme moyen de
transformation des carbonates d'ammoniaque en sulfates ,
deux ou trois litres de guano, et vous aurez les éléments
du chaulage d'un hectare semé en froment. Si la terre
était riche par avance, le produit serait bon; autrement
cet engrais serait insuffisant, cette manière de faire ne
pouvant livrer aux graines confiées au sol que le quart
environ d'une fumure.
Voici un exemple du second moyen : — Prenez deux
hectolitres de froment , mouillez-les et roulez-les dans un
hectolitre de noir pur des résidus de raffineries , aiguisé
avec dix litres de sang des boucheries , additionné de cent
grammes de sulfate de fer, et vous aurez résolu le problême
du chaulage par le second procédé.
Même chose peut avoir lieu pour les plantes que l'on
repique, pour les choux, pour les betteraves. Rien de plus
facile que de tremper leurs racines mouillées dans un
mélange pulvérulent ou leurs racines sèches dans une
bouillie fertilisante.
Engrais Liquides. — Les liquides que Ton emploie
ou que l'on pourrait employer comme engrais , sont :
Les urines des étables ,
Les matières des fosses d'aisance ,
Les eaux ammoniacales des usines à gaz ,
La chaux délayée.
Les solutions saUnes favorables à la végétation,
42*
278' PHILOSOPHIE
Les bouillies ou bouillons de viande étendus d'eau ^
Le sang des boucheries étendu d'eau.
Généralement l'emploi des engrais liquides est une
méthode inférieure , surtout dans les contrées où des pluies
irrégulières peuvent fortement laver le sol.
On a proposé dernièrement , en Angleterre , de combiner
ensemble le drainage, la distribution de l'eau dans les
villes, leur répurgation par d'abondants lavages et la
fumure des terres voisines au moyen d'engrais liquides ;
mais à l'exception de quelques locaUtés placées à mi-côte ,
pour toutes les autres, ce système, qui réclame une
énorme dépense de tuyaux et de force motrice, serait
excessivement coûteux.
Ei^&RAis Pulvérulents. — Les principaux engrais pul-
vérulents employés à cette heure , le sont généralement ,
en France , aux doses suivantes , pour un hectare :
Noirs fins et purs résidus des raffineries . . 6 à » hectolitres.
Noirs mêlés pour moitié en volume à des
tourbes très-fortement animalisées. •.68 —
Colombine ou fiente de pigeons 5 6 —
Guano naturel 3 » —
Guano artificiel ► 4 » —
Poudre de viandes 2 » —
Sels de morue 3 » —
Produits de latrines désinfectées 15 30 —
Poudrette au sang 12 » —
Poudrettc au bouillon de viandes d'écaris-
sage .... 12 » —
Cendres. \ Les doses en varient singu-
Cendres lessivées. f lièrement selon le but qu'on se
Plâtre. l propose d'obtenir et la nature
Poudres de coquillages. ) du sol.
On fait excellemment, avec de la tourbe sèche en poudre
ou même avec de la terre desséchée dans la proportion en
volumes de 9/10, à laquelle on ajoute 1/10 de charbon
en poussière et 1/100 de sufate de fer, une poudre absor-
bante et désinfectante.
Rien de plus aisé , presque partout , que d'y mêler des
DU SIÈCtE' 279
plairas pulvérisés provenant de démolitions , dans la pro-
portion d'un ou de deux dixièmes, et même dans une
proportion plus élevée, surtout quand c'est de la terre
desséchée qui forme la masse pulvérulente.
On peut se servir avec le plus grand succès de ce mélange
pour transformer en engrais pulvérulents les matières des
fosses d'aisance , le sang des boucheries , les bouillons des
tripiers de nos abattoirs , les dissolutions de viandes faites
avec la chair des animaux des équarrissages , etc., etc., de
manière à utiliser, dans les villes , tous les résidus , tous les
détritus de nos ménages , une foule de substances aujour-
d'hui perdues qui souvent infectent nos demeures. —
Une économie de cette nature , appliquée d'une manière
sociale et non pas individuelle ou simplement locale,
produirait, par chaque million d'hommes, plus d'engrais
que la quantité nécessaire à la culture des blés qu'ils
consomment. D'où cette conclusion , qu'aujourd'hui ce ne
sont pas les engrais et la connaissance de leur emploi qui
manquent à l'agriculture , mais une économie administra-
tive qui saurait habilement répurger nos villes et nos
demeures isolées, des éléments d'infection fournis par les
détritus de nos consommations journalières. — De là, pour
les hommes politiques, la nécessité de réfléchir sur la
circulation et la solidarité en tout et partout au sein des
sociétés.
11 est une contrée de la France , le Niortais , où la fabri-
cation des engrais domestiques est chose usuelle. Dans
la plupart des maisons, il est de règle de faire parvenir
tous les détritus dans une cave : et les caves en ce pays
sont creusées dans un roc calcaire fort tendre. Là, mêlés
aux balayures et aux autres ordures des maisons , ils
donnent Ueu, au contact du roc et par leur nature spéciale,
à une nitrification qui en augmente le volume et la quan-
tité.
Le grand progrès de la fabrication des engrais ce serait
de préparer de toutes pièces et à bas prix des sels azotés ,
tels que le sulfate et surtout l'azotate d'ammoniaque. Arrivée
à ce résultat, et elle y arrivera, la chimie aura résolu
l'un des plus grands des progrès agricoles. En attendant ,
280 PHILOSOPHIE
il convient de suivre l'exemple donné dans le Niortais.
Rien de mieux que d'avoir partout des réservoirs à engrais,
formés de pierres calcaires légèrement poreuses , telles que
le tuff ou autres. Toutefois il serait convenable, pour
ne jamais perdre les acétates et les carbonates d'ammo-
niaque que les substances animales peuvent contenir, d'y
mêler, pour les dessécher, une poudre contenant du charbon
et un centième de sulfate de fer. Admettons un instant que,
par suite des nitrifications artificielles, la plus-value des
engrais soit d'un centième tous les ans : ce serait bientôt
l'équivalent, en fumure, de plusieurs cent mille hectares,
rien que pour notre France.
De tous les engrais connus, le plus puissant c'est la
chair des animaux , chevaux , bœufs , poissons et autres.
Réduite en poudre , transformée en bouillie et desséchée
avec les mélanges siccatifs et désinfectants indiqués ci-
dessus, la substance animale peut devenir l'objet de
spéculations importantes. De là , dans l'avenif , la nécessité
d'écarrissages départementaux et de grandes pêches destinées
à débarrasser les mers des poissons nuisibles, au profit de
l'agriculture. Un essai très-intéressant que nous, avons fait
en 1846, feu Le Sant mon beau-frère et moi, pourra
faciliter singulièrement le transport éloigné des produits
de ces pêches. Nous avons reconnu qu'il est facile de
dissoudre de la viande hachée dans un liquide analogue au
suc gastrique, et qu'il est très- aisé de dessécher des viandes
à l'air libre, à l'abri des insectes, si l'on ajoute à ce suc
gastrique factice un peu de sulfhydrate de soude ou de
potasse , et si l'on y trempe quelques instants les viandes
à dessécher. — Cette méthode nous a merveilleusement
réussi pour les préparations anatomiques , soit en dissolvant
avec promptitude les muscles et les tendons qui recouvrent
les os , soit en permettant de dessécher des préparations
qu'il importait de conserver.
Le jour arrive où l'on sentira le besoin de mettre en
exploitation régulière , les guanos des divers gisements et
les autres produits que nos mers peuvent fournir avec tant
d'abondance , pour féconder le sol.
Rien du reste de plus aisé que de fabriquer du guano
BU SIËCLC. 281
artificiel. Voici une formule proposée par M. Girardin ,
chimiste à Rouen, suivie d'une autre formule proposée par
nous; toutes^les deux sont destinées à fournir Téquivalent
de 400 kilo, de guaino.
Poussière d'os
Sulfate d'ammoniaque • .
Sel marin
Cendres neuves
Sulfate de soude
Résidus purs des raffine-
ries
Poudre désinfectante très-
fortement animalisée. .
6IRARBIR.
6UËPIN.
515 kilo.
» kilo.
100 —
1) —
100 —
100 —
5 —
)) —
11 —
» —
»
500 —
»
500 —
531 kilo. 700 kilo.
Ces engrais , dont il est si facile de modifier les formules
selon les divers pays, sont moins actifs à poids égal et
moins prompts dans leur action que le guano ; mais ils
agissent plus long-temps sur le sol et sont, en réalité, plus
efficaces dans les proportions ci-dessus.
On obtient, avec le guano et les résidus de raffineries,
des mélanges dont les proportions doivent varier selon les
cultures. — Mettez parties égales sur les prairies , 2/S seu-
lement de guano pour les plantes sarclées , les choux et les
verts , 1/5 pour les blés , et vous arriverez généralement à
d excellents résultats.
Nous devons remarquer, à l'occasion de ce qui précède ,
que les os seront de plus en plus exploités pour la fabri-
cation de colles ou gélatines; mais il serait d une mauvaise
économie de les réduire en charbon pour la fabrication
d'engrais pulvérulents : mieux vaut les concasser et les
pulvériser pour les employer à l'état naturel , après y avoir
ajouté du* sel marin et de l'azotate de potasse ou de soude ,
moyens puissants d'augmenter leur valeur fertilisante et
de la rendre plus immédiatement profitable. Les os
agissent alors par les phosphates qu'ils renferment et par
la substance animale qu'ils contiennent. Le sel marin et
â8â PHILOSOPHIE
les azotates facilitent leur décomposition par échange de
base.
Des Compots et des Fdhiers. — L'engrais Jauffret fit,
en France , il y a quelque années , tout le bruit possible.
— L'idée-mère de cet engrais était grande , mais elle ne
fut ni philosophiquement exposée, ni philosophiquement
exploitée. Cette idée , la voici sous une forme mieux appro-
priée à l'avenir :
Prenez de bonne tourbe, c'est-à-dire de l'humus très-
favorable à la végétation; ajoutez-y des sels et d'autres
substances végétatives : vous aurez un engrais qui vaudra
selon la valeur réelle des combinaisons chimiques que
vous aurez produites.
Si vous n'avez pas de tourbe , mais si vous avez des
feuillages , des branchages , des genêts, des bruyères , des
pelures de fossés, des herbages, transformez-les, par la
fermentation, en humus végétatif; ajoutez-y des sels des
substances azotées, et vous aurez le même résultat que
si vous aviez eu de bonnes tourbes à votre disposition,
c'est-à-dire des tourbes suflSsamment réduites à l'état
d'humus.
Quand on fabrique des engrais de la sorte , il ne faut
jamais perdre de vue que l'on fait une opération semblable
à celles qui ont incessamment lieu dans le laboratoire du
chimiste, et qu'il faut l'entourer des mêmes soins, des
mêmes précautions. Quelles sont les conditions favorables
à la fermentation? quelles sont les substances qui la faci-
Utent , les moins coûteuses en un lieu donné , et le plus
à la portée des cultivateurs? Voilà les deux premières
données du problême à résoudre. Voici la troisième : c'est
d'ajouter à l'humus produit par une fermentation pour
laquelle , si l'on ne sait rien en chimie , on consultera le
pharmacien le plus voisin , d'autres éléments qui le rendent
plus fertilisant encore qu'il ne l'est naturellement. L'engrais
Jauffret , ou engrais par fermentation de débris végétaux ,
n'est , à bien dire , qu'un cas particulier de la fabrication
de ces mélanges fertilisants que l'on appelle compots.
Il y a une autre manière , souvent plus avantageuse , de
transformer promptement en humus les débris végétaux :
BU SIÈCLE. 283
c'est de les traiter par la chaux, de faire des couches
successives de chaux caustique et même non éteinte , et
de débris végétaux. On obtient ainsi une réaction très-
puissante, dans laquelle la chaux devient un sous-carbonate,
pendant que les détritus végétaux sont transformés en humus
très-approprié à la végétation.
Si avantageux que soient à l'agriculture les produits
quaternaires contenant de Tazote, les produits ternaires
peuvwit cependant lui rendre les plus utiles services ,
lorsqu'ils sont sous une forme convenable. Les huiles, les
graisses et d'autres corps non azotés, essayés sous nos
yeux pour ies cultures diverses, ont donné des résultats
qui ont soutenu la comparaison avec ceux des engrais
animaux.
11 faut en général distinguer deux choses dans les
compots : Téponge ou substance absorbante , et les engrais
plus vivifiants qu'on lui fait absorber par un procédé
quelconque d'incorporation. Autant que possible, la base
du compot, l'éponge, doit être une substance fertilisante,
telle qne de la tourbe , des détritus calcaires , des pelures
des champs, etc. — La chaux, le sel marin, les autres
sels, les urines, les débris animaux et végétaux de toute
espèce , servent à leur donner une plus grande valeur ; les
fumiers des étables pourraient et devraient souvent entrer
eux-mêmes dans leur fabrication.
Si une chimie plus savante présidait à l'agriculture, la
chaux augmenterait d'un dixième et souvent d'un cinquième
la masse des engrais.
Le sel marin y entrerait pour un vingtième.
Le plAtre, les coquillages, les sels calcaires, les plâtras,
les sels ammoniacaux des usines à gaz , et d'autres sels que
l 'industrie se procure si difficilement aujourd'hui , forme-
raient le pendant de la chaux.
Par chaque millier d'hommes , les résidus des ménages
fourniraient l'engrais nécessaire à la culture des terres qui
les nourrissent aujourd'hui , et les étables environ le double.
De là cette conséquence, qu'une chimie agricole plus
habile exploiterait chaque millier d'hommes de manière à
reproduire au besoin la substance alimentaire de trois à
384 PHILOSOPHIE
quatre, tout en les débarrassant, par une parfaite circulation
des produits consommés ou détntus, c'est-à-dire de tout ce
qui est dans nos villes une source de pestes, d'épidémies,
d'insalubrité, de mauvaises odeurs.
Il est donc faux de dire, avec Malthus, que les hommes
se multiplient en proportion géométrique ou à peu près ,
et les aliments en proportion arithmétique. Ce qui est à
peine vrai des hommes ignorants de l'époque actuelle et
des hommes plus ignorants encore du passé , est essentielle-
ment inexact pour l'avenir.
Buffon lui-même et d'autres sont restés à côté de la vérité,
quand ils ont dit : « Â côté d'un homme il pousse un pain, »
ou l'inverse : « A côié d'un pain il pousse un homme. »
— La science nous enseigne de la façon la plus évidente
que dans l'état actuel des choses , à côté d'un homme se
trouvent les éléments nécessaires à la nourriture de trois
ou quatre. Est-ce sa faute ou celle de notre inhabileté , si
nous ne savons en tirer parti?
Après tout ce qiii précède , le lecteur comprendra que
les fumiers des bouchers ne devraient pas recevoir, comme
cela se fait dans les bourgs et dans les villages, le sang
des animaux que la fermentation détruit pour moitié ; et
que presque partout on agit avec aussi peu d'intelligence
industrielle.
Je dois le répéter encore :
Il devrait exister dans chaque maison , à la campagne
et dans les villes , un heu muré en pierres calcaires , dans
lequel se rendraient les eaux ménagères, les urines, les
matières fécales; dans lequel on déposerait toutes les
ordures , toutes les balayures des ménages , sous l'influence
de poudres absorbante» appropriées.
Chaque étable devrait posséder son réservoir h urines,
fut-ce une barrique , un simple baquet enfoncé en terre ,
où les sels ammoniacaux seraient fixés et transformés par
l'addition de chlorure, de manganèse, de sulfate de fer,
d'acides chlorhydrique ou sulfurique étendus d'eau.
Partout il serait utile de favoriser les nitrifications artifi-
cielles et même d'en créer.
En somme, si la circulation des produits à consommer
DU SIÈCLE. 285
est passable dans notre état actuel de la civilisation , celle
des détritus ou produits consommés, destinés à servir
d'engrais et à revivre dans la nature par leur participation
à de nouvelles existences, est tout-à-fait imparfaite: de
là , outre les maladies sociales du corps humanitaire appe-
lées disettes et famines, mille autres inconvénients séneux.
Quel changement dans la vie des peuples , si nous
pouvions fumer quatre fois plus, au besoin, les terres
cultivées ! Le monde ne deviendrait-il pas alors un jardin
^rentable, embelli qu'il serait par des eaux vives, des
étangs poissonneux, des canaux naviguables et des cultures
ma^ifiques?
Aux progrès de l'agriculture , se rattache l'amélioration
du sort des travailleurs des villes et des campagnes , et ,
dans un ordre moins général et en apparence moins huma-
nitaire :
Le progrès de la fabrications des boissons fermentées ;
La possibilité, par de bonnes fumures, d'augmenter
singulièrement les produits de la vigne ;
La fabrication , à des prix fabuleusement bas , du sucre
de cannes ;
Une production double en chanvre et en lin sur une
surface dcoanée , ce qui permettra quelque jour à la toile
de faire aux tissus- de coton la plus rude concurrence ;
Une production de soie plus abondante et plus sure
pour une même surface de terre ;
Une séparation parfaite des chiffons de soie et de laine ,
résen'és pour la fumure des terres ou pour des tissus feutrés
très-inférieurs.
Une simple remarque à cette occasion : supprimez cette
partie si utile de la répurgation dont s'occupent les
chiffoniers , et aussitôt l'accumulation des chiffons devient
une source de germes infects , de maladies de toute nature
que de grandes chaleurs et de l'humidité pourraient rendre
pestilentielles.
L'agriculture savante réagira aussi fortement sur la
meunerie des classes pauvres et sur leur boulangerie, qui
sont aujourd'hui si inlërieures.
286 PHILOSOPHIE
Nous ne saurions oublier en ce chapitre, ni la culture
des arbres fruitiers, ni celle des fleurs: Tune et l'autre
tendent et tendront de plus en plus à prendre une immense
extension. La culture des arbres fruitiers nous révèle une
foule de faits curieux: l'un d'eux, c'est que toutes les
espèces de fruits actuels paraissent très-différentes de
celles qui existaient il y a quelques siècles. On dirait que
plusieurs de celles-ci sont épuisées ; elles semblent vouloir
faire place à des espèces nouvelles. Que deviendrait cette
culture si , dans tous les pays civilisés , les terres amélio-
rées par suite des progrès dans les irrigations, les labours
et les engrais, devenaient toutes des jardins véritables?
Beaucoup de personnes , et nous sommes du nombre ,
voudraient dans chaque ville ime promenade couverte qui
servirait à une foule d'usages. Dans les cités populeuses ,
ce serait le marché aux fleurs et le promenoir des enfants.
Il serait aussi magnifique et d'un goût exquis de superposer
de grandes serres à de vastes édifices publics : on réaliserait
de la sorte plus et mieux que les jardins suspendus de la
Babylone de Sémiramis.
Nous avons étudié les grands facteurs de l'agriculture ;
passons maintenant à quelques applications.
Quelques Indications a l'Occasion de la. Clïmature.
— L'état moyen autour duquel les mondes oscillent est
une garantie indéfinie de stabilité pour les astres qui en
font partie ; mais il n'est pas indifférent de retrouver de
nouvelles preuves à l'appui de la pensée du géomètre qui
l'a exprimée la première fois. Nous devons à Arago l'une
des plus curieuses démonstrations qui puissent être données
sous ce rapport, à l'occasion de la climature terrestre.
Voulant établir que depuis trois mille ans la température
du globe n'a pas varié d'un demi-degré ^ il en a trouvé la
preuve dans un fait de la végétation.
La limite inférieure de la vigne se trouve dans les pays
où la température moyenne est de 21 à 22 degrés centi-
grades. La limite supérieure, pour la fructification des
f)almiers , est de 21 degrés centigrades. La Palestine étant
e point de jonction de ces deux cultures , il en résulte que
sa température moyenne est entre 21 et 22 degrés. Mais
BU SIÈCLE. 287
depuis 5,000 ans ce fait a lieu ; donc depuis 5,000 ans la
température n'a pas varié, en Judée, d'un demi-degré.
De là cette autre conclusion, que trente siècles n'ont
apporté aucune réduction sensible à la chaleur versée par
le soleil sur la surface de notre globe.
Cette intéressante démonstration d'Arago conduit natu-
rellement à distribuer notre terre en une série composée
de sept zones :
1" Celle qui permet au café de mûrir,
2" Celle des datiers,
5* La région ou zone des oliviers,
4" La région des vignes,
5" La région des céréales,
6" La zone ou région des herbages,
T** La zone ou région des forêts.
M. de Gasparm, dans son excellent ouvrage d'agriculture,
a considéré les cinq dernières comme appartenant à la
climature européenne.
Tayttdis que le café réclame une moyenne d'au moins 25
degrés, condition dans laquelle la vigne ne vient plus qu'à
l'ombre, le dattier ne réclame que vingt-et-un degrés. —
L olivier ne peut supporter que quelques jours seulement
une température au-dessous de sept et huit degrés, et de
plus il est nécessaire pour qu'il fructifie , qu'il reçoive un
surcroît de 1099 calories météorologiques en sus des dix-
neuf degrés de température moyenne de l'époque à laquelle
il fleurit. — La vigne entre en floraison à une température
de dix-sept ou dix-huit degrés, et pour que son fruit
mûrisse, il faut qu'il reçoive 21*^, 5. Quel que soit notre
désir de contribuer à faire accepter la classification des
cultures que nous venons de signaler, nous devons faire
remarquer que les trois dernières se pénètrent singulière-
ment et ne se soumettent qu'à des considérations générales,
uuUement à des considérations mathématiques de sépara-
lioQ. 11 n'en est pas moins exact que la série dès principales
cultures du globe se partage en sept divisions, et si les
herbages pénètrent dans la zone des blés et réussissent
mieux en Angleterre et en Bretagne , cela tient à ce que
souvent les terres de ces contrées se trouvent humides au
288 PHILOSOPHIB
point de trop favoriser le développement de plantes étran-
gères. — On admet qu'après trois jomrs de pluie , la terre
des pâturages pérennes doit renfermer 25/100 d'eau ; cette
condition n'est évidemment pas favorable à la culture des
bois, et de plus elle rendrait impossible celle des céréales.
— Les blés et les pâturages se terminent par des arbres
verts et des bouleaux. Viennent ensuite, soit que Ton
s'élève sur les montagnes, soit que Ton s'avance dans le
Nord, des arbres rabougris, le rhododendron; puis des
plantes vivaces rasant le sol, puis du lichen, dernière trace
de la vie dans les lieux où la chaleur intérieure du globe
n'exerce plus d'action sensible.
Des Montagnes. — Les montagnes se divisent en deux
séries très-distinctes : les unes sont assez élevées pour que
la végétation des arbres s'arrête sur leur pente à une
hauteur qui varie, mais qui ne dépasse guère 2,500 mètres,
et leurs sommets sont en général couverts de neiges ; les
autres plus anciennes, portent moins haut leurs cimes.
Pour les unes comme pour les autres, les forêts sont le
meilleur moyen de prévenir la dégradation des pentes.
Plus on étudie les harmonies de la nature , plus on trouvé
que les forêts sont faites pour les hauteurs. Là elles servent
à briser les vents, à abriter les vallées, à tempérer l'atmo-
sphère, à s'emparer de son humidité qu'elles rendent
ensuite à leur partie la plus déclive sous la forme de
sources , à retenir le sol dans les lieux élevés et à prévenir
ainsi les ensablements. Combien de rivières, aujourd'hui
desséchées , combien de torrents qui ont porté le nom de
fleuves, dans les heux où les bois ont été détruits. Frappées
f)ar les rayons du soleil , les montagnes qui entretenaient
eurs sources ne présentent plus aux nuages qu'iuie surface
chaude qui vaporise leurs eaux prêtes à s'y fixer, au lieu
de cette verdure qui les attirait autrefois.
Les attérissemeuts du Mississipi suivent une marche
progressive depuis les grands défrichements de l'Amérique
du Nord. Le déboisement des montagnes de la France et le
dessèchement d'un grand nombre d'étangs et de mararis, a
rendu notre climat moins froid en hiver, mais il est deveùu
DU SIÈCLE. 389
moins chaud en été , et beaucoup de nos rivières perdent
de leur navigabilité. N'oublions pas que, dans cet instru-
ment que Ton appelle daguéréotype , les surfaces vertes
agissent exactement comme les surfaces noires, que par
saite, les forêts ont une puissante action absorbante pour
la lumière, la chaleur et les rayons chimiques qui les
accompagnent , action qu'elles exercent fructueusement
au profit de la vie du globe. Planter les plaines de grands
arbres, ce serait ramener nos contrées à leur ancienne
climature. La plantation de nos montagnes et la culture
de leurs bois sont donc d une grande importance ; mais
comment espérer que quelques particuliers sans mission
Teilleront à l'intérêt général de contrées étendues. Que
leur importe à eux qu'un port, éloigné de 150 à 200 lieues,
soit comblé dans quelques siècles , en même temps que la
rivière qui passe auprès de leurs propriétés cessera d'être
naviguable à la même époque ? C'est donc à la société k
intervenir directement elle-même et à s'occuper activement
de planter toutes les chaînes dont les versants donnent
naissance à des sources importantes.
Nous avons dit, à l'article des eaux, de quelle ressource
pourraient être , pour toutes nos industries , des tunnels
passant sous les plus élevées de nos montagnes. Remar-
quons toutefois que les ruisseaux auxquels leurs pentes
convertes de bois donnent naissance , deviennent, canalisés
par la main de l'homme, les moyens de transport et
d'exploitation des forêts et des mines de ces mêmes
montagnes. Ainsi, tout est solidaire en ce monde, et son
étude nous prouve que notre globe a été fait pour l'homme,
comme l'homme a été fait pour le globe ; de la même
manière que la géologie nous enseigne que l'humanité a
paru sur cette terre le jour où , purgée de tous ses grands
carnivores, embellie par la végétation de plantes acotylédo-
né«set dycotilédonées , arrosée par des fleuves magnifiques,
la terre avait pris ses habits de fête pour la recevoir.
Lbs Plateaux, les Places, les Vallées et leur
Agriculture. — Si les forêts sont faites pour les montagnes,
les autres cultures doivent occuper les plateaux, les plaines et
290 PHILOSOPHIE
les vallées, excepté dans les contrées très-froides, où les bois
de construction sont trop souvent la seule exploitation que
puisse essayer Tagriculture. Dans les pays rapprochés du
cercle polaire, disent les statisticiens, les bois et le chanvre
sont presque les seuls objets que le règne végétal fournisse
avec abondance , de manière à permettre à l'homme
des champs de s'occuper de leur culture. Aménagé con-
venablement , rhectare de bois rapporte 20 francs ; mais
l'hectare de chanvre donne plus de 200 francs. L'encom-
brement de ces produits rend onéreux leur chargement ,
leur transport, leur déchargement et leur entrepôt. La
culture de l'olivier, de la garance et du cotonnier fournit,
en Grèce, 600 francs par hectare, ce qui est un produit
double de celui des bonnes terres de notre climat. Sous les
tropiques , l'hectare cultivé en caféiers et en cannes à sucre
rapporte huit fois plus qu'un hectare de blés ou de vignes
de nos contrées , trois ou quatre fois plus que les cultures
de Grèce , dix à onze fois plus que les produits avantageux
des contrées boréales, et cent fois plus que leurs forêts.
Trente-six lieues carrées de bonnes terres, aux Antilles,
suffiraient, bien cultivées, à produire le sucre que la
France consomme. Ces faits, de la plus haute importance,
suffisent-ils à prouver, comme nous l'avons écrit, en 18S4 ,
dans notre traité d'économie sociale, comme beaucoup
l'ont répété depuis , que la tendance des hommes du
Nord à lancer vers le Midi , vers les pays où le soleil est
plus chaud et la terre plus fertile, des essaims de leur
population, doit durer jusqu'à ce que la population moyenne
de ces contrées soit, avec celle de la France, dans le
rapport de 8 à .10 , et que ce serait une bonne politique
que de distribuer les hommes sur la surface du globe en
raison de la puissance pécuniairement productive de
chaque contrée ? Non , sans doute ; toutes les cultures du
Midi ne sont pas aussi avantageuses que celles du sucre et
du café ; bien des produits de la Grèce sont inférieurs en
rendement pécuniaire, aux olives et aux cotons, et puis
n'est-il pas indispensable de tenir compte de cette mollesse
que produisent les climats brûlants , vis à-vis de l'énergie
que l'homme peut développer dans les pays plus froids ?
DU SIÈCLE. 291
Il est encore nécessaire, pour se rendre compte de Tavenir
agricole du monde, de prendre la question à un autre
point de vue.
La culture des céréales, des fourrages artificiels, des
racines et des légumes, se compose avant tout de deux
éléments: les labours et les engrais; puis d'un troisième,
les arrosages, dans quelques localités exceptionnelles et
privilégiées. La nature des prairies naturelles en comporte
deux : les engrais et les irrigations. Cela posé , voyons ce
que peut l'homme pour améliorer les produits de son
industrie agricole. Prenons les 55 millions d'hectares de
France pour une moyenne entre les terres diverses qui
forment les 14 milliards d'hectares du globe, et voyons, par
ce qu'il est possible de faire de la France , ce que pourrait
devenir le monde entier.
Sur ces 55 millions d'hectares , nous trouvons en :
Prairies naturelles 4,198,000 hectares.
Prairies artificielles 1,570,000
Jachères attestant notre igno-
rance et notre impuissance
agricoles 6,765,000
Pâturages , pâtis , landes et
bruyères, terres mal utili-
sées 9,191,000
Froment seulement 5,586,000
Epeautre 4,000
Seigle 2,577,000
Méteil 910,000
Orge 1,188,000
Avoine 3,000,005
Maïs et millet 631,000
Sarrazin 651,000
Fèves, févroUes et lentilles. . . 12,000
Pois , vesees , bisaille 29,000
Légumes secs 296,000
Jardins. 360,000
Bois et forêts, châtaigneraies. 9,253,000
Ce tableau serait incomplet, si nous n'ajoutions que
392 PHILOSOPHIE
les 4/5 de nos prairies ne sont jamais fumées et que les
cultures de blé le sont, en moyenne, avec 26 mètres cubes
de fumier d'étables par demi-hectare. En présence de ce
fait déplorable d'impuissance , il convient de poser nos
convictions et nos espérances. Pendant quatre ans , nous
nous sommes occupé d'engrais artificiels : nous avons vti
échouer dans les terres neuves , contrairement à Topinion
des Dumas , des Payen et des autres célébrités , les en-
grais simplement azotés qui réussissent dans les autres.
Leurs erreurs nous ont coûté 25 mille francs; et nous,
nous avons quelque droit de parler sur cette question ,
ayant fait et suivi de près de très-nombreuses expé-
riences.
Nos calculs établissent que la France pourrait arriver
à posséder un cinquième et plus de sa surface en prairies
naturelles, soit environ 10 à 12 millions d'hectares au
lieu de quatre. Si ces dix millions d'hectares étaient conve-
nablement arrosés et fumés chaque année , leur produit
total atteindrait rapidement six milliers de kilogrammes
i)ar hectare , ou moitié en sus du produit ordinaire. Ainsi
e prouvent les expériences faites par d'autres et par nous-
même avec du guano , des sels ammoniacaux , des tourbes
animalisces, des sels de morue, des noirs résidus de raffi-
nerie et des poudrettes , en valeur moyenne de 50 à 60
francs par hectare.
La France , qui ne possède que 51 millions et demi de
bêtes de toute nature, se verrait donc bientôt dans la
possibilité d'augmenter considérablement son cheptel,
puisqu'elle aurait accru le chiffre de ses prairies dans le
rapport de dix à quatre, et celui de leur rendement dans le
rapport de deux à un.
Actuellement elle recueille à peine douze millions de
milliers de kilogrammes de foin , et cependant elle pourrait
arriver à dépasser soixante millions de milliers de kilo-
grammes.
La France , avant de longues années , pourrait donc
avoir un cheptel de 100 à 300 millions de bêtes de toutes
espèces, 10 millions d'hectares de prairies, et plus de
50 millions d'hectares parfaitement fumés et cultivés , de
BU SIÈCLE. 293
manière à nourrir 72 millions d'hommes, beaucoup mieux
qu'elle ne nourrit aujourd'hui les 56 millions qui foulent
son sol souvent ingrat. Mais qui oserait comparer la
France à la Hongrie, à l'Ukraine, à l'Italie, à l'Espagne, à
l'Algérie, à l'Egypte, à l'Inde, et surtout aux Amériques ,
même à l'Afrique, dont la fertilité deviendait si grande
avec de bonnes irrigations ? Il sera donc possible un jour
de produire , sur notre globe , une nourriture très-confor-
table pour 14 milliards d'habitants qui fouleraient ses
14 milliards d'hectares de terre , et de donner à la famille
humaine un luxe de bien-être matériel qui dépasse toute
imagination.
De pareilles conquêtes ne seraient pas sans gloire , mais
elles présentent de nouvelles difficultés. Depuis quelques
araiées, plusieurs de nos plantes les plus nutritives sont
attaquées par des parasites assez mal étudiés encore et
très-mal combattus jusqu'à ce jour. Ajoutons, car la vérité
importe plus que le besoin de plaire, qu'avant l'ouvrage
de Charles Robin, sur les végétaux parasites qui croissent
sur l'homme et les animaux vivants , la France ne possé-
dait aucun ouvrage sur cet important sujet qui méritât
d'êlre cité. Celui-ci, malgré son mérite, n'envisage qu'une
partie de la question. Il faut à la société , un ouvrage sm-
les parasites des deux ordres et sur ceux qui attaquent les
plantes, tout aussi bien que sur ceux qui attaquent le
règne animal ; il lui faut aussi et surtout les moyens de se
débarrasser de ces ces hôtes si nuisibles. — Depuis six
ans, nos pommes de terre se perdent chaque année, nos
vignes sont très-compromises et nos froments eux-mêmes
ont été menacés. — Terribles épidémies que celles qui
s'attachent à la substance nutritive et viennent menacer
l'homme au milieu de ses conquêtes scientifiques !
Lorsque la solution de nos problêmes sera devenue possi-
ble, la science, par de nouveaux progrès, se sera mise en
mesure d'ajouter encore au bien-être de l'humanité en
augmentant les produits obtenus par le travail humain.
Plus on étudie les ressources de la nature , plus en véritt'^
on reste stupéfait en vovant tout ce que nous pourrions
faire et le peu que nous faisons pour notre bonheur.
13
294 pniLOsopniE
Si maintenant nous nous demandons la loi de cette
grande circulation qui transforme, dans des conditions
données , en terres arables , en humus , en plantes et en
animaux, Toxigène, Thydrogène, le carbone, l'azote et
divers éléments minéraux, nous arrivons à penser que
rhumanité ne sait encore diriger en aucune manière les
agents naturels dont elle^disj^eso ;iqli*elle les connaît à peine
passablement depuis 50 ans et qu'elle peut accroître la
production en denrées alimentaires bien plus rapidement
que ne marche l'accroissement de la population. Nous
sommes donc au début d'une magnifique série de conquêtes
scientifiques et de progrès en bien-être matériel. Cette
série suivra la loi de la vie ; elle se développera pendant des
milliers d'années, puis elle oscillera jusqu'au refroidisse-
ment du globe autour d'un état moyen : alors viendront la
vieillesse et la décrépitude de l'humanité , puis cette trans-
formation qui est la fin de la vie el le renouvellement de
l'existence.
BU SIÈCLE. â9S
LIVRE V.
VIES ANIMALES.
COMMSIiT SB S0I9X PAO^UITS LES ATRES QUI VIVENT
A LA SUBfACB BB LA TBIRE.
Avant-hier la science tenait ce langage : Prenez Teau la
plus pure^ placez-la dans un flacon bouché et à-demi
rempU d'air; qu'elle soit exposée à la lumière, et bientôt
vous y verrez de la matière organisée de couleur verte. —
Le même phénomène aura lieu en Tabsence de la lumière;
mais la substance organisée sera sous forme de flocons
étiolés. — Voulant prévenir toute objection, Ingenhouz
soumet préalablement le flacon, Tair et Teau de son
expérience à une chaleur capable de détruire tous les
Si Ton abandonne à elle-même, disait-elle hier, une
infusion à l'abri des substances étrangères, mais sous
l'influence des agents impondérables, bientôt on y voit
naître et s'éteindre des générations aux formes de plus en
complexes , telles que des bactérium , des monades , des
tricodes , des protées , des vibrions , des plosconies ; puis la
plasticité du liquide diminue, sa puissance de procréation
faiblit, SQS productions descendent, après l'avoir montée,
l'échelle des êtres jusqu'à ce que le règne végétal ne vienne
remplacer le règne animal.
Mais, disent les esprits philosophiques, si l'expérience,
au lieu de se passer dans un mince flacon , pouvait avoir
lie#dans un lac, au contact d'éléments plus nombreux
296 PHILOSOPHIE
(le carbone, d'hydrogène carboné, de gaz et de sels de
diverses naturels, sous? l'influence d*une température aussi
élevée que <ielle qui est communiquée à leurs œufs par les
animto'x' qui l«s couvent, $oit au dehors soit au dedans
d'eux-mêïufeâ et dans un organe spédial appelé motrice,
les choses se p^sseraiettt-elles de la même manière? Les
organisations tndîTnerttaires,' forfiftéèsau milieu de substances
préexistantes par les forces "vives tîela nature , ne seraîd&t-
elles pas dans les meilleures conditions possibles pour
s'accroitte en volume, en durée d'existence ^ pour se déve-
lopper par tine riutntïOn quelconque et se perpétuer par
reproduction? •
Cette hypothèse ne devient-elle pas une probabilité
quand on songe qu'il y a eu dans là vie de notre planète
une époque où les montagnes très-peu élevées correspon-
daient à des mers peu profondes, où les eaui couvraient
presque l!ou:ela sùtfacèdu gk*e, où les terres émergeantes
étaient sans cesse inondées par le flux et le reflux des
marées , où la température , phië élevée que de nos jours ,
où une électricité plus développée, devaient faeilitw' toutes
les réactions oi%aniqoes ou génératrices.
Nous ne saurions oublier; en étudiant la question encore
si obscure de l'apparitioti des premiers êtres organisés,
que les premières terres qui ont mis à sec des espèces
animales, ont dû produire , à leur égard, un effet analogue
en son genre à celui de l'accouchement pour le fœtus qui
passe rapidement de la vie utérine à la vie aérienne, avec
toutefois cette différence que , pour beaucoup d'espèces, la
transition a pu être parfaitement ménagée.
Il y a donc eu , pour les êtres qui vivent aujourd'hui sur
terre ou dans les airs,' des transformations nécessaires,
ordonnées, pour ainsi dire, par leurs milieux, qui ont
substitué aux organes d'une vie plus ou moins complète-
tement aquatique, les organes d'une rie plus aérienne,
par suite plus oxigénée , plus ardente , plus aetive , plus
passionnée , soumise à de nouveaux besoms.
Depuis quelques années , la science a fait un pas de
plus : à ses assertions d'hier et d'avant-hier elle ajoute
chaque jour de nouvelles découvertes qui tendent à déA)n-
DU SIÈCLE. 997
trer, d'une manière irréfutable , les transformations de la
substance organique^ !sa manière de se développer, de
s'aceroltre^ de<&6re{»^^iro dans de& conditions différentes
de œUesque supposaient nos pères ^ qiuoique constamment
soumises mi% grandes, lois i de la vie ^el dominées par la
pesanteur^ par l6s.affioité$, par Tq^pientation des molécules
ou polarité ,. par: U . solidarité et la circulation au sein des
agï^alions. modulaires comme au sein de la grande
nature.
Sans doute, il eât difficile, eooor^, mi^me avec la science
d'hier» de bien comprendre oommeot des infusoires nés
au scindes mers primitives, la nature a pu faire les animaux
qui existent aujourd'hui à la surface du globe; comment
elle, a organisé • les Qocons'de matières azotées qui sont
devenus les êtres, qui peuplent no& mers el nos continents.
Mais la difficulté .n'est pas une impossibilité absolue, et
iMHis verrons bientôt 4ans nos recherches que s'il est des
lois encore inconnueSfqut nous échappent^ il en. est d'autres^
dont la nature. ne pouvait ^'écarter, parce qu'elles règlent
le plan providentiel des choses.
Nous voyons chaque jour, sous nos yeux , les œufs des
insectes produire des> larves appelées chenilles, quand il
s'agit despapiUons. Ces larves grandissent et se développent ,
elles se transformenit en nymphes ou chrysalides, et ces
nymphee donnent naissance à leur tour à des animaux
plus pasfaitd, à des insectes ailés, dernier terme de leur
développement. Nous voyons encore les œufs de la gre-
nouille et de la salamaiKtre produire de petits poissons
appelés têtards, et oes têtards donner naissance, par une
transformation véritable , à des animaux batraciens munis
de poumons. La nalure a donc admis le fait des trans-
formation» oomme loi de développement pour divers genres
d'espèces animales.
De quelle manière s'accomplissent ces transformations?
Disons d'abord le mode , et pk^s tard nous rechercherons
les causes. — ^ Le mode le voiei : dans la chenille se
forment et se développant peu à peu les organes que plus
tard le j)apillondevra manifester. L'état de nymphe ou de
chifsahde a cela de particulier, qu'il imite et reproduit
398 PHILOSOPHIE
parfois, au sein de la vie animale, ce qui a lieu au sein
de la vie minérale. — Ayez une solution cristallisable très-
satm^ée , soit , par exemple , une solution de sucre ou de
sulfate de fer; placez-y un fil, et aussitôt des cristauit se
déposent tout autour : ce fîl formealors un axe de cristalli-
sation. ^ — Souvent la nymphe ott* chrysalide est «n grande
partie liquide, et ses tissus semblent s'organiser au sein
d une solution, à l'imitation des cristallisations minérales.
Le fait est très-différent , mais il y a cependant quelque
similitude. — Le jour arrive où Torgamsation du papillon
au sein de la chrysalide étant complète , la chrysalide se
rompt et le prisonnier s'en échappe brillant et prfait. Hais
si la main de l'homme intervient , si elle brise avant le
temps la chrysalide , elle ne trouve que des organes rudi-
mentaires et l'animal est incapablo de vivre. Si elle agit
plus tard , les organes restent à VéM rudiméntaire. Si elle
agit plus tard encoie, on voit le papillon, par exemple^ sortir
avec de petiteset courtes ailes très-ramassées, très-épaisses;
mais il suffit de quelques heures, parfois de quelqties
minutes, pour qu'elles prennent un entier développement.
Nous eussions pu aller plus loin encore et comparer les
développements parallèles de l'œuf du papillon et de l'oBfuf
des animaux à mamelles , de la brebis , par exemple. Cet
examen curieux nous eût conduit à des considérations
très-élevées sur l'unité de plan des êtres, mais elles ne
seraient pas ici à leur place.
Passons aux têtards. Ces animaux de transition ont un
squelette cartilagineux; ils n'ont point de pattes, mais
une longue queue applatie qui leur sert de nageoire ; puis
ils présentent de chaque coté du cou comme un petit
panache , vraies branchies ou poumons pour respirer dans
l'eau. Au fur et à mesure qu'ils grandissent, les pattes se
développent. Ce sont d'abord en général les pattes anté-
rieures qui paraissent ; (Quelquefois même , dans certaines
espèces , les pattes postérieure» ne se développent iamais.
Chez beaucoup de têtards , la queue grandit avec le reste
du corps ; mais chez ceux des grenouilles, elle s'atrophie
ot se flétrit en sens inverse du développement des pattes ,
de manière à ne plus exister quand l'animal est partait.
BU SIÈCLE. 399
A mesure que les poumons prennent de Tampleur, les
branchies du iêtafd diminuent et disparaissent. Cependant
quelques animaux les eonservent toute la vie, de manière
à pouvoir respirer presque également dans Teau ethors de
Teau : oe sont des amphibies véritables. Avec le -développe-
m^tdu poumon, des chan^meats importants s^produisent
parallàlemenl dans la disposition du eœur et 4es gros
vaisseaux y preuve évidente de la solidarité des organes,
de telle sorte que la circulation , qui était au début de la
vie celle d'un poîssouv devient , dans un Âge plus avancé
et lors du développesneiat. parfait j cdle d'un batracieti.
Et, comme si elle avait cm nécessaire de les réserver
pour notre instruction, la nature a voulu que les diverses
espèces de batraciens nous- présenta^ssent toutes les varia-
tions possibles qui peuvent exister entre le têtard et
ranimai parfait. C'est «bsi que, par des organes nouveaux
substitué à desoiiganes impuissants, la nature, si provi-
dentielle en ses soins, approprie les êtres au rôle quils
doivent remplir dans les divers milieux au sein diesquels it^
devront vivjre successivement.
L'étude de l'évolution dies fœtus des animaux supérieurs
nous eut conduit à des résultats identiques ; nous eussions
vu leurs vies fœtales se modifier progressivement et succes-
sirement sous l'influence de la transformation successive
et progressive de leurs organismes qui, après avoir représenté
des organismes inférieurs, arrivent à leur état d^mitif
auxquels ils s'arrêtent.
Beaucoup de circonstances peuvent accélérer ou retarder
les transformations qui ont lieu pour les batraciens , au
sortir de l'œuf ; mais la science commence à jjeine à les
étudier et eUe ne s'est pas encore occupée de savoir si
elle ne pourrait pas prolonger l'état de gestation des ani-
maux élevés , ce qui conduirait à modifier rapidement et
profondément les races en les attaquant dans le développe-
m^t de leurs germes, dans cet état où ils correspondent
aux larves et chrysalides des insectes, aux têtards dos
batraciens.
Revenons maintenant aux infusoires, l'esprit bien pénétré
des transformations qui nous sont familières, parce qu'elles
500 PHILOSOPHIE
se passent sans cesse sous nos yeux. Que nous dit la science
la plus moderne ?
Parmi ces êtres qui se oomposent évideomient desimpies
cellules organisatricefrtout*^à-fait primitiTes et nidimentaires,
se trouvent les anglènes ; eHesont, comme les papillons,
uu état <le larve , c'«st leur état d'eiigiène; puis un état
de jiytiophe. Celui-ci a lieu lorsqû'elhes • sont roulées en
boule et enveloppées comme d'un cocon par une matière
quasi-albumineuse, matière qui reparaît à l'origine de
tous les. êtres; elle enveloppe le jaune liu poulet , le fœtus,
cette chrysalide des animaux supérieurs.
Mais que va produire la chrysalide de l'englène, ce têtard
des êtres infusonres ? Ici la nature s>st laissée* surprendre
par 1© docteur Gros, dans les- variations de ses transforma-
tions. Tantôt ces transformations donnent naissance à des
nématoïdes, à des rotatoires, espèces supérieures aux
eiiglènes ; tantôt la chrysalide infusoire se divise , et
tandis ifae des parties repifoduisent des englènes ou des
animaux supérieurs, d'autres donnent naissance à des végé-
taux, à des êtres inférieurs. — Reprises et semées sur de
la marne, les englènes ont dcmné au docteur Gros, sous
l'influence d'un mili^i nouveau et d'une opération analogue
h l'accouchement , non plus des êtres aquatiques , non
plus la matière verte des eaux , c'est-à-dire de véritables
conferves , maïs des mousses qui se sont élevées à quinze
millimètres de hauteur, c'est-à-dire des végétaux faits pour
l'air et la terre.
Toujours Mêle à ses bis, cette puissance qui a fait
pénétrer le règne animal dans les profondeurs des mers
et de réoorce du globe , là où; ie .soleil n'éclaire jamais ,
et placé les végétaux microscopiques dons des conditions
différentes, la nature agit en même sorte dans nos labora-
toires, produisant des végétaux au contact de l'air et de la
lumière, des animaux quand la lumière est supprimée.
Arrivée à transformer les englènes en nématoïdes mâles et
femelles et en tardigvades , la science ne s'arrêtera pas là :
l'homme voudra «^er à son tour selon ses besoins, en se
servant des lois et des instruments de la nature , et l'on
peut dire qu'une agriculture ou nouvelle culture de la
BU SIÈCLE. 301
planète est placée aetueUement devant les yeux de son
esprit comme une probabilité promptement et facilement
réalisable. Cette froposilioa, si paradoxale *en appamence,
devieadra phis^tard d'une trè&îgrande clartés car le mot
culture doit s'entendre de touë les êfires organisés. <
Dans quelles eotodttiôns se produisent les substitutions
organiques, quels modificateurs y présidenCet développent
les OFganea du: nouvel être? Voilà oe qiàe nous allons
maintanaiU examiner.
Enregistrons auparavwt cette loi très --importante des
ries animales que présentent aussi, dans un autre > ordre,
les vies, minérales : c-est la plus grande faoiiité des substi-
tutions organiques i l'état naissant des ammaux*
De la même manière que certaines substances , au.
moment de leur production, se «omdbkient plus aisément
qu en toute autre oireonstance ; de la même manière aussi,
dans des phases qui ont plus d'analogie qu'on ne le pense
au premier «(bord, les moléôules organiques se disposent
en orgaines avec une grande promptitude, et comme
entravées par une force invincible, tandis que plus tard
il ne pourra plus être question que de modifications très
lentes. Ce phénomène avait échappé à Delamarok, oe qui
ne lui a poini permis d'expliquer avec toute la netteté
possible les transformations de l'animalité.
De» L'InFLusa^iCE de l'Air bt db la Lukibrb. — Si
nous prenons des têtards et si nous les plaçons dam une
boîte en ferblanc percée de trous, soit, par exemple, sous
an bateau à laver, de telle sorte qu'ils soient entièrenK^nt
privés d'air atmosphérique et de lumière, ces têtards
grandissent ^ se développent , mais ils n'arrivent point à
leur état parfait : ils acquièrent du volume , et restent
tètards: toute leur vie, sans changement dans leur respira-
tion, dans leur circulation sanguine, dans leur forme de
poissons^
Ce que nous faisons artifici^ement, la nature l'a produit
elie-ift^me; elle a déposé dans les mines de la Carniole et
de la Caninthie le prêtée anguiforme , véritable têtard qui
▼it, se développe et se reproduit sans sortir de l'état
transitoire, marquant ainsi, par son existence, ce passage
13*
503" PHILOSOPHIE
si souvent rapide qui est un interinédiaire entre la vie
des poissons et celle des animaux qui respirent dans l'air.
Les autres êtres, les canards par exemple, qui vivent
dans les étangs de ces mines, subissent aussi Tinfluence
de Tabsence de lumière, cdmme le prouvent leur privation
d'yeux et le duvet qui remplace leurs plumes.
Ce serait une curieuse expérience que de prendre le
protée des minesr, que de Félever lentement à 1 air et à la
luDiiève pour arriver à surprendre une fois de plus, mais
dans des conditions nouvelles, le phénomène si longtemps
mystérieux pour Thumanité, des transformations successives
par substitutions organiques. Chez d'autres têtards, chez
les crapauds, par exemple, TabsenCe d'humidité produit,
au sortir de 1 œuf , des effets d'un autre ordre : les bran-
chies ne se développent qu'à l'état rudimentake et dispa-
raissent avec promptitude.
Mais* l'homme? direz-vous, car notre esprit est si prompt
dans ses déductions , si rapide dans ses généralisations , si
avide de conclusions ; mais l'homtoe? — Eh! bien, l'homme
a primitivement vécu, comme tous les autres mammifères,
au sein des eaux, puisqu'il y a eu dans la vie de la terre
une phase où les eaux la couvraient entièrement; puis,
f)our arriver à sa vie actuelle , il a passé nécessairement et
atalement par un état transitoire ; ses membres en se dé-
veloppant ont fait flétrir et tomber ses organes caduques ;
son poumon a détruit , par atrophie , ses branchies^ Il con-
serve encore , à la naissance , le thymus comme un vestige,
comme un souvenir de ses métamorphoses, de ses ani-
malités antérieures. Sa respiration aérienne a substitué à
son ancienne circulation des liquides sanguins , une circu-
lation plus complète et plus active, un cœur à deux ven-
tricules et deux oreillettes. Mais c'en est assez pour le
moment. Remarquons toutefois, avant de terminer ce
paragraphe, combien la lumière colore différemment, sous
a zone torride et dans nos contrées , les divers animaux ,
donnant à leurs enveloppes, ici des couleurs ternes et le
plus souvent fauves , grises ou blanches ; là , au contraire ,
les robes les plus élégantes dans leurs marbrures, des
écailles et des plumages aux reflets dorés.
DU SIÈCLB. 503
Dss Habitudes dbs Ajiixaux et de leur Ii^fluencb.
— Il est deux vérités que Ton ne saurait aujourd'hui
révoquer en doute : l'une , c'est que, chez tout animal qui
n'a point encore dépassé le tenue de> ses accroissements ,
remploi fréquent et soutenu d'un organe le modifie par
changement de forme et par développement , tandis que
le défaut d'action Tatiophie, le détruit mâme, en Talté-
rant dans sa puissance et dans sa forme; l'autre, c'est
que tout ce qui a été acquis ou supprimé aux individus par
hypertrophie ou par atrophie, par développement ou dépé-
rissement, la nature le conserve,. par la génération, aux
êtres qui en émanent. Ces deux principes équivalent à
edui-ci : Let besoins transforment lu organes, — proposi-
tion que nous pouvons exprimer sous cette forme connue :
Les aitraciions font les destinées*
Affirmons tout d'abord , avec Delamarck , que s'il n'en
était ainsi, il faudrait que la nature eût créé primitive-
ment, et en. quelque sorte de toute éternité, autant de
variétés de formes qu'il y a de variétés dans les circons-
tances des vies organiques. Remarquons encore que lo
rejet de notre principe organologique conduit directement
à cette absurdité : Bden n'a varié , rien ne varie dans la
nature.
Le contraire est cependant si bien accepté déjSi qu'il
est passé dans l'usage usuel de dire que l'habitude est une
seconde nature.
N'est-ce pas l'action des influences extérieures et des
besoins qui a créé les bassets , les lévriers , les dogues , les
chiens de bergers, les chiens de mcmtagne, les chiens de
Terre-Neuve aux pattes palmées et à l'épaisse fourrure ? —
N'est-ce pas l'action des influences extérieures qui a
produit le cheval arabe, le cheval de course, le cheval
des camioneurs, le Qheval barbe et tant d'autres variétés?
N'est-ce pas l'habitude de vivre dans l'obscurité qui a
supprimé les yeux chez les poissons qui habitent dans les
étangs souterrains des Cordillères et de certaines mines ;
diminué les yeux de la taupe , supprimé ceux de l'aspalax
qui s'expose encore moins au jour ? Et la preuve que cette
suppression de l'organe oculaire est le fait des habitudes
304 PHILOSOPHIE
et non de Tordre providentiel de la série à laquelle certains
animaux appartieoaet ^ c'est qu'il ùten est prâit aitiBi pour
louïe » parce que te son n'«st point comme 1» lumière :
Tair et l'eau le font pénétrer partout- • - •"
Delamarek &it remarquer que les- serpents nVmt point
<le pattes> parœ qu'elles eussent été plus nui8it)ies qu^'utiles
à leuffs xïiiouveQaeats,< et- que les ixiembres qui entrent'dans
le plan des yertébrés ont dâ disparaître par suite -^d'une
atrophie créée par l'habitude de la reptation, il* ne tient
aucun icoiaipte des habitudes que pouvait posséder rani-
mai dans ses formes antérieures à sa forme définitive,
et, sous ce^ rapport., il fait un oubli trè&-sérieux des poissons
de la forma des serpents, ayant pu ^ par transitions succes-
sives, devenir les serpents que noms eonnaissons. Il fait
remarquer encore, cette iois avee plus de raison, que
beaucoup d'insectes manquent d'ailes par défavrt d'emploi,
bien qu'il soit dans le caractère de leur ordre et de leur
groupe d'en posséder. Mais passons à des faits d'une autre
nature-
Pourquoi le cheval arabe a-t^^il si peu de ventre , si ce
n'est parce qu'il est nourn avec des galettes semî-ammales
bien plus nutritives que le foin , qtie l'avoine dle^mème ?
Pourquoi , chez les buveurs de profession , l'estomac et les
intestins* perdent-ils de leur vokrme ? N'est-ce pas l'usage
de la natation qui a palmé les pattes du chien de Terre-
Neuve, d'un grand nombre d'oiseaux, des grenouilles, de
la loutre et du castor ? N'est-il pas plus naturel de rattacher
la forma des pattes de certains oiseaux , les jambes en
échasses de quelques autres, le long cou de ceux-ci, la
langue si longue du fourmiUer et du pio^^vert , la division
de cet 'organe chez les oiseaux-mouches, les lézards, les
serpents, à leurs besoins les. plus impérieux, que de regarder
les besoins comme la conséquetice desiormes ?
Il y a trente-quatre ans, Diard le naturalîete citait
cette opinion de Delamarek en présence d'im très^jeune
écolier du collège de Pontivy, qui voulut arriver à diviser
sa langue et qui est parvenu à la pli^ à volonté en trois
parties, avec la plus grande facilité , de manière h simuler
une fleur de lys-f ce qu'il fait encore aujourd'hui à sa
BU SIÈCLE. 505
volonté. — Chez le même inditidu, l'étude des questions
philosophiques et soeiales a singulièrement développé la
partie supérieure «et antérieure du front. De la base du nez
à la foûlanelle supérieuBe, il y a eu, en dii-necrf ans, une
augDieitf aUoQ de psès de deux centimètres que le tompas
a penD9ââ de .véeKTier: elle s'esl produite de 1 âge de vingt-
huit àti'&gede quarante^aept ans. Ce fait n'est pas nouteau :
Broossaisi avail déjà ohsenré sur lu>*mdmo un déTetofpe-
ment analogue*
Ce que novis avonftpfoduit, ce que nous* • produisons
artvfiiûidHleDientt pour le> cheral' arabe et certains anhnaux ,
pourquoi la natcure ne Taurait-eUe pas produit sur un& bien
plus .grande éobeUe^ dans ki série oes âge»? et puis pour*-
quoiles e^ipèees ne sevaîefit^Ues- point comme les individus,
ay^int, apràs leur naissance, deuiL époques: leur enfance
et leur jeunesse , pendant lesquelles Tétre est bien plus
malléable que dans un Age plus avaneé? C'eet érussi une
fauta gTAve qne d'avoir sans cesser daiis l'esprit quelques
milliers d'années , quand on songe soit aux révolutions du
globe, soît aux transformations des êtres. En pareil cas,
il faut se* djire intérieurement, avant de se faire une- opinion,
que la terre a d^ peut^tre des millions d'aimées d'exis-
tence, et aussitôt la question change d'aspect.
N est-ce pas , dirons-nous encore avec Delamarck , la
nécessité qui a déplacé l'un des jeux des turbots, des
soies, des liowindes, pour leur pennettre de regarder en
dessous ? N'y .a441 pas dans la vie des animauai qui vivent
d herbages. tout ce qu'il faut pour expliquer: le développe-
ment du ventre et la forme des pieds ? N'est-ce pas l'habi-
tude et la nécessité de brouter les arbustes et les arbres
qui oat donaé à la girafe sa conformation spéciale ?
L'autruche ne doit-elle pas sa structure- particulière k des
circonstances analogues de solidarité entre elle et le pays
qu'elle habiite;?
L'habitude et les besoins expliquent enoore les griffes
des carnivorea. Quoi de plus curieux , au point de vue qui
Qûtts occupe t que le kanguroo? Portant ses petits dans
une poche , il marche droit sur deux pattes : ses jambes
de derrière sont très-développées ; celles de devant sont
506 PHILOSOPHIE
rudimentaires, et sa queue, extrêmement forte et vigou-
reuse , sert à le soutenir et à l'aider même dans sa marche,
qui se compose d'une suite de sauts..
L'hopime n'échappe poiût à cette règle : ce sont les
besoins divers qui ont £ait des hottentots du nègre , de
l'australien,, de l'eumpéen, et du lapon des espèces très-
différentes. , ...
Lorsque la Volonté, qu'elle vienne de ce qu'on appelle
l'instinct ou de ce que -l'on nomme la raison, détermine
dans un organe une action quelcconque, cet organe devient
le siège d'une. fluûoin, et cette fluxion répétée des myriades
de fois entraine unie modification profonde. Or, chaque
espèce a reçu des influences , des circonstances dans les-
quelles elle. s'est rencontrée, les habitudes que nous lui
connaissons et Les modificatious qui en font un êtve spécial
et distinct. . . , .
En somme , les animaux qui vivent aotuell^nent à la
surface de la terre doivent leurs formes à la vie qu'ils ont
accomplie primitivement dans un autre milieu, et aux
modifications successives in^rimées par les nécessités de
toutes sortes d'un milieu différent, par les besoins qui en
sont nés , par les habitudes qu'ils ont créées.
Magimétismb TERaESTRfi. — Toutefois il est ua facteur
qui a dû nécessairement réagir fortement sur la psoductîon
et le développement des espèces : o'est la polarité du
globe et son puissant magnétisme. Le globe est une
grande pile galvanique ; sa forme n'est pas usuelle en nos
laboratoires , mais son effet n'en est pas moins démontré
par les courants les plus évidents. Quelle a été cette in-
fluence?
A-t-elle marché en croissant ou en diminuant depuis les
premiers âges de la terre?
Ces questions, celle de l'action plus conridérable aux
premiers jours de la pression atmosphérique qui renfermait
sensiblement beaucoup de vapeur d'eau, et beaucoup
d'autres si faciles à poser, le sont pour la première fois.
Long-temps la science pourra les croire insolubles , mais
l'esprit de l'homme triomphera complètement des difficultés
qu'elles présentent.
DU SIÈCLE. 307
Dbs Espèces. — 11 est des questions bien simples pour
le vulgaire , qui paraissent au philosophe pleines de diffi-
cultés. N'ayez vu qu'un petit nombre d'animaux, vous
croirez ea général les distinctions des espèces très-tranchées
et trè&-faciles h saisir; mais si vous avez étudié de nom-
breuses collections , si surtout vous vous êtes occupé de
déterminer un grand nombre d'espèces , vous reconnaîtrez
que très^ouvent elles se fondent les unes dans les autres ,
et que telle qui vous paratt tres-distincte , serait moins
isolée ^ et partant plus diiBcile à classer, si nous en possé-
diofls d'autres plus voisines et par suite presque semblables.
— Lorsqa'après avoir disposé par genres et par groupes
les espèces qui forment la série zoologique , on saute d'un
groupe à un autre ou même d'un genre aux plus voisins ,
on trouve des différences; mais en reprenant la série, si
elle est disposée dans l'ordre naturel , on passe par des
transitions bien ménagées d'une espèce à une autre qui
en est parfois très-éloignée. — Beaucoup admettent que
les espèces* sont des coUecticNns d'invidus semblables oui
se continuent les mêmes encore par la génération. Guidés
par une croyance dévote*, idée préconçue à laquelle ils
soumettent l'observation des faits et la liberté de leur
jugement , ils croient que les espèces sont aussi anciennes
que la nature; qu'elles n'ont point varié et qu'elles n'ont
point formé de nouvelles espèces par leurs mariages avec
d^autres espèces très-t approchées. Mais les hybrides sont
excessivement communes chez les végétaux, et nous voyons
tous les jours, chez les animaux, des espèces assez diiïé-
rentes s'accoupler et reproduire; nous voyons même plus :
il est de ces hybrides qui, en s'accou plant entre elles ou
âYec leurs parents, reproduisent à leur tour. Ce fait , que
nous avons étudié avec soin nousHoaême , que nous avons
vu de nos yeux , pour des chiens et des loups et pour des
oiseaux, prouve suffisamment que les différences qui
séparent les espèces sont beaucoup moins difficiles à fran-
elur qu'on ne le croit d'habitude ; d'où la possibilité pour
l'homme , en imitant l'action lente et graduée de la nature,
d'arriver à créer de nouvelles races animales
Il convient de signaler ici les belles études de Marie
306 PHILOSOPHIE
Rouault sur les terrains paléosoïques de Bretagne. Ce savant
géologUB a. vu les trilobites de ce^ terraisis ioraier une
grande =s4ri^ ABC D X Y Z.. DaQs cette série, A est
pareil à B et à C , mais il difîère un pm de F ; il est autre
que H.et.absolunîAnt; distinct de P ^ R, à plus forte
raispu de. .Y et Z; et cependant Ton fiasse de A à Z par
d'i9seQ»<l>Ws. trfans>tiQn3 qui , ont: ^deanândé^ à la ^ nature des
milliers d*années. ^ ., . .:
La génération n'iest. point le seul moyen que la nature
ait employé pour multiplier à Tinfini* \ea espèces et les
varier À ohi^qMe instant^. elle a eu à son etirvioe d'autres
facteurs, npp moins importants: les milieun et. Leurs trans-
formations,, les habitudes et rinfluence de leur action
longtemm prolongée. . • *
L'étude des végétaux e^t aussi de natore à nous éelairer
singulièrement. Notre malheureux ami Raspail, si souvent
accusé , si souvent oublié par. ceux qui ont profcié de ses
découvertes , a étudié la transformation des plantes et par
suite la transformation des. êtres-, de i8S4 àlKSO^ dans
de nombreux mémoires. Cette doctrine a été celle de son
journal le Bi formateur, \ la rédaction duquel nous avons
participé; il Ta du reste exposée, avec de grands» détails,
dans sa Pk^Uologie Végétale, publiée en 1857.
Après^ avoir démontré les transformations naturelles des
étamines en pétales, des pétales en feuilles, la eimplifioa-
tion ou la décoiK\position de ce, dernier organe via transfor-
mation des ovaires en .tiges , en pétales, en touffes foliacées
et toutes les merveilles appelées autvefois monstruosités
végétales dans la physique du moyen^àge, physique
continuée jusqu'au XIX' siècle par des hommes qui man-
quaient de physiologie ou , ce qui revient au même , de
philosophie, Raspail sut faire comprendre coanmeat les
plantes méridionales perdent leur corolle -en se transplantant
dans le nord , et beaucoup d'autres transforo^aiions orga-
niques ; mais il aUa plus loin : il affirma qu'il est possible
que les organes qui caractérisent une espèce soient tous
déviés à la fois et deviennent méconnaissables sur 4e même
individu ; ce qui revient à dire ; Qu'une espèce est capable
de se transformer en une autre.
/
]>U SIÈCLE. S09
Sans doute que les mêmes types se conservent sous les
mêmes iiifluenees, mais les types changent et se modifient
aussitôt qHe les ioQnen^es qni président au développement
des organes TJenne«it à changer.
Linnée a créé des tuHpes panachées eii flécondaiil une
de ces ûeUrsavec le pollen dPune autre tulipe de couleur
différeaDt€^. Omelin a produit six ielphiiriufit nouveaut avec
deux delphinium venus de Sibérie.
Le verbascum thapsus et le verbascum lycnltîs produi-
sent encore une hybride déjà connue de LrnTiêe.
Le càmpanula divergens peut être féeondô piar le phy-
teama betonic<Bfolia ; le datura levis et le datura metel
peuvent l'être par des jusqniames ; le chou par le
raifort , etc. , etc. ; et presque tous ces métis , icomme les
mulets du loup et du chien, de Tâne et de Thëmione,
comme ceux de certains oiseaux, comme les mulâtres
prévenant du croisement des races noire , jaune , rouge et
blanche au sein du genre humain, sont susceptibles de se
reproduire et de donner naissance à une foule d'espèces
modifiées qui ne s'éteignent pas toujotirs.
RasDftil est allé plus loin : dès 1899, il avait signalé les
dégradations de Vagrostis ipida tenti aux environs de
Paris, et sa transformation en agrostts' intefrtfpta ,'i[^ms en
une plante très-différente et voisine du trittcum nardus ,
puis l'intéressante transformation des festuca les uns dans
les autres , transformation si loin portée que , dit - il ( et il
le déniontrd), le cynoeorus cristatus ne serait lui-même
qu'tm festuca. A la même époque (1899), il démontra
aussi les transformations du genre lôlium en festuca , et
signala, à l'entrée du Grand-GentiHy, près Paris, toutes
les transitions au moyen desquelles s'accomplit cette trans-
fonnatioii. Il signala celles du maïs, son retour à l'état
sauvagéy^t démontra que cette plante n'est qtre le sorghum
cultivé, lequel n'est lui-mÔme qu'un andropogon.
Les uns nièrent ces faits , les autres employèrent contre
eux la conspiration du silence. Nous les ^gnalâmes en
masse à Nantes, en 18&2, dans notre cours de Philosophie,
ce qui nous valut de nombreuses attaques : notre amitié
nous fut presque imputée à crime.
310 PHILOSOPHIB
En 1837, Raspail soutint que le froment n'est qu'un
lolium transformé ; il rappela que Duhamel et Bonnet
avaient présenté, en leur temps , un chaume portant sur
une articulation im épi de froment , sur une autre* un épi
d'avoiae. Il montra comment les. froments ou triticum
peuvent passer aux lolium et redevenir,, du gramen, des
avoines.y des festuca , des dactylis. fttaij& cela ne lui suffisait
pas: il prouva, par la physiologie, que les œgilop» peu-
vent devenir des triticum; ce que du reste Latapie, de
Bordeaux, avait déjà réalisé à cette époque^ en transformant
les œgilops en chiendent. Depuis lors M, F.abre a repris
Texpérience de Latapie , au point de vue de la doctrine
soutenue par Raspail ; et de 1839 à 1846, Tœgilops, soumis
à la culture, est devenu un froment propre à la nourriture,
qu'il est impossible de distinguer du froment ordinaire et
cultivé depuis des siècles*
HïPOTHâSBS. — Forts de tout œ qui précède, nous
pouvons aborder maintenant le champ si vaste des scienti-
fiques hypothèses.
Si l'air atmosphérique et les eaux de nos mets venaient
à changer encore ; si, par exemple , la proportion d'oxigène
arrivait à être moitié plus grande dans l'air atmosphérique,
la respiration en serait nécessairement modifiée, ce qui
conduirait , par suite , à des changements dans tontes les
autres parties des organismes. Mais* si cette modification
de l'air atmosphérique , au lieu de se faire promptemeiit ,
se faisait en des centaines ou des milliers d'années, la
transformation aurait lieu d'une manière msensible , plus
rapide sur un point, moins prompte sur un autre, selon
les conditions géographiques , de manière à créer d'abord
des variétés au sein aes espèces actuelles , variétés qui plus
tard deviendraient elles-mêmes des espèces véritables. —
Mais , disent nos adversaires , où trouver quelque part , sur
le globe , la preuve d'un pareil fait ? Cette objection n'en
est point une : elle est résolue pour les espèces végétales ,
et les hommes ne se sont pas encore occupés d^une manière
sérieuse de transformer, par leur action, les espèces ani-
males, en employant, pour y parvenir, la température, le
climat, la pression atmosphérique, la nourriture, la gêné-
BU SIB€LB. 511
ration , et en s'efforçant de réagir d'une manière constante ,
pendant des siècles , sur Tincubation des germes.
Toutes ces questions, si saisissantes qu^elles fussent
d*intérêt , ne soiM nées que d'hier et posées à peine avec
d'infinies réserves, >au milieu d'uïi très^petit nombre de
savants d'élite^. Non seulement rhumtftnité , dans les phases
précédffiites de son eristfence sociale^ n'a pas joui toujours
(les conditions lîe sécurité, de puissance et de savoir
qu'exige l'étude de pareilles questions, mais un obstacle
qui pèse encore sur un trop grand nombre d'esprits , la
croyance reKgieUse, s'est posé 'comme un invincible wto,
disant à l'intelligence humaine : Tu t'arrêteras là. — Hee
amfliuê ibis. '
L'humanité est si peu avamée encore qu'elle ne connaît
que depuis quelques siècles à peine (et les siècles ne sont
que des secondes au cadran des mondes) la forme et l'éten-
due de sa planète. Mais, aveu humiliant à faine y nos
sociétés^noderries,' si vafnheuses de leur savoir ruditeentaire,
n'ont pas même su faire l'inventaire de la planèle: la
faune, la flore, la géologie, la minéralogie d'un grand
nombre de contrées sont à peine esquissées.
Parlons maintenant de là Généhâttoit chbz l«s Animaux.
— On appelle du n«n de génération la fonction par laquelle
les animaux se reproduisent et se perpétuent ; il y en a
deux sortes : l'une nécessitant l'existence de parents ,
d'êtres antérieurs; l'autre spontanée, qui ne se rattache,
comme le dit Burdach, ni pour k substance ni pour l'occa-
sion, à des individus de la môme espèce. Celle-ci est
Témanation d'un être dénué de parents , dans un milieu
où se trouvent les éléments- chimiques nécessaires à la
production d'organismes. — Prenez soit de l'eau pluviale ,
i>oit une infusion, et vous remarquerez, comme nous
Tavons déjà dit, que, sous l'inQuenee de la lumière, de
lelectridté, de la chaleur, il se produit des générations
d'êtres de plus en plus complexes , sans pour cela , comme
le dit très^ien Gérard , que Ton puisse suivre toujours
la transformation des organismes primitifs. — Quand le
liquide a perdu sa plasticité, les générations élevées
512 PHItOSOPHIB
redescendent ; puis la vie végétale' paraît, prend le dessus,
se produit aut dépens de la substance aWmale qu'elle
supprime^ eflîés véj^tattx de simple matière vertr arrivent
à se manifester sc^us forme de conferves, sans que cette
fois Biioopei'1^3bsertiatlon puisse toujours saisir et prendre
sm le fait lia'fefansflorrncttîon des organismes rudimentaires
(kiï'^règne'îvégét^ah'PouiKjuor; dirons-nous encore avec
Gér»d, côWô loi'dès infinlmerits petits ne seraît-elte pas
la "loi 'gônéwiléf applicable aux organismes sn|)érieurs ?
Pourquoi là ^pi^rètibité inexpliquée des itifusiottî» de nos
laboratoirès*n*atiMt-elle pas tin grand et immiense cat^ctère
d'unîrersia&tô ? . ' ' • • ^
Ce fait, encore quelque peu douteux îl t a dit ans ,
n'e8k4-il pas snffisammëfnt démontré aujourd'hui par les
belles ^études de 'M: Gros, sur les transformations des en-
glènes, que par quelques mots choisis tout exprès nous
avonS' si fort rapprochées des transformations des insectes
et^de celles que subissent les germes des crapauds, des
grenoailleS' et des salamandres.
Longet, dans son savant traité de physiologie , nie les
générations spontanées; mais prouver, comme il lé fait, que
les infusoires, une fois émanés d'un milieu convenable ,
leur vie peut se perpétuer par fissiparité, ce n'est pas
détruire des expériences positives qui établissent utie autre
origine comme possible.
Les autres modes de génération sont la reptx>ductîon' par
scission ou fissiparité, la reproduction par gemmes ou
bourgeons, et la reproduction par germes.
Si l'homme et les animaux supérieurs ne peuvetol repro-
duire leurs membres quand ils ont été coupés , il tfen est
point ainsi des animaux inférieurs. — Chéï îës' jeunes
crapauds et les jeunes grenouilles , Duméril et Bibron ont
vu les pattes se reformer. Cher les salamandres, cette
reproduction est bien pWs facile encore. C'est à ce point
que Ton a vu, dansFespace d'une année, un œil repamîtro
à l'extrémité du nerf optique , après qu'il avait été comjrtè-
tement enlevé. Chez les poissons, le même phénomène est
observable : ainsi Ton a tu des nageoires se reformer après
qu'elles avaient été complètetnent coupées. Chez des
BU ^cu. 515
animaux plus inférieurs eiJieore, cesfftits sont plus eommuns :
les pattes reuaissent axée une facilité merveilleuse chez
Itô artMgoées eJL les écrevisses. Cheztles moUusques^ on a
eolevé ûppunément la tête ou rabdomen ^ et cea>parties se
sont rétablies* .Chez: les yers, les anneaux supérieurs «e
reproduisent aussi » mais moins aiséavenit que .les. anneaux
inférieui;»; ceu;(-Gi le font assez ppoaipt^mentyDescendoas
à de$ êtres plus in&nes tencore, et.nous trouveroBs les
hydres qui . occupèrent Tremblay au siècle dernier : chez
eux, touAe partuB du CQirps, avec ourSAns bras,» peut
reproduire l'être entier, piouxyu qu'il y ait à la foiôv dans
le morceau reproducteur, des lambeaux de peau «sterne
et de pe^u. interne.
La, loi de. la flssiparité animale est Gelle*ei : toule
portion peut reproduire Têtre entier^ si ta«tes les parties
sont similaires. Dans, le cas contraire^ il faut que Tètre
reproducteur possède des firapoents des principaux orga-
nismes, parce qu'alors chaque partie, n'est plus douée' des
facukés ae l*ensemble. — La fissiparité que nous.produi*
soBs.artifieieUement se, produit aussi natureUemenit : c'est
ainsi qp'elle existe chez les animaux les plus inférieurs ;
mais ce serait une grande erreur de croire , à rencontre
des faits, que les infusoires^ par cela qu'ils sont fissipares,
De puissent se produire^ soit spontanément y soit par un
autre mode.
La gemmiparité, ou génération par bourgeons, existe
chez les animaux comme chez les végétaux. On l'observe
chez les polypes, chez les spongiaires y chez quelques vers.
Le germe diffère de la gemme ou bourgeon en ce qu'il
Qe se développe pas sur l'individu lui-m^e qui lui a
donné naissance. Il y a deux sortes de germes : les spores
et les œufs ; les spores, analogues aux semences des végé-
taux cryptogames , n'ont point besoin de substance germi-
nitive; los oerufs, au contraire, ne devieiment propres à
la reproduction qu'après avoir été fécondés. — Les spores,
si importants dans l'étude des plantes, .ne jouent qu'un
très-faible rdle dans celle des animaux; il n'en est point
ainsi des œufs qui méritent toute notre attention.
Oisons d'abord , avant d'entrer dans l'étude de l'œuf,
314 PHILOSOPHIE
c'est-à*dire du germe ou embryon de Thomme qui em-
brasse et résume toutes les autres , que Tœuf se compose
d'une envelo9f)e appelée membrane vitelline , d'un jaune
ou vitellu», et d'une véskule germinative contemie dans
ce jaune. JD'aufares parties existent souvent ? ainsi l'œuf peut
eoptenif' UA& substance liq^iide et albamineuse; c'est le
blanc d'œuf ^ et » chez les oiseaux il est recouvert d'une
coquille , ce qui a lieu encore eàez les reptiles et beaucoup
d'autres animaux. .
Le sperme qui sert à féeotidier les >œuis contient une
grande quantité decorpuscules vivants appelés zoospermes
ou spermat(»oïâe&, visibles seulement au microscope. La
chimie y a découvert des phosphates en quantité très-no-
table. >
La fécondation , en rapprochant les amimalcules sperma-
tiques de la vésicule germinative, prépare Toeuf à la
reproduction et s'y rend piipre. Quelquefois elle se fait
dans l'eau, en dehors de la sphère d'action des animaux
qui abandonnent leus semence; d'antres fois, diez des
hermaphrodites, la sortie des oeufe fait évacuer en même
temps les zoospermes qui les fécondent. L'hermaphrodisme
présente du reste les vaiiétés les plus curieuses : c'est
ainsi qu'il est des animaux qui jouent le rôle de m&le avec
un être de leur espèce , et celui de femelle avec un autre :
à la mamère de certains tïorps du règne minéi^al qui
sont positifs vis<^à-vis du corps A, et négatifs vis-à-vis
du corps B. — D'autres sont aussi mâles et femelles, mais
ils n'exercent pas à la fois cette double fonction ; ils
commeneent par être femelles, et deviennent nââles
ensuite.
Les êtres végétaux ou aaaimaux qui portent les deux
sexes donnent lieu à une génération mont^que ; les autres ,
dont les. sexes sont séporés, à une génération dioïque.
Tandis que chez beaucoup de poissons la fécondation se
fait tn dehors des individus eux*mêmes, chez les reptiles,
les oiseaux et les ntammisfères^ elle a lieu au dedans de la
femelle par copulation. Quelques poissons et les insectes
sont aussi ^soumis à oette règle que Ton appelle l'accou-
pie^ei^t. On il vu nu contraire des animaux hermaphro-
BU 8IÈCLB. 515
dites, comme le tœnia ou ver solitaire, se féconder eux-
mêmes.
Il y a lieu de rapprodier de nouveau, pow les comparer
avec les idées actuelles, comme Delamarck l'a fait il y a
plus de quarante ans aveo le savoir de son époqnt^ cet
acte direct -de lauftture appelée eÉHiîRATioif spontanéb, de
cet acte indirect de la nature qu'elle accomplit au moyen
d'orgAttismes particuliers et qui s'appelle fécondation.
Un œuf peut être fécondé ou non fécondé. — S'il n'est
pas fécondé, îl n'en reniérme pas moins les éléments
néeessairee à la formation d'un germe, c'est-à^dhre un
corps mucilagîneux dans lequel des conditions convenables
pourraient produire un embryon.
Si l'œuf est fécondé , tantôt comme chez les animaux h
mamelles 9 le mouvraient vital «succède immédiatefmeht à
la féeondatioB ^ parce que l'incubation de l'œuf se fait au
sein de romiual dans un organe spécial appelé matrice ;
tantftt au ooniraire il y a un intervalle très-sensible entre
laféeoadatiou et le premier mouvement vital que l'imcuba-
tioQ luî communique. Cet intervalle est si maiviiué que Ton
peut conserver trè^longtenips des œufs fécondés en les
maintenaat dans des' circonstances convenables de tempé-
rature. Si cette oonâenration est imparfaite et que Fembryon
vienne è se détériorer, nous ne dirons pas qu'il meurt ,
mais biesà qu'il se décompose , puisqu'il n'a jamais eu sa
fie embryonaire , mais seulemenfla possibilité de la déve-
lopper.
De la même maniée que la vie animale peut être
suspendue chez les poissons que l'on transporte glacés
d'un lieu dans un autre, de la même manière aussi la vie
animale peut ètreiarrdtée au moment où eUe se trouve
en puissance de se produire : par suite , la généra-
tion sexuelle n'est point un acte de génération véritable ,
mais simplement de fécondation; par suite encore, la
fécondation est le fait préparatoire qui dispose le milieu
appioprié à la vie animale ; d'où cette conséquence , que
la génération sexuelle ne fait que disposer un milieu
mieux préfMffé à une vie importante et complexe, comme
la génération spontanée y dispose un milieu plus élémen-
316 PUILQSpPHXJB
taire. Dans le premier cas, le milieu embryonnaire renferme
l'esquisse d'une organisation, ce qui na nullement lieu
dans le second.
Reportons-nous encore aux premiers jours du f(lobe :
que trouvons-nous ? Des masses d'eaux tièdes abritées par
d'immenses nuages de vapeur. — Ces eaux renferment en
leur sein une foule de substances complexes résultant des
réactions du carbone, de Toxigène, de l'hydrogène, de
Tazole , et de leur mélange avec des sels. Les conditions
sont favorables pour la production d'infusoires analogues à
ceux de nos laboratoires , mais dans d'autres proportions
et pour la formation de masses mucilagineuses. — Ces
masses mucilagineuses et ces infusoires, voilà les pr^oMers
être3 , les premiers organismes du règne animal. Ils sont
le produit de générations ou aggrégations organiques
spontanées. Si maintenant leurs organismes se développent
sous l'influence de l'épuration de l'atmosphère et des
eaux , sous l'influence d'une grande lumière solaire d(Hit
les nuages n'interceptent point le passage , sous l'influence
des modiflcations survenues dans le magnétisme terrestre ,
les milieux qui ne renfermaient aucune esquisse d'organi-
sation en contiendront, et il y aura nécessité pour qu'une
génération organique ou sexuelle dispose à la vie ees
milieux mieux préparés, remplaçant ainsi la génération
spontanée qui n'était bonne, utile et providentielle que
lorsqu'elle agissait sur dés milieux privés des préparations
organiques les plus élémentaires. La seconde est donc la
continuation, le développement de la première, et si la
génération spontanée n'a point complètement disparu,
mais si elle est aujourd'hui rudimentaire , c'est que la
nature ne produit ni ne détruit rien brusquement, c'est
encore que ses conditions dç grandes manifestations créa-
trices se sont réduites à des conditions microscopiques.
Le jour viendra du reste où la science pourra comparer
d'assez près l'action des ferments et celle des germes , de
manière à reconnaître les similitudes qui rapprochent la
chimie organique de cette chimie vivante des corps organisés
que l'on nomme vie végétale ou vie animale, selon le
règne que l'on étudie.
BU SIÈCLE. S17
DE LA polàr;tb Amauj*E. .
; . ^ ' i !
Da&d le tëgné minéral, les molécules sont douées ^'une
orienttftibn quiieuir donne dés pôles, qui règle leur manière
de se plWer les unes à côté des autres» de se. combiner et
de erii9tallfêer î de là les six ordres de cristallisations que
les ebkni^eis signalent dans leurs écrits.
Dms te règne végétal, les molécules organisées qui
participent à une ctistence semblent aussi se polariser.
Tout «végétal a ses pôles de plus en plus prononcés , selon
réléralîon du genrer auquel il appartient.
Dans le règne animal, nous retrouvons lesjmêmes faits
que dans l'ordre végétal , mais avec un élément de plus.
Ici se manifeste tm instrument d'orientation , un organe
réeBemetot électro-chimique ou nervo-chîmique : le système
nervewi 4 dont la perfection règle et détermine le progrès
des divers groupes et même celui des diverses espèces qui
composent la série des animaux.
Si vous cachez un barreau aimanté sous une feuille de
papier; il devient celte puissance invisible sous l'influence
de laquelle- de la limaille de fer, placée sur le papier, se
'distribuera de maniée à présenter des formes régulières.
Le globe est cet aimant qui peut visiblement polariser
les moUécules de certaines substances minérales, tout en
exerçant une action invisible sur toutes les substances
minérales, végétales et animales. Mais dans le règne animal,
la providence s'aide du concours d'un coadjuteur analogue
à l'aimant placé, dans notre expérience, sous la feuille de
papier, organisme précieux et admirable en ses dispositions,
qui préside sans cesse au développement et au perfectionne-
ment de la vie. Ce coadjuteur, c'est le système nerveux.
Admettons pour un instant la similitude parfaite de ce
systêmô'et ann aimant, tout en tenant compte de sa plus
grande énergie au pôle nord ou supérieur, n'aurez-vous
Ks pour C4)nséquence des développements presque simi-
res autour des deux pôles , et n'arriverez-vous pas
14
518 PHILOSOPHIE
immédiatement à tous ces parallèles étaUis surtout par
les Allemands , entre les membres supérieurs et les mem-
bres inférieurs, entre le bassin et les parties sexuelles, d'un
eôlé, la tèle et ses organes propres, de l'autre? Cette
indication si sommaire renferme un monde d'études et de
découvertes.
DE L'ORGANOGÉNÉSIE.
i On appelle période embryonaire chez les animaux à
mamelles , le premier temps que ces animaux passent au
sein de leur mère, c'est-à-dire dans la matrice d'une
fansUe, où ils vivent en parasites à ses dépens.
Cette période est celle dans laquelle les organes , à l'état
]lal8^ant , se trouvent en contact les uns avec les autres ;
elle est donc excessivement propre à la formation d'organes
complexes par l'association ou combinaison d'organes
rudiihentaires.
Plus elle sera prolongée , plus les organes rudimentaires
auront le temps suffisant pour accomplir des combinaisons
plusl compliquées et plus parfaites, pour substituer aux
organes de la vie de parasitisme les organes que le plan
providentiel de la nature assigne à des existences de plus
en plus élevées.
Plus elle sera prolongée, plus le système nerveux
acquerra assez de force nour devenir un puissant régulateur
des organismes et présider à leurs évolutions successives et
progressives.
D'où cette conséquence, que si l'homme pouvait prolonger
la vie de parasitisme ou intra-utérine de certains animaux
très- inférieurs à lui dans la classe des 'mammifères , il
arriverait nécessairement à les titrer en facultés, k les
élever de quelques échelons dans la série des ôtres. — Car
c'est un fait facile à vérifier, que les animaux les plus
parfaits à la naissance sont ceux dont l'embryologie a rela-
tivement la plus longue durée.
BU 8IBGLB. M9
Le règne animal toat «atier a été appelé, dans la série
des iges, à eoncourir aa progrès des orçanismes' sous
raetioQ ûicessammeni modificatrice des miUeui: ambiants
et du magnétisme terrestre, que nos savants oublient
toujours en pareille ciroonstance. Selon qu'ils se sont plus
ou moins développés , selon qu'ils ont eu pour ce déve-
loppement une vie parasitique et surtout une jeunesse
plus ou moins longue, les progrès des organismes ont
mmé , entre les infusoires et l'homme , des genres et des
espèces plus ou moins perfectionnés.
Cette manière de voir, esquissée à peine par Delamarck,
traitée avec plus de développement par les Geoffroy Saint-
Hilaire et par Sarres ; cette manière de voir que , dans
notre PhiUsêpkk du Socialisme qui peut être considérée
eomme l'esquisse de cette Philot^phie du Siècle^ nous
avons entourée déjà de preuves nombreuses empruntées
aux sciences modernes, nous Texposons cette fois avec
l'autorité que mérite une hypothèse vérifiée dans la plus-
part des faits de détail qui en sont la conséquence , c*esl<^à-
dire comme une vérité autour de laquelle se grouper<mt
bientôt des vérités nouvelles. Qu'elle ait pu donner lieu à
des erreurs de détail, soit ; mais elle a b grand avantage
de réunir en un , dans le [dan d'esisemble des animaux ,
les vertébrés et les invertébrés, à l'inverse de nos cbttsi-
fications qui séparent sans cesse ce qu'a réuni la nature.
Il en résulte que l'on peut dire avec vérité que l'embryo-
logie de l'homme et des mammifères nous rac<mte Torga-
iM^ésie, ou lois de production des organes, à cette
heure et dans une rapide succession de temps divers et de
phases diverses , comme Tanatomie comparée, aidée de la
géologie^ nous raconte les mêmes lois s'exerçant dans la
série des âges, sons l'influence de modificateurs variables ,
agissant d'une manière incessante.
Ce résultat de l'observation pouvait être prévu et déduit
à friori de cet autre résultat ae l'observation : T^ut ce qui
ni acquis au refrandié eiux tndividuê pendant la vie , for les
if^uences de V éducation^ se retrouve en plus ou en moins
iens leur progéniture.
D'où cette conclusion : Si les protées anguifonnes des
S20 P0|t.Q6OPSfE
mines de Comiole et de Carynihie anivaîent lentement à
Vm et à la lumière) les poomans qu'ils pourraient acquérir
iraient se perfectionnant, parce qu'ils seraient transpûs par
k) généraiiOA.
Serres, qui a jeté die si vives lumières sur l'organogé-
nésie, a iait remarquer avec raison que tous les étais de
nos organes embrycoaires correspondent à des états qui
sont définitifs chez les aaimaux. On trouve chez l'éléphant,
un rein à* quatre lobes. Il est plus parfait que cdui du
bœuf qui en présente douae ; mais il n'y a que deux lobes
chez la loutre , chee les carnivores rapprochés du chat et
ches la pluspart des oiseaux. — Ne nous faites pas dire ^
6 lecteur^ que l'homme passe par les états du bœuf, de
Uéléphant , des carnivores et des oiseaux : ne jugeons pas
1 être entier sur un seul organe ; mais disons , et nous
serons dans le vrai, que le rein de l'homme reproduit
successivement , à l'^t embryonaire , les organismes ré-
naux de plus en {dus parfaits d'animaux inférieurs.
U résultedece qui précède, que des organismes pourraient
être relativement plus parfaits chez quelques animaux
que ches l'homme : ce que nous sommes loin de contester.
Il en résulte encore qu'il n'y a rien de plus facile que
de suivre un organe tout seul, dans la série de ses progrès ,
depuis les animaux inférieurs jusqu'à cette période dans
laquelle il parait avoir acquis son parfait développement»
Longet, dans son savant ouvrage, a combattu avec
bien peu de raison la doctrine encore incomplète, mais
déjà très-avancée^ des transformations. Tantôt il a joué sur
les mots, retombant dans les vicieuses méthodes des
métaphysiciens ; tantôt il a négligé de corriger certaines
erreurs dont la correction eut servi à démontrer de mieux
en mieux cette grande loi de la nature : Tout progrès «'cic-
complit par dcê iransformalùms successives.
Pour nous, qui ne sommes point un savant officiel,
nous reconnaissons qu'il y a à corriger dans les grands
enseignements des Delamarck , des Geoffroy, des Serres ;
mais nous regardons ces enseignements comme le fonde-
ment d'une philosophie physiologique, destinée à se
substituer aux philosophies du passé.
Nbus lie dirons doftc point d'une manière obsolue, que
Hiomme parcourt, dans sa vie fœtale, tous les dep^s
inférieurs de Tanimalité, mm bien, que ses divers orga-
nismes parcourent pendant leur vie embryonaire ou de
parasitisme, les périodes qui correspondent aux organismes
de plus en plus parCaits des animaux existants. ^^ Encore
un coup , l'honnne n'a été ni oiseau, ni Carnivore du genre
chat, ni bœuf, ni éléphant, quoique ses reins aient accompli
dans leurs phases transitoires les progrès organiques qui
senties termes définitifs des reins chez le bœuf, l'éléphant,
les oiseaux et les carnivores du genre chat : sous ce rapport
nous sommes d*accord avec Longet. Mais Vhomioe forme
une association d'organes qui ont évidemment passé chacun
par les degrés les plus infimes de l'organisme.
Cette proposition , plus restreinte que la première , esl
aujourd'hui incontestable.
La loi de solidarité rendant nos organes dépendants
les uns des autres , il en résulte que l'on peut accepter, à
peu de chose près, comme absolument exactes, les pro-
positions suivantes du docteur Serres:
«r l'histoire de l'organogénie de l'homme est , en petit ,
« la répétition de toute l'organologie des animaux.
» La constitution de l'homme est, en réalité, un petit
» monde , comme l'avaient si philosophiquement définie
» Hippocrate, Platon, Aristote et Galien. *
A ces deux propositions, ajoutons de suite cette troisième
qui en est la conséquence : It se passe en neuf mois ♦ au sein
ie là femme , pendant h dételoppement du germe humain ,
ttne série de phénomènes qui résument ceux qui se sont accom"
f dedans la grande série des animaux vertébrés et invertébrés,
dtpuis Vapparition , sur ta terre , des premiers êtres jusque
nou$.
Il y a surtout , nous dit Serres , deux faits généraux qui
conduisent à montrer la concordance de l'organogénie et
de l'anatomie comparée : on voit, d'une part, que plus
on s'élève dans la vie embryonaire et plus les organismes
se divisent, se fraëtionnent et se simplifient; d'autre part,
à mesure que l'on descend l'échelle animale en anatomie
comparée , à mesure aussi l'on trouve que les organismes
522 PHitbsoTHiis
se fractionnent, se simplifient et se divisent , de telle
sorte qu'il arrive un moment où le même organisme
se répète , et chez Fembryon , et chez certains animaux.
Or, chez l'embryon , les organismes se perfectionnent par
une série de transformations qui, de l'état de simplicité
qu'ils offrent à leur début , les conduisent au degré de
composition qu'ils possèdent dans leur état parfait ; de
même aussi chez les animaux, c'est par une série ana-
logue de métamorphoses que les organismes arrivent par
degrés, d'espèce en espèce, de famille en famille , et de
classe en classe , au type élevé où nous les observons dans
le haut de l'échelle animale. Considérée sous le rapport
le Torganogénie , la série animale répète donc la série
embryonaire : l'une est la reproduction de l'autre , de telle
sorte encore que les organismes de l'embryon revêtent tran-
sitoireraent des caractères que ceux des animaux nous of-
rent en permanence, tandis que la série animale, à son tour,
nous présente une succession d'organismes fixes dont nous
trouvoi^s passagèrement le type dans le cours de la vie em-
bryonaire.
Prenons, nous dit encore Serres, pour premier exemple
le cœur. Très-compliqué chez l'homme, les mammifères et
les oiseaux , cet organe se décompose graduellement chez
les reptiles, les poissons, les crustacés, les mollusques,
les annélides et les insectes. Chacune de ces dégradations
lui fait perdre , ou une partie de ses éléments , ou une
partie de sa structure musculeuse. De proche en proche ,
il finit par ne plus être chez les annélides , les insectes et
quelques crustacés, qu'un canal droit ou courbe, et sa
structure musculeuse est même alors souvent fort douteuse.
Cette décomposition du cœur dans la série des animaux
était déjà, dès le temps de Haller, un des résultats de
l'anatomie comparée. Mais dans ces derniers jours , par
une observation inverse, l'anatomie transcendante a suivi
la recomposition de l'organe ; elle a rigoureusement déter-
miné que, chez le jeune embryon, le cœur débutait sous
la forme d'un canal d'abord presque droit , puis courbe ,
et que par sa forme et même sa structure , il correspondait
exactement à la structure et à la forme du cœur chez
BU SIÈCLE. 523
les insectes > chez les annélides et chez quelques crustacés
brachiopodes.
Au second temps de la formation, les oreillettes se
dessiuent sur le canal cardiaque, qui se perfectionne. H y
a trois cavités distinctes : un ventricule au milieu , deux
oreillettes placées sur les côtés et à distance , absolument
de la même manière que dans le cœur des mollusques
acéphales; puis les deux oreillettes sont amenées au point
de contact. Chez Tembryon de Toiseau, ces deux poches
û'en font plus qu'une; il y a alors un ventricule plus
développé et une oreillette unique plus ample : c'est la
même chose absolument qui se rencontre chez les mollus-
ques céphales.
Ces deux temps de la formation du cœur, chez les
vertébrés, représentent donc passagèrement la disposition
permanente du cœur chez les mvertébrés. Mais, comme on
le sait, cet organe ne s'arrête pas à cet état chez les
animaux supérieurs; en continuant ses développements,
la poche unique des oreillettes se partage en deux cavités
par rinterposition d'une cloison médiane ; et cette cloison ,
selon qu elle est plus ou moins complète , représente celle
decertains poissons, et, parmi les reptiles, celle de la tortue
scorpione et du lacerta apoda (Meckel). Enfin le ventricule
lui-même se dualise à son tour par le môme mécanisme
que les oreillettes ; et à l'époque où la cloison ventriculaire
n'est pas encore complètement fermée chez les oiseaux ou
les mammifères , cette dernière évolution du cœur répète
eiactemeat la disposition permanente des ventricules chez
les reptiles ophidiens et particulièrement chez les couleuvres
à collier (M. Martin Samt-Ange). Il est à remarquer en
effet que dans l'embryogénie des vertébrés supérieurs,
de même que dans la série anatomique des poissons, des
reptiles et des invertébrés , le perfectionnement des oreil-
lettes précède généralement celui des ventricules. Or, la
circulation n'étant que la conséquence de la disposition et
de la structure de l'appareil qui les régit , la modification
que subit en grand cette importante fonction dans l'en-
semble des animaux est représentée, en petit*, d'une
manière très-exacte par les modifications transitoires
324 PHjiLQsopniE
qu'elle éprouve durant la yie embryonaire des vertébrés
supérieurs.
A cette exposition de la doctrine de Serres, il n'y a rien
à répondre , et ses adversaires se rejettent sur de puériles
objections. Essayez par exemple, disent-ils, de comparer
le développement des insectes et le nôtre. La réponse est
facile : prenez un œuf de papillon , faites-le eclore sur
le porte-objet du microscope , en quoi trouverez-vous que
ce germe nouveau se dévie des lois que nous voulons
démontrer? — A la naissance, le çerme du mamnjifère
trouve un placenta pour aider sa vie par une nourriture
abondante ; le germe de Toiseau est placé dans un œuf
âlbumineux ; celui du papillon, qui n'a point ces ressources,
est destiné à vivre , non en parasite , mais d'une vie indi-
viduelle : il se développe et devient chenille , puis lorsjqu'il
s'est suffisamment nourri pour arriver à son état parfait , il
se débarrasse de ses organes caduques ou transitoires et
revient à la vie d'incubation, dans laquelle s'élaborent les
'organes de sa vie de papillon. — Si les œufs de l'insecte
étaient plus perméables et très-extensibles, s'il y avait
possibilité de nourrir leurs germes par endosmose , il est
probable que l'on pourrait arriver à supprimer l'état spécial
qui, dans la vie au germe du papillon, porte le nom de
chenille. — Dans cette voie, où ma vue fatiguée ne peut
suffire aux études microscopiques, j'ai reconnu, pour ma
part , qu'il y a sur les influences du sec et de l'humide et
dans Tétude sérieuse des germes divers , de nombreuses et
intéressantes découvertes possibles et mômes faciles.
Revenons aux règles générales de l'embryologie.
Si au lieu du cœur nous voulions étudier de la même
manière :
Le système nerveux ,
Les sens ,
Le système digestif,
Le système osseux.
Le système musculaire ,
Le système pulmonaire ,
nous arriverions à des résultats complètement identiques.
Chez la femme, la matrice est unique, mais elle n'arrive
Dû siË(iLË. 325
à ce résultat qu'en passant par cinq phases successives. Or,
remarquons le bien , la matrice , organe destiné à couver
intérieurement les œufs qui, chez d'autres animaux, 'sont
ccujvés extérieurement, est l'un des derniers organes pro-
duits par la nature au sein du règne animal.
Son premier état embriologique, chez l'homme, corres-
pond à ce qui existe chez les monotrêmes, tels que
l'échidné et Tomilhorinque , qui sont intermédiaires entre
les oiseaux et les mammifères ; le deuxième état corresppjid
à celui des marsupiaux; le troisième à celui du lapiu, du
rat, du castor; il consiste en un vagin simple et,, une
matrice double. Celte disposition peut persister après la
naissance, comme l'ont vu Morand, Dupuytren, Tiedmann,
comme nous l'avons nous-même reconnu il y a quelques
années.
Le quatrième état de l'utérus correspond à celui: des
cétacés, de quelques camaciers, des phoques : Tunilé
utérine est commencée, mais elle n'est pas achevée. Nous
la trouvons bien plus parfaite chez les ruminants,, plus
parfaite encore chez les makis.
Le cinquième état, l'unité complète de la matrice, se
présente chez Quelques singes , mais avec moins de perfec-
tion que chez 1 homme.
On sait, poursuit Serres, que Thomogénité primitive des
deux sexes est une des découvertes les plus curieuses de
I embryogénie. 11 n'y a primitivement ni mâle ni femelle ;
en un second temps , en apparence il n'y a que des femelles
(je dis en apparence , et on verra plus tard la raison); puis
les organes aapparence femelle se transforment en organes
mâles. Toutes les femelles , à une certaine époque de leur
formation , ont donc l'air d'être hermaphrodites , et à une
certaine époque aussi, sans un examen attentif, on pren-
drait tous les mAles pour des femelles. Ces dernières appa-
rences se manifestent chez Tembryon humain sur la fin du
deuxième ou au commencement du troisième mois , et chez
le bœuf , le moHton , le chien et le chat , vers le premier
tiers de leur formation. Or, cette circonstance du déguise-
ment des sexes provient de la constance du mécanisme de
leur formation.
326 PHILOSOPHIE
Cette similitude embryonaire se Ixouii^ justement répétée
chez plusieurs ammaux adultes. Le Yolume duelytoris, cbt
M. Isidore Geoffroy-Saint- Hilaire, égale eeluî du péuis
dans plusieurs espèces, même parmi les skiges, et la
ressemblance est telle, que les lemelles sont prises, la
pluspart du temps , pour des mâles. Quelques espèces ont
le gland du pénis bifurqué ; celui du dytoris Test égflde-
ment. Le kpin est particulièrement remarquable sous ce
rapport :•: sa verge reproduit celle de Tembryon des
quatrième et cinquième semaine, de même que ses cornes
utérines reproduisent celles du quarantième et du- cinquan-
tième jour. L'anatomie comparative nous présente ainsi,
d une masiiâre permanente^ un ordre de faits que l'orgaiio-
génie ne nous dessine que passagèrement , et que Tanato-
miste a beaucoup de peine à constater à cause du peu de
consistance et de Texiguité des parties.
Pendant l'impression de ces pages sur Torganogénie des
animaux , M. le docteur Emile Giraudet » cbef des travaux
anatomiques à Tours, avait la bonté de nous faire pass^
sous les yeux un mémoire inédit extrêmement remarquable,
dont voici les conclusions. (Ce jeune savant , fils d'un ami ,
de Geoffroy Saint-Hilaire , porte déjà baut la bannière de la
science pbilosopbique.) Il s'agit de recherches sur le déve-
loppement comparé du germe de la brebis et du germe du
bombyx qui nous donne la soie :
A. — l** Les diverses phases du développement de
Tembryon de la brebis s'accomplissent seulement dans
l'utérus ou ses annexes.
S"" Les diverses phases du développanent du bombyx
comprennent trois périodes bien distinctes. : l'œuf, la larve^
la ckry[$alide. L'expression si peu précise, si vague, de
métamorphose , appliquée à ces évoluticms successives qui
précèdent l'état parfait du. bombyx^ doit disparaître delà
science. Ces phénomènes morphologiques auraient un sens
plus complet, plus saisissable , si les époques de leurs mani-
festations étaient simplement désignées sous les noms de
1*% 2* et 3* période embryonaire.
B. — Les pièces constitutives de l'œuf fécondé (membranes
et liquides) sont analogues dans les deux espèces étudiées.
BU SIÈCLE. 5i7
C. — Le ekarion joue un rôle également important et
dans r<Baf de la brebis et dans celui du bombyx : l"" ehez
la brebis, il sert d'organe de nutrition en établissant) une
commmunicMion vasculaire entre l'utérvis et Tceuf ; S'^chez
le hombyx^ il sert d'organe de nutrition en livrant passage
à l'air indispensable au développement de l'embryon ;
5* dans l'un et l'autre , il est organe de protection.
D. — L'analogie du vitellus et de sa membrane est
évidente dans les deux embryons. — Dans le bombyx , il
n'y a pas de vésicule ombilicale produite.
E. — Le blastoderme , ce premier rudiment de l'orga-
Qi^oe considéré sous les rapports de forme et d'accroisse-
ment, est s^nblable dans la brebis et le bombyx ; toute-
fois l'incurvation se fait en sens opposé.
Je n'ai jamais observé» dans ce développement du
blastoderme , que des amas de cellules organo-plastiques
assez différentes les unes des autres*, quant aux feuillets
séreux , muqueux , angio-plastique , il m'a été impossible
(te les apercevoir.
F. — Deux systèmes nerveux, le cérébro-spinal et le
grand sympathique, se développent dans la brebis et lo
bombyx. Le tystéme cérébro-spinal constitue Taxe primitif
00 tige nerveuse dont les éléments sont formés de deux
parties distinctes par la structure et les fonctions (substance
blanche, substance grise). Ce système subit de notables
modifications dans sa manière d'être, pendant toute la
durée de l'état embrycmaire des deux espèces.
Le grand sympathique , au contraire, n'offre dans sa
manière d'être que des modificaticms de peu d'importance
daiB les deux espèces.
G. — L'appareil circulatoire s'annonce de bonne heure
chez la brebis; son développement suit de très^près le
système nerveux. Dans le bombyx, cet appareil ne
wmmence à être distinct qu'après la formation du canal
intestinal.
H. — Il existe uns analogie réelle dans le mode de
développement de Yappareil digestif de la brebis et du
bombyx; ainsi, dans les deux espèces, cet appareil est
une dépendance immédiate de la vésicule vitellme ; seule*
ment la communication du vitellus avec le bombyx, au
lieu de s'opérer sur la face abdominale , comme dans la
brebis , s'opère sur la face dorsale de l'invertébré.
I. — Il y a lieu de considérer comme analogue, le mode
de formation de Y appareil respiratoire ; toutefois le fait de
cette analogie est modifié en ce sens que le développement
des vaisseaux sanguins n'est pas suffisamment constaté
dans le bombyx.
K. — ^ Les appareils primitifs sécréteurs de la brebis peu-
vent être ramenés au type si simple et si constant des
organes sécréteurs du bombyx.
L. — Le développement du cylindre primitif et du
système musculaire du bombyx offre des analogies remar-
quables avec celui de l'embryon de la brebis, et les
dissemblances ne portent que sur des points tout-à-fait
secondaires.
M. — Dans les deux espèces, le système tégumentaire
est une dépendance immédiate de la face externe du
blastoderme; de plus, il offre les mêmes annexes et la
même disposition par couches successives,
N. — Vappareil oculaire du bombyx débute comme
celui de la brebis, par im renflement pédicule, composé
de cellules organo-plastiques. Le pédicule , dans les deux
espèces , m'a toigours semblé une continuation de la mem-
brane nerveuse primitive.
0. — Si des organes semblent disparaître pendant la
vie embryonaire de la brebis (corps de Wolf, Thymus, etc.),
d'autres s'effacent également dans les périodes formatrices
du bombyx (glandes de la soie, organes broyeurs, etc.).
En résumé, le développement comparé de l'emj^ryon cle
la brebis et du bombyx , malgré les dissemblances que
nous voyons s'y produire, tend à rapprocher de plus en
plus les embranchements des vertébrés et des invertébrés.
Leur formation est soumise aux mômes lois ; elle a pour
point de départ, pour base commune, la cellule.
Nous venons d'étudier quelques faits généraux de l'orga-
nogénésie : il convient maintenant de dire rapidement les
faits généraux de l'embrjoîogie.
DS L EHBIEIYOLOGU.
Dans le lieu où la vésicule destiné^ à ijeprodvrire
l'espèce , et par suite appelée prolifère, vient s'alUchec h
la membrane du vitellus ou jaune deVceuf, existe un disque
appelé ligament prolifère. Ce disque, selon Serres, s'isole
dès les première heures de Tincubatioa (1). — A partir de
la seizième heure, sous le climat de Paris, ou remarque
le premier jet des organisations : c'est une longue ligne
obscure placée selon l'axe du disque prolifère , dont quatre
ou cinq heures plus tard la transformation est aûhevée, —
S*est-il formé, dans ce travail, deux sacs germinateurs ,
deux cellules cellulaires, germes de l'embryon, et des
organes qui se développent en lui ? Le premier travail de
la nature aurait-il, par ce moyen, pour but le dualisme
et la symétrie de l'être qui va être produit? Cette opinion
de Serres est séduisante, mais je n'oserais l'accepter
encore; elle ne m'est point suffisamment démontrée. Je
crois au contraire , d'après quelques études pereonnelles ,
(]ue le premier travail de la nature se maniieste par une
ligne médiane courbée ; que pris un peu plus tard , ce
premier travail présente une ligne centrale rudimentaire ,
et plus tard encore, une ligne centrale plus développée,
divisée en trois parties que l'on devine plus qu'on ne les
voit, parties qui sont séparées par les développements
latéraux et qui formeront plus tard le capuchon ou partie
supérieure de l'embrj^on , la queue et la portion moyenne.
Mais dans ce système, comme dans celui de Serres,
l'animal, par suite de cette ligne médiane, se forme par
des organes symétriquement placés. En étudiant les pré-
(I) 5oa6 n*alGrmoDS ce fait qu'arec résenre , oe Tajant poiot vérifié lorsque nous
SToos étudié cette question.
S30 PHILOSOPHIE
tendues cellules juxta-posées de Serres, nous ayons cru
reconnaître que dès le début elles ne forment qu'une cellule
au sein de laquelle se produisent et s'érolvent les fonnations
organiques de l'être naissant.
Chaque cellule , dit Serres , se compose de trois feuillets
qui se développent successivement. L'extérieur est séreux,
le moyen est vasculaire, l'inteme est muqueux. Cette
hypothèse n'est pas moins if)génieuse que celle des deux
cellules juxta-posées ; mais les faits ne nous ont point paru
se présenter ainsi , quoique le développement deTembryon
suive régulièrement la marche indiquée par Serres. Les
membranes signalées par cet illustre savant, ne peuvent
être désignées par cette expression : membranes. — Là où
il existe une membrane, on peut toujours en admettre
trois: l'une interne, l'autre externe, la troisième inter-
médiaire ; mais cette supposition de l'esprit n'est pas une
preuve.
La moelle, l'encéphale, les vertèbres, le crâne, les sens
et leurs dépendances apparaissent d'abord. — Ces faits
accomplis, les vaisseaux périphériques, les veines caves,
les aortes, le cœur commencent à se manifester, et ce
dernier ressemble tout d'abord à un vaisseau replié. Les
organes de nutrition apparaissent ensuite.
Au moment de son apparition, la première série d'or-
ganes est le siège d'une fluxion ; elle se développe avec
énergie , et son hypertrophie serait grande si le développe-
ment de la seconde série ne venait la corriger. De la n>éme
manière, le développennent du troisième ordre d'organes
fait disparaître l'exubérance des secçnds.
Nos réserves faites sur les deux sacs germinateurs et les
trois feuillets de chaque sac , dont nous n'avons nul besoin
pour expliquer la dualité primitive des organes, qui
s'explique, selon nous, très-bien par l'action du syst.ème
nerveux , cet organe de la polarité animale : nous pouvons
prendre Serres pour guide et le suivre dans l'exposition du
développement de l'axe cérébro-spinal , du coeur, de l'intes-
tin et du foie.
Soit donc, dirons-nous avec lui, l'axe cérébro-spinal du
système nerveux: son ampliation est si grande dès le
DU BÎÈdLR. 531
début des développements, que non-seulement ses cordons
sont contournés ^i spirale, pour occuper le moins d'espace
possible « mais qu'encore le canal vertébral et le crâne
sont ouverts et écartés en a^ynt et en arrière pour agrandir
le champ qui doit le ocMitesir. Cette exagération de déve-
loppement se conserve jusqu'à l'époque où les rudiments
du cœur, réuni» en un canal deux fois replié sur lui-même,
donnent à l'organe ce développement exagéré qui l'a fait
comparer au gàtre. Ot cette dernière exagération du cœur
a pour efifet de réduire l'axe céréfaro-epinal , de déplisser
d'abord ses cordons, de diminuer ensuite le champ qui les
contient , ce qui permet au canal vertébral et au cr&ne de
se réunir en avant et de former une large gouttière dans
laquelle i'organe repose. Néanmoins , son volume dépasse
encore les proportions qui doivent constituer son état
normal, car il fait hernie en arrière du crine et du rachis,
qui ne peuvent le contenir dans son entier. Une seconde
réduction de ce volume se produit lorsque les cavités du
cœur, élargies outre mesure, font acquérir à cet organe
les dimensions exagérées qui ne se reproduisent plus que
dans l'état pathologique» Cet excès de développement du
cœur fait encore revenir sur lui-même l'axe cérébro-spinal ,
de sorte que le canal céphalo-rachidien peut se clore en
arrière comme il s'était clos en avant, et constituer un
étui dans lequel est logée définitivement la partie centrale
et fondamentale du système nerveux. Tels sont les faits.
Si on compare les organes entre eux, on voit évidemment
que les uns semblent acquérir ce que les autres perdent;
on voit que les réductions qui s'opèrent dans l'axe cérébro-
spinal tournent au profit du développement du cœur, qui
dépasse alors toutes les dimensions connues , de même cpie
l'axe central du système nerveux avait de prime-abord
dépassé toutes les siennes. Hais on voit aussi qu'il y a
réellement transport de l'action formatrice du feuillet
externe des sacs sur le feuillet moyen ou vasoulaire , de
sorte que l'on peut traduire cet effet en disant que l'exagé-
ration de formation des organismes du feuillet vasculaire
fait rentrer dans leurs limites les organismes du feuillet
externe, qui les avaient dépassées. C'est ainsi que Serres
dételoppe celte anatomie sî élevée. Continuons à le suivre.
' Si l'équilibre a été rétabli dans Taxe cérébro-spinal par
l'exagération qu'ont prise le coeur et les gros vaisseaux ,
f)ar quel moyen ces dernière?^ parties rentreront-elles, à
eur tour, daus les dimensions quelles doivent cotiserver ?
Dirons d'abord que lés dimensions du cœur sont alors
tellement exagérées qu'il est situé hors de la poitrine ,
comme Taxé cérébro-spinal était situé hors des cavités de
la colonne vertébrale et du crâne. Remarquons ensuite ce
qui survient en ce moment dans l'ordre des développe-
ments. Le phénomène le plus saillant qui se manifeste à
cette période ^t la formation du foie, organe principal du
troisième feuillet des sacs germînateurs , qui est au feuillet
muqueux ce que le cœur est au feuillet vasculaire , et le
cerveau au feuillet séreux. Or, tout le monde sait que chez
l'embryon , le foie est si prodigieusement développé , que
non-seulement il remplit à lui seul l'abdomen , mais qu'il
refoule encore les intestins dans le cordon ombilical et
qu'il maintient à distance les parois de l'abdomen. Que
résulte-t-il de cette hypertrophie exagérée du foie ? H en
résulte l'atrophie du cœur. En effet, pendant que l'organe
principal du feuillet muqueut acquiert ces dimensions
outrées , l'organe principal du feuillet vasculaire s'atrophie.
Le cœur diminue de volume à mesure que le foie s'acctoit ;
il se réduit et rentre dans ses limites par un mécanisme
tout-à-fait semblable à celui par lequel il a fait lui-même
rentrer l'axe cérébro-spinal dans les siennes. L'action
formatrice s'est ainsi déplacée une seconde fois. Du feuillet
vasculaire , elle a passé sur le feuillet muqueux , comme
i)réoédemment elle avait passé du feuillet externe sur le
éuillet vasculaire ; et, de même que la réduction de Vaxe
cérébro-spinal avait permis au canal céphalo-rachidien de
se fermer, d'abord en avant , puis en arrière , de même la
réduction du cœur permet à la poitrine , jusque là ouverte
antérieurement , de se clore définitivement par la réunion
des sternums. Tous ces faits se suivent , se ressemblent ,
se répètent ; tous sont assujettis à la même règle , au
même mécanisme, à la même équilibration. En observant
cet assujettissement de la nature aux mêmes procédés de
9p Miw(^, sas
déyeloppement , au^^ mêmes lois organogéuiques, <<mq re-
connaît avec admiration la main puissante qui la dingo et
la conduit vers son but. Que sont les causes furies à côté
de ces grands phénomènes !
De l'équilibration de la tête et de la poitrJjqe , passons
à celle de l'abdomen. Que vont devenir les intestins pror*
jetés hors de cette cavité et logés provisoirement dans le
cordon ombilical ? Comment rentrexontrils dans le domi-
cile qu'ils doivent occuper toute la vie ; comment les
clore hermétiquement ? C'est ici surtout que les faits sont
évidents, par la raison que l'embryon étant plus âgé,
leur constatation devient plus facile. Ce déplacement des
intestins a été produit , comme nous venons de le dire.,
par l'ampliation énorme du foie à laquelle suffit à peine
toute la cavité abdominale ; leur hernie en est la consé-
3uence , de même que les hernies de la moelle épinière ,
e l'encéphale et du co^ur sont les conséquences de leur
excès de développement. Or, l'hypertrophie exagérée du
foie venant à cesser, sa diminution Jait un vide dans
Tabdomen, et ce vide est occupé aussitôt par les Intestins
qui se précipitent dans son inténeur. En même temps aussi
les parpis abdominales n'étant plus tenues écartées par
le foie, suivent le mouvement des intestins, arrivent au
point de contact et se réunissent comme l'ont fait les deux
sternums. La fermeture de l'abdomen est donc la répé-
tition de la fermeture de la poitrine, ocMume celle-ci était
la répétition de la fermeture du canal rachidien et du
arâne.
Mais ces faits d'éçjuilibration ne disent pas encore la
raison de la diminution si frappante de cet organe. Cette
raison se trouve dans l'excès de développement que prend
d'abord l'estomac et puis le duodénum , excès de dévelop-
pement qui passe ensuite sur les intestins grêles et s'arrête
en définitive sur les gros intestins. Cette succession
d'hypertrcf)hies dans le canal alimentaire atrophie succes-
sivement l'organe hépatique et le ramène à l'état qu'on
lyi connaît chez l'adulte ; en même temps elle produit sur
les parties diverses de ce conduit des ampliations exagé-
rées qui d'abord rapprochent l'estomac de celui des
534 PHILOSOPHIE
rumioAnts , qui font ensuite que les ioste^tins grêles sont
réellement les gros intestins, et qui s'épuisent enfin sur
la région finale du canal intestinal. Quel spectacle que
celui de ce balancement successif dans les dimensions des
diverses organismes! Quelle sagesse dans cette action
foimatrice qui les hypertrophie chacun à leur tour et les
fait rentrer dans leurs limites en se transportant de l'un
sur l'autre ! Rien de plus surprenant sans doute que la
simplicité de ce mécanisme , si ce n'est la grandeur du
résultat qu'en fait sortir la nature, en harmoniant ainsi
toutes les parties de l'embryon. Rien de plus simple égale-
ment et rien de plus constant que ce mouvement centripète
agissant de la périphérie vers le centre , poussant ainsi
les organes vers les cavités qu'ils doivent occuper, et,
aussitôt qu'ils y sont arrivés, refermant sur eux les
Sarois pour les abriter et les clore définitivement. Si la
xité et la régularité des mouvements à grandes distances
excitent notre admiration , la régularité et la fixité de ces
mouvements à petite distance n'ont-elles pas aussi leur
intérêt ?
Or, le mécanisme d'équilibration que nous venons
d'exposer se reproduit partout ; il se répète jusque dans
les plus petits détails de l'organisation ; il se fait même
sentir jusque dans les tissus élémentaires des parties.
U nous suffira d'en observer les effets dans les cavités
splanchniques , et d'abord dans le crâne pour œ qui
concerce l'encéphale. Sur cet organe, l'excès de déve-
loppement porte d'abord sur les lobes optiques, dont
l'exagération, persistant dans des classes entières, atrophie
ce qui l'environne : tantôt le cervelet , comme cela a
lieu chez la plupart des reptiles ; tantôt les hémisphères
du cerveau , comme on le remarque chez presque tous les
poissons. Chez les mammifères , l'excès de développement
se portant sur le cervelet et le cerveau, ce sont au
contraire les lobes optiques qui sont réduits dans leurs
dimensions. Chez les oiseaux, l'équilibration est différente
encore : les lobes optiques conservent une prédominance
marquée ; mais comme déjà leur constitution encéphalique
marche vers celles des mammifères, ces lobes ne restent
DU siÈcu. 555
plus sur la face supérieure de l'encéplale ; ils exécutent
un deminmouYement de rotation qui les fait saillir sur les
côtés, et rapproche l'un de l'autre le cervelet et le cerveau :
d'où il suit que les lobes optiques sont réellement Torgane
régulateur de l'encéphale chez les animaux vertébrés,
puisque l'équilibration s'opère sous leur influence.
Hais Tmâuence de l'évolution d'une partie sur l'évola-
tion des autres n'est nulle part plus marquée que dans
l'abdomen et le thorax , à cause de la mobilité des orga-
nismes contenus dans ces cavités. Le foie , qui les domine
tous, les assujettit tous à ses propres évolutions. Nous
avons déjà vu que , lors de son hypertrophie exagérée ,
la cavité abdominale suffisant à peine à son extension , il
en repousse le canal intestinal ; nous avons vu aussi que
lorsqu'il réduit ses dimensions , le cœur d'abord , puis les
intestins , rentrent dans leurs cavités respectives. Mais là
ne se borne pas son influence : à peine ces organes sont-
ils renlrés dans leur domicile qu'ils se placent sous la
dooûnation du foie et obéissent à ses moindres évolutions.
Lorsqu'en efi'et le coeur est rentré dans la poitrine, le
foîe, hypertrophié encore, occupe la partie médiane de
Fabdomen, sans s'incliner ni d'un c6té ni d'un autre.
Le coeur repose dans le milieu du thorax , maintenu là
par le plan horizontal que lui offire le diaphragme immé-
diatement appliqué sur la convexité du foie. Plus tard ,
l'équilibre de la décroissance du foie se trouve rompu ;
l'atrophie porte principalement sur le lobe gauche ; le lobe
droit conserve son volume, et il s'enfonce dans l'hypo-
condre*du même côté. Le cœur, qui repose médiatement
sur la surface convexe de cet organe , suit naturellement
l'inclinaison du plan qu'elle présente. A mesure que la
lobe gauche du foie s'affaisse, le cœur, suivant son mouve-
ment, s'abaisse avec lui ; U glisse de droite à gauche et se
fixe à la position que lui a faite l'évolution du foie. D'où
il suit que l'incUnaison à gauche du cœur répète dans la
poitrine l'inclinaison du foie dans l'abdomen ; d'où il
suit encore que les mammifères chez lesquels le cœur
ne repose pas médiatement sur le foie , restent étrangers
à cette inclinaison, de sorte que chez eux le cœur occupe
856 pfiiLOdOPflTE
toujours le milieu de la poitrine. Il en est de même de la
position de r^slomac et de la rate. Le foie , en se plaçant
à droite , entratoe la petite ettrémité de Vestomac de ce
côté, oe .qui nécessairement force la grosse extréniilé à
laquelle adhère la rate , de se loger dans Thypocondre
gauche* Le lobe droit du foie entraîne ainsi avec hii le
coeor-imlmonafire) les veines caves; Tazygos, le duodétttim
et le coBCum V tandis que le lôî>e gauche est accompagné
par le ' cœur «aortique , par Tâorte pectorale , l'estomac ^
la-rateet TS iliaque du colon. Ce qui achève bien de prouver
que révolution de ces organes est subordonnée à celle du
foie , c'est que celui-ci se transporte.
C'est ainsi que Serres , l'un des maîtres de la science ^
nous raiconte mie partie de notre vie si longtemps voilée pour
nous.
Pour «ppliquer à l'homme les grandes données physio-
logiques que nous venons d'exposer, remarquons que chez
lui le progrès consiste dans le développement très-remar-
quable du système nerveux, qui est, comme Ton sait,
l'instrument de l'intelligetice. Or, pour qu'un embryon,
3ue nous appellerons A , soit celui ae l'homme plutôt que
e tout autre mammifère, il faut nécessairement que
l'excès de développement porte surtout sur les lobes du
cerveau et sur les lobes antérieurs , de manière à réduire
le cervelet et les lobes optiques dans leurs dimensions, de
manière même à bien mieux balancer les lobes postérieurs
par les antérieurs, que cela n*a lieu chez les autres
mammifères. — Quelle cause produit dinsi le balancement
des diverses parties? Pourquoi et comment s'arrôte-t-il
plus dans la vie embryonnaire d'une espèce que d'une
autre? C'est encore le secret de la nature : la difficulté
n'est pas résolue , elle est portée plus loin que par le passé ,
et nous en savons seulement un peu plus que nos pères,
-..^ les premiers moments du commencement des êtres,
h^excès de développement du cerveau se produit surtout
d'aMpd par les couches dites optiques, quoiqu'elles ne
serveht en rien h la vision. Si cet excès persiste , le cervelet
pourra lester atrophié, comme cela se passe chez les reptiles ;
ou bien ce seront les hémisphères du cerveau, comme chei
a»u Biia.«. 857
les poissons. Chez les oiseaux, le cervelet se rapproehera
du cerveau^ et les lobes optiques se déjett^oilt sur les
côtés , comme nous Tavons déjà dit plus baut^
Une fois ce point de départ établi et les premières
observations bien faites, Tanatomie a pu poursuivre ses
investigations et montrer comment les parties diverses
s'éq^uilibrent et se balancent chez les animaux sans Ter*
tèbres ; comment , chez tous , s'établit la symétrie ou le
dualisme des organes; comment ils se réunissent et se
conjuguent; comment se produisent les orgftnes impairs^
c'est-à-dire comment l'unité organique resswt de, la dualité
primitive ; comment enfin se forment les cavités organi-
ques y les canaux et les ouvertures.
De ce qui précède , tout esprit positif doit non-rseidement
conclure philosophiquement vers la grande loi des trans-
formations, mais encore il est naturel de se poser cette
question :
Pourquoi l'homme n'essaierait-il pas de dévier les
germes de leur direction naturelle, par des incubations
dans lesquelles s'exercerait l'influence de son savoir?
Modifier les germes , ce serait modifier les espèces et créer
des races nouvelles; déjà nous pouvons transformer les
poissons , en semant sur les œufs d'une espèce ceux d'une
autre assez rapprochée. Mais l'audace de la pensée du
philosophe va nécessairement plus loin: il doit croire et
il croit que la science lui donnera le pouvoir d<agir plus
profondément sur les êtres qui vivent à la surface de la
terre.
DES MONSTRUOSITÉS.
Ce livre serait incomplet si nous n'y placions quelques
pages sur les monstruosités, U y a dans leur étude , qui
porte le nom de tératologie, des faits qui parlent avec
une haute éloquence en faveur des idées que nous croyons
558 PHILOSOPHIE
appelées à gouverner le monde; et puis serait-il juste,
après avoir nourri nos lecteurs des dootrines de Lamarck ,
de Geodroy-Saint-Hilaire et de Serres, de négliger les
preuves que nous pouvons apporter encore à Tappui de
cette philosophie que leurs études ont créée ? Ne nous
importe* t-il pas de parler des monstruosités animales
pour faire pressentir les monstruosités sociales, et montrer
que rien en ce monde n'échappe aux lois constantes dî) la
providence^ à ces règles que 1 on pourrait appeler à bon
droit la nature en action ?
Au siède dernier, deux habiles anatomistes , Winslow
et Lemery, discutèrent vivement cette question ^ à savoir :
s'il y a des germes monstrueux. Tous les deux publièrent
de nombreux mémoires à cette occasion , mais quelle que
fut rhabileté de Winslow, il se ^uva forcé d'abandonner
à son adversaire la majeure partie du terrain ; cependant
ni Tun ni l'autre ne résolut le problème d'une façon satis-
faisante. Plus tard, Haller, après avoir soutenu la doctrine
des monstruosités originelles , se convertit presque entière-
ment à l'oiûnion opposée. De nos Jours , cette belle
étude , reprise à nouveau par Geoffroy Saint-Hilaire ,
puis par Serres, puis par Geoffroy Saint-Hilaire fUs, a
reçu sa solution définitive. Ce dernier a puUié un ouvrage
très-savant, où devront puiser, désormais tous ceux qui
voudront comprendre ce qu'il y a d'enseignements de toute
nature dans l'examen des anomalies de l'organisation.
Cependant pour être absolument complet, cet ouvrage
demanderait à être précédé de Tétude des monstruosités
dans le règne végétal et suivi de l'étude des monstruosités
dans l'ordre moral ou social. Nous avons emprunté à la
physiologie moderne , l'étude des moiistruosités végétales ,
et nous démontrerons ultérieurement comment la physio-
logie s'applique aussi aux questions purement intellectuelles
et morales de l'intelligence humaine.
M. Isidore Saint-Hilaire s'occupe d'abord des anomalies
simples , qu'il divise en cinq classes. Dans la première ,
sous le nom d'anomalies de taille et de volume, il range
le nanisme, le géantisme, la petitesse d'un membre, le
défaut général de développement d'un muscle ; la petitesse
DU SIÈCLE. S39
des mamelles , du vagin , des yeui ; le grand volume de
la tète ; le développement considérable du système adipeux
ou graisseux ; le volume excessif des mamelles, et la présence
des mamelles laiCtifères chez l'homme.
Les anomalies de forme portant sur des r^ons entières ,
comme la tête » ou sur un organe, oomme l'estomac, consti-
tuent la seconde classe.
Dans La troisième, il a« placé les anomalies de couleur et
de structure ; c'est i cette classe que se rapporte l'étude
des albinos et de la couleur noire naturelle.
Lft quatrième classe comprend les anomalies par dépla-
cement , par changement de connexion ; les anomalies de
continuité ^ de cloisonnement , de disjonction. Il faut lui
rapporter la transposition des viscères ou d'un seul organe,
le pied bot , les dents hors rang, les variétés des vaisseaux ;
l'ouverture du vagin dans le rectum, du rectum à l'om-
bilic; l'imperforation du rectum, de la vulve, de la bouche,
de l'iris'; la réunion des seins, des testicules, des doigts ,
des dents, des côtes ; l'adhérence de la langue au palais,
le cloisonnement du vagin, la persistance des orifices du
cœur.
La cinquième classe comprend les anomalies par réduc-
tion et par augmentation numérique, telles que l'absence
de vertèbres, de côtes, de doigts, de dents; l'existence
d'un seul poumon, d'un seul rein ; l'absence de la matrice,
de la vessie , et puis, par contre , les muscles et tendons ,
les vertèbres , côtes , doigts et dents surnuméraires ;
l'augmentation du nombre des mamelles, des reins, etc. ;
la duplicité de la matrice , l'existence d'une queue.
Passant à l'étude des hermaphrodites , il les distingue
en masculins , féminins et neutres ; en mixtes par herma-
phrodisme superposé, semi- latéral, latéral et croisé;
puis en hermaphrodites avec excès dans le nombre des
parties , masculm complexe ^ féminin complexe ; puis en-
core en bisexuel donnant les deux sexes , ou tous deux im-
parfaits, ,ou tous deux parfaits. (Ce dernier cas n'a pas
encore été réalisé. )
Arrivé à ces anomalies que l'on appelle plus spé-
cialement monstruosités, il les divise en monstruosités
540 PHILOSOPHIE
simples et doubles ou composées. Dans la première classe ,
il range les trois ordres suivants : les autosites unitaires ,
c'est-à-dire les monstres capables de vivre et de se nourrir
par le jeu propre de leurs organes; ceux qui peuvent
subsister hors du sein de leur mère, parce que chez eux la
monstruosité n'affecte encore qu'une ou plusieurs régions
du corps , les autres se trouvant à l'état normal , le cœur,
les poumons, presque tous les viscères digestifs, et pour le
moins une partie de la tête , étant constamment conservés,
la forme générale du corps restant symétrique et presque
naturelle. Viennent ensuite les omphalosites ^ ainsi nommés
parce qu'ils vivent uniquement par le moyen d'un lien
qui les xmit à la mère. Leur existence cessant aussitôt
qu'ils en sont séparés , ils manquent d'un grand nombre
d'organes, et tout ceux qui existent sont imparfaits ou
simplement ébauchés ; leurs formes extérieures ne sont ni
régulières ni même symétriques. Les parasites sont des
monstres qui se présentent sous forme de masses inertes ,
irrégulières, composées d'os, de dents, de poils et de
graisse , implantées sur les organes générateurs de la mère,
aux dépens de laquelle ils vivent d'une existence végétative
et parasite.
Isidore Saint-Hilaire a divisé les monstres doubles en
deux classes: les uns autositaires ^ les autres parasitaires.
Les premiers sont composés de deux individus offrant le
même degré de développement, contribuant l'un et l'autre
à la vie commune : chacun est analogue à un autosite. —
Dans les monstres doubles parasitaires, l'un est un autosite
souvent complet dans son organisation , l'autre est un om-
phalosite ou un jparasite vivant aux dépens du premier :
c'est dans cette classe que se trouvent les monstres doubles
par inclusion.
Quant aux monstres triples, on conçoit les variétés infi-
nies qu'ils pourraient présenter, mais ils sont excessivement
rares.
C'est en vain que, dans les considérations. qui vont
suivre , nous voudrions offrir quelques déductions nou-
velles. L'ouvrage dont nous venons de présenter la
charpente est entier ; il dépose les principes et fait même
DU SIÈCLE. 341
pressentir les déductions qu'il ne donne pas : aussi est-il
difficile, après avoir lu, d'éviter de conlfciuelles réminis-
cences en passant en revue les mêmes questions; nous
écarterons d'ailleurs toutes celles qui n'auraient pas
trait à notre thèse. Il ne s'agit pas, dans ce livre, de pré-
senter un petit traité de tératologie ou même un résume
du livre de Geoffroy Saint-Hilaire le fils, mais bien de
montrer que l'attraction des parties similaires, que l'unité
de plan , que la formation centripète de l'embryon et le
progrès des espèces par transformations successives, sont
des vérités désonnais acquises à la science , afin d'arriver
plus tard aux déductions que la science sociale doit tirer
de ces prémisses.
Les nains , beaucoup plus rares chez les animaux que
chez l'homme, doivent l'existence à des conditions que
l'étude n'a pas encore su apprécier. Quelques-uns vivent
jusque dans un ftge avancé et prennent un développement
considérable dans leur vieillesse; d'autres meurent jeunes.
Les uns sont très-intelligents , d'autres presque idiots ; ils
sont parfois susceptibles de se reproduire par la généra-
tion et de donner le jour à des enfants bien conformés.
On cite une naine anglaise de 55 pouces de hauteur, qui
mourut en mettant au monde un enfant qui n'offrait rien
d'extraordinaire. On a vu au jardin des plantes et dans
les ménageries , des animaux étrangers malades- de nos-
talgie, de phtysie, de rachitisme, mettre bas de très-petits
produits; mais ce n'étaient point à proprement parler
des nains, c'étaient simplement des sujets mal nourris
au sein de leurs mères et cependant venus à terme,
quoiqu'ils eussent souffert dans leur vie embryonaire , par
suite de la mauvaise constitution de l'animal et souvent
des animaux générateurs.
L'histoire et l'étude des géants sont encore en arrière
de ce qui regarde les nains. Le moyen-âge et les derniers
siècles ont été abasourdis par des écrits nombreux ayant
pour but d'établir l'amoindrissement de la race humaine ,
sous le rapport de la taille et l'existence d'ossements fossiles
de géants ; mais pas un de ces ouvrages ne supporte l'exa-
men. Les os et les dents trouvés en Amérique, près de la
15
342 PHILOSOPHIB
rivière d'Hudson, en 1712, étaient ceux d'un mastodonte,
et les autres dott il a été parlé ap{)artiennent aussi , sans
nul doute , à des animaux antédiluviens.
Il y a , parmi les géants , beaucoup plus d'idiots que
parmi les nains. Tous sont mous , lymphatiques , d'une
complexion délicate et mal proportionnés dans leurs
formes. On a constaté l'existence a'un grand nombre de
géants de sept pieds, de quelques-uns même de huit pieds
à huit pieds et demi. — Plus rares encore que les nains ,
les géants meurent de bonne heure, et l'on en trouve peu
d'exemples parmi les animaux. La plupart, comme les
nains, doivent le jour à des femmes très-fécondes. La
puberté amène çromptement la fin de l'accroissement, et
vice versa: aussi les géants ne sont-ils pub^es que fort
tard , beaucoup même sont impuissants.
L'accroissement précoce est une anomalie plus commune
chez les garçons que chez les filles ; mais en revanche les
filles sont souvent réglées de très-bonne heure.
La taille des animaux dépend singulièrement de la
nourriture qu'ils ont pu prendre pendant leur période de
croissance : de là, pour l'homme, la possibilité de créer
des variétés nouvelles par la production de monstruosités
véritables. C'est ainsi que s'est produit le mouton à grosse
queue, et que les agriculteurs anglais ont fabriqué le bœuf
de boucherie de Durham,
Quelques physiologistes ont attaché une grande impor-
tance à la taille des ^pèces et spécialement à la taille des
espèces humaines: nous ne saurions nullement partager
leur opinion. L'expérience nous a prouvé mille fois pour
une que la nourriture est pour beaucoup dans l'élévation
des races , et que sous ce rapport elle peut créer de nota-
bles anomalies. Les chevaux arabes transportés en Angle-
terre ont acquis de la taille. Tous les animaux domestiquer
nourris dans les landes, sur les collines delà Basse-Bretagne,
sont petits, mais robustes et musculeux, et pour les faire
grandir il suffit de changer leur nourriture. J'ai remarqué,
dans la même contrée, que les fils de paysans qui étaient
mieux nourris que leurs pères étaient généralement plus
grands qu'eux de plusieurs pouces.
DU SIÈCLE. 545
«
L'albinisme est l'une des anomalies les plus curieuses
et les plus communes dans certaines cAntrées. Le plus
souvent il est le résultat d'un arrêt de développement dû
è ce que le pigmentum, qui produit la coloration et qui
n'existe pas dans les premiers mois de la vie intrà-utérine,
ne s'est pas produit.
Le mélanisme est l'opposé de l'albinisme ; il est le
produit d'un pigment plus coloré et plus abondant que
celui qui siège dans le corps muqueux de la peau : partiel,
il est commun; total, il est excessivement rare.
C'est une anomalie de structure assez curieuse que celle
qui offre à l'état mou ou cartilagineux, des parties habi-
tuellement osseuses. Elle a pour résultat de présenter
accidenteUement , dans quelques espèces , ce qui est l'état
normal d'espèces ou de familles d'un rang inférieur dans
l'échelle des êtres.
Les changements de position des organes sont d'une
haute importance. Serres a vu l'encéphale faire hernie à
travers la base du crftne, dans les fosses nasales et le
pharynx, placé ainsi entre les deux moitiés de Téthmoïde
et du sphénoïde. Ce fait curieux prouvait la grande loi de
formation dont nous lui sommes redevables. Le cœur est
l'un des organes qui se dévient le plus souvent : on a vu
sa pointe se diriger verticalement en bas, devenir antérieure
ou même supérieure. Il est tout-à-fait à droite dans les
transpositions dont la doctrine de Serres , sur la formation
excentrique ou centripète, rend si bien compte. Il peut
faire hamie à travers la partie supérieure, antérieure ou
inférieure du thorax. Par contre , les intestins peuvent être
déplacés à leur tour; on les a vus quelquefois faire hernie
dans la cavité thoracique. Les intestins sont aussi suscep-
tibles de former une hernie ombilicale qui peut tenir soit
à un exomphale, soit à ime éventration. Dans le cas
d'exompbale, c^est l'état des derniers temps de la vie intra-
utérine du fœtus qui persiste. S'il y a éventration, c'est
l'état des premiers mois qui s'est arrêté sans être modifie
par les développements qui se manifestent habituellement
dans les mois suivant ; et la doctrine de Serres en rend un
compte exact.
544 PHILOSOPHIE
•
Les anomalies de la vessie , très-inleressantes pour les
chirurgiens , n'oflt cas la même importance en physiologie.
11 n*en est pas ainsi de celles des testicules : très-souvent ,
chez rhomme , Tun des testicules ou même tous les deux
restent dansTabdomen, reproduisant accidentellement un
état qui est normal chez beaucoup de races inférieures à
la nôtre.
Les quatre variétés du pied bot sont une étude obliga-
toire pour les chirurgiens. Le renversement en dedans et
le renversement en dehors, quelles que soient les causes qui
les aient produits chez le fœtus , réalisent deux états qui
sont permanents et normaux chez d'autres mammifères
moins élevés que Thomme.
Chez un grand nombre d'animaux , les uretères exportent
directement l'urine ; cette disposition est quelquefois
reproduite chez l'homme par une anomalie. Il en est une
autre qui fait aboutir dans le même vestibule l'anus , la
matrice et lo canal de l'urètre, ce qui est l'état normal
d'un grand nombre d'animaux. Dans le fœtus, les orifices
des narines , de la bouche , de l'anus , du prépuce et du
vagin sont imperforés. Les premiers s'ouvrent avant les
seconds : aussi n'est-il pas rare de voir ces états se
conserver au-delà du temps habituel, sur tout pour les ouver-
tures qui s'ouvrent les dernières. Un arrêt de développement
suffit pour expliquer ces faits curieux qui se présentent
assez fréquemment à l'observation des médecins , principa-
lement pour l'imperfotation de l'anus.
Toutes les parties similaires ayant une grande tendance
à se rapprocher et à se réunir, on ne doit pas trouver
étonnant de rencontrer les reins formant un croissant à
concavité supérieure sur la colonne vertébrale et plus rare-
me4it à concavité inférieure. Par la même raison, les
testicules pourraient être réunis en un seul; on pourra
même voir les deux accolés et n'en formant qu'un. Ces
p&énomènes seront produits par la même loi qui réunit les
deux aortes primitives pour ne former qu'une seule artère.
Il suffit que l'action des affinités des organes similaires
exerce sa puissance avec plus d'énergie ou plus longtemps ,
pour que des monstruosités de cette nature en soient la
DU SIÈCLE. 543
suite : c'est là ce que Geoffroy Saint-Hilaire père appelait
l'attraction de soi pour soi.
La réunion des poumons en un seul, observée par
Diemerbroeeck , reproduit en quelque sorte Tétat normal
des serpents , tout comme celle des reins en un réalise la
disposition des poisssons.
J'ai eu deux fois l'occasion d'opérer des mains palmées.
Dans le premier cas, qui était très-facile, la peau
représentait^a membrane des palmipèdes ; dans le second,
les doigts , qui au premier abord paraissaient soudés , ne
l'étaient réellement pas , mais il y en avait un de plus à
chaque main. Il y a encore des cas plus curieux où Ton
voit cette réunion former une soudure telle, que les doigts
ne fassent qu'un et ne possèdent qu'un seul .ongle.
Quelquefois les doigts sont soudés deux à deux. Toutes ces
anomalies rappellent singulièrement les états réguliers
des mains de certains animaux et même de mammifères.
Les dents composées de l'éléphant et des rongeurs résul-
tent de la réunion de plusieurs en une seule ; le môme fait
se présente accidentellement chez Thomme et simule
encore ainsi, par anomalie, l'état habituel propre à d'autres
espèces.
La formation de tous nos vaisseaux et de tous nos
viscères, par le rapprochement de deux vaisseaux primitifs,
établit trois temps : l'un, celui de l'existence de deux vais-
seaux ; le second, celui de leur rapprochement et de leur
jonction ; le troisième, celui de la suppression de leur cloison
qu'un arrêt de développement pourra conserver en témoi-
gnage du procédé suivi par la nature. C'est à cet arrêt
de développement que nous devons bien évidemment les
cloisons rencontrées dans le vagin , dans la vessie et dans
la matrice. Quelquefois le cloisonnement , au lieu d'être
longitudinal , est horizontal : on cite plusieurs exemples de
cette curieuse anomalie. Une dame de ma connaissance
était ainsi cloisonnée dans l'intérieur du vagin , mais celte
séparation présentait une petite ouverture : elle a pu
devenir enceinte et accoucher très- heureusement. J'en ai
vu deux autres cas dans mon service à l'Hôtel-Dieu : l'un,
chez une vieille fiUe, qui a quitté pour n'être pas examinée
346 PHILOSOPHIE
par les élèves. Chez elle la cloison était trouée bien que
la perforation fut peu visible.
Le diaphragme peut s'arrêter dans son développement
et donner lieu à une diqonction qu'explique très-bien
l'embryogénie, de même qu'elle rend compte de la persis-
tance du canal artériel, des urines rendues par l'ombilic ,
de la position en ce point de l'ouverture de l'anus dans
quelques cas heureusement fort rares, et de toutes ces
anomolies du cœur et des gros vaisseaux qil rappellent
les dispositions de ces organes chez des animaux inférieurs
et surtout chez des reptiles.
Lorsque l'olécrane ne se soude pas, il en résulte une
rotule au membre supérieur comme à l'inférieur, rotule
que Rudolphi et Mekel ont retrouvée chez les reptiles, et
Geoffroy Saint-Hilaire fils, chez des chauves-souris. Le
bec-de-lièvre est une anomalie analogue que Ton voit à
l'état normal chez les poissons : fait curieux signalé encore
pour la première fois par Saint*-Hilaire le fite. Il en est
ainsi de la fissure indienne, ou colobome de l'iris, que j'ai
vu reproduire sensiblement l'oeil d'animaux inférieurs. Cette
anomalie est une preuve nouvelle de la loi de formation
donnée par notre grand anatomiste M. Serres.
La division de la langue est une anomalie trè&-rare;
mais lorsqu'elle existe , elle reproduit assez exactement la
langue des phoques et présente de l'analogie avec celle
des sauriens et des serpents. La division du nez , très-rare
chez l'homme , se montre à l'état de variété fort commune
chez le chien et chez quelques rongeurs. La division et la
bifurcation du pénis reproduisent les états réguliers des
monotrèmes, d'une part; des ophidiens et des sauriens, de
l'autre. Déplus, toutes les anomalies par fissure s'elpliquent
avec la plus grande faciUté par la théorie des formations
excentriques et du dualisme général de toutes les parties
primitives.
On remarque souvent chez l'homme et les animaux,
plus de doigts qu'ils ne doivent en avoir. Ces organes
surnuméraires ne sont pas toujours produits par la scission
de parties ordinairement uniques; à l'état norinal ils
peuvent encore l'être par le développement de parties
DU SIÈCIB. 347
ordinairement rodimentaires et par la production de
parties entièrementnouvelles. — Les anomalies numériques
des organes pairs se montrent habituellement sur tous
les deux; elles ne sont pas sans intérêt pour la grande
étude qui nous occupe. On a vu les poumons manquer ;
on a vu aussi un seul poumon faire défaut de manière
à présenter l'état normal des serpents. Les mamelles
disposées longitudinalement chez beaucoup de mammifères,
sont rappelées de temps à autre, chez Thomme, par des
anomalies. Le plus souvent il existe une troisième mamelle
surnuméraire placée entre les deux autres , mais il arrive
aussi qu'elle occupe une autre place. On a vu plusieurs
fois quatre mamelles dans notre race , mais bien rarement
cinq.
L'inversion viscérale est sans exemple chez les animaux ,
tandis qu'elle s'expUque très -bien chez l'homme, par
l'atrophie du lobe droit ou du lobe gauche du foie qui
entraxe tous les organes à gauche ou à droite sous la pres-
sion de l'enveloppe cutanée. Les inversions générales sont
au contraire communes chez les animaux.
Chez eux , les organes des sexes ont assez de ressem*
blance pour qu'il soit difficile de les distinguer; chez
Thomme, ces organes, qui nous paraissent si différents,
sont cependant très •< rapprochés. La femme n'est qu'un
mâle arrêté dans son développement, ont dit quelques
anatomistes : ces savants sont allés au-delà du vrai,
mais il n'en est pas moins exact que toutes les parties
sexuelles de la femme ont leurs analogues chez l'homme,
d'où il résulte que les plus simples modifications tendent
à reproduire un état intermédiaire qui est Thermaphro-
disme. Cette question a été traitée par H. Geoffroy Saint*
Hilaire fils avec une grande supériorité, grftce à sa division
de l'appareil générateur en six segments principaux : nous
y renvoyons nos lecteurs {Tératologie 11, page 47).
Remarquons toutefois, avant de quitter cet intéressant
sujet , que les appareils interne et externe de la génération
sont indépendants , ce qui avait permis à Geoffroy, le père ,
d'établir que des mftles pourraient avoir l'appareil externe
des femelles et vice versd^ proposition curieuse qu'il a
348 PHILOSOPHIE
vérifiée en 1850 , sur une chèvre hermaphrodite , mâle par
les parties reproductrices et femelle par les parties copu-
latrices : aussi la recherche des causes de l'hermaphrodisme
a-t-elle été tronsformée, par son fils, dans l'étude des
variations de deux organes particuliers et des causes de ces
variations.
M. Isidore Saint-Hilaire est arrivé, par de profondes
études sur les monstres, à en former une série divisible en
trois embranchements qui correspondent parfaitement aux
embranchements zoologiques de M, de Blainville; mais
il a commis la même faute que ce savant : il les a placés
dans leur ordre de dégradation, au lieu de les placer dans
leur ordre naturel qui est aussi leur ordre de production et
do progrès en organisation. Les parasites correspondent aux
premiers temps de la vie fœtale; les omphalosites, à la
seconde époque ; les autosites sont susceptibles d'une vie
propre en dehors de la mère.
On est divisé d'opinion sur les parasites : beaucoup
d'anatomistes les considèrent comme des débris de fœtus
normaux. Geoffroy Saint-Hilaire les envisage à un autre
point de vue: pour lui, ce sont des embryons distincts bien
qu'incomplets ; ils ont à ses yeux une existence propre et
individuelle, quoique réduits à quelques parties seulement
par un arrêt dans leur formation. Pour lui encore , la
production d'une de ces masse dans l'utérus, dans une
trompe , dans un ovaire ou dans l'abdomen , est une véri-
table grossesse avec anomalie dans ses conditions, dans
ses phases et dans son produit. Ce. savant physiologiste,
auquel il a été donné de faire revivre en lui son di^e et
si respectable père, le grand-prètre de la science, tire de
cette manière (le voir d'importantes conclusions. Par cette
hypothèse, si hardie au premier abord, on se rend compte
des privilèges du parasite, qui peut prolonger indéfiniment
sa vie au sein de sa mère, précisément à cause de l'imper-
fection et de la simplicité de son organisme ; on comprend
aussi que presque toujours, inférieur dans son action sur
la mère, à un faible embryon, le parasite mène dans son
sein une vie obscure et silencience , sans produire au
neuvième mois la nécessité d'un accouchement. Protégés
BU SIÈCLB. 549
par leur propre faiblesse , par ce que l'on pourrait appeler
teor insignifiance , ces êtres vivent un temps illimité sur la
partie sur laquelle ils se sont développés, bien différents
des fœtus normaux qui peuvent se développer dans les
mêmes parties, par suite de circonstances exceptionnelles.
Acceptons donc cette conclusion du professeur du Jardin
des Plantes , et disons : « Les monstres parasites sont des
embryons permanents , pour lesquels le terme de la gesta-
tion n'arrivera pas. »
Ainsi s'expliquent les longs poils que l'on rencontre
dans ces monstruosités; ainsi encore, les dents de seconde
dentition qui s'y développent et qui n'y sont pas rares.
El n'est-il pas admirable de retrouver, au sein de ce qui
parait le désordre de la nature, quelque chose qui rappelle
les périodes régulières de la vie normale, de telle sorte
que les deux existences puissent être rattachées aux mêmes
règles, et celle qui suit le développemmt le plus régulier,
et celle-là même qui semble une protestation contre ce
développement. — Déjà du reste, avant Geoffroy Saint-
HilaÉre, Mekel avait entrevu la vérité sur les parasites;
fl avait même exprimé sa pensée d'une manière incisive et
pittoresque , en disant que les masses qui se développent
dans l'utérus, la trompe, les ovaires et l'abdomen, ne
sont que des parties anormales produites par une tendance
avortée à la production d'un fœtus. 11 admettait qu'une
excitation isolée et contre nature , de l'appareil générateur,
pouvait produire des monstruosités parasites. West-il pas
bien cunenx de voir quelquefois une seconde gestation
tout-à-*fmt régulière se placer à côté de la gestation anor-
male d'un parasite ? Ce fait incontestable et même assez
fréquent n'explique-t-il pas les tumeurs ovariennes que
l'on voit quelquefois chez des femmes avancées en ftge ,
tumeurs dont l'origine doit remonter à une date très-
éloignée.
Les monstres omphalosites sont beaucoup plus élevés
4an5 l'échelle de 1 organisation et de la vie que les
parasites; les plus imparfaits ne sont pas ceux chez
lesquels la tête ne s'est pas développée ou ne s'est ma-
nifestée que par des rudiments , qui souvent n'ont ni cou
15*
Z60 PHILOSOPHIE
ni thorax, qui souvent encore manquent de viscères
abdominaux. Il y a entre eux et les parasites une classe
intermédiaire: ce sont les anidiens ou sans forme ^ qui
n'ont pas de viscères et se trouvent composés d'une bourse
cutanée. Au dessus des acéphaliens se trouvent les para-
céphaliens , monstres plus complets et plus organisés ; en
général ils sont les jumeaux de fœtus bien réguliers. Le plus
souvent les deux êtres sont du sexe féminin , et dans tous
les cas du même sexe. Jamais les para-céphaliens ne sont
viables , jamais ils n'ont donné signe de vie à leur nais-
sance : à l'accouchement, c'est le jumeau bien conformé qui
se présente le premier, et cet accouchement a lieu avant
terme.
Ajoutez quelque chose à la tête des para-céphaliens ,
et vous aurez un monstre plus complet, que vous pourrez
appeler oto-céphalien , parce qu'il présentera une remar-
quable disposition des oreilles qui se réuniront sur la ligne
médiane.
Si au lieu de porter sur la partie postérieure de la tête ,
la difformité porte sur la partie antérieure , ce sont les
yeux qui seront remarquables , et le monstre pourra être
appelé cyclo-céphalien. Que l'individu soit plus complet,
moins monstrueux , qu'il manque seulement de la voûte
du crâne et de l'encéphale, et on pourra l'appeler anencé-
phalien ; que l'encéphale soit remplacé par une tumeur
sanguine , et le monstre , un peu plus complet encore , sera
un pseudo-céphalien. Maintenant que le cerveau existe ,
mais déplacé et déformé, l'organisation du monstre sera
cependant plus complète et l'on pourra le nommer exeH-
céphalien. Dans ces deux derniers cas , les anomalies du
tronc et des membres seraient accessoires. Ce sera un
nouveau progrès vers l'organisation normale, que d'avoir
une tête et de présenter seulement une volumineuse hernie
de viscères nombreux , due à une éventration naturelle.
Les monstres ainsi constitués seront appelés célosomiens
ou corps herniis. D'autres, moins gravement affectés,
présenteront seulement une réunion , une fusion de mem-
bres : de là le nom de syméliens. Chez d'autres, il n'y aura
pas fusion , mais simple avortement des membres , d où ils
Bt SIËCU. SSl
seront appelés ectroméliens. Ainsi sera formée une
famille naturelle procédant du plus incomplet au plus
complet.
Les monstres composés comprennent : les monstres
doubles à ombilic distinct; les monstres doubles à têtes
confondues; les monstres à double tète avec la partie
inférieure du corps simple , ou avec le corps entier tout-
à-fait simple, et les monstres parasites dans lesquels l'un
des deux êtres vit aux dépens de l'autre, implanté à
l'extérieur ou enfermé à l'intérieur de l'être principal.
La question des axes, qui joue un rôle important
partout, est ici plus sérieuse encore. Chaque monstre
doubljB possède naturellement trois axes, à savoir: les
deux axes des deux sujets composants et l'axe général du
monstre.
Maintenant on doit bien comprendre , même après cette
rapide esquisse, la parité qui existe entre la série aes forma-
tions animales et la série des développements humains. La
série des formations animales est basée sur une unité de
!)Ian qu'expliquent et que prouvent les irrégularités de
ormation et de développement, et, dans certaines circon-
tances, ce que Geoffroy Saint-Hilaire père appelait le
balancement des organes. La série des formations se
développe d'après un plan préétabli , parce que les affinités
quelles qu'elles soient ont leurs conséquences forcées et
les animaux leur polarité : aussi l'on voit les phases d'un
individu reproduire les faits généraux d'une autre série,
de telle sorte qu'ils puissent réciproquement s'expliquer.
£st<rGe que les phases diverses de l'individu ne forment
Ks la série de ses développements selon les Âges , comme
; formes diverses des animaux correspondent à des âges
divers dans la grande série géologique ?
Maintenant qu'estr-ce le plus souvent qu'une anomalie ,
qu'une monstruosité , sinon la permanence d'un état qui
ne devait être que passager ? Partant , quoi de plus
naturel que de retrouver à l'état normal , dans les espèces
inférieures, les états transitoires par lesquels ont passé
les espèces supérieures? De là cette formule hardie et
paradoxale pour le vulgaire : que tous les animaux sont
S52 PHILOSOPHIE
des embryons de Thomme, des portions de ia substance
animale sur lesquelles les affinités ont agi pour arriver
à lui, des monstruosités semées sur la route qui devait
conduire au plus parfait des binaires mammifèrts.
Et maintenant cette société qui a sa vie composée , qui
forme un être spécial par la réunion de tant de petites et
de grandes sociétés humaines, n'a-t-elle pas aussi ses
monstres et sa tératologie placés, comme un enseignement,
sur la route de la série qu elle parcourt , et que nous pou-
vons étudier dans l'espace et dans le temps : dans l'espace,
par la géographie; dans le temps, par l'histoire?
DE LA DOMESTICATION DES ESPÈCES ANIMALES. —
DE LA CRÉATION D'ESPÈCES ET DE VARIÉTÉS
NOUVELLES. — DES RACES HUMAINES DOIVENT-
ELLES ENCORE DISPARAITRE?
Très-peu d'hommes, et surtout très- peu de naturalistes
se sont occupés de la domestication des espèces aninoiales.
M. Isidore Saint-Hilaire est entré le premier dans cette
direction , et il Ta fait aussi largement que le permettaient
les circonstances. Nous lui devons le tableau suivant :
BU SIBCLB.
S85
INDICATION
DBS GROUPBS ZOOLOGIQtFES.
Maxxifè&es^
Oiseaux.
Poissons...
Insbctbs..
'Carnassiers....
IRongeurs
iPachydermes.
.Ruminants...
[Passereaux...
|Pigeons
iCallinacés
[Palmipèdes....
Malacoptérigien
Divers Ordres
Total pour les Mammifères..
Total pour les Oiseaux
Total Général.
NOMBRE
DES ANIMAUX
domestiques.
I
13
1
15
4
6
11
H
O
»
1
»
1
1
5
3
3
3
9
1
3
8
3 5
3
1
9
17
16
11
40
554 PHILOSOPHIE
Nous pensons , avec M. Geoffroy Saint-Hilaire, qu'il n'est
pas un seul ruminant dont la domestication ne pût être
à l'homme de quelque utilité. Nous voudrions voir multi-
plier le plus rapidement possible, dans toute l'Europe, la
vigogne et Talpaca, qui sont acclimatés maintenant en
Hollande et à Paris. Nous voudrions voir faire quelques
tentatives, d'abord sur les lieux, puis ensuite dans nos
contrées , sur les tapirs de l'Amérique et de l'Inde. Ne
désespérons pas d'arriver à dompter les animaux du
genre cheval qui sont restés sauvages. Peut-être à défaut
d'autres services, pourront-ils nous donner des mulets
distingués. Pourquoi ne demanderions -nous pas à la
Nouvelle-Hollande, en échange de nos animaux domes-
tiques, ses marsupiaux et ses animaux divers: ceux-ci,
f)arce qu'ils ont une peau utile ; ceux-là , pour consommer
eur chair sur nos tables. N'y a-t-il pas aussi plusieurs
rongeurs, des singes, des phoques, des lamentins dont
nous pourrions encore tirw parti autrement que pour les
montrer dans nos ménageries. N'y aurait-il pas plus de
gloire et plus d'utilité véritable à soumettre à nos besoins
les beccos , les pénélopes , les catracas , les lophophores ,
les napals , les casoars et l'autruche, qu'à détruire en un
jour, par le fer et le feu, comme nous le faisons dans nos
batailles , tant d'hommes choisis parmi les plus beaux et
les plus intelligents de l'humanité? Il y a même parmi les
insectes, des animaux que nous pourrions utiliser : ceux-ci
pour détruire les autres insectes nuisibles; ceux-là pour
nous donner, dajis les soies communes, des variétés impor-
tantes.
Tel est l'état de la question pour ce qui concerne la
domestication des espèces animales. Mais nous pouvons
entrer dans upe voie toute nouvelle, et créer les variétés
les plus intéressantes, en changeant la nourriture des
animaux et en modifiant , dès le jeune Age , leurs mœurs
et leurs habitudes par une habile éducation.
Nos sociétés d'agriculture , nos comices agricoles et nos
amateurs de la race chevaline ne sont pas dans le vrai : ils
ont réussi à multiplier les réunions d'admiration mutuelle et
de mutuel patronage ; mais" rien de plus. Ce qu'il faut
BU SIÈCLE. 355
avant tout à l'agriculture, c'est la liberté des ventes et
des achats pour les substances animales et végétales : la
destruction du monopole de la boucherie servira mieux les
intérêts des éleveurs de bétail que toutes les primes de
nos comices. Quant aux chevaux, j'ai regret de le dire,
mais c'est le mot propre, quelle ânerie que d'aller chercher
des chevaux de sang en Arabie, quand nous pouvons, par
une nourriture animalisée , modifier le sang à notre guise
dans toutes les variétés de la race chevaline. C'est en créant
des étalons pleins d'énergie pour les chevaux de camion, les
chevaux de trait, les chevaux de trait léger, les chevaux
de selle et les chevaux de petite race, que l'on arriverait
indubitablement à séparer l'unité chevaline en cinq ou six
variétés très- tranchées, aussi différentes entre elles que
des lévriers et des bassets : variétés dont chacune posséde-
rait au plus haut degré les qualités supérieures que donne
le sang arabe. Et puis, qui empêcherait d'essayer de
croisements, dans des conditions convenables, avec
l'onagre, le mulet, l'hemione et le couagga , ne fut-ce que
pour obtenir des mulets d'un mérite supérieur?
Pourquoi pareils essais , pourquoi l'usage d'une nourri-
ture animalisée ne seraient-ils pas tentés pour un grand
nombre d'étalons en dehors de l'espèce chevaline ? Peut-on
prévoir d'avance les résultats qui en seraient la consé-
quence pour nos moutons à laine et à viande, pour nos
chèvres du Thibet, pour les alpacas récemment importés
d'Amérique , pour nos ânes et surtout pour ceux qui sont
consacrés à la production de mulets? Les orientaux se
servent d'onagres pour obtenir, avec les Anesses , ces
produits si estimés qu'ils peignent en rouge, animaux
extrêmement têtus, mais d'une remarquable vigueur.
Nous pourrions , avec l'emploi de la nourriture animalisée
seconoée par une habile Mucation , Obtenir des produits
tout aussi robustes et même plus énergiques, quoique
possédant la douceur que donne aux animaux l'action
constante de soins affectueux.
Si la main de l'homme intelligent a transformé la brebis
à poil en une brebis à laine , refuserez-vous à la main du
savant le pouvoir d'aller bien au-delà de ce qui existe ?
556 PHILOSOPHIE
Maintenant , pourquoi ne pas agir en sens inverse sur les
animaux carnivores, d'abord en leur donnant à manger
de la viande ouite, puis en y ajoutant peu à peu une
certaine dose de substances végétales. Déjà Thomme est
parvenu à dompter le guépard et à le faire chasser à son
profit: pourquoi n'essaierait-il pas de transformer ses
mœurs et son caractère en transformant sa nourriture?
Pourquoi n'essaierait-il pas des expériences semblables sur
le tigre et sur le lion ; non pas des expériences de dix , de
vingt ans, qui seraient impuissantes et presque sans
résultat , mais des expériences de plusieurs siècles destinées
à réagir sur de nombreuses générations? N'est-ce pas
ainsi qu'il imiterait , par son action constante , cette m-
cessante action de la providence qui a produit toutes les
variétés du règne animal? Ainsi, d'un côté l'homme peut
améliorer les étalons d'un grand nombre d'espèces et de
variétés domestiques par l'emploi d'une nourriture anima-
Usée qui modifierait le sang, réduirait la longueur des
intestins et la grosseur du ventre, et se ferait nécessairement
sentir sur le pelage et les autres organes; de l'autre côté,
il peut rédmre en domesticité véritable plusieurs des
carnivores, en les traitant comme il l'a fait pour le chien
et le chat, qui sont devenus à peu près des omnivores. N'y
a<-t-il point aussi , parmi les amphibies , des espèces tfè^
intelligentes, des phoques, par exemple, qui brûlent du
désir de s'associer à nous et de devenir nos chiens de mer :
Ï pauvres bètôs , elles n'attendent que les bons procédés qui
eur sont dûs, qu'un regard affectueux, que des témoi-
gnages d'estime et de confiance, que la preuve d'une
véritable civilisation pour se livrer à merci ; et nous , les
fermiers de la planète , nous avons plus de souci de mettre
des de ou des titres par devant nos noms , des rubans à
nos boutonières, que de remplir une si grande mission.
Il est un troisième problème que je n'aborde qu'en
tremblant, tant cette question est grosse de discussions de
toute nature.
Si l'on examine avec soin un loup, un chien et un
chacal, on sera porté à considérer ces trois animaux
comme formant trois espèces séparées. Le loup de France,
DU SIÈCLE. 357
le seul que j'aie étudié par moi-même , demanderait de
très-Ion^ et de très-nombreux efforts pour être réduit
en domesticité; cependant on peut obtenir des métis
d'une chienne et d'un loup. Ces chiens peuvent reproduire
et introduire un sang nouveau dans l'espèce canine. Les
mulets du cheval et de l'Ane , quoique presque toujours
improductifs, ont donné lieu à quelques exceptions par
des produits misérables, mais prouvant une possibilité de
fécondation. Tous les essais faits jusqu'à ce jour ont
d'ailleurs été tentés de la manière la plus mesquine en
ddiors des conditions qui pouvaient en assurer le succès.
Ce n'est pas dans une cour, c'est dans une forêt qu'il faut
livrer une chienne à un loup, si l'on veut arriver à un
résultat. C'est aussi dans un grand parc, et sous l'influence
d'une climature convenable, qu'on pourra obtenir un accou-
plement volontaire des solipèdes indomptés avec les solipèdes
domptés , tels que l'Ane et le cheval.
Des animaux inférieurs, nous passons à l'homme, et
la question grandit singulièrement en importance et en
utilité.
Si les races blanches sont généralement mieux partagées
qae les races colorées , sous le rapport des facultés sociales
et intellectuelles , celles-ci ont leurs vertus spéciales qui
las fendent . excessivement propres à certaines fonctions,
et leurs métis jouissent souvent des dons les plus brillants
de la nature.
Lesi blancs ne sauraient seuls s'approprier la surface
entière du globe : ils fondent au soleil des tropiques comme
la neige lorsqu'elle vient à tomber sur une terre chaude.
Les noirs, les jaunes et les métis colorés réussissent au
contraire merveilleusement dans les contrées équatoriales.
Favorisons donc de tout notre pouvoir les unions entre
les races différentes; et s'il est vrai, comme nous le croyons,
que les blancs soient beaucoup plus reproducteurs dans
leurs mariages avec les femmes colorées que les hommes
colorés dans leurs unions avec les blanches ; s'il est encore
îrai que les produits de ces unions soient généralement
meSleurs quand c'est le père qui appartient aux races
caucasiennes , consacrons la fraternité humame et prépa-
51(8 PHILOSOPHIE
rons l'avenir, en encourageant les mariages qui peuvent
abaisser les barrières qui nous séparent les uns des autres.
Que les faits qui se passent sur plusieurs points de
rAmérique, et surtout au Brésil, nous soient un utile
enseignement. Ici la race sunérieure, celle qui domine
aujourd'hui, n'est ni une race blanche, ni une race cuivrée,
ni une race noire; mais elle est profondément mélangée
de ces trois races, dont elle possède les diverses qualités et
les caractères les plus éminents : c'est à elle qu'appartient
aujourd'hui de diriger le Brésil vers son avenir.
Quelques hommes d'un caractère très-indépendant, et
dont on ne saurait mettre en doute le dévouement pour
leurs semblables, vont plus loin que nous. Soit que les
races humaines procèdent toutes du même père, soit
qu'elles viennent de parents différents, toujours est-il,
nous dit le docteur Bodichon , qne suivant la loi appliquée
aux animaux fossiles , il en est parmi elles qui sont fatale-
ment vouées à la destruction.
« — Aux jours de l'antiquité, une variété de nègres errait
au nord de l'Afrique , là où sont actuellement les territoires
de l'Algérie et du Maroc : elle fut absorbée sous le contact
des races blanches.
» A une époque indéterminée, une autre variété de nègres
occupait l'archipel d'Asie : ainsi Java, Sumatra, Bornéo,
Timor, etc. Sous la pression de la race Javano-Malaisienne,
elle s'est éteinte progressivement. Maintenant, de beaucoup
réduite , elle est reléguée dans les montagnes et les lieux
inaccessibles de l'intérieur, vivant à peu près comme les
bétes sauvages.
» La race entière des Guanches a disparu au contact des
Espagnols et des Portugais: depuis longtemps on n'en
trouve pas un seul vestige vivant dans les Canaries.
» Seize millions d'Indiens au moins, et [probablement
beaucoup plus, habitaient l'Amérique Septentrionale, de
l'isthme de Panama à la mer Polaire.
» Un nombre incalculable possédait les lies voisines : ainsi
Cuba, Haïti, Porto-Rico, la Jamaïque, la Guadeloupe,
la Martinique , la Trinité , etc.
» Les uns , comme les Mexicains , vivaient en c^orps de
BU SIÈCLE. 359
nation nombreuse, gouvernés par un chef absolu assisté de
dignitaires féodaux.
» Les autres, comme les Natchez, vivaient sous un régime
monarchique.
» Ceux-ci, comme les Iroquois, vivaient en confédération.
» Ceux-là, et c'étaient les phis nombreux, vivaient sépa-
rés par tribus indépendantes.
» D'autres encore, comme les Tlascalans, vivaient en
républi€iue.
» Or, depuis l'arrivée des Européens, ils ont couru si
rapidement vers l'extinction de leur race , qu'aujourd'hui ,
sur toute l'étendue de ce vaste territoire , de Panama au
détroit de Bering , ils n'atteignent pas le chiffre de deux
millions d'ftmes.
» Le christianisme a voulu les réunir sous ses ailes.
» Au Canada, au Mexique, dans les Grandes et petites
Antittes, à la Louisiane, en Californie, de pieux mis-
sionnaires catholiques leur enseignaient la charité, la
bienveilianee universelle, l'oubli des injures. Hs leur
laissaîent leurs danses, leurs poésies, leur chansons, une
(Murtie de leurs mceurs, aiin de les conduire doucement à la
civilisation.
9 Vains efforts î à peineles avaient-ils rendus des hommes
nouveaux, qu'il survenait des maladies épîdémiques : la
varic^e, le choléra, les fièvres typhoïdes et la famine
emportaient en quelques années une masse de population
que la guerre la plus désastreuse n'aurait pas enlevée en
un siècle.
» Les lies Sandwich comptaient quatre cent mille habi-
tants il y a soixante ans. Les missionnaires , tant anglicans
que des autres sectes protestantes, ont voulu les évan-
géliser et les constituer d'après les principes émanés de
la réfotmation. Ils leur ont appris à lire la bible, à
chanter des cantiques; ils ont soudainement corrigé leurs
mœurs, proscrit leurs danses nationales et leurs chan-
sons, afin de les forcer d'entrer brusquement dans la
civilisation.
» Efforts impuissants! leur destruction marche à pas de
géant. De ces quatre cent mille habitants, à peine en
360 PHILOSOPHIE
resle-t-il cent "mille , et tout porte à croire qu'à la tin de
ce siècle il n'y en aura plus que quelques-uns à l'état
d'échantillon.
» A Taïti, à la Nouvelle-Hollande, à la Nouvelle-Zélande,
sur d'autres îles de l'Australie et de la Polynérie , ce fait
se renouvelle : partout , au contact des Européens , les
indigènes disparaissent, malgré les efforts des missionnaires
chrétiens. Les femmes qui, étant jeunes, paraissent
robustes , telles que les plantes du désert , ne conservent
leur vigueur que sous la condition de ne pas devenir mères :
quand elles ont mis au monde deux enf^Jits , elles tombent
dès-lors en décrépitude.
» Accouplées avec leurs nationaux, elleis perdent leur
fécondité ; accouplées avec des Européens, elles sont d'une
fécondité remarquable.
i) Les voyageurs ont constaté qu'une famille indigène se
compose , terme moyen , des parents et de deux enfants ;
mais quand une femme est croisée avec un européen , la
famille se compose des parents et de six enfants.
)) Ne semble-t-il pas que la nature poursuit l'extinction
des races barbares , en les frappant de stérilité ?
» Fatale et redoutable destinée ! la guerre et les mauvais
traitements en tuent des centaines; la paix, les bons
traitements, les bonnes intentions en tuent par milliers.
» Cependant, à l'exception de quelques insulaires de
rOcéanie, ils possédaient des facultés qui semblaient devoir
conserver l'existence de leur race.
» Les Guanches étaient les hommes les plus grands de
l'ancien monde.
» Les Mexicains étaient plus pohcés que plusieurs nations
modernes de l'Europe. Us avaient des digues, des chaussées,
des canaux, des chemins bien entretenus ; ils connaissaient
l'architecture, les arts, l'industrie; ils vivaient sous des
ins:itutions civiles, mihtaires et religieuses ; ils cultivaient
. en grand le maïs.
» Les Caraïbes étaient bien ccHistitués au physique ,
avaient un commerce étendu , connaissaient la navigation
et l'arithmétique.
» Les variétés comprises sous le nom de Peau-Rouge ,
BU SIÈCLE. 361
étaient des hommes taillés à l'antique. Leur odorat
égalait celui d'un chien, leur vue celle de Taigle, leur
agilité celle du cerf. Ils pratiquaient l'hospitalité comme
les patriarches , et montraient une dignité personnelle que
peu d'Européens savent conserver. Les Spartiates ne
supportaient pas plus stoïquement lajaim, la soif, le froid
et la chaleur; les Romains n'étaient pas plus dévoués à
leur patrie, et les martyre n'ont jamais montré un plus
sublime mépris de la mort , ni une plus admirable résigna-
tion au miUeu des tourments.
» Eh bien ! malgré ces facultés, l'extinction de leur
race s'accomplit graduellement et malgré les efforts des
philantropes.
ji Pourquoi cela ?
» Parce que leur état social est un attentat perpétuel
contre l'humanité. Ainsi, le meurtre, les déprédations,
les luttes incessantes et inutiles dos uns contre les autres ,
soat leur état normal. Ils pratiquent les sacrifices humains
et la mutilation de l'homme; ils sont pétris d'antipathie
et d'hoslilité envers towt ce qui n'est pas de leur race; ils
maintiennent la polygamie , l'esclavage , et soumettent la
femme à des travaux que ne comporte pas son organi-
sation.
* Aux yeux de la théologie . ils sont des hommes déchus ;
aux yeux de la morale , des hommes vicieux ; aux yeux de
l'économie humanitaire, des improducteurs.
» En outre , dès leur origine , ils ont méconnu et refu-
sent «ncore de reconnaître une loi suprême imposée par
Dieu , savoir : l'obligation du travail.
>i Toutes les nations sont solidaires ; elles doivent toutes
s'appliquer à la production,* parce qu'elles pourront de
cette façon se secourir mutuellement aux jours des famines.
Sont donc hautement coupables, celles qui, possédant une
terre fertile, refusent de l'utiliser.
» La véritable philantropie ne doit pas souffrir l'existence
d'une race , d'une nationalité qui s'oppose aux progrès ,
et qui régulièrement porte atteinte aux droits généraux de
rkumanité.
j) Depuis quatre mille ans, la race arabe est restée la même .
362 PHILOSOPHIE
» Je résume son rôle social : hostile aux autres nations ,
violant les droits de Thumanité, utile dans les plaines arides
des déserts , nuisible dans les autres terres où elle repro-
duit la sauvagerie de rhomme et de la nature. Ici , son
extinction est donc un bien : elle devient une hannonie.
)> Uue les véritables philantropes se pénètrent donc bien
de la mission dont certains peuples sont chargés : de
détruire un état social qui outrage à la fois la nature et
rhumanité.
)) C'est là le rôle des pionniers en Amérique , des Anglais
en Océanie et dans l'Afrique australe ; c'est le nôtre dans
l'Afrique septentrionale. Par sympathie à l'égard de la
race coupable , refuser d'accomplir cette mission , c'est être
semblable à un homme qui , chargé d'assainir un marais ,
ne voudrait pas en écouler les eaux stagnantes dans la
crainte de faire périr les plantes aquatiques. »
Aux éloquentes pages qu'on vient de lire , à ces
phrases accentuées, on reconnaît de suite un de ces
hommes vigoureusement trempés, dont la probité a su
rester intacte au miUeu de cette masse de Verres de bas
étage qui ont exploité pendant dix-huit ans notre terre
d'Afrique. Mais il s'en faut de beaucoup que lo docteur
Bodichon ait complètement raison, et nous croyons devoir
réfuter ses arguments , parce qu'ils pourraient être très-
dangereux dans la bouche et dans la pratique des hommes
corrompus.
Supposez en face du médecin de l'Algérie, l'un des
parias des races destinées à disparaître, n'aurail-il pas
quelque droit de lui tenir ce langage :
Naturaliste , vous vous trompez : il n'y a pas eu destruc-
tion des races anté-diluviennes d'une manière absolue ;
toutes vivent, mais modifiées et transformées dans nos
espèces actuelles; toutes vivent en vous-mêmes par
l'embryologie de l'être humain, et beaucoup sont restées
sur la terre en témoignage des phases diverses accom-
plies par la substance animale dans sa marche progressive
vers la production de notre être. Homme d'Europe, ne
soyez pas si fier de votre origine : les Arabes sont descendus,
comme vos pères, des plateaux de la haute Asie, et cette
BU SIÈCLB. 563
race que vous voulez supprimer n'a guère moins fait que la
vôtre pour la civilisation. Les Peuls , ou Fellah du Niger,
sont supérieurs à beaucoup de familles blanches. Que nous
dites- vous de votre état social , de vos mœurs , de vos
progrès , de votre loi du travail ? ne savons-nous pas , nous
autres lés deshérités des races humaines, ce que valent
les prétendus civilisés. Vous prêchez le mariage, et partout
vous vous faites un honneur d'obtenir les faveurs des
femmes ou des filles de vos concitoyens, pratiquant ainsi
la polygamie etmémeradultère. Vous nous attaquez comme
pillards et comme meurtriers; mais qu'êtes-vous autre
chose dans vos guerres poUtiques ? Paris , la ville civilisée
par excellence, n'a-t*elle pas été souvent le théâtre de
brigandages affireux? Vous prétextez de notre infériorité
religieuse , mais à quoi vous sert d'avoir une religion qui
vous prescrit la fraternité , si vous ne la pratiquez jamais ;
une reUgion qui vous enseigne la tolérance, si vous êtes
les plus intolérants des hommes 7 N'est--ce pas d'ailleurs au
nom de cette religion de paix et d'amour que vous avez
brûlé tant de victimes en Espagne , torturé les Albigeois ,
ensanglanté les deux tiers de l'Europe pour combattre la
Réforme, organisé les dragonnades, chassé de la France
les ouvriers et les producteurs les plus habiles? Nous
maintenons l'esclavage , c'est vrai : nous avons la franchise
d'avouer nos fautes; mais presque partout no3 esclaves
font partie de la famille , ce qui n a pas heu dans vos
contrées chrétiennes. En Russie, sous le nom de serfs,
vous leur faites supporter toutes les peines sociales ; vous
leur prenez leurs filles quand elles sont belles, et vous les
jouez À l'écarté comme monnaie courante.
En Angleterre et en France , vos prolétaires sont-ils
autre chose que des esclaves industriels soumis aux
caprices des chefs d'usine , aux hasards de la concurrence ,
obligés de justifier partout de leurs Uvrets , enchaînés par
mille entraves, et chargés de fournir, par les impôts de
consommation , aux principales dépenses des i^ivilégiés ,
sans avoir, comme nos esclaves, la ressource de grands
bois et de forêts vierges pour s'y faire marrons. — Nous
imposons, dites* vous, à la femme des travaux que ne
564 PHILOSOPHIB
comporte pas son organisation : c'est encore très-vrai ;
mais si nous allions dans vos contrées , nous y appren-
drions de vous-mêmes, en voyant vos paysannes et vos
femmes du peuple soumises à des travaux bien autrement
pénibles, que la femme est un animal domestique dont,
avec la civilisation européenne, nous pourrions tirer un
meilleur parti. Et cette loi du travail que vous nous accusez
de méconnaître , où donc la pratiquez-vous ? Nous voyons
le servage dans une partie de l'Europe , le prolétariat dans
l'autre. Serait-ce par hasard cette magnifique organisation
que notre ignorance et notre sauvagerie pourraient vous
envier? — Européens, ne soyez pas si fiers de votre
intelligence : votre supériorité a tenu surtout à ce que vous
possédiez avant nous le fer, le métal de la guerre. Vous
avez été souvent vaincus par les jaunes en Asie et même
en Europe , et les noirs de Saint-Domingue vous ont donné
de rudes leçons au commencement du siècle. Ah ! s'ils
avaient eu du fer, les Caraïbes, les Péruviens et les braves
du Mexique ne se seraient pas laissé égorger par vos pères.
Ils vivraient aussi pour la gloire de l'humanité, ces Guanchcs
magnifiques, les plus beaux de tous les humains, que votre
férocité a peut-être enlevés aux plus glorieuses destinées.
Avant de songer à nous détruire , n'est-ce pas une
obligation pour vous de nous donner une civilisation
véritable , et d'essayer préalablement des efforts physiolo-
giquement dirigés ? Nous vous recevons à bras ouverts ,
nous vous donnons nos filles pour épouses , nou6 * vous
chargeons de l'éducation de nos enfants : que vous faut-il
de plus pour réussir et nous élever à la civilisation , si
vous êtes réellement civilisés? Hais de même qu'il est si
facile de confondre la fausse avec la vraie gloire , prenez
garde de confondre le vernis des arts , des sciences et
des lettres et la civilisation véritable. Avec un peu de
réflexion , vous trouveriez peut-être que tous les peuples
sont encore sauvages: entre eux, la différence, c'est que
les uns sont des sauvages disciplinés et savants , sachant
organiser le brigandage auquel ils donnent le nom de
guerre ; tandis que les autres n'ont pas dépouillé la rude
écorce de l'état de nature. — Européens , si vous étiez
DU SIÈCLE. 365
hommes , si vous étiez bienveillants , si vous deveniez nos
frères, pourquoi serions-nous plus difficiles à dresser que
les chevaux et les autres animaux domestiques de nos
prairies et de nos forêts. Loin de mépriser nos tribus
errantes, étudiez-les, car elles sont le germe de Tavenir,
ce genne fécond que ni vous ni nous n'avons encore su
développer. Comment obtenir la fraternité sur la terre
autrement que par l'association des familles et des tribus
en peuples ? Est-ce donc votre individualisme et votre
morcellement qui pourront jamais créer, au milieu des
hommes, la pratique d'une éducation égalitaire et variée
pour tous, sans laquelle vos plus belles promesses de
bonheur, de liberté, de bien-être, ne seront jamais que
des paroles vides et mensongères? Que m'importe à moi,
pauvre de vos contrées, paria de Tlnde ou proscrit des
races inférieures , que l'on invente des procédés nouveaux
pour rendre la vie délicieuse aux élus de la fortune : ce
qu'il nous faut , c'est une organisation sociale qui satisfasse
a toutes les exigences légitimes et physiologiques de notre
être. A côté de cette découverte, toutes les autres ne sont et
ne seront jamais rien.
Sans doute vous avez le Christianisme , cette parole
divine qui a dit : Fraternité entre les races , fraternité entre
les peuples., fraternité entre les tribus ou communes ,
fraternité entre les familles. Mais il a dit aussi que la
lerre devait être une vallée de larmes; il a enseigné la
légitimité de tous les pouvoirs ; il a fait des hommes des
anges déchus, tandîst qu'ils sont venus sur cette terre
ignorants, faibles et sauvages, mais très-éducables et per-
fectibles, capables d'arriver, par l'organisation du travail, à
moltiplier les richesses sociales presque à l'égal des richesses
aatuiellet>. Demandez donc à vos sciences une mécanique
pour les sociétés, sinon vos thèmes les plus philosophiques et
vos enseignements les plus élevés et les plus religieux seront
la voix qui se perd au désert. — Yox clamatUis in deserto.
Ainsi parlerait le paria, et quelque rude que fût son
langage , quelqu'incisive et brutale que fût sa parole ,
le prêtre et le savant de nos contrées n'auraient mal-
heureusement rien de vrai ni rien de juste à lui répliquer.
16
S66 PHILOSOPHIE
DES CENTRES D'ÉVOLUTIOiN DES ESPÈCES ANIMALES
ET DES RACES HUMAINES.
IWTKODUCTION.
Il y a entre les diverses contrées et les espèces végétales
et animales qui les habitent, des rapports naturels et
nécessaires. — Le philosophe les examine et les étudie ,
mais il ne s'en exagère point l'importance.
Glacée à ses extrémités, brûlante à son équatenr, la
terre , après de violents cataclysmes , semble arrivée à celte
période de paix et de stabilité qui promet un développe-
ment pacifique aux forces organisatrices. — Son maximum
d'intensité vitale correspond au climat des tropiques. C'est
là que la végétation , sous la double action de la chaleur
et de l'humidité, est tout-à-fait luxuriante. C'est là encore
que nous trouvons les formes gigantesques dont la géologie
nous montre les analogues empâtés dans les terrains d'un
autre âge. — Tous les genres y sont plus brillants en
couleur, et généralement plus grands, plus beaux, plus
riches de vie dans les espèces qu'ils possèdent. — A
mesure, au contraire, que l'on s'avance vers les pôles,
on voit décroître l'intensité vitale des règnes organiques.
N'est-ce point sous la zone torride que l'on trouve l'élé-
phant, le rhinocéros, le chameau, l'hippopotame, la
girafe, le lion, le tigre, l'autruche et les boas? — fces
crustacés, les insectes, les radiaires, n'cmt*îls pas, sous la
zone torride, comme le fait remarquer Gérard, une
évidente supériorité sur leurs analogues des pays tempérés?
Au sortir de cette zone, les formes diminuent en général,
quoique l'cm puisse opposer à cette rè^e quelques excep-
tions faciles à expliquer. Le bufle, l'élan, l'ours, d'un
côté ; le cigne et le dindon , de l'autre : voilà les plus
grands des animaux des climats froids ou tempérés.
BU SIÈCLE. 367
Cette loi du décroissement de l'intensité vitale des pays
les plus chauds vers les plus froids, est facile à comprendre.
La lumière , Télectricité , la chaleur, si abondantes sous les
tropiques, voilà les agents vitaux par excellence. Il y a
toutefois une seconde règle, quelque peu différente de
celle-ci , et que nous devons faire connaître avant de passer
outre.
Depuis que la vie animale existe à la surface du globe,
chaque période a eu ses souverains, ses empereurs, ses
grands organismes dominateurs, chargés de régler les
proportions de la substance animale et de la substance
végétale. — Les grands sauriens, représentés par nos
crœodiles et nos aligators, ont été détrônés par les pa-
lœothériums et les mastodontes ; ceux-ci , à leur tour, ont
été remi^acés par les grands carnivores auxquels l'homme
s'est entièrement substitué.
Les anfimaux qui vivent actuellement sous la domination
du genre humain , sont répartis inégalement entre la terre
et Teau, cette première patrie de tous les êtres organisés.
Les phis parfaits vivent sur la terre ; les autres dans nos
mers et dans nos fleuves, plongés ainsi dans un milieu qui
rend leurs aliments phis mciles à saisir, leur locomotion
plus aisée. Toutefois cette importante proposition a un
corollaire qui la relie à celle qui précède. Les animaux les
f)los volumineux sont ceux à qui la nature présente avec
e phis d'abondance leur nourriture : aussi partout la taille
des mammifères se trouve en rapport avec l'étendue des
lieux qu'ils doivent habiter. C'est ainsi que les grandes
espèces ont été faites pour les grandes mers, les continents
et les grandes îles , et les petites pour les rivières et les îles
p^i étendues.
C^jpropositiofifS, enseignées par l'observation, peuvent
être déduite^ direclemetit de ce théorème de De Lamarck :
Les besdins font les organes; ou de cet autre du socialiste
Poûrier : Les attractions sont proportionnelles aux destinées.
H semble au premier abord que l'Amérique et l'Australie
doiment wn démenti à cette manière de voir ; mais la date
de l'émersion de leurs plaines est plus récente que celle de
la formation des grandes espèces de l'ancien continent.
568 PHILOSOPHIE
AUSTRALIE.
La Nouvelle-Hollande, la plus jeune des cinq parties
du monde, est aussi la terre où les végétaux et les animaux
se présentent avec les caractères les plus étrangers et les
plus intéressants pour nous. — Inconnue dans sa partie
centrale , que Ton suppose formée de terrains tertiaires et
présentant de grands marais tourbeux, peut-être quelques
lacs, elle offre une masse de terrains cristallisés ou primitifs,
qui, de toutes parts, excepté au sud, entourent les terrains
tertiaires. Par suite de sa grande étendue, l'Australie
varie beaucoup pour sa température. — Les pluies y
suivent une marche capricieuse. Après des mois de séche-
resse, Teau tombe -sQuvent par torrents, de manière à
s'élever rapidement à dix et quinze mètres au-dessus du
lit des rivières ; on Ta même vu s'élever jusqu'à vingt-cinq
mètres. Elle inonde alors les campagnes voisines et forme
des successions de lacs, de grandes nappes d'eau dans
lesquelles , de distance en distance , on distingue les cimes
des arbres.
Le système des montagnes de l'Australie est peu connu.
Les montagnes Bleues, situées a quinze ou vingt lieues de
la côte , sur la partie orientale , sont en moyenne à 800
mètres au-dessus du niveau des mers. Leur point culminant,
le Sea-View-Hill , a 1,400 mètres d'élévation. Les monta-
gnes Blanches succèdent aux montagnes Bleues ; leurs
cimes sont toujours couvertes de neige.
Malgré ses formes élégantes et variées, la flore de
l'Australie est triste et grisâtre , ennuyeuse aux yeux ; ses
tons sont monotones. Elle rappelle les cicadées, si
communes à l'une des grandes époques géologiques , et
donne à ce continent l'aspect d'une terre attardée dans
son évolution. — Nulle part les plantes n'offrent moins
' de ressources alimentaires , soit aux animaux , soit à
l'homme. Les espèces propre^ à la nourriture,. le datier.
BU SIÈCLE. 369
le bananier, la canne à sucre, les espèces susceptibles de
servir à la fabrication des tissus, telles que le lin , le chan-
vre ou le phormium tenax de la Nouvelle-Zélande, y
manquent absolument ; les fruits sont généralement ligneux
et coriaces; les plantes possèdent, pour la plupart, des
feuilles linéaires coriaces ou épineuses, incapables de
donner la fraîcheur ou l'ombrage au voyageur fatigué :
rien pour l'utilité, rien pour le bien-être, rien pour le
charme et la poésie sur cette terre aux riches entrailles ,
aux plaines si fertiles quoiqu'en apparence deshéritées. —
Déjà l'Australie nourrit d'immenses troupeaux, et chaque
jour elle marche d'un pas plus assuré vers son avenir.
La faune de cette contrée est en harmonie avec le sol
et avec la flore, car partout la grande loi de solidarité
réunit et associe les cours d'eau, les plaines, les montagnes,
les mers ambiantes, la climature, les plantes et les
animaux. — Les rapports qui existent entre les espèces
organiques sont.dommés par cette loi: que les organismes
vivent les uns des autres. On dirait, de cette partie du
monde, un défi jeté par la nature aux Cuvier et aux autres
faîsems de classifications ; un démenti continuel donné à
ceux qui, soit par faiblesse d'intelligence, soit par calcul
d'ambition ou d'intérêt, voudraient soumettre le monde
des savants et des philosophes aux enseignements d'un
livre écrit selon la science de mille ans avant notre ère. —
Ici rien qui ressemble aux espèces domestiques des anciens
continents, rien qui rappelle, dans le règne animal, les
ours, les lions, les tigres, les éléphants, les bœufs et ]o>
grands animaux du vieux monde.
On trouvait en AustraUe, avant que les européens y
eussent porté leurs plantes, leurs animaux, leurs maisons
et leurs chemins de fer, des chiens très-différents de ceux
de l'ancien continent et formant peut-être une espèce à
part, quoiqu'il soit aussi très-naturelde penser qu'ils étaient
là , comme presque partout , en rapport de sociabilité avec
leurs maîtres. On y voyait grand nombre d'animaux ayant
une poche sous le ventre pour y placer leurs petits , ou
se rapprochant du genre qui possède ce caractère ; divers
kangarous, dont l'un très-rapide à la course; des chauves-
570 PHILOSOPHIE
souris, quelques-unes très-grandes. On y trouvait et on y
trouve encore des monotrèmes, êtres incertains qui ne
cadrent pas avec les classifications faites selon la doctrine
de Cuvier, et que la nature a placés , parleurs organismes,
sur les limites de grands groupes : on dirait des têtards
particuliers , des protées plus curieux encore que Tangui-
forme des mines de Carniole et de Carinthie. — Quoi de
plus extraordinaire que Tornithorinque avec ses quatre
pattes palmées comme la grenouille , son bec de canard ,
son corps couvert de poils? Ne touche- t-il pas à la fois
aux mammifères, aux oiseaux, aux reptiles? Négati(m
vivante des doctrines de certains naturalistes sur les genres
et les espèces , c'est un être en retard dans ses transforma-
tions. On trouve aussi, en Australie, les phalangers
volants , réchidné et le menure , oiseau inconnu des autres
continents.
Sur cette terre aux habitudes climatériques si étrange* ,
aux sources salées, aux grands marécages, aux tourbières
des époques si improprement appelées anté-diluviennes ,
sur cette terre où tout est transition entre les organismes
des âges géologiques et ceux du nôtre , l'homme est aussi
mie transition en harmonie av^c la nature ambiante^ On
dirait de lui , et il l'est en . effet , l'un des anneaux qui
relient les espèces de notre genre aux singes : les bimanes
aux quadrumanes.
La langue de l'Australien est dans l'enfance : c'est un
gloussement articulé, presque monosyllabique, qtti n'a
rien de commun avec les doux idiomes de l'Océanie , aux
mots coulants et plein de voyelles. Presque constamment
le substantif australien se termine par un son dur et gutturai
en s'arrêtant sur des consonnes. L'idiômc varie de tribu à
tribu. Nulle part il n'existe, chez aucune peuplade connue,
de système de numération. Compter jusqu'à trots, c*«e^l
pour eux difficile, et Ton dirait que compter jusqu'à six
ou sept est une idée transcendante. — Les hommes de
génie du pays n'ont pu comprendre, jusqu'à ce jour, ni
la centaine ni la dixaine. Tel est le récit, peut-être
exagéré, des voyageurs; mais ce récit , par son exagération
réelle ou supposée, ne témoigne -que trop de la profonde
DU SIÈCLB. 571
ignorance et aussi de la profonde incapacité intellectuelle
des Australiens. — Ne sachant compter, ils n'ont à plus
forte raison aucun signe mnémonique qui corresponde à
récritare la plus native. Très-habiles à grimper, ils montent
dans les arbres arec une dextérité singulière. N'ayant ni
rintelligence , ni le fer, ce grand instrument de la civilisa-
tion ; placés très au dépourvu sur use terre inhospitalière ;
privés de fruits, de légumes ^ d'animaux domestiques ou
que Voa ait réussi à rendre tels, les Australiens paraissent
rebelles à toute civilisation. Les voyageurs les jugent tels ,
mais c'est une erreur: la vérité, c'est qu'il faudrait des
sièdes de bons soins pour relever cetle race si inférieure.
La femme d'Australie n'est ni une épouse , ni la douce
compagne d'un foyer domestique , mais une femelle avec
laquelle le m&le s'accouple brutalement ; une esclave qu'il
accable des plus pénibles travaux.
Tout fait penser que l'Australien est originaire des lieux
qu'il habite; cependant s'il est improbable, il n'est pas
impossible qu'issu primitivement, mais par croissaient de
races déjà inférieures, il se soit encore abaissé et dégradé
sous le triple rapport physique, intellectuel et moral, em
pratîquimt la sauvagerie dans des conditions d'existence
assez difficiles. Ses membres, dénués de vigueur, sont
Icmgs, xû^igres , grêles et assez faibles ; ses cheveux lisses ,
courts et noirs ; sa tète est ronde , assez semblable à celle
d'un singe : elk» pr^ente un angle facial de 75 degrés. Le
iront fuit de manière à n'offrir au plus q\m le tiers en
élévatipn du front d'un Européen bien constitué. Comme
danfi toutes les races inférieures, le coEiduit auditif est plas
rapproché des sourcils et du sommet du front que dans les
Tàces dites caucasiennes. Les ailes du nez sont relevées.
DçsJÀ¥res épaisses et proéminentes domient à l'Austrdien
autant de ressemblance au singe mandrille qu'avec les
beaux types européens. Son sourcil est épais et recouvre
une arcade saillante ; mais son principal caractère, c'est
d'aYoir.un abdomen excessivement développé, de pouvoir
vivte ^plusieurs jours sans manger et de pouvoir consommer,
quand il a des vivres « une énorme quantité de ndurriture.
De loin, on dir^^it des habitants de cette contrée autant de
372 PHILOSOPHIB
femmes enceintes. S'il ne possédait le don de la parole et
l'usage du feu, l'Australien pourrait paraître souvent
inférieur à quelques animaux d'un autre genre, tels que
l'éléphant, ou à des animaux plus rapprochés, tels que le
chimpanzé, qui ne lui cède guère ni dans l'art de cons-
truire des cabanes , ni dans la plupart de ses actes sociaux.
Quelques voyageurs vont jusqu'à dire que le singe chim-
panzé offre plus de bienveillance , plus de sociabilité dans
ses relations, plus d'aptitudes naturelles pour faire un
excellent serviteur. L'Australien n'est pas habile à la guerre ;
il manque d'adresse à se créer des armes: il est resté,
sous ce rapport, au-dessous des populations les plus
sauvages des lies voisines. Jusqu'à ce jour, toutes les
tentatives faites pour en civiliser quelques-uns ont com-
plètement échoué.
OCÉANIE.
Tous les jaunes de la mer du Sud , qu'on les étudie
dans la Nouvelle-Zélande , à Otahiti , aux Iles Marquises ,
doivent être considérés comme appartenant à une même
race , comme les rameaux d'une même souche. Nul ne
saurait dire d'où ils viennent; mais il est plus facile
d'établir qu'ils ne ressemblent ni aux Chinois, ni aux
Japonais, ni aux peaux -rouges de l'Amérique du Nord,
soit pour le langage , soit pour le physique , soit pour les
mœurs et les traditions.
Il serait puéril d'attacher aux détails de la cranioscopie
une ^importance qu'ils ne sauraient avoir ; mais la physio-
logie ne saurait néghger les formes générales du crâne , en
tant qu'elles semblent correspondre à des caractères nette-
ment dessinés. — Il y a eu sans doute une époque où
tous les jaiuaes de l'Océanie avaient des têtes et des orga-
nisations cérébro - înteU'ectuelles presque identiques :
auiourdftui la différence la plus tranchée sépare les canni-
bales, c'est-à-dire les Islandais, et les habitants des
BU SIBGLB. S'/3
Marquises, des habitants de File d'Otahiti. Chez les
premiers, la tête est généralement très-dévelopjpée dans sa
partie postérieure et au-dessus des oreilles; le front est
bas et fuyant. Les beaux types d*Otahiti se distinguent par
des fronts socratiques.
Les mariages des femmes jaunes de ces contrées avec
les Européens donnent naissance à des enfants très-
bien constitués, tous très-vivaces , même sous le climat
de réquateur. Ces hybrides ont une coloration un peu
terreuse et se distinguent souTent par ime remarquable
beauté.
Ces mariages sont très*reproducteurs , et pour peu que
le père soit sage en sa conduite, le nombre des garçons
est à peu près équivalent à celui des filles.
Mon ami le capitaine Lapeyre , qui a passé trois ans aux
Marquises , où il était au mieux avec les naturels , et long-
temps stationné en Océanie, a été témoin, chez ces
peuples, de neuvaines de volupté. — Un beau jour,
plusieurs couples quittent leurs familles , emportant avec
eux des provisions ; ils ne reviennent qu'épuisés par les
plaisirs et après avoir consommé leurs vivres. — Il a
aussi observé ces indigènes dans les drames sauvages de
leur antropophagie. Dans ces repas féroces , nous a-t-il dit,
toutes leurs facultés sont perverties; ils semblent dominés
par une aveugle fureur.
Très-probablement l'insuffisance de la nourriture a été ,
dans le principe, la cause de Tantropophagie de ces
peuples. Cette insuffisance, assez fréquente aux Marquises,
est habituelle dans la Nouvelle-Zélande, où manquent les
animaux domestiques. Beaucoup de plantes y sont impro-
ductives ; les autres ne fournissent que des fruits nuisibles,
souvent même vénéneux.
Le contact des Européens semble mortel pour les
Océaniens ; mais en y regardant avec attention , on re-
marque bientôt combien Tunion des blancs avec les
jaunes de ces contrées est singulièrement reproductive :
elle donne naissance à des métis remplis ^l qualités
intellectuelles et physiques , aussi beaux qu'in^K^nts et
beaucoup plus propres que les Européens à soutenir le
574 PHILOSOPHIE
rude climat de la zone torride. Améliorée par Téducalion ,
cette race croisée deviendra la race dominante de ces
itonirées.
Les lies plus voisines de rAostralie sont habitées, les
unes, par des nègres, les autres, par des Malais: les
premiers, surtout les Papouasiens, sont des hommes
inférieurs; les seconds, qui occupent Java, Sumatra,
Bornéo et une partie des Moluques, semblent tenir le
milieu entre les ludous et les Chinois ; ils sont très-prqba-
blement le résultat d'un croisement et varient d'une tle à
Tautre. Leur civilisation n'est pas très-avancée , et souvent
ils se permettent encore un régal de chair humaine. —
Dans l'ile de Bornéo , que nous venons de citer, se trouve
presqu'exclusivement l'orang-ontan, ce singe oui ressemble
tant à rhomme, surtout dans sa jeunesse. Il en existait
autrefois des troupes nombreuses dans le royaume de Siam
et dans la Cochinchine ; mais il devient plus rare de jour
en jour, et probablement il disparaîtra complètement de
la surface du globe. Jeune, il présente l'angle facial de
beaucoup de nègres ; plus Agé, il a le cr&ne proportionelle-
ment beaucoup moins développé dans les parties anté-
rieures: ce qui correspond à la douceur de sa jeunesse et
aux m<Burs sauvages d'an âge plus avaincé. Sa femelle a
ses mois comme la femme. Les orang-outangs que nous
avons vus , étaient médiocrement intelligents ; mais on en
rencontre à Java qui rendent mie foule de services do-
mestiques aux personnes qui les possèdent. Cet minimal
ne j^eut vivre en Europe ; il y meurt rapidement de
phtysie : aussi n'est^e point en France , mais bien dans
les colonies hollandaises que l'on pourrait tenter sa doaies-
tication; toutefois elle ne serait pas sans difficulté. -^ Les
singes sauvages de Bornéo sont excessivem«9it féroces
quand ils sont vieux ; leur agilité , leur intrépidité dans la
lutte et leur hoirible figure les rendent très^angereixi. Le
voyageur Diard m'a affirmé qu'ils lui ont toujours causé
plus d'impression , dans les diasses qu'il a faites à Bornéo ,
que les tmres qu'il a rencontrés pendant ses excursions dahs
le Beng^lpet dans l'est de l'Asie* >
Les lies de rOoéjanie., de la J^apeuasie et de la Malaisie
BU SIÂCLE. 575
ne peuvent pas être considérées comme des centres
d'évolution animale. Il n'en est pas ainsi de Madagascar ;
ses rac^s humaines et ses grands quadrupèdes semblent
importés; mais on y trouve des makis, singes spéciaux
qui forment la transition entre les singes ordinaires et les
carnivores; un singe écureuil appelé ayeaye et quelques
autres animaux que Ton ne voit pas ailleurs.
On y a trouvé tout récemment quelques œufs et plusieurs
fragments d'os d'un oiseau dont la disparition complète est
de date assez récente. La tradition du pays rapporte que
cet animal ressemblait à un petit nuage quand il planait
dans tes airs , et qu'il pouvait attaquer et tuer rapidement
un bœuf, l'enlever même au besoin. Hais M. Isidore Saint-
Hylaire, en reconstruisant cet oiseau avec les fragments
d'os qu'il avait sous les yeux> l'a dépouillé de ses caractères
traditionnels pour lui en donner d'autres.
Des fragments plus complets existent encore à Bourbon,
et seraient de nature , si nous sommes bien instruits , à
mod^er un peu l'opinion du savant anatomiste du Jardin
des Plantes. U existe aussi en ce moment, à Nantes, des
o^uls de cet oiseaux qui sont un peu plus gros que l'œuf
quB Paris possède. Evidemment cet animal est le plus
grand des oiseaux qui oai vécu sur le globe ; nous admet-
tons volontiers qu'il ait dû avoir quatre mètres de hau-
teur.
Les nègres qui habitentrUe malgache sont très-intelligents;
leuirorigine positive est incertaine. De nombreux croisements
oaX pu et dû avoir lieu à Madagascar, entre les Ethyopiens ,
les Arabes, les Ipdous et les naturels: aussi les esprits
sérieux, qui ne se contentent pas de vagues aperçus , ne
saufaient-ils se proncmoer sur les races actuelles. Toute-
fofê . nous avcms remarqué parmi les nègres de Mada-
gasear, des hommes au fioont peu élevé, mais large et
développé dans ^la partie des iacultés perceptives. Ces
hommes réussisseaat très-bien dans les arts ; ils deviennent
aiséiQwt musiciens, charpentiers, ouvriers d'états, dessi-
nateui^, seulpteim et mémo calculateurs habiles. Leur
croisement avec la race blanche donne lieu au4lllproduits
les fim^ intéressants sous lie double rapport de la forme
576 PHILOSOPHIE
et de rintelligence , les hybrides qui en proviennent étant
souvent remarquables même au milieu des Européens.
Madagascar est traversé, du Nord au Sud, par une arrête
montueuse qui présente des élévations de 5,800 mètres.
Cette île se compose presqu'en entier de terrains cris-
tallisés; les terrains tertiaires, ainsi que les grandes
alluvions de l'époque moderne, y- sont assez rares. On
peut en dire autant de Sumatra, de Bornéo et de la
Nouvelle-Zélande, ainsi que de la Papouasie; mais lava
et presque toutes les îles de la mer du Sud appartiennent
aux terrains volcanique.
Il serait par trop naïf d'étudier le mariage chez la plu-
part des peuples dont nous avons parlé jusqu'ici. Toutefois
si les uns font de la femme une esclave , chez les autres
la beauté et la volupté lui créent une position assez indé-
pendante; mais tous sont destinés à disparaître ou à se
transformer. Les choses marcheraient bien plus vite , si le
vieux monde avait la sagesse de présider à l'évolution du
nouveau. La Nouvelle-Zélande sera, si on le veut, l'une
des premières à entrer dans une vbie nouvelle : le nombre
des habitants indigènes y diminue considérablement, et
l'antropophagie y contribue beaucoup. — Il y a quelques
années à peine , une tribu dont quelques membres avaient
été mangés par une autre assez éloignée, fréta un navire
européen et vint jeter l'ancre près de la horde ennwnie.
Les chefs de celle-ci étant venus à bord , on les massacra ;
puis on attaqua leurs frères à l'improviste et avec une
grande énergie : tous furent tués ou pris, tous furent
mangés : ces affreux cannibales ne quittèrent les lieux
qu'après avoir fait entièrement disparaître leurs ennemis.
Pareille cruauté nous révolte , et cependant, dans leurs
guerres politiques , dans leurs guerres de religion surtout ,
les Européens, à l'antropophagie près, se sont montrés,
pendant et depuis le moyen-âge , bien cruels et bien
raffinés en barbarie; d'où cette conclusion: que partout
sur la surface du globe le genre homme , en ses diverses
espèces^ 'est point encore arrivé, même dans les espèces les
plus sulfcrieures, à dominer, parla science et la morale qu'elle
nousenseigne, les tendances purement animales de sa nature.
DU SIÈCLB. 577
AFRIQUE DU SUD.
L'Afrique se divise en deux parties : Tune supérieure ;
l'autre inférieure , située entièrement au-dessous du quin-
zième degré de latitude Nord. Celle-ci, très-peu connue
géographiquement , ne Test pas mieux au point de vue
géologique. On suppose que son intérieur se compose de
terrains cristallisés et qu'il renferme des mers assez consi-
dérables ; on sait du reste que les terrains tertiaires forment
une l(H)gue bande le long de la côte Est et qu'ils pénètrent
dans les terrains intermédiaires du Cap , qui est bordé sur
la côte Est par des terrains secondaires. On connaît aussi
quelque peu la nature des côtes du Grand Golphe , et de
cette partie au Sud du Sénégal où divers Européens ont
pénétré.
Le cap de Bonne-Espérance et toute celte partie Sud de
l'Afirique qui nous occupe, possèdent une flore spéciale ;
leur faune n'est pas moins remarquable. On trouve au
Cap, le curieux insecte le thermite, qui vit en communauté
dans des demeures spacieuses et bien construites ; des
oiseaux remarquables que l'on ne retrouve pas ailleurs ;
un éléphant aux grandes oreilles , un rhinocéros spécial ,
une girafe; un zèbre ou Ane tigré, solipède tout-à-fait
distingué par ses formes et son pelage; le couagga , autre
cheval intéressant; des antilopes, un bufle aux larges
cornes, un lion à crinière noire et plusieurs singes parmi
lesquels le chimpanzé, si rapproché de l'homme par son
intdligebce.
En fait d'espèces humaines, on trouve au Cap, des
nègres appartenant à la race caffre et des Hottentots qui
oeeupaient exclusivement la côte du Sud avant que les
Européens y fussent établis. Ces derniers sont considérés
par beaucoup d'anatomistes et de naturalistes, comme
l'une des transitions entre le genre homme ou bimane et
le genre singe ou quadrumane. Us ont , comme les qua-
578 PHILOSOPHIE
drumanes, les os propres du nez soudés à une seule
lame ; leur humérus , ou os du bras , est extrêmement
long et percé d'un trou pour recevoir Tolécrane. Ce carac-
tère ostéologique les sépare d'une manière absolue des
autres races humaines, pour les rapprocher des singes et
des divers carnivores auxquels il appartient. Leur angle
facial n'est pas tout-à-fait de 75 de^és. Déprimée an
front, leur tète* fuit en pointe. Les parties du cr&ne qui
correspondent, d'après nous, à l'ensemble des facultés céré-
bro-humaines, et, d'après notre maître et ami le D*^ Gall ,
aux organes du pbilosophisme, de l'idéal, de la religiosité,
de la sociabilité, annoncent un état mdimentaire de cette
partie du cerveau: aussi leur profil rappelie-t-il singu-
lièrem^t celui des animaux. Leurs dents incisives et leur
menton donnent à ce profil une grande ressemblance avec
celui des singes. Leurs yeux écartés, leur front aplati ,
des pommettes et des arcades zygomatiques très-saillantes
achèvent de donner à leur figure une aractère d'animalité
qui est d'ailleurs en harmonie parfaite avec leurs mœurs.
Leur nez n'en est pas un : épaté ^ beaucoup plus écrasé
que chez les autres nègres, il présente deux nazearrx
véritables. Leur pied , très-différent du nôtre et même du
pied des autres nègres, laisse sur le sol une empreinte
caractéristique. Les femmes de cotte espèce humaine ont ,
comme les femelles des singes, d'énormes protubérances
de graisse à la partie supérieure des fesses. Les naturalistes
ne sont pas d'accord sur ce qu'ils appellent leur tablier.
— Le développement très-considérable des nymphes , qui
ne se présente chez nous qu'exceptionnellement et presque
toujours sous l'influence de la syphilis , est chez eUes le
fait habituel. Les jeunes filles ont les seins arrondis ; mais
ils sont gros et pendants chez les femmes qui ont eu des
enfants ; ils présentent une auréole noire d'environ quatre
pouces de largeur, qui est creusée de rides rayonnées. —
Les Hottentots , vivent peu : adultes de bonne heure, vieux
à quarante ans , ils dépassent rarement l'Âge de cinquante
ans. — Il serait très-curieux de constater si la grcMSsesse
des Hottentotes. est exactement de neuf hhhs, comme ^le
des femmes des autces mces humifines , et de fixer d'4}ne
DU siiCLB. 579
manière précise l'époque de leur puberté et de leur nubilité
ou complet développement.
Le langage des Hottentots est a peine articulé ; on Ta
même comparé au gloussement ou dindon. Ils vivent
sans loix, sans règles, dans une misère égale à leur
paresse; pour eux, penser et réfléchir, c'est encore tra-
vailler, et tout travail leur est odieux.
Les Câffres avoiunent les Hottentots, mes ils leur sont
très-supérieurs. Partout où ces deux espèces, fort diffé-
rentes, se marient et se mélangent, la race titrée en
facultés élève à elle la race inférieure , qui gagne beaucoup
au croisement et disparaît. — Ils ont la lèvre épaisse, les
incisives saillantes, une baii)e plus forte que les autres
nègres. En général ils sont d'assez beUe taille et bien
constitués ; mais leurs femmes sont rarement aussi grandes
qu^ chez nous, ce qui tient probablement à des mariages
trop précoces ; elles sont du reste très-bien faites. Chez
ce peuple , le front développé annonce des hommes suscep-
tibles d'arriver rapidement à la civilisation ; ils eussent été,
sous ce rapport, les égaux des blancs, si le climat qui les
nourrit et vêtit n'avait réduit leurs besoins, cette source
puissante du progrès.
Quelques auteurs les représentent comme ayant le nez
aquilin; mais cette assertion n'est vraie que pour des
injdividus isolés, ou tout au plus pour quelques tribus.
Pour nous, nous ne saucions établir de différence très-
tranchée entre certaines tribus caâres et les Yolofs, les
individus de ces deux races, que nous avons examinés à
no^re loisir, nous ayant paru présenter des caractères ana-
tomiques et physiologiques presque identiques.
Le chimpanzé ou kempazé mérite une mention spéciale ,
à £dté des races humaines qui habitent l'Afrique méridio-
nale. Ses oreilles, plus grandes que celles de l'hoiume et
deJ'orang-outang, sont un peu mobiles, ce qui annonce
un être plus craintif que guerrier. Son œil est surmonté
de crêtes surcilières; ses bras, plus longs encore que ceux
du.Hottentot, atteignent le bas de la cuisse. Il se ccmstruit,
au sein des boi3» des cabax^es de feuiUage, lance les
pierres a^veq. a^res^e et junrcke avec un bâton dont il se
380 PHILOSOPHIE
sert au besoin pour se défendre. On va même jusqu*à dire
qu'il enterre ses morts sous des pierres et des feuillages.
Leur mariage est monogame : le mâle aime tendrement sa
femelle ; il est , comme époux , bien supérieur au sauvage
de l'Australie. L'un et l'autre sont des parents dévoués à
donner Texemple à plus d'une race humame. Les chimpan-
zés vivent par troupes et paraissent très-sociables ; souvent
ils enlèvent d» jeunes nègres et des négresses qui n*ont
point à s'en plaindre. — Dans la domesticité , ils rendent
à ceux qui les possèdent presque tous les services que l'on
peut attendre d'un esclave ; souvent même ils font mieux
que bien des nègres. On peut leur demander de veiller à
la cuisine et de servir à table ; ils font la manœuvre à bord
des navires avec une remarquable adresse. Impossible de
trouver sous le climat des tropiques, le seul permis à leur
constitution i des matelots plus agiles. Dans l'antiquité , ils
n'habitaient pas seulement le Sud de ce continent : on
rapporte que les Carthaginois en tuèrent dans une île
occidentale, et qu'ils crurent avoir affaire à des hommes
sauvages. Hannon, leur chef, rapporta leurs peaux à
Carthage, où elles furent suspendues dans le temple de
Junon. Tous ceux que l'on a importés dans nos contrées
ont donné les plus grandes preuves d'intelligence. Leur
enfance est plus rapide en son évolution que celle de
l'homme : à trois ans ils sont adolescents. Ce serait une
utile et glorieuse entreprise que celle de les rendre domes-
tiqfues et de les utiliser pour une foule de travaux que le
climat brûlant de l'équateur défend même à la race noire.
Us sont si habiles grimpeurs i si adroits à manier le bftton,
qu'on pourrait les emplover à la chasse et à la cueillette des
fruits. — Depuis peu Ion a découvert, sur les bords du
Sénégal, une seconde espèce de chimpansé, mais elle
paraît inférieure à la première en inteUigence.
AFRIQUE BU NORD.
Ritter, dans sa grande étude sur les rapports de la terre
DU SIBCLB. 581
avec la nature et avec l'histoire de Thomme , nous parle
ainsi du continent africain :
a Toute TAfirique méridionale, depuis la côte du cap de
Bonne-Espérance jusqu'à l'équateur, et même jusqu'au
&* et 10** lat. Nord, forme un grand plateau continu,
plateau immense qui s'abaisse des deux côtés en plusieurs
terrasses échelonnées, à l'Est, vers l'Océan Indien, à
rOnest , v^rs l'Océan Ethiopique ou du Sud. '
» Les sources les plus méridionales du Nil, situées du
7" au 8° lat. Nord ; celles du Joliba ou Niger et du Sénégal,
situées entre le 10* et le 11** lat. Nord, déterminent l'éten-
due du plateau au Nord.
» Le long des côtes, les terrasses sont plus ou moins
bordées de chaînes de montagnes, qui toutes se dirigent
du Sud au Nord.
» Le plateau d'Afrique, autant que nous pouvons
l'induire de nos connaissances , n'est traversé ni dans sa
largeur, ni dans sa longueur, par aucun fleuve , et n'est
par conséquent nulle part divisé.
j» Au Sud, c'est la mer qui en forme la limite ; au Nord,
nous ne connaissons ses limites que dans les Alpes du
Habech, et dans les montagnes du Kong , du côté opposé.
» A l'Est et à l'Ouest, le plateau est borné par des
chaînes de montagnes intérieures, formant un parallélisme
avec les chaînes de montagnes des côtes. Il est habité , au
Sud , par des peuples paisibles et heureux, entre autres
les Beetjuanes ; son intérieur ne nous est connu que par
les incursions désastreuses des Giaguas ou Shaggas , vers
le milieu du seizième siècle ; il paraît que depuis lors il est
resté entièrement inaccessible.
» Au Nord , les guerres annuelles de ses habitants , les
expéditions des Abyssiniens contre les Galla , les Dar-Fours
et d'autres peuplades , contre les montagnards de Douga ,
près des sources de l'Albavi, le rendent entièrement
inabordable. En d'autres endroits , sous la ligne par exem-
ple, la nature et le climat des pentes opposent encore
d'autres obstacles insurmontables à toutes lés recherches ,
ainsi que l'ont prouvé les dernières et malheureuses tenta-
tives. »
ï
58â PHILOSOPHIE
Nous supposons , nous croyons même savoir aujourd'hui
u'il existe au centre de l'Afrique , au sein de son plateau,
e grands lacs, des mers intérieures parsemées d'Iles , et
qu'il sera possible à la civilisation de tirer très-grand parti
du continent africain , le jour où elle aura tracé le grand
plan d'ensemble des travaux à exécuter à la surface de la
planète.
Le Nord de l'Afrique se compose de terrains tertiaires ,
grande formation qui rapporte à la même période géologi-
que cette partie de l'Afrique , presque toute l'Arabie et la
Perse , le pourtour de la mer Caspienne , l'anrienne Polo-
gne , la vallée du Danube , le centre parisien de ranciemie
France et l'embouchure de la Tamise. Ces terrains tertiaires,
qui se décomposent , comme partout , en groupes divers ,
contiennent cmq grands îlots volcaniques : deux près du
golfo d'Aden et les trois autres dans le Fezzdn. La mer
Rouge est bordée , sur la rive africaine , par des terrains
cristallisés, et les terrains secondaires forment une bande
qui s'étend du Maroc à l'Egypte.
Le Nord de l'Afrique, le Moghreb des Arabes, a com-
plètement changé depuis les temps historiques. La tradition
nous a conservé le souvenir de la conquête du grand Delta
de l'Egypte qui formait, 5,600 ans avant notre ère, un
immense marécage. Une tradition plus confuse nous parle
d'un pays des Atlantes, qui se serait trouvé au-delà du
détroit de Gibraltar : c'est à Platon que nous en sommes
redevables. Elle établit que les Atlantes étaient autrefois
un peuple très-puissant, et que leur pays a été enseveli
sous les eaux par un tremblement de terre. Quoiqull en
soit de ce souvenir <5onfus des prêtres d'Egypte, que nous
ne voulons pas discuter ici, mais qui pourrait être eract
dans de certaines limites, si réellement la chitmélogie
égyptienne remontait à 36,000 ans ; toujours est-il bien
évident, quand on étudie l'Afrique, que le Shahara n-est
qu'une mer des âges géologiques analogue , à certains
égards, à celle du bassin parisien. Les lacs qui devraieïit
la féconder ont été desséchés par la brûlante ardeur du
soleil ; mais il est possibte , tout le fait supposer et toutes
les études l'indiquent^ d'y rappeler la vio et k végétation
DU SIËGLB. 383
au moyeu de puits artésiens. Ces faits sont importants
pour ravenir agricole et ocanmer ciai de la planète , mais
ils ne le sont pas moins au point de vue de la distribution
des espèces animales , puisque les mers et les déserts qui
les ont remplacés, séparent depuis la période tertiaire, les
animaux et les hommes du Nord ; des hommes et des ani-
maux du Midi de l'Afrique.
Nous ne connaissons que fort peu Tintérieur du Moghreb,
et les anciens ne nous ont laissé aucune description
détaillée des vastes territoires qu'il offre aux conquêtes
de l'humanité. — Avant Les Carthaginois , la ligne médi-
terranéenne était presque déserte ; les plaines étaient alors
plus humides, plus marécageuses, et les montagnes
offraient des bois plus considérables. Les éléphants, les
lions, les panthères, les serpents étaient excessivement
coDununs sur cette terre chaude et humide. Près d'Alger,
la plaiue de la Mitidja, qui sépare le coteau d* Alger des
montagnes afrioiûnes , est une alluvion qui s'est élevée
même depuis les temps historiques. En consultant les
auteurs romains, on comprend que le Nord de l'Afrique a
nécessairement chaiigé d'aspect, avec les modifications
apportées dans la statistique de ses espèces animales. Quant
à rintérieur du continent, il n'a été effleuré que par sept
ou huit voyageurs, qui ont suivi en partie les mêmes routes
et qui, n'étant pas musulmans , n'étaient pas en position
de tirer toqt le parti possible de leurs pèlerinages scientifi-
queSi .
Dans, l'état actuel, .nous trouvons, dans le Nord de
l'Afrique , des Ydofs, des nègres cannibales, des mandin-
gues,. des nègres à type européen, des Berbères ou Kabiles,
des Arabes, des Albinos et quelques autres variétés.
Les Yolofs sont d'une belle taille et très-intelligents ; ils
appremi^nt généralement, avec facilité les langues et les
arts indMStriels* Leur crâne, depuis la racine du nez jus-*
qu'aurdessus des oreilles, où il est très-^-élevé , forme une
courbie a^ez belle ^ mais il est un peu moins large que
celui d ^8 races eiKopéennes. Envisagée craniosoopiquement,
la tête ides Yolofs annonce. une graiode personnalité, des
dispoûticms à l'emporten^ent, de la fermeté et plus de
384 PHUosoraiB
facilité de perception que de philosophie , ce qui concorde
entièrement avec leur nature. Nous en connaissons plusieurs
en France , qui sont tous plutôt au-dessus qu'au-dessous
de la moyenne intellectuelle. Il nous est venu souvent à
lesprit , en les étudiant , que leur croisement avec les races
blanches, ou avec les races noires à formes blanches,
donnerait d'excellents résultats sous le triple rapport phy-
sique , intellectuel et moral.
Les nègres cannibales appartiennent à plusieurs types
différents : les uns (nous doutons quelque peu de leur
existence) possèdent, dit-on, une queue ou coccix mobile
d'un décimètre et plus de longueur; d'autres, hideux à
voir, rappellent les makis et les animaux carnivores : ils
ont les canines excessivement développées.
Les mandingues sont l'une des variétés de cette grande
espèce à laquelle se rattachent les Yolofs.
Le nord de l'Afrique possède aussi un noir connu sous
le nom de moutchicongo ; sa couleur est moins foncée que
celle de l'Yolof; il manque d'intelligence. Hommes et
iemmes ressemblent aux Hottentots pour les caractères
anatomiques.
Les nègres à type européen varient dans leur nuance :
quelques-uns, à la couleur près, ressemblent assez parfaite-
ment aux Basques. Ils ont généralement les cheveux lisses ;
il en est cependant dont la chevelure est crépue. Onretrouve
ces noirs depuis les bords du Niger juscpie dans l'Inde.
Cette alluvion colorée a évidemment suivi une marche
parallèle à celles des alluvions blanches qui ont quitté les
plateaux de la haute Asie pour les plaines de l'Europe.
Les uns sont peut-être dles hybrides provenus du contact
de la race arabe avec la race noire ; les autres , de couleur
bronze , sont très-probablement aussi des hybrides , mais
leur origine est différente et suppose un mélange de sang
blanc , de sang jaune et de sang noir, ou tout au moins de
sang jaune et de sang noir. Les premiers sont-ils générale-
ment supérieurs? Nous l'ignorons. — Sous la Restauration,
nous en avons vu deux, à Nantes, qui provenaient des
bords du Sénégal : c'étaient de vèritabks Arabes noirs.
Leurs hgnes étaient très-belles , leurs traits purs et distin-
DU SIÈGLB. 585
gués. Dans cette race, les femmes sont généralement
inférieures aux hommes , ce qui tient à ce qu'elles sont
mariées à huit et dix ans, c'est-à-dire prématurément:
l'époque de la puberté différant , chez tous les peuples , de
l'époque convenable pour la nubilité, qui est, nous le
répétons à dessein, celle du complet développement. Les
noirs Malabars, que l'île de la Réunion emploie aujourd'hui
en si grand nombre comme travailleurs libres, sont de cette
famille humaine.
Les races blanches appartiennent à deux souches primi-
tives, ou peut-être simplement à deux grandes branches
de la même souche. L'une peut porter le nom de branche
in^oue ; l'autre, celui d'araméenne ou sémitique. Tous les
peuples blancs d'Afrique appartiennent à cette seconde
branche et à ses rameaux secondaires : l'un arabe , l'autre
berbère.
Les Berbères , au teint blanc ou olivâtre , aux lèvres
minces , à la figure plus ronde que longue , au nez droit ,
ont la plus grande ressemblance avec les Kymris de la
Bretagne armoricaine. Us se donnent à eux-mêmes le nom
de libres ou de nobles. Leur crâne est proportionnellement
assez développé dans le sens latéral. On trouve quelquefois
parmi ces populations berbères et parlant la même langue,
quelques ilôts de familles noires au type européen. —
Toutes ces familles noires, qu'on les appelle peuls ou
fellah , ou fellatha comme en Sénégambie , ou Abyssins ,
proviennent de croisements et sont originaires d'Asie. —
Quelque&~unes ont conservé leur douceur indoue.
Des physiologistes habiles, parmi lesquels le docteur
Bodichon , ne partagent point notre opinion , qui est aussi
celle de d'Eichtal ; ils regardent tous les noirs à cheveux
lisses, dont les traits sont européens, comme des métis de
noirs et d'Arabes , chez lesquels le sang arabe domine habi-
tuellement.
Les Arabes sont en Afrique depuis une époque indiquée
par l'histoire. A leur suite sont venues quelques familles,
les unes turques , les autres juives ; quelques autres fa-
milles juives semblent les avoir précédées. On trouve aussi
S86 PHILOSOPHIE
dans la Kabylie des Vandales. Les hommes connus
sous le nom de Coulouglis, sont turcs ou turco-arabes.
Quant aux Albinos, ils ne forment pas une race à part:
leur existence est due k un phénomène pathologique
commun à toutes les espèces humaines, mais bien plus
fréquent , paraît-il , dans certaines parties de l'Afrique.
Que penser de Teselavage, question si grave et au-
jourd'hui si palpitante, qui se relie directement à l'étude
des races africaines ? Rien ne le justifierait , rieu
ne l'expliquerait, même rationellement , s'il venait à
commencer aujourd'hui ; mais sitôt que Ton étudie
l'histoire, la question change d'aspect : on comprend alors
que l'antropophagie , l'esclavage , le servage et le prolétariat
sont quatre grandes étapes placées, par la providence, sur
la route de la liberté humaine. — L observation et
l'expérience nous montrent chaque jour à quel degré de
grâce, de beauté, d'intelligence les races blanches, jaunes
et noires peuvent parvenir sous l'influencé des croisements
et de l'éducation; tandis que la philosophie nous enseigne
que les races aînées ne sont supérieures et réellement
humaiues qu'autant qu'elles aident et qu'elles aideront
leurs cadettes à franchir les transitions douloureuses des
phases embryologiques de Thumanité. — Toutefois cette
question , toute spirituelle en apparence , a son Mé
pécuniaire et d'intérêt matériel. — L'histoire nous enseigne
que la Jacquerie n'a point affranchi les serfs, que les
communes ne se sont pas émancipées par des révi^tions
purement passionnelles ; il en faut dire autant de Tescla-
vage : il ne disparaîtra que par un rachat auquel la science
devra présider, par d'incessantes prédications d'amour et
de charité', par le retard des mariages, par î'étùtde des
croisements des races ^ par la constatation' inces^atitie de
leurs progrès acquis ou possibles, et surtout parrwgatdsa-
tion d'une éducation perfectionnée.
DU SIÈCLE. 587
AJDiBlOUBS BU KORD BT DU SUD.
Il ne nous serait point difficile de montrer que ces deux
contrées ont été deux centres d'érolution , qu'elles ont eu
leurs plantes spéciales, leurs animaux particuliers, et
qu elles sont cmstituées géologiquement de manière à
remonter, par quelques-unes de leurs parties, aux plus
anciens des jours terrestres ; mais nous voulons avant tout ,
dans cette rapide esquisse, nous attacher aux familles pri-
mitives du genre humain.
Les Esquimaux, les peaux- rouges, les Mexicains, les
Caraïbes, les Péruvieus» les' Araucaniens et leurs frères,
les GauGhos, les Patagons, forment les races indigènes de
rAmérique.
Les JE^uimaux appartiemnent aussi au vieux monde , et
nous en parlerons ultérieurement.
Les peaux-rouges occupaient jadis toutes les grandes
plaines comprises entre les. montagnes Rocheuses, les lacs,
le Saint-Laurent, TOcéan Atlantique et le pays des
Caraïbes. Les Anglais et les Américains les traitent , depuis
400 ans, commères botes fauves : ils les empoisonnent
avec de l'eau-de-vie, ils les chassent avec des chiens
dressés exprès. La plupart de leurs tribus ont été détruites ;
quelquesr-unes se civilisent en se livrant à l'agriculture,
d'autres se retirent le plus avant possible au fond des
terres. Toutes cependant eussent pu être arrachées à la
sauvagerie avec de la droiture , de la loyauté, de la pa-
tience et œt Bmous de l'humanité qui manquait essen-
tiellement aux colons américains. La taUie des peaux:- rouges
est élevée ; ils soi\t agiles ; leur figure n'a rien de
désagréable : à la coloration près, elle ressemble beaucoup
à celle des Européens. Les hommes ont peu de barbe ,
leur peau est couleur de cuivre-rosette ; les femmes ont le
sein bien conformé : elles sont nubiles de bonne heure.
L«s exemples de longévité sont fréquents dans les deux
588 PHILOSOPHIE
sexes. — Les têtes de cette race présentent pour caractère
des lèvres minces , un menton pointu , un nez droit ou
légèrement arqué. Leur front n'est pas élevé, comme on
Ta dit à tort, mais fuyant : il annonce, d'après Gall, un
développement assez considérable des facultés purement
intellectuelles, peu de facultés humaines ou sociables, c'est-
à-dire peu de philosophie, de sociabilité bienveillante, d'idéal
et de religiosité ; mais beaucoup de fermeté et de per-
sonnalité. En somme , leur boite osseuse présente une
forme qui est essentiellement commune à tous les peuples
sauvages.
Les Caraïbes, détruits sur une grande étendue, mélan-
gés ailleurs aux Européens et aux noirs, occupaient
autrefois les Antilles et les pays voisins jusqu'au fleuve des
Amazones ; on ne les trouve plus aujourd'hui qu'en petit
nombre et principalement à la Guyane. Us ressemblent
quelque peu aux peaux- rouges; mais ils en diffèrent
cependant par un teint plus clair et par la forme conique
de leur crâne. Ceux qui vivent dans les lieux humides
présentent quelquefois une anomaUe qui est facile à cons-
tater dans toutes les races et que nous avons signalée à
Gall , dès 18S!5 : c'est que leurs fontanelles antérieure et
postérieure se soudent tardivement et laissent habituelle-
ment subsister deux dépressions, de telle sorte qu'au
premier abord la tête paraisse formée de trois pièces.
Les Caraïbes ont une intelligence assez remarquable,
en ce qui concerne la faculté des nombres et la mémoire
locale ordinaire ; elle est quelquefois plus que médiocre
sous les autres rapports. Ils vivent par hordes, sans lois,
sans agriculture, sans gouvernement régulier; ils n'ont
d'autre arme que l'arc et la flèche. Les blancs , les noirs
eux-mêmes en ont généralement triomphé. Ils sont doux ,
essentiellement pêcheurs, jamais pasteurs.
Les hybrides produits par la race anglo-saxonne et les
Caraïbes, sont très-remarquables sous tous les rapports,
supérieurs peut-être à ceux qui proviennent du croisement
des mêmes naturels avec la race gallo- romaine. — Les
hydrides de race caraïbe et des races noires, que Ton a pu
étudier en grand nombre à Saint-Domingue, s'élevaient
DU SIÈCLE. 589
difficilement; presque toujours ils succombaient sous
rinQuence d'affections scrofuleuses ; le plus souvent c'étaient
les organes abdominaux qui se trouvaient pris de manière
à ofliir les caractères de cette maladie qu'en Europe on
appelle le carreau.
Nous ne pouvons passer outre sans dire ici quelques
mots de la République Haïtienne. — Sur cette terre
promise de Saint-Domingue , qui a si longtemps appartenu
à la France , l'esclavage a laissé des traces profondes que ,
dans notre opinion , la race noire ne saurait effacer. —
Dans l'état actuel, il n'existe en ce pays aucune religion
vraie : le moral et l'idéal n'y sont pas assez cultivés ; le mariage
y est trop souvent remplacé par une promiscuité passée
dans les mœurs. Deux êtres se rencontrent, se conviennent,
cohabitent , et se perdent ensuite de vue sans aucun souci
des fruits de leur amour. La paternité est à peu près nulle
chez les hommes, et la maternité dépasse à peine parfois cette
élévation de sentiments que nous trouvons chez certains
animaux. Sur bien des points, les femmes font tous les tra-
vaux pénibles. On rencontre beaucoup trop de mariages poly-
games ainsi constitués: cinq ou six femmes se réunissent,
travaillent en association autour d'une case , dans laquelle
habite un beau noir ou un mulâtre qu'elles nourrissent
du produit de leurs sueurs; chaque soir l'une d'elles, à
tour de rôle , jouit du privilège de ses faveurs. Ces mariages
polygames sont très-féconds en filles ; ils conduisent à des
vieillesses anticipées et à la dégradation de l'espèce.
Le mal est moins grand dans la partie espagnole , et en
voici la raison : c'est que l'esclavage y a toujours eu
quelque chose d'hébraïque ou de musulman. Ici le pays
était divisé en petites propriétés, dont les possesseurs
vivaient en famille au milieu de leurs esclaves. Le nombre
de ceux-ci dépassait rarement quinze ou vingt ; ils étaient,
à proprement parler des serviteurs ou domestiques.
La syphilis fait, à Saint-Domingue, d'affreux ravages.
Rien de plus commun, dans ce pays, que les syphilides,
la perte de la luette et du voil« du palais pt !<» maladies
des os. Beaucoup d'Haïtiens naissent, se dévelopi)ent , se
reproduisent et meurent atteints de syphilis constitution-
17
590 PHILOSOPHIE
nelle. Joint à l'absence de Torganisation de la famille , ce
fléau conduit à un retour à la sauvagerie.
L'antropophagie se voit encore quelquefois à Haïti. Cette
maladie cérébro-morale, cette dépravation qui se traduit en
une appétence désordonnée pour la chair humaine, s'attaque
uniquement aux enfants qui ont , paraît-il , un goût exquis
pour certains cannibales. Ici, ce ne sont plus la guerre , le
besoin, la vengeance, qui immolent des hommes en pubUc ;
c'est une gourmandise toute bestiale qui vole des êtres hu-
mains pour satisfaire son penchant salement ignoble éternel.
Quelle que soit notre amitié personnelle pour quelques
Haïtiens qui en sont dignes , nous avons dû révéler ce qui
précède. Mais c'est malheureusement la race française qui
doit être accusée pour la misère et l'ignorance actuelles de
tribus presque sauvages , qu'elle n'a su que corrompre au
lieu de les émanciper. Ces tribus vivent assez distinctes les
unes des autres, séparées qu'elles sont par le langage et la
provenance originelle.
Interposés entre les peaux-rouges et les Caraïbes, les
Mexicains formaient , avant la conquête, un peuple agricole
tout aussi civilisé que le peuple conquérant , et très-digne
de conserver l'exploitation de ces magnifiques contrtes,
dans lesquelles la race espagnole n'a su organiser que la
superstition et la misère. Les Mexicains sont d'un rouge
brun ; plus petits et plus trapus que leurs voisins , ils ont
la tête grosse , les lèvres épaisses , le nez droit ou presque
aquilin; leur front est large et fuyant. Toutefois, ce
caractère, donné par certains auteurs, est loin d'être
constant. Peut-être sont-ils étrangers au continent améri-
cain et venus d'Asie.
Les Péruviens ont quelque rapport avec les Mexicains et
une assez grande tendance à l'obésité.
Nous ne savons rien de positif sur les cannibales des
sources de la rivière des Amazones ; nous avons interrogé
avec soin l'un des voyageurs qui avait vu de plus près
leurs villages , sans pouvoir retirer de ses réponses aucun
aocuiucnt ccipntifiqup-, w ce n'est qu'ils diffèrent des
tribus voisines par les mœurs, le caractère, les habitudes
et l'aspect.
DU SIÈCLE. 591
Les peuplades qui se trouvent entre les Pampas et
VOrénoque, dans les solituftes encore inexplorées du
Nouveau-Monde, diffèrent singulièrement les unes des
autres et ne peuvent être considérées comme formant ime
race à part.
Dans les Pampas , au sud de Buenos- Ayres et près du
Chili, on trouve les Gauchos et les Araucaniens. Ils for-
ment , à notre sens , deux variétés d'une seule race : la
seconde seule porte ce nom , sous lequel plusieurs auteurs
ont désigné la race toute entière. — Les Araucaniens,
disait au XVI* siècle le poète Ercilla, sont robustes quoique
sans barbe, grands et bien faits; ils ont les épaules larges,
la poitrine bombée, les membres vigoureux et très-muscu-
leux; ils sont agiles, souples, courageux, braves et hardis,
pleins d'audace, durs au travail, sachant supporter le.
chaud, le froid et la faim. — Depuis lors, ceux qui
habitent les vallées si pittoresques situées au pied de la
CordiUère chilienne, entre cette Cordilière et la mer du
Sud, n'ont pas changé : ils sont polygames, soumis à une
oligarchie féodale et peu avancés en civilisation. Les
voyageurs qui les ont visités ont oublié, pour la plupart,
de décrire leur type. Ils ont les yeux bridés et enfoncés ,
le front bas, le nez épaté, les pommettes saillantes.
Souvent leurs femmes sont très-jolies ; elles accouchent
plus aisément que les Européennes. Les Araucaniens ont
d'autres mœurs et d'autres habitudes que les naturels du
Chili et du Pérou connus sous le nom d'Indiens ; mais
aujourd'hui , ces divers peuples et les Espagnols ont con-
tracté de nombreuses unions et singulièrement modifié les
races primitives: partout ces mélanges dominent et forment
la masse de ce que l'on appelle les naturels. Généralement
leurs formes sont belles et leur couleur un pen terreuse.
Les voyageurs s'accordent à dire que les diverses peu-
plades patagones diffèrent les unes des autres et ne
présentent pas exactement les mêmes caractères physiques.
Leur grande taille est devenue proverbiale. Leurs
femmes sont repoussantes de laideur et de malpropreté.
Les Patagons qui avoisinent les Pampas montent aussi
bien à cheval que les Indiens de cette contrée qui sont
592 PHILOSOPHIB
connus sous le nom de Gauchos. Ils manient la lance et le
lasso avec la plus grande a<ftesse. Ils sont très- médiocre-
ment sensibles aux charmes de. notre musique; toutefois
ceux qui ont entendu le cor de chasse à bord de nos
navires en ont para ravis. On manque de documents
réellement scientifiques sur leurs langues , leurs mœurs et
leur intelligence.
Parmi les faits nombreux produits par le mélange des
races silr le continent américain, il en est deux qui
doivent encore être signalés. Dans l'Amérique du Nord » il
existe un grand nombre d'individus ayant du sang noir
dans les veines, qui sont blonds et qui ont les yeux bleus;
ces métis sont souvent très-remarquables par leur intelli-
gence. Dans l'Amérique du Sud , la race vitale du Brésil
résulte du mélange des races noires , blanches et cuivrées ;
quand l'influence du sang blanc prédomine, elle offre
une grande ressemblance avec les castes supérieures des
Indes anglaises. Partout du reste , sous les zones tropi-
cales, les enfants naissants qui proviennent d'un blanc,
ont de plus grandes chances de vie si la mère est une
femme de couleur, si peu colorée qu'elle soit; et il est
très à regretter, pour l'Algérie, que la France n'ait pas
encore su tirer parti de cet enseignement.
L'Amérique du Nord présente des alluvions modernes
à l'embouchure et le long de ses grands fleuves ; les plus
importantes appartiennent au Missini. Elle a des terrains
volcaniques dans les Antilles et aans sa grande arrête
montueuse qui n'est, quoiqu'on en dise, que la continua-
tion de la Cordilière de l'Amérique du Sud. — Elle offre
des terrains tertiaires entre Washington et Tampico. On
rapporte qu'il existe une île très-vaste de terrains secon-^
daires depuis la rive doite de la rivière Rouge jusqu'au
dessus de la rive gauche du Missouri. — Le reste se
compose de terrains intermédiaires et de terrains cris-
tallisés..
Si des plantes herbacées , des arbres, des animaux
non vertébrés, des serpents et des oiseaux nombreux
appartiennent en propre à l'Amérique du Nord, on doit
ajouter qu'elle possède de plus un bœuf musqué , qui ne
BU siifiiB. S93
s*écarte jxrint des parages qu'il habite ; un ours terrible
par sa force et sa férocité , dont le squelette ne diffère pas
sensiblement de celui de Tanimal fossile que Cuvier a
décrit sous le nom de mégalonyx. Ces faits et celui de
l'existence de races humaines spéciales, suffisent à établir
qu'elle a été un centre d'évolutions végétales et animales.
On peut en dire autant de l'Amérique du Sud ; elle
offre de grandes alluvions modernes à l'embouchure de
La Plata. Toute la vallée du fleuve des Itmazones paraît
appartenir à la même formation. La chaîne des Cordilières
présente de nombreux volcans; à droite et à gauche de
cette chaîne, dans toute sa longueur, se trouvent des
terrains cristallisés, bordés à l'Est par une large bande de
terrains tertiaires. Le Brésil et la Guyane semblent encore
appartenir, pour la masse de leurs formations, aux roches
cristallisées : les terrains intermédiaires sont plus rares ;
leur grande masse commence à l'est de la CordiUère , à la
hauteur de Lima, et descend jusqu'à la rivière des Tigres,
en formant une bande relativement étroite.
Des plantes spéciales , des insectes , des invertébrés , des
oiseaux et surtout des singes en grand nombre que l'on
ne retrouve pas ailleurs, la vigogne, le lama, un tigre
spécial, un tapir et quelques autres animaux remarquables,
établissent les droits incontestables de l'Amérique du Sud
à être considérée comme centre d'évolutions organiques.
BUROPB ET ÂSIB.
La géologie de l'Europe et de l'Asie annonce une série
de révolutions que des cartes peuvent indiquer, mais qui
ne se prêtent pas à ime description sommaire.
L'Europe , î>oit au point de vue de l'histoire , soit à celui
d'un passé encore plus ancien , parait une dépendance de
l'Asie Occidentale. Elle s'y rattache aussi par ses langues
et par les diverses races humaines qui l'habitent. —
Aucune limite réelle ne la sépare de l'Asie , dont le Taurus
394 PHILOSOPHIE
et le Caucase semblent continuer nos grandes chaînes de
montagnes. Peuplée de plantes et d'animaux émigrés, elle
est devenue un centre d'habitation; mais rien ne prouve
qu'elle puisse être regardée comme l'un des centres
primitifs d'évolutions végétales et animales : nous la
considérerons donc comme un prolongement, comme un
appendice de l'Asie Occidentale.
Les vallées de la Cœlé-Syrie , de la mer Caspienne et de
la mer d'Aral fS'ment des enfoncements analogues à ceux
des lacs amers, près de Suez et du Sahara. Le niveau des
mers extérieures les domine : aussi donnent-elles à l'Asie
Occidentale son caractère particulier, tandis qu'à l'Orient,
comme une ligne de démarcation , s'élèvent les plus hautes
montagnes du globe. C'est là que le Thamoulari dresse sa
tête blanche à 8,800 mètres , au milieu des autres cimes
de l'Hymalaya. — Au pied de cette montagne, où l'Indus
et le Gange prennent leur source , se trouve une immense
surface de terrains d'alluvions que fortaent les riches vaUées
de ces deux fleuves.
Le système des montagnes d'Asie n'a rien de bien
régulier, si ce n'est dans la partie occidentale de cette vaste
contrée. La chaîne du Taurus , qui commence aux bords de
l'Archipel et de la Méditerranée, se relie, en Arménie,
avec les monts Caucase qui séparent la Caspienne de la
mer Noire. Alors commence cette longue hgne que les
anciens appelaient Parapomisus. Les monts Bactiri qui
s'en détachent, rejoignent l'ouverture Est du Golfe Persique,
tandis que la chaîne principale se continue avec les monts
Hymalaya et les montagnes du Thibet et de la Chine. —
A l'Ouest de l'Indus , cette chaîne détache deux rameaux ,
l'un Nord et l'autre Sud, qui semblent l^lus ancienne
ligne de démarcation entre les races blanches et les races
colorées.
L'Asie , que l'on peut considérer comme le berceau des
races blanches et de plusieurs races jaunes, possède des
types de tous les ordres des anciennes classifications , en
mammifères, oiseaux, reptiles, poissons et invertébrés.
Stérile et inhabitée au centre , où elle forme plusieurs
déserts, elle s'étend depuis le pôle boréal jusqu'à la ligne.
DU SIÈCLE. û95
de manière à offrir aux espèces végétales et animales une
climature qui a puissamment réagi sur les êtres dont elle
est peuplée. Dans ses parties méridionales, les formes et le
pelage des animaux se ressentent de l'activité des agents
vitaux. Que de sujets de méditation pour notre esprit , soit
qu'il s'agisse de préserver notre existence, soit que Ton
désire philosophier sur les beautés et les variétés de la
nature, dans Téléphant à la couleur gris-fer et aux formes
si massives, dans le tigre du Bengale, daps tant d'espèces
d'oiseaux au plumage coloré , dans les affreux boas dont la
masse et les couleurs élégantes semblent refléter leur
climat ! A mesure que Ton s'éloigne des contrées les plus
chaudes, les animaux et les végétaux prennent, dans la
partie occidentale, un aspect européen. Les contrées
orientales, le Japon et la Chine, formées par d'immenses
surfaces de terrams primitifs très-antérieurs à la masse des
plaines d'Occident , se présentent avec un caractère spécial
moins tranché , mais non moins curieux qu'en Australie.
La Chine et le Japon, si spéciaux sous le rapport de
l'aspect raide et vernissé de leurs végétaux, possèdent,
comme le fait remarquer Gérard, des animaux particuliers
qui pourraient s'acclimater en Europe.
L'Asie offre donc deux foyers d'évolutions organiques :
l'un, l'Asie européenne ou occidentale; l'autre, l'Asie
chinoise ou orientale. Les races blanches qui appartiennent
au premier de ces centres, sont au nombre de sept , qui
représentent :
Les Sémitiques , — les Celtes , — les Pélasges , — les
Gaëls, — les Germains, — les Slaves et les Turcs.
Les Sémitiques comprennent : les Hébreux, les Arabes,
les Chaldéens ou Assyriens, les Berbères -et plusieurs autres
peuples. — L'Asie Mineure, et surtout une partie de
l'Annénie, et les bords Sud-Ouest de la mer Caspienne
paraissent avoir été le premier séjour de leurs tribus. Une
figure plus longue que ronde, un menton pointu, des
lèvres minces, un œil dont la cornée est relativement petite,
un iris coloré, un front développé caractérisent les hommes
de cette raee. — Les femmes sont proportionnellement
plus petites que les hommes , excepté chez les Hébreux ;
596 PHILOSOPHIE
leurs mois apparaissent à Tâge de neuf à douze ans , et on
les marie beaucoup trop jeunes : de là une vieillesse anti-
cipée , de là encore une grande infériorité sous le rapport
de Texpérience. Les femmes sémitiques n*étant nubiles que
de dix à vingt ou vingt-cinq ans; il en résulte qu'une
virilité qui dure de quinze à soixante ans, c'est-à-dire
quarante-cinq années, correspond en réalité à trois nubili-
tés : ce qui excuse et légitime les mariages successifs du
même homme avec trois femmes différentes. Cet inconvé-
nient si grave serait considérablement amoindri, si les
femmes de ces races n'étaient jamais mariées qu'après leur
complet développement : fait très-sérieux, que nous ne
saurions trop signaler.
Nous ne pouvons établir une grande différence entre les
Celtes et les Sémitiques. Sortis du même foyer primitif,
les uns se sont épanchés au Nord-Ouest , sur l'Europe , les
autres au Sud-Ouest , sur l'Asie , l'Arabie et l'Afrique. Les
Celtes forment le fond des populations, gallo-romaines de
Belgique, de France, de Portugal, d'Espagne, d'Italie et
de Roumanie. Il faut comprendre , sous cette dernière dési-
gnation, un pays situé sur la rive gauche du Danube,
dans lequel on parle une langue très-rapprochée du patois
provençal et de l'italien. Ce pays se compose de la Vala-
chie , de la Moldavie et d'une partie de la Transylvanie,
On trouve aussi un à deux millions de Roumains sur la
rive droite du Danube.
Les Gaëls et les Celtes Kimry formaient la transition entre
les Celtes et les Germains. Les Gaëls étaient les Gaulois de
la grande race ; ils habitaient , du temps de César, le Nord
de la Gaule. Les Kimry occupent encore de nos jours
l'Ecosse, l'Irlande, la Cornouaille Anglaise et une partie
de la Bretagne Armoricaine. Leur langue présente quatre
formes différentes: l'écossais, l'irlandais, le gallois et le
bas-breton. Cette dernière compte elle-même les quatre
dialectes de Léon, de Quimper, de Tréguier et de Vannes :
celui de Léon est le plus élégant et le plus pur. Les habi-
tants du pays de Galles et ceux de la Bretagne Armoricaine
ont des airs nationaux communs et des chants populaires
identiques, quoiqu'ils soient séparés depuis 1400 ans. On
DU SIÈCLB. 397
trouve chez eux beaucoup d'hommes aux cheveux rouges ;
les enfants, qui plus tard auront les cheveaux châtains ou
noirs, sont blonds ou rouges avant la puberté. Les mois,
cher les femmes, apparaissent de treize à quatorze ans, et
longtemps avant leur complet développement, qui n'est
terminé que vers Tâge de vingt-deux ans. Les lois du
IX* siècle, d'Howel-Dda, Mab-Cadel, Brenin Cymru, qui ne
sont que la reproduction des anciennes coutumes , permet-
taient à la fille de douze ans de demander un mari à son
père. Si celui-ci ne la mariait pas , celte fille devenait
libre de faire à sa volonté ; mais le père n'était plus obligé
de la doter lorsqu'elle avait usé de sa liberté. Cet usage ,
et surtout Tâge de douze ans fixé pour le mariage, indi-
quent une origine asiatique et correspondent à un climat
plus chaud, plus ardent que celui de la Cornouaille Anglaise
et de la brumeuse Bretagne Armoricaine. La langue parlée
encore dans les campagnes de ces contrées en dit autant ;
elle a les formes grammaticales des langues sémitiques, et
renferme une foule de mots de première invention , ime
foule de racines qui appartiennent à Thébreu et au sans-
crit. Son accent est germanique.
Les Pélasges étaient originairement très-voisins des tribus
sémitiques et celtiques. Tout porte à penser qu'ils étaient
situés plus à l'Est et au Sud en arrière du Tigre. Us par-
laient une langue fortement imprégnée de zend ou de
sanscrit, ayant les formes grammaticales de cette dernière.
Leur alphabet allait de gauche à droite , et non de droite à
gauche comme chez les peuples sémitiques. Us ont peuplé
une partie de l'Asie Mineure , la Grèce , les îles de la Grèce
et la portion Sud de l'Italie. Tout porte à croire qu'ils ont
été les fondateurs de Rome , de Marseille et de plusieurs
autres colonies méditerranéennes. Les types de cette race
sont extrêmement remarquables ; nous croyons pouvoir y
rattacher l'Apollon du Belvédère, Thémistocle, Alexandre,
Aristote et les plus beaux de nos Marseillais actuels, ainsi,
par exemple, Martin , le dompteur de lions. Les femmes
pelages sont en tout parfaitement dignes de leur noble
origine : eUes ont fourni à la statuaire grecque ses plus beaux
modèles.
17*
398 PHILOSOPHIE
Les Germains, peuples essentiellement blonds, devaient
Être placés , dans le principe , à côté des Celtes Gaëls et
Kimry, qu'ils suivirent de très-près dans leurs émigrations,
puisqu'ils se sont souvent mêlés et confondus avec eux.
Nous admettons, avec Moke, que leurs premières peu-
plades habitaient très-probablement à l'Est ae la Caspienne,
au-dessus du trente-cinquième degré de latitude. Cette
race a produit les grandes tribus suivantes, qui vivent
encore au sein des populations de l'Europe et des Etats-
Unis :
i** Les Goths, les Visigoths et Vandales mêlés depuis
aux Celtes du Danube, de la France méridionale, de ife-
pagne et de l'Italie ;
2° Les Francs , qui ont de si grands souvenirs politiques,
et dont le sang s'est mêlé à celui des Celtes du Nord de la
vieille Gaule ;
3** Les Saxons , qui se retrouvent en Allemagne, en An-
gleterre, en France et aux Etats-Unis, purs ou mélangés ;
4° Les Scandinaves , à savoir : les Suédois , les Danois et
les Northmans ou Normands , qui ont joué un si grand rôle
en France, en Angleterre et même en Suisse. Ceux-ci, à
qui l'on peut rapporter les Lithuaniens , ressemblent sin-
gulièrement aux Gaulois de la grande race , et formaient
probablement, dans le principe, des tribus intermédiaires
entre les Celtes et les Germains-,
S" Les Bo.urguignons , si reconnaissables encore dans
celte partie de la France et de la Suisse où ils se sont
alliés aux Celtes, de manière à produire Tune des plus
belles et des plus intelligentes des populations européennes;
6** Les divers peuples qui portent aujourd'hui le nom
d'Allemands , auxquels il faut ajouter les Français de Lor-
raine et d'Alsace ;
1"* Les Hollandais.
En les étudiant avec soin , on trouve chez les Germains,
deux types distincts : l'un, que Ton pourrait appeler
normand , semble dominer chez les Normands de France et
d'Angleterre , chez les Scandinaves et les Lithuaniens ; il
était aussi à peu près celui des Francs. — Les'hommes
qui lui appartiennent ont le diamètre antéro-postérieur de
DU SIÈGU. S99
la tête remarquablement développé , le front très-élevé , le
nez rappelant le bec des oiseaux de proie. — L'autre type
plus aUemand, présente un front plus large, un diamètre
transversal plus étendu; Tos frontal est moins élevé, mais
plus saillant au-dessus des sourcils et plus large. Ce type
est extrêmement remarquable chez beaucoup de viennois.
Les qualités qui correspondent au type normand et au type
viennois, son opposé, sont très-différentes. Cette même
division des tribus, sous deux types, peut être aussi
étudiée chez les Celtes. Edwards s'en était servi pour
séparer les Gaulois Gaëls ou Kimry des Celtes proprement
dits ; mais il faut prendre garde d'aller trop loin , car on
serait démenti par les faits. Toutefois ce que l'expérience
vérifie journellement , c'est le développement du sentiment
de l'art et des facultés perceptives chez les Celtes, dont l'os
frontal fait saillie au-dessus aes yeux.
Les races germaniques l'ont emporté longtemps sur les
autres races européennes, par suite de la pureté de leiu^s
mœurs et de la manière si sage dont elles élevaient leurs
enfants. — Reines au foyer conjugal , leurs femmes s'atta-
chaient à retarder le plus possible l'époque de la puberté.
Mariées seulement lorsqu'elles étaient déjà fortes et vigou-
reuses, les filles des diverses tribus germaniques pro-
créaient de beaux enfants , et des enfants bien constitués
par suite de cette sage coutume, dont la violation agit si
défavorablement sur les qualités de la race et la position
sociale des femmes. Les Germains , au point de vue poli-
tique, paraissent avoir constamment préféré l'ivrognerie au
libertinage, et en cela nous les approuvons singulièrement,
encore qu'il soit mieux de n'être adonné à aucun vice.
Aujourd'hui les femmes de race germaniijue , les Améri-
caines surtout , se distinguent par l'association des qualités
morales les plus élevées au savoir le plus étendu ; elles mé-
ritent , par leurs nobles tendances et leurs grandes vertus ,
les pages que nous leur consacrerons dans l'histoire uni-
verselle qui sera le complément de cet ouvrage.
Les Slaves forment aujourd'hui six peuples différents :
ce sont les Russes, les Polonais, les Tchèques ou Bohèmes,
les Slaves Hongrois , les Serbes et les Illyrio-Croates.
400 PHILOSOPHIE
Les Russes ont eu de nombreux contacts avec les jaunes
d'Asie, et leur sang est singulièrement mélangé de sang
mogol ; chez eux , la distance du conduit auditif au devant
de la tête est souvent plus grande que chez les Polonais :
ce qui est un signe constant d'infériorité intellectuelle et
morale.
Les Polonais sont , de tous les Slaves , ceux qui présen-
tent leur type dans sa plus grande pureté. Des habitudes
beaucoup trop belliqueuses et les abus de la table les ont
empochés, jusqu'à ce jour, de mettre en évidence leurs
remarquables facultés intellectuelles. Les guerres et les
émigrations ont détérioré leur race , surtout dans les classes
élevées, que la syphilis, si Ton n'y prend garde, achèvera
d'atrophier; car elle produit les plus grands ravages dans
leurs contrées, ainsi que chez les Roumains.
Les Slaves de la Bohème sont aujourd'hui très-mélangés
par suite d'un long contact avec les Germains.
iiCs Slaves Hongrois ont été un peuple d'Ilotes au sein
de la nation maggyare ou hongroise ; presque partout ils
s'y trouvent maintenant à l'état de paysans.
Les Serbes forment une population d'environ 4 millions
d'hommes, sur la rive droite du Danube.
Les Illyrio-Croates étaient naguère sujets du royaume
de Hongrie. Ces deux derniers peuples se sont mêlés plus
ou moins à la race des Pélasges.
Les Turcs et les Hongrois, leurs frères, sont les débris
de deux grandes tribus qui ont pesé longtemps dans la
balance des destinées européennes ; ils ont , les uns et les
autres, une excessive personnalité. Le gouvernement turc a
compris trop tard ses devoirs de paternité et d'émancipation
vis-à-vis de ses sujets grecs ; il est resté à l'état de tribu
campée en Occident. Le gouvernement hongrois a commis,
de nos jours, une faute parallèle, en se donnant pour idéal
de supplanter, à son profit, la domination autrichienne,
au lieu d'émanciper à temps ses sujets Croates et Rou-
mains.
Les opinions que nous venons d'émettre sur les princi-
pales races européennes sont en désaccord avec celles de
BU SIÈCLE. 401
quelques hommes éminents ; plusieurs demandent à être
motivées.
Edwards a pris les HcHigrois pour des Huns ; mais les
Huns, en très-petit nomlnre, qui existent encore au sein
des Madgf ars , ne forment en aucune façon le fond natio-
nal de la population. Les Hongrois ont une fierté et une
grandeur de naturel tout-à-fait oaraotéristiques ; elles s'al-
lient , chez les femmes , à une remarquable beauté que
l'on ne trouve point chez lesMogols.
Broc a fait des Slaves une race germanique, quoique
les Slaves et les Germains aient été constamment séparés.
Hoke, dans une étude très-belle, mais un peu trop
systématique , qu'il a malheureusement laissée inachevée ,
confond ensemble les Gaëls et les Germains. Il a aussi
imaginé qu'il y avait , sur les bords du Danube , des Slaves
h cheveux noirs et aux yeux bruns , sans tenir suffisam-
ment compte des mélanges des raoes et de l'influence du
climat.
D'autres ont divisé la race blanche en quatre variétés :
la blonde, la rousse, la châtaine et la brune. Cette division
est essentiellement fautive. Les rouges ou roux sont très-
communs chez les Polonais, chez les Celtes Ecossais, chez
les Kimry Bretons ; mais cette couleur passe facilement au
blond et au brun, selon les circonstances, peur reparaître
de temps à autre après quelques générations.
Il est encore très-inexact , soit au point de vue de la
t)hysiologie , soit au point de vue de l'histoire, de diviser
es blancs d'Orient en deux branches, l'une arabique,
l'autre adamitique ou sémitique , et de placer dans la haute
Egypte le berceau de cette seconde race qui aurait fourni
les Phéniciens, les Chaldéens, les Hébreux, les Berbères
et les Assyriens; tandis que les langues, lesieUgions, les
traditions nous montrent que ces peuples étaient originaires
des environs des sources de l'Ëuphrate; que tous étaient
Ariens ou voisins de l'Ârie, à l'exception toutefois des
Chaldéens et des Phéniciens , qui sont venus des bords Est
du golfe Persique, et qui ont été civilisés par des étrangers
arrivés par mers en leur pays.
Conclurons-nous de ce qui précède que nous avons
402 PHILOSOPHIE
suffisamment indiqué la solution des problêmes que com-
porte Tétude des peuples européens? Non sans doute : nous
n'osons rien affirmer quant aux Finois, ni quant aux
Basques. Nous ignorons quelles étaient ces peuplades aux
cheveux noirs et frisés, que César trouva dans la Grande-
Bretagne. Nous n'oserions affirmer non plus que l'Europe n'a
pas eu de race authoctone , et que les Ibères n'ont pas été
fréquemment visités par les Phéniciens , qui avaient trans-
porté le culte de Bel ou Belus sur la côte Sud du Mor-
bihan , là où le mot bélec se tradmt encore à cette heure
par le mot prêtre.
Passons maintenant aux races colorées de l'Asie. L'Inde
Anglaise nous paraît avoir été le théâtre de luttes anciennes
et de conquêtes qui se perdent dans la nuit des âges ; elle
a des noirs d'ébène , des noirs bronzés , des noirs à teinte
cuivrée , des jaunes à teinte noire et des jaunes presque
blancs. Ces transitions dans les nuances sont la preuve
évidente de nombreux mélanges. Les hommes de l'Inde
ont tous en général de très-belles formes ; mais les femmes
varient : elles ne méritent en aucune manière, dans plu-
sieurs tribus, leur réputation de beauté.
Au chapitre VI de la Bible, nous trouvons le souvenir
d'une antique tradition qui peut avoir, dans l'Inde , son
explication. Il s'agit, en s'attachant plus au sens spirituel
qu'au sens matériel des mots , d'émanations intellectuelles
de la divmité qui prirent pour épouses des formes corpo-
relles. Pour la première fois. Moïse parle des néphilêenSf
c'est-à-dire des nobles ; ils engendrèrent , dit-il , les Gibo-
réens , ces héros dont les noms ont été si célèbres dans la
profondeur des temps. — Ce chapitre, inexplicable et
mexpliqué , devient moins obscur si l'on veut comprendre
qu'il s'agit de l'union d'une race philosophique et sacer-
dotale , comme les sages Hyrcaniens (les grands blancs) ,
avec les filles d'hommes non encore civihsés: ce qui est
d'autant plus probable que la Bible nous rappelle que ces
filles étaient belles.
Dans les castes supérieures des Indous , les femmes sont
très-remarquables ; elles ont les épaules élégantes , le sein
bien conformé, mais placé un peu plus bas que dans la
BU SIÈCLB. 403
race blanche. Leurs yeux sont noirs, leurs sourcils noirs et
arqués. Elles ont peu de poil au pubis, passent pour
lascives et sont mères de très-bonne heure : aussi leur
existence est-elle de courte durée. Ces divers caractères
se modifieraient promptement si les lois religieuses et
civiles s'attachaient à prolonger les enfances et à retarder
1 époque de la nubilité : deux conditions auxquelles l'affran-
chissement moral et intellectuel de la femme se Ue étroite*
ment, et qui font la supériorité des Américaines. Les
hommes de ces castes ont environ cinq pieds deux pouces ,
les cheveux plats et noirs , la barbe peu fournie, si ce n'est
au menton.
Les Gitanes ou Zengaris, si communs en Espagne et
que l'on retrouve dans le Midi de la France et dans quel-
ques autres contrées, nous ont toujours paru de race
indoue. Les études que Rienzi a bien voulu faire à cette
occasion, sur notre demande, sont venues confirmer nos
prévisions physiologiques. Issus de l'une des castes infé-
rieures de l'Inde , les Gitanes , plus connus encore sous le
nom de Bohèmes, sont en Europe depuis le XV** siècle.
Leurs femmes sont souvent remarquablement jolies.
Les jaunes de la Chine , de la Cochinchine , de Siam et
du pays des Birmans ne forment qu'une seule race qui
habite en partie le long des fleuves ; elle se nourrit de riz
et de poisson, et change d'habitation, au dire de Desmbu-
lins , avec la plus grande facilité , selon la convenance de la
pêche , les exigences de la moisson ou les besoins de sa
sécurité , lorsque l'ennemi tient la campagne. Telle ville ,
qui est aujourd'hui sur le bord de la mer, se trouvera
dans un mois, à quinze ou vingt lieues du rivage. Les
femmes de cette races sont pubère de bonne heure et d'une
extrême fécondité, qu'il faut peut-être attribuer à leur
nourriture. Dès l'âge de dix-sept à dix-huit ans, les mamelles
leur tombent jusqu'au nombril. Les hommes ont une taille
moyenne de cinq pieds quatre pouces ; leur figure est large
à la hauteur des pommettes qui sont saillantes : aussi le
front paraît- il se rétrécir fortement sur les côtés pour arri-
ver à se terminer en pointe. Le nez est droit, les yeux sont
fendus en amandes et légèrement obUques; l'iris est brun
404 PHILOSOPHIB
foncé , la conjonctive légèrement jaune ; les formes du corps
sont belles et régulières.
La civilisation de ces peuples remonte à une très-haute
antiquité , mais leur langue , leur écriture et leurs mœurs
ont en quelque sorte arrêté tout progrès dans ces belles
contrées où rien ne manque cependant, ni le génie de
rhomme , ni Tesprit d'industrie et de patience , ni la rési-
gnation au travail , ni la fertilité du sol , ni la richesse des
mines, ni les ports magnifiques, ni les grands fleuves.
Partout, à cAté de ce qui pourrait créer la grandeur et le
bonheur des populations , on trouve jusque dans les plus
infimes détails de la vie , une étiquette qui règle tout , qui
asservit tout, qui entrave tout. La religion dominante est
le bouddhisme ; les expositions d'enfants sont permises , et
les mœurs diffèrent essentiellement des nôtres. Le code de
la civilité puérile et honnête est ici en pleine vigueur ; il
règle, jusque dans les plus minutieux détails, les rapports
du clergé, de la cour, de la magistrature et du commerce;
tout, jusqu'à la durée, la tournure et l'intonation des phrases,
l'attitude des personnes diverses, les vêtements et le mobi-
lier des individus, et Ton devient justiciable, non pas de la
mode (il n'y en a point dans ses contrées), mais de la police,
si on change un iota à ce qui a été accepté et consacré par
l'usage depuis des siècles.
Tous les jaunes, dont nous parlons en ce moment , sont
extrêmement sobres ; ils boivent rarement de liqueurs
fortes, mais iU adorent l'opium et les parfums. Sur tous
les marchés, où ils se présentent comme ouvriers, marins,
porte-faix, laboureurs, commerçants, prêteurs à la petite
semaùie ou banquiers d'un ordre plus élevé , leur adresse ,
leur patience et leurs habitudes leur donnent une grande
supériorité sur leurs concurrents ; aussi deviendraient-ils
pour nous les rivaux les plus redoutables, s'ils avaient une
autre langue, une autre écriture, et s'ils se livraient à
l'élude des sciences d'Occident.
Les Mogols ont la taille moins élevée que les jaunes
dont nous venons de parler. Leur tête est plus volumineuse,
leurs épaules sont plus fortes, leurs yeux plus petits et très-
éloignés l'un de l'autre, leur peau plus jaune. Leur visage est
BU SIÈCLE. 405
ridé, leurs pommettes^sont extrêmement saQlantes , ce qui
rétrécit encore le front ; les poils sont rudes et ressemblent
à du crin ; leurs cheveux sont très»longs. Cette race fournit
quatre variétés : les Tongoiurs , les Mongols , les Kalmouks
et les Yacoutes. Ces derniers sont très^laids et tout-à-fait
nomades.
Les Lapons, les Samoïèdes et les Esquimaux forment
les trois variétés d'une dernière race, désignée par les
physiologistes sous le nom d'hyperboréenne , parce qu'elle
habite le pôle Nord du globe. Us ont de quatre à cinq
pieds de hauteur, la tête enfoncée entre les deux épaules ,
le corps musculeux , les cheveux noirs et un peu rappro-
chés du crin, les jambes courtes et trôs^grosses , la figure
courte et ronde , le nez écrasé, les narines ouvertes, les
pommettes saillantes, peu de barbe. Les femmes sont
parfois laides à faire plaisir; leurs mamelles sont démesu-
rément longues; eUes ont le vagin extrêmement large,
aussi accouchent-elles avec facihté.
Dans cette race, le cerveau est plus volumineux que
dans la nôtre , mais cet excès ne porte pas sur les
facultés intellectuelles et sociables ; au contraire , c'est à
l'opposé: c'est à la base du crâne qu'à lieu un grand
développement signalé par Blumenbach.
La couleur de cette race est cuivrée ; cependant l'on a
rencontré des hyperboréens qui étaient très-noirs.
Ces malheureux , au dire des voyageurs , vivent en fa-
milles et dans la plus grande promiscuité. Leurs huttes
sont en partie souterraines ; le chien et le renne sont
leurs animaux domestiques. Presque tous parviennent à
un âge très-avancé , et jamais ils ne sont malades , malgré
la dureté de leur vie. Leur intelligence ne s'est pas
fatiguée à la recherche des causes; ils ne comprennent
rien aux idées intellectuelles qui passionnent les Euro-
péens , et ne se doutent pas que l'on puisse faire la guerre
pour se disputer le sol. Presque tous ceux que l'on a
enlevés à leurs pays sont morts de nostalgie dans nos
contrées.
Que conclure maintenant de ce qui précède , si non que
406 PHILOSOPHIE
dans le genre humain ou bimane les espèces très-rappro-
chées les unes des autres, beaucoup plus que dans le genre
quadrumane, peuvent toutes s'accoupler et donner naissance
à des hybrides ou mulets reproducteurs.
Pour nous , qui avons recherché la vérité avec la bonne
foi la plus scrupuleuse, nous croyons que le geiu^e homme
a paru primitivement dans chacun des centres d'évolution
par une ou par plusieurs espèces. Nous en admettons :
Une pour TAustraUe ;
Deux pour l'Afrique ^Méridionale : les Hottentots et les
Gafres ;
Deux pour l'Afrique Septentrionale : les Yolofs et Man-
dingues et les Moutchicongo ;
Quatre pour les deux Amériques , à savoir : les peaux-
rouges, les Caraïbes, les Araucaniens et les Patagons ;
Trois pour l'Asie : une pour les races blanches , une
pour les races jaunes, une troisième pour les. races hyper-
boréennes.
Nous faisons d'ailleurs nos réserves sur des questions qui
sont encore indécises dans notre esprit : ainsi nous croyons,
ou plutôt nous supposons que les nègres d'Oeéanie sont
des advènes, des étrangers. Nous supposons encore que
les Papouasiens sont issus de leur croisement avec les
Australiens ; que les Malais peuvent avoir été produits par
un croisement des jaunes avec les nègres ; que les jaunes
de rOcéanie sont ou peuvent être des jaunes asiatiques,
ainsi que les Péruviens et les Mexicains. Cependant nous
devons faire remarquer que leurs types se sont singulière-
ment modifiés dans leurs pérégrinations. — Si nous sommes
conduit , par les faits , à admettre une race blanche pri-
mitive , nous avouons aussi très-franchement que l'existence
de plusieurs races primitives a ses probabiUtés ; nous en
devons dire autant pour les races jaunes asiatiques et pour
les races hyperboréennes.
Notre conclusion , formellement contraire à l'opinion de
Cuvier, a pour elle les études si philosophiques de De La-
marck, de Geoffroy Saint-Hilaire père, et un passage
trop souvent oublié du fameux discours de René Descartes ,
sur la méthode ; en deux mots, la voici :
BU SIÈCIB. 407
L'homme a paru très-probablement à la fois, par une
ou par plusieurs familles primitives, dans chacun des cen-
tres d'évolutions organiques que nous avons signalés. —
Dans chacun de ces centres il a possédé , dans un passé
complètement obscur pour nous, mais qui devra s'éclairer
quelque peu au flambeau de la géologie, des conditions
très-différentes d'existence, créées par les positions géogra-
phiques et par des influences héréditaires , filles d'un état
antérieur qui nous est inconnu, mais que les lois de mieux
en mieux appréciées des transformations organiques
pourront faire connaître un jour.
Les monuments de l'Egypte , en montrant que les types
des Hébreux , des Arabes , des Persans et des Elhyopiens
ne se sont pas modifiés sensiblement depuis trois et quatre
mille ans, établissent de la manière la plus évidente que
plusieurs milliers d'années ne sauraient suffire à expliquer
les variétés anatomiques dans les couleurs , les formes et
l'ost^logie des familles primitives. EUes ne sont la consé-
quence ni des variations ae la nature , ni des besoins divers
des races , ni de leurs habitudes spéciales : les seules
modifications dont la science puisse accepter et discuter
l'action , vis-à-vis de ceux qui croient à la création spon-
tanée de l'homme , le plus parfait de tous les assemblages
d'organismes qui existent à la surface du globe. Elles sont
donc spéciales , et naturelles à chacune des espèces hu-
maines.
Au point de vue de la zoologie , pourquoi dire que le
genre bimane ne se compose que d'une seule espèce ? Dit-
on, par hazard, que les chevaux d'Asie, le cheval, l'onagre,
l'àne et l'hémionef et les chevaux d'Afrique , l'âne tigré et
le couagga , sont sortis de la même souche ei du même
couple. U y a cependant moins de distance anatomique
entre l'hémione et l'âne qu'entre le Germain et le Scan-
dinave, d'une part; l'Australien et leHottentot, de l'autre.
Au point de vue religieux , est-il sûr que Moïse , si
éminent à son époque, ait été bien traduit? Adam n'est-il
pas un terme générique qui signifie, en hébreu, l'homme
universel? Pourquoi rejetterions-nous cette pensée que
d'Olivet attribue à Moïse, d'avoir distingué, à la surface
408 PHILOSOPHIE
(lu globe, quatre mouvements, quatre règnes, à savoir:
les règnes
Minéral ,
Végétal,
Animal,
Hominal ou adamique.
Plus on étudie la nature, ce grand livre des divines
révélations dont la science seule permet de déchiffrer
Quelques pages, plus on reconnaît que cette providence,
evant laquelle grands et petits , tous nous devons nous
incliner, avait réuni, il y a bien des milliers d'années,
les éléments qui devaient former les grandes séries des
ôtres, de telle sorte qu'il y eût pour chaque genre, émana-
tion au sein dun milieu préexistant, et développement
progressif sous l'influence des lois de la vie.
Disons donc que le genre homme marche de la multipli-
cité vers l'unité, sous la double influence des croisements
et de l'éducation : ce qui revient à dire aussi qu'il n'a
point acquis son parfait développement. Toutes les races
s'amélioreront encore : l'éducation, en perfectionnant les
facultés intellectuelles et morales , rendra nos neveux plus
habiles à percevoir et à juger les rapports des formes, des
couleurs et des sons, les harmonies de toute nature. Déjà
depuis plusieurs nlille ans , et surtout depuis Pythagore ,
elle nous enseigne à marier les sentiments moraux aux
impressions des sens , en développant de la façon la plus
remarquable l'idéal et la sentimentalité. Mais l'avenir ne
saurait s'arrêter dans cette voie; il voudra prolonger le^
enfances et retarder les mariages : prolonger les enfances
pour agir plus longtemps sur le développement intellectuel,
à cet âge où le cerveau est si malléable ; il retardera les
mariages pour avoir des enfants plus forts, plus vigoureux,
plus robustes , des enfants qui reproduisent mieux les types
des parents avec leurs facultés acquises. — De la sorte , ce
que le cœur donne aujourd'hui de sang au cerveau , se
portant surtout vers les parties antérieures et supérieures ,
le front s'élargira, s'élèvera et se redressera ; l'angle nor-
mal dépassera 90 degrés; la distance de la racine du nez
au conduit auditif augmentera encore. La bouche perdra
DU SIÈCLE. 409
ses restes de bestialité pour n'être plus, dans toutes les
races, que rinstrument du sourire, de la parole et du baiser,
trois choses si délectables et si purement humaines.
Embelli de la sorte dans son visage , grandi en force ,
en intelligence, en bonté, l'homme des âges futurs
s'avancera vers le bonheur, avec la conscience de ses hautes
destinées.
410 PHILOSOPHIE
LIVRE VI.
VIES SOCIALES.
l'homme et l'humanité.
Ce livre se divise en deui parties distinctes : la première
n'est que la continuation de l'étude des vies animales ;
l'homme y apparaît d'abord, au premier plan, comme
chef de l'animalité , puis ensuite comme fonction de l'hu-
manité. — Dans la seconde partie, nous avons esquissé à
grands traits Thistoire de l'humanité, en montrant, à
travers les âges , les transformations subies par les princi-
paux organes de cet être collectif et par les phénomènes
auxquels ils donnent lieu. Les castes, l'esclavage, le ser-
vage , le prolétariat, le mariage, la commune , les grandes
unités territoriales des empires et les civilisations diverses ,
avec leur commerce, leur industrie, leurs beaux-arts et leurs
sciences ont singulièrement fixé notre attention. Nous avons
compris, en écrivant cette partie de notre travail, qu'il ne
s'agissait de rien moms que d'établir la ckarpente d'une vé-
ritable histoire universelle.
DES SENS.
eÉI^ÉEALITÉS.
Depuis des siècles on oppose la matière à l'esprit, les
sens à l'intellect : moutons de Panurge que nou3 sommes.
BU SIËGLB. 411
nous marchons à la suite du premier venu qui se dit bélier
du troupeau, sans examiner sérieusement ses droits à nous
conduire et sans souci de vérifier si l'on nous mène par
une bonne route. — La vie est la plus unitaire des
choses, quoique Ton puisse soumettre successivement à
l'analyse ses divers phénomènes.
Toute existence , si personnelle qu'elle nous paraisse,
se rattache incessamment en mille manières à la grande
vie de la nature. — Dans ses progrès continus vers des
organismes de plus en plus parfaits, la substance ani-
male subit , dans ses combinaisons et dispositions consécu-
tives , de nombreuses métamorphoses qui toutes semblent
avoir pour but, et présentent en effet pour résultat, la
perfection toujours croissante des rapports de l'individu
avec le monde qui l'environne , des connaissances de plus
en plus précises , des informations de plus en plus exactes
sur le cosmos , dont l'homme est sur cette terre la brillante
et intellectuelle animation.
Pour le physiologiste , les sens ne sont que des appareils
électro - clumiques , prolongements nerveux formés en
racines du côté du cerveau , merveilleusement disposés à
l'autre extrémité pour leur usage spécial. C'est par eux
que l'organe intellectuel va au devant de ces impressions
extérieures, à l'occasion desquelles l'intellect présente
cet état phénoménal qui s'appelle sensation, sentiment
vague et connaissance.
Ne voulant procéder à la manière des philosophes
d'église ou de collège qui ne sont que des métaphysiciens,
mais bien selon la méthode expérimentale et comme
Hyppocrate , ^[i allant du connu vers l'inconnu , nous
allons entrer de suite dans la question et l'attaquer dans
le vif. C'est aux faits de mieux en mieux étudiés, c'est
aux log^ues conséquences qui en découlent que nous
adresserons nos interrogations sur la puissance , l'étendue ,
l'avenir des manifestations de la vie animale et surtout de
la vie humaine.
Chez les êtres les plus inférieurs, la sensation dépasse-
t-elle le toucher ; va-t-elle au-delà de la principale partie
nerveuse de la portion de leur être, qui a subi l'action d'un
412 PHILOSOPHIE
corps étrangers ? quelle différence , au fur et à mesure que
l'existence d'un centre nerveux vient individualiser la vie
et lui donner une personnalité de plus en plus prononcée !
Alors le sens du toucher, perfectionné selon les essences
dont il doit recevoir le contact , devient successivement :
Le toucher proprement dit ;
Le goût ou toucher des réactions chimiques et molécu-
laires ;
L'odorat , le toucher des odeurs et des parfums ;
L'ouïe, le toucher des ondes sonores;
La vision , le toucher des ondes ou vibrations éthérées.
Remarquons maintenant que partout la même disposition
préside à la perfection des impressions fournies au cerveau
par les sens. Pour la main, les filets nerveux sont protégés
contre une pression trop rude , par un matelas graisseux
semi-liquide , et par l'épiderme contre les actions chimi-
ques ou moléculaires de certains corps.
A la langue , l'épiderme est remplacé par quelque chose
de bien plus délicat, par une membrane beaucoup plus
mince appelée épithelium, et les papilles nerveuses plongent
en quelque sorte dans la saUve, soit pour l'organe du
toucher Ungual, soit pour celui du goût, deux choses qu'il
faut distinguer.
Le sens de l'odorat nous présente un nerf épanoui en
une membrane très-bien abritée par le nez et constamment
lubréfiée par une sérosité.
Le nerf auditif se termine au milieu d'un liquide destiné
à protéger sa sensibilité et sa délicatesse.
Le nerf de la vision aboutit à une membrane , la rétine ,
qui tapisse le fond d'un globe rempli de liquide servant à
protéger sa souplesse et son extrême sensibilité.
Partout , on le voit , le nerf qui doit recevoir l'impression
d'un toucher quelconque se trouve protégé par lu nature
et mis à l'abri des agents qui pourraient l'altérer dans sa
délicatesse par dessication ou de toute autre manière ;
mais pour le plus parfait do^^ns, pour l'œQ, le nerf
se trouve cependant en contact Tlfrect avec les ondes lumi-
neuses.
La sensation si simple en apparence chez les êtres les
BU SIÈCLB. 415
plus inférieurs, se compose chez l'homme de trois opéra-
ticms ou phénomènes :
L'impression électro-magnétique sur les sens,
La transmission au cerveau par un conducteur nerveux ,
La perception cérébrale de l'impression.
Gaidez-vous d'attribuer aux sens, selon l'habitude des
gens irréfléchis ou de certains physiologistes, les erreurs qui
peuvent être dues à d'autres causes. Une faute de sensation
peut tenir soit au sens , soit au conducteur, soit au centre
cérébral où elle est conduite.
Les sens sont actifs ou passifs en leur manière de se
présenter au-devant des impressions, et cette observation
est si vulgaire et si ancienne, quoique confuse en nos
esprits , qu'elle a été consacrée par le langage populaire.
Ne dit-on pas :
Toucher — et — palper.
Goûter — et — déguster,
Sentir — et — odorer ou flairer,
Entendre — et — écouter.
Voir — et — regarder ?
Prenons l'œil pour confirmer ce qui précède. L'œil est
un daguerréotype véritable : la volonté le prépare et dis-
pose pour recevoir les impressions, quasi comme elle
prépare le daguerréotype , en découvrant l'objectif : de là
ses deux états dans le rôle qu'il remplit de sentinelle
avancée. — Passez au mercure la plaque daguerrienne , et
vous fixerez l'impression fugitive produite sur l'argent
ioduré ; de même que votre attention se combine avec la
perception oculaire, et de cette combinaison de chimie
transcendante entre des éléments éthérés impondérables et
spirituels, il naîtra une impression plus ou moins fixe,
plus ou moins durable. Le temps l'effacera sans doute,
comme il fait pour les dessins daguerriens, comme il
efface et use tout en ce monde , et les inscriptions vani-
teuses écrites aux arcs de triomphes des rois et des grands
généraux, et les inscriptions même de leurs monuments
funéraires. Ne soyons donc pas étonnés de voir l'oubli se
promener aux facultés cérébrales.
L'hooune civilisé, avec des sens souvent inférieurs à
18
414 PHILOSOPHIE
ceux des animaux et de Thomme sauvage, leur est
cependant très-supérieur en sa manière de juger les
phénomènes. Les prédispositions intellectuelles sont donc
essentiellement importantes à observer dans Tétude des
sensations ; de là , par suite , un idéal que l'éducation
devra développer : idéal incompris des anciens, vaguement
connu des modernes, étudié seulement avec quelque
conscience depuis un demi-siècle.
Du Toucher. — Ne confondons point le tact ou palper
et le toucher. Le tact suppose une activité du sens du
toucher qui serait passif dans le second cas. Ne dites-vous
pas tous les jours : J'ai vu sans voir, attendu que je ne
regardais point?
Par le toucher, notre intelligence s'éclaire sur la solidité ,
la pesanteur, l'étendue , la chaleur, l'humidité, la séche-
resse , la position et la forme des corps. — On a dit à tort
qu'il fallait distinguer entre les sensations de contact , de
résistance et de température relative. La sensation de con-
tact com,porte et renferme nécessairement les deux autres.
Les nerfs qui servent au toucher chez l'homme sont :
Les trenle-et-un spinaux postérieurs ;
La grosse racine du trijumeau (cinquième paire) ;
Le glosso-pharingien ;
Le pneumo-gastrique.
Il est difficile d'apprécier le toucher diez les autres ani-
maux ; cependant il est bien évident qu'il s'élève et se
perfectionne dans la série des êtres.
Qu'est-ce que le toucher des éponges ?
Qu'est-ce que le toucher des polypes?
Chez les mollusques , le toucher est souvent facilité par
des organes qui servent à d'autres fonctions et par une
peau souple et humide.
Le toucher est déjà développé chez certains insectes : la
chenille de la phalène, écaille marbrée, et beaucoup d'au-
tres, se pelotonnent sur elles-mêmes aussitôt qu'un corps
étranger les inquiète par son contact. D'autres animaux
inférieurs , les crustacés,. par exemple, possèdent des poils
vibratiles qui se rapportent au sens qui nous occupe.
BU SIÈCLB. 415
Plusieurs poissons présentent des organes analogues aux
moustaches des chats ; d'autres ont autour de la tête ou du
museau lui-même des barbillons dont Tusage n'est pas
douteux.
La langue de la couleuvre est un organe tactile.
Les crapauds, les grenouUles surtout, ont une peau
assez sensible.
Chez les oiseaux , les pattes , le bec et quelquefois la
langue servent au toucher, qui n'est que peu développé dans
cette grande série d'êtres.
Le museau, chez beaucoup de mammifères, est le
principal organe des sensations du toucher, et déjà , au fur
et à mesure qu'il se développe, on le voit entrer en
communion avec les organes de l'odorat et surtout du goût,
c'est-à-dire qu'il se présente sous deux formes nouvelles.
Chez les animaux de l'espèce du cheval et du chien , les
lèvres servent à reconnaître la nature des corps; chez
d'autres, les chats, les rats, les phoques, les moustaches
sont un organe tactile assez délicat. Les chiens et quelques
autres animaux pratiquent aussi un toucher grossier
avec les pattes de devant qui leur tiennent lieu de mains.
Chez les singes, qui n'ont point de pieds, mais quatre
mains bien inférieures à celles de l'homme , nous voyons
une évidente progression vers le mieux.
Chez l'homme, le toucher peut avoir lieu passivement
par toutes les surfaces du corps, qu'elles soient recou-
vertes par la peau ou par une muqueuse, comme aux
lèvres et à la langue ; mais c'est à l'extrémité de la langue
et à la pulpe des doigts qu'il s'exerce surtout d'une ma-
nière active. Presque partout ailleurs ce sens est cons-
tamment passif. — Buffon a écrit de belles choses, en
phrases magnifiques, sur le toucher; il en a fait le seul
moyen que l'homme possède d'acquérir des connaissances
réelles et positives. Etrange erreur, qui se lie à celte autre :
Toutes les sensations nous viennent d«»s sens. — Trop peu
avancée encore ai^ siècle dernier pour parler toujours
scientifiquement, la physiologie par Buffon s'efforçait, par
le nombre et la grandeur des idées , par une habile méta-
physique, par la magnificence du style, par le merveilleux
416 PHILOSOPHIE
apprêt qu'il savait donner à ses pensées pour les faire
goûter, de remuer les intelligences. Toutefois Térudit et
savant prosaïsme des professeurs de notre époque ne
saurait nous satisfaire. Buffon était sur la route de cette
proposition :
Il n'y a qu'un sens.
Nous la démontrerons, ou plutôt elle est déjà démon-
trée. D'autres en tireront des conclusions nombreuses au
fur et à mesure que la physique se perfectionnera.
Certes les sens , surtout chez l'homme , ne sauraient se
suppléer ; mais nous avons vu, chez des aveugles et chez
des malades, la peau du front percevoir la sensation du
rouge. Ce fait s'est manifesté à nous quatre fois en vingt
ans , sur environ vingt-quatre mille personnes, c'est-à-dire
une fois sur six mille; et dans les ordres inférieurs à
l'homme , les transmutations sont nécessairement bien
plus fréquentes. Pour savoir ce que le toucher peut pro-
duire , il faudrait en quelque sorte avoir été successivement
aveugle et sourd, recouvrer les sens de la vue et de l'ouie
et les perdre ensuite.
Une petite expérience très-simple permet d'apprécier la
valeur tactile des diverses parties du corps et la direction
de cette valeur. Prenez un compas ouvert de trois centi-
n^tres , puis de deux , puis d'un seul , puis réduisez l'oru-
verture à quelques millimètres et promenez-le sur toutes
les parties de votre ôtre : vous remarquerez , par exemple ,
qu'à deux millimètres d'ouverture vous éprouvez deux
sensations, à l'extrémité de la langue et à la pulpe de
l'index, tandis que partout ailleurs la sensation sera
unique. Mais, cette sensibilité, qu'elle varie selon les
âges, les professions, les spécialités des natures et l'édu-
cation I
L'idéal des jouissances que le sens du toucher procure
ne se révèle dans toute sa plénitude que sous l'influence de
l'amour. Heureux celui qui a été dressé par son éducation
à comprendre tout ce qu'il doit y avoi%d*intellectuel et de
moral dans la suprême communion des existences. —
Hommes profanes et débauchés, qui marchandez, qui
tarifez l'amour, quand donc comprendrez-vous ce qu'il y a
BU SIÈCLE. 417
de plaisirs dans la vertu, et de vertu dans les plaisirs
auxquels président l'esprit et le cœur !
Du GouT. — Qui me dira Torgane du goût chez les
éponges et les polypes; le goût du rotifère, le goût des
mollusques ? Toutefois on ne saurait nier Texistence d'un
goût tel quel chez la mouche, qui aime le lait et les liquides
sucrés; chez la sangsue, que vous excitez à prendre en
mouillant la peau avec un liquide selon ses sympathies ;
chez la chenille , qui se nourrit de telles et telles feuilles,
laissant les autres alors même qu'elle n'aurait rien à
manger.
Chez les poissons, l'organe du goût est bien peu de
chose, puisque leur langue est un véritable instrument de
préhension souvent armé de crochets ; mais il se peut que
le sens qui nous occupe ait alors un siège à la gorge et au
palais.
Chez les reptiles , le goût paraît plus développé ; il en
est cependant, comme les crocodiles, qui avalent trop
gloutonnement cour qu'on ne les mette pas sur la même
ligne que les poissons. Plus les animaux mâchent et écra-
sent leur nourriture , plus ils la mettent en tel état que la
saveur puisse être perçue.
Le sens du goût est encore très-imparfait chez les oiseaux.
Dans cette série , les espèces qui mâchent leur nourriture
possèdent évidemment le goûter à un degré supérieur aux
autres ; mais chez eux le goût et le tact semblent presque
confondus : ils s'exécutent avec une muqueuse trop humide
poiu- que le goût n'existe pas , trop peu mouillée cependant
pour que le goût existe dans sa plénitude.
Les langues des chiens et des singes offrent, avec celles
des hommes, une grande analogie. Chez nous, que de
nerfs se rendant aux papilles nerveuses de la langue ! que
d'étendue dans les surfaces hilérieures de la bouche qui
peuvent aider à goûter! et surtout que d'humidité dans
cette bouche ! Nous est-il possible d'écarter et de resserrer
les mâchoires sans y faire couler un liquide abondant?
Si le corps introduit dans la bouche est insoluble, il sera
insipide, et le goûter deviendra simplement du toucher.
418 pniLosopHiB
Mettez du verre, du cristal de roche, du diamant sur la
langue , Thumidité n'ayant sur ces corps aucune action, le
sens du goût n'accusera que leur dureté. C'est ce qui a
lieu pour les malades auxquels on administre de Toxide
blanc d'antimoine : ce corps leur fait l'effet de silice en
poudre. D'autres corps, quoique solubles, ne se dissolvent
point assez promptement pour ne pas agir de la même
manière , tout en donnant dans la bouche un goût réel :
ainsi font le sucre de pommes , le sel en gros grains , etc.
D'autres corps très-insolubles , mais odorants , agissent
sur le sens olfactif en plaçant le sens du goût dans la même
position que le toucher ordinaire. D'autres enfin agissent
dans la bouche en produisant trois sensations différentes :
l'une de toucher, l'autre de gcût, la troisième d'odorat.
C'est ce qui a lieu pour les pastilles de menthe , pour le
chocolat à la vanille , etc.
La perfection d'un sens exigeant sa spécialité aussi
complète que possible, il était naturel que chez l'homme,
dont le goût est si délicat , certains filets nerveux fussent
consacrés au toucher, d'autres au goûter.
On voit quelquefois la paralysie du toucher, de la langue,
sans qu'existe celle du goût. Cet accident a eu lieu momen-
tanément chez nous-même , à la suite d'expériences phy-
siologiques, et nous le croyons assez commun.
Qui me dira l'essence du toucher, l'essence du goût ?
L'électro-chimie joue ici un très-grand rôle, ou plutôt elle
est tout. — L'industrie moderne a créé un œil factice dans
lequel, ô prodige! elle est parvenue à fixer les ondes
lumineuses, ce qui constitue l'impression émanée d'un
corps souvent très-éloigné. Elle peut représenter aux yeux
l'image des sensations ; ainsi très-souvent pareille chose a
lieu, en son genre, pour l'ouie. Mais l'odorat, le goût et
le toucher sont les sens matériels par excellence : en dehors
du contact , ils ne nous laissent que le souvenir.
Quel est l'idéal du goût? en a-t-il réellement un? ou
plutôt n'est-il pas conduit par notre éducation , dont il
est une dépendance ? Jugeons-nous toujours de la même
manière les mêmes impressions ? La bière et le café ont-
ils pour nous le même attrait dans l'enfance et dans un
BU SIÈCLE. 4J9
âge plus avancé ? Le café n'est-il pas jugé très-différem-
ment selon les habitudes intellectuelles des individus ?
N'y a-t-il pas une différence sensible entre le goût d'une
cuisinière , qui ne redoute pas le mélange de chicorée et
qui s'en rapporte à son épicier sur la valeur du café , et le
goût d'un homme d'études qui le voudra amer et parfumé?
Il serait possible, à cette occasion, de faire de longues
et délectables causeries, d'appeler à discuter en ce livre le
sauvage qui mange de la chair de baleine presque pourrie
et les disciples de Brillât-Savarin; mais l'utile avant tout.
Remarquons donc et admirons d'abord combien, pendant
nos maladies et surtout pendant nos maladies intestinales,
le sens du goût se trouve altéré par suite de cet euduit
muqueux qui a modifié l'organe de la perception des sa-
veurs. La sensation du goût a cessé d'être vraie, non par faute
cérébrale , non par faute des nerfs conducteurs , mais par
l'altération du sens lui-même qui perçoit les saveurs au
miUeu d'un liquide mélangé de mucus , dictant ainsi à notre
économie la prudence qu'elle doit prendre pour guide.
Le goût pouvant être singulièrement modifié par l'édu-
cation, nous sommes conduits à nous demander dans quelle
voie l'homme doit diriger ce qui concerne son alimentation.
Lui faut-il un régime végétal, ou fortement animalisé, ou
bien son régime doit-il varier en raison des lieux, des
climats , des professions ? Poser ainsi la question , c'est la
résoudre. Le pêcheur, le chasseur, le marin , l'ouvrier à
travail musculaire des contrées du Nord , ont besoin d'une
nourriture fortement animalisée et de boissons amères et
toniques; il faut qu'ils suppléent, par une grande nourri-
ture prise sous un petit volume , aux pertes continuelles
occasionnées par leur travail , et puissent résister à l'action
si énervante du froid humide. Mais le philosophe doit
désirer que cette nourriture, aussi substantielle que possi-
ble , soit très-éloignée, par son aspect et sa nature , de celle
des animaux carnivores. La viande cuite étant tout aussi
nutritive que la viande crue et n'ayant pas les mêmes
rapports avec les instincts de férocité, lui sera toujours
préférée. — Les Indous , et après eux les Egyptiens , la
secte des esséniens chez les Juifs et quelques sectes chré-
420 PHILOSOPHIE
tiennes , nous paraissent avoir outré ce principe en impo-
sant des jeûnes et en prescrivant parfois le régime végétal
absolu.
Dans sa marche pratique vers le positivisme, l'Angleterre
d'Europe et d'Amérique dédaigne un peu l'étude des
doctrines philosophiques. La Slavie, encore enveloppée
des ténèbres de l'ignorance , rêve brutalement et par la
force, un rôle et une mission qui dépassent sa science et sa
portée actuelles. La chevaleresque Scandinavie et la docte
Germanie suivent mie autre voie : pénétrées de l'idée pan-
théistique , elles aiment la nature , et , sans- se préoccuper
assez du passé ni de l'avenir des doctrines , de leur fiUation
et de leur paternité , conduites par Heine, Hegel, Fuerbach,
manifestées tout récemment encore par Hermann Ewer-
beek, elles attaquent corps à corps tout ce qui n'est pas
la religion de la nature ou de la vie universelle. Voyez
plutôt avec quelle vigueur l'Allemagne, qui comprend les
sens et leur mission , s'en prend à l'absolu du spiritualisme.
(( Manger, boire, voilà, dit-elle, le mystère de l'Eucha-
» ristie ; manger et boire , c'est reproduire la base natu-
» relie sur laquelle l'esprit s'agite : détruisez-là, il tombe
)> en démence. A chaque morceau de pain qui vous
» arrache aux tourments de la faim et aux douleurs de
» l'inanition ; à chaque verre de vin qui ranime vos
» membres et qui réveille votre âme , pensez à l'homme ,
)) à ce Dieu clément qui vous fournit de quoi prolonger
» votre existence; mais pensez aussi à la nature, soyez
» lui reconnaissants. Vous êtes ses enfants : eUe est votre
>) sainte mère. N'oubliez jamais que le vin est le sang de
» la plante et que la farine est sa chair : cette chair et ce
» sang sont sacrifiés pour vous. — Ouvrez donc les yeux ;
w voyez comme la plante vous allégorise l'essence de la
» nature qui se donne à vous. »
La France , plus avancée , a terminé son œuvre de
négation. Elle affirme l'avenir; elle sait d'où elle vient,
où elle va ; elle veut que l'idéal le plus élevé préside à tous
ses actes : physiologiste, elle comprend 1 action d'une
nourriture same et suffisante sur tout notre être , le calme
et la douce sérénité qui en sont la suite. — Poétique en
BU SIÈCLE. 421
sa nature , c'est sous Tinspiration de la quiétude de nos
organes les plus matériels qu*elle entend évoquer l'intelli-
gence , pour l'entraîner vers les grandes choses de l'avenir.
Aussi ses banquets deviendront-ils des communions toujours
plus nombreuses, plus saintes, plus élevées pour l'esprit
général des convives, pour le ton du langage, pour la
vertueuse inspiration des discours.
Db l'Odorat. — La faculté d'odorer est très-developpée
chez les animaux invertébrés , sans que l'on puisse encore
expliquer son action , décrire son siège. Certains papillons
sentent de très-loin leurs femelles ; le miel attire de très-
loin les fourmis, les mouches et surtout les abeilles et les
guêpes. Rien de plus facile que de vérifier le sens de
l'odorat chez les escargots et surtout chez les écrevisses. —
Chez les poissons , le sens de l'odorat est très- vigoureux ;
ils sont pourvus de facultés olfactives, mais elles ne
communiquent pas avec la bouche. S'il faut en croire les
voyageurs, l'odeur spéciale des nègres serait bien plus
sensible aux requins que celle des blancs: aussi les pour-
suivraient-ils de préférence.
Les reptiles ont le sens olfactif très-prononcé ; chez eux ,
son organe commence à communiquer avec la bouche. Les
serpents évitent certaines plantes dont l'odeur les écarte ,
et Scarpa a signalé ce fait si curieux que , si l'on plonge
dans l'eau les mains , après avoir touché des femelles de
grenouilles , les mâles viennent de suite se placer dessus.
— Le même savant a constaté que les oiseaux les moins
bien partagés pour l'odorat sont les gallinacés, que ne
rebute aucune odeur, si ce n'est celle de l'ammoniaque.
Viennent ensuite les passereaux , qui refusent les aliments
camphrés ; puis les oiseaux de proie , qui redoutent tous
nos aromates; puis les palmipèdes, qui, malgré leur
gloutonnerie, lavent du pain parfumé avant de l'avaler.
Mais ceux qui ont le sens de l'odorat le plus développé , ce
sont les échassiers.
Parmi les mammifères, on trouve de grandes variétés.
On doute beaucoup de l'odorat des cétacés, dont le siège
est à peu près inconnu. Mais l'organe olfactif du singe ,
i8»
422 PHILOSOPHIE
du chien, du bœuf, du cheval et d'une foule d'animaux,
est très-supérieur au nôtre.
Dans le genre homme , les diverses espèces sont inégale-
ment douées. Des nègres et des rouges de l'Amérique du
Nord sont assez bien partagés pour différencier les pistes
des blancs ou des noirs , l'odeur d'une femme ou d'une
fille. Comme certains animaux, ils demandent au sens
olfactif une foule de renseignements que son organisation
semble refuser à l'espèce blanche. Leur odorat accuse la
présence des êtres amis ou ennemis, sympathiques ou
dangereux , non seulement où ils sont, mais encore là où ils
ont été.
Est-il bien certain que les odeurs soient toujours pro-
duites par l'émanation de particules des corps odorants ?
Les vibrations de l'air on de l'éther ne seraient-elles pour
rien dans les phénomènes perçus par le sens olfactif? Si
on verse de l'acide sulfurique sur un liquide , les particules
volatiUsées grandissent , par leur volatilisation immédiate ,
l'odeur du corps sur lequel on a expérimenté. Si Ton fait
passer du camphre dans le tube barométrique, le mercure
baisse , preuve évidente d'une volatilisation ; mais du musc
introduit dans le tube barométrique ne produit aucune-
ment ce résultat. Comment supposer, quelque grande que
soit la divisibilité des corps, qu'un animal dépose assez
de particules odorantes dans un air sans cesse renouvelé ,
pour laisser, pendant plusieurs jours, là où il a passé, cette
trace, reconnaissable à l'odorat d'un chien, quon appelle
une piste ? — Boerhave imagina le premier qu'il pouvait
exister des odeurs indépendantes des molécules volatilisées
quoique bées très-intimement à ces molécules. — Nous
avons souvent médité sur ce sujet, et nous ne sommes pas
du tout éloigné de penser que l'odeur et la volatiUté soient
choses tout-à-fait distinctes. Il est cependant si admirable
de voir combien la matière peut se diviser, à quelle énorme
distance l'air peut porter la poussière fécondante des éta-
raines de certaines plantes, qu'en vérité l'esprit reste
parfois indécis et confondu en cherchant , non pas à com-
prendre l'essence des lois des phénomènes, mais seulement
leur manière d'agir et de se manifester. — Cependant il
BU siÈcifi. 425
nous parait naturel de comparer la propriété odorante de
diverses substances , teUes que l'ambre et le musc , à la
propriété lumineuse de certains corps phosphorescents. Les
uns ne perdent rien tout en parfumant 1 air ambiant de
leur odeur; les autres ne perdent pas davantage en éclairant
de leur lueur phosphorique : d'où cette présomption très-
séduisante^ que si les uns se manifestent aux yeux par des
ondulations éthérées, les autres se manifestent d'une ma-
nière analogue au sens de l'odorat, c'est-à-dire par des
ondulations aériformes ou peut-être éthérées. De là cette
hypothèse qui parait au premier abord très -acceptable dans
l'état actuel de la science : que tout corps odorant est un
foyer de vibrations qui se communiquent soit à l'air, soit
uniquement à l'éther ambiant , ce qui est moins probable.
A ce compte, les corps volatils seraient des foyers odorants
voyageant dans l'atmosphère, grâces à la sublimation de
leurs molécules.
L'animal qui touche à un objet et qui laisse après lui
des émanations odorantes, pourrait donc être comparé,
dans ce système, au fumeur qui laisse tomber en marchant
quelques parcelles du feu dont il s'est servi : tant qu'elles
brûlent, leur lumière, par ses ondulations, nous indique
le chemin qu'il a suivi. Mais il est difTicile, en poursuivant
cette étude, de ne pas se heurter de suite contre les objcc>
tions les plus graves.
Deux choses sont à distinguer en ce qui concerne le
sensde l'odorat. L'une, la sensibilité de l'organe aux odeurs :
sous ce premier rapport , les animaux et l'homme sauvage
l'emportent sur l'homme civilisé. L'autre, la sensibilité aux
parfums : sous ce second rapport , la balance penche en
faveur des blancs et des jaunes d'Asie.
Est-ce que les odeurs et les parfums seraient de nature
différente ?
Geoffroy Saint-Hilaire , le père, s'est trompé en affir-
mant que la taupe recevait son nerf oculaire de la cinquième
paire. Hais son génie avait pressenti et deviné le fait
principal : le balancement des organes en général et, dans
ce cas particulier, le balancement des organes de l'odorat et
de la vision. Chez la taupe, l'odorat a gagné tout ce que
424 PHILOSOPHIE
la vue a perdu. — Allons plus loin encore : remarquons
que le sens de Todorat épuré et transformé , pourra peut-
être devenir, chez l'homme perfectionné , la vision d'ondu-
lations ou de volatilisations spéciales produites par les
vibrations ou les émanations de certains corps. — De là,
dans les formes et les usages du sens olfactif, des modifi-
cations nécessaires et progressives. Quelques essais que
nous avons tentés, il y a longtemps, pour conduire les
odeurs comme l'on conduit les, sons, nous ont prouvé qu'il
y a un grand avenir dans cette voie. — Qu'on approfon-
disse cet aperçu, peut-être placera-t-il sur la route de l'ex-
plication encore ignorée des moyens à l'aide desquels les
Soissons se dirigent dans leurs migrations périodiques , et
e ceux qui servent au pigeon voyageur, transporté de la
Hollande à l'extrémité de la France , pour retrouver son
nid. ^
Substituer aux sacrifices humains des sacrifices d'animaux
et la simple oblation des fruits de la terre ; arriver à des
banquets, à des communions simples et frugales, mais
relevées par Texquise propreté des convives , par le bon
goût et l'arrangement élégant de leurs vêtements et du
service des tables , par des parfums , par les discours les
plus philosophiques en leur poésie ; remplacer tout ce qui
f)eut tenir en nous de la brute , l'ivresse , la gloutonnerie ,
a gourmandise, par des jouissances éminemment intellec-
tuelles et morales : telle a été la direction continue de cette
religieuse tendance qui , du berceau des races blanches ,
s'est répandue sur le monde entier, ranimant de temps à
autres, par les plus éminents des révélateurs et des philo-
sophes, la foi des peuples en une nouvelle humanité ,
transformée et dépouillée de toute bestialité. Pour cette
œuvre si élevée, le sens de l'odorat donnera aussi son
contingent d'excitations et de jouissances , substituant à
un grossier sensualisme et à la perfection matérielle de
l'instrument olfactif, le sensualisme de plus en plus intellec-
tuel des odeurs et des parfums enivrants. Il existe indubi-
tablement une série odorante parallèle aux séries des sons
et des couleurs. Comme les deux autres, pourquoi ne
serait-elle pas dans la dépendance des nombres et de la
BU SIÈGLB. 425
géométrie, se rattachant aux lois d'ordre et d'harmonie ,
de circulation et de solidarité , qui régnent au sein de
l'infini?
Db l'Ouïe. — L'organe de l'ouie est assez mal connu ,
et la physiologie ne rend pas un compte exact de toutes
ses parties. — On y remarque , de l'extérieur à l'intérieur,
le pavillon , le conduit auditif, la membrane du tympan ,
la trompe d'Eûstache, la caisse du tympan, la fenêtre
ovale, la fenêtre ronde, la chaîne des osselets, le vestibule,
les canaux demi-circulaires et le limaçon. Ces trois dernières
parties constituent l'oreille interne.
Le pavillon de l'oreille est fréquemment fait , chez les
animaux, à la manière d'un cône creux, un peu échancré
du côté présenté par l'animal aux ondes sonores. Souvent
aussi ce pavillon est mobile ; il sufBt de regarder les oreilles
d'un cheval, d'un loup, d'un lièvre, d'une roussette, pour
de suite comprendre la manière dont agit leur pavillon.
Chez l'homme, cette partie a été le sujet d'homélies que
nous ne comprenons pas. Jamais nous n'y avons vu ces
formes paraboUques dont a parlé Boerhave. Nous avons
pris la peine , un jour, de chercher numériquement et au
sentiment, à décrire les courbes de l'intérieur du pavillon
de l'oreille, sans en trouver aucune qui ressemblât aux
sections coniques. Evidemment , chez l'homme civilisé ,
cette partie de l'organe auditif est un souvenir des anima-
lités antérieures à lui. Une preuve de cette assertion , c'est
que la conque de l'oreille se déforme chez les jeunes
aveugles, non pas chez tous, mais chez ceux qui vivent
isolés et qui , par suite d'une position spéciale , arrivent
à une finesse d'ouie extraordinaire. J'ai vérifié ce fait chez
un aveugle, frère d'un de mes amis, qui, à quatre- vingts
mètres de distance , m'entendait parler bas et me reconnut
à la voix après un an d'absence. Je l'ai vérifié chez un
aveugle-né, Pierre Jubineau, qui, à dix mètres d'un
liquide que l'on versait , distinguait au son la nature de ce
liquide, de manière à dire c'est de l'eau, du lait, du
bouillon, ou toute autre chose; j'ajouterai même que chez
Pierre Jubineau, qui voit depuis treize ans, la conque de
426 PHILOSOPHIE
l'oreille a repris un peu de sa forme naturelle, à mesure
que la sensibilité de Fouie s'est émoussée.
Le conduit auditif externe est oblique chez l'homme,
mais nous n'en savons point la raison. ,11 est osseux et
fortement résistant : aussi transmet-il au nerf acoustique ,
par les os dont il se compose , les moindres bruits qui se
passent sur les parois de la tête ou dans la bouche. Il est
beurré d'une substance grasse, épaisse, brune, quelquefois
noire, dont l'accumulation produit souvent, chez les
vieillards , de véritables bouchons qu'il suffit de leur enlever
avec des injections tièdes, légèrement alcalines, pour leur
rendre la faculté d'entendre. Ce conduit est tapissé par une
membrane muqueuse : aussi est-il exposé à toutes les ma-
ladies des muqueuses. — Mettez un petit cône creux dans
le conduit auditif, et vous augmenterez la faculté de perce-
voir les sons, surtout chez un grand nombre de sourds.
Cette expérience, que nous avons souvent répétée avec le
spéculum que nous avons imaginé pour examiner le
conduit auditif et la membrane du tympan, renverse et
détruit une foule de très-jolies hypothèses. Beaucoup de
physiologistes admettent des vibrations dans les parois
de ce conduit. Pour les sons très-forts, cela se peut; dans
l'habitude de la vie , c'est douteux : les parties qui recou-
vrent ici les os n'étant nullement vibratoires de leur na-
ture.
La membrane du tympan existe chez tous les animaux
qui doivent écouter au moyen de l'air atmosphérique ; elle
est oblique par rapport à la direction du conduit , ce qui
augmente sa surface et l'expose moins à être déchirée par
les bruits subits, tels que les explosions. Elle se trouve
placée dans un évasement qui facilite ses vibrations.
La trompe d'Eustache est une ouverture qui fait commu-
niquer la caisse du tympan avec l'arrière-bouche , et qui
paraît jouer, pour cette caisse , le rôle que joue le trou ou
âme dans l'instrument que nous connaissons sous le nom
de tambour. Quelquefois cette trompe est plus ou moins
oblitérée, et l'ouie diminue d'autant. Très-souvent il arrive
que des inflammations de la gorge l'oblitèrent presque
complètement par la tuméfaction ou hypertrophie de ses
BU SIECLE. 437
parois ; mais on peut y obvier, et Ton y obvie passablement,
avec des insufflations d un mélange de sucre et d'alun qui
ramènent assez promptement les parties à leur état naturel
ou presque naturel.
La caisse du tympan est un véritable tambour. Toutefois,
au lieu de n'avoir qu'un seul tympan à sa partfe interne ,
elle en offre deux : la fenêtre ovale et la fenêtre ronde. —
Le rôle des osselets de l'oreille n'est point parfaitement
connu ; il n'est pas rare de voir l'ouie conservée chez des
personnes gui les ont perdus et qui ont eu le tympan
perforé. Mais il existe toujours, en pareil cas, une surdité
plus ou moins considérable. Il est aussi assez commun de
rencontrer des personnes chez lesquelles la destruction des
osselets et la perforation du tympan, qui s'y lie, ont pro-
duit une complète surdité. Quelquefois des charlatans,
même diplômés, s'amusent à perforer le tympan aux
imbécilles qui leur accordent leur confiance; ils partent
ensuite avec leur argent. Nous en avons vu d'autres cauté-
riser le tympan , le perforer maladroitement et piquer alors
un petit nerf appelé la corde du tympan, qui passe derrière
cette membrane.
Une hypothèse assez probable, c'est que le muscle du
marteau et la chaîne des osselets de l'oreille servent à
donner à la membrane du tympan , la tension nécessaire
Kur que l'oreille, qui est habituellement passive dans
cte de l'audition , puisse devenir active sous l'influence
de la volonté. Telle est l'opinion de Longet, qui nous
semble bien plus acceptable que celle de Savard et d'un
grand nombre de physiciens; mais les uns et les autres
dépassent de beaucoup le positif dans leurs explications
ultérieures du sens de l'ouie.
L'oreille hiterne , avons-nous déjà dit, a deux tympans :
la fenêtre ovale et la fenêtre ronde ; en d'autres termes , le
tambour de loreille ne présente qu'une membrane exté-
rieure , le tympan ; mais il en présente deux intérieures.
Pour nous, la fenêtre ovale est le tympan des sons légers,
de l'ouie active; la fenêtre ronde, le tympan de l'ouie
passive ; et il était convenable qu'il en fut ainsi pour que
l'oreille ne fut pas détruite par les sons , surtout par les
428 PHILOSOPHIE
bruits violents , pour que l*ouie fut toujours passive et sou-
vent active.
Le vestibule et les canaux demi-circulaires sont, de
toutes les parties de l'oreille interne , les plus générales et
les plus constantes chez les vertébrés. — Notre ami et
maître M. Breschet a trouvé , chez les reptiles , les poissons
et même chez les mammifères, qu'il existe constamment
des concrétions dans la cavité vestibulaire. Quel est son
rôle ? On l'ignore. — Autenrieth et d'autres ont prétendu
que les canaux demi-circulaires servent à donner des
notions sur les ondes sonores et leur direction ; mais c'est
une erreur. Evidemment le sens de l'ouie ne sert qu'à une
chose ,. (ju'à la perception d'impressions que juge l'organe
cérébro-intellectuel.
Le limaçon a , pour premier emploi , de faire une unité
des impressions fournies par les deux tympans de l'oreille
interne en les faisant communiquer par un même liquide.
Ainsi se confondent les sons de l'oreille active et de l'oreille
passive ; il sert de plus à étaler sur une surface solide ,
résistante et d'une certaine étendue , au milieu du Uquide
qui les protège , les épanouissements du nerf auditif.
Ne confondons point des choses très-distinctes ; la finesse
de l'ouie avec la faculté de juger les sons. Nous avons
connu des hommes sourds, très-heureusement dotés par la
nature sous le rapport des facultés d'apprécier la mélodie
ou l'harmonie musicale. — Un organe auditif très-impres-
sionnable nous donne la finesse de l'ouie , quand le nerf
auditif est bon conducteur ; mais les facultés cérébro-intel-
lectuelles qui jugent les sons , se divisent en trois : l'une a
pour spécialité les accords; une autre, la mélodie; une
troisième , les autres qualités des sons et surtout l'accen-
tuation. Si la première faculté est très-développée, celui
qui en est pourvu est un harmoniste. La seconde apprécie
les chants et les grave dans le souvenir : chez les êtres à
grande idéalité , elle en invente. La troisième correspond à
l'amplitude, à l'éloignement ou au rapprochement des
sons, à tout ce qui n'est pas absolument d'ordre musical,
au timbre surtout; et cette division est si vraie que tous
les jours on peut observer l'existence presque solitaire de
BU SIÈCLE. 429
Tune de ces trois facultés , à côté des deux autres qui se
montrent à l'état rudimentaire. Il en résulte qu'il y a, pour
le sens de Touie , deux éducations très-distinctes : Tune à
peu près physique, celle des sauvages et de quelques
aveugles, qui les rend d'une habileté prodigieuse à recueillir
les ondes sonores; l'autre, intellectuelle, qui nous fait
aptes à juger les sons comme accords , comme mélodie ,
comme timbre ou accentuation. — Ces deux éducations
sont encore très-peu avancées dans toutes nos écoles.
Quoique très-parfait en son genre, l'instrument auditif
est limité dans son action. Si des vibrations successives
durent plus d'un dixième de seconde , elles produisent du
bruit et non du son : l'oreille les entend comme sons
confus, et 'le sens transmet au cerveau une impression que
celui-ci ne peut juger. D'où cette conclusion , que toute
sensation auditive dure au moins un dixième de se-
conde.
Les hidous professaient que les nombres et la musique
se tiennent. Nous retrouvons cette opinion chez les disciples
de Zoroastre et chez les Egyptiens. Les Juifs l'empruntè-
rent aux philosophies plus anciennes que la leur et en
abusèrent dans leurs institutions sabbatiques. Orphée , le
premier, la transporta dans la Grèce ; Pythagore la déve-
loppa : sa religion , toute panthéistique , avait pour but
d'humaniser, de spiritualiser de plus en plus la sensation.
Les nombres , la géométrie , l'astronomie formaient , pour
lui, trois des grandes études du cosmos, et la musique
complétait sa tétrade sacrée du savoir humain. — Depuis
Pythagore jusqu'à nous , beaucoup d'hommes ont instincti-
vement senti la vertu des nombres dans l'unité de ce qui
existe : Kœpler et Fourier en sont la preuve. Mais il est
un de nos philosophes qui a été plus loin dans la route du
vrai et de l'idéal : c'est Jean Reynaud. Ce n'est point
l'amitié , c'est la justice qui me fait tenir ce langage.
L'amitié , cette sympathie mystérieuse des âmes , sou-
mise aussi elle aux règles impénétrées de ce que les anciens
appelaient le quaternaire, est en sa manière une couleur, une
mélodie, im parfum dont l'âme use souvent sans cons-
cience. Heureux qui s'enivre en recherchant sa loi.
430 PHILOSOPHIE
De la Vision. — Les ondes éthérées étant plus déli-
cates que les ondes aériennes produites par le son , il était
naturel que l'œil fut le plus parfait des sens. — Que de
différence en effet entre le contact d'un corps pesant même
aériforme et le contact d'une onde lumineuse ?
On suppose avec quelque raison qu'il existe des
zoophytes sensibles à la lumière. Mais qu'il y a loin de
cette sensibilité à l'œil de l'homme !
Quelques mollusques ont des yeux. Ces organes, même
ceux qui sont portés par des tentacules, ce qui a lieu chez
les limaçons , ne voient point comme les nôtres. Cependant
il est déjà des yeux de mollusques dans lesquels on reconnaît
les principales parties constituantes de l'œil humain.
Chez les arachnides, les yeux, habituellement au nombre
de huit, sont plus voisins de l'œil parfait.
On ne connaît pas la manière d'agir des yeux composés
des insectes ; tout ce qui a été écrit sur cette question se
réduit à des hypothèses plus ou moins probables. Chez les
poissons , ceux qui vivent dans la vase ont, dit-on, une vision
très-imparfaite ; ceux qui voyagent , comme les thons , les
saumons, sont, au dire des physiologistes, les mieux partagés.
Toutefois nous nous permettons de douter beaucoup de
tout ce qui a été écrit sur ce sujet. Dn jour, nous avons
voulu vérifier la forme plate que divers anatomistes attri-
buent à la cornée des poissons , et nous avons trouvé que
cet organe n'est point plat , qu'il représente , en général ,
un verre bi-concave assez semblable :
Chez le thon, au n"* 4;
Chez la lubine , au n"" 3 1/3 ;
Chez la merluche , au n** 4 à 4 1/2.
Le cristaUin des poissons , et surtout celui des poissons
chasseurs, ressemble à une petite boule; il est parfaite-
ment rond. La pupille est immobile, et la rétine, par ses
replis nombreux tout autrement disposée que chez nous
autour du cristallin , correspond à un milieu différent et à
une toute autre manière de voir que ce miUeu commande.
Il y aurait un chapitre très-intéressant à écrire sur cette
question : Comment nous voyons les poissons et comment ils
noiu toient. Mais ce n'est pas ici le lieu.
DU 8IBGLB. 431
On a avancé que le cristallin des poissons était pourvu
d'un muscle ou tout au moins d'un moyen de déplacement.
Nous n'avons pas suffisamment vérifié ce fait, qui est pour
noua très-douteux , ou tout au moins fort obscur.
Parmi les reptiles , l'œil varie : plus ils vivent dans l'eau ,
plus cet organe se rapproche de celui des poissons. Il
manque chez ceux qui habitent des lieux obscurs, et se
présente alors à l'état rudimentaire, en témoignage de la
direction du plan providentiel de la nature. Chez les reptiles
qui vivent à terre, l'œil se rapproche de celui des oiseaux.
Les oiseaux constituent une grande série dans laquelle
le sens de la vision , pour tout ce qui concerne l'organe
oculaire , est plus parfait que chez les autres animaux , y
compris les mammifères et l'homme lui-même. Ce qui
vérifie cette proposition : Le$ besoins développent les organes.
Chez ces animaux, l'iris est très-large et très-contractile,
chez quelques-uns même, soumis à l'influence de la
volonté. Le cristallin varie selon les habitudes de la vie. Il
se rapproche de celui des poissons chez les plongeurs ; il
ressemble assez au nôtre chez les espèces qui vivent à terre ;
il est très-aplati , plus même que cnez les presbytes , chez
les oiseaux de proie qui doivent apercevoir de très-loin.
On appelle peigne une expansion nerveuse, susceptible
de percevoir des sensations qui, de l'insertion du nerf
optique, va vers le centre du cristallin. Ses usages sont
mal connus , et cependant nous estimons qu'il sert à per-
mettre de bien voir de près et de loin , comme les plis de
la rétine servent à donner à l'œil une grande amplitude et
plus de facultés.
Chez les mammifères, l'œil varie singulièrement. Les
cétacés ont un œil de poisson véritable. Chez la loutre , le
castor et les animaux qui plongent, l'œil rappelle encore la
structure des yeux des poissons. En général, plus les ani-
maux sont inférieurs , plus les yeux sont latéraux et indé-
pendants , servant à une vision oblique.
Chez beaucoup , une partie du fond de l'œil est verte ,
bleue, blanche, jaune ou rosée. On a prétendu que les
yeux ainsi conformés et possédant ce que l'on appelle le
tapis, c'est-à-dire une partie de leur chambre obscure non
433 PHILOSOPHIE
obscure , jouissaient d'une plus grande faculté visuelle ;
mais j'en doute. Deux fois, chez des hommes qui n'étaient
pas albinos, j'ai observé ce fait. Il était congénital et
concomitait avec une très-grande réduction de la vue soit
au jour, soit dans l'obscurité. On peut faire aussi la même
remarque chez les albinos.
Chez quelques animaux, l'œil diminue beaucoup de
volume en raison de son usage très-restreint ; c'est ce qui
a lieu pour l'aspalax, la taupe et divers autres. Il aug-
mente, au contraire, chez les espèces nocturnes; il tient
le milieu chez celles qui voient également bien le jour et
la nuit.
De l'Œil Huhâin. — D'avant en arrière, on trouve
dans cet organe les parties suivantes, en regard des-
Suelles nous plaçons les mesures prises avec grand soin sur
eux yeux d'adulte , par le D' Krause :
La cornée , y compris la membrane
de descemels 1,1574 — 0,9259
L'humeur aqueuse de la chambre
antérieure 2,5463 — 2,7778
Le cristallin et les membranes an-
térieures et postérieures 7,1759 — 4,6296
Corps vitré 11,1111 — 15,5935
Rétme et choroïde 0,2515 — 0,2315
Sclérotique 1,3889 — 1,2731
Diamètredanslesensde l'axe optique 23,6111 — 25,2514
Le diamètre horizontal perpendicu-
laire à l'axe optique avait pour
mesure 25,0000 — 26,0416
Le diamètre vertical 23,3796 — 25,0000
Le diamètre de la pupille était 4,8611 — 4,1667
La cornée est enchâssée dans la sclérotique, à peu près
comme un verre de montre dans le cercle métallique qui
l'entoure. Elle porte le nom de transparente, par opposition
à la sclérotique , que souvent l'on appelait autrefois cornée
opaque. Elle est sensiblement plus petite dans la race
DU SIÈCLB. 455
arabe que chez les autres races blanches , ce qu'il faut
attribuer aux influences prolongées des pays qu'elle habile.
Elle est souvent altérée chez les scrofmeux , par des cica-
trices qui en diminuent la transparence et qui , placées en
face de la pupille , donnent lieu, le soir, en regardant une
bougie, à la sensation d'une lumière enveloppée d'une
gaze, de deux, de trois, ou de beaucoup de lumières,
selon la nature de la tache et les distances de l'œil à la
lumière regardée. D'après Chossat , son indice de réfrac-
tion pour la lumière blanche est 1,5050, celui de Fais,
étant un.
Longtemps on a considéré l'humeur aqueuse comme
sécrétée par la membrane qui tapisse la partie postérieure
de la cornée ; aujourd'hui l'on n'ignore plus que c'est la
face postérieure de l'iris ou uvée qui produit ce liquide. Ce
fait ne se vérifie que trop parmi les individus chez lesquels
il y a parfaite occlusion de la pupille : alors Tiris se
rapproche de la cornée en produisant ce que l'on nomme
la synéchie . antérieure. — L'indice de réfraction de ce
liquide est 1,558.
L'iris varie beaucoup , comme nous l'avons dit à l'article
des races humaines. Quelquefois , au moment de la nais-
sance , il est incomplet de manière à présenter un allon-
gement de la pupille latéral ou inférieur. Assez souvent
il manque complètement ; l'œil est alors très-sensible à la
lumière. Cependant nous avons signalé, il y a dix ans, un
fait de ce genre chez un soldat qui avait fait les guerres
d'Afrique, sans être plus incommodé qu'un autre par
Téclat du soleil, contrairement aux données physiologiques
les plus accréditées. — L'iris est , à bien dire , un rideau
circidaire et membraneux destiné à mesurer, à l'intérieur
de l'œil , la quantité de lumière que cet organe doit et
peut recevoir. La pupille n'est autre chose que l'ouverture
circulaire qui occupe son centre. On appelle, en chirurgie,
pupille artificielle , une ouverture pratiquée dans l'iris avec
un crochet ou un instrument tranchant, le plus souvent
pour remédier soit à l'occlusion de la pupille , soit à la
présence sur la cornée de taches épaisses et indélébiles.
Nous avons proposé et pratiqué le premier cette opération ,
454 PHILOSOPHIE
comme plus sure, pour remplacer celle de la cataracte
chez les cataractes, et surtout chez les cataractes de
naissance dont la cataracte est d'un très-petit diamètre. Ce
cas est plus fréquent qu'on ne le pense.
Derrière la pupille, on trouve le cristallin placé entre
deux capsules , Tune antérieure , Tautre postérieure , d'une
épaisseur différente. — Les opacités de l'une des capsules,
du cristallin et de ses capsules, portent le nom de cata-
racte. Quelquefois cette maladie, née dans le sein de la
mère , apparaît aussitôt la naissance : on l'appelle alors
cataracte congéniale ou congénitale. Le nombre des cata-
ractes atteints d'une manière plus ou moins complète,
n'est pas moindre aujourd'hui, en France, de un sur mille;
d'où nous devons conclure qu'il y en a trente-six mille
dans notre patrie. L'opération de la cataracte, considérée
autrefois comme si diflScille et nécessitant de si grandes
précautions, cette opération qui ne réussissait pas une
fois sur deux entre les mains de Dupuytren, réussit aujour-
d'hui souvent neuf fois sur dix entre les mains d'hommes
qui s'occupent spécialement des maladies oculaires. Dans
quelques cas , le malade peut venir à pied chez l'opérateur
au courant des bonnes méthodes, et s'en retourner de
même , sans autre soin que celui d'éviter le soleil et de
couvrir l'œil opéré.
Cette partie de la chirurgie qui porte le nom de chi-
rurgie oculaire , a fait en général de plus grands progrès à
l'étranger qu'en France, où l'école de Paris n'admet pas
assez les spécialités, acceptant très-difficilement les amé-
liorations qui ne lui sont pas proposées à Paris même. Hais
ce despotisme, qui était une autocratie du vivant de
Dupuytren, l'homme qui se doutait le moins de la chirurgie
oculaire , doit être et sera brisée au profit des pauvres et
des aveugles des départements.
La grande épaisseur du cristallin produit souvent la
myopie. Son état inverse est la presbytie. Nous ne savons
si ce corps manque quelquefois d'une façon congénitale ;
mais nous l'avons deux fois trouvé double , c'est-à-dire
formé de deux cristalUns accolés. Nous avons pu constater
aussi, chez des cataractes opérés dans la jeunesse, que cet
DU SIÈCLE. 435
organe est moins indispensable à une bonne vision qu on
ne le croit d'habitude. Nous avons vu un douanier opéré
d'un seul œil , perdu par accident , qui voit également
bien à lire sans lunettes avec les deux yeux. Nous savons
parmi nos opérés , d'autres personnes, entre lesquelles une
jeune fille jadis aveugle de naissance, qui lit et travaille
sans lunettes. Nous connaissons même une jeune enfant ,
aveugle de naissance, qui est très-myope quoiqu'opérée
de la cataracte (c'est M"" Martin de Laval). Nous avons
communiqué ces faits curieux à l'Académie des Sciences ,
en 1853.
La capsule externe du cristallin a pour indice de
réfraction 1,350
Le chiffre des couches extérieures du cristallin est. 1,358
Le chiffre du noyau du cristallin est 1,395
Entre le cristallin et la rétine se trouve l'humeur vitrée ;
nous n'avons pas expérimenté sa faculté réfringente dont
l'indice de réfraction est 1,339; mais nous avons fréquem-
ment remarqué , soit en expérimentant sur des animaux ,
soit en pratiquant l'opération de la cataracte par extraction
sur l'homme , que les parties les plus voisines du cristallin
sont les plus liquides.
En général , si aussitôt après l'opération par extraction ,
le malade a vu les objets dans leur état réel ou bordés de
bleu et placés dans un champ bleu , les chances de l'opé-
ration pourront être évaluées d'après les circonstances
même de l'opération ; mais s'il a vu les objets rougeAtres et
placés dans un champ rouge , il n'y a que peu ou point de
chances de succès, avec quelqu'habileté que l'opération
ait été pratiquée.
Dans notre opinion, cette vision rouge des opérés se
lie à une fluidité plus grande de l'humeur vitrée ; mais
nous avons plutôt , à cet égard , des présomptions que des
preuves suffisamment justifiées.
Nous devons remarquer encore que la liquidité complète
de l'humeur vitrée, chez des malades opérés par abaisse-
ment à la manière belge, entraîne souvent le tremblement
habituel de l'iris. Dans ce cas , la vision n'est jamais aussi
436 PHILOSOPHIE
pure et donne lieu fréquemment à des auréoles colorées ,
lorsque Topéré regarde la lumière d'une bougie. — Le
glaucome est encore une maladie dans laquelle l'humeur
vitrée se trouve altérée. Les malades voient alors la
lumière entourée d'une auréole colorée ou, pour me servir
de leur expression, d'une grande cocarde. Ces faits ne
suffisent pas pour établir d'une manière absolue que les
parties de l'humeur vitrée les plus voisines de la rétine
sont les plus réfringentes; mais on en doit conclure que
la Uquidité de cette humeur est chose nuisible à la vision,
et que cette liquidité, qui semble étroitement unie à la
densité, est moindre derrière le cristallin que dans les
couches accolées à la rétine.
La vision d'auréoles lumineuses est un fait très-impor-
tant à étudier; mais il correspond à des altérations de
l'œil essentiellement distinctes. Cette auréole peut tenir à
l'existence, au devant de l'œil, de larmes dans lesquelles
nagent quelques goutelettes de sécrétion qui se sont dé-
layées et qui les ont rendues blanchâtres. Nous l'avons vu
se produire rarement, mais cependant quelquefois et
temporairement dans les cicatrices des blessures de la
cornée. Nous l'avons vu concoiùiter avec l'existence , au
dedans de l'œil, d'une suffusion de liquide blanchâtre.
Quand il y a obscurité plus ou moins grande au centre
de l'auréole lumineuse, c'est alors surtout qu'elle corres-
pond à des maladies du cristallin , de l'humeur vitrée et
de la choroïde.
Sur la choroïde , la seconde des membranes de l'œil ,
dans l'ordre de superposition, se trouve la rétine ou expan-
sion du nerf optique.
La choroïde, qui recouvre la sclérotique, forme, selon
quelques auteurs , trois membranes : l'une , noire , colorée
par le pigment et nommée, par suite, membrane du
pigment ; une autre , vasculaire ; la troisième , ceUuleuse ,
servant à reUer la membrane vasculaire à la sclérotique.
Celle-ci, nous l'avons déjà dit, est appelée quelquefois, et
assez mal à propos , cornée opaque.
Comment se fait la vision ?
Les rayons lumineux (expression usuelle , mais fautive)
DU SIÈCLE. 457
qui arrivent sur la cornée se réfractent et se rapprochent
de Taie visuel.
Ils ne se dévient pas sensiblement davantage dans
rhumeur aqueuse.
Us arrivent au cristallin , et ceux qui en traversent le
noyau se croisent, les uns dans cet organe, les autres
derrière.
Les rayons qui viennent des extrémités de l'objet regardé
sont ceux qui vont au plus haut et au plus bas sur la ré-
tine , au-dessus et au-dessous de Taxe visuel.
Ainsi se produit une image renversée, dont il est très-
facile , sur un lapin albinos , de vérifier la forme et le ren-
versement , comme Descartes le fit en son temps.
Nous admettons, avec Vallée, qu'il se produit dans
ITiumeur vitrée, une réfraction en sens inverse de celle
que nous venons de décrire , et qu'elle est due à la na-
ture de cette humeur.
Pbesistânge bt Duhée des Impressioi^s. — Si Ton
attache un charbon à mie fronde , il décrit un cercle lumi-
neux , la rapidité du mouvement étant plus grande que
l'anéantissement des images au fond de l'œil.
Images accidentelles. — Lorsqu'une partie de la rétine
reçoit une impression, il se produit un état anormal ou
plutôt accidentel ; puis elle tend à revenir à l'état naturel
aussitôt que cesse l'influence extérieure , mais alors voici
ce qui se passe : l'impression primitive s'affaibUt graduelle-
ment. L'état normal retrouvé, en vertu de l'ébranlement
acquis, la partie de la rétine affectée se constitue en un
état opposé qui donne naissance à l'image accidentelle.
De la vision distincte à diverses distances. — On a donné
de ce fait trois explications dont aucune ne nous satisfait
pleinement.
Les uns acceptent que l'on no saurait appUquer à la
cornée, au cristallin et à la rétine les règles géométriques.
Ces corps n'ayant pas une forme géométrique régulière ,
d'après cela, la distance de l'objet que l'on regarde peut
vaner dans d'assez grandes limites, sans modifications
appréciables dans l'image rétinienne.
D'autres admettent que l'œil peut s'allonger dans la
19
458 PHILOSOPHIE
direction de son axe visuel, et que le cristallin peut
varier de position ; mais des cataractes opérés par Maunoir,
par extration, et des cataractes opérés par nous-même,
ont pu voir très-bien de près et de loin avec leurs lunettes
à cataractes, soit sans changer les verres de leurs lunettes,
soit sans changer leurs verres de position : ce qui , joint à
ce que nous savons de Tanatomie de l'œil, permet de
révoquer en doute cette seconde explication.
D'autres, et nous sommes assez de cet avis, d'autres
croient que la densité croissante de l'humeur vitrée qui
fait tomber l'image parfaite un peu en avant de la rétine
et la mobiUté de l'iris suffisent à expliquer ce phénomène.
Achromatisme de VaiL — Cet achromatisme n'est point
parfait ; mais, dans l'usage habituel de la vie, les erreurs
qu'il produit sont insensibles. — Vallée a du reste établi
qu'il était plus perfectionné qu'on ne le croyait , l'humeur
vitrée agissant en sens inverse de la cornée , de l'humeur
aqueuse et du cristallin réunis.
De Vangle visuel. — On appelle de ce nom l'angle des
droites menées des extrémités d'un objet au centre de la
pupille. — Cet angle n'est pas égal à celui que forment les
droites menées des extrémités de l'image au centre du cris-
taUin ; mais leur correspondance est suffisante pour que
l'on considère l'angle visuel comme mesure des grandeurs
apparentes.
Du renversement de l'image. — Si le sens de l'œil devait
avoir pour but de nous montrer les objets que nous voyons
sur les directions des Ugnes que suivent les ondulations
lumineuses qui en partent pour venir à nous, il était
nécessaire que l'image fut renversée, puisqu'une image
droite nous eût montré les objets renversés.
De Vunité de sensation. — Il advient quelquefois, chez
les personnes qui appliquent beaucoup les yeux , qu'elles
éprouvent une paralysie momentanée et ne ne voient plus
qu'une partie des objets. Cet accident, habituellement
passager, est arrivé à M. Arago qui, un jour, ne voyait
plus que la fin des mots. Wollaston l'a éprouvé aussi. L'un
et l'autre en ont conclu que l'un des nerfs optiques se
rendait à la partie droite des yeux et l'autre à la partie
DU SIÈCLE. 439
gauche ; mais cette conclusion est fautive et ne repose que
sur quelques faits isolés. Le même phénomène peut se
présenter sous les fonnes suivantes :
1. Les lignes d'un livre paraissent inclinées.
2. Les mêmes lignes paraissent brisées.
5. On ne voit que la tête des lettres.
4. On ne voit que la partie inférieure des lettres.
5. On ne voit que la fin des mots.
6. On ne voit pas la fin des mots.
7. On ne voit que quelques lettres isolées.
Lorsque nous fixons un objet avec les deux yeux, nous
percevons deux images sur nos rétines, et cependant la
sensation n'est pas double. — A quoi faut-il attribuer ce
fait ? est-ce à Tentrecroisement des nerfs optiques à Tinté-
lieur de la boîte osseuse sur la selle turcique ? Cela se peut.
— Est-ce à l'habitude de rapporter une sensation à deux
points correspondants de la rétine ? Cela se peut encore.
Ce qui appuie fortement cette dernière opinion, c'est ^e
l'on voit deux objets aussitôt que l'on dévie, par la pression
sur un œil, l'un des axes oculaires. Cependant il faut
reconnaître que , dès le premier moment , les aveugles-nés
auxquels on rend la vue ne perçoivent qu'mie sensation.
Chez les louches , l'un des yeux présente un axe anor-
mal , et les perceptions ne se correspondent pas quoiqu'il
y ait unité de sensation'; mais dès qu'on les opère , la
vision devient double aussitôt que l'axe normal a reparu ,
et cet état dure habituellement une huitaine de Jours.
Pour obtenir de l'opération du strabisme tout les résul-
tats désirables , il importe de soumettre l'œil opéré à une
gymnastique convenable aussitôt après l'opération , et de
recouvrir d'un bandeau celui auquel on n*a point touché.
De cette manière , on n'a jamais de mauvaises cicatrices et
l'on obtient des succès aussi complets que puisse les donner
la chirurgie.
La convergence des axes optiques, chez les individus
qui sont très-louches , produit une grande myopie ; on les
guérit immédiatement par Topération du strabisme. Cette
opération si curieuse , imaginée par Stromeyer et pratiquée
pour la première fois par le D' Cuvier, de Bruxelles, et non
440 PHILOSOPHIE
par Diffenbach, comme on Ta dit et répété mal à propos ,
ne donne tous les bons résultats que Ton en peut attendre
que chez les personnes âgées de moins de vingt-cinq à
trente ans. Il est vivement à regretter que , lors de son
invention , le charlatanisme le plus effronté soit venu ,
dans maintes cbconstances , prendre la place de l'art au
grand préjudice de la science. Il en est résulté des accidents
fâcheux et nombreux : quelques-uns sont restés presque
secrets , les opérateurs ayant payé , pour se taire , les pau-
vres diables sur lesquels ils avaient expérimenté comme
sur de véritables animaux. — Mais la science y a cepen-
dant perdu quelque chose de ce respect auquel elle a aroil
quana elle est utilisé avec honneur et conscience.
11 est un phénomène assez curieux sur lequel nous
avons appelé 1 attention des savants : on voit des individus
chez lesquels, sans causes appréciables, la faculté de
regarder en dehors diminue d'un seul œil. Bientôt ils ne
peuvent mouvoir cet œil aisément que d'un côté et en
général que du côté du nez. D'abord les objets paraissent
doubles , et plus tard la vision décroit sensiblement si Ton
continue à faire usage des deux yeux ; mais si Ton opère
Tœil malade, à la manière d'un œil atteint de strabisme, la
vision se rétablit , tantôt peu à peu et en quelques jours ,
quelquefois même immédiatement. Sur trente-deux opé-
rations pratiquées en pareille circonstance, vingt-neuf
nous ont réussi. Dans l'un des cas, Tamaurose de l'œil,
qui ne pouvait se porter en dehors, était complète; dans
plusieurs autres elle était considérable.
Distinguons quatre faits pour les impressions que nous
fournit le sens de la vue :
1° La facilité à voir de très-loin et de près , à supporter
le soleil, à distinguer à d'assez grandes distances sous
l'ombrage des arbres , là où il n'y a que peu de lumière,
— Cette facilité , la culture la donne à toutes les races
à peu près également, sous l'influence des mêmes conditions
d'exercice.
En second lieu , l'aptitude à apprécier avec l'œil les dis-
tances et les grandeurs.
En troisième lieu, l'aptitude à juger les formes.
DU SIÈCLE. . 441
En quatrième lieu, l'aptitude à juger les couleurs.
L'éducation du sens de la vue , comme celle du sens de
Touie , comporte , on le voit , l'exercice de l'organe visuel
et l'exercice de trois facultés cérébro-intellectuelles très-
distinctes. — Cette éducation est dans l'enfance , même
dans nos meilleurs, pensionnats. Que dis-je ! cette manière
de voir que nous venons d'exprimer, si positive qu'elle soit,
n'est encore l'opinion que d'un petit nombre d'esprits
d'élite; et cependant qui ne connaît cette expression vul-
gaire : un tel n'a pas le compas dans l'œil. Que signifie-t-
elle ? sinon qu'il est des individus qui ne savent apprécier
ni les distances ni les grandeurs. — Nous avons vu deux
dessinateurs habiles à certains égards , dont tous les por-
traits avaient le défaut de présenter des organes dispropor-
tionnés. Ces dessinateurs avaient cependant à un haut
degré le sentiment des formes et celui du coloris. La
faculté de reconnaître les lieux et de se rappeler les formes
est quelquefois très-éminente chez certains individus ; elle
varie beaucoup, non-seulement dans l'espèce humaine,
mais encore chez les animaux. Le général Moreau, homme
d'un très-grand talent militaire, mais d'un moral faible
dans son intérieur, avait une mémoire des lieux extra-
ordinaire; il se rappelait, quand il avait passé sur une
route, tous les accidents de terrain qu'elle présentait,
tous les ruisseaux qu'il avait rencontrés. Il gardait même
le souvenir des arbres un peu remarquables et des haies de
quelqu'étendue. Il a trouvé, dans cette mémoire des
formes, un utile secours dans sa belle retraite d'Allemagne,
l'un des plus grands faits de l'histoire militaire de notre
première République. — Chez les mathématiciens, la
laeulté de se rappeler les lieux et les formes conduit à
l'étude de l'astronomie. Au collège, les élèves qui en sont
doués croient lire dans leur livre la leçon qu'ils savent par
cœur. Les animaux nous offrent des observations nom-
breuses dans cette direction : j'ai vu chez une dame , deux
chiens de salon de même race , dont l'un ne savait ni re-
trouver sa route , ni reconnaître les personnes, quoiqu'il
fut, sous d'autres rapports, très-intellii?ent ; tandis que
lautre chien ne se serait jamais égaré nulle part. J'ai eu
442 PHILOSOPHIE
successivement à mon service deux juments bretonnes de
même race, de même poil, élevées toutes deux dans les
mêmes conditions, à Plouescat dans le Finistère : Tune
allait de pair avec moi pour la mémoire des lieux ; l'autre
nous était bien supérieure. Jamais le soir, jamais la nuit ,
elle ne s'est trompée sur la route qu'elle devait suivre , nî
sur la porte à laquelle elle devait arrêter.
La faculté des couleurs n'est pas moins spéciale et sépa-
rée; il n'est pas rare de voir des personnes très-mal
habiles en tout ce qui regarde la distinction des nuances
un peu délicates ; mais pour quelques-unes cela va beau-
coup plus loin : elles sont dans l'impossibilité de distinguer
aucune couleur. Un cordonnier, Harris, de Mary-Port dans
le Cumberland, philosophe et penseur élevé, comme le
sont beaucoup d'hommes de cette profession, très-avide des
cours d'histoire naturelle et de physiologie, se trouvait
dans ce dernier cas. Deux de «es frères étaient venus au
monde avec le même défaut ; mais deux autres frères et
deux sœurs en étaient exempts. Harris confondait les noirs
avec les bruns, les verts avec les jaunes , les rouges avec les
bleus., te poète GoUardeau, assez habile dessinateur, était
dans la même position : il prit , un jour, devant ses amis ,
du rouge pour du gros bleu dont il voulait faire le fond
d'un tableau. Il ne distinguait pas les trois couleurs
primitives, bleu, jaune et rouge, tout en ayant, comme
Harrj^, le sentiment d'une certaine différence, confon-
dant ainsi les espèces avec les variétés, avec les nuances.
Harvey cite un tailleur qui avait d'excellents yeux , mais
qui ne distinguait très-bien que le blanc et le gris , prenant
toutes les autres couleurs pour des nuances ; cependant il
avait un peu le sentiment du jaune , et à un moindre degré
celui du bleu. D'autres personnes affectées d'achromateupsic
à un moindre degré que le cordonnier Harris et le poète
GoUardeau , à un moindre degré encore que le tailleur cité
par Harvey, se présentent dans la situation que l'allemand
Sommer a décrite comme étant la sienne. — Je distingue
toujours, dit-il, au soleil, le bleu du jaune, le bleu clair du
vert, le rouge foncé du noir ; le jaune, le noir, le bleu
prononcé , voilà mes couleurs fondamentales. Je sens bien
BU SIÈCLE. 443
qu'il y a une différence de couleur entre une feuille d'arbre
et de la cire d'Espagne, dite rouge; mais je ne saurais
aiBnner la couleur verte ni la couleur rouge. Je confonds le
bleu avec le rouge, le vert avec le brun, l'orangé avec le
brun clair et une foule de couleurs composées. Je ne
connais que de nom le lilas , le pourpre , le cramoisi , le
poDceau. D'autres personnes distinguent passablement
toutes les couleurs , à l'exception du rouge qui leur paraît
gris cendré. Pour d'autres , moins mal partagées encore ,
la distinction des couleurs est facile; mais les nuances
leur échappent. Enfin l'on arrive par transitions insensi-
bles, aux personnes qui ont le sentiment vrai des couleurs,
à celles qui le possèdent au degré le plus éminent. — Mon
savant ami feu le D' Cunier, qui s'est placé, par ses grandes
études, au premier rang des oculistes européens, a publié
une observation d'achromateupsie héréditaire depuis cinq
générations , dans une famille où elle n'atteignait que. les
femmes. {Annales d'Oculistique, tome I", 408). — Ce fait,
joint à tous ceux que la science a réunis et à la belle
étude de Szokalski , établit pour nous , de la manière la
plus nette, la monstruosité intellectuelle par arrêt de déve-
îoppem^at et correspond aux monstruosités d'ordre phy-
sique si bien étudiées par Geoffroy Saii^ftylaire,.le fils.
11 conduit directement à admettre des monstruosités d'ordre
moral par absence ou arrêt de développement cérébral ,
quoique l'anatomie , encore en arrière de l'observ^ion ,
n'ait pu rien constater de précis et de positif à cet égard.
La pensée de rapprocher le sens de l'ouie de celui de la
vue, les couleurs des sons, et de chercher par suite des
consonnances, des dissonnances et une gamme chromatique
pour les couleurs, s'est présentée souvent à l'esprit des phi-
losophes. Le père Kircher est cité pour avoir cru à la
possibilité de progrès dans cette voie ; le père Castel , pour
avoir fait de nombreux efforts dans cette direction. Ce
dernier fut fortement appuyé par les musciens de son
temps, et trouva Rameau très-favorable à ses idées, tandis
que les gpintres les repoussaient. Jean Reynaud en conclut
«vec raison que le sentiment du coloris est moins déve-
loppé chez les peintres que celui qui fait juger les tons
444 PHILOSOPHIE
chez les musiciens , et il a raison. Cette conclusion découle
à priori de la postériorité du sens de la vision par rapport
au sens de Touie. Il en existe encore une seconde preuve :
c'est la très-grande infériorité du sentiment de la couleur
chez les animaux. Si ce n'est chez les singes, où trouver,
sous ce rapport, la preuve de leurs connaissances ? Ils sont,
au contraire , généralement bien plus sensibles et disposés
à la musique.
En 1839, M. Chevreul a publié un intéressant ouvrage
sous ce titre : La loi du contraste simultané des couleurs et
de ses applications. Mais ce serait une grande erreur que de
regarder ce livre et ceux qui auront pour but d'aller plus
loin, comme propres à nous donner simplement quelque
perfectionnements industriels: notre grande supériorité
l)0ur la couleur, sur les anciens , nous est une garantie de
progrès intellectuels ultérieurs.
Le sens de la vue, si admirable en son genre, présente
aussi lui un idéal aux éducateurs des futures générations
humaines : d'une part , ne devront-ils pas l'exercer pour
qu'il devienne aussi excellent dans toutes les races qu'il
l'est aujourd'hui chez les peuples sauvages; de l'autre,
soraient-ils dignes d'élever la jeunesse s'ils n'avaient étudié
(3t compris cetf||||[rande théorie des fonctions périodiques
ou sériaires qui préside aux incessantes harmonies de la
nature ? L'intelligence, dans ses ineiïables ravissements, ne
conçoit-elle pas des concerts où les accentuations, les
mélodies , les harmonies , les contrastes, les consonnaoces
et certaines dissonnances elles-mêmes des grandeurs, des
formes, des ombres, des couleurs, des sons, des odeurs
ot des pensées qu'elles réveillent, seraient appelées à
enivrer nos âmes ?
Homme, ignorant homme des croyances passées, à toi le
doute : la foi en une science religieuse ne saurait embraser
ton cœur. L'idée humanité n'a jamais sanctifié Ion âme ni
purifié ta pensée des erreurs d un grossier sensualisme ou
d'un égoïsme non moins inférieur ; mais pour si peu que
l'étude ait ouvert l'intelligence aux faits d'un ordre élevé ,
on doit comprendre ces relations d'une physique uranscen-
dante qui existant entre toutes les séries qui représentent
BU SIBCLB. 445
le beau et Tidéal. — 0 loi, jeune homme, qui lis ces
lignes, pense et médite de toutes les forces de ton être,
et tu arriveras à comprendre la vertu comme l'idéal des
perfections de l'âme humaine, la loi de ses harmonies
comme soumise aui nombres et à la géométrie des accords.
Ainsi pensait, il y a 2,500 ans, ce grand homme qni avait
réuni toutes les sciences humaines sous quatre chefs : les
nombres, la géométrie, l'astronomie et la musique ou
science des universelles harmonies dévoilées par les sens.
DU SOMMEIL.
Les fonctions périodiques jouent un rôle très-grand dans
la science des nombres et dans la géométrie. — Elles
peuvent satisfaire aux équations que fournit l'étude des
(mdes sonores. Elles tiennent dans leur dépendance les
mouvements des corps célestes, depuis la simple rotation
jusqu'aux expansions et contractions alternatives qui font
varier le petit axe de l'ellipse terrestre. Nous les retrouvons
à chaque instant dans la vie des végétaux et des animaux.
— Bah ! diront les rétrogrades , l'entendez-vous : il donne
à l'homme une grenouille pour mère et fait engendrer le
sommeil par une fraction périodique. — Cette plaisanterie
très-spirituelle a sa valeur comme plaisanterie spirituelle ;
mais elle ne détruit en rien l'unitaire solidarité des phéno-
mènes de la nature.
Le sommeil est l'une des plus importantes fonctions
périodiques des êtres organisés ; il se rattache évidemment,
comme les battements du cœur, comme la menstruation ,
comme l'ascension de la sève, comme la pousse des feuilles,
aux lois générales de la vie. Ainsi que les autres besoins de
notre être, il renaît chaque jour, en quelque sorte à heure
fixe. Se coucher et s'endormir habituellement aux mêmes
heures , c'est faciliter son retour normal et régulier. Tous
19*
446 PHILOSOPHIE
nos besoins ont leurs périodes: évitez d'y satisfaire en
temps voulu, le besoin disparaît momentanément pour
reparaître ensuite plus fort et plus pressant. Le sommeil
vérifie cette loi. Beaucoup de conditions le favorisent: le
bruit de Teau qui coule, les sons réguliers et monotones
lorsqu'ils ne sont pas trop bruyants, l'action de Tair frais,
le silence, l'obscurité, le bruit du vent dans les arbres,
tout ce qui peut émousser ou affaiblir la sensibilité, l'opium
et les narcotiques , les bains et surtout les bains émoUients,
l'ivresse, qu'elle vienne de l'alcool, de l'éther, du chloro-
forme ou des boissons fermentées : voilà les sources factices
du sommeil. Une légère lassitude , une faiblesse de même
ordre produite, par exemple, par une petite saignée,
provoquent aussi cet état.
Aussitôt que le sommeil commence, la circulation dimi-
nue, le polis se ralentit; la production de. chaleur, par
suite de la non activité des muscles , devient moindre et les
fonctions se livrent au repos les unes après les autres, dans
un ordre assez constant. Tout d'abonl, les muscles des
membres cessent d'agir; ceux de la tète, puis ceux de
l'épine du dos suivent successivement leur exemple. Les
{)aupières se ferment et suppriment la vision; le goût,
'odorat, l'ouie, le toucher s'endorment ensuite successive-
ment. — Les autres fonctions ont aussi leur ordre pour se
mettre en repos : la respiration se ralentit, l'estomac et les
intestins réduisent leur action. Quand au cerveau, cet
être complexe et multiple , il ne s'endort pas immédiate-
ment dans toutes ses parties; souvent plusieurs de ses
organes restent éveillés : de là, la variété des rêves et leur
bizarrerie. — Il existe entre les veines de la tête et celles
des parties sexuelles, des relations aujourd'hui bien con-
nues : aussi trois causes concourent-elles à produire les
rêves amoureux, si fiéquents à une certaine époque de la
vie. — D'un côté, l'excitation propre de l'organe sexuel
lui-même ou l'action mécanique d'une vessie chargée
d'urine ; de l'autre , le reflux du sang qui ne trouve plus ,
dans les viscères ni à la tête, son emploi habituel ; en troi-
sième lieu, rétatde veille d'une seule partie cérébrale, de
celle qui préside aux plaisirs vénériens. — La chaleur du
DU 6IÈGLC. ^ 447
lit et la position sur le dos, en facilitant une Huxion san-
guine vers les organes des sens, prédisposent aussi aux
désirs de l'amour physique. C'est ainsi que partout nous
▼oyons l'esprit réagissant sur la chair, et la chair, à son
lonr, réagissant sur le centre cérébral des opérations do
l'esprit.
Il est si vrai que nos facultés intellectuelles travaillent
soavent dans le sommeil , qu'il suffit de préparer un travail
en se couchant, pour le trouver, à son réveil, tout écrit en
sa cervelle, de manière à n'avoir plus qu'à le mettre au net.
— Cabanis rapporte ce fait pour Condillac , comme étant
chez lui tout-à-fait habituel. — Nous l'avons étudié sur
uons-même avec grand soin , et nous comparerions volon-
tiers l'action du cerveau, pendant le sommeil, sur les
idées que nous lui donnons à étudier, à l'action lente d'un
aimant sur des parcelles de limaille de fer qu'il dispose peu
à peu en ordre régulier : comparaison dont on a quelque-
fois occasion d'user pour rapprocher les phénomènes
d'ordre moral et intellectuel de ceux d'ordre matériel, et
ramener la physique à l'unité en l'appliquant à tous les
faits de la nature.
Richat, si éminent pour son époque, n'a point compris
le S(Hnmeil, qu'il considérait comme une intermittence de
la vie animale. Sachons bien qu'il y a en nous deux exis-
tences : Tune consacrée au monde entier : c'est la vie de
ration ; l'autre , au monde intérieur de notre économie :
c'est la vie organique. Dans le sommeil , les prolongements
nerveu^qui, du cerveau, vont au monde extérieur, sont
endormis; mais ceux qui vont au monde intérieur no
reposent pas de la même manière : ils veillent sur Téco-
nomie. — Une vie organique spéciale du cerveau et des
autres organes avec la suppression de la vie de relation ,
voilà donc le fait le plus saillant de notre mécanisme pen-
dant le sommeil, et cependant l'homme n'est pas soustrait
alors à la vie générale de la nature, puisqu'il entretient
avec elle, par la respiration, des relations incessantes ot
nécessaires.
Si maintenant nous considérons que la circulation est
alors plus lente, nous en conclurons que la vie est moins
448 PHILOSOPHIE
active, que Thuile brûle moins vite dans la lampe, et cela
doit être, on le devine dpn'ort , en raison du repos du système
musculaire qui ne fonctionne plus et qui , par son activité ,
consomme à lui seul une si grande quantité des liquides
réparateurs introduits , par le chyle , dans notre économie
et oxigénés dans nos muscles au moment de l'assimilation.
— Une vie organique plus douce , plus posée de tous les
organes, voilà donc le sommeil. Pendant cette vie, le foie
secrète de la bile, les reins fabriquent de l'urine et l'organe
cérébro-intellectuel se préoccupe de pensées, puisque
c'est là sa mission. Il n'est point inactif, puisqu'il reçoit
du sang artériel et le transforme en sang veineux ; il n'est
point inactif, puisqu'il classe, ordonne, dispose les maté-
riaux qui lui ont été fournis, puisqu'il les range en sa
bibliothèque, comme nous rangeons des livres dans les
nôtres. Mais comment s'effectue ce travail? N'est-ce rien
toutefois que de mieux comprendre le sommeil que nos
pères et que Bichat lui-même , encore que l'on ne puisse
répondre à cette question !
Réduisez à 0 ou presque 0 la respiration et par suite la
circulation , le sommeil sera une léthargie , état anormal
et maladif. Que le poumon fasse plus de vingt-sept respi-
rations, que le cœur batte plus de quatre-vingt fois par
minute , et il sera fiévreux.
Que de choses à dire sur le sommeil selon les Ages, selon
les natures, selon les tempéraments, selon les maladies ;
que de précautions il exige dans l'enfance pour éviter de
déplorables habitudes. — Que de disproportions dans
l'inégahté de sa répartition , selon les diverses classes de la
société. — Ici, tout ce qui peut le faciliter: calme de
l'habitation, grandeur des appartements, disposition des
rideaux , absence d'odeurs désagréables ou malfaisantes ,
travail selon les lois de l'hygiène. — Là, au contraire ,
tout est en désaccord avec les règles de la nature : des
enfants qui pleurent et qui crient dans l'unique apparte-
ment de la famille , un air vicié par la respiration de tous,
trop de jour dans les matinées d'été, trop de froid en
hiver, 1 odeur des provisions de la cuisine et celle des
fruits , quand les salaires peuvent y atteindre. Et cepen-
DU SIECLB. 449
dant, en face de la physiologie, la nature humaine pré*
sente-t-elle des règles différentes : la nécessité de la fortune
pour les uns, de la misère pour les autres? Plus nous
avancerons dans cette étude et plus nous reconnaîtrons
heureusement la possibilité du bien-être universel et de
l'égalité devant les jouissances et la fortune.
Il y a deux sortes de piles galvaniques : les unes qui
produisent des effets très-violents et dépensent énormé-
ment; les autres qui remplissent avec les plus petites
forces, mais en réclamant plus de temps, des fonctions
non moins importantes. La vie , dans la veille et dans le
sommeil, peut être comparée à ces deux instruments ; mais
cette comparaison ne suffit pas à expliquer le sommeil.
Chez les plantes , il donne à la respiration un nouveau
rôle : elles expirent de Tacide carbonique , ce qui indique
des emplois différents ou plutôt la cessation de leur plus
grande fonction, de celle qui les relie avec le monde
extérieur par la fixation du "carbone. Ce phénomène
correspond, chez nous, au silence de la vie ae relation.
Toutefois, depuis les animaux jusqu'à Thomme, que
d'études à faire encore! Elles seront d'autant plus par-
faites qu'elles ne sépareront l'être humain ni de la nature
ambiante, ni de la série organique dont il est la tête, et
qu'elles rattacheront plus directement le sommeil aux
fonctions périodiques, cette forme prédilectionnée de la
providence quand elle s'évertue dans ses œuvres à multi-
plier les harmonies.
Jeunes gens, que cette dernière réflexion, qui résume
tout un aspect de la science, préoccupe souvent vos esprits.
DU SIFFLET, DE LA VOIX, DE LA PAROLE
ET DU LANGAGE.
Des Instruments, du Son. — La théorie du son a
été savemment étudiée en ce qui concerne le son en
450 PHILOSOPHIE
lui-même; elle n'est pas aussi complète pour ce qui re-
garde les instruments artificiels ou naturels destinés à le
produire. Savart, dans ses recherches sur les veines liquides
et les mouvements vibratoires dont elles sont le siège , a
reconnu, dans cette circonstance, l'influence des fonctions
périodiques. Ces veines ont des mouvements oscillatoires
qui correspondent à des vitesses périodiquement variables.
Il en est de même de l'air mis en mouvement lorsqu'il sort
visible aux yeux , soit sous la forme de fumée, soit sous la
forme de vapeur, soit encore mêlé de poussière. La veine
gazeuze qui passe à travers une ouverture pratiquée dans
une jdaque, présente des nœuds, des renflements de dis-
tance en distance ; ils sont le siège d'un mouvement vibra-
toire très-prononcé.
L'air qui s'écoule par des tuyaux ne donne pas toujours
le même nombre de vibrations à vitesse égale. L'épaisseur
des tuyaux et la réaction de leurs parois réagissent singu-
lièrement, et c'est autre chose d'employer d'épais tuyaux
d'étain, des tuyaux deferblanc, de papier ou de gomme
élastique : ces derniers donnent un son plus grave. Pareil
fait influe tout naturellement sur la production et les modi-
fications de la voix humaine.
Il est généralement facile d'augmenter la force d'un son
en ajoutant un coadjuteur au corps qui le produit. Ce
coadjuteur consiste ordinairement dans une certaine quan-
tité de substances solides et gazeuses que le corps sonore
met en vibration. Une boîte à musique rend bien plus de
son quand elle est posée sur un violon , sur un violoncelle,
sur un piano, sur une plaque métallique, que placée sur
une table couverte d'un tapis de laine. — Le violon ne
serait pas un instrument s'il n'était muni d'une boite à air,
à parois très-minces , qui vibre avec les cordes , ainsi que
l'air qu'elle renferme. — L'orgue doit sa puissance à un
soufflet plus ou moins considérable qui lance des colonnes
d'air dans ses tuyaux. La musette , ce vieil instrument des
premiers âges, que les Celtes appelaient biniou, c'est-à-dire
l'instrument par excellence, est munie d'une poche à air
en cuir qui remplit le même rêle sous la pression du bras.
Ces deux derniers moyens^ le soufflet de l'orgue et la poche
DU SIÈCLE. 451
eu biniou 9 ne sont pas du môme ordre que la caisse du
Molonceiie et du violon. Chez l'homme, Tappareil sonore
l>05$ède, dans le poumon ou dans les parois de la poitrine,
quelque chose qui tient le milieu entre la poche de la
musette, dont le bras fait à Tolonté sortir l'air, et la caisse
du violon, dont l'air et les parois vibrent avec les cordes
sous l'influence de l'archet.
De petites lames placées au bout ou sur les cAtés de
tuyaux , portent le nom d'anches ; le tuyau leur sert de
porte-vent. Les vibrations de ces lames produisent, sur
un courant d'air, des vibrations périodiques : de là le son
des instruments qui en possèdent. Ce son est bien le pro-
duit de deux facteurs : 1" les vibrations de l'anche ; 2** l'é-
coulement d'une colonne d'air. Mais il s'en faut de beaucoup
que l'on ait suffisamment étudié ces deux facteurs dans
les conditions si variables qu'ils peuvent présenter.
Les anches peuvent être métalliques ou membraneuses.
Les anches membraneuses sont soumises aux lois vibra-
toires des membranes; celles-ci, tendues et fixées par
leurs bords, vibrent comme des plaques; fixées à leurs
extrémités, elles vibrent comme des cordes. La théorie
des anches membraneuses et des résultats auxquels elles
peuvent conduire laisse encore beaucoup à désirer.
Les orgues sont des instruments formés de tuyaux diffé-
rents dans lesquels un courant d'air est produit par une
soufflerie ; ce courant , à sa sortie , rencontre un biseau qui
le partage : le son se produit à cette rencontre. Le tuyau
sert à renforcer le son. Il est évident qu'en variant conve-
nablement la soufflerie , les tuyaux et les dispositions de
leurs bouches , on pourrait arriver à créer des orgues soit
fixes , soit portatifs ou voiturables , qui pourraient produire
des résultais encore inconnus. — L'application de la méca-
nique à certains instruments de musique est destinée à
rendre sociales des jouissances jadis individuelles. L'homme
a eu ses instruments: l'humanité aura les siens. L'esprit
conçoit un orgue manié par Litz ou Thalberg, qui ferait
entendre sa voix à deux millions de personnes, et rien
n'est plus facile à réaliser même en plein air.
La flûte , le cor et la trompette pourraient aussi devenir
452 PHILOSOPHIE
des instruments mécaniques adaptés à des usages sociaux ,
sous la direction de grands artistes.
La théorie de la clarinette, du haut-bois et du basson
laisse à désirer.
I^'appeau des oiseleurs se rapproche singulièrement,
selon M. Savard , de Torgane vocal de l'homme : armé
d'un porte- vent cyUndrique , il donne un octave et demi à
deux octaves et souvent plus, quand il est habilement
manié ; il varie dans sa forme , mais il présente toujours
deux ouvertures opposées. Généralement c'est un tuyau de
buis ou d'os de huit à neuf lignes de diamètre sur "moitié
de hauteur. Dans tous les cas , il présente une petite masse
d'air que traverse et qu'entraîne la colonne qui passe par
les deux ouvertures. M. Savard fait remarquer que si, dans
un appeau hémisphérique, on remplace la lame plane par
du parchemin, les sons deviennent plus graves, plus doux,
plus moelleux.
L'Instrument vocil db l'Homme ressemble très-peu
à nos instruments artificiels : il se compose , de bas en
haut :
D'un soufflet, le poumon;
D'une enveloppe résonnante , la poitrine ;
D'une série de tuyaux, les bronches qui se réunissent
en un seul , la trachée artère avant d'arriver au larynx ;
Du larynx , dans lequel on trouve :
Les cordes vocales inférieures ;
Les ventricules du larynx ;
Les cordes supérieures ;
L'épiglotte ;
D'une cavité pharingienne , dans laquelle aboutissent ie
larynx , l'ésophage , la bouche et les fosses nasales ;
De la bouche ;
Des fosses nasales.
Cet instrument peut servir à produire trois ordres de
sons : le sifflet , la voix , la parole , qu'il ne faut pas con-
fondre entre eux.
La bouche seule est l'instrument du sifflet. Il suffit ,
pour siffler, de lui donner une très- petite ouverture , ou ,
ce qui revient au même , d'appliquer devant les lèvres ,
DU SIÈCLE. 455
une plaque percée d'un trou étroit. Toutefois, il est bon
d'observer que quand on siffle , outre que Ton resserre les
lèvres, on donne à la langue , dans l'intérieur de la bouche,
des positions variables. La cavité qui se trouve alors entre
les dents antérieures et les lèvres , transforme l'ouverture
de la bouche en un véritable appeau dès oiseleurs. Mais ce
qui donne à cet appeau une grande et singulière perfection,
c'est la facilité qu'il a de se contracter plus au moins , la
langue ayant des positions différentes. Cette variabilité
dans les parties de l'instrument siffleur de l'homme lui
permet une étendue de sons qui dépasse deux octaves.
On admet généralement, avec Cagniart^Latour, que le
son du sifflet est le résultat du frottement de l'air contre
les lèvre , frottement qui produit les vibrations de l'air qui
sort de la bouche. Quelle est exactement l'influence de ces
vibrations, et sur l'air contenu dans la bouche , et sur l'air
ambiant ? La théorie ne l'a point encore suffisamment dit ;
elle n'a, à cet égard, que des pressentiments. L'expé-
rience semble avoir prouvé que les vibrations des lèvres
sont complètement inutiles pour produire le sifflet. Si
donc, av^c Dodard et d'autres physiologistes, on admettait
la similitude de la glotte labiale et de la glotte laryn-
gienne, on pourrait être conduit trop loin par des analogies
forcées.
Passons à la Voix. Les cordes vocales inférieures sont
indispensables à sa production. Un chien chez lequel elles
sont enlevées, ne peut plus aboyer. Un chien qui les possède
et dont on a réduit le larynx à la seule partie inférieure ,
fait entendre sa voix lorsqu'on a remplacé le reste de
l'appareil par un tuyau en caoutchouc vulcanisé (Longet ,
Physiologie y 178).
Les ventricules du larynx sont, pour la voix, un appa-
reil de renforcement; mais cet appareil n'est pas fixe et
immobile comme la cavité d'un appeau : de là sa supé-
riorité si grande.
Le rôle des cordes vocales supérieures , chez l'homme ,
est mal défini. Chez les animaux, elles ne sont pas indis-
pensables à la production de la voix.
454 PHILOSOPHIE
Le rôle vocal de Tépiglotte est incertain : de Haller le
jugeait nul; Longet croit qu'elle contribue au timbre de la
voix et peut servir, en fermant Titsme du gosier, à rejeter
Tair dans les fosses nasales.
La bouche est Tinstrument de la parole , mais elle
n'influe pas sur les tons , c'est-à-dire sur la voix qui peut
avoir une étendue de deux octaves à trois et demi. Réunie
à la voix de l'homme, celle de la femme donne aux voix
humaines une étendue d'environ quatre octaves.
De la Parole. — Il est triste de lire les ouvrages les
plus modernes de physiologie , à l'article de la parole : oa
n'y trouve aucune considération d'un ordre élevé , rien qui
puisse tremper l'&me humaine soit en la reportant au
berceau des premières familles, soit en lui faisant pressentir
les développements futurs de l'humanité. Nous suivrons,
dans cette rapide étude, ime toute autre direction.
Ouvrez la bouche , appliquez la langue contre les dents
incisives inférieures, faites sortir de votre gosier une colonne
d'air vibrante , et elle donnera natureUement le son a ;
resserrez la bouche , elle donnera è ; resserrez la bouche ,
elle donnera é\ resserrez encore, et vous aurez successive-
ment t'y Oy ouy tt. Ces sept sons très-coulants sont les sept
voyelles naturelles ; elles forment une gamme, une harmo-
nie , une série très-intéressante.
Ce phénomène n'avait pas échappé aux anciens : « Les
» prêtres d'Egypte, nous dit Démétrius de Phalères, chan-
» tent les Dieux au moyen des sept voyelles qu'ils font
» raisonner. Ce son, par son harmonie, leur tient lieu de
» la flûte et de la lyre. Aussi lorsqu'on fait abstraction
)) de ce concours des voyelles , on anéantit l'harmonie et
» le chant. »
Les voyelles portaient autrefois le nom d'esprits, par
opposition aux consonnes qui forment le corps du langage.
Elles peuvent être brèves ^ longues , aspirées, nasales ^ ce
qui donne vingt-huit prononciations possibles, quoique
toutes ne soient pas usuelles.
On peut aussi réduire les voyelles à trois , représentées
par :
DU SIÈCLE. 455
Le son guttural , a et é ;
Le dental , é et i ;
Le labial , o, ou et u.
Ainsi font les Arabes, qui n'ont que trois points voyelles.
Court de Gébelin a dit avec raison que l'instrument
vocal possède sept touches véritables servant à modifier le
son des voyelles :
faible.
1° Les lèvres , touche labiale ,
P forte
B
2" Les» dents, — dentale,
T —
D
5" Le nez, — nasale,
N —
M
4" La langue, — linguale,
5" La gorge, — gutturale,
6° Le rapprochement de
la langue du palais, touche sifflante , -
1" L'éloignement de la
langue du palais, touche chuintante ,
R —
K —
•S —
CH —
L
G
Z
J
Quelques linguistes vont encore plus loin que Court
Gébelin ; ils n'admettent que quatre consonnes primitives :
Une labiale ,
Une dentale f
Une liquide,
Une gutturale.
Beaucoup de consonnes sont en effet équivalentes, et
peuvent donner lieu à des substitutions sans changer en
réalité l'aspect parlé, tout en changeant notablement
l'aspect écrit. M B P PH F V W sont des consonnes qui se
substituent à chaque instant les unes aux autres , selon le
génie des peuples et môme selon les habitudes de leurs
diverses tribus. Il en est ainsi de S T D DJ Z, etc. D'où il
suit qu'il n'y a, en réalité, que quatre consonnes domi*
nantes dans tous les alphabets ; il y a même des langues
où ces substituticms de consonnes sont usuelles, incessantes
et destinées à produire des effets euphoniques : tel est le
celtique bas-breton.
Il résulte de ce qui précède, que l'homme pourrait, avec
quatorze caractères seulement , sept pour les voyelles ,
sept pour les consonnes , et des accents destinés à signaler
les modifications possibles dans la prononciation des
456 PHILOSOPHIE
voyelles et des consonnes , représenter tous les sons
connus.
Ainsi, a è e i oou u^ voilà les voyelles naturelles.
P T N R K S CH pourraient être remplacées par B' D'
M* L' G* r y.
Tel serait l'alphabet naturel; mais de même que les
poésies d'Hésiode et d'Homère ont précédé la poétique
d'Àristote, de même aussi, et encore plus, le langage a
précédé de bien loin l'anayse de la parole et de l'écriture.
Si maintenant nous considérons qu'il existe, indépen-
demment des voyelles que nous avons signalées, trois
diphtongues ou voyelles composées très-naturelles et très-
usuelles aussi , nous pouvons affirmer que les sons primitifs
de toutes les langues se groupent au nombre d environ
quatre-vingts , autour de quatre axes qui sont les quatre
fortes consonnes.
Rejetez cette manière de voir : prenez les langues à
mots coulants , à nombreuses voyelles pour base et pour
exemple ; soyez d'une opinion en apparence toute opposée
à la nôtre ; rejetez du nombre des voyelles la voyelle ou
qui peut être contestée, et vous aurez encore six sons
primordiaux taillés , hachés , consonnes par sept consonnes
différentes , ce qui vous donnera quatre-vingt-quatre sons
primitifs , puisque chaque consonne peut suivre ou précéder
toute voyelle.
Accordez plus encore , vous arriverez au chiffre de cent
quarante sons primitifs. Mais il en est des sons comme des
cristaux : ceux-ci, quand on les poursuit dans leur clivage,
ne présentent que six manières de cristalliser; de même
les sons vocaux, quand on les décompose, se réduisent
aux simples voyelles ou aux consonnes. D où ce principe
incontestable : tous les hommes naissent avec des organes
propres à former, par une vibration de l'air qui sort de
leur bouche plus ou moins ouverte, un petit nombre de
sons primordiaux qui prennent une forme , une expression,
par la manière dont ils sont coupés, hachés, consonnes.
Doué d'un instrument musical pour chanter et parler,
l'homme n'a pas été libre, étant données ses autres facultés
physiques, intellectuelles et morales, de se faire un langage
BU SIÈCLE. 457
quelconque : sa parole a été la conséquence nécessaire de
son organisation.
« Aussi, nous dit avec éloquence Court de Gébelin,
» tout est d'accord dans la nature, quelle que soit la
» variété surprenante de ses ouvrages; et sans accord,
» ceux-ci pourraient-ils subsister, pourrait-elle se soutenir
i> elle-même ? Dès qu'elle a pris la proportion de l'octave
n pour la règle de l'harmonie du monde, cette harmonie
» doit se retrouver partout , et loin de paraître surprenant
» qu'on le reconnaisse dans l'instrument vocal , il devrait
» paraître très-surprenant, au contraire, que cette harmonie
» ne s'y trouvât pas et que cet instrument fût fait d'après
» des proportions qui n'auraient aucun rapport avec un
• instrument quelconque.
» C'est cette harmonie que l'auteur de la nature a mise
» dans les couleurs et dans un grand nombre d'autres
» objets. Ainsi la même harmonie anime la nature entière
i> et répand partout ses influences admirables. Ainsi les
» yeux du maître de la terre, sa bouche, ses lèvres, ses
» oreilles, l'air qu'il respire, la lumière qui l'éclairé, les
» les tons qui le ravissent, les couleurs qui le charment
A ont tous la même analogie , furent tous pesés à la même
» balance, réglés sur les mêmes proportions harmoniques,
» faits également pour ses organes. »
Nous dirons , en corrigeant cette belle pensée , que nos
organes se sont modelés, au contraire, sur un monde si
admirablement harmonisé, de manière à se mettre à l'unis-
son avec les beautés de la nature qu'ils devaient trans-
mettre à notre entendement.
Allons plus loin , et nous reconnaîtrons qu'il n'est rien
de plus simple que les règles générales qui ont présidé à
la formation des langues et qui devraient en diriger
l'élude. L'homme parle sa pensée ; mais pensée et parole
se sont tellement identifiées par l'habitude, qu'il arrive à
penser toujours en un langage quelconque ; et cela est légi-
time. Comment la pensée se serait-elle étendue sans con-
quêtes ? comment ces conquêtes , sans l'invention de noms
ou substantifs nombreux? Mais l'homme des premiers
jours n'a point été placé toute sa vie en une citerne, en
458 PHILOSOPHIE
une cave, en une grotte ; il a vécu avec ses pareils au sein
de la nature qui devait être son inspiratrice. Aussi a-t-il
imité, dans toutes les langues, les sons qu'elle produit
quand elle siffle aux branches des arbres ou par la bouche
des oiseaux pour désigner les choses sifflantes. Il a imité
encore le son de ce qui roule , de ce qui hache , de ce qui
brise , dans la composition d'un grand nombre de mots ,
c'est-à-dire que l'homme, à son début dans la vie de
famille et de tribu , a fait des onomatopées, et c'était bien
naturel, puisqu'il était né musicien. — Il était encore na-
turel que l'analogie l'éclairât dans le perfectionnement
de sa parole, en le portant à rapprocher les choses d'ordre
intellectuel et moral des choses d'ordre plus physique et
tout matériel, auxquelles on peut les comparer. Mais
l'analogie suppose limitation; elle n'est, à bien dire,
qu'une imitation perfectionnée ; d'où cette conséquence :
L'imitation sous forme d'onomatopée d'imitation pro-
f)rement dite et d'analogie , voilà la source de toutes les
angues.
Mais pourquoi l'homme a-t-il le don du langage, tandis
que le corbeau du savetier qui apprit en quelques jours à
répéter ces paroles: opéra et impensa periit, tandis que le
perroquet de mon voisin qui redit sans cesse : garde d v(ms 1
portez armes 1 et plusieurs autres très-jolies phrases d'une
certaine étendue , ne le possèdent pas ?
Parce qu'il ne suffit pas pour parler d'avoir un instru-
ment plus ou moins parfait ; parce que la première des
conditions , c'est d'avoir au cerveau l'organe ou les organes
cérébro-intellectuels de l'octave des facultés de cet ordre
qui président au langage.
Le D' Bouillaud a constaté nombre de fois qu'une lésion
des parties antérieures du cerveau avait détruit, chez
l'homme , la faculté de parler. J'ai rencontré une malheu-
reuse, saine d'esprit sous d'autres rapports, à laquelle
une altération syphilitique de l'os du front avait enlevé
l'intelligence des mots. Dernièrement, à Angers, M. Davila,
aujourd'hui docteur à Bucharest , constatait que la faculté
de parler avait été supprimée par un kyste qui comprimait
les lobes antérieurs..
DU SIÈGLB. 459
Gall et Broussais, dans leurs leçons de phrénologie , et
le D' Yimon , dans ses études de phrénologie comparée ,
placent le siège de la faculté du langage au-dessus du
plancher de Torbite. — Nous ne contredirons en aucune
manière cette opinion qui a pour elle d'assez grandes
probabilités ; mais elle n'est pas suffisamment établie.
Nous ne sommes nullement certain, d'une manière absolue,
que cet organe cérébro-intellectuel soit représenté, en
réalité , par une circonvolution du cerveau allongée d'avant
eu arrière ; toutefois il nous parait acquis à l'observation
que les hommes qui ont une grande mémoire de mots ont
les ^eux saillants ou descendus . et en général une grande
cavité orbitaire.
Gardons-nous de croire que la mémoire des mots et la
faculté de mettre en mouvement les muscles et l'appareil
qui peuvent les reproduire, soient en nous tout ce qui
concerne le langage. — La faculté de l'ordre imprime de
Tordre aux discours et contribue essentiellement à faire des
orateurs. L'accentuation, la mélodie et l'harmonie rendent
la parole harmonieuse. L'idéal l'élève aux régions supé-
rieures en la faisant aider par toutes les facultés de notre
être, en même temps quelle a pour auxiliaire l'esprit
philosophique qui l'analyse , la décompose , la corrige et
la transforme.
Les maladies qui altèrent la faculté du langage méritent
d'être étudiées plus qu'elles ne l'ont été. Voici une femme
qui ne dit que la moitié des mots, comme tel amauro-
tique ou paralysé n'en voit que la moitié ; d'autres fois ,
elle prononce de travers les noms qu'elle sait, à la manière
de certains paralysés de la vue qui lisent en même sorte.
(Je n'ai pu avoir de données exactes sur ses antécédents.)
— Voici maintenant madame la comtesse de M..., femme
aussi distinguée par ses vertus et sa modestie que par sa
haute intelligence : chez elle , la cautérisation imprudente
de ce filet nerveux appelé corde du tympan, qui va à la
langue en passant contre le tympan de l'oreiUe , a produit
des douleurs dans la langue et une grave altération des
facultés cérébrales qui^ président au langage écrit et parlé.
Elle est à peu près guérie ; mais pendant longtemps elle
460 PHILOSOPHIE
oubliait, en écrivant, des portions de mots, ou encore il
lui arrivait de transporter à un nom les qualifications d'un
autre. — Tous ces faits nous prouvent combien la vraie
science du langage est dans l'enfance et combien elle a
besoin du secours de la physiologie. — Celle-ci fait bien
et fera bien d'étudier de mieux en mieux les conditions de
la production de la voix au moyen de l'instrument vocal,
qui se compose du soufflet appelé poumon , du larynx ,
d'une petite partie du pharynx , de la bouche et des fosses
nasales. Mais elle ne serait plus réellement la physiologie
si elle s'arrêtait en cette voie , négligeant les questions
cérébro-intellectuelles que nous venons de soulever et de
signaler.
Je voudrais aller plus loin, mais je m'arrête : l'expérience
et l'observation me font défaut.
PHYSIOLOGIE DU LANGAGE
ET SPÉCIALEMENT DE LA LANGUE FRANÇAISE.
LAI^GUE UIYIVERSELLE.
Au point où nous en sommes, nous pouvons aborder de
front la physiologie de la linguistique en l'appliquant spécia-
lement à la langue dans laquelle ce livre est écrit. Un homme
trop peu connu, grand penseur cependant, M. Charrassin,
nous servira de guide : nous avons mêlé ensemble nos rêves
et nos actes , philosophie à la même table avec Benoît de
Lyon, le tisseur en soie, l'un des bons esprits de France, et
c'est un bonheur pour nous de contribuer à répandre ses
opinions qui nous paraissent très-fondées. Ajoutons , pour
être complet , que le D' Ferdinand François a participé à
cette grande étude.
Lb Mot est le corps de la pensée. L'esprit ne peut con-
cevoir sans que la mémoiife corporifie par un nom l'objet
de sa conception. — Celui qui possède vingt-cinq mille
DU SIÈCLE. 461
noms a dans l'esprit un égal nombre de souvenirs qu'il
peut mêler et combiner à l'infini. Les ressources de l'intelli-
gence sont en raison de la perfection de son langage. —
A certains égards , on pourrait presque dire que la grande
affaire de l'esprit humain, c'est d'inventer, de perfec-
tionner, de répandre les mots d'une langue et de les rendre
communs.
Les mots ne sont pas des sons de convention, mais des
traits de voix habilement élaborés, souvent pendant une
longue série d'années, pour agiter au cœur un sentiment
ou faire naître une image en notre esprit.
Parmi les mots Uvrés à la circulation, combien sont
abandonnés de suite; tandis que les autres, expérimen-
tés, goûtés, façonnés par le public, sont conservés en
usage.
Les plus gkaivbes Etapes de l'Histo|[ie , ses divisions
naturelles, se lient aux progrès de la parole. L'écriture
abécédaire ou alphabétique , l'imprimerie , la télégraphie
électrique correspondent aux plus considérables progrès des
peuples.
Supprimez la télégraphie électrique, et malgré ses
vapeurs et ses chemins de fer, l'Union Américaine tend
au morcellement, le monde perd l'espérance d'une idée
pratiquement réalisable; cette idée, la grande idée humanité
ne s'évanouit pas, mais elle s'affaiblit ; le doute de son
avenir nécessaire et prochain entre dans les esprits les plus
philosophiques.
Supprimez l'imprimerie, et l'ignorantisme anéantit
aussitôt la plupart des découvertes modernes. Bellarmin
fait brûler les écrits de Galilée; la terre ne tourne plus
autour du soleil ; notre grain de sable redevient la grande
affaire de l'immensité ; l'infini disparaît pour s'arrêter à
cette voûte de cristal ornée de clous brillants que l'on
appelle les étoiles; la chimie, la physique, l'histoire natu-
relle et l'anatomie se réfugient dans quelques sanctuaires,
et la cabale reparaît.
Supprimez les alphabets, et les peuples retombent à
l'état de tribus et de hordes sauvages ; d'où cette conclu-
sion : la science du langage, de son passé de ses éléments,
20
462 PHILOSOPHIE
de ses progrès, est la première des sciences, au point de
vue de la civilisation.
Cette conclusion peut être formulée autrement ; on peut
dire :
Vètre encore en gertne , appelé humanité , a besoin de la
parole parlée ^ transcrite, imprimée et télégraphiée pour
commander à ses principaux organes , pour diriger ses
molécules intégrantes , c'est-à-dire les êtres humains.
Depuis deux mille ans , les érudits flairent les origines
des mots , ils remontent à leurs sources : c'est bon , mais
il y a autre chose à faire. La source a aussi sa source ; si
tel mot vient du latin , le latin , son père , vient du grec ,
le grec de quelqu'asiatique , celui-ci peut-être d'un égyp-
tien, l'égyptien d'un indien, d'un sanscrit, et le sanscrit?
Je ne sais. — Reculer la difficulté , est-ce la résoudre ?
Avant de me dire : le froment vient de Toegilops , l'œgi-
lops d'un loliuuF, les lolium viennent des gramen , et les
gramen de je ne sais quelle source inconnue, je classe les
plantes par familles et par groupes.
Je ne rejette pas l'étude des transformations; mais je
veux , avant tout , le travail préparatoire qui rendra cette
étude profitable.
Les collections connues sous le nom de dictionnàibbs
et de dictionnaires de racines , sont bonnes , sans doute ;
mais elles n'expliquent pas le génie d'une langue, le génie
d'un peuple , sa manière de créer, de fabriquer des mots ;
d'agiter, de modifier, d'épurer, de rectifier et de transfor-
mer incessamment son langage.
IJne langue au grand complet ne peut nourrir aujour-
d'hui plus de vingt mille mots vivants. Eu moyenne, la
mémoire d'un lettré en conserve six mille ; mais l'homme
du peuple ne dépasse pas le sixième de ce chiffre, et
cependant nous avons le dictionnaire de Trévoux chargé
de trente-huit mille mots inusités ; celui de Gattel qui en
compte cinquante mille presqu'inconnus; celui de Raymond
qui dépasse aussi du même chiffre le dictionnaire de
l'Académie ; celui de Boiste qui , à ses vingt-deux mille
mots utiles , joint quatre-vingt-huit mille expressions sans
BU SIÈCLE. 463
usage ; celui de Landais qui a dépassé Boiste de vingt mille.
— Toutes ces collections sont informes , sans principe et
sans règle : comme si le nombre des mots faisait la bonté
d'tin dictionnaire et enseignait quelque chose sur la phy-
siologie d une langue. Evidemment tout mot qui, de prime
aixMtl, n'est pas compris par un million de français, est
un mot mal inventé et qui ne sera jamais français.
C'est une idée assez singulière que de forger, en fran-
{^s, des mots grecs, quand le français se compose essen-
teillement de celtique , de latin et d'un peu de germanique.
Est-ce d'abord que airifarme ne vaudrait pas mieux pour
le vulgaire que aêri forme , et par suite pour tous ? Est-ce
que Ton ne serait pas mieux compris en disant le genre
cheval qu'en remplaçant le mot cheval par solipéde ? Pour-
quoi dire plutôt les batraciens que les grenouilliens ? Pour-
qac» le mot phrénologie, science de l'esprit, qui ne
rappelle en aucune sorte les fonctions cérébrales. La mau-
vaise interprétation de cette expressiop n'a-t-elle pas con-
duit à confondre la phrénologie avec la craniofogie ou
cranioscopie?... Pourquoi? pourquoi?... Parce qu'il y a une
foule de niais {sic) qui s'imaginent avoir inventé une
science quand ils ont écrit une nouvelle classification ou
des mots difficiles à comprendre. Quels mots grecs pour-
raient remplacer les mots ballon et chemin de fer ? Le
peuple dira : un air chaud, pour désigner une machine à
air chaud , et il aura raison de rejeter toute désignation
grecque. — Le grec est mort, qu'il dorme en paix !....
Rien ne procède brusquement dans l'univers : un Uen
mystérieux en imit toutes les parties ; mais toutes ont été
soumises à la grande loi des transformations. Ce qui se
passe pour les êtres qui frappent nos sens, pour nos miné-
raux, nos végétaux et nos animaux, a lieu' également pour
le monde invisible des idées et par suite pour les mots qui
en sont l'expression vivante et saisissable. Les méthodes
d'investigation adoptées par les naturalistes sont donc
applicables aux langues et aux mots qu'elles renferment.
Cela posé , passons outre. Nous appelons racine tout mot
vivant dans le langage, avec une signification acceptée,
ne pouvant être décomposé en d'autres racines.
464 PHILOSOPHIE
Les Racines et Dériyés forment le fond de toutes les
langues ; leur fonction est de désigner les choses et les
cires , soit au repos , soit dans leurs divers modes d'acti-
vité.
Les RiJDiGAux ne sont , le plus souvent , que des racines
altérées , tronquées , pour être mieux soudées dans la com-
position des mots.
Les particules radicales diffèrent des racines et des radi-
caux : énoncer le fait , c'est le faire comprendre.
Les mots naissent et se composent les uns des autres
par une série d'incorporations et d'abréviations successives
dans lesquelles les particules radicales jouent un grand
rôle.
Guidés par Charrassin , que nous ne faisons souvent ici
que résumer, pénétrons plus avant.
Nous trouvons d'abord, au commencement des mots,
des particules séparables, ou prépositions, et des insépara-
bles. Les séparables sont les quinze prépositions : a, avanie
contre, dans^ de, en, entre^ hors^ outre^ par^ pour, pris ,
sousj sur, vers. Les inséparables sont au nombre de qua-
torze : aby co, dé, di, é, tn, ofr, pré^ pro^ re, si, irons, ha,
ca; elles semblent n'être que d'anciennes prépositions
tombées en désuétude, et jouent un rôle dans d'autres
langues. C'est ainsi que ob dans obstacle et ex dans
extension ne sont que les prépositions latines ob et ex.
Voulons-nous pénétrer plus avant: analysons quelques
mots , soient abnégation, eomplet, déjeûner, irréparable.
Abnégation , pour l'analyse , doit s'écrire ab-n-ég-alion :
AB signifie loin ; n est le radical de non ; se est le radical
d'agir ; ation est le mot action réduit d'une lettre.
Complet. Ecrivons co-m-pl-et : co signifie avec ; m est
une lettre harmonique ; pl est le radical de plein : et repré-
sente le mot est.
Déjeuner. Ecrivons dé-jeun-er : de signifie hors ; jbdîï
exprime la qualité de celui qui jeûne ; br signifie faire ,
mettre fmetlre hors jeun).
Irréparable. Ecrivons ir-ré-par-able : ir veut dire
non ; ré est la particule de retour ; par est le radical de
parer; able signifie habile (non — ^retour — ^parer— habile).
BU 8IÈGLB. 465
Il est des particules significatives harmoniques qui s'in-
corporent au milieu des mots. — Si le verbe agir , qui
entre dans la composition d'un si grand nombre de mots ,
conservait toujours sa forme , rien ne serait plus facile que
de le reconnaître ; mais c'est un des vices de la langue
française de l'avoir déguisée dans les radicaux suivants,
qui expriment l'action : ig, g, ign, aign, agn, egn, eign,
ogn, oign, ugn, ing, etc. ; act, ect, ict, ic, ce, ice, etc. ;
at, et, it, etc.
Exemples: Prodigue. Ecrivons pro-d-ig-ue : pro signifie
en avant ; d est une lettre harmonique ; ig est le radical
d'agir ; UB est une addition harmonique.
Dans prodigalité, nous trouvons deux fois ce radical,
sous les formes ig et it : la terminaison é indique une
essence.
Eloigkbr, écrit é-1-oign-er: on y trouve de suite É,
hors, loin; l, radical de longueur; oigw, radical d'agir;
SR pour être.
Périodique. Ecrivons péri-od-iq-ue : péri, autour ; od,
rad. grec, de odos, chemin ; iq, radical d'agir ; ub, lettres
harmoniques.
Le verbe être a eu , dans les patois français , quatre
formes principales : être, estre, eter, ester, qui sont entrées
trè&-avant dans les mots de notre langue. S semble la
lettre de l'existence , de la respiration , et T celle de la
stabilité. Jamais elles ne manquent au verbe estre.
Toutefois, le radical A'estre se transforme dans les mots
en estr, stre, str, ster, tre, tr, etr, et, est, st, t.
Exemples : Séquestrer. Lisez se-qu-estr-er : se veut
dire à part ; qu signifie agir ; estr est le radical de estre ;
BR , mouvoir, faire.
Tester. Lisez te-ster : te, radical de toit, tuteur, indi-
que ce qui est stable , ce qui appuie ; ster est le radical
A'estre.
Etâhg. Lisez ét-ang : bt , radical d'être ; ang signifie
aiguë, ague, eau. Etang signifie donc être ang ou être
eau.
Stable. Lisez ét-able: ce qui signifie être habile ou
apte.
466 PHILOSOPHIE
Stâ&nânt. Lisez st-ag-ant : st signifie être ; âgn, ague ,
aiguë ou eau ; atyt veut dire étant , soit être eau étant.
Intestin. Lisez inte-st-in : soit iin's , en dedans ; st,
être ; m, radical d'agir (en dedans être agir).
Remarquons que les particules esc, se, ech expriment ,
en général , le mouvement dans le sens déterminé de mon-
ter, . descendre , de tendance vers , de gradation , de
croissance. Exemples : escarpé, escabeau, escalade, inut-
mescence, effervescence, efflorescence.
Si peu nombreuses qu'aient été les analyses de mots
que nous venons de donner, elles ont fait pressentir que
beaucoup de lettres sont introduites dans les mots ou
supprimées pour l'agrément du langage ; nous devcms
insister sur ce fait et le signaler par quelques exemples
saillants.
C'est ce qui a lieu quand de cabri on fait chèvre ; de
familiariser, familier -, de chalumeau , chaume ; de chaleur,
chauffer ; de peser, poids ; d'espérance , espoir ; de pelure,
peau; de demi, moyen ; de pher, ployer ; de ovale, œuf;
de total , tout ; de vocal , voix ; de utricule , outre ; de
croûte, crustacé; de vieux, vieillir; de crête, croître et
crue; de lieu, louer et location; de sel, saler, sauce et
soude; de jeu, jovial, jouer et joie.
Ces exemples nous conduisent à rappeler ce que nous
avons dit au début, à l'occasion des consonnes, et à montrer
que leurs permutations sont très-larges dans l'usage ; ainsi :
BFGIJHNPQURV permutent ou ont permuté
dans la formation de la langue française : d'obfice , on a
fait office ; de livre, libelle ; de claveau, clef ; de navire ,
nef ; de neuf, nouveau. — Il y a aussi des changements de
ant, ance, ent en am et em ; de er en re ; de c ou ch en k,
en equ, en qu, en ss, en s, en g, en x.
Les mots sont en vérité comme les fleurs qui ont leurs
pétales, leur corolle, leurs étamines, leur pistil, leur
ovaire , parties diverses très-persistantes pour le vulgaire ,
très-variables et transformables pour le naturaliste. Les
mots se décomposent en portions susceptibles de modifica-
tions nombreuses , de caractères généraux , d'usages con-
sacrés.
DU SIÈGLB. 467
Les terminaisons ance, ant, ante, ence, ent, ente, esse,
e, et, ette, te, te, ude, ue, ise, it, us, ot, ote, i, at, oi,
expriment la substance, l'être, la réalité, l'état actuel,
la situation delà chose désignée parla racine.
Exemples : Abond-ance, naiss-ance, viol-ence, ongue-enl,
tourm-ente, allegr-esse, fin-esse, qualit-é , antiquit-é ,
poign-^t , brun-ette , israéli-te , visi-te , décrépit-ude ,
fénéant-ise, prim-al, secrétari-at, manch-ot, charr-oi.
Les terminaisons oir, aire, er, ère, on, au, ive, ette,
ande, ende, ard, expriment l'usage, l'utilité, le but, la
coopération.
Exemples : Abreuv-oir, observat-oire , doigt-ier, barr-
ière, tamp-on, chape-au, invect-ive, aigre-ette, jur-ande,
can-ard.
Les terminaisons ir, er, ère, ier, iere, aie, ail, aille, ée,
isme, as, is, ade, expriment les idées de collection, d'en-
semble, de réunion, d'amas.
Exemples : Artiller-ie , confrér-ie , vivi-er , sucri-er,
fresn-aie, dur-ée, pagan-isme, hach-is, brig-ade.
Les terminaisons ment, ion, on, âge, expriment le tra-
vail, l'occupation habituelle, la pratique, l'exercice des
arts, sciences, professions.
Exemples : Amuse-ment, attent-ion, descript-ion, aun-
age, piU-age.
La terminaison ure exprime le produit , le reste , le ré-
sidu, la conséquence, TefTet.
Exemples : Teint-ure, mont-ure, brûl-ure, sci-ure.
Les terminaisons ette, et, elle, ule, ille, oie, ine, in, au,
CD, ot, ote, correspondent à l'idée d'abrégé, de diminu-
lîon , de petitesse , de réduction , de miniature.
Exemples : Bagu-ette, poutr-elle, fibr-ille, glori-ole,
diablot-in, roiss-eau, caban-on, marm-ot.
Les noms en ique, al, aire, ine, ice, isse, ace, asse, ache,
uche, oche, iche, éche, ouille, esque, rappellent les idées
d'imitation, de rapport, de corrélation, de dépendance,
d'attenance.
Exemples: Mus-ique, hôpit-al, dictionn-aire , doctr-ine,
arar-ice, grim-ace, coquel-uche , crev-asse, m-iche, maill-
oche, fl-éche, dép-ouille, arab-esqne.
468 PHILOSOPHIB
Les terminaisons en eur, er, ier, ère, in, ain, an, corres-
pondent aux idées d'auteur, d'acteur, d'agent : on dit cod-
fess-eur, cuisin-ier, moul-in, artis-an.
Le dévouement , la participation , la conservation appar-
tiennent, comme expression, aux mots en ien et en ist.
Exemples : Chrét-ien, citoy-en, archiv-iste.
Les' terminaisons ac, ic, oc, oque, ombe, sont imitatives
des sons.
Exemples : Gh-oc, tict-ac, fr-oc, tr-ombe.
Mots adjectifs.
L'existence, l'essence, l'état, la perfection, la plénitude,
sont représentés par les finales é, i, it, id, u, us, ide, an,
ane, and, ant, ent, it, ot, at, ère, fère, ard, il, ile, in, ain,
oin, aud, aut.
Exemples : Rus-é, gratu-it, march-and, ois-if, scélér-at,
lacti-fère, campagn-ard, fert-ile, river-ain, moric-aud.
Les désinences ique, ic, aque, el, al, este, ste, aire,
désignent la qualité, la condition, la dépendance, l'ori-
gine , la corrélation , tout ce qui s'y rapporte : class-ique,
publ-ic, élégi-aque, sensu-el, brut-al, cél-este, va-ste,
ju-ste, tr-iste, arbitr-aire.
Aie, âge, asse, ache, esque, atre, être, itre, stre, estre,
on, ond, attribuent la qualité, la tendance, l'habitude:
effic-ace, burl-esque, jaun-atre, arb-itre, terr-estre, mo-
rib-ond.
Ien, an, ois, ais, rappellent l'attachement , l'incorpora-
tion , la profondeur.
Exemples : Aér-ien, partis-an, bourge-ois, polon-ais.
La terminaison eux exprime la possession, le plein, le
support : lumin-eux, poudreux.
La terminaison et , la réduction : grand-et, foll-et.
Able, ible, oble, uble, er, ier, eur, caractérisent des
aptitudes : abord-able , poss-ible , vign-oble , finass-ier,
moqu-eur.
Oire et if, la destination, la coopération, l'utile : circu-
lat-oire, vomiti-if.
DIT SIÈCLE. « 469
Les terminaisons ime, ême, ème, attribuent la place ,
la grandeur, Texcellence : subl-irne, supr-ême, dixi-ème.
Des adjectifs , passons aux adverbes. Nous remarquons
que le génie des langues modernes tend à faire passer, aux
propositions , les fonctions que le génie des langues à dé-
clinaisons, le latin, le grec, le sanscrit, attribuait aux
terminaisons. Le français n'a que la terminaison ment qui
se réduit dans ses usages pour exprimer la consommation
de l'action des verbes.
Arrivés aux verbes , nous remarquons que les finales er,
re, ir, oir, signifient aller, exister, faire, agir, pousser.
C'est ainsi que les mots suivants deviennent des verbes :
Récit et er font réciter ;
Fond et re font fondre ;
Fin et ir donnent finir ;
Houvent et oir font mouvoir.
Dans ce qui précède ne figurent point des mots qui
n'ont rien de français et que les savants ont fabriqué.
Exemples : Les terminaisons suivantes désignent :
Arche, arque, le pouvoir ;
Logue , la dissertation ;
Graphe , la description ;
Crate, la force, 1 activité ;
Nome , la règle , l'ordonnance.
Nous arrêterons-nous ici avec Charrassin? Irons-nous
plus loin et n'essaierons-nous pas de conclure ?
i^Ne résulle-t-il pas évidemment de ce qui précède, que
les mots se produisent, comme tout ce qui existe dans la
nature, par transformations. — La grande différence entre
la langue française et la langue latine, Tune de ses com-
posantes, ne consiste-t-elle pas dans la suppression des
terminaisons mobiles ou déclinaisons , qui chargent inuti-
lement la mémoire. — Apprendre le mot muse c'est facile :
apprendre musa, musam, musœ, musarum, musis, musas
est ime œuvre plus complexe. Répétée sur cinq mille noms,
malgré les similitudes des termmaisons, cette façon de
décliner constituerait cependant quelque chose comme
trente mille difficultés de second ordre. Les pédants ont
l'habitude de s'extasier devant ce fait!...,
20*
470 ^ PHiLOSOPHIB
Les vices de la langue française dans cette partie , la
plus importante que nous venons d'étudier, sont que les
terminaisons ne se présentent pas assez définies dans leur
emploi, assez constantes dans leur usage, assez régulières
dans leur forme, qui devrait toujours rappeler l'être actif,
neutre ou passif, et par suite les verbes être et agir,
puisqu'ils se mêlent à tant de noms, ou, pour bien dire ,
à tous les noms adjectifs et à une infinité d'autres.
La création d'une langue savante destinée à descendre
des sommités de la société à tous les individus qui la
compose, n'est pas chose impossible. — Cette langue
serait d'autant plus savante et parfaite qu'elle exprimerait,
avec un plus petit nombre de mots et de désinences, toutes
les pensées.
Cette langue ne serait pas déclinée, parce que les
déclinaisons multiplient les formes et difficultés , surchar-
gent péniblement la mémoire et sont avantageusement
remplacés dans les langues modernes.
Ses conjugaisons seraient aussi simples que possible, et
ses mots formés par contractions euphoniques, avec des
terminaisons régularisées par une loi, de manière à pré-
senter des séries et des groupes bien plus parfaits que
ceux qui viennent de passer sous nos yeux.
Toutefois les séries et les groupes qui viennent de
passer sous nos yeux sont l'œuvre de l'usage, de l'habi-
tude, mais une œuvre inhabile, instinctive, inconsciente.
Ceux qui ont fabriqué notre langue n'en avaient pas
observé, raisonné, calculé les formes. La commodité a fait
beaucoup ; les habitudes acquises ont aussi exercé leurs
influences.
Dans une réforme de la langue française et des langues
européennes , il faudrait agir tout différemment.
La culture a transformé l'œgilops en froment sans que
nos pères s'en soient aperçus : nous connaissons ce fait et
nous savons l'utiliser, et nous savons bien plus , car nous
connaissons de quelle loi il est le résultat.
Arrivés de la même manière à comprendre comment les
langues se sont transformées, pourquoi ne pas tenter une
t ransformation nouvelle ?
BU SIÈCLE. ^ 47i
Le monde possàde runité des nombres et de système
numérique ; il a essayé , en France ^ l'unité des poids et
mesures; il tente Tunité des voies, des transports méca-
niques. — Il commence Tunité télégraphique, pourquoi
ne tenterait-il pas Tunité qui les faciliterait toutes : la
création d'une langue physiologiquement organisée et
destinée à créer la parole de Thumanité, à devenir le
TERBB véritable ?
Ne serait-il pas aussi utile , aussi savant et aussi philo-
sophique d'enseigner, dans les collèges , la langue univer-
selle, la vraie langue de l'avenir, que d'enseigner les
langues du passé ?
Cette création n'est pas aussi difficile qu'on le suppose-
rait au premier abord. Voici quelques-unes des règles à
suivre :
Soit une commission renfermant dans son sein des lettrés
de tous les pays ; elle commencerait par faire une collection
de raemes. — Après en avoir adopté une pour chaque mot
radical, elle établirait les règles suivantes :
i** Chaque voyelle , chaque diphtongue , chaque con-
sonne n'auraient qu'une prononciation unique et inva-
riable.
3® Chaque dérivé se formerait du radical ou de ses radi-
caux, selon des règles fixes. La transformation du singulier
en pluriel serait aussi simple qu'elle l'est en celtique. —
Nos pères (bretons de Vannes) se contentaient d'ajouter eu
au singulier pour avoir le pluriel : ainsi , disaient-ils, aval
(pomme), avaleu; corol (danse), coroleu; hoari (jeu),
hoarieu; gouren (lutte), goureneu. Nous pourrions faire
comme eux ; toutefois , nos pères avaient des exceptions
que leurs fils ne doivent pas imiter.
5"^ Chaque dérivé emprunterait aux verbes être et agir,
ou à leurs représentants, des portions destinées à les faire
paraître d'une façon régulière.
4"* De même que la terminaison ure a , dans la langue
française, une d^inence significative et spéciale, de même,
dans cette langue universelle, chaque désinence serait
aussi spéciale et significative. — Les mots de cette langue
correspondraient, en quelque sorte, à la nomenclature
472 PHiLOSOPniB
nhimiquc dont nous faisons usage avec tant de succès
depuis soixante-dix ans.
6° Il n'y aurait qu'un radical pour les mots qui doivent
en dériver; les anomalies telles que les mots porte-vue,
longue-vue, placés à côté de télescope et microscope,
seraient impitoyablement réformées. Pourquoi , en effet ,
le mot télescope? si longue-vue était insuffisant, le génie de
la langue française voulait que Ton dit très-longue-vue ou
ciel-vue , au lieu d'inventer une expression en dehors de
ses habitudes.
6° Les radicaux seraient choisis aussi caractéristiques et
aussi brefs que possible , et les désinences seraient adaptées
aJx radicaux avec la plus extrême brièveté.
7" Les mêmes règles générales suivies pour les noms ,
s'appliqueraient aux mots adjectifs.
8"" Cette langue n'aurait pas de déclinaisons ; elle conju-
guerait avec régularité et de la façon la plus simple, c'est-
à-dire la meilleure. Elle imiterait , sans les copier servile-
ment , les Celtes, qui n'avaient qu'une particule invariable
pour exprimer chaque temps du verbe être; mais sans
entrer comme eux dans de nombreuses exceptions. De la ,
pour chaque verbe actif, pour le verbe aimer, par exemple,
sept terminaisons au lieu de trente-cinq que présente la
langue française.
Dans l'état actuel des choses en ce monde , si pareille
langue se formait, elle aurait probablement pour bases
principales le grec et le celtique. L'hébreu, l'arabe, le
slave, le germanique, le chinois n'y paraîtraient que secon-
dairement.
Supposez un instant que cette langue existe et que la
désinence ite désigne , en médecine , toutes les maladies :
immédiatement , tous les savants du monde qui ont étudié
le grec comprendraient à la première vue les mots :
ophtalmite , blépharitc , anchicoblépharite , amphysenite ,
ecchymorite, hidatidite, ectropite, éphiphorite, œgilopite,
staphylomite , myosile, mydriasite, sinechite, lesquels se
rapportent aux maladies de l'œil. Toutefois , nous devons
admettre que plusieurs de ces expressions seraient singu-
lièrement réduites, que même plusieurs radicaux, tel que
DU SIÈCLE. 473
le radical ophtalm qui signifie œil, seraient modifiés à
cause de leur longueur, pour être rapprochés de. radicaux
analogues appartenant à d'autres langues.
La table des matières d'un livre aujourd'hui élémentaire
et très-bon, tel que l'ouvrage d'Edowards, sur l'histoire
naturelle , n'accolerait plus les mots suivants : mammifères,
oiseaux, reptiles, batraciens, poissons, annelés, articulés,
insectes, myriapodes, arachnides, crustacés, cyrrhipèdes,
vers, annelides, qui appartiennent , pour les principes de
leur formation, à des ordres très-différents, qui sont si dis-
parates, quoique destinés à remplir des fonctions identiques.
Mammifère, qui porte des mamelles, se compose de
deux mots latins adaptés au français. Oiseau , mot essen-
tiellement français, se décompose ainsi : oi-s-eau. Reptile
est le radical du mot latin reptare, remper, francisé par la
désinance ile. Batracien est le mot grec batraquê, gre-
nouille , francisé par la désinence ien. Poisson est le mot
latin piscis francisé ; les paysans de l'Est disent paincbon ,
les Flamands peschon et pischon. Arachnide n'est que le
mol grec d'araignée ; pourquoi a-t-il une terminaison en
ide, le mot batracien une terminaison en ien et le mot
myriapodes une terminaison en odes ? Est-ce que tous les
trois ne désignent pas de grands embranchements dans la
série des animaux ? La critique de ces quelques noms de
genres, si nous voulions la faire complète, nous conduirait
trop loin. Les esprits droits verront de suite l'importance
et l'utilité des réformes nécessaires. Mais pourquoi ces ré-
formes dans toutes les langues ? pourquoi pas dans une
seule qui serait la langue savante et deviendrait la langue
universelle ?
Encore imparfaite, la nomenclature chimique actuelle
désigne , avec environ soixante-dix mots et quelques parti-
cules a^jonctives, plusieurs milliers de combinaisons exis-
tantes ou possibles.
Que devrait être une langue universelle , sinon la no-
menclature de l'univers mise à la portée de tous, parce
Ju'elle se composerait d'un très-petit nombre de radicaux
ont tous les noms seraient très-habilement inventés ou
dérivés ?
474 PHILOSOPHIE
Pourquoi la France ne prendrait-elle pas Tinitiative dans
la création d'une langue unitaire ?
L'encyclopédie de Diderot, œuvre éminemment fran-
çaise , a exprimé le besoin et la possibilité d'une langue
universelle.
Cbarrassin , en faisant l'anatomie physiologique de notre
langue dans son bel ouvrage le Dictionnaire des rcunnes et
des dérivés^ a montré comment les racines et les mots se
transforment dans le français, tout comme Raspail, qua-
torze années plus tôt , signalait les transformations du bour-
geon en feuilles et en fleurs.
Nous venons d'analyser et de généraliser, on pourrait
dire d'algébriser l'œuvre de Cbarrassin : lecteur, si vous
pensez comme nous, prêchez, propagez notre croyance,
et vous rendrez un éminent service à l'humanité.
NUTRITION, DÉVELOPPEMENT. CONSERVATION
DE L'HOMME.
Examinés au point de vue de la nutrition, tous les
animaux et les végétaux sont des appareils de fixation et
de combustion : c'est une règle générale , absolue , à la-
quelle tous les êtres organisés sont soumis. Chez nous,
comme nous l'avons signalé déjà, le phénomène de la
combustion domine le fait de la fixation , tandis que le
contraire doit avoir lieu chez les végétaux, puisqu'ils sont
l'élément opposé de cette grande pile galvanique qui pré-
side à la circulation des agents naturels, aux combinaisons
et décompositions incessantes qui s'eifectuent sans cesse
sous nos yeux.
Lorsque nous prenons, pour notre nourriture, du pain,
de la viande, du beurre, du lait, ou d'autres substances
alimentaires, nous les introduisons dans la bouche. Coupée,
taillée et hachée par les dents , remuée et pétrie par la
BU SIÈCLE. 475
langue qui la pousse , soit contre le palais , soit contre les
dents, ramollie par la salive, la matière destinée à la
nutrition ne franchit l'isthme du gosier qu'après avoir été
examinée en quelque sorte par un organe appelé la luette ,
qui la repousse s'il y a lieu. Une fois cet isthme franchi,
le bol , ou matière alimentaire , lubréfié par les amigdales
pour glisser plus aisément, est serré par une ouverture
xBusculeuse appelée pharinx, qui le pousse dans l'estomac
au moyen d'un canal musculeux que l'on nomme l'éso*
phage, à peu près comme nous poussons, au moyen d'un
entonnoir, dans un intestin de cochon , la viande hachée
qui doit servir à faire saucisse ou boudin.
Une fois le bol alimentaire dans l'estomac , il est soumis
à trois actions: l'une, celle d'une chaleur à 58 degrés
centigrade, vaille plus, vaille moins, selon les individus
et l'état de bonne ou mauvaise santé ; la seconde , toute
musculaire , qui lui fait subir le même mouvement qu'elle
éprouverait si elle était soumise, dans un mortier, à l'action
d un pilon ; la troisième est chimique et produite par un
liquide spécial , appelé liquide stomacal ou suc gastrique ,
qui se compose chez nous de la manière suivante :
Eau. 991
( Phosphate de chaux.
Sels < Chlorydrate d'ammoniaque.
( Chlorure de sodium.
Matières | Mucus.
ORGANIQUES.) Matières inconuues.
1000
Ce liquide, dont les propriétés ont été mises en évi-
dence par Spallanzani , suffit seul, avec une température
convenable et le mouvement d'un pilon, pour transformer
en chyme, dans un mortier, les substances dont l'homme
fait sa nourriture habituelle.
Lorsque la matière alimentaire est suffisamment ramo-
lie et homogène , elle passe dans le duodénum où le chyme
devient chyle sous l'action du suc pancréatique et de la
bile* Le chyle est alors un liquide blanc, une émulsion
476 PHILOSOPHIE
véritable, mêlée aux substances étrangères qui seront
plus tard excrétées par Tanus sous formes de matières
fécales.
Du duodénum, le chyle passe, mélangé aux autres
substances, dans le jéjunum, et plus tard dans l'iléon, deux
intestins très-longs et assez étroits, à la surface desquels ,
surtout dans le jéjunum et le commencement de Tiléon ,
on aperçoit une foule de petits tuyaux capillaires et par
conséquent suceurs, qui pompent le chyle. On peut dire
que , dans cette occasion , la matière alimentaire est jetée
sur un passe-bouillon. L'intestin c'est le passe-bouillon où
restent les substances solides destinées à suivre leur route ;
les trous du passe-bouillon ce sont les ouvertures des
vaisseaux chylifères , et plus tard les ouvertures des veines
absorbantes des intestins, qui achèvent d'enlever aux ma-
tières sorties de l'estomac tout ce qu'elles contiennent de
nutritif. — Les vaisseaux chilifères conduisent le chyle au
canal thoracique, et ce canal verse dans la veine sous-
clavière gauche , le chyle mêlé aux liquides limphatiques
recueillis dans l'économie.
La veine sous-clavière conduit à la veine cave le sang et
les liquides blancs qu'elle a reçus ; cette veine les transmet
à l'oreille droite du cœur, où se retrouvent tous les pro-
duits absorbés à la surface des intestins.
Le cœur se compose de deux pompes aspirantes et
foulantes, qui lancent le sang à toutes les parties du corps
et qui le reprennent dans toutes ses parties , quand il a
servi aux usages de la vie. Les deux oreillettes sont les
organes qui , au moyen des veines , aspirent le sang dans
toutes les parties ; les deux ventricules servent à le fouler
pour l'envoyer à toute l'économie ; leur mécanisme est
très-simple :
Le sang des veines arrive à l'oreillette droite. Cette
oreillette le reçoit , se contracte et le fait entrer dans le
ventricule droit. Au moment où elle se desserre, se décon-
tracte, un vide se produit; ce vide fait une aspiration,
et aussitôt le sang des veines y rentre , une soupape qui
s'ouvre de dedans en dehors s'opposant à ce que le sang
revienne du ventricule dans l'oreillette. Le ventricule se
BU SIÈCLE. 477
contracte à son tour et il chasse le sang dans Tartère pul-
monaire ; ici encore un jeu de soupape ouvrant de dedans
en dehors, empêche le sang chassé de rentrer dans le
ventricule.
Arrivé au poumon , le sang subit l'action de Toxigène :
de noir qu'il était, il devient rouge ; de veineux il devient
artériel. — Il est repris alors dans le poumon par les
veines pulmonaires , les seules du corps qui conduisent du
sang artériel , et amené à Toreillette gauche. Celle-ci
s'ouvre , fait une aspiration , reçoit de nouveau sang , se
contracte et le chasse dans le ventricule: une soupape
empêche son retour dans l'oreillette. A son tour le ven-
tricule se contracte et chasse le sang rouge qu'il a reçu
dans l'artère aorte. Quand la contraction cesse , un jeu de
soupape empêche le sang de revenir dans le ventricule ,
et le vide qui s'y produit aspire le sang de l'oreillette
gauche , tout comme le vide du ventricule droit aspire le
sang de l'oreillette droite. — De l'aorte le sang va par les
artères à toutes les parties de l'économie. — Remarquons
que l'aspiration qui se fait dans les veines au moyen des
oreillettes, étant produite par le vide , est justement
égale à la pression que l'atmosphère exerce sur une sur-
face du corps de même étendue. Remarquons encore que
c'est au moyen de vaisseaux plus forts que les veines ,
c'est-à-dire au moyen d'artères, que le sang rouge est
distribué à nos organes , et n'oublions pas que les veines
ascendantes sont pourvues de clapets qui réduisent la pres-
sion qu'elles devraient supporter. C'est ainsi que la machine
humaine est , pour les mécaniciens , un modèle digne de
leurs plus sérieuses études.
Arnvé au poumon, le sang abandonne de la vapeur
d'eau et de l'acide carbonique pour changer de coloration.
Mais, si l'on en croit Collart de Martigny, il reviendrait
au cœur moins chaud d'un demi-degré centigrade. Dumas
évalue l'hydrogène et le carbone brûlés dans l'économie à
une quantité équivalente, chez les adultes, à trois cents
grammes de carbone , c'est-à-dire à la quantité de char-
bon nécessaire pour élever, par heure, de un degré du
thermomètre quatre-vingt-quatre litres d'eau , mais notre
478 PHILOSOPHIB
économie perd naturellement toute la partie de cette cha-
leur employée à produire la vapeur d'eau qui sort des
poumons par la respiration.
Longtemps nos pères n'ont rien compris au phénomène
de la calorification. La source de la chaleur animale n'est
pas dans le cœur, comme le supposaient Hyppocrate et
Galien. Elle n'est pas dans le frottement du sang contre
les parois des vaisseaux qu'il parcourt : opinion qui n'en est
pas meilleure pour avoir été soutenue au XVII* et au XVIII*
siècles. Elle n'est pas non plus dans la respiration : CoUart
de Mariigny, Brodie et Chossat ont prouvé le contraire ,
le premier, en examinant le sang des deux oreillettes ;
les deux autres , en étabUssant que les animaux décapités
se raidissent plus vite que les asphyxiés, et plus vite encore
sous l'influence d'une respiration artificielle. Chaussier
admettait une force spéciale , la caloricité ; mais c'était se
payer d'un mot. Pour nous, avant d'expliquer la calorifi-
cation , nous croyons utile de faire connaître quelques-uns
de ses modes.
De 0 à 10 degrés centigrades, les grenouilles vivent
dans l'eau ; au-dessus de 10 , il leur faut une respiration
aérienne , ce qui rend leur pêche bien plus facile en été.
— L'asphyxie par l'acide carbonique demande du froid
au corps ; l'homme alors ne peut supporter qu'une faible
respiration. — Les animaux hybemants n'ont , en hiver,
quune faible respiration, très-réduite et très-lente; au
printemps et en été, leur fonction pulmonaire est au con-
traire très-active. — Les jeunes mammifères supportent
aisément un abaissement de 10 à 12 degrés de tempéra-
ture sans mourir; mais cet abaissement se produit avec
une extrême faciUté : de là l'une des grandes causes de
mortalité chez les enfants trouvés. — Lorsque la tempé-
rature s'abaisse malgré l'accélération de la respiration,
cette accélération ralentit le refroidissement. — Les ani-
maux consomment d'autant plus d'oxigène qu'ils produi-
sent plus de chaleur : aussi de jeunes moineaux vivent- ils
plus longtemps que de vieux , dans l'air qui n'a pas été
renouvelé. — D'après Crawfort, on consommerait plus
d'air en respirant un air froid qu'un air chaud. — Dans un
1)0 SIÈCLE. 479
appartement à 1^ 5, on réveille une chauye-souris : sa
température est de 4 degrés ; une heure et demie plus
tard , elle s'est élevée à IS ; une demi-heure plus tard
encore à 27 ; puis elle reste stationnaire. La même expé-
rience , faite sur un hérisson dans un lieu à 5 degrés au-
dessus de 0 , donne d'abord 12*^ 5 pour sa température ;
une heure plus tard, elle est de 50; une heure plus tard,
elle cesse de s'élever. Chez les mammifères et chez l'homme,
les individus les plus lymphatiques ont une chaleur ani-
male inférieure aux autres d'au moins un demi-degré.
Chez nous, la chaleur du tissu cellulaire est moins élevée
Îue celle des autres parties qui varie de 56 et demi à 58 et
emi. Cette chaleur devient plus considérable dans l'état
de maladie. On a trouvé 40 degrés dans un abcès scrofu-
leux du cou ; mais le fait capital , c'est que la compression
d'un membre réduit immédiatement d'une manière très-
appréciable, et son degré Je température, et la chaleur
qui s'y développe.
De ces faits qu'il était important d'étabUr, si nous
revenons à la circulation , le premier phénomène qui nous
préoccupe est celui du passage du sang artériel dans les
veines et les limphatiques. Dans ce passage, soit qu'il
s'effectue directement de vaisseau à vaisseau, soit que les
artères aboutissent à un corps spongieux dans lequel veines
et lymphatiques viennent puiser le Uquide déposé, tou-
jours est-il qu'il existe une disposition analogue à celle
d'une immense série de petites piles, produites par la
présence et le contact de liquide rouge , d'un côté ; de
sang noir ou veineux , ou de lymphe, de l'autre ; piles ana-
logues à celles que nous pouvons former en mettant , dans
des tubes en U , deux liquides , ou en faisant réunir deux
tubes contenant des liquides non identiques, au moyen
d'un corps spongieux et conducteur.
Toutes les terminaisons de nos vaisseaux seraient donc
autant de petits appareils très-faibles, mais innombrables,
d'électro-diimie. Que l'animal dorme ou boit éveillé , ces
appareils agissent ; voilà pourquoi les reins , le foie et les
autres glandes continuent , pendant le sommeil , à sécréter
l'urine , la bile et les autres liquides glandulaires. Si un
480 PHILOSOPHIE
muscle est au repos, il ne reçoit que la quantité de sang
artériel exigée par sa position; mais aussitôt qu'un membre
se meut , tous les muscles qui le font agir reçoivent une
quantité de sang plus considérable. Le liquide rouge et
vivifiant devient noir en traversant les muscles, et celte
métamorphose multipliée et répétée augmente la tempé-
rature de la partie , tandis que cette température diminue
aussitôt que le membre revient au repos, pour s'abaisser
encore si Ton comprime ses vaisseaux nourriciers , de ma-
nière à réduire la quantité de sang rouge que le cœur lui
envoie. La calorification , que Ton peut diviser en volon-
taire et souvent perçue et en involontaire, est donc le
résultat de la réaction chimique du sang dans tous les
organes, sous l'influence électrique d'une multitude de
petites piles vasculaires, produites par la présence de
tubes artériels et veineux ou lymphatiques , contenant des
liquides qui ne sont pas identiques.
Admirons maintenant les harmonies de l'organisation
humaine.
L'homme habite-t-il im pays froid, aussitôt il mange
davantage afin de fournir plus d'aliments à la combustion,
source de chaleur ; il donne plus d'exercice à ses muscles,
afin de produire des combustions plus nombreuses; par
suite , les pulsations du cœur et la respiration sont accélé-
rées. Le contraire a lieu en sens inverse. Constamment,
du reste , dans l'étal de santé , chaque organe reçoit selon
ses besoins, et ses besoins sont proportionnels à son travail.
Admirable exemple pour l'organisation sociale ! puisse un
jour l'humanité le mettre a profit.
Tant que l'animal puise dans le chyme de ses intes-
tins une nourriture plus considérable que les pertes qu'il
subit par la respiration , par la transpiration cutanée ,
par les matières fécales et par les urines , son corps aug-
mente de volume et profite par la fixation à l'intérieur
de principes déposés dans les diverses parties de l'écono-
mie. Cette quantité de nourriture est réglée chez l'homme
adulte de nos contrées par les 15 grammes d'azote qui
figurent dans nos urines, sous la forme de carbonate
d'ammoniaque, quand elles ont subi l'action de l'air, sous
DU SIÈCLE. 481
la forme d'urée dans le cas contraire, et par le carbone
et l'hydrogène que sa respiration pulmonaire verse au
dehors. Aussi a-t-on trouvé que Thomme adulte de nos
contrées avait besoin de six mètres cubes d'air par heure
pour sa respiration , et de la ration du cavalier français
pour son alimentation. Au-dessus, il y a bien-être et luxe ;
au-dessous, souffrance, misère, maladie. Faire en sorte
que tous les adultes reçoivent intégralement ces deux
premiers éléments de la vie , tel est le devoir de tout
gouvernement quel qu'il soit. L'économie humaine fléchit
quand un organe, un seul est malade. L'économie sociale
souffre et va mal quand il existe dans son sein des mem-
bres ou organes de la société qui ne peuvent fonctionner
selon les conditions régulières et physiologiques de leur
vie.
Ce travail n'étant pas un traité spécial de physiologie,
ce que nous venons de dire suffit à nos lecteurs.
DU PRINCIPE PHYSIOLOGIQUE
SUE LEQUEL BEVRAIEM' ESPOSER l'ÉBUCATION ET LE
SYSTÈME PÉNITENTIAIRE.
Par l'action de ses muscles, l'homme se déplace et peut
accomplir le travail nécessaire pour se procurer les aliments
de sa vie : il boit et il mange. Par les cinq organes des
sens, il se met en rapport avec le monde extérieur.
Par la parole, il communique avec ses semblables et
même avec un grand nombre d'animaux. Par son intelli-
gence, il manifeste ses tendances morales, son savoir, ses
passions.
Du reste, quoiqu'U fasse, l'homme adulte, l'homme phy-
sique, intellectuel et moral est le produit fatal de deux fac-
teuDS : la nature et l'éducation , tout aussi bien que la ca-
482 PHILOSOPHIE
pacité matérielle d'une pyramide est le produit de sa base
par te tiers de sa hauteur, tout aussi bien que la quantité
A par B est le produit de A et de B. Cette importante vé-
rité a été peu sentie jusqu'à ce jour , quoiqu'elle se trouve
implicitement exprimée dans les ouvrages de Gall et de ses
disciples , dans les écrits de Robert Owen et de quelques
autres socialistes, dans les révélations de l'antiquité qui
toutes enseignaient dans les sanctuaires la croyance à Tin-
néité des attractions et l'action du milieu. Elle a besoin
d'une démonstration complète ; la voici :
Un homme ne se donne pas le principe de la vie ; ce
principe est le résultat de la fécondation d'un ovule de la
mère par le sperme du père , et si nous remontons plus
haut, il est l'œuvre de la providence. Le fruit de cette fé-
condation est fatalement l'héritier de ses parents, sous bien
des rapports. Il apporte au monde des prédispositions pour
leur ressembler physiquement, moralement et intellectuel-
lement. Il en apporte aussi pour leur ressembler au point
de vue des dispositions organiques et de sa constitution ;
bien plus, il est souvent l'héritier de leurs maladies. Il peut
venir au monde imprégné de scrophules, de psore ou de sy-
philis. Cela même va bien plus loin*., le fœtus humain, au
moment où il sort de l'œuf, peut être empoisonné par une
maladie qui ne se manifestera chez lui que dans un Age
plus avancé , et qui fera son incubation pendant des an-
nées dans son économie avant de se manifester ; maladie
larvée ou latente qui a puissance d'être , et qui pourra
quelque jour jeter le trouble, le chagrin, le désordre et
les regrets dans une famille entière. Ce que j'avance, je ne
l'ai pas appris seulement dans les ouvrages des auteurs ,
mais je l'ai lu en gros caractères dans le grand livre de la
nature. Ainsi donc la providence a voulu que le principe
de vie de chaque homme fut une émanation des parents.
Elle a créé par smte des prédispositions, non seulement in-
nées mais encore traditionnelles, en inscrivant dans la pro-
géniture quelque chose des progéniteurs , en marquant l'en-
fant au cachet du père et de la mère. Cette influence mys-
térieuse, tantôt bonne tantôt mauvaise, que des parents
même inconnus exercent sur des enfants dont ils ont pu
DU SIÈCLE. 485
être séparés dès le premier jour de leur naissance , voilà
ce que nous appelons la nature. Aussi est-il vrai de dire
que si l'être adulte n'a pu en rien modifier Tovule et le
sperme qui l'ont produit , Tinfluenee vitale qu'il a reçue de
ses parents, la force initiale avec laquelle il a paru pour
la première fois dans le monde en sortant du vagin de sa
mère , l'un des facteurs de son être , est en dehors de ses
efforts et de sa volonté : quel homme de sens voudrait l'en
rendre responsable ?...
Nous entendons maintenant par éducation les influences
diverses exercées sur l'être humain depuis le berceau jus-
qu'à l'âge adulte , par le lait qu'il a sucé , par la nourriture
qu'il a reçue, par la climature du pays où il a vécu, par les
soins de toute nature qui ont protégé ou tourmenté sa fai-
blesse ; par la misère, l'aisance ou la richesse de la maison
paternelle, par son père et sa mère , son tuteur, ses frères
et sœurs, ses parents, voire même par le chien, le chat,
la chèvre et les animaux domestiques de la maison ; par
ses voisins et les enfants qu'il a fréquentés , par l'époque
sociale qui a fait retentir à ses oreÛles des airs d'amour
ou de guerre, des paroles de dévouement ou de haine, qui
lui a mis sous les yeux le drame de l'invasion de son pays
ou la vie rude et pacifique du laboureur ; par la poésie ou
la monotonie des paysages qui ont frappé ses yeux ; par les
idées religieuses qui lui ont été enseignées ; en un mot par
tous les agents quels qu'ils soient , à quelque règne qu'ils
appartiennent , qui ont pu faire sur lui quelqu'impression.
Mais cette éducation , qui donc se l'est donnée , qui donc
a choisi ses parents, ses voisins, sa patrie, la climature de
son pays et les divers agents de toute nature qui ont im-
pressionné son enfance ; qui donc en est responsable ?
Si maintenant l'on accepte que l'éducation soit une se-
conde nature, si l'on tient compte des nombreuses influen-
ces que la société peut exercer sur tous les enfants pour les
dévier de leurs voies traditionnelles , pour les diriger et les
modifier, on arrive à comprendre que les enfants sont en
quelque sorte à sa merci et que par eux elle dispose des
germes reproducteurs , de manière à dominer non seule-
ment le facteur éducation , mais encore le facteur nature
484 PHILOSOPHIE
dont elle pourra disposer un jour par des réactions inces-
santes et prolongées pendant de longues générations. Tou-
tefois ce travail social a besoin d'ordre , de paix et de sta-
bilité pour être persévérant et continu.
Ce qui précède revient à dire que Dieu nous a laissé
une large part d'action sur nos propres destinées en nous
permettant de pétrir et de modifier la race humaine, comme
nous le faisons pour les races de nos animaux domestiques.
Cette doctrine est aussi pleine de tolérance poiîr l'individu
que de sévérité pour la société ; elle a pour conséquence
l'amélioration nécessaire des hommes et de leur sort par
l'amélioration progressive des indivus ; elle concilie mer-
veilleusement les révélations des sages et les découvertes
de la science du XIX* siècle , Pythagore et Condorcet ,
Moïse et les modernes.
Accusateurs injustes et passionnés, avocats superficiels
et bavards, cessez donc dans le monde et dans nos tribu-
naux, cessez au plus vite votre lutte pitoyable , et vous ,
jurés, mettez-vous à la hauteur de votre rôle.
Virginie, cette malheureuse fiUe que vous avez sous les
yeux , a dix-huit ans ; son père était galérien libéré, sa mère
entremetteuse. Dès son plus jeune âge elle a eu sous les
yeux des scènes d'ivrognerie et de prostitution. Maintes
fois on lui a répété, dans son enfance, que tout le monde
vole, mais que les gens honorable, ce sont ceux qui ne
sont pas pris. A quatorze ans sa mère a vendu à quatre ou
cinq reprises sa virginité. Son corps a été livré à des dé-
bauchés et des sodomistes , pendant que son cœur était
serré, aplati, atrophié par la misère et l'obscénité. Nul ne
lui a enseigné la religion , mais en revanche ses camarades
lui ont mis au cou une médaille miraculeuse pour la
préserver de la maladie vénérienne et des sergents de ville.
Ah ! pour Dieu ne lui demandez pas compte de sa vie. Où
donc aurait-elle appris la chasteté , l'amour et les joies des
&mes , la sanctification des plaisirs ; où donc le respect des
lois des hommes ; où donc la culture de ses facultés morales ;
où donc l'idéal et la poésie du beau ; où donc la tendresse
et les vertus domestiques? Sa nature initiale n'était-elle
pas imprégnée de vices et son éducation a-t-elle jamais eu
BU SIÈCLE. 485
pour but de lui apprendre à aimer ce qui est aimable et
bon; à fuir le mal, à réformer les vices de son caractère,
à se soustraire à la prostitution qui est son gagne-pain ,
son seul moyen d'existence. Voyez du reste comme elle est
flétrie : sa chevelure est déjà tombée, ses dents sont cariées
et fuligineuses , ses lèvres coupées de fissures ; une odeur
alcoolique s'échappe de sa bouche , et sa parole est aussi
rauque, aussi rude pour le son que pour le langage; ses
yeux , ses beaux yeux de leune fiUe sont éraillés et chas-
sieux , ses longs cUs ont aisparu et sont corps porte les
honteuses cicatrices du mal d'Amérique. A cette fille, c^
n'est point la prison qu'il faut : quoiqu'elle ait fait , elle ne
sera jamais si coupable envers la société que la société l'a
été à son égard. Oh ! Virginie , viens pauvre enfant , viens
sans crainte ; ce n'est pas une maison de pénitence ou de
repentir que te destine la science : tu hais la pénitence , et
ta moralité n'est pas assez élevée pour atteindre au repentir.
Viens dans une maison d'éducation complémentaire rece-
Toir ce qui t'a manqué iusqu'à ce jour, des soins bienveil-
lants et affectueux , le contact d'être dévoués ; viens
apprendre la morale par le travail et t'instruire sur le but
et la destinée de la vie ; viens plier ton corps à des habi-
tudes nouvelles, c'est le seul moyen de te guérir de tes
maladies physiques et morales. Tu n'es, pauvre fille,
qu'une bète immonde pét c'est une femme que nous devons
à la société. Ainsi parlerait le physiologiste, s'il lui était
permis de faire succéder aux scènes de nos tribunaux les
efforts d'une réformation bien comprise et bien dirigée.
L'étude des facultés intellectuelles de notre être va
confirmer entièrement ce qui précède. Nous y trouverons
les éléments d'une morale positive ou plutôt la confir-
mation de la morale de Zoroastre, des druides et des
chrétiens, dans ce qu'elle a de plus noble et de plus élevé.
DE L'INTELLIGENCE HUMAINE.
Le cerveau est l'organe des facultés intellectuelles. Cette
vérité qui date des Grecs, a été souvent contestée , souvent
31
486 PHILOSOPHIB
inconnue mâme au XIX""* siècle , mais elle ne fait jilus
doute pour personne.
Les faculés intellectuelles sont multiples, et nou^sont
plus ou moins communes avec les animaux. «
L'anatomie , au point de vue de la localisât i^^ des
facultés intellectuelles, est trè$-peu avancée. f
L'observation des faits cérébro-intellectuels a }ieaucoup
devancé et devancera longtemps Tanatomie. C($rte science
porte le nom de phrénologie ; elle est poeitive pour tout ce
qui concerne les faits bien observés sur lesquels elle
>^'appuie.
La cranioscopie, ou Tart de deviner les faits phrénolo-
giques à l'inspection de la boite osseuse du cràne^ est et
sera toujours une science cox\jectural6 pour de nombreuses
raisons anatomiques , quoiqu'elle s'appuie souvent sur des
observations exactes. — Il est sage, de la part des artistes
et des philosophes, de l'étudier pour ses probabilités et ses
généralités. Aller plus loin, c'est généraliser trop vite et
d'une manière trop absolue en toute absence d'expérience
et d'observation. Le cerveau de l'homme est comparable à
un piano qui aurait trois octaves; il se divise donc pour
nous en trois groupes d'organes associés et confondus en
un seul, et chaque organe se subdivise en touches spéciales
ou organes secondaires : de là son unité et ses spécialités
si multiples. Les facultés de l'houmA se divisent en :
Facultés individuelles de conservation et de reproduction
ou facultés animales ;
En facultés intellectuelles;
En facultés sociables ou humaines , tendant à constituer
et perpétuer les sociétés et l'humanité.
Le cerveau a, comme on le voit, un p61e humain et un
pôle animal ou individuel , et de prime abord son étude
conduit à cette conclusion, que l'éducation doit surtout
avoir pour but de développer les facultés humaines , celles
qui nous élèvent au-dessus de la bête en leur soumettant
les facultés intellectuelles et les facultés animales ou de
l'individu.
Les organes cérébro-intellectuels ont, comme ceux des
autres fonctions, un ordre de développement: les uns
DU SIÈCIB. 487
apparaissent et s'éteignent les premiers ; d'autres se mani-
festent plus tard et conservent leur vitalité dans un âge
plus avancé. La mémoire des mots apparatt avec la vie et
diminue souvent à la moitié , aux deux tiers de l'exis-
tence.
Les organes cérébro-intellectuels ont aussi leurs arrêts
de développement, leurs anomalies qui ref^résentent des
états réguliers des animaux inférieurs, fait important que
nous avons signalé et décrit à Rennes, en 1852, dans le
procès d'Hélène Jegado, en insistant avec force sur les
conséquences morales qui en découlent.
Dans la série des êtres, les facultés individuelles ou
animales apparaissent les premières ; les facultés intellec-
tuelles viennent ensuite ; les facultés morales sont les der-
nières à se développer. Les anomalies cérébro-intellectuelles
de l'homme doivent donc porter, avant tout , sur ces der-
nières, puis sur les secondes.
L'absence des premières rend l'individu impropre à la
vie. — L'absence des secondes en fait un idiot. — L'absence
des troisièmes en fait un homme des races inférieures et
quelquefois plus , c'est-à-dire un tigre , une bête féroce.
Les principaux organes, les touches principales de
Toctave des facultés cérébro-animales , sont :
Le moi ou personnalité ;
L'amour physique, ^i porte à la reproduction de l'indi-
ridn ;
Chez les femmes et même chez quelques hommes,
l'amour maternel ;
L'amour des Ueux qu'on habite , du chez soi , ou habita-
tivité, cette source d'un patriotisme rétréci;
L'instinct de la lutte, de la destruction et même du
carnage ;
L'instinct de la circonspection, si développé, dans toutes
les espèces , chez les femelles.
Ces touches de l'octave animal du piano cérébral ne
sont peut-être pas les seules importantes ; mais il suffit de
ce qui précède pour que nos lecteurs entrent dans la voie
du vrai. L'observation corrigera , ajoutera plus tard , selon
ses indications.
488 PHILOSOPHIE
Inutile de dire ici que ces touches cérébrales ont leurs
dièses et leurs bémols.
La personnalité peut exister très^grande avec ou sans
Tamour de Tapprobalion qui en est une des formes ^ avec
ou sans cette volonté individuelle qui en est une autre et
qui prend parfois, mais à tort, le nom d'une vertu, la
ermeté , vertu qui suppose des facultés intellectuelles et
surtout sociables.
Autre exemple : La circonspection peut exister avec plus
ou moins de ruse , plus ou moins de discrétion. — La ruse
et la discrétion ne sont en effet que la circonspection appro-
priée à certains actes.
Les principaux organes, les princij)ales touches de
Toctave cérébro-intellectuel , sont les instincts :
Du toucher,
Du goût ,
De l'odorat ,
Des.spps,
Dés {on»es ,
Des couleurs ,
Du temps,
. Des nombres ,
De la parole.
Chacun de ces instincts cérébrd-intellectuels juge de
Taccentuation des impressions , de leur mélodie , des har-
monies dont elles sont susceptibles dans leur ordre
spécial.
Les principaux organes, les principales touches de l'oc-
tave des facultés morales, sont :
L'instinct philosophique.
L'instinct de sociabilité,
L'instinct de l'idéal ,
L'instinct vénérateur ou religieux.
Peut-être même serait-U plus convenable de les réduire
à trois et de représenter, par le tableau suivant, l'anato-
mie métaphysique que nous faisons en ce moment du
dernier octave cérébro-intellectuel.
SOGIABIUTB.
BU SIÈCLB. 489
Instinet observateur.
Philosophisme ) Instinct généralwateur.
\ Reeherchedu pourquoi et du comment
en tout et partout.
Justice.
Amour (charité selon le Christ et
saint Paul).
Vénération.
Tendance aux combinaisojois intellec-
tuelles, — besoin de vérité ,
d'exactitude , d'harmonie dans ces
combinaisons.
Idéal I ^^^^'^^^ d'une perfection absolue, —
/ besoin de sentir partout l'unité,
bisTiKCT DU Beau A "'^"^^ ^^^^ ^* multiplicité, _
' amour de la mélodie, ce mot
étant aussi étendu que possible.
Instinct rêveur recherchant les mys-
tères , l'inconnu , les causes pre-
mières.
Avec un peu de réflexion , on comprendra que l'esquisse
des (acuités cérébro-intellectuelles que nous présentons ici ,
est d'une vérité complète comme ensemble , mais relative
et incomplète dans les détails : c'est une esquisse , ce n'est
pas un tableau.
Nous n'avons point la prétention de faire un nouveau
système après celui de Gall , notre maître et ami ; nous ne
voulons que retirer de ses observations si nombreuses et
de ses grandes découvertes, les vérités qui sautent aux yeux,
pour éviter qu'on les confonde avec les erreurs ou les pro-
babilités dont il a semé ses études.
En lisant ce qui précède, tout homme digne de ce
nom doit se dire et se dira :
Je suis homme, parce que je sonde les grands mystères
de l'universalité des choses. Plus élevée que celle des bêtes,
mon Ame peut se bercer de milles rêveries délicieuses en
songeant à Dieu, à ce nœud sublime de toutes les diffi-
cultés , à cet intmi qni nous domine.
490 PHILOSOPHIE
Je suis homme , parce que je suis créateur, à rimitaiioD
de la providence; parce que je sais comprendre la mélodie
el lunité ^ la multiplicité et Vharmonie dans les œuvres de
la nature et dans celles que rintelligence humaine est
appelée à créer sur le globe en qualité de coadjuteur de la
Divinité.
Je suis homme , parce que je sais véuérer tout ce qui
est vénérable, c'est-à-dire selon le plan providentiel de
Tunivers, soit dans le monde, soit dans rhumanité.
J'aime tout ce qui est noble , tout ce qui est beau , tout ce
qui est grand : le vieux chêne de la forêt , les édairs et le
tonnerre de la tempête, la cime élevée du Mont-Blanc,
rinmiensité des mers. J'aime aussi Pythagore et Moïse ,
ie Jupiter de Phydias et les scientifiques découvertes de
Tesprit humain dans les temps modernes.
Mon cœur plein de tendresse s'est enfermé dans la prison
de Socrate et n'a pu se consoler de sa mort ; il a suivi
Jésus au Jardin des Oliviers ; il a pleuré au pied du
Calvaire ; il a dit , il dira mille fois avec saint Jean :
AiMBz-vous, hommes, aimez-vous: voilà votre voie. U ne
veut pas deux poids et deux mesures : ici les richesses de
l'industrie, des arts, du savoir, et là le déauemeat le plus
absolu en bien-être, eu poésie, en science, pour des parias,
pour des deshérjltés.
Mon intelligence a compris qu'elle faisait partie d'une
armée conquérante, d'une armée qui doit employer les
forces et les lois de la nature à la combinaison des efforts
sociaux , à l'exploitation de la planète , à la création du
plan d'ensemble des travaux qu'elle réclame , à l'organi-
sation de la famille, de la commune et de l'humanité. —
Elève de Descartes, elle veut observer, elle veut expéri-
menter, elle veut procéder du connu à l'inconnu ; elle veut
diviser, pour les vaincre , les difficultés ; elle redoute les
généralisations trop précipitées, celles qui n'embrassent
qu'une partie des uiits ; et c'est ainsi qu'elle entend arriver
à résoudre les pourquoi et les comment dont elle est
assiégée.
Voilà mes titres de noblesses; il n'en est point d'autres :
(îeux-là sont assez grands . assez beaux pour que je m'en
BU SIÈCLE. 491
Confie. Autrement je ne suis qu'un serin ou tout au plus
qu'on rossignol, si mon idéal ne multiplie pas et n'harmonise
pas mes mélodies; je ne suis qu'un oastor de génie, si mon
instinct constructeur roule toujours dans le même cercle ,
sans rêves ^ sans besoin d'améliorations^ privé du désir
d'ajouter aux charmes naturels et à la combinaison des
effets des eonstmetions humaines. Quelle serait, ô femmes,
votre supériorité , au point de vue maternel , si vous étiez
simplement les génitrices et les nourrices physiques de vos
enfants ? Pour arriver à la noblesse , à la dignité de votre
race , sachez donc donner à ces enfants le lait de l'intelli*
gence et le lait du savoir moral ; soyez leurs génitrices ,
leurs liourrices et leurs éduoatrices. €e dernier caractère
appartient en propre à rhumanité, et même quelques
espèces inférieures en sont privées.
Mais n'y a-t-il pas déchéance et dégradation pour celui
qui, comme le tigre, le lion, le léopard, ne connaît d'autre
famille que la sienne , prêt à iunnoler à ses désirs tout ce
qui leur fait obstacle. Si l'esclave de ses instincts indivi-
duels peut avoir l'aspect d'un homme, c'est un aspect
trompeur ; il peut être intelligent , mais alors il met une
grande inteUigeoce au service de ses passions personnelles :
c'est un assassin , un voleur, un violeur, soit dans l'ordre
individuel, soit dans l'ordre social. Né dans la Zélande,
il eut été antropophage , sans répulsions innées pour les
repas et les plaisirs des cannibales ; ailleurs , il peut aimer
le supplice et la torture ; ailleurs , il pourra dire au valet
du bourreau: Voilà deux louis, laisse^moi prendre ta
place.
Quoique nous n'ayons point prétendu localiser d'une
manière absolue les facultés inteUectuelles, nous sommes
obligés de remarquer que le front s'abaisse insensiblement
depuis les plus belles races humaines jusqu'à la grenouille,
de manière à former une très-intéressante série craniosco-
pique. Ce qui manque aux autres animaux de substance
céinâbrale pour manifester des instincts religieux, artisti-
ques , sociables et philosophiques , c'est donc cette portion
qui se trouve placée chez l'hcmime aux parties antéro-
supérieures et antéro^latérales.
492 PHILOSOPHIE
Tous les organes cérébro-intellectuels constituent autant
d'instincts ou de propensions diverses, et c'est une locution
très-fautive que la distinction établie entre l'intelligence et
rinstinct. Ceux qui l'ont introduite dans le Tangage n'étaient
pas physiologistes et n'avaient pas assez étudié la nature ;
ils avaient oublié que l'homme n'est autre chose que le
plus parfait des mammifères, et que, chez lui, l'octave
des facultés morales élève singulièrement toutes les autres.
Chaque organe , plus ou moins développé , constitue une
prédisposition plus ou moins forte ; chacun d'eux est
susceptible de recevoir des impressions et doué d'imita-
tion, de mémoire, de jugement et de volonté.
La pensée est l'expression, latente 'ou manifestée, de
jugements qui s'exercent à l'occasion d'impressions pro-
duites par une cause interne ou externe.
Toute sensation est une pensée plus ou moins nette ,
plus ou moins confuse , volontaire ou involontaire. Toute-
fois, dans le langage usuel, le mot sensation implique
une idée qui se rattache plus à l'octave des facultés ani-
males, tandis que les expressions sentiment et connaissance
se rattachent davantage, l'une et l'autre, aux facultés
intellectuelles et aux facultés purement humaines, quoique
cependant on parle souvent aujourd'hui de sensations
intellectuelles et morales.
La sensation de cause externe est constamment précédée
de deux faits : l"" de l'impression ; ^ de la transmission
de cette impression au cerveau.
Nous avons appelé sens les prolongements nerveux au
moyen desquels le cerveau s'avance en quelque sorte en
dehors de la botte osseuse, à la recherche des impressions.
Une sensation peut être fautive , soit par défaut du sens
qui reçoit l'impression , soit par défaut du nerf qui la con-
duit , soit par défaut de l'organe cérébral qui la juge.
L'instrument de Daguerre nous offre un moyen de
nous rendre compte de ce qui se passe dans notre cerveau.
Si l'impression est faible , elle s'efface vite et ressemble à
ces images que l'on n'a point passées au mercure. Si au
contraire l'impression est vive , elle devient susceptible de
se conserver dans les loges cellulaires du cerveau et d'être
DU 8IÈGLB. 495
teproduite à Tesprlt par la mémoire ^ exactement comme
les images daguériennes qui ont été fixées sur la plaque
d'argent par un procédé chimique.
Une idée pourrait donc n'être autre ehose qu'une com-
binaison de chimie transcendente entre deux éléments
très-subtils : l'impression et la propension. Raspail , qui
est entré le premier dans cette voie , a dit avec raison
que les mots : idée , jugement et raisonnement n'ont été
créés que pour faciliter le langage, attendu qu'il n'y a
pas plus d'idée sans jugement que de jugement sans rai-
sonnement.
Nous pouvons et devons en dire autant de ces expressions :
sensation, sentiment, connaissance, qui ne deviennent
nettes et précises qu'en leur attribuant le sens que nous
leur avons donné plus haut; autrement elles rappeUent
trop la métaphysique indoue qui les a imaginées pour la
première fois.
Pénétrons plus avant dans l'analyse des facultés ou
instincts cérébro-intellectuels.
Chacune d'elles constitue une propension et possède,
comme on l'a dit, ses affinités, ses attractions; chacune,
par suite, crée des impulsions, des méditations auxquelles
les autres facultés sont appelées comme aides ou comme
conseil ; chacune tend à agir et à se manifester par des
faits appelés actes.
Chaque faculté étant une source d'impressions et do
tendances, les unes remplissent ce rôle dans l'ordre huma-
nitaire, d'autres dans l'ordre purement intellectuel ou phy-
siques. Les dernières sont purement personnelles dans
leurs impulsions : de là des prédommances faciles à
comprendre ; de là toutes les variétés des natures hu-
maines.
U est très-logique de considérer toute tendance comme
désireuse des moyens de se satisfaire , comme poussant à
son but, c'est-à-dire vers un résultat, jusqu'à ce qu'elle
soit satisfaite ; mais il serait contre l'expérience et l'obser-
vation journalière des faits de considérer exclusivement
certaines facultés comme source d'impulsion, d'autres
comme moyen de réflexion, d'autres comme moyen
21*
494 PHILOSOPHIE
d'exécution ^ attendu que la personnalité humaine est
toujours représentée, à toute heure de la vie, par la
faculté active et dominante qui se manifeste. Exemple :
J'ai désir de musique : je prends l'argent nécessaire ,
avec ou contre le gré de mes autres facultés , puis je vois
au spectacle.
J'ai désir de musique : je m'asseois au piano et je pense
musique, puis je joue.
Ou encore :
J'ai désir de musique: je vais trouver un ami, avec ou
contre le gré de mes autres facultés qui peuvent me retenir
chez moi , puis je l'écoute selon ma tendance dominante
du moment.
Cet exemple peut être varié singulièrement et ap{diqué
à tous les organes cérébraux, parce que chacun d'eux
aime et désire, pense activement ou passivement, est
susceptible d'appeler les autres organes à lui donner des
conseils, de suivre leur avis ou de les dominer, selon son
énergie relative.
Nous allons développer notre opinion.
Chacune des propensions que nous avons signalées étant
plus ou moins prononcée , plus ou moins accentuée chez
chaque homme, leurs combinaisons différentes, produi-
ront toutes les variétés, toutes les nuances de l'esprit
humain.
Chaque propension peut être absente ou très-faible ; plus
développée, elle porte le nom de goût; plus développée
encore , celui de passion. Au delà de la passion nous trou-
vons la manie , la folie.
Lorsqu'une impression se produit au cerveau, les diverses
propensions tendent à s'en emparer pour former une com-
binaisons qui sera plus ou moins stable selon l'énergie de
cette impression.
Les organes cérébraux de notre intelligence sonti donc
une véritable assemblée délib^ante chargée de présider aux
actes volontaires de la vie.
La volonté n'est autre chose que le résultat d'une de ces
délibérations qui sont incessantes , que la résultante des
forces qui nous entraînent vers une action quelconque ou
BU SIÈOIE. 495
^ers une abstention, qae le produit du vote des propen-
sions cérébrales , que te résultat de leur serutîn.
On me demande d'aller au théâtre entendre d'eiccellente
musique : de là un désir représenté par deux* Un autre
désir, exprimé par sept, m'arrâte à écrire :ces lignes et je
reste à travailler, retenu par une puissance dont le chiffre
5 est Texpf esaion.
Si les votes sont égaux ou presque égaux , il y a indéci-
sion, la volonté est oscillante. Si, après le scrutin, les
organes qui ont mal voté s'en aperçoireiit, leur propension
disparaît : il ne reste plus alors qu'un vote contraire aux
propensions qui lui sont opposées, c'est-^à^lire qu'un regret.
Le regret est directement proportionnel à 1 énergie des
t^idances vaincues.
Quand tes organes intellectuels sont vivement excités ,
la votonté peut devenir énergique , Tindéciâon extrême et
le regret amer.
Dans nos assemblées délibérantes , il y a des meneurs
qui conduisent les autres, des hommes faibles qui laissent
faire, des dormeurs ou des inattentifs qui ne prennent
point part à la discussion. La même chose se reproduit chez
chaque homme pour ses facultés cérébrales. Tous nous
sommes conduits par nos dominantes.
« La propension, dit Raspail, qui l'emporte chez Thomme
même non civilisé , c'est la sociabilité que l'on voit s'affai-
blir graduellement et finir par s'effacer entièrement en
desc^fedant l'écheUe des êtres animés. Le plus vertueux
est cdui chez lequel cette propension domine davantage.
L'égoïste est celui chez lequel elle est en moindre degré
de prédominance ; le victeux et le méchant sont ceux chez
lesquels une toute autre propension prédomine. La folie
n'est souvent que le résultat du peu de stabilité des di-
verses combinaisons qui ont lieu entre les impressions et
les propensions, combinaisons qui se décomposent avec
une rapidité telle qu'il en résulte, presque en même temps,
une foule de volontés les plus disparates : c'est un rêve con-
tinuel. Tout homme a, chaque nuit, ses accès de folie, car
la nuit les organes n'élaborent plus d'une manière constante
et normale. La fausseté de l'esprit est une variété de la folie.
496 PHiLOsapHifi
)) Dans la solitude, il n'existe pas de yicieux : il ne peut y
avoir là qu'un sage et qu'un monomane ; pour qu'il y ait
vice ou vertu , il faut une société quelconque. »
Cette doctrine, que nous venons d'exposer sommaire-
ment, n'est que la traduction en langage philosophique
des croyances des anciens , comme l'on pouira s'en con-
vaincre en lisant nos études sur Moïse et Pythagore. Elle
se concihe merveilleusement avec les écrits des philoso-
phes modernes. Ah ! ce n'est pas matérialiser l'homme que
d'arriver, par une voie nouvelle, à ces conséquences, qui
ont été l'enseignement des sages de tous les temps et de
tous les lieux. Toutefois, il est une manière d'exprimer gra-
phiquement , et de dessiner aux yeux la polarité morale ;
nous allons y recourir : ce sera le complément de ce chapitre.
BU SIÈCLE. 497
La figure ei-joints représente la base du cerreau : le
MOI est le pÎYOt de cette boussole intellectuelle et passion-
nelle siu* laquelle nous avons résumé , en quelques mots ,
toutes les facultés cérébrales. — A l'extrémité antérieure ,
nous lisons d'abord fagultbs vbbgeptiyes. Toujours plus
complètes chez l'homme que chez les animaux, ces facultés
lui sont cependant communes avec les autres mammifères.
Viennent ensuite , sur la ligne médiane , Tesprit philoso-
FHiQUB ou GAuaiUTÉ , la sociAJBiLiTii ; puis, sur les côtés ,
riDâALiYÉ. Ce sont là les facultés qui sont spéciales à notre
être et qui transforment ses organes instinctifs en organes
réellement intellectuels; supprimez-les, et l'homme doué
de la faculté musicale ne vaudra pas plus , comme nous le
disions tout^à-l'heure , qu'un rossignol ou qu'un serin.
Un peu en arrière du centre , on trouve le moi ou plutôt
l'ambition, car le moi appartient à chaque organe : elle
est sous ses diverses formes l'orgueil , la vanité , le besoin ,
de jouissances, Fesprit de domination, le désir d'éloges.
A la suite de cette ambition, de cette personnalité qui
varie d'individu à individu , de race à race , et qui est le
pivot de la machine cérébrale, viennent les facultés ani-
males, T amour DE LA PROOimTURB, l'AMOtJB PHYSIQUE, et,
sur les côtés, la ruse, la destructivité , instincts nécessaires
à la coivsB&vATioi^ DB t'iifBiviDU. Indispensables à l'homme
sauvage et même à l'homme civilisé , ces qualités devien-
dront naturellement de plus en plus secondaires , lorsque
l'homme aura été développé et perfectionné par l'éduca-
tion selon son idéal, c'est-à-dire lorsqu'il se sera élevé,
f)ar un ordre sociétaire, au rang d'homme harmonisé,
orsque sa famille , perfectionnée par une excellente éduca-
tion , par untj éducation toute physiologique , sera devenue
une famille parfaite, et par suite une molécule sociale, un
petit organisme de l'humanité.
La morale de tous les individus et de tous les peuples a
toujours été l'égoïsme : la morale sera donc encore l'égoïsme
dans l'avenir, c'est-à-dire la résultante des attractions de
l'homme ; mais l'égoïsme d'une nature idéalisée n'a aucun
rapport avec celui de la bestiaUté. Pour l'homme perfec-
tionné par l'éducation, pour celui dont les parties anté-
498 PHILO$OPHIB
rieures et supérieures du cerveau auront acquis toute la
Srédominance désirable, les actes de dévouement, les élans
é la plus chaleureuse sociabilité ne seront pas , comme
on le Croit habituellement , des faits d*abnégation , mais
des actes passionnels dictés par le besoin de satisfaire on
penchant très-développé, souvent irrésistible. Oui, l'homme
vertueux est un égoïste à sa manière : comme tous les
autres , il veut satisfaire ses penchants et ses goûts pour
se procurer du bonheur, et, comme ses penchants et ses
goûts Tentralnent vers les idées grandes et généreuses,
vers les actes de religiosité, de sociabiUté, de philoso-
phisme et d'idéaUsme, c'est en se livrant à ses tendances,
c'est en cherchant ses jouissances personnelles , c'est en
subaltemisant Vanimal qui est et vit en lui par la partie
postérieuie du cerveau, à Y homme qui habite la partie
antérieure , qu'il arrive aux actes les plus nobles et les plus
élevés. Oui, c'est un bonheur et un grand bonheur que
celui de risquer sa vie pour sauver celle «d'autrui, que de
la donner même au besoin pour la sainte cause de Thuma-
nité. L'égoïsme , sous cette forme , est réellement humain.
Il devient animal et même bestial lorsqu'il subaltemise la
Késie de l'amour intellectuel et moral à l'amour physique,
mour des hommes à celui de la famille , les recherches
de l'étude, la religion et la philosophie aux plaisirs de la
chasse et de la pêche. — Dites qu'il faut user de toutes
les attractions de l'homme , que les attractions sont un
rouage qui trouvera sa place dans une mécanique passion-
nelle , telle que la commune sociétaire , et vous serez dans
le vrai; mais gardez- vous bien d'ajouter que toutes les
passions sont également bonnes , également utiles , égale-
ment saintes, car ce serait placer sur la même ligne des
instincts , des appétits , des voluptés d'ordre très-différent
et nier la gradation qui existe dans la série des animaux ,
sous le rapport du développement de plus!' en plus consi-
dérable des parties de la masse cérébrale qui correspondent
au front.
L'homme vertueux est un artiste dont l'idéal s'exerce
dans le plus grand des arts ; tandis que les autres s'élè-
vent à de grandes conceptions de musique, de peinture,
>
DU SIfiCLB. 499
de géométrie , plus parfait encore en son genre , il voit le
beau dans la justice et la vérité, selon les croyances
(le son temps, et l'idéal dans une vertu, dans une vigou-
reuse tendance de Tàme humaine dont les pressentiments
sont toujours d'accord avec les futures découvertes de la
morale , parce qu'ils sont en concordance avec le plan pro-
videntiel. Newton, Leibnitz, Laplace, Arago, Palestrina,
Rossini, Michel-Ange, Raphaël et Jéricho ont pu et dû
comprendre et saisir de prime-saut de grands accords de
géométrie, de musique, de peinture, que de longues
études permettent seules au vulgaire d'apprécier conve-
nablement. Ainsi Zoroastre, ainsi Pythagore, ainsi So-
erate, les Gracques, saint Jean, Origène et quelques-uns
des coeurs d'éUte des temps modernes, se sont élevés
au-dessus de leurs contemporains par un sentiment plus
exquis de l'amour des hommes, par une appréciation
plus ou moins consciente de rapports d'ordre moral et
social, qui échappaient à leurs contemporains et qui ten-
dent à tomber dans le domaine public.
L'avenir, en deux mots, le voici : C'est que tout être
humain soit conduit, par une éducation conforme aux lois
de la nature, à comprendre sans peine les œuvres des
Palestrina, des Rossini, des Michel-Ange, des Raphaël,
des Jéricho, des Newton, des Leibnitz, des Arago, à
sentir leur perfection relative pour leur époque , leur im-
perfection relative dans un temps plus avancé , et qu'il en
soit ainsi pour la morale et les rapports sociaux.
HOMIŒS, ÀIKBZ-VOUS.
Voilà le plus sublime et le plus complet des préceptes.
Mais il ne suffit pas de sentir instinctivement sa valeur :
Inhumanité n'existera réellement que le jour où il sera
devenu la pratique des peuples ; que le jour où les intelli-
gences les plus^minentes auront démontré qu'il embrasse
toutes les directions dé
gences les piusemmentes auront ai
et résume lesifforts du passé dans
rintelligence , parce qu'il est l'expr
, parce qu'il est l'expression la plus nette de
l'idéal de& hommes vertueux.
500 PHILOSOPHIE
DE LA PLURALITÉ DES ORGANES INTELLECTUELS.
Deux hypothèses seulement sont discutables : Tune,
celle de l'unité des facultés intellectuelles; l'autre, celle
de la pluralité. Cette dernière opinion s'appuie sur des
raisons nombreuses et sur Tobservation scientifique des
faits.
Qui de nous, en entrant dans un collège ou dans un
pensionnat, n'a été frappé de la diversité des facultés
intellectuelles de chacun ? Celui-ci a des dispositions pour
la musique , mais il est privé du sentiment des couIoults ;
cet autre est déjà mystique , il a une tendance très-pro-
noncée à l'adoration ; un troisième se fait remarquer par
de grandes dispositions pour le dessin, quoique Irès-
médiocre sous d^autres rapports. Comment admettre cette
variété et cette inégalité spéciale des intelligences, sans
admette aussi la division en plusieurs organes, de l'ins-
trument intellectuel ? Un piano n'a-t-il pas de nombreuses
touches qui correspondent à des notes très-diverses?
est-il pour cela privé d'unité? Pourquoi donc l'instru-
ment cérébro-intellectuel ne serait-il pas un et multiple
tout ensemble ?
Une seconde raison qui a sa valeur, c'est la similitude
que l'on peut établir entre les sens internes et les sens
externes. De ce que nous avons un organe pour recevoir
les impressions de couleur et de forme, un autre pour
les impressions des sons , trois autres pommes trois autres
'séries d'impressions extérieures, l'homme^n est-il -moins
une unité mtellectuelle et matérielle ? Pourquoi donc cette
division du travail établie pour les sens ; ne le serait-elle
pas pour les facultés d'un autre ordre ? Comment répugne-
rait-il d'admettre, pour ces dernières, ce que nous voyons
pour les autres ?
BU SIÈCLE. 501
N*a-t-on pas fait une série parlante aux yeux , en dessi-
nant une succession de profils d*animaux dont les fronts,
depuis la grenouille, se redressent constamment, de manière
à arriver au front de l'homme par des transitions bien
ménagées , par une insensible graduation.
La forme générale du cerveau étant la même chez tous
les hommes, cette forme n'explique nullement les variétés
psycologiques : il faut donc qu'elles résident dans des par-
ties isolées. Ces parties isolées, quelle que soit leur liaison,
ne peuvent être que des organes différents.
N*a*t-on pas vu souvent une blessure, un corps étranger,
exalter ou supprimer une faculté intellectuelle ? N'est-ce
pas il la suite d'une chute que Grétry est devenu tout-à-
coup un musicien si remarquable ? N'a-t-on pas des exem-
ples de personnes qui ont perdu, sans aucune altération
des autres facultés intellectuelles , la faculté de parler et
d'écrire les noms, par suite de la blessure du nerf appelé la
corde du tympan? N'a-t-on pas vu la compression, par
une tumeur des lobés antérieurs du cerveau, détruire
complètement la faculté du langage? N'y a-t-il pas des
exemples d'apoplexie qui n'ont altéré qu'une seule faculté
de l'intelligence, comme la mémoire des lieux et des formes,
fait curieux dont j*ai en ce moment, sous les yeux , un cas
remarquable ? Quelle autre hypothèse que celle de la
multiplicité des organes pourrait expliquer ces faits inté-
ressants ?
EXPOSÉ DE LA DOCTRINE DE GALL.
Gall ne s'est pas borné à émettre les principes de phré-
nologie qui nous ont conduit à notre étude de l'intelligence
humaine ; il est allé plus loin , il a fait l'anatomîe intellec-
tuelle de cette intelligence, et il a cherché à localiser chaque
faculté de l'esprit dans un organe spécial du cerveau. —
802 PHILOSOPHIE
La première partie de cette grande élude , celle qui a servi
de fondement à notre travail, est inattaquable avec les
modifications que nous lui avons fait subir ; la seconde ne
Test pas, on peut en discuter les détails. Cependant Gall
est allé plus loin encore , il a fait une troisième oeuvre , il
a créé une science nouvelle la cranioscopie qui apprécie les
facultés de Thomme d'après la forme de sa boite osseuse.
Evidemment la cranioscopie ou craniologie ne peut donner
que des indications semi-positives; leur valeur diminue
encore quand on tient compte de tout ce qui peut influencer
les formes de la boîte cérébrale , cependant elle n'est pas
à dédaigner. Chez tous les hommes de génie , chez tous les
êtres extraordinaires, ses indications générales sont le plus
souvent justifiées par l'expérience, et je ne comprendrais
pas que les artistes qui en ont fait si longtemps par ins-
tinct, oubliassent aujourd'hui d'étudier ses règles quand
elles s'appuient sur des données généralement vraies.
Depuis peu l'on a accusé Gall d'avoir menti à la science
j^t présenté comme des observations positives des faits par
titi fabriqués. Si cette assertion était vraie, elle dimi-
nuerait l'estime que Ton doit à son caractère , mais elle
ne modifierait en rien nos démonstrations , puisque nous
n'en avons pas tenu compte , n'ayant jamais partagé les
idées de Gall sur la localisation cranioscopique des facultés
cérébro-intellectuelles dans ce qu'il a voulu lui attribuer
d'absolu.
Notre maître comptait vingt-sept organes cérébraux,
sur lesquels dix-neuf communs à l'homme et aux animaux ,
et huit privatifs à l'homme et servant à consacrer sa
supériorité.
Les premiers sont les organes :
1** De la propagation de l'espèce; — ¥ de l'amour
maternel ; — S** de l'amitié ; — 4** de la défense de soi-même ;
— 5** de l'instinct carnassier (amour de la destruction);
— 6** de la vie ; — ?• de l'amour de la propriété ; — 8** de
l'orgueil ou plutôt de la personnalité; — 9" de la vanité
ou plutôt de l'amour de l'approbation ; — 10" de la cir-
conspection; — 11** de l'éducabilité ; — 12** des localités;
— 13** des sens ; — 14° des personnes; — 16° des mots et
DU SIÈCLE. 505
da langage artificiel; — 16^ des couleurs; — 17^ des tons;
— 18** des nombres ; — 19® de la mécanique.
Les organes propres à l'bonune sont :
Les instincts religieux ; — delà fermeté ; — de l'imitation ;
— de la bienveillance ; — de Tesprit de saillie ; — du
talent poétique ; — de Tesprit métaphysique ; — de la
sagacité comparative.
Spurzheim , collaborateur de Gall , admettait encore
quek^ues autres organes , à savoir, ceux :
De rinstinct du séjour ; — de Tordre , du temps ; — un
organe de la justice; — un autre de l'espérance; — un
autre de la surnaturalité ; — un autre du sens de l'é-
tendue ; — puis trois autres encore pour la configuration ,
la consistance et la pesanteur des corps.
Il importe médiocrement d'admettre les vingt-sept organes
principaux de Gall, ou la division de Spurzheim, que nous
préférons. Quelle que soit celle que l'on accepte, elle devra
répondre soit par les noms de ses organes principaux , soit
par des sous-divisions, à toutes les facultés de l'entendement.
Gall rapportait, et il était alors entièrement dans le
vrai, toutes les facultés spéciales à l'homme à la partie
antérieure et supérieure du cerveau , à celle sur laquelle se
trouve appuyé fos du front,
Gall admettait encore que plus ime faculté est indispen-
sable f plus son organe se rapproche de la ligne médiane et
de la base du cerveau. Il reconnaissait aussi que les facultés
qui se prêtent secours sont juxta-posées , d'où cette
conséquence, que l'on pourrait réduire tous les organes
cérébraux essentiels à l'homme à un petit nombre. Telle
est notre manière de voir. Nous croyons que l'instinct reli-
gieux ou religiosité, l'instinct philosophique ou causalité,
ainsi nommé parce qu'il conduit à la recherche des causes ,
rinstinct de la bienveillance ou sociabilité et l'instinct
artistique ou idéalité , peuvent être considérés comme
quatre facultés cardinales exclusives à l'homme , en ce sens
qu'elles sont à peine rudimentaires chez les animaux. De
la combinaison de ces quatre tendances, naîtront une foule
de facultés composées.
Cette manière de présenter les faits est celle que nous
S04 PHILOSOPHIE
avions adoptée dans notre Philosophie du Socialisme
f Sandre, Paris 1850), mais nous croyons l'avoir perfec-
lectionnée en réduisant à trois facultés cardinales et à neuf
facultés de second ordre, tous les instincts qui méritent le
nom d'instincts humains.
Voici du reste comment Gall procédait ei dans son cours
et dans ses écrits : d'abord il commençait par établir la
nécessité et Tinnéité de la faculté dont il s'occupait. Il indi-
quait ensuite les époques de son apparition , de sa pléni-
tude , de sa décroissance , ses caractères spéciaux selon les
âges et les sexes, enfin d'après Teiamen d'un grand
nombre de cerveaux d'hommes et d'animaux, il arrivait à
indiquer sa localisation. Il appelait godt l'énergie d'un
orj^ane manifestée par des désirs fréquents mais modérés;
passion, l'énergie manifestée par une extrême activité,
montrant successivement toute la différence qui existe entre
le goût et la passion de la recherche des causes, le goAt
et la passion de la sociabilité. Une fois placé sur ce terrain,
il ne tardait pas à conclure que la possibilité, le goût, le
penchant, le besoin, la passion peuvent se dire de toutes
les facultés dont ils ne sont que des degrés divers. A côté
des modes de quantité , il admettait aussi des modes de
qualité , des modes affectifis , comme ceux de plaisir et de
peine.
Procédant d'après ses nombreuses observations , il par-
tageait les hommes en cinq classes : la première, chez
laquelle prédominent toutes les facultés spéciales à l'homme,
serait admirablement organisée pour pratiquer avec facilité
et même avec bonheur l'étude et la vertu, c'est-à-dire
pour recourir à la prière des forts et pour arriver au résultat
qu'elle prépare , par la grâce qu'elle donne , c'est-à-dire
par le savoir. A cette classe appartiennent ces organisations
d'élite qui dominent le monde sous les noms de Confucius ,
de Zoroastre , de Pythagore , de Moïse , de Socrate ,
d'AppolIonius de Thiane , de Descartes , de Leibnitz , de
Condorcet. A cette classe il faut ajouter encore en seconde
ligne, la masse des grandes célébrités dans la théologie et
la science appliquées aux améliorations sociales.
Gall faisait une seconde classe des individus chez lesquels
DU SIÈCLE. 505
dominent les facultés animales. Moins portés vers Tidéal ,
moins bien organisés pour Tétude , moins heureusement
partagés par la nature, moins préparés par leurs organes
à pratiquer le bien , c'est-à-dire ce qui est utile à tous ,
ils ont besoin de cette éducation , de cette culture que nous
donnons aux. plantes de nos jardins, dont la faiblesse
réclame appui et direction. Malheur aux sociétés qui ne
sauraient pas prévenir leurs fautes par une éducation en
harmonie avec leurs besoins ; malheur aux législateurs qui
n'auront pas prévu les vices ou l'insuffisance de l'éducation
de ces hommes : c'est pour eux surtout qu'il importe que
les lois humaines ne soient que des lois acceptées et approu-
vées par la physiologie.
Le grand phrénologue faisait une troisième classe de ces
individus chez lesquels les facultés humaines et les facultés
communes aux animaux sont également très-développées.
A ces organisations exceptionnelles , il faut une très-habile
éducation : c'est chez eux tout naturellement que l'on
trouve À la fois et les plus grands hommes dans l'ordre
politique, et les plus grands criminels. Généralement plus
énergiques , plus vigoureux , plus complets que les autres
individus, ils les dominent et les entraînent; ils portent
souvent des noms célèbres. Qu'ils s'appellent César,
Bujaud , Alexandre , Napoléon , Danton ou Mirabeau , tous
sont doués d'une indomptable activité, d'une fougueuse
énergie.
La quatrième classe se compose de ces hommes qui ont
toutes les facultés ordinaires, à l'exception d'une seule qui
se trouve développée d'une façon toute exceptionnelle.
Gall rangeait dans une cinquième classe la grande
masse , c'est-à-dire ceux qui n'ont rien de saillant ni en
bimi ni en mal.
Sans avoir tiré de sa doctrine toutes les déductions
possibles, il avait porté très-loin ses pressentiment*, et s'il
posait à son cours ses conclusions sous forme de questions ,
il était souvent bien moins résen^é dans l'intimité. Alors il
n'hésitait pas à vous dire avec un accent de conviction
profonde :
« L'état de perfection acquis au cerveau par l'exercice
506 PHILOSOPHIE
» au sein d'une société fortement distinguée , sous le
» rapport des organes spéciaux à Thomme , se transmet
» de génération en génération , et c'est de la sorte que
» s'améliorera la race humaine. Ainsi s'expliquent les divcr-
» sites cérébrales de races douées, primitivement peut-être,
» d'une égale aptitude. Ma doctrine doit devenir la base
» des systèmes d'éducation et de législation. Ceux qui ont
» voulu et qui voudront diriger les hommes, soit dans l'en-
» fancc, soit dans l'âge viril , sans avoir étudié leurs di-
» verses natures et les conditions physiologiques de leurs
» organes, voilà les véritables auteurs des révolutions pas-
» sées et futures , voilà les oppresseurs les plus dangereux
» pour l'humanité. Jamais leur autocratie ne laissera de
» grands souvenirs ; elle pourra se lier à de grandes œuvres,
» mais en fin de compte elle exercera toujours une action
» dangereuse et subversive , eu égard à ce qui devrait exis-
» ter. »
Gall avait été dans sa jeunesse oiseleur, pôcheur et chas-
seur habile : aussi , ce savant naturaliste avait-il eu l'oc-
casion d'étudier l'intelligence sous toutes ses formes, depuis
l'homme jusqu'aux animaux les plus inférieurs. Ses leçons
étaient semées d'anecdotes curieuses et servant toujours à
Srouver sa doctrine. Il possédait une magnifique collection
e crânes d'hommes célèbres et d'animaux , dont il faisait
usage dans ses cours.
Le résumé rapide que nous venons d'en faire suffit pour
que l'on comprenne une doctrine qui n'a trouvé d'adver-
saires réels que parmi les hommes qui croyaient avoir à la
combattre, un intérêt de position. — Les plus sceptiques
l'ont acceptée après l'avoir long-temps rejetée. — Brous-
sais finit par se rendre à la logique de ses déductions
et par devenir ultérieurement le continuateur de son an-
cien adversaire. — Nous devons ajouter encore qu'en gé-
néral ce sont des esprits plus érudits que philosophiques ,
et peu titrés en facultés sociables, qui attaquent la doctrine
cérébro-intellectuelle que nous venons d'exposer, affectant
de confondre constamment et la science conjecturale de la
cranioscopie , et la science positive appelée phrénologie.
Encore un coup , qui oserait nier qu'il n'y ait au cerveau
DU SIÈCLE. 507
des fibres du mouvement , des fibres du sentiment et des
parties consacrées à rintelligenee ? Si Tanatomie n'a pas
encore découvert les divisions de ces dernières, c'est la
faute de Vanatomie qui, le scalpel à la main , est restée en
arrière de nos observations journalières et des curieuses
expériences fournies par de nombreux accidents. Qui donc
oserait dire qu'il n'y a de vérités en physiologie que celles
qui se prouvent par le scalpel , niant ainsi la méthode à
laquelle nous devons notre science moderne.
DES MONSTRUOSITES MORALES.
Quelque rapide que doive être cette étude, nous aurions
regret de laisser une lacune importante dans le chapitre
des facultés intellectuelles. Y a-t-il des monstruosités mo-
rales? qu'entend-<Mi désigner, que faut-il désigner sous
cette dénomination? Telle est la grande question qu'il
importe de résoudre avant de passer outre.
Si l'intelligence humaine se manifeste au moyen d'un
principe éthéré , è la manière de l'électricité , de la cha-
leur et de la lumière^ ce qu'il est naturel d'admettre et
d'accepter encore que nous n'en ayons aucune preuve
positive, toujours est-il que cette manifestation ne peut
avoir lieu sans cet organe que nous appelons le cerveau.
L'intelligence et le cerveau sont, par suite, étroitement
liés et solidaires.
Il résulte d priori de tout ce que nous avons écrit en ce
livre que, des trois octaves cérébraux, c'est celui des
facultés morales ou humaines qui court le plus risque de
manquer d'une façon congénitale , parce qu'il est le dernier
manifesté dans la série des êtres, et que dans chacun de
ces trois octaves , l'une des notes peut faire défaut d'une
manière absolue, ou tout au moins présenter un haut degré
d'imperfection.
508 PHILOSOPHIE
Il est dans la nature des animaux d'aimer leurs petits ;
il y a cependant des mâles qui les tuent, parce qu'ils
nuisent à leurs amours. Il est aussi dans la nature des
femelles de les tendrement soigner, et cependant il est ,
même parmi les chattes et les poules, des exceptions à
cette règle. Pourquoi, chez certains hommes, ce vice orga-
nique ne se présenterait-il pas exceptionnellement ?
Isidore Saint -Hilaire a dit avec beaucoup de savoir,
les plus grosses et principales des anomalies cérébrales;
mais il n'a pas poursuivi son thème jusqu'au bout. Man-
quant de faits anatomiques , il n'a pas voulu s'appuyer sur
les faits d'ordre social. Son travail demande un complé-
ment : le voici , en attendant mieux.
Au-dessus des acéphaliens, nous trouvons les paracé-
phaliens ; au-dessus de ceux-ci , les otocéphaliens , puis les
cyclocéphaliens , puis les anencéphaliens , puis les pseudo-
céphaliens et les célosomiens , les syméliens et les ectro-
méliens fvoir page 350). Cette série n'est pas terminée
Suoiqu'elle le paraisse : entre les ectroméliens , qui ont
es organes avortés et incomplets , et l'homme , le plus
complet , se placent tout naturellement toutes les anomalies
de moins en moins prononcées du cerveau.
J'entends d'ici les anatomistes qui me demandent la
preuves de ces anomalies. — La preuve , je n'en ai pas
une , mais plusieurs : si toutes les anomalies du système
circulatoire de l'homme correspondent à des états définitifs
et normaux des animaux inférieurs à nous , par contre les
animaux inférieurs à nous doivent retrouver leurs simili-
tudes dans nos anomalies. Or, pourquoi le cerveau ferait-il
exception à cette règle ; pourquoi n'y aurait-il pas des mons-
tres moraux sous le nom et sous la forme apparente de l'hom-
me , c'est-à-dire des hommes dépourvus , en tout ou partie ,
de l'octave cérébral qui correspond aux facultés morales?
pourquoi n'y aurait-il pas aussi des monstres intellectuels?
Remarquons qu'à certains égards , diverses races hu-
maines remplissent cette double lacune. Les unes manquent
d'intelligence et surtout d'humanité ; les autres, médiocres
au point de vue de l'humanité, sont presqu'entièrement
dépourvues d'intelligence.
BU SIÈCLB. â09
Nous avons vu, à l'article des sens et de la vision , que
la faculté de juger les couleurs fait absolument défaut à
certains hommes. Confondre le bleu et le rouge, c'est en
quelque sorte confondre, dans un autre ordre, le juste et
rinjuste , le bien et le mal. Ne distinguer, comme le doc-
teur allemand Sommer, ni le lilas, ni le poncoau, ni le
cramoisi ; confondre toutes ces couleurs, c'est commettre ,
à regard des couleurs, la même faute que Ion commettrait,
dans Tordre social, si Ton confondait aussi toutes les
nuances de la délicatesse et de Téquité.
Si les anatomistes n'ont pu encore reconnaître , dans le
cerveau, l'absence ou le développement suffisant des fa-
cultés consacrées aux couleurs, et si leur impuissance
est la même pour ce qui regarde les organes des fa-
cultés morales, cela prouve contre l'anatomie, science
toute moderne, dont les grands progrès, surtout pour le
système nerveux , datent d'un demi- siècle ; mais cela ne
prouve rien contre la thèse que nous soutenons , et ne sau-
rait infirmer en aucune manière les faits sur lesquels elle
s'appuie.
Si les reins de l'homme, si ses parties sexuelles et ses
autres organes , aux diverses époques de son embryologie ,
représentent les états permanents d'animaux inférieurs, et
s'il est constant qu'il peuvent s'arrêter quelquefois à cet
état sans passer à des développements ultérieurs , le même
phénomène a heu nécessairemment pour les diverses par-
ties du cerveau : de plus, ce phénomène pourra se présen-
ter héréditairement , comme nous l'avons vu pour l'achro-
mateupsie.
Réveillon , petit-fils d'assassin , fds d'assassin , assassin
lui-même , dont la tête nous a passé entre les mains ,
représentait passablement, par la forme de son crâne,
quelques-uns des naturels de la Nouvelle-Zélande. Chez
lui , les facultés perceptives étaient développées , l'intelli-
gence ne lui faisait pas faute. Sa boîte osseuse était celle
d'un Carnivore; elle rappelait le chat, le tigre, le renard.
Le front ne possédait en élévation que le tiers de la hauteur
ordinaire , mais il était suffisamment développé dans le
sens latéral. Cet homme , dont le crâne nous fut envoyé ,
3â
ëlO PHILOSOPHIE
comme défi, par notre ami rex-minislre Freslon, alors
avocat à Angers , et que nous jugeâmes cranioscopiquement
avant d'avoir su son histoire , fut apprécié par nous comme
il devait Tètre.
Voici maintenant une femme, Hélène Jegado, qui a
commis qn nombre énorme d'empoisonnements en servant
à ses maîtres, dans les diverses maisons où elle a été
domestique, de Tarsénic et peut-être d'autres substances
vénéneuses. Pour les motifs d'inimitié les plus légers, les
plus frivoles, elle empoissonnait comme d'autres boudent.
— Me dira-t-on qu'elle jouissait de ce que l'on appelle le
libre arbitre? Ce libre arbitre, dépourvu de sa sanction
morale, n'était-il pas très-inférieur, très-imparfait, comme
le serait le libre arbitre d'une bête fauve ?
En général , chez les êtres qui sont privés des facultés
morales, le repentir n'existe pas : ils peuvent regretter de
n'avoir pas volé ou tué telle ou telle personne, jamais
d'avoir tué telle ou lelle autre, à moins qu'ils n'aient nui ,
en le faisant, à leurs propres intérêts matériels.
Cette doctrine des monstruosités sociales par arrêt de
développements, par vice cérébro-moral, conduit directe-
ment à un nouveau mode de système pénitentiaire. —
Dans divers cas, elle supprime la punition pour la rem-
placer par une éducation complémentaire. — Dans les
autres , elle supprime encore la punition en tant que péni-
tence conduisant au repentir; mais alors elle prend vis-à-
vis l'ôtre humain, nuisible à la société, les mêmes précau-
tions qu elle prendrait vis-à-vis de cannibales ou vis-à-vis
de bêtes féroces. Il ne convient pas de revenir ici sur le
thème développé page 481 , ni de parler de l'influence si
souvent contagieuse de l'imitation ; mais nous devons
répéter que les questions judiciciaires qui concernent les
crimes tomberont chaque jour davantage dans le domaine
de la physiologie. De là l'indispensable nécessité de faire
étudier, dans toutes les grandes écoles , les fonctions du
système nerveux, et surtout les trois ordres — animal,
intellectuel et moral — des fonctions cérébrales de l'être
humain.
Les femmes doivent-elles être exclues de cette étude ?
DU SIÈCLE. SU
— J'ai quelque honte de poser cette question qui sent le
brahmanisme. — Non, la femme ne doit pas en être exclue :
chargée encore plus que l'homme d'une mission éducatrice
et maternelle , elle a au contraire un incessant besoin de
connaître ces lois de la nature dont elle est appelée à faire
à toute heure l'application.
Cette rapide esquisse suffit pour établir notre thèse :
d'antres se donneront mission de la développer et d'en
mettre en évidence pour tous , par de nombreux exemples,
la scienti^iue vérité.
DE LA MORALE.
L'humanité a longtemps vécu sans comprendre suffisam-
ment qu'il en est de la morale comme de toutes les
connaissances humaines, qu'elle est perfectible et pro-
gressive, nullement dans son essence, mais dans l'intelli-
gence que nous en avons et surtout dans noire habileté
pratique à la mettre en œuvre.
Quoi ! direz-vous peut-être , cette morale si douce qui ,
dans la famille , commande l'obéissance à l'épouse et aux
eofants , qui va au-devant des pauvres pour soulager leurs
infortunes ; cette morale qui s'expose aux épidémies , qui a
créé les hôpitaux , qui y veille au chevet des malades , qui
entre dans les prisons et même dans les bagnes, pour y
prêcher l'amour qui , selon les besoins , associe les eflorts
ou les individualise , ce ne serait pas encore la perfection !
Philosophe impitoyable , cœur de fer, je ne veux ni dé ta
raison glacée , ni de ton progrès qui m'arracherait l'âme :
heureux d'aimer et d'adorer en une certaine manière , je
ne désire point changer, je veux continuer à aimer et à
adorer, comme le faisaient nos pères, en m'énivrant de
rêverie et de sentiment , en contmuant mes si charitables
aumônes. La poésie du passé, ce bel ange de ma vie ,
512 PHILOSOPHIE
secouera sur ma lète ses grandes ail^s pour me donner
toute quiétude; et quand j'aurai fait, dit sa voix inté-
rieure, selon mon cœur et selon mes forées , je pourrai
dormir en paix : Dieu ne demande rien de plus à ses
créatures.
En face de la science , ô enfant , pourquoi cette plainte
d une âme craintive, pourquoi cette prévention prématurée?
La raison vraie , quelqu'austère que soit son langage , est
toujours une émanation de la sagesse universelle et infinie.
Le progrès , c'est la marche dans la ligne qu'elle nous a
tracée. Qui donc t'a demandé de renoncer à la poésie, à
l'amour ? si nous voulons supprimer l'aumône impuissante,
n'est-ce point pour mieux faire encore en recourant à
l'assurance universelle ? Qui donc voudrait détruire la
foi , supprimer l'espérance et remplacer la fraternité
humaine et ses divines conséquences par le néant ? Je ne
veux ni glacer ton cœur, ni comprimer les élans de ton
âme ; mais je te demande de t'éclairer sur les exigeances
de la souveraine justice. Tu peux savoir, tu sais, je n'en
doute pas , quel bien tu désires qui te soit fait ; mais
apprends donc avant tout à connaître celui que tu pourrais
désirer, si tu étais pauvre et souffrant. Homme de doute ,
malgré tes prétentions au monopole de la foi , sache com-
prendre que j'appelle ta bonté à s'exercer dans la ligne des
devoirs imposés par la sagesse étemelle et tracés par le
plan d'ensemble de la nature.
Cette bonté, qu'elle devienne tendre comme la pensée
d'une amante , pleine de tolérance et d'affection comme le
cœur d'une mère ; mais en même temps qu'elle pense à
l'avenir pour se pénétrer des grandes choses qui évoquent
chaque jour l'âme humaine ; qu'elle fasse appel aux plus
nobles tendances de notre être; qu'elle ait sans cesse
l'idéal pour but , et alors elle deviendra la règle morale
selon la science.
Est-ce donc amoindrir la parole sentimentale du Christ
que de la développer au flambeau des lois de la nature ?
Ses charmes d'amour et de poésie seront-ils moins grands
parce qu'ils s'exerceront sur un théâtre plus élevé , plus
vaste et plus digne de l'humanité?
DU SIÈCLE. 513
L'étude et la science, les faits passés et rexpérienco qui
en découle , doivent jouer désormais , dans la vie sociale ,
un rôle inconnu chez nos \)èves. Noire industrie, qui du
Srolétariat s'élève vers l'association , a grandi de toute la
istance qui sépare l'association moderne de l'esclavago
antique, l'assurance mutuelle de l'individualisme, le savoir
scientifique moderne du savoir rudimentaire des époques
antérieures au XVP siècle. — Nous ne sommes plus dans
ces temps où les hauts enseignements ne se distribuaient
qu'à un petit nombre d'initiés ; où les prêtres d'Egypte ,
Orphée, Pythagore et tant d'autres, imposaient silence à
leur savoir en présence des masses ignorantes ; où les chefs
des premiers chrétiens eux-mêmes hésitaient à écrire soit
leur credo , soit les paroles sacramentelles de la consécra-
tion, dans la crainte des profanes. La morale doit donc
prendre une direction nouvelle au milieu de faits nou-
veaux.
Tout le monde , dit-on , a pour croyance aujourd'hui que
les temps qui vont venir seront essentiellement différents
des temps passés. Il est cependant encore, au sein de
notre société, des hommes , intelligents sous d'autres
rapports , qui tiennent pour l'immobilité. L'enfant de nos
viÛes et surtout de nos campagnes , s'étonne à la vue d'un
costume nouveau. Il ne s'imagine pas que l'on puisse être
autrement habillé que ceux qui l'entourent, et s'il entend
parler de quelques vêtements autres que ceux qu'il aperçoit
chaque jour, il les juge, de prime abord et sans réflexion
aucune, ridicules et malaisés : il ne comprend que gens
d'espèce humaine puissent être accommodés de la sorte ,
encore que ces vêtements soient amples, gracieux, pleins
d'élégance et de confortable. Ces enfants, vous les retrouvez
dans le monde : ce sont les immobiles, espèce traînarde
et criarde. Qui a lu quelque peu l'histoire les connaît do
reste. Ils ont maudit Zoroastre, Moïse, Orphée et Pytha-
gore, Socrate, Platon, Aristote et les plus vaillants cham-
pions de la philosophie ; ils ont maudit le Christ et les
Apôtres ses lieutenants, les découvertes delà science, les
progrès des arts et de l'industrie ; tous les jours ils se plai-
gnent des inventions nouvelle*. La vapeur, le gaz, les
6li PHILOSOPHIE
chemins de fer et les télégraphes électriques ne leur vont
pas mieux que Vimprimerie à François I", que les décou-
vertes de Galilée aux dévots de son époque. Mais la terre
tourne , et , dussent-ils en mourir de déplaisir, chaque jour
apportera quelque chose de neuf, quelque lumière in-
connue à rhumanité. La morale aussi grandira, soit en
ce qui concerne les privés rapports des hommes, soit en
ce qui regarde les intérêts sociaux ; et cependant , telle est
la force de Thabilude et des préjugés, qu'il ne soit permis
de le professer.
Tel qui se vante tout haut d'être cartésien, voltairien
même, n'oserait dire qu'il faille développer la morale du
Christ, retoucher même au précepte quelque peu indien
d'origine qui soumet l'épouse à l'époux. Pour moi, qui
n'ai souci de l'opinion publique si elle n'est juste en ses
arrêts, j'en dirai, j'en dis dès aujourd'hui mon avis.
Lecteur, permettez-moi d'user de l'apologue pour vous
démontrer la vérité de ce qui précède.
Il y a quelques mois , en l'une de nos cités, une bonne
et belle jeune liUe était au lit , soulTrante : elle n'avait pu
franchir sans misères, sans maladie, les jours de transition
Je son jeune âge. A côté d'elle, sa famille se complaisait
en soins délicats , s'empressant à la servir et faisant venir
tour à tour les plus célèbres docteurs du pays. Saignées
et ventouses, éméliques et purgatifs, vésicatoires et cau-
tères , toniques et ferrugineux n'avaient réussi. Un nouveau
médecin, le Galien du lieu, fut consulté; mais il s'écartait
tellement de l'ornière dans laquelle roulait inutilement la
médecine de la pauvre patiente qu'on le congédia, sans
peser la valeur de ses observations, sans discuter l'effica-
cité de ses moyens, sans prendre garde à la singulière
logique de tout ce qu'il proposait. En vain disait-il : Les
idées les plus simples sont d'habitude celles auxquelles on
arrive en dernier lieu : ainsi de la vérité. Il fut éconduit.
Cependant l'affreuse chlorose continuait à dévorer la jeune
malade : ses joues étaient de marbre blanc , un sang
appauvri coulait dans ses veines.
— Oh ! disait-elle , quel beau soleil ; si je pouvais en
jouir!....
BU SIÈCLE. 515
— Non, lui répoDdait-on, des transitioas sont nécessaires.
— Que cette yiande rôtie a bonne odeur !
— Plus tard , mon enfant ; prenons encore ai\jourd*huL
cette bQuillie.
— Que je me sens d'appétit !
— La diète est encore utile.
— Que mes maudits exutoires me pèsent, que j'ai dé-
goût de mon cautère et de mon vésicatoire !
— Sans eux, pauvre enfant, les humeurs te tueraient :
tu ne saurais vivre.
— Grands Dieux ! que vous me gorgez de vin , de quin-
quina , de canelle et d'élixirs !
— La médecine le veut , chère enfant ; elle sait ce qu'il
te faut.
Ainsi disait sa famille , heureuse de lui donner des soins.
Mais la malade dépérissait à vue-d'œil.
On était cependant dans la première quinzaine de mai ,
à cette époque de rénovation où tout dans la nature sem-
ble revivre, où les prairies fleurissent, où les bosquets
peuplés d'hôtes ailés, s'animent et chantent l'amour.
La malade redemanda le médecin que l'on avait écon-
duit : elle était si souffrante qu'elle fui obéie.
Celui-ci, revint aussitôt. Le mal est grave, mais ne
désespérons de rien. Il n'y a qu'une science, dit-il aux
parents : celle de la nature ; la médecine est une des
branches de ce grand arbre. Il dit, et développant sa
thèse , il fit respirer à sa jeune malade l'air embaumé de
la campagne. — Il lui fit sucer les viandps rôties que son
estomac désirait ; bientôt il lui en fit manger ; bientôt il
supprima son cautère , son vésicatoire , après avoir réduit à
de justes proportions les doses des substances toniques et
modificatrices du sang, — Ce n'est pas ce que l'on mange,
disait-il , qui nourrit , c'est ce que l'on digère ; ce ne sont
pas les médicaments que l'on avale qui modifient l'écono-
mie; c'est seulement la dose qui est absorbée aux intestins.
Bientôt les forces se ranimèrent, les joues reprirent les
roses qu'elles avaient perdues; la statue de marbre blanc
avait disparu, mais une fille jeune, belle et pleine de vie
avait remplacé la pauvre malade.
516 PHILOSOPHIE
0 lecteur, cette jeune fille aux pâles couleurs, c'est
l'humanité dont les chefs représentent la famille si aimante,
si dévouée, mais si peu éclairée. Le nouveau médecin,
c'est la vraie science, la physiologie en action. Dans la
chlorose de cette jeune fille , qui ne voit les misères de
notre époque? dans sa privation d'air et de soleil, nos
déplorables habitations , si mal entendues même pour les
riches, si insalubres dans nos quartiers pauvres? Les
exutoires, ce sont nos prisons, nos hospices, nos dépôts
de mendicité , nos hôpitaux , que Ton croit nécessaires ,
indispensables même, parce qu'on les a tous les jours sous
les yeux. La diète de notre malade, mais c'est la vie
usuelle d'une foule de familles malheureuses. Sa nourri-
ture insufiîsante et peu nutritive n'est-elle pas le régimo
débilitant de nos populations. L'abondance des remèdes,
leur exubérance ne représente-t-elle pas les mille et im-
puissants moyens qu'un sociaUsme inintelligent oppose aux
souffrances générales, qu'une morale aux entrailles géné-
reuses applique maladroitement et souvent contrairement
aux lois de la nature qui gouvernent aussi l'humanité. Au
lieu de cela , que fait le médecin guérisseur ? 11 donne de
l'air, de la lumière, du soleil; il fait faire de l'exercice;
il fait user de la meilleure des nourritures et réduit la
dose des drogues. Ses prédécesseurs tuaient la malade
avec zèle, avec dévouement, et lui la guérit.
La conclusion ? direz- vous. Elle ne se fera pas atten-
dre :
L'aumône et son cortège de moyens usuels ne guérissent
point l'humanité de la chlorose : ce sont donc des erreurs
morales. La médecine qui ne guérit pas est une fausse
science. La vraie morale correspond à la vraie science;
elle en découle ; elle seule peut guérir. Les sentiments les
plus généreux et les plus dévoués ne suffisent pas s'ils ne
sont dirigés par le savoir nécessaire.
La morale n'est à bien dire que cette portion de li loi
religieuse qui rattache les hommes les uns aux autres, en
réglant leurs incessants rapports de sexe, de famille, de so-
ciété. Implicitement contenue dans cette règle des sages
de l'antiquité , de faire aux autres tout le bien que nous
BU SIBCLfi. 517
voudrions qui nous fut fait , elle est restée un peu trop à
l'état de germe.
La morale dans l'avenir se confondra encore comme par
le passé , avec Tardeur de l'âme humaine , à chercher lt3
le beau , le vrai , le juste , l'idéal. Elle restera le sentiment
appliqué aux règles individuelles et sociales dans ce qu'il a
de plus élevé ; mais elle devra nécessairement changer d<»
direction.
L'obligation de faire aux autres tout le bien que nous
voudrions qui nous fût fait aura pour conséquence l'édu-
cation scientifique de tous les enfants du peuple , garçons
et filles, sans distinction de sexe, et l'organisation de tra-
vaux suffisamment rétribués pour les adultes. Les secours
mutuels remplaceront l'aumône qui aviUt la main du
travailleur, et la retraite, cette rémunération si légitime
après toute vie laborieuse, prendra la place des dépôts de
mendicité et des hospices.
Je conçois et je comprends cette doctrine, dira l'homme
du monde , mais je ne vois pas comment se fera son
application : je puis accepter les principes et redouter les
conséquences.
Un peu de patience : avant d'arriver à la conclusion de
cet ouvrage , beaucoup de faits nouveaux , d'ordre scienti-
fique, sont à démontrer; et puis nous aurons encore à
indiquer quelle a été, jusqu'à ce jour, l'évolution de
l'humanité dans la série des siècles historiques.
PHÉNOMÈNES ANORMAUX DU SYSTEME NERVEUX
CHEZ LES EXTATIQUES ET LES SENSIBLES.
DB l'EXTÀSB.
Dans l'état habituel de Texistence , l'homme se met en
rapport avec les objets extérieurs par l'intermédiaire des
sens que nous lui connaissons. Alors existent un pouvoir
518 PHILOSOPHIE
réflexe et une coûtractibilité que notre science moderne
analyse chaque jour avec plus de perfection ; alors aussi la
sensibilité se montre dans toutes les parties de notre être
sous les diverses formes qui appartiennent à chacune d'elles.
Mais il peut arriver que la contractibilité, le pouvoir réflexe
et la sensibilité elle-même disparaissent, ce qui produit
Tétat de catalepsie. Dans ce cas^ l'organe de notre intelli-
gence, le cerveau , privé de ses moyens habituels de com-
munication , peut s'en créer de nouveaux. C'est ainsi que
tous les sens peuvent être transportés à l'épigastre, fait
curieux signalé par le docteur Petetin , qui l'avait observé
chez les cataleptiques de Lyon, et que nos académies ont
dédaigné depms , dans un grand nombre de circonstances ,
abandonnant l'une des questions les plus difficiles et les
plus élevées de la science aux solutions et aux expérimen-
tations des ignorants, des empiriques et des charlatans.
Cet état particulier qui peut concomiter avec la catalepsie,
mais qui n'a pas toujours lieu ; cet état dans lequel , outre
l'absence de contractibilité musculaire et surtout de sensibi-
lité , il peut y avoir un déplacement des sens et tous les
phénomènes extraordinairement curieux qui découlent na-
turellement d'une aussi profonde modification de notre être,
porte le nom d'extase ; mais il s'en faut de beaucoup qu'il
se présente toujours dans les mêmes circonstances et sous
les mêmes influences. Et puis, jusqu'à ce jour, l'on n'a pas
encore suffisamment étudié les phénomènes que l'extase
peut produire, pour dégager les faits positifs des contes
mensongers et des récits merveilleux dont la crédulité po-
pulaire et le charlatanisme les entourent trop souvent au
détriment de la science.
L'extase, cet état dont nous venons de faire connaître
les principales conditions, mais qu'il serait bien difficile
de définir , est une manière d'être de la vie que jusqu'à
présent l'on n'a pas étudiée chez les animaux. Cependant
il m'est bien prouvé que certains dompteurs de tigres et
de lions exercent une action magnétique très-puissante
chez les bétes féroces qu'ils parviennent à dompter. —
L'extase est surtout un phénomène d'ordre cérébro-intel-
cctuel ou cérébro-moral: aussi appartient-elle spéciale-
BU SIÈCLE. 5id
m^t au genre hommes U serait même tràs-curieux de
rechercher si les phénomènes qui en dériveat peuvent
euster chez les Australiens et les Hottentots, ce qui est
peu probable. ^
Si Ton considère que , dans cette situation anormale ,
les facultés reUgieuses , sociables et artistiques ou poétiques
jouent souvent un grand rôle , pour ne pas dire le principal,
Ton conçoit qu'elle ne doive se présenter habituellement
que chez les hommes dont la race a été perfectionnée par
une longue éducation ; toutefois, il n'est pas absolument
prouvé que l'avenir ne nous réserve pas sous ce rapport les
plus précieuses découvertes. Les anciens prétendaient que
Pjthagore avait trouvé ou appris dans ses voyages le moyen
de converser avec les bêtes. Sans accepter cette manière de
poser la question, nous croyons qu'un jour les phénomènes
d'extase pourront s'abaisser indirectement jusqu'à leur nature.
Connue dans le monde depuis une antiquité très reculée,
cultivée longtemps dans les temples à l'état de science se*
crête , pratiquée dans l'Inde par les disciples de Brahma ,
sous le nom de ravissement en Dieu , comme complément
des éludes et des exercices de la religion, l'extase s'est ma-
nifestée depuis chez tous les peuples, empruntant à leurs
mœurs , à leur caractère , à leurs habitudes , à leur génie
spécial , les formes sous lesquelles elle s'est produite. C'est
die qui a créé les sorciers , les possédés du diable , les ly-
cantrophes, les magnétiseurs, et certains phénomènes re-
ligieux que nous aurons ultérieurement occasion de décrire
et d'apprécier. Extiémement rare de nos jours chez les ca-
tholiques , elle doit surtout aux swedemborgistes ces cu-
rieuses manifestations qui depuis vingt années eussent dû
fixer davantage l'attention des médecins , des philosophes ,
de tous les hommes qui s'occupe«| de physiologie humaine
ou sociale. Depuis lors , sont vendes les tables tournantes
et les sensibles de Reichenbach. — C'est assez dire que la
science des phénomènes extatiques n'existe encore qu'à
l'état poétique ou métaphysique; qu'elle n'a point ras-
semblé ces faits nombreux, posé ces principes sûrs qui
conduisent à une solution positive et par suite à une théorie
susceptible d'embrasser tous les phénomènes et d^explique
520 PHILOSOPHIE
les véritables maladies morales dont nous parlerons dans
les chapitres suivants.
Remarquons , avant de passer outre , qu'il existe chez
riiomme une tendance à Hmitation que manifestofit
toutes nos propensions , tendance dont Gall a fait un
organe séparé sous le nom de mimique , mais plus puis-
sante et plus élevée , selon nous , que ne l'indique la déno-
mination qui précède, et destinée par la providence à copier
tout ce qui se présente à notre examen pour l'utiliser selon
les besoins do notre être. Dirigée par nos facultés cardinales,
riraitation, comme la mémoire, le raisonnement et l'imagi-
nation, donne d'excellents résultats en cherchant à mettre
en équilibre les civilisations des diverses contrées, par l'in-
troduction dans chacune, des idées et des faits utiles, des
procédés de chasse, de pêche, d'agriculture, d'industrie
et d'organisation sociale qui peuvent contribuer au bonheur
des associations humaines. Dévié de son but, soustrait à la
direction qu'il doit subir, l'esprit de copie devient une mo-
nomanie sur laquelle les médecins ont a î pelé Tattention
en la désignant par le nom d'imitation contagieuse.
Voici une malheureuse jeûna fille qui jette par la fenêtre
un enfant qu'elle aime , sous la triste influence de la lec-
ture d'un de ces détestables canards judiciaires que Ton
donne si souvent en pâture au peuple. Une autre après avoir
usé de pareille nourriture intellectuelle, s'arme à plusieurs
reprises d'un couteau pour assassiner l'enfant qui lui est
confié, trop heureuse d'arriver à faire au père de cet enfant
la révélation de sa maladie , et de se soustraire à un meurtre
et aux conséquences qu'il entraîne. Nulle part Timitation
contagieuse n'est plus fréquente et plus commune que sous
l'influence des phénomènes de l'extase, pour lesquels elle
crée une prédisposition très-favorable à leur multiplication.
L'extase devra donc se manifester souvent par de véritables
épidémies, et c'est aussi ce qui a lieu. Le seul homme du
siècle qui ait traité en France avec philosophie la question
qui nous occupe, c'est le docteur Bertrand , de Rennes, ré-
dacteur de l'ancien Globe, auteur d'un livre vieilli, sur les
révolutions de la terre, et d'un ouvrage ex-professo sur le
sujet qui nous occupe. Nous ferons à ses écrits de nom-
BU SIÈCLE. 521
breux emprunts , heureux de rappeler à cette occasion le
souvenir d'un maître , d'un ami , d'un compatriote que son
époque n'a pas apprécié selon sa grande valeur philoso-
phique. •
DES BXTÀTIQUES TfÀTUKELS.
L'extase se manifeste naturellement chez d'autres que
chez les cataleptiques. Dans ce cas, la contractibilité muscu-
laire est souvent parfaite : la sensibilité seule n'existe pas.
Dans le siècle dernier, Sauvages a rendu compte à l'Aca-
domie des sciences d'un fait de cette nature. Voici quelques
passages de son récit, le plus ancien de ceux que nous
connaissons :
« Comme cette fille avait les yeux ouverts , je crus que
» la feinte , s'il y en avait , ne pourrait tenir contre un
» coup de la main appliqué brusquement au visage, mais
» cette expérience ne lui fit pas faire la moindre grimace ,
)> et elle n'interrompit point le fil de son discours. Je
» cherchai un autre expédient : ce fut de porter rapide-
n ment le doigt contre l'œil et d'en approcher une bougie
» allumée assez près pour brûler les cils des paupières;
» mais elle ne clignota seulement point.
» Eu second lieu, une personne cachée poussa tout à
i> coup un grand cri vers l'oreille de cette nlle , et fit du
» bruit avec une pierre portée contre le chevet de son
» lit. Cette fiUe , en tout autre temps , aurait tremblé de
o frayeur, mais alors cela ne produisit rien.
» En troisième lieu, je mis dans sa bouche et dans ses
n veux de l'eau-de-vie, du sel ammoniac; j'appliquai sur
» la cornée même , d'abord la barbe d'une plume , ensuite
» le bout du doigt, mais sans aucun succès.
)) Le tabac d'Espagne soufflé dans le nez , les piqûres
» d'épingle , les contorsions des doigts, faisaient sur elle
» le même effet que sur une statue ; elle ne donnait jamais
}} le moindre signe de sentiment. »
5S2 PHILOSOPHIE
Les faits semblables sont aujourd'hui trop nombreux et
trop connus pour que nous nous y arrêtions plus long-
temps.
MANIFESTATION RELIGIEUSE DE L EXTASE
CHEZ LES PREHIEBS CHRÉTIENS.
A aucune époque l'anomalie qui nous occupe n*a été si
commune que parmi les premiers chrétiens. Grand nombre
de martyrs ont dû à l'insensibilité qu'elle leur procurait ,
d'être exempts des douleurs dont leur mort eût dû être
accompagnée. Malgré le nombre très-grand des exemples que
nous pourrions citer h l'appui de notre opinion , nous
n'en rapporterons qu'un seul : c'est le martyre de sainte
Perpétue. Nous choisissons ce fait de préférence à tant
d'autres , parce qu'il est au nombre des plus inattaquables,
et parce que cette sainte, vraiment admirable pour le cou-
rage avec lequel elle sut s'élever au-dessus des affections
les plus douces du cœur humain , s'est trouvée , pendant
son martyre, d'abord dans l'état d'extase et d'insensibilité,
puis ensuite dans l'état habituel de sa vie.
Il est assez remarquable que saint Augustin et l'au-
teur des Actes des Martyrs s'accordent tous deux à re-
connaître que ce fut à Textase dans laquelle était plon-
gée Perpétue , pendant le premier acte de son martyre ,
qu'elle dut l'impassibiUté qu'elle présenta ; toutefois ces
deux auteurs attribuent cet état anormal à une cause
surnaturelle (1).
On avait d'abord dépouillé les deux saintes. Félicité
et Perpétue, toutes deux âgées de vingt à vingt-deux ans,
(i) Le martyre doat nous parlons doit être rapporté à Taonée 204 , soas le règne
de Sévère. Oa conserve quelqu'incrrlilade relativemenl à la fille d^Afrique daos
laquelle il eat lieu ; la plupart des auteurs le placent à Gartba^e. (Voir la collectioii
de D. Kuinart; Thistoire de TertuUieD, par Delamolle; l'hisloire ecclésiastique de
DU SIÈCLE. 523
fiour les exposer daos un filet ; mais le peuple ayant eu
dégoût de cette insulte à la pudeur, on les en retira pour
leur donner quelques vêtements. Perpétue fut livrée la
première à une vache furieuse qui l'enleva avec ses cornes
et la jeta par terre. La sainte tomba sur le dos ; elle se
releva sur son séant, et, s'étant aperçue que sa robe était
déchirée par le côté, elle se recouvrit aussitôt, et donna,
par toutes ses actions, des preuves de son calme et de sa
raison.
Félicité fut, à son tour, attaquée par la même vache et
montra la même impassibilité que Perpétue. Le peuple
ayant trouvé que la scène avait duré assez longtemps, ses
maîtres firent cesser le spectacle , et Ton emmena les deux
saintes et leurs compagnons vers la porte nommée Sana
Vivaria^ où ils devaient être mis à mort. Perpétue, en
cette occasion, donna encore les preuves du plus grand
sang-froid et de la présence d'esprit la plus entière ; elle
renoua ses cheveux épars, de peur, dit la relation, qu'il
ne parut quelque marque de tristesse dans son triomphe ;
elle se leva, et ayant vu Félicité couchée pas terre, elle
s en approcha, lui donna la main, et Taida à se relever.
ËUes s'en allèrent ensuite toutes deux vers la porte où
devait s'achever leur suppUce. Perpétue fut reçue par un
catécbtunène nommé Rustique, qui était de ses amis,
cf Alors elle se réveilla comme d'un profond sommeil ,
» ayant été jusqu'à ce moment ravie en extase ; elle com-
» mença à regarder autour d'elle, comme une personne
>} qui ne savait où elle était ; et , au grand étonnement de
A tout le monde, elle demanda quand ce serait donc qu'on
Fleury, tome St , pages 3â et suivantes.) L'histoire de la captiyité de sainte Perpétue
et de ses compagnons a été écrite par sainte Perpétue elle-même , qui , jusqu'à la
retlle de sa mort , écrivit jour par jour tout ce qui leur arriva.
Le récit naïf que nous devons à celle béroiae est un monument précieux pour
rhistoire des temps auxquels il se rapporte. Il ne peut laisser aucun doute sur Texis-
teoce de l'état d'extase , tant chez elle que chez ses compagnons. Faisons remarquer,
à cette occasion , que l'histoire de l'établissement du Ghristiaoisffle est absolument
ioinleliigible pour quiconque ne connaît pas l'état d'extase. Le philosopbe^le plus
érudK, privé de cette connaissance, ne peu; voir qu'un tissu de fables absurdes dans
1« récit des faits les plus Trais et Uj plus importants.
524 PHILOSOPHIE
» les exposerait à cette vache dont on lui avait dit qu'elle
)) aurait à supporter la furie. »
Le ravissement de cette sainte avait été si profond
qu'elle crut d'abord qu'on la trompait , lorsqu'on lui assura
qu'elle avait déjà subi l'épreuve de la vadie. Elle ne se
rendit que sur l'affirmation de Rustique , confirmée par le
désordre de ses vêtements et les blessures dont elle portait
les traces.
Quelques furieux ayant demandé que les martyrs fussent
ramenés dans le cirque , pour avoir le plaisir de leur voir
enfoncer le poignard dans la gorge , on les reconduisit au
lieu d'où ils étaient venus. Tous supportèrent l'épreuve
avec courage, tous à l'exception d'une femme, et cette
femme c'était Perpétue. (Voir la traduction des actes de
leur martyre, par Delamotte. Histoire de Tertullien.)
« Les autres martyrs, dit la chronique, ayant donc
» reçu ce dernier coup sans parler et sans branler, Per-
» pétue, qui n'avait senti auparavant aucune douleur à
» cause de cette extase où elle était , tomba entre les
» mains d'un gladiateur maladroit et inexpérimenté qui ,
» lui ayant enfoncé son épée sans la tuer, lui fit jeter des
)) cris. A l'instant elle conduisit elle même à sa gorge la
» main tremblante du gladiateur, comme si le maUn esprit
» avait eu peur de faire mourir cette femme si généreuse
» et qu'elle n'eût pu être tuée si elle-même ne l'avait
» voulu. »
Des phénomènes d'un autre ordre se sont aussi mani-
festés dans cette épidémie d'extatiques qui a signalé les
premiers jours du christianisme. Le^ uns, selon l'apôtre ,
ont eu le don des langues; d'autres, celui des guéri-
sons.
BES GlfOSTIQUES.
Sur plusieurs points , aux premiers siècles de notre ère ,
les femmes se montrèrent jalouses de n'être pas appelées
BU SIÈCLE. 525
au sacerdoce. Firmilien rapporte qu'en Cappadoce , une
dame qui se donnait pour prophétesse , était parvenue à
séduire le peuple et même grand nombre d'éveques. —
Elle sanctifiait le pain eucharistique par l'invocation ordi-
naire , prêchait et baptisait. C'était une extatique qui eut
continué longtemps si, dit-il, un habile exorciste no
l'avait délivrée de l'esprit qui la possédait.
Il y eut aussi , vers ce temps , parmi les femmes intro-
duites , plus d'une extatique. On appelait alors de ce nom
des veuves, des orphelines, des esclaves, quelquefois
même des vierges consacrées, qui se faisaient les compagnes
des prêtres, de manière à» leur éviter les soucis et les
embarras de la vie matérielle. Saint Paul et saint Barnabe
s'étaient fait aider de la sorte en leurs prédications. Sou-
vent d'ailleurs ces femmes obtenaient l'entrée de maisons
qui seraient restées fermées aux missionnaires chrétiens.
U est difiicile qu'un contact journalier entre des hommes
assez jeunes pour la plupart et des femmes très-souvent
hystériques , n'entraîne pas quelques abus : les femmes
introduites en causèrent de nombreux. Saint Chrjsostôme ,
en ses sermons, a souvent attaqué les relations de ses
prêtres avec les introduites. Saint Jérôme les appelle des
pestes véritables.
Nulle part cependant l'extase , qui jouait un si grand
rôle dans les conversions et les persécutions, n'avait autant
d'inQuence que chez les gthostiqdes. — Le christianisme
n'était à bien dire, à son début, qu'une secte mystique
au sein de la communauté juive; qu'une société secrète
ayant ses dogmes, ses initiations, ses pratiques, comme
d'autres'sociétés religieuses de l'Inde et de l'Egjpte. Forcé
à la prudence par sa faiblesse, condamné à la dissimulation
par la persécution, encouragé à la propagande par les
immenses succès des extatiques, il usa, et cela devait
être, pour arriver à son but, de cette influence qu'exercent
sur les femmes susceptibles d'impressions les doctrines et
surtout les mystérieuses pratiques. Leur organisation , par-
fois excessivement nerveuse , est si facile à 'faire dévier de
Fétat normal ! Epiphane et les autres auteurs qui ont écrit
sur les gnostiques, la cabbale et les sectes secrètes du
526 PHILOSOPHIE
christianisme aux premiers siècles de son existeu^, ont
été loin de comprendre cet état particulier des esprJfe , ces
épidémies morales qui se manifestaient de temps à mtre,
tantôt sous une forme passée , tantôt sous une formé nou-
velle, mais toujours dans des circonstances identiques de
secret et de mystère, se rattachant à des influences appe-
lées surnaturelles , à des prestiges , à des prévisions, à tous
ces merveilleux phénomènes qui, de nos jours encore,
accompagnent et le magnétisme animal , et le swedembor-
gisme , et les faits des tables tournantes. Us étaient bien
loin de trouver dans cette sensibilité commune , dans ce
magnétisme mystique, les rudiments, les pressentiments de
ce qui sera peut-être un jour, pour Thumanité véritable, le
moyen de percevoir et de sentir comme un seul être. C'est
donc à la science moderne qu'il appartient de retrouver,
dans leurs écrits, la vérité qu'ils y ont cachée, sans le
savoir, sous des appréciations conformes à l'esprit et à la
science du temps.
A mesure que le christianisme se développait, il prenait
de l'importance; il avait moins besoin de dissimuler et
pouvait se montrer en plein jour. Il le faisait , et s'éloignait
par suite de sa direction primitive, qui avait été très-
mystérieuse pour les peuples au sein desquels il avait fait
sa propagande. Ceux alors qui voulaient lui continuer
sa marche première, se trouvaient dans une véritable
hérésie : les gnostiques ont été de ce nombre. Tous usaient
et abusaient du mysticisme ; tous étaient vivement impres-
sionnés par les phénomènes si extraordinaires qui se mani-
festeront toujours chez les extatiques naturels et artificiels.
Moins philosophes que nous ne le sommes, ils confondaient
plus aisément ce qu'il fallait accepter et ce qu'il fallait
rejeter. De là leurs enthousiastes, leurs inspirés, leurs
nombreux voyants ; de là aussi mille pratiques obcènes qui
sont, aux yeux des esprits non prévenus et surtout des
hommes qui ont eu longtemps la direction de sociétés de
femmes, la conséquence naturelle et nécessaire de toutes
les secrètes réunions des deux sexes. — 11 ne faut pas
croire, avec Pierre Leroux, que les premiers chrétiens
aient constamment été purs des accusations portées contre
BU SIfiGLB. 537
eux pendant les deux premiers siècles. — Ces accusations
ont été trèsrexagérées ; mais il s'est passé quelques faits
qui leur ont donné naissance sans toutefois les légitimer.
— Les chrétiens, à leur tour, ont reproduit contre les
gnostiques toutes les calomnies dont on les avait abreuvés.
Si les persécutions contre les novateurs devaient conti-
nuer au sein de la vieille Europe, et si leurs diverses
sectes se trouvaient condamnées à se répandre à la faveur
du mystère , nul doute qu'il n'en résultât des phénomènes
contagieux, analogues à ceux qui nous occupent. Les rêves
d'esprits déréglés, ceux mêmes de cxeurs plus sincères
qu'intelligents , conduiraient quelques fanatiques et quel-
ques hoounes dépravés à des actes qui seraient bientôt
considérés comme la pratique habituelle de tous; et le
vieux monde répéterait une seconde fois, à leur égard, ce
que les idolâtres ont fait pour les chrétiens , les chrétiens
pour les gnostiques, leurs frères en croyances religieuses.
Mais revenons à ces derniers : nous ne chercherons point
à signaler les différences qui existaient entre les $imanien$,
les nicolaites y les sécundiens ^ lesopkites^ \es ptolémaïtes ,
et nous laisserons de côté leurs premiers instituteurs , Sa-
turnin, Carpocrate, Cerinthus, Cerdon et autres. Nous
signalerons seulement les doctrines et les pratiques qu'on
leur imputait.
a Parmi ces fous furieux , ces misérables dignes des der^
niers supplices , les uns , nous disent les auteurs catholi-
ques du temps, n'admettent que la loi de Moïse ; d'autres
ne reconnaissent de Dieu que Christ. — Ceux-ci professent
que son corps n*est qu'une illusion de nos sens ; ceux-là
l'affublent au contraire de la plus vulgaire humanité;
presque tous nient la résurrection; quelques-uns disent
que nos corps reparaîtront transfigurés, sous une forme
véritablement aérienne et que l'on pourrait appeler spiri-
tuelle. i> Ces gnostiques croyaient aussi à des puissances
secondaires, et sous ce rapport, leur mythologie avait
singulièrement embelli et peuplé les espaces. — Rien
dans tout cela n'était bien neuf : les chrétiens, les juifs,
l'Egypte et l'Arie avaient aussi peuplé les mondes d'esprits
célestes, de vices et de vertus angéliques, de chérubins,
S38 PHILOSOPHIE
(le saiats et de diables divers. Les autres aceusatîoas ne
valaient guère mieux.
Ces hommes abominables (les gnostiques) ont imagine,
disaient encore les écrivains catholiques, des mariages di-
gnes de leurs doctrines et contraires à toute morale et à
toute religion. Ik ont en honneur la virginité la plus ab-
solue, mais ils la font uniquement consister dans la stérilité.
Ils veulent un nouveau mariage, pour créer une nouvelle
espèce humaine plus digne d'un meilleur avenir. Ils se
livrent sans réserve à toutes les voluptés ; leurs mystérieuses
réunions n*ont point d'autre but. Us ont leurs femmes en
commun; ils font avorter les femmes enceintes et se nour-
rissent de leurs enfants à peine formés. Leurs assemblées
sont des rendez-vous de débauche; leurs repas, de véri-
tables festins d*antropophages. Us cultivent la magie ,
croient aux phyltres, à l'esprit prophétique, aux prestiges,
aux influences que certaines personnes peuvent exercer sur
d'autres et à celles d'objets consacrés dans ce but.
Supposez aujourd'hui les magnétiseurs persécutés ; sup-
posez quelques fautes particulières mises sur le compte de
tous : que pourrait-on dire autre chose, surtout avec l'exaspé-
ration si naturelle à des adversaires de leurs doctrines mys-
tiques sur la chasteté, sur les influences de l'eau magnétisée
et des objets magnétisés, sur leurs croyances à la prophétie
et à tous les phénomènes de catalepsie et d'insensibilité que
l'extase produit naturellement ?
Les femmes jouant un rôle très-important dans la gnose,
les gnostiques de plusieurs sectes les en recompensèrent en
créant pour elles des dignités sacerdotales. De ce nombre
furent les quintilUens. Les marcionites allèrent plus loin :
ils reconnurent parmi leurs illuminées ou extatiques des
prophétesses, quelques-uns mômes des espèces de divinités.
Que les chefs des gnostiques aient eu de crimineUes conver-
sations avec ces femmes dans le silence et le secret de leurs
initiations , c'est possible , c'est même probable , à une
époque où Saint-Cyprien nous apprend que le libertinage
des vierges consacrées à Dieu était à son comble , que les
filles aimaient à concilier leurs plaisirs avec les honneurs
rendus partout à leur prétendue chasteté ; mais de là aux
DU SIÈCLE. 539
enfants dévorés en commun, il y a loin. Les doctrines des
gnostiques transportés d'abord à Alexandrie, gagnèrent
bientôt TEspagne. Une dame noble du nom d'Agape, le
rhéteur Helpidius, PrisciUien, noble et beau jeune homme,
né pour de grandes choses, plusieurs prêtres parmi lesquels
Salvien : tels furent leurs premiers et leurs plus importants
disciples. De simple laïc, PrisciUien devint bientôt évéque:
ses richesses, sa beauté, sa grande influence et ses
talents si remarquables , contribuèrent à cette rapide
et extraordinaire élévation. — Le gnostisme menaça
de dominer la Péninsule , et Torthodoxie s'en émut. Le
concile de Sarragosse condamna les novateurs : les trois
évêques Salvien, PrisciUien et Instanlius se rendirent à
Rome pour se justifier. Partout sur leur route les popula-
tions se pressèrent autour d'eux ; les femmes surtout les
entouraient. Au nombre des personnes distinguées qui
s'attachèrent à leur suite , on cite Euchrochia , épouse du
rhéteur Delphidius, dont le poète Ausone avait célébré la
beauté, et la charmante Procula, sa fille. Sulpice Sévère,
Tun de leurs ennemis personnnels et de leurs juges, rapporte
que la voix publique accusa PrisciUien de s'être épris de
ses charmes et d'avoir eu recours à des emménagogues
violents pour éviter les suites publiques de son amour.
Ce fait individuel importe peu à la question, et nous ne
saurions ni l'aflirmer, ni le réfuter; mais ce qui est
plus positif, c'est que la corruption joua un grand rôle
dans le procès des gnostiques; qu'ils furent condamnés
dans les personnes des évêques accusés; que l'empereur
profita de cette * condamnation pour s'emparer de leurs
biens qu'il convoitait ; et que Martin des Gaules se soumit
depuis à une longue et volontaire pénitence , pour la part
qu'il avait prise dans cette affaire.
En considérant , disait Bertrand , en 1829 , combien
l'extase est fréquente dans la nature et à combien d'évé-
nements importants se rattache son apparition , on ne peut
manquer de s'étonner de l'ignorance dans laquelle sont
restés à son égard les médecins, les philosophes et les
historiens. 11 y aurait beaucoup à dire sur ce sujet : bornons-
nous à remarquer que le merveilleux des faits a été la
550 PHItOSOPHIB
principale cause de Tignorance même où Ton est resté.
Ceux qui n'en ont pas été témoins , les ont rejetés à priori
comme contraires à Tordre naturel , et , par la même raison ,
ceux qui les ont vus n*ont jamais évité de croire aux causes
surnaturelles auxquelles les fanatiques les attribuaient.
11 est, au surplus, beaucoup plus difficile qu'on ne l'imagi-
nerait d'abord , à quiconque se trouve jeté sans préparation
au milieu d'une épidémie d'extase, d'échapper à Tillusion
relativement à la cause qui opère ces faits merveilleux.
Parmi les théologiens qui ont traité des possessions, on
pourrait en citer plusieurs qui , sous tout autre rapport ,
étaient gens de bon sens , pleins de droiture et d'instruc-
tion; pourtant il n'en est pas un seul qui, en présence des
faits , ait su voir autre chose que le diable dans Textase
des possédés. Même remarque pour les juges qui condam-
naient au feu les sorciers et les lycanthropes , et pour les
protestants éclairés qui croyaient aux miracles des GéVennes ;
même remarque enfin pour les théologiens appelants qui
suivaient l'œuvre des convulsionnaires. Parmi ces derniers ,
au milieu du dix-huitième sièc e , à Paris , il ne s'en est
pas trouvé un seul qui , témoin de la réalité des faits de
convulsions , ait cru devoir les attribuer à autre chose qu'au
diacre Paris ou au diable.
POSSÉDÉS, SORCIERS ET lUGICIENS.
Depuis Sauvages , les extatiques naturels n'ont pas
manqué en Europe , et il a été constaté , quoique le plus
souvent par des personnes étrangères à la physiologie, que
chez eux la sensibilité n'existait plus , qu'il y avait dépla-
cement des sens, que les impressions pouvaient être perçues
sans leur intermédiaire , et quelque fois à d'assez grandes
distances ou dans des circonstances tout-à-fait particulières.
Ainsi des extatiques auraient vu des personnes entrer dans
des chambres voisines. {Vu n'est pas tout-à-fait le mot
propre , senti conviendrait mieux , sans qu'il soit possible
BU SIÈCLE. 531
de rendre compte de l'impression qui a produit celte sen-
sation). Ils ont décrit les vêtements de ces personnes et
deviné la nature d'objets placés dans des boites parfaite-
ment fermées. D'autres ont manifesté leurs facultés spéciales
avec le plus remarquable talent. Chez presque tous , il y a
eu quelquefois communication de pensée entre l'eitatique
et les personnes qui l'entouraient , sans l'intermédiaire de
la parole, de l'écriture ni du geste : phénomène qui se
manifeste souvent chez les somnanbules des magnétiseurs.
Au premier abord , il semblerait qu'il n'y a aucun rapport
entre les extatiques cataleptiques, les extatiques naturels
et les possédés du démon ; mais il n'en est pas ainsi pour
l'observateur consciencieux. Généralement, le possédé du
diable se croit sous l'influence d'un sorcier, d'une personne
qui lui a jeté un sort et donné la possession , comme le
somnambule magnétique se croit et se trouve réellement
par suite , sous l'influence du magnétiseur. Quelquefois il
arrive que le possédé se croie sorcier lui-même ; de plus , il
est habituel que les possédés, dans les moments où ils
appartiennent au diable, c'est-à-dire dans les moments
d'extase , deviennent d'une insensibilité absolue. Quelques-
uns sont alors atteints de catalepsie, d'autres voyagent en
esprit et vont au sabbat. Malheur, dans les siècles d'igno-
rance , aux personnes désignées par les possédés pour avoir
chez elles des réunions mystérieuses. L'encyclopédie de
Diderot que l'on devrait juger un livre très-avancé , ne met
en doute ni la réalité des sorciers , ni celle des possédés du
diable. Mallebranche , qui engageait à se défier des contes
de sorcellerie , accepte cependant qu'il existe des sortilèges
et des charmes, mais il demande qu'au lieu de brûler les
sorciers on les traite comme des fous, « beaucoup, dit-il,
n'étant sorciers que dans leur imagination. » Ce ne sont pas
seulement les chrétiens et les juifs qui ont cru aux sorciers ,
mais aussi tous les peuples de l'antiquité. En général
c'étaient, chez eux, des Thessaliens et des Chaldéens qui
se livraient à la magie ou que l'on accusait de s'y livrer.
Bertrand fait remarquer avec juste raison que l'histoire
d'un très-grand nombre de procès de sorcellerie se réduit
aux termes suivants :
532 PHILOSOPHIE
Un sorcier prétend avoir assisté au sabbat telle nuit,
dans tel endroit déterminé. Il précise les lieux, les per-
sonnes, donne un grand nombre de détails très-particuliers.
Mais il est avéré qu'il avait été vu cette nuit -là dormant
chez lui d'un profond sommeil. Son assertion est donc
erronée; il n'a fait qu'un rêve. Non, disaient les juges; c^r
pendant ce temps le corps que vous prétendez avoir été
le sien était privé de tout sentiment : on l'a frappé , piqué ,
brûlé , il n'a donné aucune marque de sensibilité.
Mais , répliquaient certains médecins de bon sens , faites
attention que le sorcier, quand il se réveille , porte sur son
corps les traces des lésions que vous avez fait subir à sa
prétendue ressemblance. Ces traces, disaient les démono-
manes, ne sont qu'un résultat de la malice du diable,
qui, pour induire en erreur, imprime sur le véritable corps
qu'il tient au sabbat, des marques analogues à celles qui
auraient dû être le résultat des coups portés au corps privé
de vie qu'il a mis à sa place. Ainsi, comme on le voit, la
condamnation portait toute entière sur un seul fait positif:
l'insensibilité de l'extatique pendant ses rêves.
« Je tiens du président de la Touretle , dit Bodin , qu'il
a vu en Dauphiné une sorcière qui fut brûlée vive, laquelle
étant couchée le long du feu fut ravie en extase, demeu-
rant son corps à la maison; et parce qu'elle n'entendait
rien, son maître la frappait dessus à coups de verges; et
pour savoir si elle était morte , on lui lit mettre le feu aux
parties les plus sensibles. Pour tout cela elle ne s'éveilla
point , et , de fait, le maître et la maîtresse la laissèrent eu
la place pensant qu'elle fût morte. Au matin elle se trouva
en son lit couchée , de quoi son maître ébahi lui demanda
ce qu'elle avait eu. Alors elle s'écria en son langage : « Ah!
» mon maître tant m'avez battue. » Le maître en ayant fait
le conte à ses voisins , on lui dit qu'elle était sorcière. Il
ne cessa qu'elle ne lui eut confessé la vérité, et qu'elle
avait été de son esprit dans l'assemblée des sorciers. Elle
confessa aussi plusieurs méchancetés qu'elle avait commises
et fut brûlée. »
BU SIÈCLE. 533
LTCÂNTHROPBS.
Les loups garous ou lycanthropes ne différaient pas
dans rimmense majorité des cas, des autres sorciers.
Toute la différence consistait en ce que , dans leur extase ,
au lieu de se croire transportés au sabbat et de se figurer
qu'ils y dansaient et banquetaient , ils étaient convaincus
que , changés en loups , ils couraient le pays , et y commet-
taient toutes sortes ae désordres. Quelques-uns seulement ,
sortes d'aliénés h penchants atroces , poussés par un véri-
table désir de se repaître de chair humaine , couraient les
champs et commettaient des désordres qui , bien que très-
rares , donnaient aux démonomanes occasion de généraliser
le fait. Laissons ceux-lÀ de côté , et ne nous occupons que
de ce qui était vrai pour l'immense majorité des cas.
Entendez Gaspar Pencer sur ce sujet : il n'a connu que
les lycanthropes extatiques.
Hérodote raconte qu'il avait passé pour certain, chez les
Scythes et parmi les Grecs qui trafiquaient en Scythie, que
les Neuriens se changeaient tous les ans , quelques jours
durant , en loups. Comme Hérodote , Pencer faisait d'abord
l'incrédule , et ne voulait pas croire que les Livoniens se
transformassant en loups; mais il a dû re rendre aux
témoignages positifs de témoins oculaires, « gens dignes de
foi qui l'ont su au vrai par les confessions de ceux qui ont
été emprisonnés et tourmentés pour tels forfaits. » Suit le
récit le plus absurde qu'ait jamais enfanté le cerveau d'un
homme en délire. « Ces hommes, par milliers, transformés
en loups , courent en troupe sous la conduite d'un diable
armé d'un fouet. S'estimant être devenus loups, ils suivent
ce porte-fouet. Etant en campagne, ils se ruent sur les
troupeaux de bétail qui se trouvent, déchirent et emportent
ce qu'ils peuvent. Quand ils approchent des rivières, le
guide fena les eaux avec son fouet et les fait passer, etc.. »
Douze jours après Noël, toute la troupe s'écarte, et chacun
33
554 PHILOSOFHIB
retourne en sa maison , ayant dépouillé la forme de loup et
repris celle d'homme.
Rien ne manque à l'absurdité des détails, et vous êtes
tenté de jeter le livre avec indignation. liîais lisez jusqu'au
bout , tout va s'éclaircir ; Tauteur va indiquer comment
s'opère la métamorphose :
tt Cette transformation (en loups) se fait en cette sorte :
» les transformés tombent soudainement par terre et
» demeurent étendus comme morts et privés de tout sen-
» timent; or, ils ne bougent de là ni ne vont en lieu
» quelconque; ains ressemblent à des charognes, car
» quoiqu'on les roule et secoue , ils ne montrent apparence
» de vie. De là est née l'opinion que les ftmes extraites
» des corps entrent en ces fantômes courants en forme de
» loups ; puis quand l'œuvre entreprise par le diable est
» parachevée , elles retournent es corps , qui lors recou-
» vrent vie. »
L'explication est assez claire ; nul doute sur la prétendue
transformation. Tout se passe en songe chez le lycanthrope
qui court les champs, comme chez le sorcier qui va au
sabbat : c'est un extatique insensible qui rêve avec la viva-
cité d'impression qui caractérise son état.
Le célèbre voyageur Klaproth semble avoir retrotivé,
chez les tribus montagnardes du Caucase, un vestige de ce
qu'Hérodote raconte des anciens Scythes, et de te que
Gaspar Pencer observa chez les Livoniensqui appartenaient,
comme on le sait , à la grande race fiiioise. 11 raconté en
effet que, chez les Tcherkesses et les autres peuplades,
« on voit, le soir de la Saint-Sylvestre, toujours à la même
» époque connue, des hommes et des femmes tomber dans
» une espèce d'extase; Je sorte, dit-il, qu'ils restent
)) étendus à terre, immobiles, comme s'ib dormaient.
» Mais, en s'éveillant, ils disent qu'ils ont vu en grande
» foule des âmes des défunts montées sur des cochons,
» des chiens ou des boucs , et traversant un grand ma-
» rais. »
DU SIÈCLE. 5o5
DES ROSES-CROIX.
Au moyen-4ge , à cette époque de la vie sociale y où les
communes civiles s'affranchissaient; où quelques-unes
d'entre elles devinrent les républiques aristocratiques de
ritalie; où d'autres s'associèrent et formèrent des cantons;
où ces cantons eux-mêmes, comme en Helvétie, arrivèrent
à conslituer une individualité indépendante ; où la fédéra-
lion de villes libres créa , dans le Nord , la Hanse teuto-
nique,^ association puissante qui a dominé quelques
temps en Scandinavie ; où l'imprimerie manquait seule à
la bourgeoisie qui partout s'émancipait pour relier ses
efforts , si malheureux depuis en Espagne et sur d'autres
points, et pour les ramener à l'unité en créant une associa-
tion européeiuie , grande mission qui est aujourd'hui celle
de nos gouvernants, — le socialisme aussi eut ses rêves.
Il n'avait ni la vapeur, ni l'air chaud , ni l'électricité , ni le
savoir créé depuis le XVI" siècle pour émanciper le monde :
aussi s'adressa-t-il à une science incomplète, celle de
l'extase. Il fonda une grande association do naturalistes et
de médecins qu'il distribua de son mieux , sous le nom de
rosesr-crQix, auprès des primées et des puissances du temps.
— Ces méd^cin^ devaient employer tout dévouement, tout
amour «poifr arriver au but , le bien-^tre universel, ou < en
d'aojUres terniies, l'émancipation du genre humain. Paxa-
celse, Van-Helmon, Mesmer ont été, sous des aspects
différents et avec des dévoueinent3 et une probité très-
différente aussi, les .^ntinuateurs de leur oenvre, qui se
développa parallèlement auxétudôs de Talçl^ymie; auxquelles
souvent elle prit part. — Mous nous bornons à. signaler ce
fait : une histoire véritable de la civilisatioi;i irait ^us loin,
elle n'oublirait pas de raconter les grandes épidémies telles
que la syphilis , la peste noire , la peste du VI' siècle et les
épidémies morales dont les flagellants sont un exemple si
curieux. Elle montrerait quels ont été, à la surface du
536 PHILOSOPHIE
globe, les faits et gestes politiques et* industriels des peu-
ples ; puis en regard, quelles ont été, en dehors du mou-
vement officiel , leurs tendances et leurs aspirations vers le
bonheur, leurs rêveries et leurs extases. — Beaucoup
croient les sciences épuisées : pareilles aux mines d'argent
d'Amérique, elles sont à peine effleurées. Jeunes tra-
vailleurs des deux. seiLes^ le champ le plus vaste est ouvert
devant vous aux eiïorts laborieux de vos intelligences.
TBfiMBIiBUKS DES CÉVEIVNES.
Le Théâtre sacré ies Cévennes , ouvrage aujourd'hui fort
rare, est presque le seul document qui nous reste sur celte
épidémie. Ûu'il nous suffise de dire à cette occasion que
des. paysans ignorants et grossiers, arrivés à l'extase par le
fanatisme religieux ^ . en ont usé. pour prouver ce quîls
croyaient la vérité et pour démontrer la supériorité de leur
foi. îîous ne savons ae quelle manière Clary soutînt vîçtb-
rieuseènient TépreUj^e du feu^, épreuve aùjourd'l^ui, si facile
depuis l^s travaux récents de Boutignj V ''wàîs n^us proyoDS
manière la j)lus éloquente et là |Jus remarqùaMe ^ * *àns
s*ocçuper jie înoir^ du monde des coniusiprisf prbdurt^s'|iar
leur chute. .. . . . > .. '. ' . . , j.iy
. JN^Qus, n'av<î>p^ nori plus aucun captif dé révoquer éii €^^ic
tout ai q|ii a été raconté ^urpîusieiiris'extiEltiqiies et spé-
cialement sur la bér^re du Crct. Pourquoi, mer qu'elle ait
parlé epdopn^içv qu'elle. ait joui en cpt étaf'de facùjïes
quelle ue possédait pas éveillée; pourquoi nier encprej^ôn
inseqsibiUté . pendant . Textase et son oubli cpmplél , àne
fois réveUIéç, de. tout 'ce qu'elle 'aJyait vu, ^ .dit ou faîlçfîn-
dant.json 'somn^mJbiîlisme xëligieuxt^Àvant dix aixs, ces
réflexions paraltronl. bieii plus sérieuses et Hèn plus fon-
BU SIÈGLB. 537
dées, quand on aura vu la philosophie elle-même produire
aussi elle son épidémie et ses merveilles extatiques de toutes
formes et.de toute nature. ^
GOimiLSIOlMlfÂtRfiB BB SAII^T-MÉDARD.
Les académiciens Morand et La Condamiue ont observé
cette épidémie religieuse du dernier siècle et constaté les
faits qu'elle a présentés. Comme tous teuxx qui en ont été
témoins , ils n y ont rien compris. Des femmes faibles et
délicatdS se faisant mettre en croix , se laissant percer les
mains ^t. les pieds avec des clous , causant même, sur la
croix, ne paraissant éprouver aucune douleur de ce qui
eut si vivement torturé les autres. Voilà les faits extra-
or&iâires dont ils ont été témoins , et cependant il ne se
trouva, dans ce temps, ^aucùn esprit assez philosophique ,
assoie ami du rapprochement des états anormaux de la
vie et dje là recherché des causes, pour se demander si les
miraçleèr dé^ ppnVufsioiinâires des ilévenries et leur ihseti-
sibilîfé^ ii*étaien^ pas de la.,mênie nature que celle de
Madeleine JïandoBe, qui fut cause de la mort par le féu,
du iniré^aufridy, condamûé en 1611, comme sorcier, à
être' ftrdlé, vif) et qui plus tard elle-mîème , reconnue sor-
cière, ftijU par mourir en prison ; que celle des religieuses
de "Laiivièrà qui. en 1647, firent déterrer le* corps du
cure 'Wcârd' 'et brûler vivant son Vicaire Baûlle; Qiie
d'extatiq^es mécqnn^^y cause involontaire d'assassihçits
joriâiqués !/^j 'Ûue de pages àë "ITitstoirë .soufflées' par les
forfâiJt$''déTlgnorance'etpâlr les crùeïs jùgextierits d^hommés
su^Msfeuijîr ■. "-*^*- "\' .'..■■-•.
mrfeleîile frâvant. ^i ïut'côndamiiéi^'ppuir toute sa vie
aupifî^'/à' Peau et a'ia priàoil', était eussï'hnôieitÎBitique.
On pe|iV-ëii; diire' autâdt d'Elisabeth Reiifeih, fondâtWcé du:
refuge m %. iièfm * ijôi se ctpt et *^^ Vin' cru( possédée ;
fait ppiii'^ fé^uef le^ malheù^^^ inêà^mPoïm fût brûM
vif, mâï^^ w -prot^^^û ^^ ^^^ de'ÎÉiorrame ,' soïi' sbuve-
S58 PHILOSOPHIE
rain. — On retrouve tous les caractères de Textase chez
toutes les possédées d'Auxonc (1662), chez celles de la
paroisse des L^es (1718) , chez celles de BuUy près
Rouen (1724). (Sez plusieurs de ces filles, Tinsensibilité
fut constatée par des épreuves tout-à-fait concluantes,
dont rien n'eut pu excuser la cruauté en toute autre cir-
constance. Un chirurgien requis légalement d'en examiner
plusieurs , enfonça , dit le rapport , des épingles dans les
doigts , au lieu où s'attache 1 ongle ; mais la possédée ne
parut rien sentir du tout. On enfonça à une autre , entre
les doigts , une aiguille qui sortit par la peaii du bras ,
sans qu'il parut chez elle aucune douleur; pourtant la
fille , dit touiours le rapport , ne paraissait ni malade , ni
assoupie : elle parlait avec les assistants (comme l'opérée
de M. Cloquet et les somnanbules magnétiques), les
pressant d'y employer le fer et le feu , protestant ne rien
sentir absolument. Dans le rapport fait par des chirurgiens,
sur les possédées des Landes, il est dit, entre autres
choses qui prouvent Tinsensibilité la plus complète, que
l'une d'elles fut soumise à l'épreuve suivante : on plaça
une chandelle allumée sous son bras nu ; la peau fui
brûlée, et une plaie considérable fut faite sans que la
possédée donnât le ][)lus léger signe de douleur. A Lou-
viers, on voyait journelleraont les possédées se jeter à la
renverse, quelquefois de phis de dix pieds de haut, et se
frapper la tête avec violence sur les dalles.
C'étaient aussi évidemment des extatiques insensibles
que ces religieuses de Loudun tant calomniée? , èl qui, si
elles se permirent faprès là mort de Grandier) quelques
fourberies bien conaamnables , Se croyaient pourtant en
conscience tres-réelleraent possédées f)ar le fait de ce
malheureux qu'elles firent' brûler.
D'autres, avant le docteur Bertrand, avaîènl deviné
l'extase, mais personne ne s'était occupé de réunir tous les
faits, de les rapprocher et d'en déduire des conséquences
philosophiques. Le magnétisme ne nous eut-il valu que
d'avoir été l'occasion d'un pareil travail, ce serait un grand
service qu41 nous aurait rendu. Il eèt vrai, nous ne con-
naissons pas encore l'essence de l'extase et les moyens de
BU SIÈCLE. 339
rattacher directement à la physiologie cette forme patholo-
gique de notre être ; mais nous savons, et c'est beaucoup,
que cet état existe; nous savons, plus ou moins, les
principaux phénomènes qui le caractérisent ; nous savons
aussi quelles circonstances le produisent, de quelle manière
Ton peut en user pour le bien des hommes, et les scanda-
leux tripotages d'argent auxquels il a donné lieu : n'est-ce
pas quelque chose? Qui donc, parmi les plus renommes
des médecins du siècle , oserait dire : Je connais l'essence de
certaines maladies des plus vulgaires et des plus com-
munes^ telles que les fièvres intermittentes , les dartres et
le choléra ?
DES STTEDEXBORGISTES.
Il y a vingt-quatre ans, lorsque je suis venu m'établir à
Nantes, il n'était bruit dans cette ville que de madame de
Saiiit-Amour, et des guérisons miraculeuses que ses prières
obtenaient de la divinité. Liée à la secte des swedembor-
gistes , d une grande puissance de volonté , très-exaltées
dans sa religion , fort mystique en ses croyances, quoique
douée d'une intelligence peu commune et d'un remar-
quable esprit d'analyse , cette dame croyait fermement
Sue Ton peut obtenir parla prière, la guérison des mala-
ies, et qu'à nos vives demandes. Dieu, se laissant aller
à nos sollicitations pressantes, réagit en notre être par
un puissant magnétisme, de manière à le profondé-
iD en t modifier. Aussi n'hésita-t-elle pas à se servir de ce
moyen, selon la charité de son coeur, pour rendre des
senices et pour rappeler à l'adoration de l'être suprême
les âmes qyi s'en éloignaient. Quelques guérisons eurent
lipu : les récits publics s'en emparèrent , les grossirent , les
multiplièrent. Bientôt ce fut chez elle un concours immense
de malades de toute espèce qui se pressaient à sa porte et
s'exaltaient àl'envi les uns des autres, se plaçant ainsi
d'eux-mêmes et sans le savoir, dans les meilleures condi-
540 PHILOSOPHIE
lions possibles d'imUalion contagieuse et. d'exUse. — Etes-
vous guéril, demandait un iour le docteur Fomré à^l'an des
aveugles qui étaient allés cnez madame de Saint-Amour et
qui pariait avec une grande vivacité de r^iméiionitton qu'il
avait épi:ouvée. — Non^ monsieur < répondit«-il/ je ne tqîs
pas. encore (cet. homme, eomplètement inguérissable,
n'avait plus d'yeux); je ne pourrais me conduire , mai& il
s'est produit un grand effet dans mes yeux, et je seps que
je verrai bientôt. Parmi tous les malades que j'ai moi^-inéme
inti^rrogés, il n'en est pas un ^xA qui^ne m'ait dit que Jes
prières de madameide Sa^it-A<QOttr lui avaient produit mie
vive impression. La manièjredont elle interrogeait, j'acçen*
tuation si pénétrante desoq Langage, cette onction tout à
la fois magnétique et religietise atec laquelle elle imposait
le$ mains.^ produisaient obez les patients' un fréipissement
intérieur 1 e^ beaucoup se.troutaîenft ou aeenoyaieat isuné-
(Uaten^ent guéris. — Dieu me gar4^ de penser que madame
de &airil-*Amour eoljamaâspu, par ^ti magnéti&me, agir
cbjr^vgiçal^fnent ; vm^. d^i iié^ï^re^x, d»& jchlbroiiqueâvet
d'autres maladesi atteint^ de < paiyiljrsiea locales v 'd'aîné-
norrh^»:dq jeacïorrbéesi dô. ,. gastralgies trt d'affeotiins
neirveuse^fc pnt eu, réeBeM«&nt. à.i^e;louer -en asseZ'egrand
noqlj^^r^ i^ l'inliueiice; t^e;.fuel}e>4;>qii)e|t4ans> som^monr
(lU|npbljp et du ^)ieçi>. lalk .avait su vebserlsur leum «uCr
fr^npept,n,«'wit p^iî été |)hilo^QpWq«e deLûieSi4'fmiWi\
cquvme .l'i^nt, £iM t tftpt .di hoauftea 'de isciemte^ ie^ qa'ii "m'jptait
si, facile 4e vérifier, p^r iQoirrjpiétne : Jejpne iSUis.dQOs^assoré
qu,'^ y avait eu de^-g^é^i$p^8,.et j'ai .dQiis*até .de:,ptes
quiilj. avait, eu pi^a.^t gMéiu^itHia^radioid^ .et. iduraMaei^itm
hq^) poiiftl^r^, dlarpélioçafliwwi $ensiyii)lfift,. ïani^^passagènçs;
uuî i^4;^ï9ire jn^f, (^'eçpérw^ :• .. «j h.idïî .k
^Dan^ieiiftiapwrt Muelî^i*» vieillard: de.^aitantetHlis*'
huiîiflu^vi? co»niwy4w«iïuaft)rgttBr^n^ 14, jpùeî SeiariBt'^ià
Pimi,,Qbtîejip.lr> #s.trq$4^l4 a^mblable$.à:C!âYyi..^^Bifidteie
de ;^*intrAmpUÇ, .*et deirfcàsnhplus j^«tf)aw|«w]^tes)-0H{cofe;
Comme, ejii^., ïï prpiji^tiPM magnéUsoQte ^oiisi'itaaiiimoi* df
la.^if d^s la J^g^té.detiiMeiiii^ Gomme tmadam^^ëiSûfl^
Ajnv2^^,j it s,giit,,qWÂl 'i^^l^^; maîsuil /creilicq^'il >ne
réussirai pas^!il ^l'^yaitvpowt^utiuniquedei .manifester la
BU SliCEE. S41
gloire de Dieu par les gpftees dent il e&l Tintermédiaire.
Doné. d'une impfesâoQnabilité irè&^partieulièrè, it lui arrive
souneHty'À la tue d'un malade^ de deviner, par un senti-
ment intârisar, tout oe 4fm concerne ses e^offrances ; et de
pouvoir se passer d'interrogatkMv; Parfois- il seni ou croit
s^itiff-s'échapper de lui comme une vertu secrète. En ce
casi il) est bien rare, ditHDn, que cette ^vwfeu- n'agisse pas
aimsi promptemeul'CiU'efficacement pour la guérison de-
mandéev ^-^ Groim qu'il guérisse ib^Aèn les affections qui
se présentent' à^loi^ 4ipire qu'il gqé^isse'tonMs eetlesi qui
sont oa pavaiflsent'ideiilîque^, croiire qu'il obtienne tous
les joaris des résultats aembtaibles^ aérait "uiiegrandêierreur.
L&ioarieiiai) le merreilleux dé phénétnètfeâl de cette nature
n0:iéside aucuiiemeiit * dans le -nombre etUa^ra^iété des
goéoBons Y dans^ le^ réoiiis anxqurïs^dês gtiérisons donnent
lieiiv»ft^îs u^^^^naent danslapessibllhédé leur mânifes»
tationi Ar cqeis c'est un phénonâne physiologique ijui s'est
pr^nlé dans tous le» temp& e|t ^^ams ilous les lieux , sôus
riniaenoe de! toutes ries religions : aattsi 'ifiéfrito-t'^t une
étude sérieuse et une apprëtciation sciefnlifiq^.' <
- iTous les» joixrs^le respectable commandant Laforgue re-
çoit ober lui soixante et quatre^-viiffgtinakdesl'b'un de mes
amisieni a compté yodqu'â ceint vingtJ'Në'^uVant véfifler
paf •siofi«}èaie'les^ts ^si ^urieur^quiâ^'^as^en/t^à Pau,* j'ai
fait^ftn^eiidi» 32 tepleinftve aut U cietobrè 1949, un relevé
dad guérisons tes'^plus imporladil^Vi pa^^Ude^ f^i^fte mal-
httiueASMiènt! étrangène k^'lk itnédëcln^, < nlftis' remplie de
déi9uebieriti^i<d4nteUi^nc&.'*ni en>^srt^stlUév^pèui^ ittdi ;
e8tte^«éii«riolioiis ^ lecomiMnâè^t'lLafôrgiië'à goérl, dès
lar|iraiiiè»eiséa»€e,.«ni'|^nd ne«ioS»ré<d<^;>pbotopbdfei}^ ^tae
l'on prenait pour des cécités 't-^¥âs^at^'(^'>les^^édés
usinktde la >'«cibncetiar Moment! pdi^ âMtftf^é(Mli^S;^'Sèpt
surdités .oiitr^ été« guéries dans^ l^ àimi^ ffftif^i lia- dernière
étaâtiagcooipagttée d^ë cMvé dé F^î' droit' qMremonftait
à'^iiÎDgt^oinltf atiai^Les soûfdS'diô^r'U bèt^é'HS'dénS la note
qii'onimfdidobaéè') éeieaiei^ite tattr^È^dité À vafifé^ accumu-
krtioiridé)cémri)en:danfr (VNi^iHé^ièktekeiift âe'ikusses mem-
brams^podièia àurdiftémerte^)^j'èU'iMéUT<:»se de l'OreîRe,
je n0?sèîsi}Mimèi$*iita'iCd^'llotf$ ^ritSiiaW désola ^pfrèîmière
33*
54S PHILOSOPHIE
séance, et pour !« dernier, la cure a eu lieu en présence de
soixante iMlades qui ont crié au miracle. Voici maintenant
un pauvre diable, perclus de tous ses membres, qui marche
à la première séance, et qui, à la seconde, &*en va guéri ,
ou se croyant guéri. En voici un autre qui marche depuis
dix-sept mois avec des béquilles et qui, dès le premier
jour, les dépose dans un coin, snr un monceau de cent
cinquante à deux oents paires, laissés par d'autres malades
antérieurement guéris. Que penser d'un goître énorme qui
disparaît presqu'entièrement en trois séanceâ ? d'une hernie
guérie aussi promptement, du moins en apparence, chez
un ancien artilleur, et ce , assess radicalement pour qa*il
dépose son bandage ? Que dire d'une tumeur du genou qui
se modifie en trois ou quatre séances magnétiques ? Pooor-
quoi nierais-je ce qu'ont vu des hommes loyaux et qui
avaient intérêt à bien examiner ? Qui donc oserait se flatter,
parmi nous, de connaître tous les phénomènes naturels et
les lois de leur production ? Quoiqu'on en dise, nous
pouvons afTirraer qu'il y a dans ce monde des êtres privilé-
giés , qui, soit par une. influence morale , soit par une
influence électro-chimique , analogue , en son espèce supé-
rieure, à celle du gymnote, du silure et de la torpille,
guérissent ou soulagent avec promptitude dêà souffrances
rebelles à beaucoup d'agents médicaux. Là,* disent les
adeptes , ne se borne pas l'influence desr magnétideors et
des extatiques : non-seutement ils -peuvent produire et
gué? ir Finsensibilité , la catalepsie v non-seulement ils i^eu-
vont soulager des misères nomb^usies et apporter tine
guérison rapide dans des maladies peu connues enedrfe;
mais ils sont prophètes, ils jouissent du -don de seconde
vue, ils agisseot k distance» et sont susceptibles d'exerwr
dos'influenees qui peraiâseo^ toat-èhfaiten dehors des' lois
connues de la nature. L'imagination des^ magnétiseurs est
tràs^vive, et sousf ce rapport elle esi< souvent , trop soiiveht
en avant des faiti. En voici deux cependant qui soM assez
curieux et: qui paraissent exacts. M. ' N.,.;. "arrive à Pàû .
coiasnlter «le."coiamandant «powr sn- filleî. -^^Retotime* chez
vottsvhiii.dit*'il, carde ce moment efle va ^mfeo-t : i^e qui
était vrai. Madame XXi.., de 'Nantes, est atfeime de mi-
BU SIÈCLE. 843
graines très-douloureuses. — Soyez rassuré , répondit-il à
soa mari ; des phénomènes d'un autre genre se sont substi-
taés avec avantage à cette terrible affection : et c'était
encore vrai. Quand vous voudrez faire le bien, ajouta-t-il,
pensez à Dieu qui veut le bonheur des hommes ; pensez à
moi , son très*humble serviteur, auquel il a donné le don
des guérisons , et je serai en esprit près de vous , exer-
çant avec vous le ministère sacré que j'accomplis ici chaque
jour.
Nous n'acceptons ni ne rejetons ces données nouvelles du
pjpoblême ; nous déclarons positives et acquises à l'huma-
nité celles qui ont été suffisamment vérifiées ; quant aux
autres, nous sommes loin do croire que l'étude de la nature
et de ses manifestations diverses ait dit son dernier mot.
Jusqu'à nouvel ordre, nous nous renfermerons dans un
doute circonspect qui est, en pareil cas, le devoir de tout
esprit philosophique.
MAGNÉTISME AiymAL.
Deux individus se trouvent en présence l'un de l'autre :
l'un est généralement fort et plein de vie; l'autre, délicat
et ooaaladif . Le premier est doué d'une virilité puissante ;
le second est, le plus souvent, une femme frêle et souffrante,
atteinte de chlorose , d'aménorrhée , de maladie nerveuse ,
quelquefois d'épilepeîe. Le premier a la volonté de pro-
duire des phénomènes d'extase chez le Iseoônd , et dans ce
but, il le fait asseoir, ordinairement dans une chaise plus
basse que la sienne; puis il place ses genoux centre les
genoux du patient, lui prenaBt ks pouces jusqu'à' ce que
les quatre fla&ins se trouvent à peu près à la mètne lempé-
ratore ; en même temps, il le fixe du regard avec la ferme
volonté d'arriver à un résultat ; puis il. fait; à peu de dis-
tance, des passer le long de& membres supérieurs et des
cuisses du magnétisé V en ayant «oin de suivre la direction
du sang artfériel : on dirait qu'il procède à une aimantation,
car il agit toujours dans la même 'direction, évitant les
5^i4 PHILOSOPHIE
passes en sens inverse. (^Iquefois aussi il applique une
main ou sur lé front, ou sur l'épigastre, et bientôt le patient
éprouve des moaremeitf s involMtaires dans, les muedes ;
sa tète devient lourde, mal^ luf ses paupières se ferment,
il s'assoupit, et le sommeil sueoède à cet assoupissement:
sommeil qui est toujours assez profond et qui peut dépasser
les bornes de l'état normal. Il arrive en effet quelqaefoîs
que oe sommeil soit accomtpagné d'insensit^té coiâplète,
comcue dans l'état d'extase; d'autres fois, la eataiepsie
peut se produire sous l'iniluenee du magnétiseur ; il se
peut enfin qu'une eitase parfaite soit le résultat âe ces
agissements* C'est là ce que Ton appelle le somnambulisme
magnétique.
La catfliepsîe des somnambules magnétiques ne saurait
être révoquée en douta. Maintes fois nous en avons été
témoins ; maintes fois nour avons vu les magnétiseurs h
produire instantanément ec sous Tinfluenoe de leur seale
vc^nté, sans parole et ^ans geste de leur part.
La paraljrsie locale d'un membre peut encore être
produite à volonté • par le magnéUseur, èl cela même à
distance. On a vu poser là dematidé suivânce r « Que le
somoambu^o se réveille avec le membre inférieur droit
ou gaucbe paralysé, d Le somnambule ^étâitt^éveUlÔ, >onilùi
demandait d'ofier prendre qudquV>bjet, et îl se* trouvât
danâ l-impossibilileide se leier, p^r^suit^^de lai'paMlysie
du -membre désigné.'' •• • ^^ " ■! "■••,•• ''"'
L'insensibilité, soit locai^*, soiti générale' i peM ((H^ k
conséquence du smmnambuUfi^e' magnéti^pie. Lè^ ^ihii^
gie^ âoquet a4)ipéré, en48â8 j mie dattie tnafnélfôéi^oar
ledodeur Ghap^ain, qui t)« s'en aperçut'^ ankdM^fli^.
Deptttis lors, a'aiftires opérations d'ukie' liatit^ ^r^^ité'4il^
été pratiquées sur des malades magnétisés par H. Rfèanl
et par «. ^afbptaine^ itoidoors at)ec le* mèmt^ Mcëès ,>4e
magnéjlâsBiedeaiMfnt des b&ultais au$si céniplet^ que^t
que l'on: obtient aujdiunjl'Mi f^ le ciiknr0forniê. >•' ' '
Les piaraiyHies ^ la' catalepsie et rin^nsibltilé k)^le^«a
générale p^urendi donb} ôlre le résultat du' ^maniérisme ;
maié Ih «la s^atrdte pcàm soûiaotion^ it éà4ès' pbéhobiènes
d'un anollru' ordm^ qui «ppi^lent nôtres esdtnén.'^^ > '--
]>n siËctB. 545
J'ai eu occasioQ de ¥OÂr, à Nai^tes» chez M. Papote, un
petit. soQiDaïukute formé, -je crois, parU. Rioaca. le lui
ai bandé; les jwx moi^-mèûM^ avec toutes les précautions
dont un niédeeincbt capable, etj-aijouéiavec.loiàréoarté.
— le lui donnaiB ses cartos^ tetouméesi, ;sans qu'il, put
les xoir, et jje qacbais aveo soin moq, jeas je faisais ies
courtes ^pott? lui et jKMir nioi, et seul ie regardais la toutne,
qu^ JQ m déoôtttrais cependant piae. Cet enfant^m'a noiUBié
à plu$ieuffs.x:epn&e$ les cartes qu8j'atYais..dans<mjDn jeu et
celles qu'il avait <knsle sien el. qu il n'avait, pas exami-
né^«,toi:gpur$.il ^ oomm k tot^rne». r- Sesi ei^euifr^ car il
eu, a fait, plusieurs ^, ont été.cel^srCL: ;ii a pda des dix
pour des huit et vice versa, U a pris aussi du canrpau pour
duiOQs^ur; mais ce», ercettr&elle&rinéfDes élaient intécas-
santés. J 'ajoute^ qu'il était iiAposaible de lui .;fair& une
tjricherie, ,. , :.. ..j ...
Lq niôme ecifant, qui lavait QEiédi0Qreaient..lifieL, oli^ 'de
grosses affiches i^s yem. bradés^ at nariaitei^eaA oouvnpt^ ;
d'iiù cette^>oonidu9^on : dans.rètel.d eiiase n)aglkélic|ue.«jle
qer^^u a ud^^aiitre ;maiiiière d-allâr au|-dfinrflût,a6fiB ioiphes-
sipi]^:gue daaAj'4tftt ht&Mtuel Laissanl de cdtéJJes sens; il
s'^i^icréô deiir^uYieattiK que nous iiejeûDiiais9ûn9i^ë«iicore
Qtifiw'il.im^ie: d'étudier. >..! . ^ i .-::,>. îi<;i, .- i
uJ^qMfdHiulîs^usj 464^ftéeeb a$)itt!d^acoB3i»nn&sijcbe2
l^vQM«t}qrte^imgoétii^s^ Voioîceeiqi^iilnismj^ntjéDdsns
{>ar cette expression : le magnétiseur pâifiei«j ^t l^eaiAatiqiie
Ull(|Aii$ ^Q^.espslt J,d< |KBq$^ .q)iii«;trii^duil4< t7ri:Qai<]iâut
au^iffieMr^ iQMaliq^eien'j?a^portiAjyaûaiuejyuti^perfi|(^^
e^;»)u^iiti!te» meH(tte:.phéyQl9^iàt26ia:^lç<»t^-|b^^ iait
e3(l^iieRMt<Mè9rhifm . l4> , Mue i pan Jps, magnétifiés^i ide>oèr*
.[I\ |j|V:PiipiAi. 4illi^clle)ide $'fa)i)midrpt)fifHikp(e>4u.Mi nc^ te
pensée soit anf^CMpiagÀ^ejj fi<f tii«|)|pûiij,èBSi)nri(}stru4»eot ,
l'i$]fgi»toeuté^bP$kt4'i9M ph^aiplan-)jélâktroi^i^itt^^ «. «et
npiiai4mieeiimin$iitrè»tbkà» (^e^jCiû pbédonràoeij'p^i^ lôtre
co|)fl3lik4'ttqe^il|afjU^gf^^.ilr)t^^e^aMAreJ înleHigenaf i>: d'un
cerveau à unii^ut>^^0(KmdaUi{ii)^iUii;-;aiiMe>'.^
546 PHILOSOPHIE
que les sens impressionnés par l'écriture , le geste ou la
parole.
L'exaltation des faeultés naturelles les plus développées
est une autre conséquence du magnétique : alors Timagi-
nation et la mémoire jouent un rôle beaucoup plus actif
que dans l'état norinal. Les dévots deviennent des sainte
Thérèse ; des musiciens peuvent répéter de souvenir des
opéras entiers ; les personnes charitables rêvent de malades
guéris, de secours aux malheureux et de médecine. Sous
Tinfluence de ces exaltations, se produisent des phéno-
mènes intéressants qui frappent le vulgaire et lui font
croire de suite à la sumaturalité des faits d'extase. Ces
phénomènes sont de l'ordre de ceux qui ont créé réloquence
des protestants extatiques des Cévennes et de quelques
autres extatiques des premiers temps du christianisme ; ils
sont en général plus communs et plus faciles à reproduire
que beaucoup d'autres.
Pour les ignorants, la prévision est impossible ou surna-
turelle ; pour les hommes sensés , la prévision n'est que le
résultat d'une vision intellectuelle et scientifique. L'agro-
nomie, la chimie, la physique, la médecine, ont leurs
prophéties. Mais si les mêmes lois qui président à la phy-
siologie des corps inorganiques et des corps: organisés ,
président aussi à la physiologie* des corps sociaux, comnàent
donc nier que la prophétie puisse exister réellement dans
certaines hmites et avec d'assez grandes probabilités de
vérification ? Des extatiques ont prédit avec une exactitude
mathématique, l'heure et la minute du retour des règles,
d'attaques d'épilepsie : pourquoi donc la ' mrinière d'être
spéciale de leur intelligence , qui leur a permis de voir si
juste pour des faits organiques , ne leur pfermettrait-*elle
pas de résoudre un problème compliqué de variables 'et
d'iûdétermiaées, dans les limites qu'assignerait, par exem-
ple, le calcul des prcèabilîtités , s'il pouvait bien poser les
«lonnées de ce problème?- Il suffit d'avoir vu dix extatiques
pour savoir que datis cet éCaton juge assei bien les attra«-
' tions qui nous dirigent.
II est tout naturel que beaucoup d'extatiqfies ne disent
autre chose, en fait de prophétie, que oequi est la crotance
BC 8IBGLB. 547
de leurs magnétiseurs : c'est alors de la transmission de
pensées , et rien de plus. Il est tout naturel encore que
leurs prévisioDS soient entachées d'amour-propre , la per-
sonnalité étant plus développée encore dans Tétat d'extase
que dans Tétat de veille ; mais il y a des limites entre
lesquelles ils peuvent peut-être prophétiser, parce que les
faits d'ordre moral sont soumis, tout comme les autres, à
l«irs affinités directrices. De prime abord , croire qu'on
puisse annoncer à heure fixe , et même à la minute , une
attaque d'épiiepsîe , cela répugne à notre esprit : c'est un
fait auquel il n^st pas habitué ; mais ce fait prouvé , pour-
quoi ne croirions-nous pas tout aussi bien à l'annonce de
fait et d'événements sociaux ?
• Les oracles de l'antiquité les plus célèbres devaient leur
renommée à des faits d'extase ou de magnétisme. Sénèque
les définissait : la volonté de Dieu ou de là nature , expri-
mée par la bouche des hommes. Us étaient loin de se
Fmdre tous de la même manière : ici une prêtresse oon-
vulsîonnaire servait de communication entre l'interrogateur
et ia vie universelle ; c'était, selon les peuples et selon les
tieux , Yelleda , ou la pytbomisse de Delphes. Remarquons
en- pasfeant le grand r51e qu'ont joué, chez les Celtes gaëls ,
les Celtes kjmri et les Scandinaves , les femmes inspirées.
AiUenrs, le dieu répondaiten songe à celui qui l'interrogeait ;
mais pour r obtenir les songes désirés, il fallait unsomtneil
propice, auquel on se préparait par des jeûnes, des sacri-
fices, des ablutions, des mystères ; par une série de pra-
tiques susceptibles de produire un état d'extase. Si les
premiers chrétiens ont cru , en pareille matière , à l'inter-
vefition du démon et aux possédés, n'est-oe pas une preuve
nouvelle en faveur de la doctrine que nous soutenons ?
N-'fltons^^nous pas établi ,' de la manière la plus positive , la
coïneidencé de l'extase et de la démonomisnie ? Les philo-
sophes grecs étaient du reste divisés sur cette grande ques-
lixin;' Les platoniciens^ les stoïciens et les pythagoriciens,
tous issus d« l'Egypte, de l'Inde et de Pythagore, croyaient
dans de certaines limites aux oracles, toidis que tes cyni-
ques et les» épicuriens s'en* moquaient ouvertehietit. •
Parmi les pères de l'Eglise, il en est qui les ont raités
548 PHIL080»HIB
d'œuvres démoni«}ues; mais il em est d'autres qui n'ont
vu, dans les oracles^ que de grossières impostures^ « à
Texemple d'^usàbe et de Clément id'Aleiandrie» Po«r nous,
placés à un point de vue nouveau , si nous croyons à la
friponnerie des prêtres payons, nous ne pouvons cependant
révoquer en doute rimportance des phémAnànes d^eiHase
dans un grand nombre d'orades renommés. Van-Dale ^
Fontenelle ont écrit sur cette matière : le premier, un litre
complet ; le second , un traité trè&^pirituel. Hais ni Vim
m Tautre^ n'avait la def de ce monde nouveau qute les
ancims avaient. entrevu, qui, mèrouvénar Van-^Uelmon* et
Mesmer, sera restitué d*une manière définîtivie à Thuma-
nité, lorsque les études de Bertrand seront reprises à nou-
veau par de véritaMesptdlosophes.
Depuis sa réapparition dans le monde ^ sens la forme du
somnambulisme magnétique, Texitase a été très«utilÎBée
au poiot de vue médieaL Les. uns, comttie ie commandunt
Laforgue, en 'font un instrument religieua:. et agissent
directement sur leurs malades , en les magnétisant, parfois
même à leur insu; d'autres set seivent d€>somnaâiimtos
pour aller à la recherche de latcause des maladies et des
moyens de guérison. Le charlatanistne le plus^ effronté 'a
exploité d une; manière •hontiauâe'teette braiMfhe. de< Tiot
médifial.! Quelles qù'aiei^ été ses fatites^ elles^n^^Hiitii-
nuent en rien l'importance et la vérité des .faits- pndutéâ eî
bien établis. Il y, ad-aifeursvè <^té des fKtp^Ufr^ >dê^ ètt^s
dévoués et généreu]^, eonmie madanuè^ de ^Satut^mcwir^t
le swedemborgiste de Pau, qui 'ii'<ôm'}|A!âais^voiilifr Tten
accepteri dies malade»: qu'ils <3nt guéris , leuP lArdéhadt , 4u
contraire , cette ardente charité qui a tbujdu^ été'k iiMèlIe
de>leBiiTie*'- n'i ■» h- • " •• ''J i--*'' «'''iT'»' ■ -'^ -^^
Arrivé à. cette' partie^* de notre 'tmvetiv, si nèus tidus
posi>nsi> e^tte quesliott : Qu'dsfHie ^qu'un^ loAgnélKbeur ,
qu-estnae ipikiti somnaoïbule' magnétique'?''nous di^tts \
dans l'impossibilité de réponajresoidntifiqvtfeqalèntf'Le'miii-^
gnétisenr est eeti aimant, i qui ^ plaoé'^sousi'une' f^uiHidlde
papier oooverteiife/poudrei'de tWi iitiprithe^ ii[><cetlef poudre
des nio«v)emenls^< et la di^)M9ii0ég«]^èrèm<|tlt> sotfS 4'in-
flueneedesa pfij^ |ropte; Voule^^TOus^en sav^^éitfMtage
BU 8IÉGLB. 549
et pénétrer plus avant dans cet int^ressaiit mystère scien*
tifique 7 étudiez les axes des cristaux^ étudiez la pola-
risation partout où elle se présente ; ne séparez pas l'homme
de la nature , eonsidére&^le au contraire comme la moUé*
cule soc^e, et vous trouverez dam cette direction, sinon
des iaits, du mains des pressentiments nouveaux ^ pour
marchenr è de nouvelles recherches : voilà œ que nous
di$i(>Da.à Bertrand^ en 1837. Pourquoi faut-il que depuis
ceUe époque la physiologie de l'extase n'ait pas fait un
pas ? Le vol au ma^étisme, de certains hommes, ne justifie
nullfimet)t à no6 yeux la coupable indifférence de nos sa*-
vailles académies.
^Toat: ce. qui précède â été publié en 1850. Nous le pen^
sions et nous 1 écrivions en 1849. Depuis lors, nous avons
ajusté i un trà&*grand nombre d'expérÎBnces de mc|gdé-
listae aniinal , les unes probantes ou positives , les autres
n^ psouvacit rien el souvent négatives. A nos ymx, pour
cette rgcande question^ la.sciencee8t encom trSsi^nccHnpIète ;
tottlefofs, il est des séries de phénoraànes qui noos pa*-
rais^em irKévocat)lenmQt démeniKées par suite d'obsetva*
tioiisiaited dans des conditions convenaUes. Nous, allons
les ^naïUérer ; .ce : sont : . -
•:!'; La. pafaîyâie des nerfsdu mbuvement ; :
:3r<iD^ mouvements îofoés sous Tinftpenee de>ia volonté
. S"" La! parâlyâid des nerfs^dp^ sendlimeni; ;
' A'^JBift^i^efmtiom emronéefi etiifoffisées'soiB Finflueaoe de
Iç^ffçlçiitédu.flftiitpétiaewr;» .. . ., i i
J^"" tL^: ti'ai^mis$iQn deJa peâséci sftils.le secours de la
Pfl»leii du^»tft.ni.de.récriUiw;.
6** L'exaltation très-remarquable d'une, ou de;. plusieurs
faaiiHé|i:jd'^rdre pfeysiqiie ^ lintelfactuet'ou mdrel ;•> v ' î i /
7ro^ jH^isÎpneiigéiiéiMtjônt^nt Éràsceipctesi pour^toui
ce.-^u^ iC^n^i^riie'.ie irptour. di accâs^ deitiÂnre-, deé. ^ensttoes ,
d>i?ip4«ld;hyalés»|Ou,i4'épile|^flie4j : .h idî! : . . . i
:ÙiMLli4[aux;visions h. 4^ grapdçs^idisÉanees et aiix.>|»fé-
diatiûa^ ,vks /ajts dè^ti,<)i^tiei»simei^q3É^nt enrlièrem>ei[Kt.
-n/NoIrev ^iquA^e .pmenn^dlf^ihoui a* ipeû^i amsk des
somnftmbukis 0^ wtatiques niàgnéliqoaç qui faisdientune
550 PHILOSOPHIE
assez bonne médecine sous rinfluence d'un médecin
magnétiseur ; mais nous n'avons encore rien constaté
de plus. Parmi nos anciens condisciples, plusieurs méde-
cins distingués et d'une délicatesse scrupuleuse , nous ont
affirmé, sous ce rapport, des faits extraordinaires ; nous
n'en avons pas été témoin , nous ne les avons point fait
passer au creuset d'une observation scientifique , et nous
en doutons , parce que telle est notre règle toute carté-
sienne.
Parmi les faits dont nous avons été spectateur, nous croyons
devoir citer celui-ci :
M. Laurent, docteur en médecine ou simplement officier
de santé, ayant été pris, à la Rochelle, d'une paralysie
du bras et de la langue , vint à Nantes réclamer nos soins.
Pendant qu'il était dans cette dernière ville, où habitait sa
fille, jeune personne distinguée pour l'esprit et d'un
dévouement admirable vis-à-vis de sa famille , M. Laurent
voulut donner des scènes de magnétisme. Il avait pour
somnambule une demoiselle Constance ou Prudence , qu'il
fit magnétiser par sa fille , parce que je lui avais interdit
toute action cérébrale vive et soutenue. — Cette demoi-
selle Prudence , dans sa vie usuelle , n'était ni jolie » ni
gracieuse , ni habile comme comédienne. Magnétisée ,
c'était tout autre chose. — Un jour, en ma présence, on
remit à mademoiselle Laurent, qui se tenait k trois pas
derrière elle , un billet ainsi conçu :
« /« veukp que mademoiselle Prudence représente Eve
cueillant lapomm^ et V offrant à Adam. Ses regrets ^ fioare-
pentir. »
Agissant par derrière et de façon à ne point être vue
par mademoiselle Prudence , la fille de M. Laurent hit le
billet, le pUa, le mit en lieu sûr et magnétisa madeajoi-
selle Prudence. Bientôt celle-ci parut sortir de l'état de
stupeur dans lequel elle semblait plongée; elle se leva
avec grâce pendant que sa figure se transfigurait ; elle se
dirigea sur sa gauche , et sa pantomine représenta , de la
manière la plus remarquable , cotte grande scène d'Eve et
du serpent, après laquelle notre première mère cueilht le
fruit de l'arbre de vie. Ce n'était plus là mademoiselle
BC SIÈCLE. 551
Prudence assise cinq minutes avant , immobile et insigni-
fiante, devant quarante personnes : c'était Talma, made-
moiselle Mars, Halibran ou Marie Dorval, dans les plus
beaux moments de leurs inspirations. Le fruit cueilli, elle
s'avança vers Adam et lui offrit la pomme avec un sourire
si délicieux, avec tant de grâce, que tous les spectateurs
en furent émus. Le geste peut atteindre cette hauteur,
cette pureté d'expression, ce sentiment vrai et délicat; mais
il ne saurait le dépasser. Ce n'était pas Gircé, faisant
d'un ami un amant, d'un amai^t un pourceau : c'était Eve
enseignant l'amour. Et cependant ses regrets et son re-
pentir vinrent apprendre aux personnes de son public qui
la surent comprendre, que l'idéal de l'amour, c'est de
devenir de plus en plus intellectuel et moral.
DES TABLES TOURNiitTES ET FATIDIQUES.
Le magnétisme animal, connu depuis une très-haute
antiquité , exploité à la fin du Moyen-Age par les roses-
croix, dans un but social et philantropique d'émancipation,
a donné lieu, depuis Mesmer, à de véritables épidémies
de mohomanie extatique souvent contagieuse; mais les
tables tournantes et parlantes , les tables devineresses ou
fatidiques l'ont en quelque sorte détrôné. Au fond, les
phénomènes qui se passent autour des tables tournantes
sont de même ordre , et les anciens paraissent les avoir
connus.
Nous avons assisté à de nombreuses expériences faites
aolour des tables ; mais il nous a été constamment impos-
sible d'astreindre les personnes qui les faisaient, aux sévères
exigeantes de l'observation scientifique : nous en avons
surpris qui nous voulaient tromper; nous en avons vu
d'autres qui se trompaient elles-mêmes avec une adorable
candeur, et nous avons aussi été témoin de phénomènes
produits par des personnes d'une inattaquable bonne foi.
Malheureusement, dans ce dernier cas, nrille petites cir-
5â2 PHILOSOPHIE
constances ont «ntravé cet examen sévère qui seul conduit
à la certitude philosophique. Nous so^imes donc encore
dans le doute , quoique nous ayons vu ou cru voir :
1* Des tables aller au Nord et au Sud et tourner à droite
et à gauche, k la parole ;
2? D'autres tables , lever un pied et répondre avec ce
pied eomme un cheval savant.
Mais ce qui nous est bien prouvé , lé voici : j
Les mains appliquées sur les tables deviennent brftr
lantes;
Beaucoup de personnes prouvent des maux de tête ;
Beaucoup , des fourmillements dans les bra^ ;
Des attaques de catalepsie ont suivi parfois les expé-
riences des tables ;
D'autres fois ces attaqués ont été jusqu'à l'extase ;
Il y a eu aussi des paralysies temporaires des poignets
et surtout des mains.
Niear. les phénomènes qui se passent autour des tables,
tournantes et parlantes nous parait absurde; en faire des
phénomènes psycologiques, par opposition aux phénomènes
physiofoghiues, ne serait pas plus sensé. La vérité, c'est,
queia natutie a ses lois dont ta connaissance est fort peu
avepioée. Avec un pert de. réflex;îoh;. le phénomène ?i
usuel cl'i^ GOrps qui tombe j^aralt; tout aussi curieux, tout
aussi QLtraordinaire que celui d'un corps gui ^ubit Vaciion
humiine-et gravite h ^ manière spùs 1 influence dos indW
vidus qui l'entourent. - r
■'' '" ' '^ ' ' '.' ...• , / ■ . ..'/' . ■ • ' • :^' , '■: ^.
Pourquoi'; n<his dit Héiclienbàch, cërt4lnç^ persionnès
préfèrent-elles le jaune au bleii ; d*autreè, Tebl/ôu au jaune t^
— Poiirqu<^ eërlaîtreè' ^ferèonties aimaht'-eUes fort peu 10
miroir, §îajfréai>le à tant d*è^utrôs 7 T-^'Pôii^rôiipî trouvons;
nou^ des gtdus qui préfèrent 'lesï. coins k d*f utîes plitees V et'
d'autcesj^étts qui ^ddfîiiéht^i^is volontiers' d*uii 6ot^ qtfe^e
l'autre ?' ^'Ptodrqubi "ce "tiégàtft que d'auirës éprouvent à
DU SltCLB. 855
manger avec des fourchettes et des cuillers de métaux
composés ? — Pourquoi ce» mille appaieots caprices qu'il
est si difficile d'expliquer ; pourquoi les mille antipathies
et sympathies que la nature noua révèle ?
Parce que, nous dit Reichenbach, tout est pdarisé
dans la nature , et parce qu'il y a des êtres dont la sensi-
bilités péciale descend beaucouj) au-dessous de ce que Ton
pourrait appeler le 0 de la sensibilité vulgaire. ^
Dans une chambre obscure, les sensibles ou sensitifs
trouvent :
Que les extrémités des cristaux font éprouver la sensation
d*un souffle frais , et leur base une sensation de ehavkl :
la première leur est agréable ; la seconde les fatigue et
cont^arie. — Le corps du cristal parait pénétré d'une fine
lumière ; au-dessus de la pointe paratt une flamme bleue :
elle est jaune à la base , ou rou^e^tre.
Qu'un fil de cuivre exposé à la lumière d'un côté , pé-
nètre de l'autre dans la chambre obscure : aussitM les
sensibles voient, à cette seconde extrémité, une flamme de
la longueur d'un doigt.
Décomposez la lumière avec le prisme , les rayons jaimes
produiront, sur les sensibleB, un^ sensation tiède, nau-
sëetlse, désa^éable ; les bleus, une sensation de frais qui
l^ur fera plaisir. Remplacez la main du sensilôf pa^ de
Téau, cette eau subira d^^s infl{ULences telles qu'il poaiTa
distinguer au goût , celle qui a eu le contact djBs rayons
jaimes dé celle qui a eu le contact des bleus.
Prenez maintenant un barreau aimanté, placez-le sur
une table , dans la chambre obscure , dans la direction de
l'aiguille aimantée: les sensitifs,. en sa présence, ont
conscience d'une flamiiie' avec étincelles bleues au p61e
Nc»^ ; avec étincelles jaunes au p61e Sud.
Modifie? l'expérience i plwîjçf Tj^jimapt .d€itK)utv pconiiie
vfx arbre , tet là flamme grcilndit. !..
fteicbenbach n'a pas tirëd^ copcl^sion de ea £ait^ ^ue
j^^tais voulu reproduire et répéter. ,^yec diea plantes, afin
dç mJÈxpliqué^ leurs .pl^énom^n^?^ de i polarité (je. n'ai pas
réussi); m^Ss il a0irme que la^m^é de l'aimant £e oom-
porté asse? sensiblement conune'we Aumme'usuelle:
354 PHILOSOPHIE
AU bout de quelques heures , dans Tobscurité mathéma-
tique 9 les sensiblq^ voient des êtres vivants , des oiseaux ,
des chats et même des fleurs : l'être humain leur parait
phosphorescent et polarisé ; sa droite est fraîche et bleue ,
elle correspond au pôle Nord de l'aiguille , à la pointe des
cristaux.
La gauche est tiède , jaune , rouge&tre et correspond au
pôle Sud et à la base des cristaux.
Le contact des parties isonùmes de la droite à la dmie
d'un sensible, lui est désagréable, et vice versa. Aussi les
sensitifs sont-ils désagréablement aiïectés par les personnes
placées presqu'au contact , derrière ou devant eux.
Dans les passes magnétiques , le magnétiseur est placé
en face du magnétisé , pôle Nord contre pôle Sud ^ et vice
versd. — Reichenbach suppose que l'action magnétique
pourrait aussi bien s'exercer avec des cristaux ou des
aimants qu'avec la main, et il croit qu'elle a une puissance
médicale très-grande, encore fort ignorée.
Dans l'obscurité mathématique , les sensitifs du mâm«
physicien voient toutes les réactions chimiques lumineuses.
— Le gaz qui s'échappe d'une bouteille d'eau de Seltz ou
de Champagne produit une g^rbe de lumière qui suit les
molécules de l'acide carbonique. Sur les tombes fraîches,
ils voient des lueurs abondantes produites par les miasmes
gazeux qui sortent des cadavres.
Le son , le frottement, les sources doiment lieu à des
phénomènes de même ordre que les sensitifs peuvent per-
cevoir. — Faites chauffer un fil métallique en dehors de la
chambre obscure, et que l'une de ses extrémités y pénètre,
elle paraUra lumineuse. — Le voisinage de oovps éloçirisés
leur lait éprouver du frais; ils voient le cercle voltaïque
entouré d'une spirale de lumière, — Les,corps qye nous
appelons simples , ont pour eux des couleurs spéciales ; ils
peuvent même , s'ils sont très-sensibles , les ranger d'après
leur caractère plus ou moins positif, plus ou moins négatif.
La dualité est un fait très-facile à reconnaître pour les
sensitifs; mais elle n'existe que pour les corps «cristallisés
ou organisés y. nullement pour les corps saas forme ou
amorphes ; ceuxrci soi^ uaiypy51aires. Les alcaUs et aloa-
DU SIÈCLE.. 555
loîdes correspondent au p61e sud, au tiède , au jaune. Les
acides et la plupart des oiides ont un caractère opposé.
La base est toujours positive, la pointe négative.
La chaleur et le son produisent des phénomènes à lumière
négatÎTe ; le frottement donne des résultats positifs ; enfin
il est possible, avec une pile et une sphère métallique,
d'imiter, pour les sensitifs, les aurores australe et boréale ,
et de les manifester toutes les deux ensemble.
Reichenbach affirme encore :
Que la tête est polarisée par rapport aux parties sexuelles,
et qu'elle est négative.
Que les très-sensitifs se trouvent h Taise le dos tourné au
Nord et la figure vers le Sud ; qu'ils souffrent le dos tourné
vers rOuest et la figure vers TÊst : de là leur fausse posi-
tion dans beaucoup d'églises.
Au lit , les sensitifs ont besoin d'avoir la tète au Nord.
Beaneoup de sensitifs s'orientent d'eux-mêmes : de là, la
nécessité de placer les sièges et canapés de telle sorte que
le dos des personnes assises ne soit jamais à l'Ouest.
Que conclure de ce qui précède ?
Qu'il faut vérifier les assertions du chimiste allemand ,
et que, si elles sont vraies, il a fait l'une des plus grandes
découvertes du siècle.
Cette vérification, nous l'avons tentée; mais nous
n'avons pas agi de manière à pouvoir tirer des conclusions
sérieuses de quelques résultats négatifs.
ESQUISSES PHYSIOLOGIQUES ET PSTCOLOGIQUES
StTB L'eTTHÂIKË KATtJRE EK SES DlCTÉREirrS AGES ET SELON
LES niFFÉRENCES DES TEMPÉEÀSTENTS ET DES SEXES.
Le dernier siècle nous a donné, surtout par Cabanis,
de tràs-bonms étu^isurl'hointne; mais eomnien le savtmt
auteur des rapportsidu physique et du mond, n'a-4-il pas
556 PHILOSOPHIE
erré lui-même en suppléant , par de pures hypothèses ba-
sées sur des pressentiments , à la science encore très-im-
parfaite de son époque. Plus heureux, par suite des
modernes découvertes, nous allons pouvoir compléter ce
que nous avons écrit aux chapitres qui précèdent, sans
jamais sortir des voies du positivisme.
On peut diviser la vie très-arbitrairement en diverses
périodes. Les hommes les plus éminents de Tantiquité la
partageaient d'après les nombres sacrés : Pythagore admet-
tait quatre phases de deux fois dix ans ou vingt années ;
les Etrusques , préoccupés du chiffre douze qui a joué un
si grand rôle, comme nous le dirons en son lieu, parta-
geaient l'existence en douze séries ; Solon , en dix de sept
années; Hyppocrate accordait aussi au chiffre sept une
grande importance dans la vie humaine. A bien dire, toute
vie se partage en trois phases : l'une , d'accroissement ; la
seconde, de titaiu quo; la troisième, de décroissance. —
Toutefois, il est dans les habitudes de notre société do
considérer la vie comme une série de cinq périodes qui
sont : l'enfance, la jeunesse, la maturité, la vieillesse et
la décrépitude.
La naissance a Ueu dans le moment où , pour la première
fois, l'enfant entre dh'ectement en communion avec le
monde extérieur, par le contact de Tair atmosphérique ;
mais la vie ne date que de la première respiration. — A
peine sorti du sein de sa mère, l'association d'organismes
qui forme Tétre humain subit l'impulsion instinctive de sa
nature en outrant ses pomnoiis à l'air et sa bouche à la
suedon. II tète même souvent avant d'être tout à fait né ,
au moment où il passe de la vie utérine à la vie humaine.
D'où vient celte première tendance, direz- vous ? — D'où
vient, vous dematiderai-je à mon tour, cette sympathie qui
fait immédiatement combiner ensemble de l'oxigene et de
l'hydrogène , sous l'influence d'une flamme ou d'une étin-
celle électrique.
Aux premiers jours de là vie, le cerveau est propor-
tionneileœent trës-Yoluminetrx ; il forme alors le huitième
en poidsthi corps humain, dont H ne sera plus tatd que
le trente-^cinquième et même le quarantième. ^
DU SIÈCLE. S57
Les deots à la a issance n'étaient que de simples ger-
mes; elles ne tardent .pas à se développée; elles produisent
par suit ;« du côté de la tête, une fluxion considérable qui
entraîne souvent de nombreuses maladies des yeux, du
cair chevelu , et toujours une grande excitation des gen-
cives , accompagnée par fois d'inflammation intestinale. Il
n'est pas rare que cette dernière complication produise des
diarrhées difiîciles à vaincre et souvent k mort. Le grand
développement pjroportionnel du cerveau, dans les pre-
mières années , conduit à penser qu'il est sage d'en profiter
pour y loger le plus.de faits possibles; aussi l'éducation de
cet âge doit'dle avoir essentiellement pour but de s'adres-
ser aui^ diveirses mémoires de notve esprit. — On divise
souvent la période d'accroissement en quatre parties : la
première se. termine du neuvième au douzième mois; la
seconde, de la sejptième à la huitième aanée. Celle-ci cor-
respond à la sortie des salles d'enfance \ la quatrième, plus
précoce chez les fiUrs , commence à l'âge de treize ou qua<
torze ans ; ;:nais chez les garçons, la troisième phase se pro-
longe généralement jusqu'à quinze ans «et même souvent
jusqua dix-sept et dix-nuit. La jeunesse, ou développe-
ment de l'adolescence «se manifesta alors pour.se terminer
dQ vingt-huit k trenlç-cinci ans. L'éducation, k^- tem-
péraments et surtoutt les cUmats modifient fréquenuoeul
c^s divisions». 7- De la i)aissaj:)ce, à l'âige.de huit. ans, la
flu^u. vitale, se, prQduit surtout, vers ila tête 1 ailors elle
commence, à. se dévier pour sjb porte» à la poitrine, sur te-
({ueOe Ij^ orga^e^ d^. la générati^ exercent la plus gn^ande
infli^èîiç^., AT^poquèjde la .puberté , c^irte. iûflwnce wgr
mex^e enoorè.et. se .iÂ^i .sentir ^r l'éoonoipie toute entière.
Rop^eauf liia^i^^qt quei^u^..fiutfr€;s pejiseivs oqt déarit,
da^^es,p^gcs é|^Mefit£!^,,,)iÇ?, v4**W^tiiê^.!agitaliûBs,».les
joios^.pieldOCQliquç^ cl€}|C^t.â^ ^leqaiil.liçfipiy^grèa.de la
civilisa^ inj^uep,i,.4jj)çquejpmr. da^ift^age»! Tant qu'il- y a
chez lui un excès de vitalité , tant que le sy^t^iM <ir^ériel
l'empojpjLe ^si^yr Ji^.^y^nifl y^^i^e^f ,.^'hjDa^^f»€^t^in d'uu-
dac^ .^Ijl^'è^ergie.; . )fiT,(îoJ4ie ,ïft'^tpiBt,,queip^swgè;remwt
son,^âipiii jjjvp^t. .1 avenlf" Wjfxîopqi^rjanl V'^Siitseérances
faciles ne tiennent pas 9s^eji «om^e des- oh^tAOles;^ mais
3i
558 PHILOSOPHIE
aussitôt que le système veineux vient à se mettre en équi-
libre avec la force nutritive, aussitôt que les muscles moins
souples offrent à la volonté la résistance de leur rigidité,
la circonspection et la prudence deviennent instinctivement
et par transition ménagée, les conditions d'un âge plus sage
en sa manière d'être, plus prompt à faire appel à la puis-
sance de la raison qu'à la force brutale. Souvent alors, chez
bien des hommes , les embarras de la veine-porte et des
viscères abdominaux produisent la mélancolie , l'anxiété ,
les noires humeurs, par les sensations internes dont ils sont
Toccasion. L'ftge mûr, dans nos races et dans nos contrées
européennes, se teniiine habituellement de quarante-huit
à soixante ans. L'égoïsme est le fond du caractère, à cette
époque de la vie : guidé par la raison et par les facultés
humaines, cet égoïsme est la source des vertus ; conduit au
contraire par les facultés animales , il nie l'humanité , com-
prend mal la patrie , réduit le rôle de la commune et crée
l'asservissement domestique de la femme.
Il est rare , surtout chez les hommes qui ont vécu , que
l'âge mûj: se passe en entier sans qu'il se manifeste une
certaine altération dans les humeurs. C'est alors que l'on
commence à souffrir de la goutte , de la pierre , des rhuma-
tismes, et que l'on peut redouter déjà les affections apo-
plectiques. — En nos climats, chaque année a d'habitude
un petit été de la Saint-Martin. Quelquefois , au déclin de
la grande virilité humaine , il se ifait un retour de jeunesse :
l'âme revient à l'amour, à la poésie , aux grandes passions
d'un autre âge. On peut même dire qu'à cette époque
les hommes se divisent en deux classes : les uns supérieurs
et instruits par les années^ se mettent à vivre d'une exis-
tence toute spirituelle qui a de grandes lueurs, de brillantes
clartés : témoins Jean-Jacques, qui ne commença d'écrire
qu'à quarante-quatre ans, et Voltaire qui n'est devenu un
homme de génie qu'après cinquante. D'autres au contraire
s'éteignent inteliectuellement ; ils sont épuisés, soil qu'il
n'y eut que peu d'huile dans la lampe, soit qu'ils «ient
rapidement consommé celle qui leur avait été départie.
Chez les premiers, le cerveau continue son développement,
et cet organe prend un accroissement qui se fait exclusi-
BU SIÈCLE. 559
vement dans les parties qui touchent à l'os frontal : fait
curieux qu'il est facile d'observer et qui est encore une
nouTelle preuve à l'appui de la perfectibilité humaine.
Avec la vieillesse , arrive la difficulté de penser , de
parler et d'agir : l'intelligence et les sympathies se Fes-
sèrent, le moral est atrophié, l'on s'éteint sans peine;
le corps y est encore, mais l'âme du passé, l'âme de la
jeunesse et de l'âge mûr ne l'anime plus.
Pourquoi, dans la vieillesse, la mémoire nous abandonne-
t-eile? pourquoi les impressions de l'enfance, les souvenirs
du premier âge , si doux à celte époque , viennent-ils
rafraîchir le cœur et l'esprit? On a beaucoup dit sur la
vivacité de ces premières impressions; on a fait de la
poésie â côté de cette question , quelquefois une subtile et
délicate métaphysique; mais l'explication de ce phénomène
moral est encore à donner. Toutefois il est à remarquer
que , dans la vieillesse , la faiblesse du cerveau et des opé-
rations auxquelles il peut se livrer rend à ses actes la
même mobilité versatile que l'on remarque dans le premier
âge. Les extrêmes se touchent dit le peuple , et les savants
répètent cet adage sans rien trouver pour interpréter les
faits.
Les impressions qui accompagnent la mort sont en
rapport direct avec l'éducation , c'est-à-dire avec les senti-
ments qui dominent au moment où elle arrive, comme
le caractère des maladies se règle habituellement sur celui
des âges.
C'est en vain que l'on a cherché à expliquer les effets
de la polarité sur le moral : les faits sont évidents dans les
deux sexes, mais ils ne sont pas interprétés.
On a cru à tort que la castration produisait toujours ,
chez les hommes, la faiblesse, la pusillanimité, le dégoût
des feïÉiities : il n'est pas rare de voir des eunuques très-
ardents dans les plaisirs, lis sont impuissants; mais
Vorgane cérébral de l'amour physique peut avoir persiste.
Pourquoi beaucoup seraient-ils libertins s'il n'en était
ainsi? — Est-ce que dans les dernières années de la
République romaine, les grandes dames ne faisaient pas
châtrer de jeunes esclaves dans l'âge même de la virilité ,
360 PHILOSOPHIE
afin de se livrer avec eux à tous les plaisirs sensuels , sans
courir les dangers de la procréation, sans s'exposer aux
fatigues de la grossesse et de la maternité ?
Ce serait ici le lieu de parler de l'amour ; mais nous
nous en occuperons d'abord en parlant de la femme , puis
à l'article de l'éducation.
Qui pourrait nier les relations qui existent entre les
formes du corps , les prédispositions maladives et morales
et les prédispositions à certaines habitudes, à certains
penchants? qui pourrait nier encore les influences de cer-
taines idées et de certaines habitudes sur notre économit* ,
et contester au système nerveux le pouvoir de la modeler
en quelque sorte selon ses influences ?
L'électricité animale demande aussi à être étudiée selon
les âges et les tempéraments. Il sera fait, dans cette direc-
tion , des découvertes utiles.
Les anciens ont été tron loin dans leurs conceptions sur
les tempéraments ; cepenaant il faut en tenir compte. —
Supposez une grande absorption d'oxigène par une poi-
trine volumineuse , un cœur musculeux et développé , un
foie volumineux aussi, un cerveau très-ordinaire, et vous
comprendrez aisément les sensations internes d*un être
ainsi organisé. S'il s'adonne à des travaux musculaires ,
tout ira bien ; sinon redoutez l'action d'une active calori-
cité sur les organes abdominaux et les organes générateurs.
S'il était doué d'un cerveau puissant , il pourrait se livrer à
toutes les œuvres les plus ardues de la pensée et travailler
de longues heures lorsque d'autres dormiraient dès le pre-
mier moment.
Admettez maintenant un cœur peu énergique, un foie
sans activité, une faible action nerveuse, toujours avec
uQe large poitrine , et voqs aurez du phlegme dans le
caractère, de l'apathie, moins de douceur et de s^sîbilité
que d'indifi'érence , de l'empâtement dans les tissus , de la
torpeur au cerveau.
Prenez une poitrine étroite avec tout ce qui accompagne
d'ordinaire un large poumon, la circulation sera pénible,
embarrassée. Il y aura, chez l'homme qui nous occupe,
plus de désirs vénériens que de puissance pour les satis-
BU SIÈCLE. 561
faire , plus d'études et de fatigues cérébrales que de force
pour y résister ; un anévrisme du cœur droit sera quelque-
fois la suite de cette organisation qui entraîne si souvent
les chimères, les folles rêveries, la mélancolie, les cha-
grins, même sans cause, et Tétat d'extase. C'est ainsi
qu'en supposant quatre modifications successives dans
l'organisation, on arrive à peu près aux quatre tempé-
raments des anciens, qui étaient des entités métaphysiques
plutôt que des réalités.
U faudrait aller plus loin encore pour être vrai ; il fau-
drait, pour peindre d'après nature les diverses variétés
du caractère humain, tenir un compte tout spécial des
variétés cérébrales , ce qui n'a pas été assez fait jusqu'à ce
jour, et combiner les actions des gran'^.s organismes de
notre être , tels que le cerveau , le poumon , le cœur, le
foie , l'estomac et les organes génitaux. Cette étude n'est
pas ingrate ; elle donne à ceux qui s'en occupent , une
immense supériorité dans Tart si important de juger les
hommes.
En vertu d une loi bien connue, les tempéraments acquis
se transmettent par la génération. Il est donc naturel que
dans une contrée où tous les hommes sont soumis aux
mêmes conditions d'existence, tous les corps soient presque
identiques dans leur constitution, toutes les intelligences
frappées en quelque sorte au même coin. Ne voyons-nous
pas les quatre phases de Tannée nous impressionner partout
de la même manière. Au printemps, que de jeunesse dans
tous les êtres , que de fraîcheur dans leurs idées î il y a
des primevères dans nos esprits comme dans nos jardins:
le parfum des fleurs , le chant des oiseaux, la renaissance
des beaux jours semblent préparer à tous une vie nouvelle.
En été, les passions sont plus vives, plus ardentes, en
harmonie avec la lumière et le soleil ; c'est alors que l'Espa-
gnol frappe de son couteau pour un oui, pour un non ;
que le Parisien fait ses barricades ; que les grandes colères
succèdent aux grandes souffrances pour les hommes et
pour leÉ peuplies. L'automne nous apporte , avec ses exha-
laisons nuastûatiques, les fièvres muqueuses, dyssentériques,
rémittentes , intermittentes et pernicieuses. — On voit qu'il
562 PHILOSOPHIB
succède à Tété, qu'il hérite de toutes ses causes de
souffrances et de maladies. Si le tempérament lymphatique
et juvénile correspond au printemps , si le tempérament
sanguin correspond à Tété, on peut rapporter à Tautomne
le tempérament bilieux des anciens , et à l'hiver leur tend-
pérament pituiteux ; car c'est alol^ surtout le règne des
toux» des coqueluches, des catharres sous toutes les formes
possibles. Si l'année, au lieu d'être partagées en saisons
régulières , possède en une contrée quelque chose de spé-
cial , comment les hommes pourraient-ils ne pas en éprou-
ver l'influence.
Une nourriture abondante , en un pays humide et bru-
meux, produira des habitants grands et mous, généraleiDent
lymphatiques.
Si les saisons sont irrégulières , le pays dur et aride , la
nature sévère de la contrée se r^échira sur les mœurs
agrestes des naturels. Condamnés à de rudes travaux, ils
seront aussi très^rudes en leurs manières; mais que nous
sommes loin d'accepter, avec Cabanis, les enseignements
des anciens! Nous croyons à l'homme un pouvoir éner-
gique de réaction sur son climat et sur son milieu. Doué
d'une puissance initiale , il est soumis à une loi de perfec-
tionnement, en vertu de laquelle il doit et devra die plus en
plus modifier ses éducateurs et par ^ûite sa propre naiture.
Chez lui, les attractions de la matière inerte aequiàrent
un développement qui nous tiendrait en une admiration
continuelle , si nous savions les bien voir et les bien com-
prendre : elles se transforment jusqu'à devenir la sympathie
sous tous ses aspects, sympathie organique, sympathie
instinctive , sympathie intellectuelle et morale. JMLais arri-
vons à quelque chose de plus spécial et de plus précis
encore.
Conduits pas à pas où nous en sommes, en procédant
toujours par les moyens scientifiques, nous n'avons plus
en vérité à conclure : le lecteur l'a fait à notre place et
depuis tongtemps. Il ne nous reste que quelques coups de
pinceau à donner pour achever l'humaine portraiture.
Quelle différence si nous avions suivi la marche de nos
ancien^ professeurs de philosophie !
DU SIBGLB. 563
u Connaître l'homme n'est pas pour eux chose aisée :
aulcuns s'imagment fréquemment avoir de Thumaine
espèce une science parfaite , qui ne se doutent même
point de la manière dont il faut Tétudier. — Descendez en
wn»-mêmey ouvrez une petite fenêtre appelée conscience ^ et
regardez bien auUmr de vous. » Ainsi vous dit Tun de ces
riches et brillants sophistes qui ont rempli le monde de
leurs analyses , de leurs catéchismes , adorant et déifiant
le succès. — Enfant que tu es , 6 mon maître ; tu ne
vois donc point que , dans l'homme , l'&me ne saurait être
séparée de son corps , et que le tout doit être étudié ,
comme nous l'avons fait, avec son milieu, avec cette
nature dont il fait partie , au sein de laquelle il a un rOle ,
uoe mission !
D'autres, trop matérialistes en leur manière, laissant
de côté les questions d'âme , de conscience et tout ce qui
concerne Tesprit , se prennent à décrire et énumérer toutes
les parties qui sont au corps humain. Ils vous disent ana-
tomiqnement les os de la tête , du cc^ps et des membres ;
les muscles qui produisent le mouvement , leurs blanches
attaches , tendons et aponévroses ; les artères au moyen
desfaeUes le coeur gauche verse à toutes les parties le sang
nutritif ; les veines et vaisseaux lymphatiques qui rappor--
teni au cœur drtHt le sang épuisé par la nutrition , cette
chimie vivante des organes. Ils vous disent les vaisseaux
chylifères qui sont comme les racines de cet arbre appelé
corps humain , eu ce qu'ils puisent aux intestins la nourri-
ture réparatrice, Ils vous racontent encore les fonctions
diverses de nos organes , selon qu'ils s'en doutent ou qu'ils
les connaissent. Et quand ils ont uni: Voilà l'homme,
ajoutent-ils avec emi^ase.
Le Moyen-Age , qui ne savait grand'chose , ne s'occu-
pait ni de cette petite fenêtre interne de la conscience , ni
suffisamment des qualités physiques de nos organes dont
il ne connaissait , à bien dire, que la superficie. Ses des-
criptions de l'homme avaient du boiUant , mais rien de
sérieux.
Doué de voix et de langue, disaient en se répétant les uns
les autres les auteurs de cette époque, créé pour marcher
564 PHILOSOPHIE
à deux et non à quatre pattes , Thomme élève au ciel des
regards dignes de l'interroger. Sa main délicate esc une
merveille de tact et de forme. Naturellement nu , c'est-à-
dire créé pour porter des vêtements, il exprime ses sensa-
tions de joie et de peine par le rire ou par les larmes ;
sa pudeur ou sa honte , par la rougeur de son visage.
Tantôt il redresse la tête avec fierté ; tantôt il l'abaisse
par crainte ou par réserve. Que ne dirions-nous pas
si nous voulions parler avec détail de la perfection de
toutes ses parties, de son geste élégant et noble, et
surtout de la santé et de la beauté dont les anciens sages ,
tels que Zoroastre , Orphée , Pythagore , Socrate , Platon ,
voire même Epicure et tant d'autres, se préoocupaieet à
si bon droit ? N'est-ce point la santé qui donne la beauté ,
la force, la vigueur, le courage physique, et ne dépend-
elle point de deux grands facteurs que nous retrouvons
partout quand il s'agit des êtres organisés : la nature et
l'éducation ? Quant à la beauté que Charron appelle une
pièce de grande recommandation au commerce des bomines ,
elle est souvent un moyen de conciliation » toujours elle
crée des sympathies ; probablement qu'elle a été pour
notre race , comme elle l'est encore aujourd'hui chez les
jaunes d'Otahïti et de Nouka-Hiva, la cause d'une meilleure
C^sition des femmes que dans les autres races hum$(iiies.
es anciens avaient pour maxime que le commandênàent
appartient, dans les deux sexes , à la beauté; ils la vou-
laient aussi grande que possible, peut* la forme du co«ps
et la bonne grâce des manières ; et quant an visage , cette
montre de l'inlclligcnce humaine qui habite au cerveau,
que -de choses à dire sur ses proportions, $ursa délica-
tesse , sur sa diversité chez les divers individus, jCh4m>n ,
dans soti naïf langage du XVI* siècle, en. énomère ainsi
quelques-unes des qualités :
a Dignité et honneur en sa figure ronde , en sa forme
» droite et haut élevée, nue et découverte, sans poi^ni
» plumes, escaille comme auxbétes vivant au cieL Grâce,
» douceur, venusté plaisante ,et agréable jusques à cro-
» cheter les cœurs et ravir les volontés,. — Bref) le visage
» est le throsne de la beauté et de l'amour, le siège du
BtJ SIÈCLE. 56â
» ris et du baiser, deux choses très-propres à Thomme et
» très-agréables, les vrays et plus exprès symboles d'amilio
» et de bonne intelligence. Finalement, le visage est
» propre à tous changements , pour déclarer les mouve-
» ments internes et passions de Tâme, joie, tristesse,
» amitié, hayne, envie, malice, honte, colère, despit,
» jalousie et autres ; il est comme Tair qui reçoit toutes
» couleurs et changements du temps , monstre quel temps
» il fait : aussi dit-on l'air du visage. »
Que n'ajouterais-je point si je voulais faire intervenir les
penseurs et moralistes modernes qui se sont imaginés que
l'on pouvait savoir l'homme sans Tavoir disséqué et réelle-
ment anatomisé par le scalpel et par l'observation de ses
organes dans ses fonctions diverses ?
Je me hâte d'arriver à quelque chose de plus sérieux en
soi et de plus pratiquement utile : parlons de la femme.
Lecteur, je vous avoue (ceci c'est confidentiel) que j'en ai
adoré quelques-unes qui le méritaient , et que je les aime
toutes aujourd'hui , car toutes ont quelque singulier mérite
qui excite notre affection, nos sympathies, et à défaut
d'un sentiment plus tendre , notre affectueuse pitié pour
des souffi^ances trop souvent créées par une position que
l'homme a jugé convenable de leur imposer.
L'homme et la femme ne diffèrent pas seulement par les
organes de la reproduction, mais encore sous une foule
d'autres rapports qui contribuent à caractériser leur mis-
sion.
Chez la femme, la figure et les membres sont plus
arrondis, la taille généralement moins élevée d'un quin-
zième; le cou est plus long, le tronc l'est aussi davantage
et le bassin possède une capacité plus considérable , la fille
d'Eve devant porter neuf mofs dans son sein l'être des-
tiné à reproduire l'espèce, l'enfant, doux fruit de son
amour.
Placée dans la balance, elle pèse en moyenne un quart
et même souvent un tiers moins que l'homme ; ce qu'il
faut attribuer à sa moindre taille, à des os moins compacts
et moins gros, à des muscles moins développés; et puis,
dans tout son être, on trouve de la mollesse, partant
84*
566 PHILOSOPHIE
moins de ténacité, moins de résistance que dans l'autre
sexe.
Le sommeil de la femme est moins long ; il a besoin
d'être plus souvent renouvelé. Il est moins profond, plus
inquiet , plus agité , plus facilement accompagné de rêves
et de somnambulisme. Son estomac, moins volumineux,
réclame moins d'aliments : une nourriture plus végétale
lui va mieux qu'à l'homme ; elle supporte plus aisément le
jeûne et l'abstinence. Ses vaisseaux blancs, plus déve-
loppés, la rendent plus lymphatique et par suite dispo-
sée aux scrofules, au rachitisme, à la phtysie, au cancer.
Son poumon , plus petit , correspond à une nutrition moins
active, à mi cœur moins volumineux. Si sa grosse artère
(l'aorte) est très-développée dans l'abdomen, cela tient à
l'organe de la conception qui domine toute son économie ,
à tel point que les anciens l'appelaient un animal vivant
au corps de la femme. Se nourrissant moins , oxigénant
moins de sang , elle a des urines moins chargées de sel ,
des sueurs moins odorantes que l'homme , et puis chaque
mois le même phénomène ramène les mêmes causes d'exci-
tation , d'inquiétudes , d'embarras qui se traduisent au
dehors sur la figure et souvent par l'humeur. Chez elle
plus encore que chez l'homme , la réaction du physique
sur le moral est immense.
D'autres faits distinctifs concomitent souvent avec ceux
que nous venons d'énumérer. Quoique variable selon les
races humaines, la barbe correspond à certains signes
caractéristiques des espèces mâles, tels que les crinières ,
les crêtes et diverses variétés du plumage. La femme en
est dépourvue. Le diamètre antéro- postérieur de sa tête est
généralement plus développé; mais le crâne est propor-
tionnellement plus étroit en avant , quoiqu'aussi large que
chez l'homme en arrière , au-dessus des oreiUes. Ces
caractères qui varient quelque peu selon les races corres-
pondent à un plus grand amour de la fiimille , à un plus
vif besoin d'approbation , à une circonspection plus grande,
à un système passionnel plus développé relativement aux
facultés intellectuelles.
Les fonctions sont en harmonie avec pareille divergence
BU SIÈCLE. 567
dans la structure anatomique. — Une sensibilité délicate
et même exquise caractérise surtout le sexe féminin. Les
organes des sens sont plus facilement impressionables.
Généralement inférieure, en apparence, au point de vue
purement intellectuel, la femme ne le cède pas à Thomme
sus le rapport moral, et ses facultés affectives sont bien
autrement développées : aussi l'amour ne se contente-t-il
point de placer des épisodes dans sa vie; il en est, à bien
dire, Tunique mobile. Fille, amante, épouse et mère , la
femme semble créée tout exprès pour aimer sous une forme
ou sous l'autre. — Si l'homme a le génie qui invente , le
bras qui exécute; si la nature lui a permis, par son tra-
vail, de soumettre à son action les éléments du globe, la
femme possède cette douceur, cette patience, cette perspi-
cacité, cette tendresse qui la rendent le charme de la
famille, ]a reine du foyer domestique. C'est par son
dévouement, ses soins, sa réserve et son affectueuse
obéissance qu'en se rendant indispensable , elle asservit , à
cette heure, l'être qui l'emporte sur elle par la force et
par l'énergie. Gardons-nous donc de croire qu'elle soit
inférieure à l'homme , même en volonté : si cette volonté
à ses éclipses, c'est qu'elle se fatigue plus vite; mais elle
reparaît aussitôt qu'on la croit vaincue et dominée. Supé-
rieure à nous pour beaucoup d œuvres d'art, la femme
n'est que rarement propre aux sciences et à la philosophie
tell^ qu'on les enseigne aujourd'hui; mais ce fait qui
tient uniquement à ce que , chez l'homme , le cerveau est
susceptible d'une action plus longue et plus soutenue,
disparaîtra aussitôt que les méthodes naturelles auront
remplacé nos méthodes factices , aussitôt (|ue notre enfance
aura été préparée à l'étude du vrai savoir par la vue des
principaux faits physiologiques ; elles sont même destinée^,
par leur adresse naturelle , par la délicatesse de leurs
mains , par leur extrême sensibilité aux couleurs , aux
odeurs, aux saveurs et aux sons, à obtenir de grands
succès dans l'étude de certaines spécialités de la chimie ,
de la botanique et de la zoologie.
Les femmes sont admirablement organisées pour appren-
dre et pour enseigner les sciences élémentaires. La nature
568 pniLOsoPHiB
les a préparées merveilleusement pour s'instruire par les
sens, c'est à dire par l'expérience et l'obsenration , et ponr
enseigner en même sorte, selon la méthode réellement
scientifique. Plus douces, plus patientes que nous, elles
possèdent au plus haut degré le don de l'éducatioD.
Aujourd'hui, lorsqu'elles sont riches, elles se déchar-
gent trop souvent sur des nourrices, du soin d'allaiter
leurs enfants ; elles prendraient volontiers , si cela se
pouvait , des femmes de peine pour les mettre au monde.
Elles ne sont point mères, car la maternité doit surtout
s'entendre de l'allaitement intellectuel et moral ; mais
elles se réforment et se réformeront, l'heure des pensées
sérieuses étant arrivée.
S'il n'y a point encore de système métaphysique qui
soit Tceuvre d'une femme. Il en est quelques-unes qui ont
exposé, développé, amélioré même des doctrines inventées
déjà , et qui l'ont fait avec une vigueur de style tout-h-fait
masculine. Celles-ci, belles ou laides, aimaMes ou non
dans l'intimité , sont en général , au sein de la race gallo-
romaine, dans les rappwts des sexes, des hommes véri-
tables. Rarement elles s'occupent de leurs enfants au
berceau : comme les hommes, elles semblent ne les ahner
vivement qu'à une époque plus avancée de la vie.
Il y a là un grand danger qu'il faut éviter. Donner aux
femmes l'éducation et l'instruction positive qui leur man-
quent aujourd'hui , tout en leur conservant leur rôle , leur
caractère , leurs attributions de femmes , voilà le but qae
l'avenir devra se proposer. Pour éviter d'en faire te
qu elles sont trop souvent à cette heure, gardons^nous de
tomber dans l'excès contraire. Les races germaniques pa-
raissent avoir résolu ce problème : il n'est pas rare de
trouver, chez les peuples du Nord et surtout chez les Amé-
ricaines des Etats-Unis, des femmes qui unissent toutes les
vertus de leur sexe au savoir le plus étendu.
C'est donc mekis dans leur organisation que dan^leur
éducation qu'il faut chercher l^s motifs d'une infériorité
qui est actuellement incontestable en France; en Espagne,
en Italie , mais qui pourrait disparaître. Etudiez la vie
des jeunes personnes ou des jeunes femmes du monde élé-
BU SIÈCLE. 569
gant ; voyez le temps qu'elles consacrent à des visites, à la
toilette, à mille petites intrigues ; remac(|uez combien leur
éducation véritable a été négligée , combien od a laissé de
côté le développement de leurs fofces physiques et rensei-
gnement des études naturelles les plus élémentaires , et il
vous prendra envie de rire quand vous verrez de pareilles
femmelettes vouloir gouverner du fond de leurs boudoirs
le monde de la force et du travail. Ces femmes sont faites
uniquement pour exercer cette coquetterie sur laquelle,
surtout depuis la Renaissance, on a écrit des volumes;
elles sont la femme faussée et nullement la femme vraie ,
la femme de la nature. Voulez-vous une chose : leur capri-
cieuse faiblesse ne la veut déjà plus. Souvent elles-mômes
ne peuvent se rendre compte de leurs boutades. La Roche-
foucault , si je ne me trompe , a écrit quelque part , qu'il
leur était plus difficile de vaincre leur coquetterie que de
surmonter leurs passions, et il a eu raison. Un amour
profond , en dirigeant vecs un seul être toutes leurs facultés,
pourrait seul diminuer le si vif désir des femmes du grand
monde d'être approuvées et adorées ; car la vie des amants
est un d parie continuel, une profonde solitude au sein do
la société. Mais cet amour, combien peu en sont suscepti-
bles. ^* Coquettes sans réflexion, tant l'habitude est
devenue -ehez elles une seconde nature, la plupart préfé-
reraient leur parure à leur amant ; elles aimeraient presque
autant mourir que d'être ce qu'elles appellent mal vêtues.
Leur goàt affadi a perdu le sentiment de l'art; elles ne
comfttrennent ni la valeur d'un vêtement modeste mais
noblement porté, ni la grandeur de la beauté véritable.
EseUaves de la force physique de l'homme , beaucoup
s'amoindrissent elles-mêmes en ne voyant pas que la beauté
morale^ dont la véritable beauté du visage est toujours le
reflet V est ui3e force de premier ordre; elles ignorent, ces
enfants gâtés, la puissance et la grandeur de Tamour.
Dans leurs petites passions, elles tiesment moins à être
ardamment aimées que préférées; elles ont de petits ca-
prices pair calcul d'amoui^^pre et pour mesurer leur
pouvoir >sur leur» amantô^ Devenues mères y elles pourront
oublier les sages conseils à donner à leurs filles ; mais elles
570 PHILOSOPHIE
n'oublieront jamais de leur dire : Tenez-vous droites. —
Toujours à l'occasion de cette damnée de coquetterie, nous
pouvons rappeler ce mot si fin de La Bruyère : «r Les hommes
sont cause que les femmes ne s'aiment point ; » et cet
autre de Condorcet , que l'on pourrait mettre à la suite :
(( L'histoire des femmes, si elle était écrite, serait rhistoîre
générale du monde. » Forcées en effet, pour plaire, d'étu-
dier les hommes et de les juger, les femmes ont , sans
qu'on y prenne garde, une grande connaissance pratique
du cœur humain : telle qui ne saurait rendre sa pensée sur
un homme , l'apprécie cependant à la première vue. —
Oh ! que la fille élevée selon les lois de la nature est supé-
rieure à celles qui sortent de nos couvents et de nos pen-
sionnats !
Sophie est pauvre et simplement vêtue , mais toujours
avec élégance , avec une exquise propreté. Ses membres
exercés au travail , lui permettent ae supporter la fatigue ;
elle peut marcher longtemps et sait nager.
Son père lui ayant enseigné les éléments des sciences ,
d'elle-même elle a continué cette étude dans le but d'aider
sa mère à élever ses frères et sœurs , et aussi parce qu^elle
désirait se renseigner sur les grands phénomènes de l'uni-
vers. Douée de raison, elle voulait se faire seule son
encyclopédie, son credo , sans être obgliée de demander
à des tiers ce qu'il faut penser et cioire. Sophie n'a point
de volonté dans les petites choses , mais elle n'hésite ja-
mais dans les grandes. La sagesse de ses parents a
développé chez elle , dès le plus bas âge , le sentiment de
l'art; elle a appris de la même manière et en même
temps à écrire et à dessiner : d'un côté , avec du papier
transparent, elle copiait des modèles d'écriture ; de l'autre,
mille dessins à la plume. Le dessin n'est plus pour elle
qu'une écriture souvent indispensable pour rendre sa
pensée. Elle a été bercée avec des chants populaires : aussi
elle comprend à merveille la parole musicale, soit qu'elle
parle accentuation, soit qu'elle use de la mélodie 00 de
l'harmonie , soit qu'elle se fasse entendre aussi complète
que possible pour pénétrer les &mes. Tous les soirs , chez
elle^ on chante en chœur quelqu'œuvre des grands mattres.
DU SIÈCLE. 571
Ce D*e$t point par instinct du mystère , encore moins par
coquetterie, c'est par suite d'une sage réserve quelle ne
découvre qu*à~demi , en face des jeunes gens et des étran-
gers, son cœur, ses charmes et sa pensée. Vienne cepen-
dant un de ces ignorants qui se croient le droit de parler
toigours, un de ces fats qui s'imaginent conquérir tous les
cœurs , un de ces dévots qui voudraient ré^er toutes les
consciences : elle aura, si on l'importune, quelques-unes
de ces paroles froides et sévères qui savent imposer silence
et faire respecter une intelligence aussi sincère qu'éclairée.
— Mise depuis longtemps en contact avec la société, elle
en connaît le fort et le faible , les extrêmes richesses et
l'extrême pauvreté, les misères et les douleurs.
Sophie redoute singulièrement les démocrates d'esta-
minet et de café, et tous ces niveleurs qui parlent de
supprimer la propriété ; elle les croit dangereux et igno-
rants. Mais elle voudrait que de sages lois réglassent
l'usage de la propriété , qu'elle ne fut plus le droit absurde
d'user et d'abuser, et que les jouissances de tous fussent
augmentées par des avantages communautaires. Elle croit
aux droits de la famille et désire cette liberté des communes
Ïui ammènerait bientôt leur organisation. Sophie a besoin
'être aimée : elle prendra pour époux un homme hono -
rable et estimé ; elle s'occupera moins de savoir s'il est
riche que de savoir s'il est digne de son affection, s'il a des
habitudes laborieuses et l'instruction nécessaire, pour qu'elle
se trouve heureuse avec lui dans l'accomplissement de ses
devoirs. En tout elle désire le juste et le vrai.
La nature des femmes de nos salons , si en soi elle
était vraiment naturelle , serait sentie par tous et de prime
abord , comme les beautés du monde extérieur ;. itandis
qu'il faut avoir passé par la rouille des préjugés sociaux ,
par les épreuves de l'ige et des ailaires pour arriver à
la comprendre. — Eloignez-vous des sentiments naturels ,
perdez vos illusions: c'est à cette condition que vous
acquerrez de connaître et de comprendre notre fausse
société. Plus au contraire le cœur se conserve jeune,. mieux
il sent et apprécie les rapports vrais et les améliorations
572 PHILOSOPHIE
réclamées par l'état actuel , en un mot , tout ce qui est
en consonnaiice avec les beautés et les harmonies de la
nature. — Tandis que l'univers nous parle en éloquent
langage , de l'ordre , du temps , de l'espace , de Tamour et
de la vie, la société absorbe l'existence des gens du monde
dans des futilités, usant en niaiseries leur énergique acti-
vité , laissant les grandes pensées à quelques sages appelés
fous, que l'on ne croit ni assez heureux, ni assez habiles
pour jouir des voluptés de nos salons.
Mais pourquoi ces réflexions à l'occasion des femmes ?
Parce qu'il ne suffit pas de les peindre, de les appeler de
mille noms charmants, de dire d'elles qu'un salon sans
femmes est une année sans printemps , un printemps sans
roses ; qu'un cœur de mère est le chef-d'œuvre de la na-
ture ; ou de s'écrier, avec cinq points d'exclamation : Oh !
femme ! quel soufflfe divin épura tes traits , fit éclore ton
sourire et plaça sur tes lèvres le baume qui vivifie et le
poison qui consume ! ! ! ! ! Parce que les fadeurs, les élé-
gantes niaiseries, les riens charmants de nos salons ne
rappellent ni l'homme ni la femme aux lois de la nature ,
les seules qui puissent nous rendre heureux en nous diri^
géant vers l'idéal.
ESQUISSE DU DÉVELOPPEMENT DE rHUMANITÉ.
INTROBUCTION.
Nous eussions voulu annexer à ce livre une histoire
suffisamment développée et tout-à-fait encyclopédique des
civilisations ; mais ce volume est déjà trop considérable.
— L'esquisse extrêmement rapide qui va suivre suffira
pour faire comprendre la filiation des faits et la manière
dont se sont évolvés les organismes de l'humanité.
Il y a pour les phénomènes deux formes sur lesquelles
BU SIÈCLE. 575
la physiologie doit insister : l'bspâgb et le temps. — Tantôt
elle étudie les séries de phénomènes analogues dans un
temps donné , faisant alors de la cosmographie dans le sens
le plus étendu accordé à ce mot ; tantôt elle les étudie en
un lieu donné et sous leurs formes successives qui corres-
pondent à des temps successifs. C'est là ce qui s'appelle ou
devrait s'appeler Vhistoire.
Un jour l'histoire universelle se composera de la biogra-
Ehie du système solaire, de la biographie du globe , de la
iographie de l'humanité. Nous l'avons dit au début de ce
livre, et nous croyons utile, en le terminant, de nous
répéter de nouveau , afin de bien faire comprendre à nos
lecteur que l'histoire de l'humanité est une des branches du
grand arbre scientifique et qu'elle ne peut être autre chose.
Mais cette expression, Bérie de phénomènes , ne suppose-t-elle
pas des rapports de succession , une filiation probable et
même nécessaire et par suite des lois ? L'étude de l'histoire
conduit donc à la découverte de lois.
L'homme du monde élégant et l'homme purement litté-
raire ne pensent ainsi : quand ils ont dit , à la manière
du marquis de Saint-Simon dans ses mémoires, ou de
toute autre façon , les petites intrigues des cours , les faits
et gestes des grands personnages ; quand ils ont peint les
reines , les favorites , les camarilla et quelques grands sei-
gneurs, ils croient avoir fait de l'histoire. Hasard, caprice,
boutade, voilà pour eux les lois des événements humains.
— lia confondeot la légende et la chronique avec l'histoire
véritable.
Au dessus d'eux se place une école encore trop littéraire
aussi, qui a singulièrement abusé de la métaphysique.
Guizot en a été , de nos jours , l'une des plus éminentcs per-
sonnifications. Cette école était en grand progrès sur les
écrivains de cour ; mais combien n'a-l-elle pas laissé dans
l'ombre des plus grands faits sociaux r la science, le com-
merce, les industries agricole, minière et manufacturière,
les formes diverses du mariage et par suite de la famille,
c'est-à-dire les plus grands intérêts.
Le petit neveu dû marquis de Saint-Simon est le premier
qui , dans des ouvrages lus du public , ait signalé à l'étude
574 PHILOSOPHIE
les aspects les plus sérieux de l'histoire , les phénomènes
sociaux les plus importants ; il est le premier qui ait com-
plètement aémontré que les faits d'ordre intellectuel et
moral sont du ressort des sciences naturelles. Imbu de sa
pensée , nourri de ses études et de celles de ses disciples ,
corrigé dans leurs erreurs, par des écoles rivales, nous
voulons le continuer : nous allons dans ce but tracer à
grands traits l'esquisse de la charpente d'une véritable
histoire universelle ; d'autres un jour achèveront et dé-
coreront cet édifice.
Tout être organisé, qu'il soit individuel ou collectif, est
le produit de deux facteurs : l'un sa nature primordiale ,
l'autre son éducation.
Ce grand théorème que nous avons démontré pour
l'homme , n*est pas moins vrai de toute famille humame ,
de toute tribu , de toute agglomération , de toute associa-
tion , que ce soit une commune , une province ou un état.
Les hautes montagnes , les sombres forêts , les déserts
arides , les grands cours d'eau , les mers intérieures ou
méditerranéennes et les océans , en opposant des barrières
aux premières pérégrinations des hommes , ont permis à
chaque espèce d'avoir , au lieu même de la naissance , une
sorte de foyer d'incubation. Ell«s ont accentué, par suite,
les traits de ces personnalités collectives, nommées tribut,
peuples f races, espèces.
Nous devons appeler civilisation toute eiistonce plus ou
moins longue d'une ou de plusieurs tribus, d'un ou de
plusieurs peuples de même espèce et de même rsce , ou
d'espèces et do races mêlées qui se manifeste par des ha-
bitudes et des croyances communes.
Une civilisation quelconque suppose une même éduca-
tion des êtres humains qui la composent pour les classes
diverses dont elle est formée. De là , les rapports géogra-
phiques de race , de climat , de fonction des familles hu-
maines qui vivent d'une même vie intellectuelle et morale.
Il convient d'appeler révélation cette pensée nouvelle
présentée à tout un peuple ou à ses chefs , qui est assez
grande pour toucher à ses croyances générales et pour lui
créer un idéal.
BU SIÈCLE. 575
Toute révélation, acceptée par un peuple ou par ses chefs,
conduit à une réyolution nécessaire qui entraîne les familles
humaines qu'elle concerne, dans un ordre de faits nou-
veaux.
Si cet ordre de faits concorde avec les aptitudes natio-
nales et l'éducation du milieu, rien de plus légitime que
la révolution qui les a produits. Les cataclysmes sont aussi
logiques dans l'histoire de l'humanité que dans l'histoire
du globe.
Ces cataclysmes durent toujours fort longtemps si on
les compare à la vie humaine. Ils portent , en histoire , le
nom d'époques critiques.
Les époques organiques leur succèdent. Celles-ci ont
surtout pour caractère le calme , la paix , l'organisation ,
en deux mots l'évolution des faits révolutionnaires amenés
par la révélation , sous la direction du but qu'elle a signalé.
Chaque civilisation a eu sa révélation , chaque révélation
son idéal.
Les phases parcourues par l'humanité rudimentaire ont
des analogies assez grandes pour les transformations aux-
quelles elles ont donné lieu avec les transformations subies
par les espèces animales. Chacune a constitué une situation
plus ou moins progressive , dans laquelle la liberté indivi-
duelle de l'homme et de la femme, le mariage, la famille
et la commune ont eu des formes différentes. Le progrès
à venir de la science sociale sera de se rapprocher aes en*
seignements fournis par les sciences anatomiques et zoolo-
giques.
Les idées qui précèdent , si condensées ici , voilà la base
des enseignements à venir de la jeunesse des deux sexes et
même des enfants , car il est facile de les exposer sous une
forme qui parle autant aux yeux que les expériences de
physique et de chimie.
PÉRIODE ANT^-HISTORIQUE.
Entre l'histoire des révolutions du globe et les premiers
événements humains racontés par la tradition, se place
â76 PHILOSOPHIB
une phase anté-historique. Cette époqae n'a pas été suffi-
samment étudiée. Les dates relatives de Tapprofondisse-
ment des mers intérieures, telles que la Caspienne, la mer
d'Aral , la Celésyrie , les lacs amers , le Sahara , celles de
Télévation des Cordillères et de l'Hymalaya , ne nous sont
pas suffisamment connues. La géologie , dans ses recherches
sur les ossements fossiles , n'a pas encore étudié comme il
conviendrait , les premiers jours possibles et probables des
premières tribus humaines. Ainsi se vérifie la loi de la vie
qui entoure d'obscurité tant d'origines.
L'histoire de l'humanité embryonaire constitue une
grande série parallèle à la série géologique. Une nuit pro-
fonde enveloppe ses premiers jours : les traditions qui
eussent pu jeter quelque clarté sur le crépuscule des civili-
sations sont égarées , détruites ou incomplètes.
Combien nos pères ont-ils employé de siècles à dompter
le chien, le bœuf, le ohanmeau, le cheval, l'âne et nos
autres animaux domestiques ? combien à découvrir le cuivre
et le fer? combien à transformer les langues monosylla-
biques en langues polysîUabiques? combien à créer les
règles grammaticales d'une langue aussi savante que le
sanscrit 7 combien n'a-t-il pas fallu de milliers d'années
pour inventer les signes parlants, puis les hiéroglyphes,
puis l'écriture hiératique ou de transition , puis les dpha-
betset surtout des alphabets aussi parfaits que celui du
ffeinscrit.
Nous allons raconter, tel qu'il ressort des chroniques des
peuples, le développement à travers les Ages, des tendanoes
humaines manifestées par les actes qu'elles ont produits ,
et l'idéal progressif de leur imagination , de leurs croyances,
de leur charité de plus en plus élevée, de leurs formes
social^ qui tendent sans cesse à s'harmoniser avec les
progrès de la raison. Nous arriverons ainsi à créer une
grande oxquisse d'un arbre généalogique des civilisations,
sur lequel nous pourrons inscrire la loi de la providence
en ses caractères physiologiques et réellemont divins.
L'Inde semble avoir visé à tenir cachée la première
racine des civilisations. «Les Yédas ne nous disent rien sur
les premiers révélateurs ; mais les Naçkas de Zoroastre sont
BU SIÈCLE. 577
plus explicites : nous y trouvons la preuve d'un souvenir
confus de deux des premiers civilisateurs du monde. L'un ,
le fJus ancien , s'appelait Hom ; il donna aux hommes les
lois du ciel , et leur en descendit la ceinture , signe d'ini-
tiation; l'autre vint ensuite, il s'appelait Schir, il fut le
chef des bergers et des troupeaux. Le premier fut un
révélateur véritable, le second l'organisateur de la révé-
lation de son prédécesseur. L'un et Tautre sont indiqués
comme habitant au pied des montagnes de la haute Asie.
PiaiODB AnTÉ-CHRâTIBNNE.
Après avoir grandi en nombre et en influence , les pas-
teurs civilisés par Hom s'épanchèrent , dans im passé très-
obscur, au pied de l'Hymala^a , sur les fertiles vallées qui
commencent la grande alluvion de l'Inde , et à l'Ouest du
côté de la haute Asie. — Ils parlaient une môme langue
qui est devenue le sanscrit dans l'Inde; le zend dans les
montagnes de la Bactriane et les pays circon voisins.
Il est possible, en appliquant en quelque sorte à l'histoire
Tone des méthodes des géomètres , de remonter de l'Inde
et de la Bactriane à leur souche primitive ; on trouve alors*
que les premiers civilisateurs connus croyaient à un Dieu
infini et tout-puissant , à la coétemité de la substance , à
des esprits intermédiaires entre l'homme et la divinité.
Nés au Nord , une climature froide avait , chez eux , pro-
longé les enfances, retardé la puberté, favorisé les ten-
dances morales vers le mariage et la famille. — Aller plus
loin dans cette direction , ce serait dépasser le pouvoir de
la science et dévier de la méthode qui fournit des pré-
somptions rationnelles.
Probablement l'alluvion indoue s'échappa la première du
foyer civilisateur. Gênée dans son expansion par les peuples
colorés qu'f^le devait ou XM^nvertir ou subjuguer, elle
s'étendit vers la haute Asie. La mythologie indoue nous
578 PHILOSOPHIE
indiqae ce fait , dont elle donne une date légendaire qui
correspond au schisme du fils de Manou.
L'antiquité grecque , en reportant à six mille ans avant
notre ère le premier des Zoroastre, qu'elle fait plus ancieD
que Menés ou Ménaï , premier roi d'Egypte , nous montre
d'une manière plus précise combien sont relativement
vieilles les révélations des Mages de l'Arianne ou disciples
de Zoroastre , et celles des Brahmanes qui les auraient en
quelque sorte précédés au pied de THymalaya.
Les éducateurs de la jeunesse ne sauraient oublier dans
l'avenir les rapports qui existent entre le panthéisme de
l'Inde, ses poèmes immenses, sa littérature sacrée, si éten-
due , si riche d'images et de grandiose ; ses drames en har-
monie avec ses poèmes et les vastes alluvions qui s'étendent
en plaines de la mer à l'Hymalaya. Les sages qui médi-
taient sur les premiers versants de cette grande montagne,
et qui voyaient les vapeurs arriver de la mer se condenser
sur leurs têtes et se résoudre à leurs pieds en sources fé-
condes, assistant de la sorte à une incessante renaissance
de la nature, pouvaient-ils écrire et penser autrement qu'ils
ne l'ont fait ? Le monde indien avec ses grands herbages,
sa végétation si luxuriante et ses animaux les plus éton-
nants, le boa, l'orang-outang, l'éléphant, le tigre et mille
autres non moins curieux, n'avait -il pas pour l'àme hu-
maine des enseignements spéciaux ? Les aspects de gran-
deur et d'éternité de la nature imprimèrent aux esprits des
croyances analogues. L'idée de la vie individuelle du moi ,
l'idée d'une vie plus générale du monde ou cosmos , du
non-moi , les rapports du moi avec le non-moi , de l'homme
avec le grand univers, furent naturellement les premières
pensées religieuses et les plus vivaces des contemplateurs
de rinde. Elles donnèrent ses teintes générales à ce tableau
sur lequel se devaient dessiner ultérieurement ses croyances,
— Ce fut la vie qui préoccupa, sous ses divers aspects, les
f)remiers sages , et ils traduisirent leur pensée sous une
orme poétique, en expliquant au vulgaire les développe-
ments de Tœuf du monde, en lui parlant d'un dieu herma-
phrodite, grand symbole de l'unité et de la duaUté univer-
selle. Mais le moi, le non-moi et le lien, la puissance.
DU SIÈCLE. 579
l'action, ramour, le passé, l'avenir et le présent, offraient
un terme de plus que la dualité; de là, la trinité. Un, deux,
trois, voilà les premiers membres sacrés; cinq, six et sept
vinrent ensuite ; puis la musique , la peinture et la sculp-
ture ne tardèrent pas à s'harmoniser avec de pareilles mé-
ditations.
L'histoire de l'Inde nous est complètement inconnue ;
nous ne possédons encore à cette heure qu'une histoire
en vers d'une très-petite contrée de ce pays , la vallée de
Kachmir. Cette chronique , écrite en 1586 , remonte à l'an
2248 avant notre ère.
L'archéologie a jeté un jour nouveau sur les rapports
de rinde avec les rois grecs de la Bactrianne, qui ont gou-
verné ce pays après la mort d'Alexandre ; mais elle n'a
nullement éclairé les origines primitives de la conquête
religieuse des Brahmanes et du développement de leur foi.
Les monuments écrits de l'Inde sont les Védas , livres
révélés sur lesquels nous reviendrons, et les lois de Manou.
Ces lois religieuses, révélées aussi et tout-à-fait analogues
en leur genre aux lois de Moïse et aux préceptes de
Zoroastre , paraissent avoir été recueillies en un corps de
doctrines, environ 1400 ans avant notre ère; mais elles ne
sont évidemment qu'une compilation de coutumes immé-
moriales auxquelles incessamment elles se réfèrent. Elles
sont divisées en douze livres , nombre adopté par la plu-
part des révélateurs religieux ; il correspond peut-être aux
signes du Zodiaque.
A côté des livres sacrés se placent, en sous-ordre, les
grands épopées de l'Inde. Le Ramayan, œuvre de Valmiki,
se présente d'abord ; sa date précise est inconnue. Il ra-
conte, à la manière des poètes, la conquête de l'Inde
méridionale parla force brahmanique. Cette grande œuvre
est à la fois une illiade et une odyssée ; elle fait connaître
des mœurs vraies des actes embellis et toute une mytho-
logie qui obscurcit l'histoire sans profit pour la légende.
Le Mahâbharat , la plus considérable des épopées connues,
nous dit à sa manière La lutte des Kourous et des Pandous,
deux des plus anciennes familles royales de l'Inde occi-
dentale et septentrionale.
580 PHILOSOPHIE
Près de 1400 ans avant notre ère et peut-être plus an-
ciennement encore, la doctrine religieuse des Brahmanes
vit s'élever à côté d'elle des sectes philosophiques. Issu de
Tune d'elles, Bouddha, dont la naissance date de l'an 1027
avant le Christ , Bouddha , la neuvième incamatiou de H
seconde personne de la Trinité hindoue , devint le fonda-
teur d'un schisme. Mais dans l'Inde , le pays natal du céré-
monial et des rites , tout est solennel , tout est grand
comme les grands fleuves et les grande plaines du pavs.
Aussi la lutte du protestantisme indien a-t-elle duré plus
de mille ans. Chassé de l'Inde, le bouddhisme se répandit
au loin dans toutes les contrées de l'Asie, faisant de Ceylan
et du Thibet deux grands foyers d'initiation et de propa-
gande.
L'expulsion du bouddhisme donna lieu à un phénomène
d'ordre moral qui s'est reproduit au sein du christianisme.
Pour vaincre, le sévère brahmanisme fit des concessions
et s'humanisa. Il eut ses jésuites qui surent allier avec le
plus grand art , le sensualisme et la dévotion , le mysti-
cisme et les plaisirs mondains.
Entre la fin de la lulte avec les bouddhistes et l'invasion
des mahométans, se placent les siècles littéraires des pays
hindous. Ils produisirent dans cette période , qui ne s'est
terminée qu'au XIV' siècle de notre ère, les Puranas,
œuvre mythologique, mais d'une mythologie émanée et
secondaire. Elles ne renferment pas moins de seize cent
mille vers. On y trouve de tout, du modçme et du très-
antique ajusté et restauré selon le goût nouveau.
Parmi les poèmes plus récents , nous devons citer l'Inde
vue à vol-d'oiseau, par un nuage voyageur ; un poème sur
les saisons ; une refonte du Ramayan ; le mariage de la
fille de l'Hymalaya avec Siva, allégorie légendaire em-
pruntée aux Puranas; l'histoire de la famille Rama et
d'autres œuvres qui annoncent la décroissance de l'art.
Le théâtre Indien nous est trop peu connu pour que
nous puissions en parler. L'une de ses pièces les plus célè-
bres a pour titre : Le lever de la lune de V intelligence. Ce
drame, dans lequel les systèmes philosophiques se dis-
putent la possession de l'âme humaine , correspond à cet
DU SIÈCIE. 581
âge d'une civilisation auquel la nôtre n'est pas encore
arrivée : c'est à peine si le roman français a essayé quel-
que chose d'analogue.
La vie scientifique pourrait seule perpétuer l'existence
d une nation qui a eu ses épopées, ses drames et son apogée
littéraire. Ecartée de cette voie par les brahmanes, l'Inde
est dans la vieillesse de sa première existence et devra
mourir avant que de renaître à une seconde vie.
Les constructions monumentales que l'Inde avait consa-
crées à la religion sont en pierres. Quelques-unes sont
en réalité d'immenses monolytes accommodés aux besoins
du culte ; d'autres , des grottes creusées dans les roches les
plus dures , dans le porphyre. Les unes et les autres sem-
blent les copies de constructions en bois qui les auraient
précédées. Elles font supposer que l'architecture religieuse
aurait eu trois phases.: la première, où ses temples étaient
en bois; la seconde, qui a été pour l'Inde ce que l'époque
de Périclès et les siècles qui ont précédé notre ère étaient
pour la Grèce , ce que le Moyen-Age a été pour le catholi-
cisme ; la troisième , de déchéance , représentée par les
pagodes actuelles.
Les Abyssins et les Grecs n'ont exercé aucune influence
sur l'architecture des Indous : c'est l'inverse gui a eu
lieu.
Les uns , avec les savants du pays , font correspondre la
construction des temples de l'Inde à cette époque où la .
religion, tout-à-fait florissante, recueillit les Védas, ce qui
est légitime. D'autres soutiennent qu'ils sont postérieurs à
notre ère. Cette dernière version, quel que soit son but,
n'est pas vraisemblable.
Comme nos cathédrales pour leur construction , les tem-
ples de l'Inde ont demandé dés siècles. Ce ne sont point
des unités parfaites en leur genre. Les opinions domi-
nantes se sont inscrites sur leurs murs. Siva et Vischnou
d'abord , Christna et Bouddha , les deux dernières incarna-
tions de Vischnou, en modifiant les croyances, ont dû
modifier leur expression.
Au point de vue de l'art, il est un fait général et
caractéristique : c'est que les arrêtes et les formes générales
582 PHILOSOPHIE
des temples indiens sont très-habilement dissimulées par
des sculptures et des bas-reliefs distribués avec une profu-
sion extraordinaire. Les colonnes si élancées dans Tarohi-
tecturc grecque et celle du Moyen-Age, sont ici extrêmement
courtes. Elles ressemblent quelquefois à une collection de
troncs d'arbres reliés les uns aux autres. Leurs çhapitaui
nous paraissent bizarres , le goût qui a présidé à leur orne-
mentation ayant eu pour modèle une nature très-différente
de celle de TOccidcnt. Elles sont surchargées de décorations
qui en dissimulent le but.
Les plafonds de ces temples ont évidemment servi de
modèles aux plafonds égyptiens : leurs sculptures et leurs
peintures en font foi.
L'esprit reste confondu en songeant au nombre de vies
d'hommes que les travaux de ces temples ont dû absorber,
aux douleurs dont ils ont été l'occasion nécessaire.
Les cavernes d'Eléphanta, d'Elora, de Salcèle se rappor-
tent, dit-on, au culte de Siva ; mais nous ne saurions
accepter complètement cette opinion. — Créées pendant
le règne du culte de Siva , elles ont été terminées et ornées
surtout à une époque plus récente. D'autres paraissent
avoir été spécialement consacrées à Bouddha. Ces divers
monuments sont remplis à profusion de sculptures qui ,
dans beaucoup, sont de porphyre.
Quelques temples indiens sont, avons-nous dit, de
véritables monolythes : l'esprit du temps s'est emparé de
roches gigantesques pour les tailler et façonner en monu-
ments religieux.
H existe aussi des pagodes, assez récentes et nombreuses,
bâties à l'instar de nos monuments modernes.
Les Indous avaient autrefois et ont encore aujourd'hui
la plus vigoureuse croyance à l'influence des hanmmies
dans les constructions diverses. Ils tiennent pour certain
que l'on ne peut être ni bon, ni heureux dans une maison
qui n'est point bâtie selon les règles de l'architecture expo-
sée dans les livres sacrés.
Sans aller aussi loin / nous croyons à l'architecture en
général et surtout à l'architecture civile en particulier, une
influence sociale qui n'a été ni suffisamment comprise, ni
BU SIÈCLE. 583
suflSsamment étudiée : constamment elle résume et repré-
sente la civilisation d'une époque.
Les architectes de Tlnde se divisaient en quatre classes :
tous étaient issus de Viswacarma , l'architecte du ciel. Les
uns étaient charpentiers, d'autres géomètres , d'autres me-
nuisiers, omemenlistes , d'autres architectes proprement
dits. Ces derniers consacraient leur jeunesse à l'étude du
dessin, de la sculpture, des sciences mathématiques, de
l'astrologie et de la mythologie ou symbolique. Aujourd'hui
encore ces quatre classes n'ont pas disparu et sont singu-
lièrement respectées.
Les règles de l'architecture indoue ne sont pas moins
fixes que celles des architectures grecques et chrétiennes.
Les nombres sacrés y jouent un rôle très-important.
Les Védas ou livres sacrés de l'Inde sont écrits dans une
langue qui n'est plus parlée (le sanscrit), avec des carac-
tères qui ne sont plus usités. Les sectateurs de Brahma les
tiennent pour révélés par Brahma lui-même. Cependant
ils admettent que des inspirés appelés Richi , en auraient
donné au monde les divers fragments par suite d'une
révélation de second ordre. Ils admettent encore qu'un
sage surnommé Véda-Vyasa (le compilateur des Védas), les
a disposés dans leur ordre actuel et divisés en quatre par-
ties appelées: rieh^ yadjouck, $amdn et atharvant^a. On
trouve dans les Védas des prières appelées mantras et des
collections de préceptes appelés brahman'a. Les collections
de prières portent le nom de sanhitas.
L'antiquité réelle des Védas nous est absolument in-
connue. L'époque de leur compilation ne l'est pas davan-
tage; mais la forme de ces quatre livres atteste une
civilisation déjà très-avancée et depuis fort longtemps dans
sa voie.
Avec un peu d'étude on y retrouve :
Un Dieu unique;
Unetrinité;
Brahma , la puissance productive ;
Vischnou, le verbe, l'action, Tesprit qui pénètre, le
conservateur ;
58 i PHILOSOPHIE
Siva, la rénovation.
Cette Irinilé a passé de l'Inde en Egypte et en Grèce.
Les Yédas sont un recueil éminemment spiritualiste et
panthéiste. On y trouve à chaque ligne cette pensée qui
résume de nos jours la philosophie de notre Lamenais :
Les corps ne sont que des ombres au sein de la lumière divine.
On y parle sans cesse de la grande âme (atraa) de la nature,
de cette âme universelle à laquelle les âihes individaellos
font retour et au sein de laquelle elles vivent et s%igitent.
On y ramène aussi sans cesse le dogme de la métempsy-
cose.
11 ressort de leur étude et des douze livres des lois
de Manou qui en sont TappUcation, que le régime des
castes est antérieur à la révélation des Brahmanes , et que
cette révélation a eu pour but de le consacrer religieuse-
ment.
11 n'est pas un seul grand fait intellectuel ou politique ,
chez les peuples modernes que l'on appelle civilisés, qui
ne découle de TArianne (TArie de Zoroastre) ou de l'Inde.
— Nos sciences , nos philosophies , nos croyances de toute
nature nous viennent des plaines de l'Inde ou de la haute
Asie, et nos plus grands novateurs du siècle ne font que
continuer les philosophes de l'Inde et les disciples de
Zoroastre , de même que nos conservateurs voudraient per-
pétuer, au sein des sociétés modernes, le brahmanisme
qui eut pour but , dans le passé , de consen er les avan-
tages d'une conquête guerrière ou religieuse , parfois l'un
et l'autre,
L'Inde avait sa tradition du déluge, sa lutte des bons et
des mauvais anges, sa légende d'Adam et Eve. Elle avait
ses nombres sacrés : il fallait sept générations pour effacer
les fautes originelles. Dans la religion, dans la rituel, dans
les sacrements, elle consacrait incessamment les chiffres 1,
2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10 ou deux fois 5, i2 ou deux fois 6,
14 ou deux fois 7, etc., etc. ; et ces chiffres se retrouvent
dans toutes les autres religions avec des significations sem-
blables ou analogues.
L'Inde nous a donné ses nombres décimaux, ses douze
signes du Zodiaque , son hypothèse de l'éther, son système
DU SIÈCLE.. 585
du monde reproduit successivement par Pythagore , Aris-
tarque de Samos et Copernic, si bien démontré par Galilée,
développé depuis par nos grands géomètres et surtout par
La Place.
Les grammaires de la Grèce, de Rome et des Slaves
actuels dérivent de la grammaire indoue. Ecrit avec des
caractères grecs , le sanscrit se rapproche singulièrement de
la langue d'Aristote et de Platon dont il forme le fond. Il
se retrouve aussi dans les principales racines de Tallemand
et même du celtique. Les caractères alphabétiques de
TAbyssinie , cette mère de TEgypte , n'étaient que les ca-
ractères alphabétiiques du sanscrit retournés et changés
déposition, comme si l'on avait voulu dissimuler le plagiat.
L'Inde et TArianne ont été pour le christianisme et
l'islamisme la source de leurs principales hérésies. Elles
consacraient Teau et le feu, l'Arianne surtout, à peu près
comme nous le faisons pour nos cultes modernes.
Brahma, disent les Védas, a fait sortir la -caste sacerdo-
tale de sa tête, la caste guerrière de son bras, la casto,
laborieuse de ses cuisses , les esclaves ou soudras de ses
pieds, — Les douze livres des lois de Manou (car toutes
les lois religieuses de l'antiquité avaient douze livres : eu
Judée, à Athènes et à Rome, aussi bien que dans l'Inde)
ont eu pour but de consacrer la séparation de ces quatre
classes que nous retrouvons encore aujourd'hui sous les
noms de corps sacerdotal , — de noblesse , — de bour-
geoisie, — de prolétaires, serfs ou esclaves.
La femme , disait Manou , n'est qu'un champ ou l'époux
sème pour obtenir une moisson, c'est-à-dire un enfant
mâle.
Logique en ses conséquences, ce législateur religieux
établissait que la femme ne doit jamais avoir de volonté ;
qu'il faut la marier de huit à douze ans à un homme de
vingt-quatre à trente ; qu'elle doit toujours obéir, fille à
son père, femme à son époux, veuve à son fils aîné;
qu'elle doit toujours considérer son mari comme un Dieu ,
quand ce serait le plus infâme des hommes {sic).
Une pareille doctrine était la négation de la famille telle
que la justice la veut , telle que la raison la comprend.
586 PHILOSOPHIE
La commune indoue se composait de douze ordres de
fonctionnaires : 1** le juge magistrat ; 2" le régisseur du
roi, percepteur de l'impôt; 5° le garde urbain et cham-
pêtre ; 4° le distributeur d'eau , fonction très-importante
dans un pays très-chaud où la religion employait l'eau
sans cesse dans les ablutions et les sacrements ; 5** le de-
vin ou astrologue ; 6° le charron ; 1"* le potier ; 8*" le blan-
chisseur, h qui les lois de Manou avaient tracé les règles
de sa profession; 9^ le barbier; 10'' le marchand de parure
(l'argentier) ; li** le poète ou rapsode ; i2^ le maître
d'école. — Ces douze ordres, placés en dehors des agri-
culteurs, sont devenus, par quelques-uns d'entr'eux , la
source des corporations de l'antiquité et du Moyen-Age.
Toutefois il convient de remarquer que les architectes et
constructeurs de toute nature formaient , en dehors des
communes, une très-grande corporation spéciale.
Chaque état ou nation indoue, chaque grande commune
soumise à la règle religieuse qui embrassait et dominai
la règle civile, pouvait être représentée par la série de
rouages suivants :
Un roi , ou pivot d'une roue centrale représentant son
ministère.
Ce rouage central engrenait avec une série de rouages
de second ordre ou intendants chargés du gouvernement
des villes importantes.
Ceux-ci avec les chefs de mille villages ;
Les chefs de mille villages avec les chefs de cent ;
Les chefs de cent avec les chefs de vingt ;
Les chefs de vingt avec les chefs de dix ;
Les chefs de dix avec les chefs de village ;
Les chefs de village avec chaque habitant.
Manou voulait que les familles vécussent juxta-posées ,
mais isolées; que les petites et grandes communes nç
fussent que des juxta-positions, nullement des associations
ou combinaisons résultant des liens de parenté et des
rapports d'intérêts. Son système religieux et politique
pourrait être intitulé : Traité de V exploitation humaine par
Pindividualisme tnasculin. La femme ne faisait que très-
accessoirement partie de sa société politique et religieuse :
DU SIËGIE. 587
aussi le mari sans fils pouvait-il invoquer le secours d'un
proche parent qu'il conduisait à son épouse. — Le père
pouvait faire à sa fille une position spéciale pour qu'un
petit-fils vint reproduire son grand-père. — La primogé-
oiture et l'inégalité des partages étaient la conséquence de
ee système.
En s(Mnme , l'Inde des Brahmanes avait un moyeu
spécial pour combattre chacune des tendances progressives
de la nature humaine.
Elle s'opposait à la liberté individuelle par un sys-
tème d'espions, par ime autorité qui n'accordait aucune
influence dans ses conseils aux simples citoyens, par dos
tarifs royaux pour la vente de toutes les denrées , par la
série des obligations civiles et religieuses qui emprisonnaient
chaque être.
Le cérémonial le plus despotique en ses minutieux dé-
tails enveloppait de ses rites la spontanéité : c'était une
continuelle entrave.
Les tendances à l'égalité étaient réprimées par le régime
des castes , par les mœurs , par la position des femmes et
l'omnipotence des fils aines.
L'amour moral et le vrai mariage trouvaient des obstacles
dans le mariage trop précoce des filles, et une certaine tolé-
rance pour la polygamie dans l'asservissement des épouses
et des veuves.
L'absence de toute consulte , de tout moyen de protes-
tation de la part des opprimés , et Tisolement des familles
devaient retarder l'évolution de la commune civile.
On trouvait en ce pays le toit marital , rarement le toit
conjugal. Une même perception de l'impôt, une même
menace des châtiments royaux, un même filet de pra-
tiques absorbantes et superstitieuses étaient le seul lien des
peuples.
CIVILISATION DE l'àRIE.
Après avoir fait comprendre l'Inde des Brahmanes par
mille développements que nous ne pouvons domier ici, par
588 PHILOSOPHIE
de nombreux détails appropriés aux différents âges , l'édu-
cation dé Tavenir mettra en parallèle Tlnde et TArianue.
Tout d'abord elle fera ressortir la différence géographtqne
de ces deux contrées , sous le rapport du climat, des pro-
ductions et des besoins qu'elles ciéent à leurs habitants,
sans oublier les influences que leur action longtemps
prolongée pouvait et devait produire sur les constitutions
physiques et cérébrales des peuples. Ici, dans l'Arie, une
seule et même racé ; là, dans Tlnde, les blancs- des mon-
tagnes, les fils de Schir, puis des jaunes, des» noirs et de
nombreux métis à des degrés divers de mélange pour le
sang et les transmissions héréditaires. Les fils de Dieu, les
initiés , les premiers civilisés , trouvent que les femmes
des jaunes sont belles et les épousent. Vainqueurs par la
raison, peut-être par les armes, ils sont vaincus à leur
tour par le sensualisme du cUmat et de la population.
Ici , le travail est obligatoire ; les étés sont brûlants, mais
les hivers sont affreux, surtout aux environs de3 mers
Caspienne et d'Aral, au pied des montagnes et sur la
lisière des steppes. — Là au contraire, Thomme est en
quelque sorte logé, nourri, vêtu par le climat.
Ici , dans TArie , la femme n'est plus une servante , mais
la directrice du ménage ; égale de l'horamô , elle peut
aspirer au sacerdoce. Plus de castes privilégiées , plus de
soudras ou esclaves : le travail est considéré comme une
prière , et le travail agricole comme la plus agréable à Dieu
de toutes les prières.
Unis aux saints, aux anges et à Dieu, les hommes sont
appelés à chasser le mal de la surface de la terre et à la
transformer en un paradis véritable, c'est-à-dire, selon la
langue du pays , en un parc magnifique. — On peut re-
trouver, dans tel passage des livres canoniques de Tlnde ,
un enfer pareil à celui de notre Moyen- Age ; mais l'Arie
croyait seulement à un purgatoire. Le Dieu des Mages était
infiniment miséricordieux : les démons eux-mêmes de-
vaient se repentir et obtenir leur pardon.
L'Inde, par ses inspirés, ses richis, ses saniosîs, vrais
pores du désert , aspirait à l'union en Dieu. L'Arie fit plus
et mieux : elle enseigna que, consacré au nom de Dieu
DU SIÈGLB. 689
par le prêtre , le jus de Hom devenait Dieu lui-même, se
donnant à nous en une sublime incarnation. Les autres
sacrements de TArie procuraient la grâce , mais celui-ci
donnait la vie. — L'éducation de l'avenir ne saurait oublier
le culte religieux des Mages ou prêtres de Zoroastre pour
les trépassés, ni leur croyance aux anges gardiens. —
L'Inde et l'Egypte ont fait couler les sueurs et les larmes
des peuples pour faire de l'art politique et religieux. Les
Mages croyaient surtout à l'art agricole et au bonheur des
travailleurs.
En résumé, l'Inde brahmanique et l'Arie nous appa-
raissent y au début des civilisations , comme les deux anges
gardiens de l'humanité : le premier lui enseigne l'égoïsme
sous toutes ses formes d'orgueil, d'individualisme, de
mépris du travail et de la femme, de haine de l'associa-
tion ; le second, l'Arie, est le bon ange : elle crée le toit
conjugal , encourage la moralité , développe les industries
agricoles , propage la culture du froment , recommande les
rapports bienveillants même avec les animaux. Elle veut
le bonheur des peuples : aussi a-t-elle dans la bouche cette
grande parole du Christ , qu'elle répète en cent manières :
a Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Plus tard,
ses enseignements fusionneront avec ceux des bouddhistes
et des philosophes de l'Inde. — Travailleurs indépendants,
libres penseurs, hommes éclairés de tous les pays, Zo-
roastre, Bouddha et les philosophes de l'Inde, voilà vos
premiers parents.
EGYPTE.
Nous voici à I'Eoypte , cette troisième manifestation de
l'humanité en voie de civilisation. — L'Egypte est le seul
pays d'Occident qui nous offre , dans la chronologie de son
prêtre Manéthon , une échelle positive des temps qui nous
puisse guider dans le dédale du passé. Les Papyrus lus par
Champollion et l'Allemagne savante , la table de Kamac ,
25*
590 PHILOSOPHIE
(le nombreux monuments, les témoignages de Platon et
d'Hérodote, tout concourt à démontrer son exactitude.
Elle est absolue pour les deux mille ans qui ont précédé
notre ère et ne laisse guère de doute dans Tesprit pour les
5,1B67 années antérieures à ces deux mille.
De Menés ou Menai, qui enleva aux prêtres le gou-
vernement, en 5,867, Jusqu'à notre ère, qui pourrait
affirmer les formes sociales de cette contrée ? L Egj^pte
était la fille de l'Inde. Ses chefs étaient loin d'appartenir,
pour la race, aux castes inférieures. Transplantée de l'Inde
en Abyssinie , sa civilisation descendit le Nil , comme celle
de l'IiKle avait descendu le long de l'Indus et du Gange.
Que de choses à dire sur ce lieu géographique !
Le second roi de la seconde dynastie régla le culte des
animaux et matérialisa , pour le peuple , le panthéisme
indien qui resta pur dans les sanctuaires. De là deux reli-
gions : l'une scientifique , pour les prêtres ; l'autre très-
brutale en son genre , destinée au vulgaire.
Environ 5,121 ans avant notre ère, l'Egypte achevait
ses premières pyramides de Sackarah et de Dashchour : elle
en était alors à sa troisième dynastie.
Elle éleva les pyramides de Ghyzé, sous sa quatrième
dynastie.
Que ces deux faits sont gros de réflexions, surtout quand
on songe que la grande pyramide résumait la géométrie
et les sciences positives du temps par la grandeur relative
et la disposition de ses lignes et par sa direction dans
l'axe du globe !
La sixième dynastie monta sur le trône 4,425 ans avant
notre ère. La reine Nytocris la termina ; les roses de son
teint , conservées en souvenir par l'histoire , témoignent de
sa race : ce n'était pas une fille d' Abyssinie.
Les recherches de nos savants modernes font remonter
le calendrier officiel des Egyptiens à 5,500 ans avant le
Christ.
Les septième, huitième, neuvième, <fixième et onzième
dynasties font supposer de fréquentes ré tdhitia!» par la
courte durée de leurs règnes.
Osymandias, ce roi savant et guerrier qui porta ses
BU SIÈCLB 591
armes en Bactrianne et fit communier TEgypte et l'Ârie ,
appartenait à la quinzième dynastie.
La seizième monta sur le trône 2,520 ans avant notre
ère. Sous son règne , Abraham vint sur les bords du Nil.
En 3,083, un peuple pasteur (les Hycsos) aux cheveux
blonds et rouges, aux yeux bleus, adorateur du Dieu un^
entra en Egypte par Tisthme de Suez et s'appliqua avec une
incroyable ardeur à détruire l'idolâtrie. Il quitta la vallée
du Kil, en 1833, par suite d'un traité.
l.a colonie d'Ynachus, qui d'Egypte fit voile vers la
Grèce, est de 1906. Cette date est peu certaine : quelques
savants archéologues là font de deux ans postérieure à la
sortie des Juifs.
La table de Kamac, sur laquelle sont inscrits les noms
des rois d'Egypte et qui existe encore , est de 1723.
Le règne de Sésostris , qui conduisit ses armées sur les
bcmls de l'Indus , dans la Bactrianne , et sur la rive Nord
de la mer Noire, commença en 1571. — Evidemment
avant ce prince l'idée d'un empire universel avait déjà
troublé plus d'un cerveau royal. De lui date cotte longue
lutte de la vallée du Nil et des vallées du Tigre et de TEu-
phrate, que l'Assyrie a continuée sous des races diffé-
rentes.
Jérusalem , dans ces guerres , a été le poste avancé de
l'Egypte.
Eo 533, sous la conduite d'Alexandre, la Grèce repre-
nait, pour son compte, cette idée d'un immense empire ;
elle s'emparait de l'Egypte, de la Perse, de la haute
Asie et pénétrait dans Tlnde. Elle mariait les sciences
de ces diverses contrées, éclairait leurs philosophies les
unes par les autres, et créait de grandes eommanications
commerciales entre l'Inde et l'Europe. Alexandrie devint
alors relativement plus et mieux que n'ont été Athènes et
Rome,
Tyr et Sidon étaient , avant la fondation d'Alexandrie ,
reQtrep6t des échanges de l'Orient et de l'OcciJent. Peu-
plées de Sémitiques, ces villes très-commerçantes ont eu
des relations suivies avec la côte orientale d'Afrique, l'Inde
et peut-être la Chine elle-même. Partie de la mer Rouge ,
592 HILOSOPHIE
une flotte égypto-phénicienne avait doublé le Cap de
Bonne-Espérance : son voyage de circum-navigation afri-
caine avait duré trois ans. Au premier siècle avant notre
ère, le territoire de ces villes possédait plusieurs écoles de
philosophie qui établissaient des rapports entre la Grèce et
la Judée, préparant ainsi cette grande communion des doc-
trines qui devait avoir lieu au premier siècle chrétien.
Douze ans avant notre ère , TEgypte , alors foyer du
savoir et entrepôt commercial du monde civilisé, subissait
la puissance romaine. Le bouddhisme, Tessénianisme , le
mazdéisme ou doctrine des Mages , la Judée , la Grèce y
fusionnèrent leurs philosophies.
On pense assez généralement que TEgypte avait un sys-
tème des castes parallèle à celui de llnde, mais beaucoup
moins dur en ses prescriptions religieuses et politiques. Ses
rappotts maritimes avec Tlnde; les rapports de TArabie,
sa sœur, par caravanes , avec la haute Asie et les contrées
situées au pied de THymalaya ; les guerres d'Osimandias et
de Sésostris, nous expliquent comment la reUgion des initiés
des sanctuaires était à peu près la même, pour le fond,
dans tout Tancien monde.
L'Egypte croyait à un Dieuu», mystère impénétrable,
et à des esprits intermédiaires ou divinités de second
ordre. Elle avait, comme TArie, son jugement des morts
et sa pesée des âmes ; comme llnde , elle croyait à des
vies successives et des transformations. Au temple de
Médinet-Abou , à Thèbes , on voyait Eve offrant la pomme
à Adam. Ce mythe commun, en Orient, à tous les sanc-
tuaires de l'antiquité, d'où venait -il ? Que de choses encore
mystérieuses dont une recherche habile en sa critique peut
sonder les profondes obscurités f
Convaincue de l'universalité de la vie, elle avait voulu
transporter ses études scientifiques sur le ciel dans le do-
maine moral et intellectuel des existences humaines , ôpF'
lant la géométrie et les sciences à régulariser tous les
rapports sociaux. Loin de fermer ses sanctuaires aux
hommes d'étude, elle les leur ouvrait ; mais elle avait cette
croyance, qu'il faut, pour recevoir la science, une aptitude
et une préparation préalable. De là ses initiations, — ^^
DU SIÈCLE. 595
relativement il n'y avait pas plus de différence entre les
philosophies des prêtres les plus éminents de l'antiquité «
mille à douze cents ans, par eiemple, avant notre ère, qu'il
n'en existe aujourd'hui entre les croyances diverses des
chréti^is les plus éclairés des diverses communions. Ce
qui caractérise des temps que séparent trente siècles,
c'est qu'autrefois la masse des réprouvés était immense;
qu'il n'existait dans le monde que quelques lumières réser-
vées aux initiés ; tandis qu'aujourd'hui le vrai savoir tend
chaque jour davantage à conquérir le monde en s'asseyant
au foyer domestique , soUs la forme de la mère de famille
devenue capable, par suite d'un peu plus de loisir dans
les classes laborieuses et d'une éducation plus scientifique
dans toutes, d'être désormais la première institutrice de ses
enfauts.
BÀBVLOIHE.
Bàbtlokb dut sa première éducation à des hommes ve-
nus par mer. 1800 ans avant Alexandre , plus de 2,000
ans avant notre ère , cette ville s'occupait déjà de l'étude
des sciences et de Tastronomie. Ses plus anciennes tradi-
tions annoncent un enseignement indou-égyptien que
Diodore affirme. — Sa cosmogonie vient h l'appui de cette
appréciation; elle nous rappelle un œuf du monde, un
déluge, une grande arche qui s'arrêta sur les montagnes
d'Arménie, et d'autres faits qui appartiennent, avec des
variantes , aux cosmogonies de l'Inde , de l'Egypte et de
l'Arie.
EBe eut d'abord, nous disent des chroniques incom-
plètes, sept rois chaldéens auxquels succédèrent six rois
arabes. Le dernier, Nabonnabos , fut vaincu par les tzars
d'Assyrie qui régnèrent à Babylone au nombre de quarante-
cinq. Les trois premiers furent : Bélos, Ninus et la fameuse
Sémiramis; le dernier, Sardanapale. Sous ces princes,
Babylone fut célèbre par une tour extrêmement élevée, par
594 PHILOSOPHIE
des jardins féeriques et , ce qui valait mieux pour les
peuples , par des travaux agricoles et d'importantes rela-
tions commerciales. — Leurs règnes nous conduisent à
Tan 719 avant notre ère. — A Tempire assyrien succède
Tempire des Mèdes, qui font une satrapie des pays Chal-
déens. — Les Scythes apparaissent , et les Babyloniens
profitent de leur lutte avec les Mèdes pour s'atïranchir;
mais leurs nouveaux rois , après quelques règnes glorieux ,
furent vaincus par Cyrus, en 538. Ce prince, déjà maître
de la Médie et de la Lydie, fonda Tempire persan qui
soumit les Sémitiques au gouvernement de guerriers et
de prêtres issus de î'Arie et parlant le zend.
Les Grecs vinrent ensuite , sous la conduite d'Alexandre,
et firent succéder leur influence à celle des Persans.
Outre les grands événements qui se rattachent aux
luttes politiques des Chaldéens et de leurs chefs , Babylone
nous rappelle encore le culte du dieu Bel ou Belus, traus^
porté avec ses sacrifices humains jusques dans TOuest de
l'Europe. Il n'est ni impossible , ni improbable que ses
prêtres se soient quelquefois régalés d'enfants grillés sur
les autels. Ce culte fut généralement remplacé par celui
d'iou, le père des dieux, le Joupiter des Latins et des
Grecs, la puiss^ince infinie de la trinité du polythéisme
occidental. — Babylone eut aussi, dès Sémiramis, le culte
du Saint-Esprit qu'elle adorait sous la figure d'une colombe.
Les Samaritains, qui ont remplacé les dix tribus d'Israël,
le transplanteront en Judée.
L'histoire biblique de la diffusion des langues lors de
la construction de la tour de Babel, a longtemps occupé
les savants et les linguistes. Un habile hébraïsan , M. La-
cour, de Bordeaux, a supprimé cette difficulté par une
explication nouvelle : il en résulte que les Chaldéens en
étaient encore à la monosyllabie lorsque leurs civilisateurs
introduisire4it parmi eux l'usage des mots polysillabiques.
Voici comment on peut rétabhr la traduction de la
Bible , en s'aidant de ses études :
11 n'y avait dans ce pays (la Chaldée) qu'une langue de
mots monosyllabiques.
Lorsque des émigrants y vinrent , en des temps très-
DU SIÈCLE. 595
reculés, ils trouvèreflt une place libre et se fixèrent sur
remplacement de Shinor (la ville double ou autrement
Babylone).
Les hommes de la caste supérieure dirent alors à leurs
compagnons : (c Faisons cuire des briques. » Et ils eurent
pour leurs constructions ces briques au lieu de pierres , et
du bitume limoneux pour mortier.
Us construisirent une enceinte et une tour astronomique
destinée aussi à servir de signal pour les émigrants dispersés
sur le territoire babylonien.
Le chef suprême vint et inspecta lesjravaux que les
hommes de la caste inférieure avaient construits.
« Voici , dit-il , un peuple dont la langue est pauvre et
inférieure : il ne leur faut point cacher ce qui est utile pour
exécuter leurs pensées.
» Agissons, et que selon ma volonté le langage assyrien
soit développé ; que les hommes de la caste supérieure ne
parlent point le langage monosyllabique de leurs inférieurs. »
Le chef suprême les dispersa ensuite sur la surface de
la Babylonie, parce qu'ils avaient achevé la construction
de l'enceinte murée.
De là est venu à cette construction , le nom de Babel
(œil de Bel , de celui qui étend , qui marie , qui mélange) ,
parce que c'est en ce heu que le chef avait étendu le
langage avant de disperser son monde sur la surface du
pays, à partir de Shhior.
Que ce récit soit de Moïse ou qu'il ait été interpelé par
Esdras , comme le suppose M. Lacour, il n'en jette pas
moins une vive lumière sur les premier^ joius de la civili-
sation d'Assyrie ; il nous apprend que là aussi on appelait
fils des hommes le menu peuple , les gens de la caste
inférieure , par opposition aux autres. — Le texte hébreu
distingue remarquablement entre la parole et la syllabe,
La traduction latine a conservé cette distinction dans les
Jûots labium et verbum.
Babylone ne sut point respecter les femmes. Elle viola les
règles de la pudeur en offrant aux étrangers la virginité de
ses filles, et en créant, à l'imitation de l'Inde, un corps
de courtisanes : déplorable institution que Solon, plus tard,
596 PHILOSOPHIE
transporta dans la Grèce , et que les Européens ont imitée
en régularisant la prostitution. — Les peuples qui ont su
consacrer les bonnes mœurs , en étant justes dans leurs
institutions vis-à-vis de Tépouse et de la mère de famille ,
n'ont pas eu besoin de recourir, sous ce rapport , à des
exutoires de cette nature , qui témoignent d une infériorité
civile et religieuse entre les deux sexes. La morale scienti-
fique en veut la suppression progressive, mais complète;
et nous croyons savoir que le gouvernement fraBçais y
songe sérieusement.
PHILOSOPHIE DE L II^DE ET BOUBBHISBIB.
^ Les lois de Manou témoignent de Ce fait , qu'à l'époque
à laquelle elles ont été recueillies le philosophisme avait
ses Uvres et ses prédications. Orthodoxes et philosophes
étaient assez d'accord à admettre que les âmes des hommes
sont de seconde classe , libres de leur nature , susceptibles
de mérites et de démérites. Elles sont envoyées dans les
corps , disaient-ils , pour subir une épreuve ou s'y purifier
de souillures antérieures. Cette seconde position constituait
un état originel de péché, mais très-différent de celui
du catholicisme. L'âme humaine est une émanation (
cette émanation étant l'effet d'une cause éternelle, est
nécessairement antérieure aux temps. Il n'y a pas, ajou-
taient les mêmes philosophes, de différence entre les Ames :
ce qui les distingue , ce sont les corps ou instruments de
leurs manifestations.
Les enfants ont une âme comme les adultes , et cepen-
dant la faiblesse et l'imperfection de leurs organes tes
empêchent de manifester les qualités qui en sont les
attributs ; car il fen est des intelligences et des organes qui
les servent , disaient-ils eniore , comme de corps identiques
réfléchis dans des miroirs différents ; comme de la lumière,
ajoutaient-ils, qui est la même dans tout l'univers et
qui ne laisse point de paraître de cent façons , selon la
BU SIÈCLE. S97
diversité des objets qui la réfléchissent, ou selon les diverses
figures et les couleurs des verres quelle traverse {sic), — Il
T a même eu des philosophes indiens qui ont pensé que
certaines brutes ont une religion inférieure el qu'elles
peuvent parvenir, par leurs œuvres, à la félicité.
Beaucoup d'anciens d'Occident, et c'était la croyance
des contemplatifs de l'Inde , admettaient , comme Macrobe
nous renseigne, que l'âme, avant de descendre dans
les corps, parcourait les sept planètes et s'infusait dans
chacune des qualités qu'elle devait ultérieurement mani-
fester.
Ils reconnaissaient aussi à l'âme trois manières d'être
caractérisées par la sensation, le sentiment vague et la
connaissance ; ce que les Grecs ont traduit par cette trinilé :
eidolon, image ou physis, nature; thumos, âme, sensi-
tive ; phren , esprit.
Orthodoxes et philosophes s'accordaient , dans l'Inde , à
considérer les astres comme des êtres animés. Cette
croyance , ils l'ont transmise aux Chaldéens, aux Mazdéens
ou disciples de Zoroastre, à la Grèce, à l'Egypte. — Cette
opinion a été celle des juifs les plus éclaires, de Platon et
d'un grand nombre de chrétiens. Mais il était d'autres
sujets bien plus graves aux yeux du clergé indou, sur les-
quels les philosophes et les croyants ne s'accordaient pas :
c'étaient surtout les faits de la vie usuelle. Loin d'accepter
les lois de Manou, les philosophes qui la plupart habi-
taient vers les montagnes et que le sensualisme n'avait
pas démoralisés , supprimaient une partie du cérémonial ,
relevaient la femme de son indignité, adoucissaient les
transitions entre les castes, supprimaient le prêt à intérêt
et modifiaient les idées reçues sur la propriété ; car c'est
un fait digne de remarque que près de 1400 ans avant
notre ère, les questions agitées par le socialisme européen
depuis trente ans, étaient déjà vieilles dans l'Inde qui les
discutait depuis un temps immémorial.
Sept fois déjà la seconde personne de la trinité indouc
était venue sur la terre pour améliorer les cœurs endurcis
par des enseignements directs ; elle reparut une huitième ,
sous le nom et la forme de Christua ou Christnen. —
598 PHILOSOPHIE
Christna naquit pendant la nuit, dans une grotte où se
trouvait une ânesse. Sa mère était une vierge, et aussitôt
sa naissance il fut adoré par des esprits célestes et par les
bergers du voisinage. Le roi du pays qui voulait le faire
mourir, le chercha de tous côtés ; mais le père et la mère
de Christna surent le dérober à ses violences en prenant
la fuite. Les Indous actuels célèbrent encore sa fête avec
un grand soin , et la font précéder d'un jeûne. — QueUes
furent lies doctrines de Christna ? Nous l'ignorons ; mais il
nous est connu que la philosophie continua ses progrès
tantôt sous une forme d'enseignements directs, tantôt en
faisant donner aux hommes des leçons de sagesse par les
animaux qu'elle faisait parler dans ses fables. — S'unifier
à l'Etre suprême, telle était l'incessante pensée de cette
philosophie si décriée aui lois de Manou.
On s unifiait à lui par l'esprit et par les œuvres : par
l'esprit , en arrivant à l'intelligence de l'univers ; par les
œuvres, en pratiquant sa volonté. Ecoutez plutôt le lan-
gage même des docteurs de ce protestantisme oriental.
Il y a huit devoirs, nous disent-ils; heureux ceux qui
les pratiquent :
En étudiant la loi religieuse ;
En étant charitables ;
En mortifiant leur corps ;
En comprenant les sacrifices ;
En faisant preuve de fermeté ;
En pardonnant les injures ;
En ayant le cœur droit ;
En étant humbles ;
Car ils sont dans la véritable voie du salut.
Ne croyez pas que les sages de l'Inde acceptassent la loi
du talion ni les autres duretés des lois de Manou, des Juife,
des Grecs et des Romams. Ils enseignaient déjà, comme
plus tard le fera Jésus dans ses paraboles , la charité la
plus dévouée et la fraternité de tous les hommes.
« Sois hospitaUer pour ton ennemi , s'il vient chez toi,
» nous disent-ils. Les arbres ne refusent leur ombre à
» personne , pas même à l'impitoyable bûcheron.
» Les bons étendent leur pitié jusque sur les animaux
DU SIÈCLE. 599
» les plus méprisables. La lune ne retire pas sa lumière à
» là cabane d'un chandala.
» Un homme sage abandonnera, pour son prochain, ses
» richesses et sa vie ; tout doit être sacrifié pour arracher
» un juste au danger.
j» Celui-ci est-il un de nous ou est-il étranger? ainsi
» demandent les égoïstes ; mais pour l'homme généreux le
» monde entier n'est qu'une famille. »
Les sages de l'Inde parlent des richesses et des voluptés
avec le même dédain qu'en parleront plus tard tous les
sages de l'Occident.
« Sans posséder une mine d'or, on peut trouver en soi-
» même cette noble ardeur qui a pour objet l'accomplisse-
» ment de toutes les vertus. On peut être ainsi le fils
» glorieux de ses propres œuvres.
1» L'ombre d'un nuage d'été et la faveur du vulgaire
» sont de même durée. La jeunesse, le sourire des femmes,
» la foUe ivresse des sens et la fleur du blé n'ont qu'un
» jour. »
Ils appdlent richesse :
« Ce qui est donné à celui qui le mérite , et jour par
» Jour ecûployé. Le surplus est une réserve pour on ne sait
» qui.
» Ce sujet, ajoutent-ils, est vieux et usd: on le re-
» connaît du reste à cette observation d'un sens profond
» et prophétique.
» Là où la convoitise du gain aurait entièrement cessé ,
» qui serait pauvre, qui serait riche ?
» Si cela avait lieu , l'esclavage serait détruit. »
Voici encore quelques autres maximes sur les richesses
et le souci du lendemain qui rappellent , les unes la Grèce,
les autres les enseignements évangéliques :
« L'homme ne devrait jamais être inquiet sur sa sub-
» sistance : le Créateur y a pourvu. A peine une femme
» a-t-elle donné le jour à un enfant que deux sources de
» lait coulent du sein maternel.
» Comment les richesses seraient-elles pour l'espèce
» humaine un moyen de bonheur? leur acquisition en-
» gendre toutes sortes de troubles ; leur perte occasionne
600 PHILOSOPHIE
» toute espèce de chagrin , et elles soût une cause de divi-
» sions éternelles dans les familles.
» Vous perdez la vertu pour atteindre la richesse, et la
» richesse , quelque grande qu'elle soit , n'est jamais que
)> la pauvreté. Ne vaut-il pas mieux s'éloigner d'un tas de
» boue que de se salir en rapprochant ?
)) Voyez les oiseaux du Ciel : manquent-ils de nourri-
» ture ? Voyez si Therbe manque aux animaux des champs
» et si les poissons ne trouvent pas dans Teau ce qu'il faut
» pour vivre : partout Dieu a mis l'abondance.
j) Celui qui a donné aux cignes un plumage blanc , un
» plumage vert aux perroquets, pourvoira toujours à la
» subsistance des enfants.
i\ Quiconque amasse des richesses commence à craindre
» le magistrat , le feu , l'eau , les voleurs et môme ses pro-
)) ches , comme tout être enchaîné à la nécessité de vivre
» craint la mort.' »
Nous trouvons encore dans l'Inde des philosophes , des
pages sur l'amitié d'une éloquence aussi élevée que per-
suasive, pouvant supporter la comparaison avec ce que
l'antiquité et les modernes ont écrit de mieux sur ce
sujet.
Nous trouvons aussi chez les mêmes philosophes , des
conseils tout-à-fait opposés à cette règle de Manou qui
prescrivait l'isolement des familles, et à toutes les despoti-
ques absurdités sur la royauté , que son code tend à faire
prévaloir.
Ajoutons que tous dans l'Inde, orthodoxes et philosophes,
commençaient leurs prières par l'invocation a-u-m ou
a-ou^me^ que l'on devait prononcer en trois temps (parce
qu'elle représentait la trinité) en s'attachant à donner aux
intonations quelque chose d'agréable et de mélodieux. —
Grotius a pensé que l'expression amen, introduite dans
les écritures juives par Isaïe, n'est autre que Va-cufn
indou défiguré; et cette opinion, qui demanderait uiie
longue dissertation , a été soutenue depuis avec talent par
Pierre Leroux.
Ces enseignements philosophiques nous amènent à Tan
1027, date de la naisssance de Bouddha.
BU SIÈGLB. 601
Dans quel but Brahma voulut-il donner aux hommes une
neuvième éducation ? Nous l'ignorons et ne pouvons que
réproduire ici le résumé des traditions, tout en rappelant
que le bouddhisme se développa d'abord au Nord de
llnde.
Bouddha , nous dit la légende , descendit des régions cé-
lestes dans le sein de Mahamaya, fille du plus noble sang
royal, qui était mariée au roi Southananna. 11 fut conçu
sans péché et mis au monde sans douleur. Né au pied d'un
arbre, il ne toucha point la terre. Les savants et les rois du
pays, connaissant ses glorieuses destinées, s'empressèrent
de saluer son berceau. Aussitôt après sa naissance, il fut
surnommé dieu des dieux. Son enfance fut admirable ; les
récils qui nous la font connaître ressemblent singulièrement,
en leur genre, aux récits de l'évangile de l'enfance de Jé-
sus, que l'églîse chrétienne tient pour apocryphes. Quit-
tant les grandeurs paternelles, uniquement touché des dou-
leurs de ses frères, Brouddha alla au désert se préparer à
sa divine mission par le jeûne et la prière. Sa préparation
achevée, il rentra dans le monde, se lit prêtre et prêcha sa
doctrine. Il combattit le mazdéisme qui voulait alors enva-
hir l'Inde, et en triompha. Ses disciples ne tardèrent point
à faire schisme : un pape, une hiérarchie de fonctionnaires
religieux et des couvents manifestèrent leurs tendances.
Leurs anachorètes prirent le nom de purifiés ou sémanéens.
Klaproth rend au bouddhisme le témoignage qu'il a
transfonné en peuples doiix et sociables les farouches no-
mades de l'Asie. Ses dogmes spirituels étaient à très-peu
près ceux du brahmanisme, mais il admettait l'égalité hu-
maine et ces mêmes positions respectives de l'homme et de
la femme que le christianisme a consacrées. Quelques-unes
des légendes bouddhistes sont délicieuses pour la pureté
des sentiments qu'elles recèlent : un doux parfum d'aoïour
s'en exhale à chaque ligne.
La Chine , — nous ne saurions l'oublier, encore qu'elle
promette à peine de s'ouvrir aux Européens et que son
602 PHILOSOPHIE
mouvement social soit resté presqu'entîèrement étranger au
mouvement d'Occident. La description du lieu géographi-
que qu'elle occupe, de ses montagnes, de ses fleuves, de
ses prairies, de ses côtes, des ressources agricoles et in-
dustrielles que lui offre un sol fertile soumis à des ciima-
tures variées, appartenant à des formations géologiques
très-différentes, mériterait un chapitre spécial dans une
histoire complète de l'humanité. Nous en avons esquissé
çà et là quelques-uns des grands traits (article Races hu-
maines). — ^^Nous nous bornerons à rappeler qu'elle a, pour
sa surface cultivable et pour le chiffre de sa population,
une importance plus grande que notre Europe. Sa civilisa-
tion était déjà nettement dessinée 2600 ans avant notre ère.
Longtemps avant Pylhagore, elle possédait les douze
tons et demi-tons de l'octave musical. Elle a précédé FEu-
rope dans la connaissance d'une foule de choses utiles,
telles que la poudre à canon, l'imprimerie et divers pro-
cédé^ des arts industriels. Sa civilisation véritable nous est
encore très-peu connue, malgré les publications récentes.
Toutefois la Chine et l'Egypte en étaient encore à la
troisième phase de l'écriture, que déjà l'Arie et ITnde
avaient des voyelles pour représenter les sons et des con-
sonnes pour les trancher. — Les lois de Manou font men-
tion de la Chine, qu'elles considéraient comme un pays
protestant. Depuis Confucius, qui vivait 600 ans avant
notre ère , cette contrée a toujours eu pour principe gou-
vernemental qu'il faut étudier les lois de la* nature et les
appliquer aux hommes, — Emanée de l'Inde , sa civilisation
n'en a retenu qu'une chose : l'importance du cérémonial.
La Chine possède encore à cette heure un grand tribunal
des rites et cérémonies. Le code très-oppressif de la civilité
chinoise prend l'homme au berceau et ne le quitte qu'à la
mort, pour en faire, pendant sa vie, l'un des rouages
plus ou moins élevé du Céleste-Empire. Ce code et l'im-
perfection de l'alphabet, voilà les sources de l'arrêt de
développement de la civilisation chinoise. Ces deux faits
ont permis à la littérature et à une philosophie métaphysique
de se développer ; mais ils ont empêché tout pro^s de la
science. Toute civilisation qui n'a pas la science pour
DU SIÈCLB. 603
appui en philosophie , en religion , en littérature , est une
civilisation arrêtée dans son évolution, destinée à vieillir
dans son impuissance et à mourir : c'est une souche
sur laquelle il faut poser une greffe. La presse et Téduca-
tion , voilà les moyens de greffer. Le savoir positif est ce
germe nouveau qui permet à la vieille souche de donner
des fleurs et des fruits.
Les grandes époques de l'histoire de la Chine sont la
soixante^unième année du règne de l'empereur jaune ^ en
2,637 avant notre ère.
1783, date de la dynastie des Chang.
1134, date de la dynastie des Tcheou.
233, date de la dynastie des Thsin.
302, date de la dynastie des Han.
26Ô, ère vulgaire, dynastie des Tsin.
Viennent ensuite quatre grandes dynasties , puis les cinq
petites :
En 960 commence la dynastie des Soung.
En 1123, celle des Kin.
En 1260. commence la dynastie Mongole.
En 1368 , celle des Ming.
En 1616, celle des Taï-Thsing, dont le dernier empe-
reur est actuellement ea guerre avec les révoltés.
Quoi qu'il arrive, il est probable qbe la Chine ne se
laissera* point conquérir même par la Russie; qu'elle vi-
vra et deviendra , avec l'Amérique du Nord et la Confé-
dération desftats européens, l'une des trois puissances
qui présideront à révolution de plus en plus rapide de
rhumânité. Peut-être, nous le voudrions, sera-t-elle en
concurrence avec l'Australie pour le sceptre du monde
oriental.
ÉTRUSQUES.
La civilisation des Ethusqubs nous prouve que le pro-
grès a subi de très-grandes oscillations avant la découverte
de Timprimerie.
604 PHILOSOPHIE
Ce peuple apparaît en Italie, au dire de récits légendaires,
vers le milieu du XVIP siècle anté- chrétien. On ignore >a
véritable origine ; toutefois des faits importants le ratta-
chent aux plus anciennes civilisations connues.
Sa langue dérivait des langues asiatiques. Constitué en
république fédérative, deux fois il voulut que cette conf -
dération fût représentée, comme chez les Athéniens, les k-
niens de TAsie-Mineure, les Hébreux et d'autres peuple?
originaires d'Asie, par douze tribus. Chacune d'elle iorm,ii:
une cité analogue à celles que plus tard nous retrouveroib
dans Tempire Romain, puis en France où elles ont été re-
constituées sous le nom d'institutions départementales.
L'architecture indoue, l'architecture égj'ptieone et Tar-
chitecture cyclopéenne ont inspiré les architectes étrusques.
Comme dans Tlnde, ils ont peut-être bâti d'abord de^
temples de bois. On peut affirmer qu'ils ont eu des cons
tructions religieuses dans lesq-uclles le bois jouait un très-
grand rôle et se trouvait combiné avec les matériaux (K-
Tordre minéral. Leurs monuments brillaient cependant
beaucoup plus par les décorations intérieures que par l'as-
pect extérieur.
On trouve dans leurs débris, des plafonds en pierre qui
rappelaient évidemment des constructions plus anciennes eu
bois.
Leur dessin avait de la pureté et plus de naïveté que ce-
lui des Grecs. Dans quelques-uns de leurs tombeaux Ton
voit des costumes singulièrement indous. l^urs peintures
sont fort curieuses et faites avec peu de chose. On y re-
marque des chevaux dont le type est arable : la couleur en
est plutôt asiatique qu'égyptienne. Les types des figuçps an-
noncent un grand développement des facultés perceptives:
ils nous ont rappelé, au premier aspect, ces blancs de race
mélangée dans lesquels le sang blanc prédomine de beau-
coup sur le sang jaune.
Les tigres, les lions et les oiseaux véritables ou symbo-
liques de leurs peintures et de leurs monuments funéraire^^
sont encore un souvenir des pays rapprochés de l'équateur.
de rinde et de TEgypte.
Leurs sculptures sont remarquables, mais c'est surtout
DU SIÈCLE. ' 605
dans l'art de la céramique qu'ils ont été supérieurs. Leurs
vases ont un caractère spécial : aussi les désigne-t-on sous
le nom de vases étrusques ; ils attestent moins, au point de
vue de leur fabrication, de grandes connaissances en chimie,
([u*une longue habitude des manipulations qui constituent
le métier.
Quelle part accordaient-ils aux femmes au foyer domes-
tique? Nous l'ignorons. Quel était leur mariage? Nous l'i-
gnorons aussi. Nous savons du reste qu'ils avaient une aris-
tocratie sacerdotale et nobiliaire, et que cette aristocratie
possédait des collèges consacrés à l'éducation de la jeunesse
dans lesquels, aux premiers siècles de sa fondation, Rome
envoyait les fils de ses plus riches citoyens.
Les Etrusques avaient un grand dieu Véjové , le
brahma de l'Inde, le Jupiter des Grecs, qui ^rappelle
encore leur origine. Nous avons remarqué sur quel-
ques-unes de leurs peintures, la ceinture sacrée, signe de
l'initiation dans l'Inde : cette ceinture que le premier civi-
lisateur Hom: avait descendue du ciel et que Zoroaste permit
à tous de porter. Quelques familles privilégiées possédaient
le monopole du sacerdoce et des manipulations extatiques.
Leur pape ou grand prêtre était élu par les douze cités. On
croit que pendant longtemps ce pape fut à la fois chef poli-
tique et religieux. Ils avaient aussi, comme l'Inde et l'Arie,
des esprits ou dieux de second ordre. L'Etrurie eut encore
deux calendriers, l'un de dix mois, l'autre de douze. Ce
dernier, évidemment postérieur, donnait à l'année 565 jours,
S heures^ 40 minutes, 22 secondes, ce qui différait très-
peu de la vérité. Le second calendrier servit à réformer
l'autre sans le faire disparaître. Ce fait intéressant nous rap-
pelle que les Grecs et les Etrusques n'ont pas toujours
connu les doi^e signes du zodiaque. Comme l'Inde, l'Etrurie
avait son jour, sa semaine, son année du monde ou de
l'univeri'diiu. Elle aussi elle croyait à une grande ftme
animant tout dans la nature ; car c'est ainsi qu'à la même
époqne et à de très-grandes distances, les clergés de tous
tes sanctuaires acceptaient, à très-peu près, une même me-
sure de l'année, une même croyance à un dieu universel,
âme et vie du monde, à des dieux ou esprits secondaires,
26
606 PHILOSOPHIE
à un panthéisme spiritualiste que Ton présentait au peuple
sous une forj^O'girossièire et toute iBatérielle.
Les administrateurs étrusques ont favorisé singulièrement
l'agriculture. Les eaux du Tessin et de TAdda leur serraient
à féconder lç^rs plaines. Us creusèrent un canal artificiel à
TAmo, et projetèrent un pareil travail pour le Pô.
Commerçants ) ils ont colonisé la Corse et la Sardaigne.
Leur patrie étjait un grand marché pour l'Espagne, tes Gau-
les , la Grèce et i'Italie.
Quatre siècles avant la fondation de Rome, ils dominaient
sur ritalie centrale.
Servius TulUus passe aux yeux de certains historiens pour
un prince étrusque. Porsenna, Fallié des Tarquins, apparte-
nait à cette nation. Six siècles avant notre ère ils étaient
déjà refoulés par les Gaulois au-delà des Appenios. En 39S,
Véies, la ville de Porsenna, était vaincue par Rome. Plus tard
Fabius défit encore les Etrusques. 285 ans avant notre ère,
Rome le$ soumit en leur laissant leur nationalité. Grotmie,
Li ville où s'illustra Pythagore était alors uûe de leurs cités.
Vaincus de nouveau par Sylla, dans la guerre des esclaves
iltf furent rayés du nombre des peuples.
CIVILISATION DES GA.ULOIS.
Les PbopiiBS Gaulois ont joué un rôle très-légendaire.
La Rome des Césars commença la destruction des souvenirs
historiques de nos pères , et la Rome catholique Va achevée.
Née en Asie, au voisinage de ce pays que la langue cel-
tique appelle la montagne par excellence , àrmm (Armé-
nie), la civilisation gauloise présente des caractères diffé-
rents, selon qu'on Tétudie chez les Ibères, les Gaulois de la
petite race, les grands Gaulois et les Kimry.
Les Ibères vivaient en tribus et formaient ce que nous
pouvons appeler des clans. Ils étaient les plus discrets, les
plus réservés, les moins bouillants en leurs colères, les plus
persévérants dans leurs haines et dans leurs affections. Ils
DU 8IÈGLB. 607
avaient h un degré ioférieur le sentiment de Tart, le be-
soin de la parole, le goût de la couleur et de l'harmonie,
Tespril de sociabilité*
Les vrais Gaulois, au contraire, étaient de grands en-
fants. GeuK de la grande , comme ceux de la petite race ,
dévoraient les nouvelles. Familiers dès le premier moment
avec les inconnus, ils arrêtaient les voyageurs pour causer
avec «ux; ils les eussent enlevés, ils les enlevaient au be-
soin dans ce seul but; ils ne Savaient se fixer à rien,
incessaininent tourmentés qu'ils étaient par un irrésistible
besoin d'apprendre et de connaître. A ces défauts sérieux,
exagération naturelle des qualités les plus louables, les
Gaulois joignaient un remarquable esprit de sociabilité,
un courage admirable, que leur forfanterie seule pouvait
égaler* Leur vanité, des qualités vraiment humaines, le be-
soin du changement qui est devenu le besoin du progrès,
une intarissable faconde, Fesprit d'imitation poussé à l'ex-
trême :^ voilà les traits saillants de nos pères, qui voulaient
toujours imnoédiatement accomplir ce qu'ils venaient <]e
décider, de penser et de désirer.
Les Kimry, avec d'autres habitudes et une nature très-
différente en apparence, étaient aussi de vrajs Gaulois;
mais chez eux 1 esprit de l'Asie avait consacré les rites et le
cérémonial, entraves trop puissantes dans l'Asie orientale,
•entraves utiles peut-être chez des peuples aux modes inces-
samment changeantes, aussitôt dégoûtés que satisfaits dans
leurs désirs.
Il y avait trois langues dans les Gaules : elles différaient
pour les désinences, la grammaire et l'accent ; elles de-
vaient être très-rapprochées pour les racines. Ne savons-
uous pas que les peiïples de 1 Asie-Mineure, que les Grecs
appelaient Omologlossoï (de même langage), formaient une
chaîne dont les tribus éloignées ne se comprenaient plus
quoique séparées par des tribus qui s'entendaient?
L'étude des dialectes celtiques et leur comparaison avec
, le latin, le grec, l'hébreu, le sanscrit, établit que les prin-
cipales racines de ces langues sont les mêmes; mais tandis
qu'au premier siècle de notre ère, les Grecs et les Latins
disaient.: « MaiÂduco paneoi, je mange du pain y » parei
608 PHILOSOPHIE
au nègre de nos colonies , le Kimry parlait ainsi : « IStrt
mai mangeant pain , » ou : a Moi manger pain, a
11 possédait même deux autres manières aussi enfantines
de rendre cette pensée.
La religion des Gaulois était le druidisme, ou plutôt î!s
avaient deux religions : Tune pour le peuple, l'autre pour
les initiés et Taristocratie. Ceux-ci reconnaissaient une
puisssance suprême, âme et vie de la nature, puis des es-
prits intermédiaires : l'essence spirituelle de 1 intôllîgehce
et la migration des âmes complétaient leurs dogmes. Ils ne
voyaient dans la vie humaine que l'une des phases d'une
existenceétemelle, et dans la mort que l'annonce d'une trans-
formatiou : mourir, pour eux, ce n'était pas cesser de vivre,
mais quitter une forme pour en prendre une autre. D^aîs la
Thrace jusqu'en Ecosse, jusqu'en Irlande, jusqu*au fond Je
l'Espagne, les druides ont enseigné cet être supérieur que
la métaphysique seule nous permet de comprendre. Us lui
consacraient des bois et même des forêts entières, presque
toujours des bois et des forêts de chênes. Ouvrez la biJbIc
et vous serez frappé par mille similitudes : ici les chênes
de Mamré, ou Mambré en hébron, et de Ber-Sceba. Abra-
ham les avait plantés : Josué s'assit sous l'un d'eux, Iprs-
qu'avajit de mourir il assembla les Hébreux, et pltis tard
ils furent souvent les muets témoins de cérémonies et de
concours patriotiques. Autour d'eux se réunissaient non-*
seulement les Juifs mais encore toutes les tribus abrahami-
ques ou qui se croyaient telles. Souvent au pied des chênes
consacrés, les Druides établissaient un autel, une pierre du
témoignage, roche abrupte que le marteau n'avait pas
élaborée ; de même aussi , dans la tradition juive , nous
voyons au pied du chêne d'Abraham*, un dolmen druidi-
que. Ce fut encore sur un dolmen , nous dit la Bible , que
le prophète Samuel, le voyant, immola le roi Agag, que
Saiil avait épargné.
Nous ne saurions en fournir la preuve , mais il est pro-
bable que le culCe cruel des Chaldéens, qui sacrifiaient à
leur dieu Bel en Baal des victimes humaines , culte qui a
régné sur tout l'Occident civilisé, ou censé tel en des
temps très-reculés , a dû sul^r quelques échecs chez les
DU SIÈCLE. • 609
Gaulois par le perfectionnement de leurs doctrines reli-
gieuses.
La croyance à notre système astronomique . la foi aux
pérégrinations des âmes, de planète en planète , qui s'y
liait essentiellement, et les autres doctrines religieuses qui
se rattachent à ces dogmes, ont constitué pour TOrient une
seconde phase, postérieure à celle du culte de Baal et de
Moloch.
Les. disciples des sanctuaires d'Egypte, tous ces hommes
éminents que la science y avait formés, croyaient, comme
les 3ag€5 de Tlnde, à un dieu suprême et à des dieux se-
coadaîres, que les peuples ont appelés de noms très-diffé-
rents. Leurs efforts ont eu pour résultat de substituer le
culte pitts doux et plus grand de l'Eternel, au molochismo,
au culte de Saturne, à cette forme religieuse qui deman-
dait au prêtre (en kîmery belec) de sacrifier des victimes
hum^ines.
Point de changement sans transition, sans adultère mé-
lange : rOrîent avait terminé sa révolution religieuse, que
rOccident^ plus arriéré, sacrifiait encore des hommes au
temps de César. Le fait est constant : le nom du dieu est
peii de chose en si grande affaire.
II faut cependant reconnaître que le clergé gaulois était
extrêmement capable. L'échelle des êtres et la doctrine des
transformations se trouvent à l'état rudimentaire dans les
fragments qui nous restent de ses poésies : w J'ai été marqué
» par le sage des sages dans le monde primitif, nous dit
» l'un de leurs druides J'ai joué dans la nuit J'ai
» dormi dans l'aurore J'étais dans la barque au moment
» des grands cataclysmes, lorsque pareilles à des lances en-
» nemies, les eaux tombaient du ciel dans l'abîme. J'ai
» été vipère dans le lac, serpent tacheté sur la montagne ;
>y j'ai été étoile chez les chefs supérieurs. — Dispensateur
*> des gouttes , j'ai tenu la coupe et revêtu les habits sacer-
M dotaux Il s'est passé bien du temps depuis que
» j'étais pasteur J'ai erré sur la terre avant de devenir
» habile dans la science, et je me suis agité dans cent
» cercles. »
Leur conception sur la suprême justice , sur les récom-
GIO PHILOSOPHIE
penses et les peines , était plus remarquable encore. Il y
avait trois cercles pour les âmes.
Le plus élevé était consacré à rÉlemel.
Le second était le cercle du bonheur.
Le troisième celui des pérégrinations et des transforma-
tions, épreutes directes que Tâme devait subir. Plus elle
s'élevait par ses actes, plus elle se rapprochait du cercle du
bonheur. A chaque faute il y avait déchéance, — c'est-à-
dire que les druides n'admettaient pour l'homme bî l'ab-
solu de la perfection, ni Tinfinide la récompense, ni l'absolu
de la déchéance , ni par suite l'infini de la peine. — Cette
croyance était indou-égyptienne d'origine, mais elle cons-
tatait un progrès assez notable.
Chez les Gaulois, la femme avait la direction du foyer
domestique. Le mariage, selon l'habitude sémitique, se
pratiquait à douze ans. Toute lille de cet âge pouvait de-
mander un époux à son père ou en prendre un si son père
la refusait. Mais les femmes ne sont nubiles en apparence,
en Angleterre eft en France , qu'à l'âge de treize à quatorze
ans , et elles n'atteignent qu'à ringt-deui leur complet
développement : de là une détérioration nécessaire de la
race.
• Les grands colonisateurs de Tantiquité, les Phéniciens et
les Grecs d'Asie, ne voulaient point coloniser par la con-
quête, mais par la persuasion : ainsi pensait Hugardan ,
le civilisateur de la Grande-Bretagne , le Schir de cette
partie de la Celtique. Après avoir quitté les environs de
Constantinople à une époque inconnue , il pénétra dans
l'île anglaise où il devint , par suite de transactions avec
les naturels , le chef de trois tribus Kimriques, qu'il réunit
sous sa direction. Ce Hugardan n'était point un prêtre à la
manière des nôtres , mais un Codrus , un Abraham à la fois
chef politique et religieux. — A la façon des initiés des
sanctuaires , il laissa ses préceptes en vers.
Des traditions confuses nous rappellent qu'au IX' siècle
la Gaule était belge au Nord ou gallo-germanique, plus Cel-
tique au Centre, Cello-kimrique à l'Ouest ou armoricaine ,
et cellibérienne où aquitaine au Sud.
En 625 , les Gaulois pénètrent en Italie pour la première
BU SIÈCLE. 611
fois. En 529, les Boïes, peuple de leur race , s'emparent
de la Bohème , dont ils ont été chassés plus tard par les
Marcomans. Vers 590 et 564 , nous retrouvons les Gaulois
en Italie et en Thrace. Vers 500, les Belges s'établissent
en Ajagleterre. En 279 , les Gaulois paraissent en Macé-
doine. Leurs luttes avec les Étrusques et les Romains ont
été IcMagues et sérieuses, souvent elles ont mis Rome à deux
doigts de sa ruine. En 130, les Cimbres et les Teutons ap-
paraissent dans les Gaules, où la savante discipline de Marins
les sut apéantir.
■Esclaves de Rome, les débris des armées cimbres et
gauloises se lèvent à la voix de Spartacus et s'unissent à
leurs anciens adversaires , les Étrusques , pour être vaincus
de nouveau par Sylla. Leurs frères, établis en Asie depuis
un siècle, sous le nom de Galates , n'étaient pas plus heu-
reux : le prêteur Manlius les forçait à subir l alliance de la
grande cité.
César, lorsque il entreprit la conquête des Gaules , eût
à lutter avec la civilisation très-imparfaite de clans hiérar-
chisés, dont les principaux chefs étaient rivaux et ennemis
secrets les uns des autres , ce dont il sut profiter. Le drui-
disme avait si peu fait son œuvre qu'il s'était à peine unifié
lui-même. Cependant il avait constitué un papisme et créé
des villes, espèces de cités, dans lesquelles une population
libre se dérobait à la servitude imposée partout ailleurs par
les chefs.
Le nombre des petites'cours des chef des clans ou brenins
était irès-cx)nsidérable. Chaque brenn avait sa société civile
et mihlaire instituée sous une forme qui est devenue quel-
ques siècles plus tard la règle des châteaux. Loin de regarder
la féodahté comme d*institution germanique et importée par
les peuples du Nord , c'est chez les Romains et les Gaulois
qu'il convient d'en rechercher les racines.
Les Helvètes , organisés selon le système des nombres
mystiques, avaient détruit leurs douze villes, et quittaient
leurs montagnes pour s'établir dans les plaines des Gaules,
lorsque César les attaqua et les vainquit. Bientôt il triomphe
des Suèves, tribu germanique qui, depuis quatorze ans ,
n'avait pas couché sous un toit. 11 ne tarde pas à se faire
612 PHILOSOPHIE
appeler au Nord par les hommes des villes et le$ Rhèmes
dont la tribu était suzeraine de pays druidiques. En appa-
rence il était le bras du clergé , en réalité il ne voulait que
la conquête. — L'Amorique fut attaquée et vaincue. Le
courage de ses marins ne sut résister à la tactique romaine.
Les Germains furent de nouveau battus et détruits dans les
Gaules et défaits jusqu'au delà du Rhin. César pénétra dans
la Grande-Bretagne, et la fortune, c'est-à-dire la discipline
et la supériorité de l'armement des légions Vy suivirppt. —
Le besoin d'acheter des partisans à Rome et de paj-^r'des
clients le contraignit à piller les lieux sacrés et même les
villes; partout aussi il remplaçait les chefs au cœur gaulois
par des créatures à lui : les Gaules s'en émurent , s'insur-
gèrent et furent vaincues. César fut plus que sévère : ses
cruautés rallièrent en un seul parti les druides et les chefe
les plus aristocratiques des vieux clans ; mais le courage de
vingt villes qui se brûlèrent pour affamer Tarmée comaine
ne put suffire à la résistance. Le jour arriva où le chef
héroïque des Gaulois , Vercîngétorix , jeta ses. armes aux
pieds du vainqueur, assumant sur lui toute la responsabilité
de la guerre.
Quelques tribus continuèrent la lutte: ce fut inutilement.
Le Romain , en vrai soldat , les frappe de terreur en faisant
couper la main droite à ses prisonniers.,.. Mais de ce jour
il change de politique ; il n'est plus l'ennemi , il est le père
des Gaulois ; il leur promet beaucoup et leur fait espérer
davantage : les Gaules seront pays romain , et pour preuve
l'impôt diminue, il s'efface même et change de nom. Les
jeunes gens les plus braves sont incorporés dans les légions;
il les ailopte et les fascine.
Alexandre avait traité les vaincus à l'égal des vainqueurs.
César suivit celte grande politique; mais ses successeurs, en
cela plus habiles que Charlemagne et Napoléon , crurent
dangereux de laisser un souverain spirituel , un chef des
druides au sein de cités romaines ou qui se romanisaieut ;
ils supprimèrent le pape des Gaulois : c'était sage, mais
la science demandait le respect de leurs livres. — De ce
jour la civihsation gauloise, déjà confondue avec celle de
Rome, disparut pour un temps. Nous la verrons renaître et
DU SIBCtE. 615
disparaîlre avec les Francs, pour renaître encore «t devenir
la lumière du monde . . . . •
CÏVIUSÀTIOTi JUIVE.
L'ftiSTOiRE Juive se divise naturellement en sept pério-
des. Dans la première on voit des chefs de tribus sémiti-
ques se dessiner avec leurs mœurs et leurs habitudes pasto-
rales. "Ils sont polygames , font une distinction entre leurs
épouses et leurs concubines ; ils sacrifient sur les hauteurs,
mais ils abandonnent les sacrifices humains pour n'offrir à
Dieu que des victimes prises dans leurs troupeaux. Leurs
esclaves sont nombreux, ce sont de simples domesti-
ques. Bientôt ils se diviseront en douze tribus , comme
les Arabes, les Athéniens, les Ioniens, les Etrusques, et ces
tribus marcheront sous quatre étendards» Leurs pierres sa-
crées seront celles des Celtes.
Nous voici à la captivité d'Egypte : ses dates précises
sont inconnues. D'après le savant Siffart, professeur d'ar-
chéologie à Leipsick, des inscriptions égyptiennes établi-
raient que les Hébreux avaient quitté l'Egypte en 1908,
vei-s l'époque à laquelle Inachus se dirigeait sur le Pélopo-
nèse. Sparte, dit l'historien Joseph, se croyait sœur de Jé-
rusalem et lui envoya une ambassade. Les Juifs rentrèrent
donc en Arabie à cette époque ou toutes les tribus issues
d'Abraham y prenaient leur position.
Moïse occupera troisième période de l'histoire juive.
Faut-il, avec quelques critiques allemands, regarder ses li-
vres comme fabriqués par Hilkia, qui les trouva au fond
d'un vieux bahut du temple , ou par Esdras, qui peut-être
y retoucha, et à qui l'un de nos savents hébraïsants, M.
Lacour, de Bordeaux, attribue l'épisode de la tour de
Babel. Son nom ne signifie-t-il pas duc, chef, sauveur,
initié , et nullement sauvé ? Pourquoi sa vie débarassée de
tout merveilleux se trouve-t-elle aux livres de l'Inde? pour-
quoi n'est-il nullement question de lui dans la chronique
26*
614 PHILOSOPHIE
juive, depuis David et Salomon jusqu'au roi losias, et au
grand-prêtre Kilkia?
Toutes ces questions sont graves, mais après avoir relu
le Pentateuque, nous sommes resté convaincu, avec Salva-
dor, que Moïse et ce livre sont inséparables comme Homère
et les poèmes dont la critique lui conteste l'invention.
D'Olivet nous semble avoir mieux compris que l'Allemagne
la route à suivre ; et Lacour, de Bordeaux, souvent trop sys-
tématique en sa traduction, nous paraît avoir alleint par-
fois de grands enseignements, des vérités întéresisanles et
nouvelles,
Par Moïse, Dieu donne aux Juifs dix commandements. Ils
sont sensiblement les mêmes que ceux de Bouddha : an-
térieurs, si le Pentateuque n'a point reçu d'interpolation
sous Josias, et peut-être postérieurs dans le cas contraire.
Quand il parle au nom de Dieu, Moïse ordonne; mais
pour les lois purement civiles , il veut l'acceptation de ses
concitoyens : grand enseignement qui nous dit que la loi
ne doit pas être uniquement dictée , mais encore acceptée
et consentie.
Le rapprochement des Genèses de TArie, de l'Inde, de
Babylone, de la Judée, est curieux. Le rapprochement des
lois de Manou et des lois de Moïse ne l'est pas moins. On
sent la parenté ; mais où les institutions hébraïques sVlè-
vent au-dp>ssus de toutes celles d'Orient, c'est dans la cons-
titution de cette commune rurale , de ce fragment de la
grande commune juive appelée synagogue. Aux carrefours,
avant la captivité, dans des constructions spéciales après
cette époque, se réunissaient au jour du sabbat, les hommes,
les femmes et les enfants d'une même circonscription terri-
toriale ; ils discutaient alors en commun tous leurs intérêts
religieux, politiques, agricoles et autres. Les enfants au-
dessous de quatorze ans ne pouvaient prendre la parole.
Quelle admirable institution ! et que Salvador a raison de
l'exalter.
Les prophètes jouaient, chez Juifs, le rôle de nospubli-
cistes : nous en reparlerons. Les voyants et voyantes
étaient aussi fréquemment consultés que, de nos jours ,
les devineresses, les tireuses de cartes, les somnambules et
BU SIÈCLE. 61^
les tables tournantes. L'aristocratie du pays ne se privait
point de leurs conseils : Saûl, David et losias en sont la
preuve.
Les Juges occupent la quatrième période de Thistoire
juive. La nation Israélite était bien peu de chose sous Sa-
muel, puisqu'elle n'avait point de forgerons, et que les
Hébreux devaient descendre chez les Philistins pour leurs
faux et leurs socs de charrue. Elle possédait alors des dol-
mens , des voyants , des hauteurs consacrées et des arbres
toutlus rattachés à son culte. Sa faiblesse lui fit désirer
un roi.
Saûl, David, Salomon, remplissent une cinquième pé-
riode. Ils ont eu pour contemporains Zoroastre II, prophète
de.riran; les rénovateurs du pacte des douze villes d'ionie;
Codrus, qui était roi-pontife et législateur d'Athènes ; les
fondateurs de la ligue achéenne ; Lockman, le traducteur
égyptien des fables du livre indien THytoupadésa, fables
attribuées plus tard, en Perse, à Pilpaï; Sanchoniaton, le
chroniqueur phénicien. Cette époque est aussi celle où
grand nombre d*oracles devinrent célèbres, où les Sybilles
apparurent dans la Grèce asiatique , où le grec Lamyntas
répandait ses poésies et inventait le chant dorien, où le
philosophe Zamalxis faisait connaître aux Thraces, aux Gè-
tes, aux peuples riverains du Danube (c'est-à-dire h leurs
chefs), les enseignements des sanctuaires d'Egypte. Il faut
encore rapporter à ce temps le beau-père du poète Ho-
mère, le fameux Hiram, constructeur du temple de Salo-
mon ; et peut-être Hannon, cet amiral carthaginois qui fit
de si grandes découvertes sur la côte d'Afrique.
La sagesse sous forme d'apoUogues, des initiations pour
les diverses classes, des enseignements réservés pour les
chefs, des sanctuaires lieux d'études supérieures, quel-
ques grandes innovations, divers peuples naissant à la vie
sociale sous des constitutions données par des chefs pon-
tifes et rois : voilà les grands faits de cette époque , dans
laquelle l'Egypte fut, en Occident, le foyer du savoir le plus
élevé. Hais les flottes de la mer Rouge communiquaient
avec rinde et nous ne tarderons pas à voir arriver le
jour auquel Pline reporte l'origine des esséniens qui
616 PHILOSOPHIE
n'étaient que des sanyasis ou des samanéens bu sein de la
Judée.
Saûl eommence raiïranohissement des Israélites. Dacrid-,
dont la chronique hébraïque rapporte diversement la vie ,
apparaît sur la scène en chef de bande , comme b6a4ic($up
de fondateurs d empire, et ânit par donner aux Juifs Jéru-
salem , leur ville sainte. Son royaume pouvait représenter,
en surface , deux à trois départements de fiance. Salomon,
le gendre du roi d'Egypte, se pose tout^^fait en sultan
oriental. À la dédieace du temple, construction IllôiDsâllipo^
tante qu'une de nos cathédrales de troisième ordre, <*
prince jette dans le monde l'idée. de Tunité r€iligieiusB,'(f un
empire spirituel des ômes.
Si les premiers rois de Judée correspondent à im mou-
vement très-dessiné, en Occident, par les noms et les
quaUtés de leurs contemporains , l'œuvre des prophètes a
été aussi elle complètement liée au inilieu social , au sein
duquel elle s'effectuait. Le contraire , accepté jusqu'à ce
jour par beaucoup d'écrivains, est une erreur historique.
Isaïe parlait en essénieu véritable; en bouddhiste sama-
néen. Il veut que l'on adore Dieu en esprit et en vérité.
Contrairement à la loi de Moïse , il demande la suppression
des sacrifices d'animaux.
Les prophètes de la captivité sont évidemment les intro-
ducteurs de la doctrine pharisienne, si singulièrement rap-
prochée de celle des Mages. Ne trouvons*-nous pas dans Tun
d'eux, dans Ezéchiel, l'explication de la disparition de
tous les livres des prophètes opposés à la réforme du
culte ?
Esdras et Néhémie, les restaurateurs de la nationalité
juive, nous amènent à cette période pendant laquelle la
secte des pharisiens devint prépondérante. Mais quel-
qu'adroit qu'ait été le sanctuaire de Jérusalem à dissimuler
le mouvement philosophique circonvoisin , celui même qui
le débordait chez les Juifs d'Egypte et de Judée, partout
on en trouve la trace. Au siècle qui précéda notre ère , les
esséniens avaient un prophète ; les masbothéens apparais-
saient , et Simon le magicien devait donner à leur secte
de la célébrité. Les samaritains revenaient au culte du
S0 SIÈCLE. 617
Saint-Esprit et des divinités secondaires du patriarche
Laban;, puis le médecin Philon, l'auteur de l'histoire de
H(ttse>4 mariait enseonble le judaïsme et le plaficnncisme, de
telle sorte qu'on le prendrait, en le lisant, pour uli chrétien
d'Alexandrie.
Lâs JuiCs ont été d*habile5 laboureurs : aussi les princes
Peisans cpnservèrent-ilsles dix itribus. Il parait encore qu'ils
ont porté à Babylone une industrie * perfectionnée pour
tous les ouvrages délieats de Serrurerie, d'ébénisterie ,
d'oniemeatètion des palais. Au premier sièck'de notre
ère, leurs marchands étaient déjà répandus dans le monde
entisr, depuis, les Gaules jusqu'à la Chine; mais nous
n'avons aucune preuve de leur savoir scientillque.
CIVILISATION GRECÛUK-
hk civiLlsATioif GRBGQX7E a cu pour Ueu 'géographique
les Iles de l'Archipel, l'ancienne Grèce, une partie de
l'Asie Mineure , une autre de l'Italie el plus tard Alexan-
drie. Elle a manqué d'unité dans le temps et dans l'espace.
Ses croyances religieuses , philosophiques et scientifiques
ont autant varié que les dialectes de sa langue. Fille de
rinde, elle a souvent puisé soit à la source primitive, soit
en Egypte, à la source dérivée de ses connaissances. Quel-
ques pages suffisent à raconter les grands événements de
sa vie et à faire sentir leur tendance si éminemment ppo-
Avant 1760, les Pélasges, cette base des populations
grecques, ne se manifestent que par des souvenirs théolo-
giques. A cette époque , ils pénètrent en Italie et poussent
devant eux les Sicules. Plus tard, vers 1622, leur besoin de
s'unir en corps de nation donna naissance à la réunion des
amphyctions, et fit de leurs cités une fédération quelque
peu analogue à nos cantons suisses.-
Les colonies égypto-syriennes daCécrops à Athènes, de
Cadfflus à Thèbes, de Danaiis à Argos datent, la pre-
618 PHILOSOPHIB
mière de 1582, la seconde de. 1519, la troisième de 1510.
Les Jeux d'Olympie, cette grande réunion qui devait
servir à donner le ton aux fêtes publiques et à consiiluer
l'unité , datent de 1435.
La lin de ce siècle était célèbre dans les annales des
Grecs pour ses progrès agricoles, rétablissement de forges
sur le mont Ida, 1^ première culture de la vigne. >et l'ensei-
gnement des sciences par le centaure Ghiron.
En 1330, un Thrace, du nom d'Orphée, se fit initier
dans les sanctuaires d'Egypte, au savoir le pkis élevé de
son siècle. De retour dans sa patrie , il resserrai le pacte
des amphyctions et supprima les sacrifices humains, il
professait l'hermaphrodisme divin ou dualisme universel.
Jupiter est V époux et V épouse immortelle ^ disaiL-ji en ses
enseignements. — Ses opinions sur le verbe et. la trinité
étaient assez rapprochées de celles de Platon fit des pre-
miers chrétiens. Le système du monde qu'il enseignait Ta
été depuis par Pythagore, et Gopernic l'a fait revivre. Ses
écrits ne nous sont point parvenus ; mais son savoir a
laissé après lui une longue traînée de lumière. .
Les dernières années du siècle d'OrpIpiée et les cinquante
premières du suivant nous rappellent Esculape et les pro-
grès de la médecine grecque; puis l'importation des arts
industriels de l'Egypte. C'était un ex-cellent esprit que
celui qui consacrait le souvenir de l'introduction du niveau,
du villebrequin , de la scie , de la tarrière. L'introdoctiou
des voiles de navire eut lieu dans le mêm^ temps , et la
Grèce eh fit usage dans son voyage des Argonautes- Celte
navigation, bien longue pour l'époque, lui fit connaître
une partie de cette mer méditerranéenne qui baignait ses
côtes et ses îles.
On peut considérer l'année 1309 comme la date de la
prise de Troie ; mais cette date si souvent discutée est
assez incertaine.
A l'imitation d'Orphée, Zamakis, en 1110, se fil initier
au savoir des sanctuaires d'Egypte et revint faire l'éduca-
tion des chefs des Thraces et des Gétes ; mais Hésiode et
Homère, dont les œuvres se répandirent de 944 à 900,
remplacèrent la science religieuse importée des sanctuaires
DU SIÈGLC. 619
de Thèbes par des contes poétiques appropriés à l'enfance
des peuples. Le Dieu invisible et ses sublimes grandeurs
firent place à des dieux trop humains en leurs passions.
Le ciel et l'idéal s'abaissèrent jusqu^aux vices des hommes,
et leurs légendes, partout acceptées, partout chantées,
devinrent l'enseignement des temples.
Veri 885, Lycurgue fonda la cité communiste de Sparte :
ce fut un couvent de soldats que faisaient vivre des esclaves
chargés des travaux agricoles.
L'année 639 nous rappelle la naissance de Solon et de
Thaïes. Le premier devint le législateur d'Athènes; le
second Studia les sciences aux temples d'Egypte et revint
les enseigner dans sa patrie ; il fut, dît-on, le père intel-
lectuel de Pythagore.
Celui-ci, le plus grand des philosophes grecs, avait
quarante ans lorsqu'il revint, en 545, dans sa patrie. 11
s'établit à Crotone, où il fonda la plus grande école de
niorale et de savoir qu'ait eue l'antiquité. Ses enseigne-
ments religieux, dans les temples de cette ville, eurent
pour but de prolonger les enfances, de retarder les ma-
riages , de ramener au vrai celte institution, et de l'huma-
niser autant que possible, en lui donnant un caractère
intellectuel et moral. II réforma les mœurs et traça, en
physiologiste profond, la voie à suivre pour le perfec-
tionnement de l'espèce humaine. Comme savant, il im-
porta les chiffres indous et le système du monde des
Brahmanes, qui plaçaient le soleil au centre du système
solaire et n'en faisaient qu'une simple étoile. Le théorème
de la valeur du carré, fait sur l'hypothénuse du triangle
rectan^e , lui est attribué ; il fit aussi des découvertes en
musique. — 11 avait pour projet de placer à côté de tous
les gouvernements, des hommt^ formés par sa règle de vie.
Un instant le monde civiKsë put croire qu'il avait superposé
à la violence des pouvoirs de son temps l'influence d'une
raison éclairée par la science ; mais l'imprimerie lui fit
défaut. Victime des mauvaises passions de son siècle , il
périt, dit-on, avec presque tous ses disciples, dans un
horrible incendie. Sa mort fil baisser la civilisation.
Que de choses à dire à la jeunesse sur les théories de ce
630 PHILOSOPHIE
grand homme et sur les dix-neuf siècles d'épreuves craelles
pendant lesquelles l'humanité s'est efforcée de piopularîser
sa morale sans pouvoir retrouver les scientifiques ehséigae-
ments auxquels elle était si étroitement unie !
Nous laisserons de côté la lutte des Persans et des Grecs!,
pendant laquelle le savoir philosophique Taiblît générale-
ment, pour ne nous occuper que des faits d'un autre
ordre. — De 545 à 400, cette date funèbre de Va'tnort de
Socrate et du déclin politique d'Athènes , la ^Grèce , mor-
celée par des cités ou communes puissantes très-diverse-
ment constituées, n'eut d'autre unité que celle de ses jèùx
publics et de ses guerres contre les Asiatiques. Mais par-
tout rindividualilé humaine , si puissante en ses investiga-
tions quand elle n'est pas comprimée, s'agitait en mille
manières dans la voie des améliorations. — En SS4,
Thespis jouait les premières tragédies grecques. Quatorze
ans plus tard, Aristagore de Milet gravait sur cuivre la carte
du Péloponèse. Déroocrite , en 490 , professait la philoso-
phie atomique, cette première lueur d'une grande science.
En 486, le grand poète Eschyle était couronné pour ^es tra-
gédies. Deux ans plus tard, Anaxagore enseignait à Athènes
la philosophie. En 470, Sophocle était couronné à son
tour pour ses œuvres tragiques.
Nous voici à la moitié du siècle , en 580 , à cette époque
où Athèties était la première ville du monde. Périclès y
régnait par la puissance de la parole ; Aspasie , son asso^
ciée, trônait en un salon où se réunissait l'élite de l'Occî-
dent. Socrate , encore jeune , abandonnait la sculpture poar
la propagande philosophique. Bientôt il ira d'échoppe en
échoppe , d'atelier en atelier, causer avec les cordonniers ,
les portefaix, les tanneurs et autres ouvriers d'Athènes ;
ou bien il s'adressera aux courtisanes. A tous il enseignera
une philosophie très-élevée , mais bien inférieure à celle
de Pythagope; car.il laissera de côté la triple question des
esclaves, des femmes et de l'unité du savoir humain.
Quelquefois aussi , vrai monomane , il écoutera son démon
familier, c'est-à-dire les facultés humaines de son piano
célébrai, facultés très-despotiques en leur genre, qui fai-
saient de sa nature une subUme nature, et de sa folie la
BU SIÈCU. 631
sublime folie du jaste et da vrai. — A côté de lai brille-
ront Hyppocrate , le père de la médecine , rhoaime qui ne
croyait qu'aux résultats de Texpérience et de 1 observation ;
Euripide, qui transporta la philosophie sur la scèoe pour
démolir les faux dieux d'Hésiode et d'Homère ; Ârchésilaûs .
de Paros, qui inventa la peinture en cire et les émaux.
Socrate eut pour disciples Xénophon , Thomme aux savantes
disciplines de guerre et d'éducation, le chef de la fameuse
retraite des dix mille, Fauteur du roman philosophique
de Cyrus; et Platon. Celui-ci éclipsa tous les autres. Il est
admirable quand il idéalise Socrate , car Platon est avant
tout le poète de Tidéal ; mais rien de plus faible que beau^
coup de ses œuvres et que son livre intitulé La^ Bépublxqw.
Cet ouvrage préconise un mauvais communisme et l'exploi-
tation des femmes, supprime la liberté individuelle , re-
constitue les castes, proscrit le commerce et Tindustrio
manufacturière. Platon, dans ce livre, n'a pas su s'é-
lever à ridée HuaciUviTÈ et n'a résolu aucune des diffi-
cultés sociales de son temps. Il n'avait évidemment com-
pris ni la famille , base de la commune , ni la commune ,
élément social de l'humanité. Dans les sciences, il remplaça
les tendances physiologiques de Pythagore par une mau*
vaise métaphysique , et contribua à faire abandonner notre
système actuel de l'univers. 11 préconisa singulièrement la
dialectique au détriment de l'observation et de l'expérience.
Platon peut être jugé très -diversement : savant, il
est faible , quoiqu'il soit l'un des fondateurs de la haute
géométrie grecque ; écrivain , il eut un style lamarti-
nien„ plein de musique et d'entraînement; philosophe,
il rachète bien des fautes par son noble amour du juste
et de l'idéal.
Nous ne saurions oublier Hérodote. Ce grand écrivain
sut distinguer entre l'histoire et la légende. Il est historien
chaque fois qu'il dit : Toi vu ; mais il ne croyait pas que
l'on pût passer sous silence les contes populaires , toutes
ces fables souvent si utiles pour caractériser le génie des
peuples.
Après Platon, Aristote prit le sceptre de la pensée et
domina la Grèce intellectuelle. — Il fut presque toujours
622 PHILOSOPHIB
faible en métaphysique» en politiqne, en morale. — Na-
turaliste , il a créé l'anatomie comparée et fait une foule
de découvertes sur la structure des organes ; physicien , il
a combattu le véritable système du monde par de puérils
arguments , et souvent dénaturé , pour la réfuter , la pen-
sée de ses adversaires. Aristote avait beaucoup emprunté
à l'Egypte et à l'Inde, qu il ne cite jamais. — Son élève
Théophraste découvrit les principaux faits de la physiologie
végétale et se plaça dans la voie philosophique de notre
siècle.
Alexandre , le fils intellectuel d'Aristote , le petit-fils de
Platon, nous rappelle Torganisation de la cavalerie sur des
bases très-rapprochées de notre système actuel, et des
conquêtes qui servirent la cause de la civilisation. Son
état-major se composait des savants les plus éminents de
répoque. L'unité, cette mère des grandes choses, fut son
rêve ; le besoin de l'appliquer, l'occupation de sa vie. —
Le De Humbold du temps lui avait infusé la poésie
des souvenirs qui est aussi celle des espérances, l'intelli-
gence du passé , ce grand moyen de comprendre l'arenir.
— En trois ans, il sut conquérir les côtes de l'Asie Mineure
et l'Egypte. Victorieux à Arbelles, il s'empara de la haute
Asie et consacra trois autres années à l'unification de ses
conquêtes. Il ne voulait détrôner que le despotisme et
l'ignorance , aussi traita-t-il également vainqueurs et vain-
cus, plaçant sur la même ligne les pouvoirs militaires,
administratifs et financiers. — Ayant repris le cours de ses
pérégrinations militaires, il pénétra dans. l'Inde et revint
à Babylone en suivant le littoral de la mer* Il ouvrit de
nouvelles routes au commerce et mit en relations suivies
l'Orient et l'Occident. Mais le temps de l'unité vraie » qui
n'est pas venu encore, ne pouvait arriver si vite. L'unité
c'est la philosophie élevant la science à l'état de religion et
résolvant tous les problêmes économiques et sociaux par
ses télégraphes électriques , ses vapeurs , ses chemins de
fer, par l'organisation de la famille et de la commune , par
mille découvertes que nous pressentons à peine.
L'école de Platon s'était vivement occupée de géométrie
à l'occasion de la dupUcation du cube et de la trisection
DU SIÊCtE. 625
de l'angle. Entrée dans cette voie , elle découvrit les prin-
cipales propriétés des sections coniques et des courbes
nouvelles. Elle étudia aussi les lient géométriques ; mais a
l'exception d'Archimède , presque tous les savants de
répoque habitèrent Alexandrie , au moins temporairement.
Une magnifique bibliothèque, des amphithéâtres ouverts à
Tétude et à l'enseignement, un observatoire et tous les
annexes nécessaires, y attiraient les savants. Nous citerons
Euclide, si connu par ses études en géométrie ; Àristille et
Uémocharis, les premiers qui aient fine les étoiles par leur
longitude et leur latitude ; Erathostène , orateur, poète ,
antiquaire et philosophe , dont le nom se rattache à de
grandes études sur le méridien terrestre , sur l'obliquité de
récliptique et la science des nombres. — Dans le grand
mouvement des sciences mathématiques qui suivit le règne
d'Alexandre, nous ne saurions oublier Aristarque de Samos
qui défendit si habilement le véritable système du monde,
ni Archimède qui éclipsait tous les autres par des décou-
vertes éminemment pratiques. Donnons encore un souvenir
à Hipparque , le parfait observateur, l'astronome si labo-
rieux, l'inventeur de la trigonométrie ; à Géninus le rho-
dien, l'auteur d'une histoire delà géométrie; au physicien
Héron ; à Possidonius , qui découvrit en partie la loi des
marées ; et passons aux physiologistes. — Voici venir
Hérophyle qui fit au cerveau de grandes découvertes , dé-
crivit la choroïde , les veines pulmonaires et les principaux
viscères d'une manière très-satisfaisante. 11 étudia le pouls
et chercha, dans les humeurs, la cause des maladies. —
Erasystrate, son rival, reconnut les rapports des nerfs
avec le cerveau, découvrit les valvulves de la veine cave,
et fit de l'aérificalion du sang la source de la vie : c'était
se placer bien près de l'oxigénation. 11 considérait les
glandes sécrétoires comme des cribles spéciaux. 11 expli-
qua tant bien que mal la nutrition, et pratiqua avec
talent la grande chirurgie. Rappelons, pour indiquer la
science d'Alexandrie, que la pharmacie y fut très-cultivée,
que l'oculislique y pratiqua l'opération de la cataracte , et
qu'Ammonius broya la pierre dans la vessie , après une
opération préalable.
624 ^ PHILOSOPHIE
Le coEQmeroe suivait les progrès de la géogcaiphie : aux
découvertes d'Alexandre avaient succédé celles de Mégas>
thènes , qui séjoama plusieurs années à - Palibothra ^ au
oonfluent du Gange et de la Jumma. Un canal s'ouvrait
entre le Nil et la mer Rouge ; la taille de Borénioe s'élevait
par enchantement, et de grandes hôtelleries à l'orientale
facilitaient la traverse du désert. La soie, les épices, les
aromates, les perles et les pierres précieuses étaient la biso
du commerce oriental , dans lequel ne iiguraiecit ni les
tissus de coton , ni les tissus de cachemire.
La philosophie ne restait pas en arrière : 300 ans avant
notre ère , Zenon fondait le stoïcisme , doctrine câièbre qui
avait les plus grandes tendances vers Tessémanisme^ k
bouddhisme et la doctrine de Pythagore : c'était même,
à bien dire, un mélange de pythagoricisme et de. cynisme.
Le cynisme n'était lui-même qu'une des formes de la doc-
trine indoue, transplantée d'Asie et d'Egypte au sein de
la Grèce.
Zenon définissait la sagesse : la science des choses divities
et humaines. La vertu en était la conséquence.
Le philosophe , disait^il , observe la nature , améliore les
mœurs ou perfectionne son entendement.
. Il s'occupe du monde, des hommes et de lui-^mème : i^
là un aspect scientifique de la philosophie, un aspect iDoral
un aspect individuel.
La vie a un but , une destinée , disait-il encore.
Ce but a trois aspects : l'objet, les moyoBS^ le terme.
La nature a des lois auxquelles l'homme , particule de
cette nature, doit se soumettre.
Nous devons nous considérer, ajoutait-il aussi, comme
une partie du grand tout , et vouloir contribuer à son har-
monie.
Les lois de la nature, voilà la règle par excellence.
Suivre les lois de la nature , obéir à Dieu en. le prenant
pour guide, vouloir conformer sa vie â l'ordre général,
c'est toujours la même chose sous des dénominations Mi-
rentes.
La nature est bonne et belle, la vertu est bonne et belle,
et la vie doit être bonne et belle pour conduire au bonheur.
DU srÈOBE. 625
L*âine hamaîne ^st une- particule ^e l'Ame universelle ,
range, l'esprit qui anime un oorps: donc elle aime le
bon et le beau et nous y pousse. C'est sagesse de l'écouter.
L'utilité dépend à la fois du bon et de l'honnête ; ^le
est relative aux êtres en tant qu'individus et que parties
solidaires d'un grand tout.
L'honnêto ne concerne que l'Ame.
Le corps, les jouissances, la gloire, les dignités sont
choses hors de notre puissance ; s'y attacher, c'est nuire à
son bonheur.
Cette philosophie renfermait de grands préceptes, de
grandes croyances et quelques erreurs; elle fmsait dériver
le mal de notre nature , mais sans savoir encore l'expliquer.
Très -^supérieure au platonicisme , elle faisait l'homme
.partie ou' fonction de Têtre universel, et pouvait rendre
compte de l'unité et de la variété.
Epicure parut dans le monde environ 39S ans avant
notre ère.
.Voici les points principaux de sa philosophie :
Le monde est éternel ; mais ses parties se modifient et
se transforment en lui. — 11 est composé d'atomes séparés
par des vides, par des pores.
Les atomes possèdent une force de mouvement inhérente
à leur être.
Les combinaisons des atomes produisent tout ce qui
existe , même les corps sensibles. Elles sont la source du
son , des odeurs , des couleurs.
Le concours des éléments naturels produit tout , et leur
séparation détruit tout.
Epicure attribue le monde au hasard ; mais par hasard ,
il semble entendre la simple action moléculaire des atomes
les uns sur les autres.
Il admet des dieux ; mais il ne les croit nullement né-
cessaires au gouvernement de l'univers, que dirigent les
tendances des atomes, ce que nous appellerions aujourd'hui
les attractions.
Le monde a commencé , dit-il ; il finira , sera détruit et
fera place à un autre qui jialtra de ses débris.
11 croyait à l'homme deux âmes : l'une sensitive , l'autre
626 PHILOSOPHIB
intellectuelle. La première , répandue dans tout le corps ;
la seconde ayant sa place.au cceur.
Les léiçislateurs, jK)tts dit EiMCure, retiennent les bîoncitnes
par les liens, religieux; tans cela les uclaves pourraieni se
rappeler quih sqrU nés libres. Mais le sage n'a nul besoin
de pareils motifs pour faire le bien ; il pratique la justice ,
c'est-à-dire qu'il ne fait point aux autres ce qu'il ne veut
pas qu'op lui fassq. En apparence, il observe les loîs^ il
est sect,ateur de la religion de ses concitoyens ; ^ mais il a
étudié le monde et les institutions humaines, et il sait à
quoi s'en tenir sur leur valeur.
Cette doctrine , comme le stoïcisme, fut bientôt connue
dans Alexandrie, ce 'grand foyer des intelligences du
temps. Elle y exerça quelqu'inOuence sur les sciences et
spécialement sur la médecine; elle atteignit rapidement
Rome elle-même, où elle fut écrite en beaux vers par le
poète Lucrèce. Le médecin Asclépiade la propagea. Acceptée
par Âtticus, elle le fut aussi par Cicéron et par les autres
notabilités du dernier siècle avant notre ère.
CIVILISATION ROMAINE.
Rome parait avoir été fondée par ime colonie de
Grecs d'Asie , vers 765. Ses premiers jours sont inconnus.
La légende historique qui les concerne passe pour avoir
été composée avec des lambeaux de légendes grecques,
dans le but de créer la religion du patriotisme. Sa loi des
douze tables lui venait d'Athènes. Ses rois Tarquins étaient
originaires de Corinthe, et l'Etrurie eut la plus grande
influence sur ses jeunes années.
A l'exception de Numa et des Gracques, qui essayèrent
de développer chez les Romains une civilisation morale ,
presque tous leurs chefs leur ont conseillé le pillage à main
armée et la perAdie dans les traités, comme moyens légi-
times d'agrandissement. De là ce caractère de positivisme
qui, de la politique, a passé sur les figures des citoyens
DU SIÈGLB. 627
de Rome, élargissant le front, développant la nuque et
applatissant le somcaet de la tète.
L'idéal de la politique romaine , c'était la grandeur ma-
tériefle. Les arts, la poésie, la religion, la philosophie , la
sociabilité devinrent par suite des accessoires ou des hors-
d'œuvres.
L'archilecture de Rome a eu trois phases : dans la pre-
mière, c'est une ville champêtre , elle peut recevoir des
moissons et des troupeaux ; dans la seconde , elle aligne
ses maisons de briques et crée de remarquables monuments;
dans la troisième , elle substitue le marbre à la brique.
Peu soucieuse des arts et des lettres, elle ne négligea point
d'empronter aux étrangers leurs machines , leurs engins !•
leurs procédés industriels et surtout leurs hommes de
guerre.
Les formes et les agences monocratiques assurent le
succès des conquérants. Rome n'eut qne des agences sim-
ples, appelées édiles, intendants, prêteurs et consuls.
Mais Tinstrument qui peut conquérir n'est pas plus celui
qui civilise que l'organe cérébro-physique de la lutte n'est
identique avec l'organe cérébro-moral de la sociabilité. —
Comme de nos jours la Russie , Rome fut un grand fos-
soyeur ; elle tua les peuples et les nationalités au lieu de
les assimiler à son empire par une association d'intérêts.
Si elle avait su ou voulu affranchir les pays conquis ,
en faire des associés véritables au lieu de les livrer à toutes
les spoliations proconsulaires, ses mécanismes administratifs
et industriels si parfaits fussent devenus les éléments de
bonheur d'une grande fédération des vaincus , et sous son
patronage , elle eut créé la République universelle.
Alexandre , sous ce rapport , a été plus habile politique
- que le sénat romain ; mais c'était un simple individu, un
seul homme : il n'avait en lui cette perpétuité d'existence
du sénat romain qui seule permet de concevoir, de pré-
parer, d'accomplir et de conduire à bien les plus grandes
entreprises.
Toutes les institutions des anciens États avaient pour
base l'esclavage : la Hberté était un privilège de famille ou
de cité. L'industrie n'existait pas : agricole où manufactu-
628 PHILOSOPHIE
rière , elle se réduisait à ce travail que le besoin prescrit et
que la violence impose. Tous ces intérêts de commerte,
d'agriculture, d'industrie ouvrière et surtout manufactu-
rière qui , dans nos sociétés modernes , réclament tant de
ménagements, qui composent ou devraient composer le
gouvernement, étaient nuls ou non avenus. Chez les
Romains, entretenir la paix quand elle était utile; faire la
guerre , non pas si la justice , mais si l'intérêt de Rome
pouvait le demander; juger des procès, punir des crimes:
telles étaient les occupations des chefs. De là les droits
indéfinis qu'ils s'arrogèrent sur les choses et les personnes.
Rome, dès ses premiers jours, mit une très-grande
Miscipline dans sa manière de piller les vaincus et de
partager le butin. Cette discipline, jointe aux causes déjà
signalées , voilà la véritable source de ce que Ton appelle
sa gloire : le mot puissance serait singulièrement mieux
approprié.
Examinée aux point de vue d'une critique élevée, la
civilisation romaine présente une série de cinq périodes,
dont deux appartiennent à l'époque chrétienne.
Dans la première, qui dure environ cinq siècles, Rome
crée sa puissance au sein de l'Italie : tantôt elle subjugue
les autres peuples , plus rarement elle se les assimile. Au
dedans d'elle-même, elle organise la cité : les esclares
sont des choses, la femme est complètement subordonnée;
le travailleur forme une caste inférieure, il est classé par
corps d'états , et la cité se constitue en une commune très-
aristocratique.
Ce n'était point la démagogique Athènes ; elle n'avait
rien*de la luxueuse Corinthe, ni de Thèbes la pacifique,
ni de Sparte , la ville du communisme absolu ; mais elle
possédait des patriciens avides et des plébéiens ruinés:
les premiers, réellement insatiables et brigands véritables;
les seconds, pressurés par des prêts usuraires, belliqueux
i)ar suite de leur éducation , braves par habitude et indif-
érents à la vie comme gens endettés et malheureux. Sé-
nateurs, chevaliers, ouvriers et laboureurs, tous furent
enrégimentés civilement dans cetle vaste commune, vrai
camp retranché , où la discipline [militaire était la règle
DU 6IÈGLB. 629
usuelle, une sorte d'état de siège , l'habitude ; la dictature,
un fait ordinaire.
Un siècle fut presque suffisant aux Romains pour vaincre
Carthage, la Grèce, et se substituer à rinfluence de ces
deux puissances.
La troisième période , qui commence peu après la ruine
de Carthage, nous conduit presque jusqu'à notre ère. Elle
présente quatre groupes de faits importants que l'on peut
dénommer : la conspiration du Sénat contre les Gracques ,
les luttes de Marins et de Sylla , la conspiration de Catilina,
ravèuement des Césars.
Dans la quatrième période de son existence, l'empire
romain crée de nombreuses cités et s'entoure d'une cein-^
ture d'alliés, refoulant au loin les peuples que l'on appelait
barbares. Cette période se divise en deux : dans la première,
qui dure près d'un siècle , les Césars abaissent sans cesse
la puissance du sénat au profit de la hiérarchie adminis-
trative. — Dans la seconde, ils régnent despotiquement
au sein d'un empire dont beaucoup de petites provinces
portent le nom de cités et possèdent une curie, institution
analogue à nos conseils généraux des départements fran-
çais , simple consulte chargée , presqu'uniquement de la
répartition de rimp6t.
La cinquième pnase de Rome commence avec le troi-
sième siècle, pour finir à cette date assez vague et indécise
où l'empire s est affaissé lentement sur lui-même , comme
un vieux chêne au tronc pourri.
Reprenons la troisième période , celle qui nous conduit à
l'époque chrétienne.
Le luxe des enrichis, la plupart sénateurs, était in-
supportable ; leur influence tendait à morceler le pouvoir,
à devenir féodale.
Tibérius Gracchus fut le représentant de ces bons citoyens
qui espéraient, en améhorant ses institutions, sauver la
République.
Il voulait :
Une seule classe d'hommes plus ou moins aisés; mais
dont aucun n'eut été assez riche pour acheter et corrompre
le peuple ;
97
630 PHILOSOPHIB
La prédominaDce des laboureurs ou chefs de ferme dans
le gouvernement ;
La possibilité pour toutes les familles d'arriver à la liberté
par le travail ;
L'amoindrissement de l'esclavage, cette plaie de la
République, par la multiplication des travailleurs libres.
L'élévation successive au rang de citoyens romains de
tous les habitants des villes conquises ;
L'établissement , en Afrique et en Asie , de colonies ro-
maines qui eussent servi â universaliser la République, en
montrant à tous les peuples les avantages de sa civiÛsatioD
et de son gouvernement ;
^ De magnifiques propriétés communes et sociales appar-
tenant en propre à l'Etat.
Décidé à mettre ses projets à exécution , il sollicita le
tribunat. Cette fonction donnait le droit d'assembler les
comices, d'arrêter les délibérations du sénat, d'opposer un
veto à ses décisions, d'accuser devant le peuple tous les
magistrats de la République. Les tribuns étaient inviolables
et safcrés ; conime les consuls , ils marchaient précédés de
haches , de faisceaux , de licteurs , de cette pompe qui en
impose , de cet entourage arm4 qui protège.
Tibérius Gracchus appartenait à la famille des Sempro-
nia , Tune des .plus honorées de Rome. Sa mèro^ la fille du
premier Scipion , n'était rien moins que la grande et Ye^
tueuse Cornélic. Elle-même avait fait l'éducation de ses
fils , et cependant telle était la valeur personnelle de Tibé-
rius qu'il faisait oublier tous ces avantages. Généreux et
beau, d'une grande fermeté , juste entre tous, sachant
obéir comme il savait commander, il passait pour un homme
accompli, n'ayant ri^n à demander ni h Véducation, ni
aux hasards de la naissance.
A. peine tribun, il revint à la loi Licinia, qui défendait
de posséder plus (Je cinq cents larpenis ; mais on homme
habile, il sut' ménager les transitions en enlevant à cette
loi, par des mesures réeUement politiques, tout, ce qu'elle
pouvait avoir de dur. — il proposa d'abord de rembourser
en areent tous les pr^priétair^es qui se verraient amoindris
dans leurs domaines. II alla plus loin ; il ne demanda le
BU SIÈCLE. 651
partage des terres couquises que pour Tavenir, laissant à
chacun sa position présente ; mais Taristocratie ne voulut
entendre à aucun accommodement. Tandis que ses adver-
saires descendaient aux personnalités , Tibérius Gracchus
se distinguait par Télévation du langage ; mais que ses argu-
ments étaient pénétrants !
« Citoyens, disait-il, les bétes les plus sauvages ont
leurs tannières , et les plus vaillants hommes du monde ,
les soldats romains sont réduits à errer sous le ciel avec
leurs familles , sans savoir où se retirer , où poser leur tête.
A* quoi bon tant de périls et de fatigues pour tous, si
quelques-uns seulemeht doivent en profiter? Vos géné-
raux vous disent souvent , en vous exhortant à vaincre ,
que vous allez combattre pour la conservation de vos dieux
domestiques, pour la sépulture de vos ancêtres (pro arts et
/octi), pour vos foyers et vos pénates. Etrange illusion !
figures de rhétoriques que ces discours ! le soldat romain
n'a ni feu ni lieu. On vous appelle les maîtres de la terre ,
et vous n'en avez pas un pouce , pas assez pour y cons-
truire une hutte ; tandis que d'autres , à 1 encontre des
lois, jouissent d'un bien-être qu'ils n'ont mérité ni par
leur travail , ni par leurs dangers dans les combats , ni par
des services rendus à la patrie. Est-ce donc là cette Répu-
blique pour laquelle nos pères ont détruit la monarchie ?
est-ce donc pour se débarrasser du nom de roi qu'ils ont
combattu , et n'est-ce pas plutôt pour chasser cette aristo-
cratique inégalité qui était la conséquence des faveurs du
prince? »
Le sâuat , vaincu , suscita un obstacle à Gracchus dans'
la personne d'un de ses collègues. — Ce fut pour le fils de
Cornélie une source d'embarras nombreux et difiiciles;
mais il en vint à bout» et trois commissaires furent nommés
pour veiller à Texéculion de ses mesures. — Son pouvoir
était grand : on l'accusa de vouloir arriver à la royauté.
La cal6mnie fut très-habilement employée. Le. peuplé était
mobile et défiant ; l'aiistocratie tenace et perfide, ne recu-
lant devant rien.
Gracchus devait succomber. La dictature était le seul
moyen, pour la plèbe, d'avoir raison d'un petit nombre de
633 PHILOSOPHIE
de citoyens très-riches. L'assassinat fut la ressource des sé-
nateurs ; ils y recoururent : Scipion Nasica se mit à leur
tête ; leurs esclaves et leurs clients les suivirent. Le peuple
abandonna son chef, et Gracchus fut tué au Capitole, à
coups de bâtons. Il mourut courageusement , sans proférer
une seule plainte.
Que d'enseignements dans ce fait ! Nous y voyons le
prunier morcellement du pouvoir ; l'aristocratie substitue
des intérêts aux lois. Nons y voyons encore le peuple se
conduire, ignorantxju'il est, comme il le fit à Athènes, en
proscrivant Aristide, en faisant boire à Socrate la coupe
empoisonnée. Plus tard, à Jérusalem*, il demandera le sang
du Christ ; plus tard, il voudra lapider Abeilard; et Dieu
sait comment il s'est conduit depuis vis-à-vis de ses jrfus
généreux défenseurs. Mais ce n'est point le peuple iguorant
qu'il faut défendre, c'est la justice outragée par celte
ignorance môme.
La plèbe romaine ne tarda pas à ouvrir les yeux. Il
était trop tard : le Capitole avait été violé , et son chef y
était tombé sous les coups d'assassins, dans l'exercice au-
guste de ses fonctions.
Çaïus Gracchus avait alors vingt-un ans ; il quitta Rome,
alla servir en Sardaigne , où il se distingua par ses grandes
qualités. U revint au bout de dix ans et postula le tribu-
nat. Non moins beaa* que son frère , plus sévère dans son
éloquence , de mœurs . irréprochables , sans indulgence
pour lui-même , mais moins facile que Tibérius pour les
défauts d'autrui; d'une activité sans pareille, faisant en un
jojur ce que d'autres ne pouvaient faire en huit ou dix ,
Caïus Gracchus était évidemment, à quelqae point de vue
qulon l'examinât, l'un des plus éminenls citoyens de U
République. Peut-être même était-il , sous tous les rap-
points, le Romain le plus accompli. Bientôt il eut changé
la face des affaires : son administration fut aussi habile que
brillante. l\ fit repeupler plusieurs villes ; il étendit le droit
de €;iié à tous les habitants de l'Italie, jnsqu aux Alpes;
diminua le prix des blés , créa des greniers publics et fit
rendre aux Espagnols spoliés par le préteur Fabius , tontes
les valeurs qu'il avait extorquées. — U adjoignit aux séna-
BU SIÈCLE 653
leurs autant de chevaliers pour faire contrepoids dans le
jugement des affaires, et transforma les chemins en voies
magnifiques. — Partout il se fil remarquer par son désin-
téressement, par son habileté pratique d'exécution; de
telle sorte que la calomnie n'avait sur lui la moindre prise.
Le sénat , désespéré , eut alors recours à une ruse qui a
souvent réussi à l'aristocratie : ce fut de faire nommer un
de ses partisans tribun du peuple , et de le charger des
missions et des motions les plus populaires, de tout ce qui
flattait davantage les passions des masses ignorantes. Sur
ces entrefaites , Caïus Gracchus quitta Rome pour repeu-
pler et rétablir Carthage , sage mesure toute dans Tintérôt
de la République ; mais pendant son absence , ses amis et
sa popularité furent vivement attaqués. Le peuple oublia
vite ses bienfaits pour ne se rappeler que ses luttes avec
le sénat, sans comprendre qu'elles en étaient la source.
Scipion avait été trouvé étranglé dans son lit: on en
accusa le parti de Caïus. — Des élections eurent lieu , et
le sénat s'y prit si adroitement dans le recensement des
voles, qu'U ne fut point réélu. Pour comble de disgrâces ,
Opimius, son mortel ennemi, fut nommé consul. Partout
il attaqua et molesta Caïus, faisant réformer les lois qu'il
avait fait passer pendant qu'il était au pouvoir. Une luttn
devait s'en suivre : elle eut lieu. D'un côté, se trouvait le
pouvoir régulier; de l'autre, quelques hommes abandonnés
par ceux aux intérêts desquels ils s'étaient sacrifiés. Caïus ,
vaincu, se fil tuer par un esclave.
Oue n'osa-t-il mourir comme Socrate , risquer et subir
une condamnation. Prononcés par le sénat , son exil et sur-
tout sa mort judiciaire eussent à jamais consacré les ré-
formes sociales pour lesquelles il avait si habilemnt com-
battu. Sa fin-, dans des circonstances de lutte et de
quasi-révotle contre le droit , ne pouvait que nuire à son
parti : après lui , plus de République romaine.
La lutte de Marins et de Sylla mit aux prises des pas-
sions démocratiques et des passions aristocratiques ; mais
les principes furent effacés par les hodimes et dominés par
de grandes personnalités , par des violences inouïes dans
lesquelles 1 aristocratie ût pencher de son côté la balance ,
654 PHILOSOPHIE
en opposant les cruantés de Sylla , qui fit périr cent mille
citoyens romains, aux actes de son adversaire. Celiii-ci,
parfois , «'était montré généreux.
Jules César, alors très-ieune, tenait pour le parti de
Marius. Peu s'en fallut qu il ne fût au nombre des victimes
de Tune des plus épouvantables réactions dont l'humanité
ait à rougir.
Après la lutte de Marius et de Sylla, la guenne des
esclaves , ce fait fatal que les Gracques voulaient prévenir.
Spartacus la commença avec quelques hommes, et se vit
un jour à la tête de cent mille.
La consph*ation de Gatilina vint ensuite. Cicéron et
Salluste ne nous en ont donné bien évidemment que les
motifs secondaires.
Nous estimons que Gatilina, homme de vieille noblesse,
était un esprit supérieur ; qu'ayant participé aux réactions
de Sylla , vu de près les distributions de terres qu'il avait
faites à ses vétérans et leurs tristes résultats économiques;
qu'ayant étudié Rome dans ses diverses classes , l'empire
républicain dans ses divers éléments , il lui vint à la pensée
de reprendre en sous-œuvre la politique d4»s Gracques ,
mais en s'appuyant surtout sur les villes d'Italie qui avaient
besoin de s'émanciper, de s'identifier plus intimement avec
Rome , et sur ceux des riches, et des hommes de classe
moyenne qui pouvaient comprendre ses vues élevées ; car
il ne pouvait lui convenir de s'adresser à la plèbe qui avait
si lâchement abandonné les Gracques, par mobilité d'abord,
puis par défaut décourage, quand il avait fallu lutter con-
tre l'aristocratie les armes à la main.
En vain Gicéron essaie-t-il de l'amoindrir dans le por-
trait qu'il nous en a laissé.
«r Gatilina , dit-il, sans avoir de grandes qualités, savait
» en présenter l'apparence. » Mais ce jeu de mots est un
aveu de la supériorité de son adversaire. — « Il se don-
s naît pour tout dévoué aux gens de bien , malgré ses liai-
te sons publiques avec une foule de scélérats. » Qu'était-ce
que les gens- de bien du citoyen GicJéron? lui-même,
qu'étaît-il? N'est-ee pas en ayant toujours à la bouche
réloge de Marius qu'il fit croire à la plèbe qu'il serait son
DU SIÈCLE. 635
soutien ? ArriTé à quelqu'inQuence, devenu un enriclû, un
parvenu , ne se fit-il pas rbomme du sénat en combattant
la loi du tribun Ruffus, au détriment de cette j)lèbe qui
avait eu la naïveté de croire à sa droiture ? Mais conti-
nuons : « Son penchant le portait aux plaisirs , son indo-
«r lence au repos, son intérêt aux affaires. Il était plus
» hardi qu'habile , plus ambitieux que politique, plus ca-
» pable de former de pernicieux desseins que de les con-
» duire. » Comme style, ce jugement est remarquable ;
mais oe qui suit va venir à rencontre. « Quelque chose
» d'étonnant, c'çst le talent qu'il avait de se faire des
* amis et de les cultiver. En toutes rencontres, on le
» voyait prêt à partager avec eux soa crédit , son argent ,
» ses jomssances et les fruits de ses crimes. » Les chefs de
l'Etat, Cicéron comme les autres, n'étaient-ils pas trois
fois coupables, si Catilina commettait des crimes, de le
laisser Jouir en paix de leur résulat? Evidemment, le grand
phraseur fait ici de la réthorique, selon son habitude,
ff Accoutumé, ajoute Cicéron, à se plier aux circonstances,
» il se montrait réservé avec les gens sérieux , gai avec les
* enjoués, grave avec les vieillards, complaisant avec la
» ieunesse, hardi avec les scélérats, débauché avec les
» libertins. Un caractère qui se développait sous tant de
» faces différentes devait séduire , non -seulement les
» hommes pervers, mais quelques honnêtes gens, éblouis
«*par de faux dehors. »
En faisant de Catilina un Alcibiade., Cicéron eut dd voir
qu'il en faisait un homme supérieur. Au surplus , ÇatiUna
sut ralUer la plus brillante jeunesse de Rome , et il eut
l'audace inouïe , pour son époque , de soulever la question
des femmes, chez lesquelles il trouva un grand appui.
Sempronie, douée d'une voix délicieuse et d'une ravissante
beauté, Sempronie-, l'épouse de Junius Brutus, fit pour
lui une active propagande , mettant à son service Tintelli-
gence la plus remarquable et la mieux cultivée. Appuyé
par le peuple et par une aristocratie jeune, et intelligente ,
Catilina demanda le consulat. Les vieux conservateurs,
ceux qui devaient perdre Rome, lui opposèrent Cicéron,
que Ibmtesquieu a si bien jugé, en (Usant de lui, qu*il
656 PHILOSOPHIE
avait des parties admirables pour un second rôle y mais
qu'il était incapable d'un premier; qu^il avait un beau
génie y mais une âme commune ; que la vertu était chez lui
raecessoirCy et qu'il ne voulait sauver la République que
pour s'en vanter.
Cicéron remporta, et Catilina dut songer à une autre
voie que la voie légale et régulière.
Quel était son but ? L'histoire se tait à cet égard ; mais
s'il est impossible de croire au projet qu'on lui a prêté , de
vouloir incendier Rome pour régner ensuite sur des ruines,
il n'est pas difficile de comprendre que cet homme , repré-
senté comme vicieux et intelligent, avait dû précisément,
par suite des écarts de sa jeunesse, toucher à toutes les
difficultés sociales du temps. Jugeons-le donc par ses actes.
S'il entretenait des liaisons avec les paysans errants et
malheureux de TElrurie, comment croire qu'il ne leur
avait point promis des terres à labourer ?
S'il était en rapport avec les propriétaires italiens dé-
possédés par Sylla , n'était-ce pas une preuve qu'il devait
tendre à leur restituer leurs patrimoines en tout ou eu
partie ?
S'il cherchait à s'appuyer sur les villes d'Italie qui ne
jouissaient pas encore du droit de cité , c'est qu'évidem-
ment il voulait se faire le représentant do leurs intérêts et
de leurs besoins.
. Eût-il eu pour lui les colonies romaines d'Italie, sans
des inotifs semblables ?
La plèbe de Rome, si cette plèbe n'avait compté sur
quelque chose d'analogue à la loi Licinia et sur des travaux
publics ?
Les femmes du monde élégant , s'il n'avait eu pour but
de briser la puissance trop absolue des pères et des époux
telle qu'elle était alors constituée ?
Les jeunes gens de l'aristocratie, s'il n'avait flatté leur
ambition par la possibilité de jouer un rôle à Rome et
dans toutes les cités qu'il se proposait de créer, et s'il ne
leur avait fait comprendre les dangers de l'avenir ?
Tous nos lecteurs connaissent la fin de celle histoire :
Cicéron eut l'habileté de faire éclater une conspiration qui
BU SIÈCLE. 6S7
était dans Tesprit de la masse , mais dénuée d'(^ganisation.
Catilina, forcé de quitter Rome, dat prendre les armes et
sut mourir courageusement.
César avait trente-sept ans quand il se résolut à tenter
la fortune. Politique, adresse, discrétion, piudenee, con-
naissance des hommes, force physique, talent oratoire,
génie militaire , rien ne lui faisait faute : c'était un homme
accompli. Une générosité fabuleuse , un grand dévouement
à ses amis, un courage à toute épreuve faisaient oublier
ses mauvaises mœurs. Gendre de Ginna , Tancien coadju-
teur de Marius, il connaissait parfaitement les grandes
questions sociales qui avaient agité Rome. Au lieu de se
proposer leur solution pour but, il n'y vit qu'un moyen
d'assurer sa fortune , plus disposé à vivre au jour le jour,
en faisant le nécessaire sous ce rapport, qu'en risquant son
avenir pour réaliser les réformes qui pouvaient sauver la
République. 11 est vrai de dire de lui qu'il eut moins de
souci de faire régner la justice que d'assurer sa puissance ,
et qu'il fut d'une intelligence assez élevée pour faire , par
égoïsme, le bien des peuples. C'était, d'ailleurs un esprit
libéral chez lequel ime éducation laborieuse avait cultivé
avec grand soin les plus rares facultés naturelles, ilfoins
juste et moins vertueux que les Grecques, il possédait par
ailleurs toutes leurs qualités ; aussi a-t-il continué leur
œuvre en la rétrécissant selon la mesure de ses intérêts
personnels et d'une prudence qui savait mieux attendre et
dissimuler. On a dit de lui qu'il était sorti vainqueur d'une
révolution où de grandes choses avaient péri :. c'est une
erreur. Depuis la mort des Gracques , la République «'exis-
tait plus que de nom : César n'a vaincu que l'aristocratie à
laquelle il s'est substitué. Sa faute n'est point de s'être fait
dictateur, mais de n'aVoir pas tiré de sa dictature tout le
bien possible en relevant partout les vaincus , en suppri-
mant les castes qui persistèrent dans les cil^ gauloises,
en organisant démocratiquement les pagus ou cantons
ruraux , en peuplant les campagnes de citoyens libres , en
réduisant l'esclavage à une simple domesticité ;' sa faitte,
c'est de, n'avoir point assuré Rome à tout jamais contre les
dangers de l'oisiveté , si nuisible aux riches et à la plèbe ;
27*
638 PHILOSOPHIE
et cependant que de choses en germe dans ses premiers
actes! Aussi a-t-il été assassiné parles successeurs
politiques de ceux qui avaient fait périr les Gracques.
Crassus et Pompée se préparaient à lui fermer la route :
il eut le talent de les réconcilier et de s'unir à eux pour
partager le pouvoir. — Â peine consul , il proposa de divi-
ser des terres de Campanie entre vingt mille familles pau-
vres. Galon et la plupart des sénateurs furent assez égoïstes
et assez maladroits pour s*opposer à cette mesure , qui était
toute dans l'intérât des riches eux-mêmes. César ne pou-
vait désirer mieux : ses ennemis lui firent un piédestal, et
le peuple le considéra comme son sauveur. En lui , disait-
on , revivaient les Gracques et Marins. — Pompée pouvait
lui échapper : il le retint en lui donnant sa fille en mariage.
Désireux de se débarrasser de Gicéron, homme mordant
et satyrique , plus dangereux peut-être par ses épigrammes
que par ses discours, il lui opposa Glodius, qui fit exiler
le célèbre orateur; puis il se nt donner pour cinq ans le
gouvernement des Gaules cisalpine et transalpine » avec
quatre légions, dans le but évident de se créer une force
militaire qui put le conduire à l'accomplissement de ses
desseins. Caton le devina, le dit et ne fut ni cru ni écouté.
Caton du reste était un rêveur pour son temps ; il s'était
fait de la vieille République une utopie irréalisable. Son
esprit étroit et sévère avait compris certaines choses du
stoïcisme ; mais il ne s'était pas élevé à la conception si
simple et si remarquable de l'idéal politique des Gracques,
d'une république presqu'entièrement composée de labou-
reurs dont tous les membres travaillant pour vivre, eussent
été préservés , par leurs occupations, des vices de la Rome
du dernier siècle.
Pompée, César et Crassus avaient besoin les uns des
autres : ils s'unirent pour cinq années , pendent lesquelles
César fut continué dans dans son commandement.
Crassus ne tarda point à périr dans une guerre contre
les Parthes , et Pompée devint le maître de Rome. César,
en moins Ue dix ans, s'était formé une armée très aguerrie ;
il avait dompté les Helvètes, vaincu Ârioviste et ses Ger-
mains, subjugué les Armoricains et les Belges. Deux fois
BU SIÈCLE. 639
il avait passé le Rhin ; deux fois il s'était montré en Crande-
Bretagne. Il avait pris et repris huit cents places, asservi
trois cents cités et combattu successivement contre trois
millions d'hommes. Il répandait à Rome Tor à pleines
mains, savait se rappeler au peuple dont il était Tespé-
rance ; tandis qu'il achetait les sénateurs et les fonction-
naires. Pompée , dont la femme était morte , eut voulu le
forcer à rentrer dans la vie privée ; mais César avait pour
lui le tribun Curion, qui proposa de continuer ces deux gé-
néraux dans leurs gouvernements ou de les révoquer l'un
et l'antre. Pompée , qui disposait dés hauts fonctionnaires
et du sénat, crut que l'armée de César tournerait en
sa faveur el ne voulut entendre à aucun accommodement.
Cdoi*ci passa le Rubicon , et Ton sait le reste.
Vainqueur en Italie , puis en Espagne , où il se pressa
d'anéantir les ressources de ses adversaires, il défit Pompée
à Pharsale et le poursuivit en Egypte où ses amours avec
Cléopatre mirent en danger sa fortune. Ce fut dans cette
guerre que fut brtllée la première bibliothèque d'Alexandrie.
Ayant établi Cléopatre sur le trône. César attaqua Pharnace,
roi de Pont. La victoire ne se fit pas attendre : « Je suis
venu, j'ai vu, j'ai vaincu, » écrivait-il à cette occasion à ses
amis de Rome. — A son retour dans cette ville , ce grand
homme, qui avait eu la générosité de brûler les papiers
de Pompée, qui eussent compromis tant de sénateurs , se
signala par la modération la plus exquise : quelques-uns.
même de ses ennemis eurent part à ses faveurs. Il sut
obtenir par l'humanité et la grandeur de son caractère,
cette soumission que Marins el Sylla n*avaient trouvée qu'en
VCTsant des flots de sang. Rappelé en Afrique et en Espagne,
par la guerre civile, il revint à Rome aussi généreux que
par 1« passé. Il fut assassiné à Tâge de cinquante-six ans ,
peu après avoiï* fait la conquête du monde. — Ses préten-
tions étaient d'abord assez bornées: il ressort de sa yie
qu'il tt'aspii^ au pouvoir impérial qu'après la victoire de
Pharsale. &>ii ambition augmenta naturellement avec ses
succès.
Le caractère le phis saillant de s^a politique, ce^ut'l''appui
qu'il donna aur vaincus. S'eûtourer d'Espagnols, de Gau-
640 PHILOSOPHIE
lois, d*hommes de toutes les parties du monde, c'était
assez dire que l'empire romain allait devenir pour lui
l'empire universel, et que Rome s'appuierait à l'avenir
bien moins sur la force du sabre que sur la combinaison
des grands intérêts des Espagnes, des Gaules, de la Grèce
et de l'Asie , désormais associées à l'Italie. La mort qui le
surprit a peut-être singulièrement retardé la fédération des
anciens peuples romains.
Octave , son petit neveu , lui succéda sans le remplacer.
Les moyens d'une politique mesquine furent ceux qu'il
employa pour suppléer au génie de César et parvenir à
Tempiro , dont il ne fut maître que dans la vingt-neuvième
année avant notre ère. Ainsi fut unifié ce monde au sein
duquel l'empire spirituel du christianisme allait se mani-
fester. Octave, laissant de côté les grandes pensées de son
oncle , se montra l'ennemi de tout aiîranchissemenl. Pour
vaincre Antoine, qui voulait continuer la politique césa-
rienne et paraissait disposé à transporter le siège de Tem-
pire à Alexandrie , il convenait peut-ôtre da faire appel aux
jalousies patriotiques de la vieille Rome : il le fit et sut
exploiter les passions et les préjugés. Il fonda dans les
Gaules de nombreuses cités : c'était bien , sans doute ;
mais sa politique eut été plus sage si elle avait été plus
élevée. — Le bien-être des conquis demandait un aflran-
chissement général qui l'eut dispensé de se soumettre au
joug du militarisme.
DES GBRMÂIIfS.
Il nous reste à faire connaître les peuples qui devaient,
en se mélangeant aux Gallo-Romains , prendre avec eux
la plus grande part au développement des civilisations chré-
tienne et scientifique. Nous avons aussi à relever une
erreur très-grave et peut-être volontaire de GuÎ2ot> qui,
copiant çà et là des fragments du livre des mœurs des
Germains par Tacite, et laissant de côté les faits les plus
saillants de ce tableau de maître , a comparé très à tort les
BU SIECLE. 641
vainqueurs de Rome aux peaux*rouges et aux sauvages de
notre siècle.
Tacite décrit ainsi le lieu géographique de ces peuples,
si connus sous les noms spéciaux de Bourguignons, d'Alle-
mands , de Suèves , de Gotbs , Visigoths , Alains et Van-
dales , de Saxons et de Francs.
L'aïu^ienue Germanie était séparée des Gaules, de la
Rhétie et de la Pannonie par le Rhin et le Danube ; à
rOrient , des Daces et des Sarmates, par une crainte mu-
tuelle et des montagnes; au Nord, elle était bordée par
une mer formant des lies et de larges golfes. — Ce pays
est triste, froid, humide, mal cultivé, peu délectable
pour des yeux habitués aux paysages d'Italie , d'Afrique et
d'Asie.
Les Germains ont pour annales d'andeiines poésies qui
attribuent l'origine de leur nation au dieu Thuiston et à
Manou, son fils.
Us ont des chants de guerre composés par leurs bardes ,
qu'ils entonnenfcen ttardiant au combat. Us tiennent pour
assuré que la manière dont ils les entorment est prophé-
tique ; que le chaut les intimide , ou effraie l'ennemi ,
selon ce qui doit arriver ; aussi ce chant est-il moins un
accord de voix que l'expression de la vertu commune de
tous. Antique et singulier témoignage de cet esprit huma-
nitaire qui nous fait, eu certains cas, penser et sentir
comme un seul être, comme les membres d'un être collectif
dont nous n'avons encore que le pressentiment !
Les Germains , ajoute Tacite , forment une nation pure
et vierge d'unions avec .les autres peuples ; ils ne ressem-
blent qu'à eux-mêmes. Tous pareils de figures et de formes,
ils ont les cheveux blonds , les yeux verdis et pleins de
fierté; le corps grand, mais mou à la fatigue; ils ne durent
ûi à la peine, ni à des travaux persévérants, ni au chaud,
ni à la soif. Leur ciel et la pauvreté de leur sol les ont
habitués au froid et à la misère. Leur contrée renferme
d'immenses forêts et de grands marécages ; les arbres frui-
tiers n'y réussissent pas. .Leur bétail est abondant, mais
chétif. S'ils O0t des mines d'or et d'argent, ils ne les
exploitent pas, j
643 PffiLosopfliE
Passons maintenant aux faits principaox, à ceux qui
constituent une civilisation véritable. Que nous dit Ta-
cite?
Les Germains ont une môme langue.
Leur clergé, très -influent, commande au nom des
dieux.
' Leur culte est , à peu de chose près , celui des druides.
Les prêtres président aux assemblées dont ils ont la direc-
tion entière (nouveau trait de ressemblance avec le clergé
gaulois).
Les femmes sont singulièrement respectées ; les Ger-
mains pensent qu'elles ont le don d'inspiration et de pro-
phétie. Chez ce grand peuple , on ne rit pas de l'adultère ,
on ne plaisante pas du vice. Le femme .coupable ne trouve-
rait jamais un mari ; sa punition est immédiate : on lui
coupe les cheveux et on la chasse du foyer conjugal. Il y
y a des communes où les femmes ne se marient qu'une
fois. Comme elles n'ont qu'un corps , qu'une vie , elles
n'ont aussi qu'une pensée , qu'un amibr. m
Chaque mère^nourrit ses enfants.
Les pères et mères ne distinguent pas entre leurs neveux
et leurs propres enfants : ce qui est un lien de plus dans
les familles. — Tacite eut pu ajouter : « Ce qui contribue à
faire de la commune une famille véritable. »
On s'attache à prolonger les enfances et à retarder les
mariages, dans le but d'aroir une race plus morale et plus
vigoureuse.
La terre est commune entre les hommes libres : chacun
en prend ce qu'il faut à ses besoins.
Les esclaves sont libres , une fois leur redevance payée :
ce sont de simples fermiers. Aussi les affranchis sont-ils
sans importance.
L^s enfants de ces fermiers sont élevés avec les enfants
des homfties libres.
Tout citoyen est membre de la commune ; il doit porter
les armes , et participe aux délibérations de la circonserip-
tion territoriale dont il fait partie.
Les Gemuiins jouissaient donc, au premier siècle de
notre ère , de la véritable institution du mariage. Leurs
DU SIÈCtE. 645
fermiers ou travaiUeurs étaient plus heureux que chez les
autres peuples, et leur commune, moins parfaite, sous
un rapport, que la synagogue juive, qui recevait en son
sein Itss femmes et les enfants, était politiquement plus
avancée, puisqu'elle formait une fraction déterminée de
Tétat ou grande commune sociale.
Voilà des faits que Guizoi a passé sous silence ou qu'il a
sciemment dénatura. Ils nous montrent, dans les Ger-
mains, le plus grand des peuples de ce temps.
TROISIEME PÉRIODE.
CIVIilSÀTION GHBÉTIBICNB.
La science grecque d'Alexandrie et sa philosophie ; la
religieuse pensée des Juifs et surtout, des Juifs esséniens ,
d'un empire universel et spirituel des Ames; la famille ger-
manique ; la situation des serfs germains , qui étaient de
véritables fermiers ; la synagogue juive ; la commune ger-
manique el la cité romaine ou département ; la circulation
romaine représentée par la navigation méditerranéenne ; les
routes, les postes et les rouages administratifs de l'em*
pire : voUà , au premier siècle , les éléments de progrès
du QKmde occidental. — Kous essaierons de faire com-
prendre comment ils se sont mélangés, combinés, per-
fectionnés ou détériorés.
Au milieu de cette société formée d'éléments si dispa-
rates, le sentiment d'une rénovation prochaine et né-
cessaire préoccupait les esprits. — Les uns espéraient
qu'une réforme philosophique unifierait et rajeunirait
les vieux cultes en les retrempant dans les souvenirs de
leur passé; d'autres comptaient davantage sur Tmconnu.
Les nches se livraient à toutes les orgies de gens blasés et
corrompus : toute servilité leur allait , pourvu qu'elle assu-
rât leur puissance et leurs jouissances. Habitués à courber
644 FHILOSÛPHIB
la tâte comme des roseaux au moindre soufEie de la volonté
des césars ou de leurs proconsuls, ils étaient impuissants
à rien entreprendre. Les savants eux-mêmes semblaient
partager les prévisions populaires.
A chaque instant , des nommes nouveaux sortaient de la
foule. Apôtres de l'avenir, chacun avait son secret pour
sauver le genre humain. Ces Zoroastre, ces Orphée, ces
Moïse méconnus apportaient tous une bonne nouvelle pour
les malheureux et les opprimés. Us devinrent excessive-
ment communs, assez pour inonder l'empire de leurs bibles.
L'Egypte , la Syrie , la Chaldée , possédaient le privilège
d'approvisionner l'Orient , la Grèce , l'Italie , Rome surtout,
de rénovateurs aussitôt oubliés que connus.
Au-dessus des voix secondaires, s'élevèrent de l'Asie
deux grandes paroles : l'une explicative du passé , l'autre
mère de l'avenir. La- première, pleine de science, avait
nom Appollonius de Thyane; sa légende mérite d'être
rappelée. Ce philosophe pythagoricien parcourut le monde,
allant de temple en temple , pour expliquer aux prêtres du
polythéisme l'unité de leur religion. Partout il fit, dans le
culte, les plus grandes réformes. La sainteté de sa vie, la
pureté de ses mœurs, son régime tout végétal, son costume
qui était une simple tunique blanche de lin ou de coton,
en imposaient singulièrement; et puis, nous dit son histo-
rien, les dieux, en raison de sa vertu, lui accordaient le
don des miracles.
A'Ephèse, il expliquait au peuple les mœurs des oi-
seaux : a Ceux-ci, dit-il, ne sont point en guerre comme
les hommes; ils sont frères. Ecoutez ce moineau : il
annonce à ses camarades qu'un sac de grain vient de se
délier près, du marché, que le blé est resté sur la place;
entendez-vOus qu'il les invite à en prendre leur part ? »
Aussitôt le peuple d'Ephèse d'y courir. Le fait était vrai,
aussi revint-il en foule, ravi d'admiration, écouler la sainte
parole du disciple de Pythagore et des Brahmanes. Une
autre fois , à Rome , une jeune mariée venait de mourir ;
oh' la portait à sa demeure dernière : il s'approche et lui
prend la main. 0 merveille ! elle se lève et revient au toit
conjugal avec son époux. Le père accable Appollonius de
BU SIÈCLE. 645
présents ; mais rhomme des dieux ne jpeut les accepter : il
les remet à la mariée. — Eu Egypte , il prédit leur gran-
deur à Vespasien, puis à Titus. — Plus tard, il. écrit à ce
dernier une lettre sévère, àToccasion des libertés grecques,
qu'il avait restreintes. — Athènes l'entendit prêcher contre
le luxe et les débauchés. — Sparte fut rappelée par lui à
son antique vertu et accepta ses conseils. — Â Babylone,
il fut l'ami des images et du roi. — Dans Tlnde, le roi
Taxile le traita avec les plus grands égards , et lui fournit
des guides et des moyens de transport pour se rendre chez
les Brahmanes. Ceux-ci le reçurent comme un égal. Des faits
merveilleux manifestèrent sa présence et il s*instruisit de
lopinioa des sages les plus vénérés. Archias, leur chef,
lui répéta que les lois de la nature gouvernent le monde
moral ; que la prophétie n*est, comme l'art de la médecine,
qu'une prévision scientifique. — En Egypte , il rappela les
gymnosophistes au respect qu'ils devaient à leurs aînés,
les Brahmanes. Il avait rempÛ le monde romain de la re-
nommée de sa sagesse, lorsque Domitien le fit venir devant
lui.
Quatre interrogations lui furent faites :
— Pourquoi , lui dit l'accusateur, ètes-vous si étrange--
ment .v$tu ?
— Parce que , répondit Appollonius , la terre qui me.
porte et me nourrit peut aussi me fournir le vêtement.
— Pourquoi souffrez-vous que Ton vous appelle Dieu ?
— Parce que, répondit le philosophe de Thyane, c'est
une coutun)^ , chez les sages , d'appeler divins ou enfants
de Dieu , les gens de bien.
— Comment avez-vous prédit une peste à Ephèse ?
— Je vis, répondit le pythagoricien , en me conformant
à une règle étroite et sévère, et je lui dois cette prévoyance
qui m'a permis de reconnaître l'infection graduelle de
l'air. Je pourrai, 6 empereur, si cela vous agrée, vous faire
connaître les sources de mes pressentiments.
'— Ce sera pour une autre fois, lui dit Domitien qui
craignait qu'il n^attribuât cette peste aux iniquités de son
règne.
Après avoir.fait une longue pause ; — Dites-moi, Appol-
646 PHILOSOPHIE
loniuSf reprit raccusateur d'un ton plus doul, quand êtes-
vous sorti de nuit de chez tous , pour immoler un jeune
homme , et dans quel but ?
— Prenez garde , répondit le Thyanien , que si je suis
accusé d'ôtre sorti de chez moi pour un sacrifice de cette
nature, il faut que ce fait me soit imputé par des ^ens
honorables.
Il prononça ces paroles en mattre qui reprend un enfant,
et tous les assistants parurent lui applaudir. L'influence ée
cette commune opinion réagit sur l'empereur. — Je tous
absous , dit-il à AppoUonios ; mais tous resterez quelque
temps ici , car j'ai besoin de tous parier.
— Je TOUS remercie très humblement , répondît le sage ;
mais TOUS saurez que nos Tilles sont ruinées par les domi-
nateurs ; que nos lies regorgent de bannis ; que les grandes
terres sont remplies d*ennuis et de tristesse ; que les ar-
mées sont pleines de doutes , le sénat de défiances. Aasi-
gnez-moi donc quelque lieu où je puisse déposer mm
corps. Quant à mon ftme, tous n'aTez la puissance de
l'arrêter, et mon corps lui-même , 6 empereur, peut tous
échapper. — A ces mots , il disparut à tous les yeux, prou-
Tant ainsi sa puissance.
Il reparut depuis ; se montra à ses disciples qui le pri-
rent pour un fantôme ; déposa le Uttc de sa doctrine dans
la Tille d'Antium ; annonça la mort de Domitien et l'élôfa-
tion 'de Nerya ; écririt au nouTel empereur, son ami, en
lui prédisant la courte durée > de son règne , et disparut ;
{mis il reparut encore pour enseigner à un jeune homme
'immortalité de l'flme. Nul ne sait, ajoute sa légende ^ où
sont déposés ses restes, et les empereurs ont tcmiIu qn*on
hii rendit les mêmes honneurs qu'il est selon la coutume
de leur accorder.
Cette histoire si curieuse a été recueillie par le rhétear
Philostrate, l'ami de la belle Julie, cette femme distinguée
dont l'époux, Septime SéTèro, arait sur ses tablettes,
les bustes de Socrate, de Platon, d'Appollonius et du
Christ
ATant de parler de la seconde Toix , de la Toix d'aTenir
qui s'éleTa au premier siècle de l'Orient, analysons, en
DU SIÈCLE. 647
quelques lignes, Tétai des esprit personoifié par les plus
grandes célébrités du temps : Dosithée, Simon le magicien,
Quintus Sextus, Philon le juif, Séoàque et les essé-
niens. '
DosiTHÉB pratiquait les règles de vie des saniasis et des
samanéens de Tlnde ; il eut beaucoup de partisans à Sa-
niarie. Ses croyances étaient au fond les mêmes que celles
d'Appollonius le pythagoricien, mais greffées sur le ju-
daïsme :
La circoncision et la pratique du sabbat;
Le jeûne et la diète végétale ;
La sapériorité da célibat ;
La résurrection et le jugement des Ames :
Toilà les points fondamentaux de sa doctrine.
SiMOif LE KioiGiBn, son disciple, alla plus loin.
n se disait la parole divine : aussi promettait*il une se-
conde vie et le salut par la grâce de ses mérites. Pour être
sauvé , il fallait croire en lui.
Comme Platon et TEgypte, il ensei^ait un Dieu créateur
de puissances secondaires, desquelles dérivaient les imper-
fections des choses créées.
Parmi ces puissances, il avait le rôle principale II accor-
dait aux hommes un cettain temps pour faire pénitence ;
après quoi le monde serait détruit , sans qu'il y eut de sa-
lut pour d autres que les croyants.
Philon, juif de naissance, habitait Alexandrie. »0n le
surnomma le second Platon.
n enseignait la doctrine du verbe et de la trinité.
Il ne voulait pas que les masses fussent initiées à une
philosophie supérieure à leur entendement.
. Il accordait aux écritures un sens apparent et un sens
caché, mais très-réel.
Sa morale , quoîqu'antérieure , ne diffère . en rien de la
moraie du Christ.
Qomrus Sextus vivait vers le même temps ; il était
stoïco-pythagoricien. Il précéda Appollonius et le Christ.
U prêchait la diète végétale, par réaction contre les jeux
du cirque et la cruauté romaine ;
La suppression des sacrifices d'aniniaux ;
Ç48 PHILOSOPHIB
L'examea de conscience pour chaque jour de la yie , à
la manière de Pythagore ;
I^es mortifications dt? la chair ;
La trinité ; ^
L'immortalité de TAme et la résurrection ;
Les peines ou récompenses d'une autre vie.
L'austérité de ses mœurs et ses enseignements lui valu-
rent d'être persécuté à Rome.
Séjhèque enseignait sur la vie universelle « sur le sys-
tème du monde « sur les pli^ hautes questions de philoso-
phie, les doctrines de Pythagore, rudiments de celles de
notre siècle. Néron le fit mourir. Ses livres sont postérieurs
aux prédications du Chiist.
Les esséi^ibns pratiquaient :
La chasteté , la réserve dans le langage , la pureté phy-
sique et morale.
Us mangeaient assez exclusivement des produits du
règne végétal.
Us voulaient l'adoration d'un Dieu, 'Ame du monde, esprit
et vérité. — Tous, ou presque tous, renonçaient au mariage.
Us se réunissaient en des banquets mystiques, véritaMes
orgies spirituelles consacrées au bien , à l'idéal. *
Ceux des villes vivaient en commun , s'interdisaient le
commerce , qu'ils considéraient comme un parasitisme , et
se livraient à une foule de pratiques mystiques qui les
conduisaient fréquemment à l'extase.
Au milieu de ces doctrines, d^à si convergentes et au
fond si chrétiennes, cinq ans avant la date assignée par
erreur à notre ère , Jésus naquit à Bethléem.
Notre philosophie, d'accord en cela avec Vôs croyances de
notre pays, laissera de côté l'ensemble de sa vie, pour en
exalter, oomme il convient , les plus saintes pages et rappe*
1er avec respect les enseignements qui ont déterminé, -dafis.
le monde moral et intellectuel, cette révolution appelée
le développement du christianisme.
S'il y a iamaîsieu.un acte de grandeur et d'audace, de
religieux dévouement et d'abnégation poussée jusqu'au
plus divin héroïsme ^ c'est celui de Jésus consacrwt près
BU SIÈCLS. 649
de trois aimées à disséminer, siir tous les points de la Ju-
dée, la prédication et l'enseignement de sa doctrine.
Laissant la voie des Orphée , des Pythagore et des sages
de l'Egypte et de Tlnde , qiii exigeaient le choit des disci-
ples et de longues préparations , il s'adresse de suite aux
plus humbles des ouvriers, en versant sur les déshérités
de la science et de la fortune , les trésors de son amour.
Il parcourait les synagogues de Galilée , annonçant la
b(»)ne nouvelle de la venue du règne de Dieu. Il guérissait
les maladies de langueur, les paralytiques, les hypocon-
driaques, les lunatiques et beaucoup de ces extatiques qui
se croient possédés du démon. Ces guérisons produisaient
sur le peuple une impression merveilleuse : aussi lui venait-
on de Jérusalem, de Galilée, de Judée. Sa réputation était
grande même en Syrie.
En retournant de Judée en Galilée, Jésus passa par le
pays de Samarie et s'assit près du puits de Jacob. Une
Samaritaine étant venue puiser de Teau , il lui demanda h
boire. Son observation qu*elle était Samaritaine ou excom-
muniée ne l'arrêta point , et il entreprit sa confversion , lui
enseignant qu'il faut adorer Dieu en esprit et en vérité ,
parce que Dieu at esprit. Cette femme fut très-frappée
de ce discours, et en rentrant à la ville, elle en parla.
Plusieurs Samaritains sortirent, vinrent à Jésus et l'enga-
gèrent à pas3er quelques jours avec eux , ce qu'il accepta.
A son départ, beaucoup se trouvaient convertis à la 'nou-
velle religion et crurent qu'il était le Christ annoncé par
les prophètes. Lui-même, nous dit l'Evangile, le déclara
hautement et fit connaître sa mission.
Ce fut dans la deuxième année de ses prédications qu'il
prononça le sermon sur la montagne, qui ne se trouve
bien complet que dans l'Evangile syriaque. Le Christ, dans
cet admirable discours, si neuf de morale pour la masse
des Juifs , promet à tous les bons cœurs , le bonheur en
Dieu : malheureux en cette vie, ils auront, après la mort,
un ample dédommagement.
Il défend de venir faire offrande à l'être suprême, si préa-
lablement on ne s-est réconcilié avec son frère.
Il attaque vivement l'adultère; il ne veut pas que l'on
650 PHILOSOPHIE
regarde arec convoitise la femme de son voisin. Il attaque
et proscrit le divorce, traitant d'adaltère lliomme qui
épouse une femme divorcée. Cet admirable chapitre se ter-
mine par cette prescription : « Aimez vos ennemis, bé-
nissez ceux qui vous maudissent , faites du bien à ceux qui
vous haïssent, priez pour ceux qui vous outragent et vous
persécutent, soyez parfaits comme est parfait votre père
qui est aux cieux. » — Ce dernier paragraphe était à lui
seul la négation de toutes les traditions mosiaques^ Taboli-
tion virtuelle de toutes les religions connues du vulgaire
dans les pays occidentaux. Avec une pareille doctrine, plus
de guerre possible, plus d'exploitation de rhomme par
rhomme , plus de persécutions , plus de réactions.
En 1769, on a publié, à Lonares, im volume de deux
cent quarante pages, contenant une collection d'anciens
évangiles extraits de Grabius «t autres savants des premiers
siècles. Nous eussions pu , laissant de côté les documents
acceptés comme orthodoxes, puiser aussi dans ceux-ci,
pour raconter la vie du Christ ; mais il nous a semblé que
cette manière d*agir ne conviendrait ni à la dignité de nos
lecteurs , ni à là gravité de notre caractère. Notre rôle n'est
nullement de mettre en doute l'existence du fils de Marie,
ni de chercher à amoindrir sa mission, la {lus grande
qu'ait jamais accomplie sur cette terre le dévouement et la
vertu. Nous avons pour devoir d'apprécier son œuvre, en
dehors de ce qui touche au surnaturel ; et nous le faisons
selon notre croyance , en mettant de côté la divinité de sa
personne, mais.bien convaincu de la divinité de sa mission
si providentielle ; évitant avec soin de déprécier ni la gran-
deur de son caractère, ni la sainteté de sa vie, ni ce qu'il
y a de pur et de céleste dans ses enseignements. — Quant
i ceux qui ne voient qu'une faWe dans l'histoire du Christ,
ils devraient comprendre que, même en tenant leur opi-
nion pour vraie , cette fable aurait exercé sur les peuples la
^mj|g)dMa£ki«nfiQ^m^ si elle avait été le récit de faits authen-
^"""TKiques ; qu'elle agirait par suite, à peu de chose près, la
même valeur historique et philosophique pour les chefs
des nations et pour leurs administrés. -^ Ces motifo nous
ont empèdié de comparer entre eux les quatre Evangiles,
DU 6IBCLB. 651
pour discuter leur autorité relative et régler leur ooncor-
dance. A quoi bon ce travail , où l'esprit de parti eut pu
Yoir de la malveillance lorsqu'il s'agissait uniquement, à
nos yeux, d'en faire comprendre les enseignements et de
mettre uos lecteurs en position de bien juger l'influence
qu'ils ont dû exercer sur le développement de nos sociétés
modernes.
Le point de départ de la troisième année de la prédica-
tion du Christ ne se trouve nulle part clairement indiqué.
Les principaux événements qui la concernent sont une série
de guérisons miraculeuses, l abandon de quelques-uns de
ses partisans , ses prédications dans le temple « sa fuite , le
choix qu'il fit de soixante-douze disciples et son retour à
Jérusalem.
11 n'est besoin de reproduire ici la grande scène de la
femme adultère , ni l'admirable parabole du Samaritain.
— Ces deux grands souvenirs vivent à bon droit dans tous
les esprits et dans tous les cœurs; ils sont le plus expressif
enseignement de la doctrine chrétienne. L un, c'est le
pardon de la loi nouvelle dans toute sa plénitude. L'étroite
et brutale justice des Juifs admettait la vengeance et Vex-
piatiou par la peine ; mais elle ne comprenait rien à la
réhabilitation des Ames repentantes que la conscience et le
regret d'une faute peuvent relever soudain presque à la
hauteur de l'innocence même ; et quant au Samaritain ,
cette parabole complète l'enseignement dogmatique^, du
Christ. — Il avait brisé les vieux sanctuaires, il achève, son
œuvre et détruit les vieux sacerdoces. Quelle valeur restait
à tous les rites des anciens cultes, en face de cette parole :
« Adorez Dieu en esprit et en vérité 1 la religion , c'est la
charité! » Et voici que, comme applicatioa et comme
exemple , Jésus pose en présence un sacrificateur, un lévite
et un samaritain; c'est-àdire, selon l'ancienne loi, deux
prêtres et un excommunié. £h bien » cet excommunié fait
œuvre de charité, et le Christ le déclare^ c'est celui-là qui
est le ministre de Dieu , qui est investi du vrai. sacerdoce.
Nous ne redirons ni cette scène si touchante dans la^
quelle le Christ.lava les pi^ de ses apûtres eâ leur ensei-
gna l'humilité , ni cette autre, plus. .caractéristique encore ,
653 PHILOBOPHIB
dans laquelle il leur préseata le pain et le vin qu'il Tenait
de consacrer ; mais nous rappellerons renseigûement qui
suivit la première , et les faits qui succédèreot à la seeoiKle.
— Ce fut après avoir lavé les pieds de ses disciples qu'il
leur adressa ces tpuchantes paroles : a Aimet-voui Us km
U$ autres comme je vous ai aimés , a et qu'il leur reparla
longuement de Tunité de Dieu et de son verbe.
On a souvent mal compris , à notre sens , la résurrection
chrétienne. Jésus n'a point enseigné que nous devons
ressusciter en corps charnels et en âme ; mais bien que nos
corps seront transfigurés et que les hommes seront alors
wnme Us anges de Dieu. Le Jour où il enseigna cette doc-
trine « il dit aussi : « Voici le premier commandement:
ji Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coBor, de
» toute ton âme , de tout ton esprit ; » et il ajouta :
c( Voici le second commandement , qui est semblable au
» premier : Tu aimeras ton prochain comme toiHoaèine.
» Ces deux commandements résument la loi et les pro-
n phètes. »
D'où cette conséquence :
On sert Dieu par la fraternité ; on remplit la loi et les
prophètes par la (raternité; on est assuré de tout sur cette
terre, nourriture, abri, vêtement, par la fraternité qui
nous oblige tous au travail. On obtient, par la frateroilé,
le règne de Dieu dans ce monde, et la vie des bienheiiHeia
dans une seconde existence.
Ne voulant laisser aucun. doute à ses apôtres sur ce point
de sa doctrine, il revint sur ce sujet peu de temps avant
sa mort, à l'occasion dp jugement dernier. « Aee jonr,
Dieu , dit^il , dira i ses élus : » J'ai eu faim , et vous
» m'avez donné à manger-, j'ai eu soif, et vous m'avez
» donné h boire ; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli;
» j'étais nu, et vous m'avez vêtu; j^étaiç malade, et vous
» m'êtes venu voir; j'étais prisonnier, et vous m'avez vir
M. site, n Alors les j^u^tes diront : « Quant est-ce, Seigneur,
» que nous vous avons, vu souffrir de toutes ces misères ? »
Et le roi des cieux répondant, leur dira : « Lorsque vous
» avez fait ees choses à Vun des plus petits devos ficères,
» vous me .les avez faites à moi-Baème« »
BU SIÈCLE. 653
Aussitôt après la PAque , le Christ s'empresse de nier la
mort absolue en parlant de la résurrection, a Je ne rae
verserai plus de ce fruit de la vigne , ajoute-t-il , jusqu'à
ce jour dans lequel j'en boirai avec vous de nouveau dans
le royaume de Dieu, mon Père. » Ils chantèrent ensuite
le cantique, et sortirent pour aller à la montagne des Oli-
viers. Ayant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée,
il tomba dans une profonde mélancolie et parut accablé de
douleur. « Mon âme est triste jusqu'à la mort , leur dit-il ;
demeurez ici et veillez avec moi. » S'étant avancé de quel-
ques pas, il se jeta le visage contre terre, priant et disant :
« 0 mon Père , que cette coupe passe loin de moi s'il est
possible; toutefois, si c'est nécessaire, que votre volonté
soit faîte et non la mienne. » Pendant que ce drame si
déchirant se passait dans son Ame , pendant que Jésus ,
dans les angoisses de la douleur, entouré de disciples qui
le comprenaient à peine , plongeait son regard profond sur
les races futures , disposé à faire le sacrifice de tout ce qui
lui était cher au monde pour racheter l'humanité , le calme
régnait autour de lui : Jérusalem avait vu s'éteindre ses
lumières, et ses disciples se laissaient aller au sommeil. Il
revint à eux ; mais ils dormaient, « Comment, leur dit-il,
vous n'avez pu veiller une seule heure avec moi. » Mais
ceui-ci ne comprenaient pas encore que la vie entière de
rhumanité battait en ce moment au cœur de leur maître.
Leur âme n'était pas à l'unisson de la sieYine , où se dérou-
lait une série d'idées si déchirantes en leur générosité
sublime. Ils n'avaient alors ni assez d'intelligence, ni
assez d'amour pour souffrir de sa peine. — One seconde
fois, Jésus se remit à prier : « 0 mon père, s'il n'est pas
possible que cette coupe passe loin de moi saifs qu'elle
m'abreuve de. ses amertumes, que ta volonté soit faite. »
Une seconde fois il revint à ses disciples ; mais leurs
yeux étaient appesantis et ils dormaient. — Le cœur de
Jésus était en grande souffrance ; cependant une troisième
fois il se remit en prière , adressant toujours à Dieu les
mêmes paroles. — ' Rien ne saurait «exprimer combien son
âme était navrée, ni combien elle souffrait de la victoire
obtenue par sa charité sur tous ces souvenirs de tendresse
98
654 PHILOSOPHIE
et d'affections humaines qui s'agitaient en lui. De retour
une troisième fois près de ses disciples : a Vous donnez
encore, leur dit-il, et cependant le Fils de l'Homme va
être livré aux bourreaux. » Il avait à peine achevé ces pa-
roles lorsqu'une troupe d'hommes armés d'épées et de bâ-
tons , envoyée par les sénateurs et les prêtres du temple ,
s'empara de sa personne, sous la conduite de l'apôtre
Judas. i( Eh quoi ! leur dit le fils de Marie, vous êtes
venus vers moi avec des armes, comme si j'étais un bri-
gand. Pourquoi ne m'avez-vous pas saisi dans le temple où
j'étais assis au milieu de vous tous les jours ? Tout ceci est
arrivé , ajouta-t-il , afin que la prédiction des prophètes
fut accomplie. » — Ses disciples l'abandonnèrent et s'enfui-
rent; mais les gardiens le conduisirent chez le grand-prêtre
Caïphe , où les scribes et les pharisiens étaient assemblés.
La doctrine religieuse des Evangiles étant assez complè-
tement représentée par les paragraphes que nous venons
de lui consacrer, nous passons à l'œuvre des Apôtres.
Après le suicide de Judas Iscariote , les premiers disciples
se trouvaient réunis au nombre de cent quarante. Pierre
proposa de remplacer l'apôtre qui avait trahi son maître.
Deux candidats furent présentés : on lira au sort , et
Mathias, désigné de la sorte, devint l'un des douze.
Cette réunion est ce que l'on appelle habituellement le
premier concile.
Le second concile ou deuxième assemblée , eut exclusi-
vement pour but de créer sept diacres ou ministres préposés
à la distribution des secours que le^ chrétiens accordaient
aux veuves qui faisaient partie de leur communauté. Ce
nombre de sept , qui se retrouve à chaque instant dans les
rehgioîis anciennes et souvent aussi dans la religion chré-
tienne , a été longtemps maintenu : un concile défendit
même ultérieurement de le jamais dépasser, quelque grande
que fût la ville où les diacres pourraient exercer leur mi-
nistère. Et de fait, en 250, l'évêque de Rome, Corneille,
n'en avait point davantaige. — Il saute aux yeux aue les
attributions de ces diacres n'étaient nullement celles des
nôtres.
DU SIÈCLE. 655
Le troisième concile paraît avoir eu pour date Tan 50 ou
51 de notre ère ; il se tint à Jérusalem , et Ton y discuta
cette question, alors si importante , de savoir si les chré-
tiens devaient être soumis à la loi juive ou si l'on pouvait
les aflBranchir du joug de toute religion autre que celle du
Christ. Cette dernière opinion devait prévaloir.
L'apôtre Jacques , évêque de Jérusalem , fut en quelque
sorte le président de cette troisième assemblée, qui envoya
Paul, Barnabe et deux autres chrétiens, porter aux autres
églises la décision de celle de Jérusalem. Saint Pierre qui ,
dans le principe , voulait soumettre à la loi judaïque tous
les nouveaux fidèles , fut fortement blâmé à cette occasion
par saint Paul. Il a été, sans le vouloir. Fauteur de la
secte des nazaréens , qui se faisaient circoncire en l'honneur
de Ho'ise et recevaient ensuite le baptême de Jésus. Cette
secte existait encore au cinquième siècle.
Nous devons remarquer, à l'occasion de ces trois conciles,
qu'aucun chrétien ne fut obligé, pour y prendre part, de
décliner ses titres et qualités , parce qu'ils avaient en réalité
un gouvernement direct. Pierre n'y reçut aucim honneur,
et il ne lui fut accordé aucune suprématie.
Le dogme chrétien n'était pas encore nettement formulé.
Ceux d'entre les disciples du Christ qui exerçaient la
mission apostolique enseignaient : - .
' L'unité de Dieu ;
La résurrection , avec peines et récompenses dans une
autre vie ;
La DMSsion divine de Jésus en qui le verbe de Dieu
s'était incarné , proposition susceptible de deux interpréta-
tions : l'une suivie par les catholiques, l'autre par les ariens
ou disciples d'Arius , et depuis par des musulmans et quel-
ques protestants;
La coïncidence de cette mission avec les prophéties ;
La liberté évangélique créée par la mort du Sauveur,
dont la résurrection est le symbole de la résurrection de
l'humanité ;
La puissance du sacerdpce sur les extatiques appelés
démoniaques.
Saint Jean, saint Marc et saint Paul devinrent , après la
656 . PHiLOSOPniB
séparation des apôtres , les chefs de trois grands enseigne-
ments. — De saint Jean provinrent les joannites. Les
templiers possédaient un évangile spécial qu'ils disaient
emprunté à cette secte ; son interprétation se trouve dans
un rituel qui a été traduit, en Angleterre, sous la Restau-
ration. Nous en possédons une copie , et nous n*y avons
rien vu que la science la plus sévère ne puisse accepter.
Saint Marc s'établit à Alexandrie. Le christianisme se
posa dans cette ville pour ce qu'il était en effet. li s'aflBrraa
comme le résumé le plus élevé de la science , de 1« morale
et de la philosophie des civilisations passées. Cet apôtre
eut pour successeurs Pantœnus , saint Clément et le célèbre
Origcne.
Saint Paul s'occupa de dogme et d'organisation pratique.
Il rattacha les croyances chrétiennes aux croyances juives
par un lien subtil, mais vigoureux, en établissant les
rapports du Christ avec la promesse d'Abraham . Il expli-
qua comment il faut comprendre la charité qu'il représente
comme l'ensemble des qualités morales qui fomofent la
sociabilité. Il y a trois vertus , dit-il aux Corinthiens en
son treizième chapitre, à savoir : la foi, l'espérance et la
charité ; mais des trois , la plus grande c'est la charité.
Ailleurs il dit encore :
« Quand même je parlerais la langue des anges, si je
» n'ai point la charité, je ije suis que comme Tairaîn qui
n raisonne, ou comme une cymbale qui retentît.'
» Et quand même j'aurais le don de prophétie» et que
». je connaîtrais tous les mystères et la science de toutes
i) choses, et quand même j'aurais toute la foi, jusqu'à
» transporter les montagnes, si je n'ai poin^ la charité, je
» ne suis rien.
)) Et quand même je distribuerais tout mon bien pour
>i la nourriture des pauvres, et que même je donnerais
» mon corps pour être brûlé, si je n'ai point la cbarité,
j^ cela ne me sert de rien.
)) La charité est patiente ; elle est pleine de bonté. La
» . charité n'est point envieuse ; là charité n'est pomf inso-
» lente ; elle ne s'enfle point d'orgueil.
» Elle n'est point malhonnête , elle ne cherche point
BU SIÈCLE. 657
» son intérêt , elle ne s'aigrit point , elle ne soupçonne
I» point le mal.
» Elle ne se réjouit point de l'injustice ; mais elle se ré-
» jouit de la vérité.
» EUe excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle
» S(]y[>porte tout. »
La première épitre de saint Paul aux- Corinthiens nous
donne de curieux renseignements sur les premiers chré-
tiens. Il y avait alors parmi eux beaucoup d'hommes et de
femmes ayant abusé des jouissances et faisant un retour
en Jésus--Christ aux espérances d'une vie nouvelle , après
les fatigues et les dérèglements d'une existence agitée ;
c'était surtout le prolétariat de l'époque qui se donnait k
Jésus^Christpdans la personne des employés les plus subal-
ternes, des ouvriers des corps de métiers et des esclaves.
Àus^ le grand apôtre disait-il : (c Dieu a choisi les fous et
les faibles pour confondre les sages et les forts. » — Aux
conseils quil adresse aux veuves, il est permis de croire
qu'un grand nombre se livraient au libertinage, surtout
dans les. classes inférieures, cherchant alors, comme do
nos jours, par une prostitution clandestine, à se dérober
aux. obligations du travail dicté par les exigeances de la
vie. — Aux conseils qu'il donne aux évêques , il est na-
turel de penser que les mauvaises mœurs et l'ivrognerie
étaient alors chose plus commune que de nos jours. Leur
eul-il si fort recommandé d'être les époux aune *seule5
épouse,, si la polygamie tacite, celle qui ne s'écrit pas dans
la loi, ioai|tqui se pratique trop souvent au grand jour,
n'avait été Tusagc habituel d'un bon nombre des habitants
des villes jde l'empire romain. C'est donc au milieu d'une
société profondément divisée , religieusement réglée par un
polythéisme stupide , soumise à des divinités méprisables ;
ftu milieu d'un monde spirituellement travaillé par les phi-
lofiophos et les sages , matériellement livré aux débauches
les plus- dégoûtantes, à des vices contre nature, à ces hi-
deuses et crimineUes orgies que décrit avec tant de com-
plaisance le roman de Pétrone ; c'était dans une société à
esclaves et à prolétaires de toutes les sortes et de tous les
degrés, que les apôtres devaient travailler à la vigne du
658 PHILOSOPHIB
Seigneur. II y avait, on ne peut se le dissimuler, de grands
éléments de succè$, pour des hommes chargés de déposer
dans cette terre , dans cet humus formé des débris de tant
de peuples et de civilisations passées, Tidée de l'unité
sous toutes les formes et sous tous les aspects : unité de
Dieu , unité de salut ; unité de baptême ou de rachat en
Jésus-Christ des fautes passées, unité de croyances , unité
d'espérances , unité de sympathies et de charité , unité de
morale, unité des petits et des grands, tous égaux devant
Dieu, unité des peuples de la terre transformés en une
seule famille humaine , communiant en Jésus-Christ-
La pratique sociale des premiers chrétiens nous est par-
faitement connue , même on ce qui concerne le temps des
apôtres. «
Tous ceux, disent les actes, qui croyaient en Jésus-Christ
vivaient ensemble dans un même heu, ayant toutes choses
communes.
Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens de toate
nature et les distribuaient à tous, selon les besoins de cha-
cun.
Tous les jours ils allaient au temple où ils étaieot en
mutuel accord, rompant lo pain de maison en maison,
prenant leur repas avec joie et simplicité de cœur.
Louant Dieu et étant agréables à tout le peuple. Axisst
le Seigneur ajoufait-il tous les jours à l'Eglise de nouveaux
prosélytes pour le salut.
Ainsi se termine le deuxième acte des apfttres, et de
nombreuses citations viendraient appuyer au hl^oin ce qui
précède , l'expliquer même et le commenter si toutefois un
texte aussi clair avait besoin le moins du monde d'interpiré-
tation.
Ce socialisme accordait trop à la communauté pour pou-
voir durer de la sorte : aussi cessa-t-il bientôt d'être en
usage. Mieux réglementé, il fut devenu pour toujours la
pratique des disciples du Christ et de leurs succtîssetirs ;
mais la science n'avait pas encore posé le coaiunmJLLissfB
comme moyen de résoudre les difficultés soci'ales, en accor-
dant au communisme et à l'individualisme leurs droits lé-
gitimes.
nv SIÈCLE. 6o9
Les apôtres et leurs disciples se bornèrent , et nous de-
Yoas insister avec force sur ce point , à copier, sans y rien
changer, les formes juives. Ils eurent une église composée
de tous les chrétiens, qui correspondait à la grande commu-
nauté des juife , et des églises partielles qui correspondaient
à leurs synagogues. Nous pouvons donc affirmer que la pa-
roisse chrétienne n'est autre chose qu'une dérivation de la
synagogue juive, qu'une appropriation d'un élément anté-
rieur que le christianisme a modilié selon son esprit , beau-
coup plus spiritualiste que celui des juifs.
Gardons-nous de croire que les développements de la
religion nouvelle aient eu lieu aux deux premiers siècles
sans de vives discussions. — Nous trouvons , au second
siècle, la secte des nazaréens qui ne considère Jésus que
comme un homme aux enseignements divins ; — des fan-
tastiques, qui disent qu'il n'y a eu que l'apparence d'une
incarnation; — des cérinthiens, qui regardent le Christ
comme un prophète et non comme un Dieu ; — des gnos-
tiques, qui varient, mais dont beaucoup mélangent ensem-
ble les doctrines de Platon , de Pythagore , de Zoroastre
et de Jésus ; — d'autres, comme Saturnin, condamnaient
le mariage. — Les anti-trinitaires accusaient les chrétiens
de s'être emparés des croyances de Platon et de son dogme
de la trinité. — La cabale mélangeait les doctrines des
ess^iens aux initiations des anciens sanctuaires d'Egypte ;
elle avait un alphabet astronomique et prétendait expliquer
le sens vrai des Ecritures. Le monde se remplissait d'évan-
giles : cha^pe sectaire écrivait le sien. Il n'y en avait pas
moins de quarante qui eussent cours. Rappelons encore les
caïnistes, qui donnaient à la Bible une toute autre inter-
prétation que nous, et regardaient Gain comme un second
Adam , œuvre du principe supérieur. Les sethiens disaient
que le Christ et Seth c'était tout un. Les quatuor-décimans
célébraient la Pâque le même jour que les juifs. Les fa-
tianites traitai^t le mariage de débauche. Rappelons
aussi la Misna, ou recueil des constitutions juives,- publiée
à cette époque ; les hermiens , qui soutenaient que Christ
n'est pas ressuscité, que le monde est étemel, que la ré-
surrection c'est la génération ; puis les philosophes Epictète,
660 PHILOSOPHIE
Marc-Aurèle, Apulée, Tertuliea, et nous aurons indiqué
sommairement la tendance des esprits ; toutefois, mal^
ses divisions, le christianisme se développait et teadait
incessamment à s'universaliser, à devenir une catholicité.
Deux mouvements analogues se faisaient alors dans le
monde : Tun oriental, le boudhisme , très -passionné
malgré ses formes graves et son calme apparent; raulre
occidental , beaucoup plus mélangé • d'hérésies et de phi-
losophies diverses. Ici , toutes les opinions se touohaieot,
se coudoyaient incessamment. Ces deux mouvements^ $i peu
comparés par Thistoire , malgré leurs similitudes , ont eu
des résultats identiques : un papisme de plus en plus puis-
sant , puis subolternisé , en Orient et en Occident ^ aux
grands pouvoirs civils. — Que d'enseigne^ments dans cette
étude , si elle était largemeat présentée !
L'organisation catholique était et a été longtemps bien
diiTcrente de ce que nous, la voyons. Il n'y avait -d'abord
aucune distinction entre les évêchés et ce que noas- appe-
lons les paroisses. L'évèque seul disait la messe : c'était
lui qui baptisait , qui confirmait , qui imposait les péoi-
tences publiques ; quant aux péoitenees privées , ri^i ne
prouve que la confession telle que nous la pratiquons &t
4ors en usage. Les prêtres se avariaient. Le difflancfae,
ainsi que tous les fidèles, ils assistaient à la messe parois-
siale de révoque. La dignité d'archidiacre était trè^-élevée;
ce n'était point par rang d'ancienneté, mais par droit de
capacité que l'on y parvenait. L'archidiacre était le vicaire
général de Tévêque, son véritable coadjuteur. Sl||nt Ignace,
saint Justin, les canons apostoliques et Eusèbe viennent,
par leurs écrits^ à l'appui de ce. qui précède ; ils établissent
que les premières églises de la /chrétienté furent instituées
à l'instar de celle de Jérusalem , et consacrées à des peu-
ples. Plus tard, on sentit le besoin de les multiplier et
d'accorder aux évQchés des circonscriptions territoriakes
beaucoup plus restreintes. Au. temps du pape ComôHe,
le clergé de Rome se composait de quarante-quatre prêtres,
sept diacres , au,tant de sous^iacres et de mincstrea infé-
rieurs. La communauté des fidèles de Rome avait alors à
sa charge ses veuves et ses malades qu'elle nourrissait. Il
tV SIÈCLE. 661
ne parait pas que Toiii^it dit la messe dans les églises secon-
daires de la ville de Rome avant le cinquièma siècle :
les campagnes de la banlieae en étaient dépourvues. La
lecture, la prière, le travail manuel, la prédiôaHon, les
instructions familières, telles étaient alors les fonctions
des curés. L'élection des évoques, entièrement démocra-
tique, était faite par tous les prêtres, les diacres et les
chrétiens du diocèse. — C'est ainsi que de grandes com-
munes spirituelles se fondaient à petit bruit dans le monde,
sous le régime d'une communauté matérielle et spirituelle
pmsqu'absolue entre les premiers chrétiens.
Quelques faits manquent à cette esquisse ; les voici :
Les philosophies stoïque, pythagoricienne et platoni-
cienne se réunirent un jour au christianisme, dans la per-
sonne de saint Justin, qui publia une apologie de la
religion nouvelle sans déserter des doctrines qu'il croyait
pouvoir allier à ses croyances religieuses.
Les grandes assemblées chrétiennes de ce temps s'occu-
paient surtout du cérémonial.
Saturnin, Basilide et Carpocrate, disciple de Simon le
magicien, furent séparés de l'Eglise sous le règne d'Adrien ;
Harcion et Valentin , sous celui d'Antonin le pieui ; Mon-
tanns, Prisoilla et Maximilla, sous Commode, sans qu'au
Gun eoncile ait été formé pour juger et condamner leurs
opinions. On peut affirmer qu'avant le concile de Nicée , il
n'en est qu'un seul qui ait eu le dogme pour but.
ÂGEIGULTUREf mDUSTRIES , COXHBRCE ET SCIBIfCES
AUi: BBtJX PREMIERS SIÈCLES.
L'agriculture était alors plus avancée qu'au déclin du
Bfoyen-Age ; elle avait étudié avec soin^les animaux domes-
tiques et cultivait les chevaux, les moutons et le gros bétail
dans les centrées les mieux appropriées. L'arboriculture était
très-habile , ainsi que l'exploitation des bois. Los récoltes
étaient alternées. Les plantes fouragères (ce que nous
28»
662 PHILOSOPHIE
appelons les verds) avaient toute rim§ortauce actuelle dans
les assolements. La charrue offrait un versoir convenable ;
les autres instruments agricoles étaient à l'avenant. L'art
des irrigations, importé d'Orient, se répandait partout et
faisait des merveilles que nous n'avons pas suffisamment
imitées et multipliées. La fabrication des engr^iis était déjà
ce qu'elle est encore en beaucoup de nos contrées euro-
péennes, ce qu'elle était généralement vers le commence-
ment de notre siècle. La fiente des pigeons et les poudrettes
fabriquées avec soin étaient aussi estimées que de nos
jours. Ces engrais s'employaient sous forme pulvérulente.
— Les Romains avaient fait de la panification un art culi-
naire. Ils connaissaient plus de soixante espèces de vins.
Toutes les finesses, toutes les habiletés de notre commerce
actuel étaient déjà répandues , et Cette savait imiter à s'y
méprendre les produits des meilleurs crus. Les livrer
d'agronomie des Romains nous parlent aussi de leurs
vinaigres, du sucre des roseaux d'Arabie, des miek, des
cires, des cidres, des hydromels et d'une foule de pro-
duits.
Le commerce méditerranéen était immense. Le commerce
oriental se faisait par le Nord de la Perse et par mer, en
suivant la voie d'Alexandrie. Marc-Aurèle le développa en
créant des relations avec la Chine , principalement pour
l'importation des tissus de soie.
La chimie avait alors deux formes : l'une secrète , l'autre
pratique et industrielle. Celle-ci savait préparer la potasse
à la chaux, utiliser les lies de vin, fabriquer le verre,
séparer l'or, l'argent et le cuivre de leurs minerais. Elle
distinguait trois oxides'de fer, le zinc, son oxide, ses
alliages ; elle connaissait le plomb , le miiiium , la céruse.
Le vol par les sophistications était déjà usuel. Le mercure
et son sulfure rpuge avaient emploi ainsi que l'arsenic et
ses préparations. Beaucoup de propriétés de Tarsenic el
de divers sulfures, que nous croyons assez nouvelles,
étaient déjà connues.
La science des poisons (toxicologie), cette branche de la
médecine, était assez avancée, et le grand monde de Rome
y recourait souvent. Discoride et Pline nous apprennent
BU SIÈCLE. 663
que Ton employait tifts préparations arsenicales ; le sul-
fure de mercure, les sels de cuivre. L'action spéciale
des préparations de plomb était connu. Les narcotiques
étaient la fameuse mandragore, les euphorbiacoes , la
cigiié, Tellébore blanc, les champignons vénéneux, Teau
distillée de fleurs de pêcher. Le venin dés serpents et les
produits de la putréfaciion, voilà les poisons connus du
règne animal.
Les industries manufacturière et minière s'occupaient de
la fabrication des savons , de celle du verre , des émaux ,
des pierres précieuses factices et de l'exploitation des raines,
qui était excessivement cruelle pour les ouvriers que l'on
faisait toujours marcher, vieillards, femmes, enfants, le
fouet à la main.
Au premier siècle , Alexandrie était la ville des sciences
exactes. Au second, Ptolémée y trônait : il fit malheu-
reusement admettre que la terre est au centre du monde.
Viemient ensuite , en son système , la Lune , Mercure ,
Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne et les étoiles fixes ;
c'est-à-dire qu'il faussa le système vrai découvert avant lui.
Il étudia le mouvement des fixes , et se trompa de vingt-
huit ans sur sa durée. 11 en fit un catalogue , œuvre admi-
rable de patience et de calcul, puisqu'il releva les longitudes
et latitudes de mille vingt-deux étoiles. Il a écrit huit livres
sur la gréographie , où l'on troiwe quelques positions dé-
terminées scientifiquement. OrrKii attriJbue des rêveries
astrologiques et un ouvrage sur la musique qui fournit
des données sur l'état de ce grand art à cette époque.
Celse , dont nous ne possédons pas tous les ouvrages ,
est le médecin le plus autorisé du premier siècle. Ses livres
de médecine vétérinaire et d'agriculture sont perdus. Ses
connaissances ànatomiques sont inférieures à celles des
Alexazidrins. Ses préceptes médicaux sont dictés par une
eiptétimentation selon la physiologie et les faits alors
connus. Sa chirurgie est la base de notre chirurgie actuelle ;
il a eu le grand mérite d'introduire dgns l'étude des mala-
dies-, l'idée de l'importance spéciale des organes, en divisant
le corps et les affections selon les régions. Il a jeté le pre-
664 PHiLosopjaiE
mier une grande lueur dans cette érection , où l'école de
Paris devait se signaler de 1815 à 1860.
Archigène d'Âpamée fut , vers ce temps, le prédécesseur
de ces hommes médiocres qui croient avoir fait de la sdenee
en changeant ou créant des mots* Toutefois, il s'est montré
habile observateur en ce qui concerne la catalepsie et les
fièvres intermittentes,
Arétée de Cappadoce est le premier qui ait placé en tête
de l'histoire de chaque maladie la description de son lieu
anatomique.
Citons encore Philagrius , qui pratiquait l'opération de
la pierre par le haut appareil ; Léonidas , qui observa le
dragonneau, étudia les hernies, opéra des cancers par
ablation chirurgicale et sut guérir la fistule à Tamis par le
procédé que Pott a fait revivre. Sa description des ulcères
et autres maladies des parties génitales , prouve que la
syphilis n'existait pas.
Galiën domine tout le deuxième siècle. — Il a fait des
erreurs anatomiques, parce qu'il disséquait peu d'hommes
et beaucoup d'animaux ; mais à côté il a placé drailles
découvertes.
Il croyait que les veines naissent du foie et les artères
du cœur ; mais il connaissait les anastomoses des artères et
des veines. L'anastomose des vaisseaux du sein avec eeiii
de l'abdomen lui servait à expliquer les sympathies de c^
organe et de la matrice. ^'
GaUen faisait dériver dutt^rveau leis nerfs des seasalions,
de la moelle épinière ceux du mouvement. Il plaçait au
cerveau l'âme raisonnable de Platoq ; dans le ccdur, le 6ou-
rage et la colère. Il attribuait les désirs au fde : c'était une
erreur , mais cette erreur devait conduire à bien apprécier
un jour toutes ces informations intimes que les sens internes
fournissent à rètre humain. Il ne connaissait que deux des
branches du nerf trijumeau ; il a décrit assez bien le nerf
vague et ses relations avec le grand sympathique ^ mais il
faisait dériver ce dernier de la huitième paire.
Galien fit quelques expérimentations cuirieuses : la seetion
de la branche cervicale qui se rend, à Tomoplate lui servit
à prouver l'action des nerfs sur les muselés sus et sous-
BU SIÈCLE. 663
épineux. Il privait leflh animaux de la voix en coupant les
muscles intercostaux, ou en liaut le nerf récurrent , ou
encore en attaquant la moelle épinière.
Il distinguait trois forces dans le corps : les vitales , pro*
venant du cœur ; les animales , liées au cerveau ; les na-
turelles , placées sous la dépendance du foie.
Le pneuma ou esprit donnait , selon lui , au cœur et aux
vaisseaux leur impulsion : de là le pouls. 11 croyait à tort
que l'air respiré s'échappe en partie et se glisse entre le
plèvre et les poumons. Il savait que la' respiration s'exécute
au moyen du diaphragme et des muscles de la poitrine ;
il la croyait destinée à rafraîchir le sang, à introduire dans
le corps une nouvelle quantité de force vitale et de plus à
purifier le pneuma de ses parties nuisibles à l'écono-
mie.
Ce pneuma (cet être platonicien) était encore pour lui
la source des forces de l'âme. Porté au cerveau avec le
sang , il subissait préalablement Les réactions de l'écono-
mie: de là, selon Galien, l'influence du physique sur le
moral. •
Toutefois ne soyons point si sévère qu'on l'a été jusqu'à
ce jour pour le pneuma de cet homme célèbre. Evidemment
c'âait un pressentiment de l'oxigène.
GaUen a partagé les idées erronées de son siècle >9ur la
génération ; il admettait que le testicule droit produit les
mâles, le gauche les femelles. U faisait jouer aussi un
çrand rôle aux quatre éléments^ et aux quatre humeurs de
récononaie.
Les maladies étaient pour lui des états contre nature
des parties simjJies et similaires, ou des organes eux-
mâmes ; de là des maladies générales et des affections lo-
<Niles. Il admettait huit sources de variations anormales
poor les parties simples ; quant aux maladies locales, éUes
étdent réglées par la forme , la structure , l'importance et
le nombre des oif^anes lézés. il définissait 'le symptôme un
dérangement de fonctions, un (diangement des qualités
apparentes ou mae variation de aej^rétion. Il reconnaissait
des ' causes éloignées, des causes pirochaises, des' causes
u^eriies, des causes estcvnes. En le Usant,. il faut toujours
666 PHILOSOPHIB
tenir compte de ce qu'il appelle putridité tout changement
de nature des humeurs quel qu'il soit.
Galien regardait cette putridité comme la source de la
fièvre ; mais il distinguait entre la cause primitive et ses
effets consécutifs , qui ajoutent à la fièvre par leur réac-
tion sur le cœur et sur toute l'économie. Il professait une
singulière doctrine sur les intermittentes : la pituite pro-
duisait la fièvre quotidienne; la bile, la fièvre tierce;
l'atrabile , la fièvre quarte.
Cette dernière humeur étant plus difficile à mettre en
mouvement, exigeait plus de temps pour provoquer ses
accès.
L'introduction du sang dans une partie qui en est dé-
pourvue, voilà, selon Galien, la source de rinflammation.
Sa manière de considérer les hémorrhagies est encore en
vigueur.
Il pratiqua, dit-on, la chirurgie avec succès; mais
en s'abstenant des opérations, ce qui était un véritable
non-sens. Il mourut laissant la réputation la plus bril-
• lante.
Impossible de passer outre sans parler de Pline. Cet
écrivain nous a laissé une encyclopédie un peu sans ordre,
en trente-sept livres : c'est une véritable causerie d'homme
d'esprit et de savoir, très-verbeux en son genre , qui tient
à tout dire et beaucoup , à dire quand même , encore qu'il
n'ait pesé la portée de ses paroles. — Quelquefois c'est
Rabelais, plus souvent c'est Montaigne ; il rappelle aussi
Aristote. D'autres fois on dirait une vieille femme crédule ,
mais habile à narrer; puis il redevient lui, penseur pro-
fond, philosophe aux grands apeiçus. Son second livre
est à lui seul un cosmos. Il y parle de Dieu en noble lan-
gage. Ouvrez un de ses livres, n'importe lequel, et bientôt
vous le connaîtrez. Voici le septième : l'auteur y traite des
singuliers aspects de quelques espèces humaines , — de
la génération , — des ressemblances , — de la grossesse ,
— des supériorités diverses sous le rapport des sens et
des facultés intellectuelles , — des colons et des esclaves ,
question qu'il ne savait nullement^ ^— des signes de mort
L
DU SIECLE. 667
des morts apparentes , — de Tâme et des esprits , — des
premiers inventeurs de plusieurs choses , — des premiers
baibiers de Rome et des premiers inventeurs d'horloges.
— Les autres livres vont ainsi du coq à Tâne.
Passons aux travaux pubUcs.
A côté des palais si vantés de cette époque , dont on
admire encore les vestiges, nous devons citer, comme
ayant une toute autre importance, les égoûts de la ville, les
aqueducs et les grandes routes de Tempire. Sous toutes les
rues de Rome Ton pouvait aller en bateau dans les égoûts.
La hauteur de ces souterrains était suffisante pour laisser
passer des charriots chargés de foin. Le gendre d'Auguste,
Agrippa y fit parvenir sept conduites d'eau très -abondan-
tes, véritables torrents entraînant tout sur leur passage.
Les auteurs qui ont décrit ces voies souterraines ne peu-
vent taire leur étonnement et n'en parlent qu'avec un mé-
lange de surprise et d'admiration. Les aqueducs, et sur-
tout ceux de Rome, nous donnent une juste idée de cette
profusion avec laquelle on distribuait les eaux dans les
grandes villes de l'empire , et des obstacles qu'on savait
vaincre pour leur en procurer : montagnes à percer, collines
à aplanir, arcades gigantesques à jeter sur les vallées, tout
dans ces ouvrages hydrauliques avait quelque chose d'assez
grand pour captiver les imaginations, d'assez vaste pour
employer une immense quantité de main-d'œuvre. Rome a
possédé jusqu'à quatorze aqueducs ; leurs voûtes étaient
si élevées qu'un homme pouvait s'y tenir à cheval, et
quelquefois des ponts merveilleux qui joignaient deux
montagnes, suspendaient les eaui à plus de cent pieds
d'élévation. Quant aux routes, elles méritent qu'on s'arrête
un peu plus longuement à leur description.
Ici, comme pour les aqueducs , c'étaient encore les ponts
qui formaient la partie la plus saillante. Les auteurs latins
citent surtout, en Italie , le pont de Narni , situé sur la
voie flaminienne ; le pont de Tévéron , ruiné par les Goths
et rétabli par Narsès, lieutenant de Justinien; le pont
d'Auguste, à Rimini. Ce dernier joignait cette ville h la
voie flaminienne. Genève , Lyon , Vienne » Avignon , dans
668 . PHILOSOPHIE
les Gaules , possédaient des ponts magnifiques dus aux tra-
vaux des armées romaines. En Espagne , le pont du Gua-
dalquivir; celui de Trajan, près Salamanqae, dont les
voûtes, au nombre de vingt-six, avaient soixante-douze
pieds d'ouverture ; celui d'Alcantara , sur le Tage , qui
offrait six arcades de quatre-vingt-^quatre pieds chacune et
une élévation de deux cents pieds au-dessus du fleuve ,
excitaient au plus haut degré l'admiration. Nous savons
aussi qu'il existait des constructions de ce genre , extrême-
ment remarquables , en Afrique et en Asie ; enfin l'histoire
nous a conservé le souvenir du pont que Traian avait établi
sur le Danube ; il se composait de vingt piles de soixante
pieds de largeur, et ses arcades étaient de cent soixante-dix
pieds.
Le lo&g des voies romaines, on trouvait des pierres pour
s'asseoir, d'autres pour servir à monter à cheval. De dis-
tance en distance, des colones miliaires indiquaient le
chemin parcouru* D'une ville à l'autre , il y avait des au-
berges et des relais fixés par ordonnance. Dans chaque
relai , le maître de posté devait avoir vingt chevaux et qua-
rante dans les auberges. La rapidité des voyages était
extrême sur ces chemins, dont toutes les pentes étaient
adoucies et la surface unie et parfaitement dure. Au dire
de Pline, l'empereur Tibère , allant de Lyon en Allemagne,
aurait parcouru cent heues en vingt-quatre heures, en
changeant trois fois de char. Nous savons , du reste , que
les Romains avaient vingt à vingt^cinq routes principales
qui conduisaient aux extrémités de l'empire , que toutes
étaient construites avec une incomparable solidité. Partout
des ports servaient à lier ces voies aux îles voisines. L*An-
gleterre, bien que située à une immense distance de RfHoe,
comptait onze cents Ifeues de chemins pavés ; la Sicile, six
cents ; l'Asie et l'Afrique , chacune près de cinq mille, qui
traversaient des contrées aujourd'hui barbares ou désertes.
Lyon était le centre de la distribution des chemins dans
notre patrie , que parcouraient quatre routes principales :
l'une allant de Lyon en Aquitaine , la seconde se dingeant
vers l'emboiuchure de la Meuse , la troisième traversant la
Bourgogne ^ la Champagne , la Picardie ; la quatrième ser-
DU SIBCLB. 669
vant à lier Lyon à Marseille. D*autr6$ chemins secondaires
se réunissaient à ceux-ci.
Il est inutile d'insister snr remploi que Toa faisait à
Rome des troupes soldées pour protéger l'empire j et des
moyens mis en usage pour occuper les prolétaires ; mais il
convient de rappeler que des chefs d'armée avaient entre-
pris, sous Néron, de faire communiquer la Méditerranée et
la mer d'Allemagne par un c^nal de la Saône à la Moselle ;
que d'autres avaient voiUu couper l'isthme de Corinthe ;
que Orusus et Corbulon avaient fait construire par leurs
légions, sur les bords du Rhin, d'immenses tranchées con-
sacrée«s à la navigation, dont Tacite lui-même a conservé
le souvenir, et que , par suite des travaux publics qoi la
mettaient en relation avec le monde entier, Rome était
devenue le centre de l'univers.
LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS, EDUCATION.
Les arts et la littérature des deux premiers siècles de
l'empire présentent les variations les plus grandes et une
absence complète d'unité.
La véritable pensée romaine se continue par de belles
œuvres d'architecture. Caïus Posthumius et Luccius Côccius
Auctor rasèrent une partie de La vieille ville et rempla-
cèrent, par de magnifiques' palais de. marbre, de simples
maisons de briques. La sculpture vint en. aide à l'architec-
ture. Sous Tibère, le sculpteur Diogène décora le panthéon ;
le gaulois Zénodore , le premier graveur du temps , lutta
contre les Grecs par ses statues colossales de Mercure et de
Néron ; les rhodiens Agésandre , Pdydore et Athénodore
sculptèrent ce Laocoon que Toa a trouvé depuis dans le
palais de Vespasien-; Frontin écrivait sur les aqueducs;
Pompoi^dus Mêla pubUait sa géo(9^aphie ; Denis le Périgète
s'occupait d'une statistique de l'/empir^ , et.de tous les côtés
les hommes habiles se rendaient à Rome , pour y vivre
selon la spécialité de leur talent.
670 PHILOSOPHIE
La décoration des intérieurs des palais occupait un nom-
bre infini d'artistes pour Tornement, la sculpture et la
Î)einture. Néron voulant encourager ce dernier art, se fit
aire un portrait sur toile de cent vingt pieds. La taille des
pierres fines et la gravure sur métaux étaient poussées très-
loin. Les camées étaient fort à la mode et très-prises : les
Grecs en avaient en quelque sorte le monopole. 11 n'y avait
de bien porté et de réellement beau que les camées de
Solon, de Polychrète, de Cronius, d'AppoIonides. Le ro-
main Ludius était le peintre par excellence et sans rival.
Nous citerons parmi les écrivains , car il ne s'agit ici
que de notes bibliographiques , Tite-Live de Padoue : il
avait composé, sur Thistoire romaine, cent quarante livres,
dont quarante-cinq sont perdus ; — Phèdre, esclave affran-
chi : ses fables sont bien inférieures à celles de l'Hitoupa-
desa pour la pensée, à celles de Lafontaine pour la forme.
— Valère Maxime a écrit neuf livres de faits mémorables.
— Strabon a laissé un travail sur la géographie : c'était un
bon esprit. — Sénèque était un penseur justement estimé.
On l'accuse de n'avoir pas été , dans la pratique , l'homme de
ses doctrines. — Son neveu Lucain , poète espagnol , est l'au-
teur d'une sorte d'épopée, la Pharsale ; elle est écrite au point
de vue d'un républicanisme aristocratique. — On attribue à
Pétrone, de Marseille, l'un des familiers de Néron, un
roman partie en prose , partie en vers : c'est une peinture
des mœurs si dégoûtantes de ce temps. — Perse et Juvé-
nal sont des poètes satiriques d'une traduction très-difR-
cile : tous deux ont flagellé la pourriture romaine, —
Flavius Joseph, après avoir été grand-prêtre juif, écrivit
l'histoire de son pays et ses guerres avec Rome. Excellent
patriote, il est souvent peu judicieux dans le récit des
faits qu'il raconte au lecteur. Il no néglige rien pour relever
sa nation, et très-évidemment il le fait maintes fois aux
dépens de la vérité. — Siméon Schétachides a été le res-
taurateur de la cabale , singulier mélange de religion , de
littérature et de philosophie, où beaucoup de bonnes choses
sont enfouies sous du fatras. — Valérius Flacchus nous a
laissé le poème des Argonautes. -:- Le rhéteur Quintilien de
Caliahorra a composé douze livres sur l'art de la rhétorique :
BU SIÈCLE. 671
les pédants de nos collèges en estimaient, il y a trente
ans, Tétude indispensable si Ton voulait apprendre k
écrire. Probablement que Shakespeare, M"* Sand et Dé-
ranger ne l'ont jamais lu. — Voici venir maintenant, pour
clore cette galerie, Tacite, le plus grand historien de
Rome. Citoyen, il mit sa plume au service de ses opi-
nions; il faisait admirablement des esquisses en traits
saillants avec quelques lignes. La République aristocratique
de l'ancienne Rome, voilà son idéal. C'était, en son
genre, un légitimiste vis-à-vis de la vieille République;
par ailleurs, homme de grand sens et de vertu. 11 s'oc-
cupa peu des masses : son âme élevée avait bien de larges
sympathies, mais il n'était ni dans les habitudes de son
esprit , ni dans les besoins de son cœur de songer à leur
bien-être. Son système s'opposait à leur élévation. Quatre
maux dévoraient alors l'empire : la débauche, le milita-
risme, le fonclionarisme et les diverses servitudes. Il n'a
vu et combattu que les deux premiers ; le troisième nais-
sait à peine, et du quatrième. il a peu dit , encore qu'il
lui fut si facile d'adapter au jugement de la politique
romaine les faits signalés dans son livre sur les mœuEs des
Germains.
A côté du souvenir de tant d'hommes célèbres, les insti-
tuteurs des hautes classes et des lettrés , rappelons l'édu-
cation da pvîuple. Tacite Ta résumée en deux mots : Pane m
et ctrcetwM, — du pain, les jeux du cirque.
Ce peuple !.... on le démoralisait en lui donnant du
pain qu'il n'avait point gagné par son travail , et l'immoral
spectacle de combats sanguinaires dans lesquels des hom-
mes étaient sacrifiés pour ses plaisirs. A cette double école
il se transforma et devint promptement une vile multi-
tude.
Les jeux du cirque firent dépeupler de bêtes fauves
l'Afrique et l'Asie : sous ce rapport , ils eurent une utihté
réelle.
Voici quelques faits incroyables , quoiqu'ils passent pour
vrais :
Auguste , à la dédicace du temple de Marcellus , fit pa-
672 PHILOSOPHIB
raltre six cenls panthères et tuer deux cent soixante-huit
lions.
Çaligula, pour l'anniversaire de sa naissance, fit tuer
quatre cents Uons et quatre cents ours.
Claude fit battre trois cents ours , trois cents lions et
panthères.
Néron, voulant exercer la cavalerie de sa garde, lui
livra; dit-on, quatre cents ours et trois cents lions.
Sous Titus et Domitien , neuf mille animaux sauvages de
toute espèce furent mis à mort.
Sous Trajan , les jeux du cirque durèrent cent vingt-trois
jours et consommèrent onze mille bêtes sauvages et do-
mestiques ; dix mille gladiateurs y périrent , et cependaut
Trajan est Tun des meilleurs empereurs de Rome.
Adrien fit paraître mille lions à l'anniversaire de sa
naissance et fit tuereent libns et cent tigres.
Maro-Âurèle laissa les spectateurs tuer cent Uons à coups
de flèches.
L'empereur Commode , assure-t-on, tua cent ours eo
un seul jour ; fait incroyable quoique historique , puisque
cela demandait au moins seize heures et demi , à dix mi-
nutes par animal. Une autre fois, il tua cent autrudies,
sans en manquer une seule, en leur coupant le ooa avec
des flèches dont le fer avait la forme d'un croissant. L'igno-
rance prise singalièrement la force physique et l'adresse ,
aussi^fut-il le héros de la canaille.
Le deuxième siècle nous rappelle la fondation de biblio-
thèques par Trajan; ses magnifiques travaux et ceux
d'Adrien sur toute la surface de l'empire; la protection
qu'ils accordèrent aux sciences et aux lettres; la descrip-
tion des monuments de la Grèce, par Pausanias; les
écrits de Plutarque , historien et philosophe ; l'abrégé de
riûstoire romaine de Florus ; Philon de Biblos , que Ton
accusait d'avoir fabriqué la chronique de Sanchoniaton sur
la Syrie ; Maxalas , habile graveur, 4igne d'être placé à
c6té de ceux du siècle précédent ; Aulu^Gèle , compilateur
qui nous a qonservé beaucoup de fragments précieux d'au-
teurs célèbres perdus ; l'empereur Marc-Aurèle, à qui nous
devons douze livres de méditatious philosophiques ; Apulée,
• mj siÈGUi. 673
auteur de VÀne d^Or\ Lucien de Samosate, en Syrte :
c'était un épicurien ; Diogène de Laërce , auteur de la vie
des philosophes ; Solin le grammairien : son livre des choses
mémorables a pour titre Poly-Hiêtor; Julie, femme de
M arc-Aurèle et de Sévère t aussi renommée pour son esprit
que pour sa beauté. Nous ne saurions oublier Tertulien :
il fut Tun des plus grands écrivains du christianisme ; mais
beaucoup de ses opinions religieuses ne sont plus acceptées
aujourd'hui.
iCCROISSBMBKT ET BÉCADBnGE BE l'eKPIAB ROKAIIV.
Il n'y a que deuï moyens pour gouverner les hommes :
la contrainte et la confiance. La contrainte, conséquence
du pouvoir matériel ; la confiance , résultat de l'autorité
ou pouvoir moral. — Le pouvoir matériel dispose des
corpfe et des volontés apparentes ; Tautorité ou pouvoir mo-
ral s'adresse à ce qu'il y a de plus intime en nous , à l'in-
t^gence et au coeur. Tand^ que le pouvoir matériel
réclame une obéissance passive, l'autorité puise toute sa
force dans l'assentiment qu'elle inspire k ceui qu'elle di-
rige. — Le pouvoir matériel suflSt à une société de bar-
bares ; mais il doit se transformer chaque jour davantage
en autorité , au fur et à mesure des progrès de la raison
et de la moralité humaine. Cette distmction que nous ve-
nons d'établir entre le pouvoir matériel et l'autorité , est
élémentaire , et cependant elle renferme en elle la véritable
science du gouvernement. — Plus les intérêts des diverses
classes grandissent dans une société , plus il est habile et
réellement publique d'en tenir compte. Il est impossible de
gouverner Lngtemps aveo des fonctionnaires seulement ,
sans s'appuyer sur de grands intérêts.
L'empire romain se divisait , à son (origine , en provinces,
en cités ^ en pagus. Les provinces eurent pour chefs des
délégués de l'empereur, des préfets. Il importait de les
faire d'une médiocre étendue pour qu'aucun de ces chefs
674 PHILOSOPHIE •
ue put devenir puissant , et viser à la pourpre des Césars :
cette précaution utile fut oubliée.
La cité représentait une circonscription territoriale à peu
près égale à celle d'un département français ; elle consti-
tuait un élément aristociatique. Pour avoir droit de cité,
il fallait posséder trois cents sous d'or, sous Trajan; quatre
fois moins, un siècle plus tard; sous Théodose, il fallait
être propriétaire de vingt-trois jugères ou arpents. — Les
avantages des cités étaient si grands, si recherchés que
Rome avait tout intérêt à multiplier ces miniatures de son
ancienne position. Aucune ne pouvait devenir assez puis-
sante pour lui porter ombrage ; toutes d'ailleurs étaient en
rivalité, toutes aussi respectaient une souveraineté consa-
crée par la tradition , les siècles , la conquête, par une
immense population et le séjour des empereurs. Rome,
couronnée de sa gloire et de sa réputation, était un centre
indispensable.
Chacune des cités de l'empire s'administrait elle-même
sous la surveillance d'un mandataire de l'empereur : aussi
chacune possédait-elle une curie ou sénat départemental,
dont les fonctions étaient sensiblement les mêmes que
cell|3s des conseils des départements de la France de notre
époque.
Le pagus ou canton représentait passablement, dans les
Gaules , le canton actuel de France , cet élément dont les
novateurs voudraient faire la commune^ la base sociale des
empires et de l'humanité. C'était une institution essen-
tiellement démocratique : là se trouvaient des esclaves de-
venus depuis serfs de main-morte, des esclaves ruraui
appelés colons et plus tard serfs, puis des plébéiens , c'est-
à - dire tous ceux marchands , fabricants et ouvriers qui
ne possédaient pas le cens nécessaire pour faire partie de
la noblesse des cités et devenir réellement citoyens.
Le canton ou pagus avait pour chef un fonctionnaire
appelé maître, magister, ou prévôt, prépositus ; mais ce
chef dont les fonctions équivalaient à celles de nos gardes-
champêtres et de nos brigadiers de gendarmerie, était
nomiQé^ par les nobles ou curions, qui faisaient partie du
sénat de la cité.
BU SIÈCLE. 675
L'faitërét des empereurs , c'était évidemment de rendre
les pagus indépendants des cités, et de se créer une grande
puissance en formai^t une commune de chaque pagus par
radoucissement de Tesclavage et Téoiancipation de plus en
plus complète des colons et des plébéiens. La Germanie ne
devait-elle pas sa force intérieure à son communàushb et à
la position de ses colons qui étaient de véritables fermiers ?
Après dix ans de combats , Jules César laissa à l'empire
la mer et le Rhin pour limites. Il débuta par faire du pou-
voir, et paraissait tendre vers remploi d'une autorité véri-
table lorsqu'il fut assassiné par de prétendus républicains
qui n'avaient point pour but l'universel bien-être. Porté à
l'empire par la force militaire, il en connaissait les dangers.
Nous avons dit déjà ses projets d'émancipation pour les
vaincus ; ils étaient habiles : ils eussent assuré à l'empire
la plus longue existence en le débarrassant du militarisme
et de cette armée de fonctionnaires qui devait toujours
aller grossissant. — Us rendaient inutiles les barbares ;
leur exécution eut peut-être supprimée dix siècles et plus
de transitions douloureuses.
Auguste suivit une autre voie : sa nature déliante redou-
tait tout affranchissement. Il ne comprit pas l'intérêt que
des pagus plus libres pourraient avoir à se défendre eux*
mêmes contre les barbares ; la sûreté de frontières peu-
plées d'hommes heureux et rattachés à l'empire par des
droits, par des propriétés. Il ne comprit pas davantage
le fractionnement de l'empire en cités indépendantes entre
elles, mais toutes reliées à Rome, et l'impossibilité de lemrs
sénats et de leurs chefs de se poser en prétendants à côté
des empereurs.
Arrivé au pouvoir par la force armée, il l'accrut encore.
S'il réduisit la puissance du sénat , ce ne fut pas au profit
des peuples àoaX il était le représentant, mais au profit de
l'administration impériale. Il consacra dix années à sou-
mettre la Thrace , l'JJlyrie , la Pannonnie. Il voulut, et en
cela il avait raison, que tes deux versants des Alpes fussent
libres et purgés (Tennemis. C'est ainsi qu'il arriva à resserrer
les Germains entre le Rhin et le Daûube , qui devinrent des
limites naturelles.
676 PHILOSOPHIE
Le trop petit nombre de cités frontières et le peu d'inté-
rêt qu'avaient les hommes des pagus à lier leur sort à celoi
de Rome , forcèrent d'établir des postes sur des lignes de
défense que l'on appelait marches et souvent marches sé-
parantes. iPy en avait déjà neuf du temps d'Auguste.
Sous l'empereur Alexandre , il en existait treize; sous
Honorius , un seul des deux empires en comptait quinze.
Ce fut pour la sûreté de ces marches que Rome eut recours
aux barbares au lieu de la confier à des populations inté-
ressées à les maintenir dans leurs forêts.
A cette époque où la politique de l'empire n'était pas
encore bien fixée , Drusus porta les aigles romaines jusque
sur les bords de l'Elbe, espérant que les provinces qu'il
venait de traverser deviendraient » comme les Gaules , des
annexes des anciennes conquêtes.
Tibère alla plus loin : sous sa conduite , l'armée romaine
occupa la rive droite de l'Elbe. Cette extension donnée aui
conquêtes de Rome pendant la vieillesse d'Auguste, était
plus qu'imprudente ; il eut été beaucoup plus sage de con-
server le Rhin et le Danube pour limites.
Tibère , et ce fut une nouvelle faute , ramena avec lui
quarante mille Suèves et Sicambres qu'il établit dans les
Gaules. Drusus et lui, dans leurs campagnes, atteignirent
les Sicambres, les Usipètes, les Frisons, les Chérusques,
les Cattes, les Chauques, les Canninefates , les Actuaires,
les Rructères et les Vandales. Mais pendant ces succès,
Maroboduus, à la- tête des Harcomans, conquérait la
Bohême dont il chassait le peuple celte, les Boï, tandis
que des Germains s'emparaient des pays qu'il avait aban-
donnés.
En peu de temps, des routes, des villes nouvelles, de
grandes fortifications, une armée organisée à la romaine,
avaient fait de Maroboduus un chef redoutable , et Tibère
s'apprêtait à l'attaquer quand le soulèvement des provinces
conquises par Auguste mit l'empire en danger. Ce fut alors
une grande pitié que de voirtrembler l'empereur pendant que
Rome s'inquiétait au seul nom des barbares. Une levée en
masse eut lieu ; mais bientôt les victoires de Tibère vinrent
calmer toutes les inquiétudes. Le, bonté n'était pas scn
\
DU SIÈCLE. 677
faible^ et deux aimées de massacre apprirent aux Celtes
de la rive droite du Danube , que la force a, non pas sa lé-
gitimité , mais son pouvoir contre lequel la conscience
humaine peut se révolter: pouvoir brutal qu'il faut sou-
vent accepter dans les actes les plus injustes et les plus
oppressifs sous peine d'extermination.
Le triomphe de Tibère se terminait lo^ue Rome apprit
le massacre des légions de Varus. — Germanicus le vengea,
et Àrminius fut vaincu. Le fils de Drusus revint dans la
grande cité«recevoir, en un magnifique triomphe, le prix de
la victoire, et, delà main d'une protégée de Tibère, le poison
qui devait terminer sa vie. Le moment était favorable pour
créer l'empire universel ; mais les empereurs n'avaient nul
souci du bonheur ni de la liberté de leurs peuples : ce
qu'ils enlevaient de force et de pouvoir au sénat et à
1 aristocratie , ils se gardèrent bien de le donner en libertés
à la démocratie dont ils étaient cependant la très-réelle
|)ersonnification. L'empire devint un peuple d'esclaves sous
a verge de fonctionnaires publics. Arminius vaincu par
Germanicus, n'étant pas tombé aux mains du vainqueur,
reprit les armes. Bientôt il attaqua le chef des Marcomans
de la Bohême -, qu'il défit dans une grande bataille. Rejeté
$ur le territoire romain , Maroboduus vint mourir honteu-
sement à Ravennes, méprisé de Rome et de la Germanie.
Arminius ne fut guères plus heureux; il porta ombrage
aux Germains si soucieux de leur liberté, et fut mis à mort
par ses proches. C'est de lui dont Tacite disait, le cœur
gros de pressentiments :
a On doit le regarder comme le libérateur de la Germa-
» nié. Comme beaucoup d'autres , il n'eut pas à lutter
» contre Rome encore faible et à son berceau, mais il l'at-
» taqua dans sa plus grande virilité sans que la victoire de
» Rome fut jamais complète ; il ne vécut que trente-sept
» années , dont douze consacrées à la vie active du pou-
» voir. Les Grecs qui n'admirent d'autre histoire que la
» leur, ne savent point son nom. Les Romains, sans
» souci du présent , n'ont d'estime que pour l'antiquité ,
» mais ce nom retentit encore dans les chants des peuples
» barbares. »
29
C78 PHILOSOPHIE
Auguste et Tibère avaient été des Romaias d'un patrio-
tisme inintelligent et rétréci. Caligula, Claude et Néron
suivirent une toute autre voie. Jamais homme ne montra ,
ni pour la nature humaine, ni poyr Rome, plus de mépris
que Càligula : sa vie fut une ironie amère et la satire la
plus violente de la société de son temps. Il épousa sa sœur
et se fit adorer de*son vivant comme un Dieu. Les Romains
ont oublié beaucoup des choses utiles qu'il fit faire ; leur
haine trouva dans ses folles excentricités matière à médi-
sance et à calomnie. Ils n*ont pas été plus justes pour
Claude, mais la postérité aura plu^ d'équité : dans le Ulté-
rateur habile, elle verra Thislorien des Etrusques, des
Ty riens, des Carthaginois, de grands peuples anéantis par
leurs adversaires ; dans Tempereur, le protecteur de tous
les opprimés et surtout des esclaves et des nations con-
quises.
D utiles travaux , de grandes victoires suivies d'une clé-
mence magnanime, des réformes administratives, la desti-
tution de proconsuls aristocratiques, la réintégration des
sénateurs gaulois expulsés par Auguste, et la plus vive
sollicitude pour les déshérités de la naissance et de la for-
lune, voilà les faits qui signalèrent son règne. On lui re-
proche d'avoir livré le gouvernement à des affranchis;
mais reste à savoir si les grands de Rome eussent fait
mieux. Certainement ils eussent fait moins bien.
Claude, ce vrai continuateur de Jules César, ne vécut
pas assez pour enlever tout motif aux guerres civiles, en
mettant à exécution son projet d'accorder le droit de cité
à toute l'Europe conquise. Néron lui succéda. Cruel, à
Rome, pour les grands, et d'une dégoûtante dépravation,
ce prince sut cependant adopter une politique habile vis-à-
vis des villes grecques et gauloises. — Comme Claude , il
suivit la pensée du chef de sa dynastie ; mais les actes
d'Auguste devaient porter leur fruit : les provinces étaient
étendues, et le militarisme déborda. Galba, Vitellius, Othon
se succédèrent h l'empire sans améliorer l'état des choses,
et quand Ye^sien monta sur le trône , les embarras des
affaires étaient trop grands pour qu'il fût facile de revenir à
la poUtique de Jules César. Ses successeurs, quelques-uns
DU SIÈCLE. 679
du moins, furent de grands hommes, mais la voie était telle-
ment tracée par les actes antérieurs, qu'il devenait impossible
de faire autre chose que de pallier les abus et de poser des
exutojres sur un corps social qu'il était , dans le principe ,
si facile d'amener à une grande vie.
La justice , l'économie et cette haute politique qui com-
prend combien il est dangereux de paralyser une partie des
forces d'un empire ou de*les mal employer, ne furent donc
écoutées ni pour ce qui concernait les intérêts démocra-
tiques des pagus , ni pour ce qui regardait les intérêts plus
aristocratiques des cités. Ces intérêts, les uns populaires,
les autres censitaires et représentant ce que nous appelons
actuellement , en France , la bourgeoisie , produisirent , en
s'amoindrissant et en se détachant de Rome , la ruine de
l'empire : ainsi sera toujours punie la violation des règles
étemelles de la raison.
Sous les successeurs de Tibère , les tribus germaines de
la rive droite du Rhin furent chargées de contenir leurs
frères du Nord et de protéger Rome. Le système, déjà
vieux, d'introduire dans l'empire les peuples asservis sans
les faire participer aux droits et aux avantages de la
cité, fut pratiqué imprudemment et sur une grande échelle.
La Germanie fournit alors aux armées de nombreuses
recrues , que des gardes civiques ou nationales, organisées
dans les pagus et dans les cités , eussent rendues inutiles.
Entrés sur le territoire de l'empire, ces Germains conser-
vèrent leur nationalité. Heureusement pour Rome qu'ils
appartenaient à des tribus rivales.
La politique des empereurs, toute de bascule, fut
d'opposer les barbares les uns aux autres, pour qu'aucun
de leurs peuples ne put devenir prépondérant et substituer
à la leur sa propre autorité. Ils ont longtemps formé trois
classes au sein de cet empire qu'ils devaient finir par
absorber. Les uns étaient simplement auxiliaires, et compo-
saient des corps soldés. — Les lètes formaient des peu-
plades plus ou moins nombreuses, astreintes au service
militaire. On leur confiait (expression d'Honorius) l'admi-
nistration de terres considérables. On trouvait chez eux
trois ccmditions sociales : ils étaient nobles , plébéiens ou
680 PHIIOSOPHIE
colons ; mais habituellement ils se imposaient de nobles
et de. noturiers seulement, et se ^considéraient comme les
Erotecteurs armés des colons. — Les Ripuaires formaient
L. troisième classe : ils. étaient cantonnés sur les bords des
grands fleuves.
Tandis que .ces hommes, peu exigeants de leur nature
et encore neufs, traitaient en égaux les plébéiens, en
fermiers les colons, mettant d^s «ménagements diaas leurs
e]i:igen€es^ toujours disposés à laisser au laboureur, au
contact. dMquetils vivaient, des blés en suffisaoee pour sa
nourriture et ses semailles ; plutôt prêts à Tencourager pour.
son<aggrandissement et ses améliorations pour tout ce qui
concernait les défrichements ^ le bétail, les arbres frui-
tiers et les vignes , car ils étaient tous assez enclins
à riyrognerie: les empereurs, Dioolétien surtout ^ s^imagi-
nèront de combler la distance qui les séparait du peuple
par une multitude de fonctionnaires , espèce toujours rui-
neuse pour les Etats, confondant ainsi les. rouages du gou-
vernement avec le gouvernement lui-môme, et ne tenant
nul compte des intérêts plébéiens des cantons ou pagus,
des intérêts nobiliaires des cités. Bientôt , par suite d^exac-
tions chaque jour de plus en plus nombreuses , toutes les
Eropçiétés s'accumulèrent entre les mains de la cour et des
auts. dignitaires, à ce point que le cens ayant été rédail
des trois-quarts , les nobles étaient encore bien moins
nombreux au IV' siècle qu'à la fin du second. Les plébéiens
et les petits propriétaires de la noblesse se prirent alors, les
uns et les autres , à rechercher un appui dans de plus puis-
sants qu'eux; de là le développement de ce protectorat
féodal qui existait déjà sous la République. Les empereurs
voulurent s'y opposer ; mais Dioclétien luinnême favorisa
cet abus en accordant des immunités d'impôts à une foule
d'agents de toutes sortes. Tandis que de nombreuses séries
de fonctionnaires jouissaient de ruineux privilèges, la ma-
tière imposable était sévèrement et même cruellement
traitée : xm entassait les contribuables en retard dans des
prisons où ils se donnaient souvent la mort pour échapper
aux tortures. Peu à peu le nombre en diminuait, et l'on
ne trouvait plus, dans des provinces entières, que des
W BIÈGIE. 681
armées de soldais et des armées de fonctîonnaifes , en face
de terres apauvri^s , cultivées par un cheptel' ■ humain
qu'aucune instittitiôn ne protég'ôait contre Tabsoliiitiânaè et
la rapacité des collecteurs. 11 y avait, au IV' siècle , tel
pays, l'Egypte par exemple, où tous les contribuables
portaient sur le corps la trace du fouet du percepteur des
contributions.
Lactance et Salvien nous ont laissé d'éloquentes pages à
l'appin de cette assertion : on y trouve d'affreuses révéla-
tions et le premier germe de celte politique d'humanité des
prêtres chrétiens, à laquelle une politique d'égoisme clé-
rical et d'intolérance religieuse devait se substitiïer par la
création d'institutions administra tiyes d'une haute impor-
tance.
Le nombre des fonctionnaires publics, nous dit Lac-
lanoe, était devenu tellement considérable sous Dioclétien,
1)roportionnellement à celui des contribuables, que les
aboureurs, écrasés par Ténormité des Charges , abandon-
naient leurs terres dont les cultures se changeaient en
forêts. La terreur existait partout, chaque contrée, chaque
ville voyait s'abattre sur son territoire des nuées de gou-
verneurs et d'officiers subalternes. On ne rencontrait par-
tout que procureurs du fisc, que maîtres des finances,
que vicaires des préfets , gens à qui la modération d'un
gouvernement juste était inconnue et qui ne savaient que
condamner et proscrire.
Mais il faut entrer entièrement dans la situation pour la
bien connaître , écoutons-le de nouveau.
;: <r Les champs étaient mesurés jusqu'à la dernière motte;
f» les cepts de vigne et les pieds d'arbres étaient comptés ;
» les animaux de toute espèce étaient inscrits; chaque
» tète d'homme était marquée. Le pauvre peuple -des
» villes et des campagnes était rassemblé dans les villes ,
» pendant qu'au-dehors se pressaient d'innombrables
» troupeaux d'esclaves. Chaque propriétaire était là avec
39 ses hommes libres et ses serfe ; la torture et le fouet
n retentissaient de tous côtés. Les fils , appelés à déposer
» contre leurs pères, étaient appliqués au chevalet; les
» esclaves les plus fidèles étaient contraints par les tour-
682 PHILOSOPHIE
» ments de témoigner contre leurs maîtres , les femmes
» îîontre leurs maris. S'ils n'avaient ni esclaves ni proches ,
» ils étaient eux-mêmes torturés contre eux-mêmes; et
» lorsqu'ils étaient enfin vaincus par la douleur, on les
» inscrivait pour des biens qu'ils ne possédaient pas. Nulle
» excuse pour l'âge , nulle pour les infirmités. Les malades
» et les infirmes n'en étaient pas moins portés sur les
» registres. L'&ge de chacun était soigneusement supputé ;
)) on ajoutait des années à celui des petits enfants , on eu
» était aux vieillards. Tout était plein de deuil et de tris-
)) tesse. Ce que les anciens faisaient autrefois à l'égard de
» ceux que la guerre avaient livrés entre leurs mains, le
» tyran Galère se l'est permis à l'égard des Romains et des
» sujets des Romains; sans doute parce que ses aïeux
» avaient été soumis autrefois au tribut que Trajan vain-
» queur imposa jadis aux Daces poul^' les. punir de leurs
» continuelles révoltes.
» Et pourtant 'o» n'avait pas foi entière dans les pre-
))^ miers opérateurs (censitoribus) ; mais on en faisait partir
» d'autres après ceux-là, pour tâcher de trouver plus de
)) matière imposable. Et chaque fois l'impôt était aag-
)) mente , non parce qu'on avait trouvé quelque chose qui
)) n'eût pas été imposé , mais parce que les nouveaux
» envoyés ajoutaient toujours, pour qu'on ne pût pas dire
» qu'on les avait envoyés inutilement. Cependant les ani-
» maux diminuaient, les hommes venaient à mourir;
» mais on n'en payait pas moins le. tribut pour les morts,
.) de telle sorte que l'on ne pouvait plus ni vivre ni mourir
» sans payer. Il n'y avait plus que les mendiants dont on
» ne pouvait rien exiger, parce que leur misère et leur
» dénuement les mettaient à l'abri de toute injure. Ah!
» l'homme sans pitié (le tyran Galère) eut pitié de leur
)> détresse , et ne voulut pas qu'ils fuss^t malheureux
» plus longtemps. Il donna l'ordre de les rassembler tous,
» de les entasser sur des navires et de les précipiter au
» fond de la mer. Ame compatissante ! il n'a pas voulu
» qu'il y eût un seul misérable sous son gouvernement. »
Doutez-vous de ce récit ? prenons Salvien , voici ce qu'il
nous raconte :
BU SIÈGLB. 683
« Cette situation , quelque dure et inhumaine quelle
soit, serait pourtant moins cruelle et moins horrible , si
tous portaient en commun le fardeau imposé à tous.
Mais ce qu'il y a de plus indigne et de moins tolerable,
c'est que tous ne portent pas la charge commune sur
les épaules. Bien plus , le tribut des riches lui-môme
retombe sur les pauvres gens, et ce sont les plus faibles
qui supportent le fardeau des plus forts. Qui pourrait
estimer à sa juste valeur une telle iniquité ? Les mal-
heureux ! ils ont à supporter en même temps les imposi-
tions de ceux qui possèdent et le dénuement de ceu\
qui n'ont rien. Et pourtant je dirai quelque chose dn
plus fort encore : ce sont les riches qui parfois ajoutent
de leurs propre mouvement à la charge du tribut, et co
sont les pauvres qui paient pour eux!.... Ainsi il arrive
sans cesse de noweaux envoyés, de nouveaux porteurs
d'ordres de la part des hautes puissances, quiles adres-
sent à un petit nombre de personnages illustres, pour la
ruine du plus grand nombre. On vote pour les miséra-
bles de nouveaux impôts, on vote des indictions nou-
velles. Oui! les puissants votent ce que les pauvres seuls
sont appelés à' payer. Pour eux, ils ne sont pour rien
dans les sommes dont ils surchargent les autres. —
Mais , direz-vous , on ne peut se dispenser d'honorer et
de recevoir avec libéralité les enxoyés du pouvoir. — En
€6 cas, ô riches, soyez les premiers à contribuer, puis-
que vous êtes les premiers à voter. Toi qui donnes du
mien , donne aussi du tien ; quoiqu'il soit beaucoup
{)lus convenable que celui qui prétend seul à toute la
àveur en fasse seul aussi tous les frais.
» Les pauvres, ajoute-t-il plus loin, sont les premiers
lorsqu'il s'agit d'augmentation, et les derniers lorsqu'il
s'agit de dégrèvements. Car si parfois, comme naguère,
les hautes puissances croient devoir diminuer en quelque
chose les contributions des villes en détresse , les riches
seuls se partagent un bienfait qui est offert a tous. Qui
alors se souvient des pauvres ; qui songe à appeler les
petits et lt;s nécessiteux au partage de cette grâce ? Quel
est celui qui étant le premier sous le fardeau, obtient
C8i PHILOSOPHIE
» d'étrt» admis, même après tous les autres, à participer
» au remède?... Où donc, et chez quek autres peuples
» que les Romains trouverons -nous de pareils maux? car
» les Francs ne savent même pas ce que c'est qu'un tel
» crime. Les Huns sont étrangers à de pareils forfaits.
» Rien de semblable chez les Vandales, rien chez les
n Gbths. Tant's*en faut que les Barbares aient à souffrir
» de pareils tourments chez les Goths, que les Romains
» mêmes qui vivent au milieu d'eux en sont exempts.
)) Aussi ne forment-ils tous qu'un seul et même vœu : c'est
» de ne jamais être réduits à passer de nouveau sous la
» domination romaine. Oui, toute cette plèbe romaioe ne
» demande qu'une grâce au ciel, celle de pouvoir passer
» au milieu des Barbares cette vie telle quelle dont il lui
« est permis de vivre. Quelle révélation sur la principale
» cause de la ruine de l'Empire!!! Etun effet, le gouver-
» ncment des peuples du Nord était cent fois moins dur,
» surtout aux laboureurs, que le gouvernement des Ro-
» mains.
Mais laissons encore parler Salvien :
(( Je pourrais m 'étonner du reste que tous les tribu-
» taircs pauvres et ruinés ne nous quittent pas pour se
)) réfugier auprès des peuples du Nord ; mais ne pouvant
» transporter avec eux leur chétive cabane et leur pauvre
w famille , ils se donnent aux riches pour que les riches
» les défendent et les protègent ; ils se mettent à la dis*
» crction des forts et passent en quelque sorte sous leur
» puissance et leur domination. (N'est-ce point là un fait
» de féodalité?) Et pourtant, loin de voir en cela un mal-
A heur ou un abus, j'applaudirais au contraire à cette
. )) niagnaniraité des riches, s'ils ne vendaient pas leur
» patronage , si la protection prétendue qu'ils accordent
)) aux petits était un tribut à l'humanité , et nra une des
j) embûches de la convoitise. Ce qu'il y a de cruel et de
» profondément triste , c'est qu'ils ne paraissent se mettre
» en pein^ de défendre les pauvres que pour les dépouiller,
» de protéger les misérables que pour les rendre plus mé-
n prisables encore par leur protection.
» Ce qu'il y a de cruel et de triste , c'est qu'un mal plus
ï)n SIECLE. 685
» affreux encore vient s'ajouter à ce mal ; les riches les
» reçoivent sur leurs terres en qualité d'aubains {advenœ)j
» et bientôt, par le fait même de leur habitation, ils
>i deviennent des serfs attachés â la glèbe. Et nous nous
» étonnons si les Barbares nous réduisent en servitude ,
» quand nous rédnisons en servitude nos propres frères !
» Hélaq î il n y a rien d'étrange dans la dévasta.tiou et la
» reine de nos cités ; il y 'a longtemps qu'en opprimant et
» Assenrissant les autres,' nous travaillons à notre propre
» asservissement. Quelle tableau ! comme il r^ous tait
j» l'histoire des classes pauvres aux IIP, IV et V' siècles. »
Les empereurs , pour se préserver d^une ruine dont la
misère des provinces était la source, se gardèrent bien,
dan« leur aveuglement, dé s'en prendre au fisc, aux mau-
vaises mœurt, au militarisme, au morcellement féodal de
leur autorité par les grands fonctionnaires, à leurs traités
inintelligents avec fes Barbares , à leur oubli des grands
intérêts nationaux des cités et des pagus , dont ils eussent
dû organiser les habitants en milices nationales*. Dans leur
imprudence, ils ajoutèrent une faute nouvelle à toutes celles
déjà commises, et démembrèrent leur autorité pour en
confier une partie à des tribuns du peuple, appelés défen-
seurs des cités.
Le clergé qui s'était déjà posé comme autorité ou pou-
poFUVoir moral à côté du pouvoir matériel des Césars,
comprit de suite le parti qu'il pouvait tirer de cette institu-
tion. Les évêques se firent nommer aux places nouvelles ;
ils firent plus , ils obtinrent d'Honorius un édit qui char-
geait fces magistrats de poursuites contre les hérétiques ,
exigeaàî que ceê défenseurs fussent imbus des mystères de la
religion orthodoxe (sic). De véritables tribunaux ecclésias-
tiques et un pouvoir civil réel furent la conséquence do
celte concession qui leur permit ultérieurement de faire
directement d'importantes négociations avec les Barbares ,
et de substituer à l'empire romain l'empire mérovingien.
En vain, dans le but d'éviter le fractionnement féodal
de leur pouvoir, l'inquiétude des empereurs eut-elle recours
à des moyens violents. Des amendes de 25 à 40 livres
d'or, la confiscation, les peines les plus sévères, ne purent
29*
686 PHILOSOPHIE
empêcher les petits propriétaires de se mettre sous la pro-
tection des grands, de ceux qui avaient la puissance de
faire agir ou d'arrêter le fouet des agents du fisc. Toutefois
dans beaucoup de pagus ou cantons les choses prirenl
une tournure nouvelle : les populations soumises à une
domination qu'elles détestaient se réunirent , et l'idée dr
leur indépendance possible entra dans leur esprit. Sous lo
poids d'une oppression sans égale et d'une épouvantable
anarchie , le peuple des campagnes, qui avait eu le temps
de réfléchir, donna signe de vie ; les pagus surtout rêvè-
rent un sort plus doux et voulurent le conquérir. Us étaler/
sur bien des [)oints débarrassés des nobles, les uns en faite,
d'autres morts ou mourants dans les prisons où le fisc les
avait entassés; quelques-uns dépendus à l'humble position
des plébéiens , à celle plus dure encore des colons. Rien m'
les retenait , et ils songeaient à s'armer pour protéger leur
révolte. Alors eurent lieu des réuuions (en celtique bagad] ;
do plus en plus fréquentes; leur jacquerie en prit le
nom , elle «'appela la Bagaudie.
On vit alors sur plusieurs points , dans les provinces du
Nord-Ouest, dans le midi des Gaules et le Nord de l'Espa-
gne, ces affranchis morceler l'empire et s'y créer do
petites provinces , composées de cités indépendantes. Jor-
nandès et les autres écrivains du temps] nous apprennent
que vers 41S les Bagaudes furent presque partout vaincus
et exterminés par les Goths, à cette époque les auxiUaires
de Rome. Cependant ils se soutinrent au Nord-Ouest des
Gaules , entre la Loire et la mer. Les paysans jouèreat un
plus gi*and rôle dans ces réunions , que les plébéiens des
villes ; on les menaçait de les brûler vifs , s'ils se faisaient
les auxiliaires des Barbares ; et ces menaces fréquanment
mises à exécution , nous dit Salvien , ne las arrêtaient pas.
Mais aussi, ajoutait le même auteur, qui a créé les
Bagaudes : n'ont-ils pas été conduits h cette position di'
révoltés par les iniquités les plus odieuses , par les rapines
du pouvoir, par les exactions et l'absence de toute justice?
Depuis un temps immémorial les pfttres faisaient voyager
leurs troupeaux , et les lieux de pâtures se multipliaient ,
car les solitudes étaient alors nombreuses au sein de Tem*
DU SIÈCLE. 687
pire. Des terres de grande surface restaient sans proprié-
taires : on aimait ini#i: ne rien posséder que d'avoir
trop à payer au fisc. Le sol, dans la etreonscription de
quelques cités, était à ce point déprécié que personne
n'en voulait à aucun prix. Indépendants par leur nature
et par leurs habitudes , les pâtres, comme aujourd'hui sur
une plus petite échelle les mendiants de nos campagnes ,
allaient de village en village portant les nouvelles , et
devinrent la source d'une puissance formée en grande
partie de colons. Les déserteurs , les vagabonds, les con-
damnés , tous ceux qui ne pouvaient vivre sous cette con-
trainte que Toil appelait la loi , se joignirent à eux. AuL
signal donné leur armée tout-à|kfait ignorée sortait comme
de dessous terre , nous dit Salvien , pour aller ruiner toute
un province; car si l'insurrection des Bagaudqs était, sous
toutes les formes, le fait le plus légitime et le plus expli-
quable, gardons-nous bien de croirequedes hommesà demi-
sauvages, en contact avec une civilisation aussi féroce que
celle de Rome , aient apporté dans leurs actes une modéra-
tion et une jmagnanimité dont le gouvernement ne leur
donnait jamais l'exemple.
L'un des premiers exploits de l'insurrection des Bagaudes
eut lieu eu 408. Ces hommes qui connaissaient tous les
passages des Alpes; s'y étaient cantonnés, et quand le lieu-
tenant d'Honorius voulut rentrer en Italie avec son armée,
qui était chargée d'un riche butin fait dans les Gaules, les
Bagaudes ne consentirent à la laisser passer qu'après s'être
emparés des dépouilles de leur pays, qu'emportait
l'armée romaine.
Cette jacquerie indiquait aux empereurs l'appui qu'ils
pouvaient trouver , en satisfaisant leurs besoins légitimes ,
chez les pâtres, les laboureurs, les plébéiens et les pro-
priétaires ruinés par le fisc. Une véritable organisation
communale , progrès immense pour le temps, eût été la
conséquence nécessaire d'une politique habile par son hu-
manité ; mais à la cour on n'avait que deux pensées, jouir
et faire de la force : les faits d'ordre moral n'étaient rien ;
les faits d'ordre int^lectuel très-peu de chose ; les faijks
d'ordre physique et matériel représentaient , presque toû-
688 PHILOSOPHIE
jours en entier le cercle où s'agitait la pensée des empe-
reurs et de leur entourage. #
Quelques historiens plus soucieux de systésia^ser les
événements et de les courber à des idées préconçues que
de se faire les simples interprètes des phénomènes sociaux ,
considèrent autrement la Bagaudie et semblent croire que
partout elle a présenté ce caractère d'ordre et de coalition
qu'elle parait avoir offprt au Nord-Est des Gaules ; mais
cette opinion n'est point historiquement sotitenable : rien
même ne prouve l'existence, au V* siède, d'un pacte qui
aurait réuni les deux Aquitaines , la deuxième , la tit)i*
sième , la quatrième Lyonnaise , et une partie de la deu
xième Belgique , c'est-^dire les anciennes provinces
d'Auvergne, de Berry, de Bretagne, de Normandie, dlsle
de France, de Champagne et d'Artois, et les quarante-
neuf cités ou départements que comprenaient ces provinces
sous la domination romaine. — Ce qui paraît probable,
c'est que les évoques devenus défenseurs des cîtés, et par
suite chefs politiques, comme ils étaient déjà cbefe reli-
gieux , jouèrent un grand rôle dans cette circonstance. —
Ce qui est mieux établi , c'est que les diverses luttes de la
Bagaudie ont duré une cinquantaine d'années. Le mouve-
ment du Nord donna aux provinces germaines la pensée
de s'affranchir ; elles se révoltèrent, et nommèrent un chef du
nomde Jovinus. Lorsque les GothsauxiUaires furent chargés,
vers 4i2, de faire justice de ces soulèvements, ce Jovinus
fut vaincu et fait prisonnier. La Bagaudie du Nord perdit
alors un grand nombrQ de villes; mais les cités bretonnes,
parmi lesquelles Quimper, Vannes, Nantes, Rennes et
leurs villes voisines, Angers , le Mans, Tours, Coûtantes,
Lisieux, Evreux, Avranches, Bayeux, Rouen, Sens,
Chartres, Troyes, Auxerres, Meaux et Paris, résistèrent
de telle sorte que l'empereur Honorius crut devoir recourir
à la diplomatie. Dans ce but , un décret impérial annonça
une sorte de convocation des Etats des provinces des Gau-
les, fidèles ou soumises, dans la ville d'Arles, «t Ton
nomma un gaulois , Exupérantius , préfet du prétoire. Les
concessions viennent souvent trop tard : celle-ci n'arriva pas
eh temps opportun , et n'eut point de résultat.
BU SIÈCLE. 689
Encouragés par la faiblesse de TEmpire, beaucoup de
cités secouèrent le joug fers 455, «t se soulevèrent à l'imi*
tatioa des villes arjmorioam6&. Aétius^ général très^habile,
fut chargé de les soumettre et il y réussit en partie: Ce-
pendant en 44^, vingt-^leux oîtés, équivalentes pour la
surface à dii^huit départements de France, restaient
encore à dompter. Ce fut alors que saint Germain Tau-
xerrois partit pour Raveunes , en apparence dans le but
de négocier les conditions de la soumission y mais en effet
pour gagner du temps : il y réussit. Bientôt les cités indé-
pendantes irouvèrenl un auiiliaive important dans le chef
d'une bande de pillards germains que^ dans leur langue,
les Celtes appelaient yrangs ou frangs, c'est-à-dire les
voleurs , les brigands , les corbeaux.
En 451 ,. un danger commun réunit sous le même dria-
peau et sous le commandement d'Aétius^ qui était un
grand homme de guerre, les Aomains, les Armoricains,
les Visigoths, les Francs^ les Bourguignons et quelques
autres peuples ; mais ils se divisèrent après la victoire , et
l'empire d'Occident , qui avait perdu tout prestige, abdiqua
antre les mains des évoques auxquels il avait confié la
souveraineté des cités. Ceux*ci, versés dans la connaissance
des bonnnes et très-habiles à les manier, ne tardèrent pas
à adopter les Barbares et spécialement les Francs, dissol-
vant ainsi l'empire et la ligue semi-républicaine qui leur
avait confié ses intérêts. Ces évoques avaient très-peu
favorisé l'élévation des colons et des plébéiens : aussi k
Ba^udie, malgré le sang qu'elle a fait verser, n'a-t-elle
que médiocrement servi Les masses toujours si facilement
dépouillées par la diplomatie, des avantages ecmquis par
leur patience et leur courage.
IIKAUaURATIOl^ ET DBGA1«1IGB DB l'bMPIRB BBS.
BTÉROVII^GIENS.
HonoriuS) après s'être fait le vassal du clergé, avait en
la faiblesse d'^bai^d^nner à Wallia, roi des Goths, tout»
690 PHILOSOPHIE
la partie méridionale des Gaules. Celui-ci mourut en 419 ;
mais il fut remplacé par Théodoric , qui fit de Toulouse
sa capitale et sut régner trente-deux ans sur rAquitaine.
Vers ce temps, les Bretons d'Angleterre passaient en
masse dans fa petite Bretagne, et le général Aétius réta-
blissait, par son habileté politique et militaire, la for-
tune de Rome au Nord de la Loire; mais les barbares
surent lutter de ruse et d'adresse. Vaincus comme enne-
mis, les Bourguignons se firent les alliés de Rome et
s'emparèrent , en cette qualité , de Genève , de Lyon et du
pays compris entre le Rhône et le Rhin , voire même d'une
partie du Midi de la France.
Attila, en 451 , vint faire trêve aux luttes intestines qoi
ruinaient les Gaules ; il comptait sur ces divisions pour
s'en emparer, mais il fut vaincu par Aétius, aux plaines de
Châlons. Parti de Rome avec des secours de papiers ,
comme le dit spirituellement l'abbé Dubos, il sut, en
quelques mois , organiser une grande armée et prendre les
dispositions les plus habiles.
L'empereur assassina lui-même Aétius, en 454, et porta
ainsi le coup le plus funeste à sa puissance. Avilus,
poète a^sez remarquable et l'un des saints du calendrier ,
monta bientôt sur le trône ; mais il n'avait aucune des
quahtés nécessaires, et il ne tarda pas à se démettre de la
pourpre. A son abdication , succédèrent des luttes entre les
Bretons, les Bourguignons, les Francs et les Goths. Une
lettre de Sidoine AppoUinaire nous fait présumer qu'il y
avait même un traité entre les Francs et les Goths pour
démembrer la Gaule romaine , à l'exclusion des Bourgui-
gnons, en prenant res])ectivement la basse Loire pour
limite.
A partir de 509 , les événements marchent rapidement.
En cette année, les Danois, les Rugiens, les Hernies et
d'autres Barbares , appelés en Italie par Oreste , qui gou-
vernait sous le nom de son fils, demandèrent le tiers
des terres : le pays leur allait , et ils désiraient s'y fixer.
Sur son refus, Odoacre, chef des Herules, déposa l'em-
pereur, partagea les terres et demeura dix ans maître de
l'Italie.
BU SIÈCLE. 691
Cet événement eut son contre-coup dans les Gaules : les
Goths s'emparèrent de la Provence; mais les Francs, sous
la conduite de Clovis , firent alliance avec les évêques et
devinrent , sans coup férir, la milice des principales cités
du Nord de la France. Cette polilique habile , Tassassinat
de quelques chefs rivaux qui étaient ses proches parents ,
son mariage et la victoire de Tolbiac, lui livrèrent les
villes armoricaines, Cambrai, la Belgique, Cologne, l'Al-
sace, la Souabe, la Franconie, THelvétie, la Rhétie et la
Bavière. 11 voulut s'emparer de la Bourgogne, mais il
échoua. Plus heureux vis-à-vis des Visigoths, il gagna sur
eux, en 607, la victoire de Vouillé, près Poitiers, qui lui
livra presque toute la France méridionale , y compris Tou-
louse, et les trésors du prince rival. Clovis mourut en 511,
à Lutèce ou Paris, dont il avait fait sa capitale.
Très-criminel vis-à-vis de ses proches , Clovis fut excel-
lent pour le peuple et dota richement le clergé , qui lui
pardonna ses assassinats. Saint Mélaine, de Rennes ; saint
Wast, d'Arras; Euspicius, premier abbé de Mici; saint
Mesmin et plusieurs autres en font presque un petit saint.
Le problème de la conquête de l'empire par les Ger-
mains était résolu ; restait celui de son organisation.
Fallait-il greffer la Germanie, avec ses mœurs pures et ses
institutions communales si hbérales pour tous , sur l'orga-
nisation des cités et des pagus, ou bien convenait-il de
continuer la domination domaine avec des maîtres ger-
mains ?
Clovis ne comprit qu'à-demi la première solution, qui
transformait les colons et serfs en fermiers et devait unifier
son empire ; cette solution d'ailleurs répugnait aux évê-
ques, ses auxiliaires et conseillers. 11 prit un moyen terme :
laissant à chaque peuple ses institutions , il fit fonctionner
à nouvean la vieille machine fisco-gouvernementale de
Rome , sous la direction de Francs et surtout de Gallo-
Romains. Pressé par ses idées de conquête, il oublia
l'organisation qui les pouvait rendre durables. — Pendant
sa vie , cette machine fonctionna doucement , mais avec
sa mort tout changea. Sous l'empire, c'était la curie ou
sénat départemental qui faisait le répartement de l'impôt
692 PHILOSOPSIE
entre les pagus , comme aujourd'hui les conseils- générdiix
de France, Sons les mérovingiens, l'impôt territorial et les
capitations forent continués ; le même matériel et le même
personnel fonctionnèrent , à cela près que les comtes rem-
placèrent les sénats des cités qui survécurent comme ces
becs de gaz dont, au grand joor^ nous réduisoBs.la flamme
de telle sorte qu'elle soit à peu près imperceptible , quoi-
que se conlinuaiit toiyours.
Signalons ici deux faits importants : l'on , l'origine de la
puissance des comtes et, partant, d'agences simples qui
correspondent k un pouvoir simple , la royauté , ce qui fil
faire un nouveau pas à la féodalité ou démembrement dn
pouvoir royal, qui ne pouvait être durable et puissant
qu'avec des libertés communales plus ou-moins* démocra-
tiques. L'autre, la soumission de toutes les terres à l'impôt.
Celles des soldats en furent seules exceptées selon Tusage
(les Francs étaient la milice du nouvel empire).
Remarquons encore que dans les pays occupés par les
Ripuaires, le jour où le préfet des Gaules eut disparu, le
juge ou duc de Belgique le remplaça ; avec lui , ses prévôts
montèrent en grade et devinrent greffions ou comtes. Les
prévôts de ceux-ci devinrent à leur tour vtguiers , vicaires,
vicomtes , prévôts , châtelains et centeniers. Les vicomtes et
viguiers étaient plus spécialement chargés des admires
fiscales ; les châtelains , prévôts et centeniers , des affaires
judiciaires et dé la poursuite des malfaiteurs. Les uns et
les autres étant Germains, furent appelés par les Gallo-
Romains, gentilshommes^ c'est -èt-dire gens de race étran-
gère.
Avec la prépondérance des Francs augmenta celle de
leur loi. En général , pour être libre , on se faisait Franc
ou l'on entrait dans les ordres , ce qui ne forçait nullement
de renoncer au mariage. La puissance des comtes entraîna
l'abaissement des curies des cités, qui, d'agences dépar-
tementales, furent réduites i l'état d'agences locales ou
paroissiales , tandis que leurs villes capitales devenaient de
simples paroisses civiles ou communes , souvent opprimées
par les comtes.
Chargés de la perception de Timpôt , les comtes et
BU SIÈCLE. 695
greffions des Francs, qui n'étaient pas d'habiles administra-
teurs , les donoèrenl en ferme à des Juifs. Quelquefois ,
comme cela eut lieu pour le célèbre Armentariusi les
comtes faisaient assassiner, pour le dépouiller ensuite , le
Juif auquel ils avaient donné en location leurs pouvoirs
pour la perception appelée alors txacixon. A cette époque ,
les comtes représentaient donc non-seulement nos préfets
actuels, mais aussi nos receveurs -généraux de France:
comme ces derniers, ils faisaient des avances à l'Etat,
presque toujours par l'intermédiaire d'usuriers qui en
étaient souvent victimes.
11 est dans la liature humaine d'aimer les jouissances
faciles. La cour, car il y > eut bientôt une cour mérovin-
gienne , consomma beaucoup , et le fisc revint aux habi-
tudes de l'ancienne Rome. Le bas clergé , les Francs eux-
mêmes ne furent pas ménagés ; mais les peuples du Nord
avaient une toute autre individualité que les Galtô-Romains,
et le bas clergé toute la ruse de gens habitués à lutter
contre divers despotismes. Les Francs firent de la révolte
individuelle, et le haut clergé, prenant la défense des
siens, répondit, en 567, à sa manière au concile de Tours,
en appelant tous les clercs à lire en chœur le Pseaume 108 .
contre le meurtrier des pauvres, le ravisseur des biens
d'église, afin d'appeler sur sa tête la malédiction qui frappa
Judas , l'avare , le voleur, le meurtrier. Ce nouveau Judas,
voleur, avare et meurtrier, c'était le roi lui-même ! ! !
Atteints par les maladies dans leurs affections de famille,
Chilpéric et Frédégonde firent ouvrir les prisons des déte-
nus pour refus ou pour impossibilité ae payer l'impôt ;
ils jetèrent au feu les rôles du fisc , et furent en apparence
trè^généreux ; mais ils ne détruisirent en réalité qu'une
suctaxe , et les anciens impôts restèrent ce qu'ils étaient.
Pendant un demi-siècle, la reine Brubnaud, femme
sans cœur et sans foi, passionnée comme une méridionale,
s'efforça de créer par la violence , une royauté puissante.
Le poison, l'assassinat, l'exil furent ses moyens, mais elle
mourut méprisée et détestée pour ses crimes, sans avoir,
pu atteindre son but. Nous n en sommes étonnés : d'un
côté, la royauté avait affaire au clergé et aux nobles gallo-
694 PHILOSOPHIE
romains, gens de finesses et de protocoles, ?rais procédu-
riers , sachant patienter avec les crimes des rois dont ils
étai^t souvent les instruments ; mais ayant l'habitude de
co calme placide , de cette inertie calculée, qui sait laisser
combler la mesure, et marche diplomatiquement au but, par
des chemins couverts et surs ; de l'autre elle avait pour
adversaires les leudes ou chefs des Francs , gens souv^it
honnêtes, ayant tous, bons ou mauvais, quelque chose de
rude et d'agreste comme leur forêts. Ceux-ci se manifestè-
rent au grand jour en assassinant, vers 548, Posthuroius, qui
le premier les avait soumis à l'impôt. L'ayant trouvé eaxAié
dans un vieux bahut d'église, ils le lapidèrent sur-le-champ,
après l'avoir attaché à l'un des piliers du temple. Le res-
pect des peuples pour les rois mérovingiens n'était pas
extrême à cette époque : Grégoire de Tours , nous rapporte
qu'en son église , Contran s'adressa de la sorte au peuple
réuni à la messe du dimanche : cr Je vous en supplie tous,
» hommes et femmes, gardez -moi votre foi et ne me
» tuez pas comme vous avez occis mes frères. Je vous
» en supplie , laissez-moi élever mes neveux ; il me faut
» trois ans encore pour leur éducation , et vous avez besoin
» d'un homme fort de ma race, pour vous sauver vous et
» ces pauvres petits, n Que d'enseignements historiques en
ce discours !...
La lutte engagée n'avait qu'une solution possible, l'abais-
sement de la royauté. Par l'édit de 6iS, les Gallo-Romains
et leurs évoques désarmèrent le pouvoir royal à leur profil,
tandis que l'opposition des leudes fut représentée au sein
même de la cour, par une vaillante famille d*Austrasie ,
qui réunissait au plus haut degré toutes les qualités gou-
vernementales : la prudence qui sait attendre, l'audace qui
étonne, la réserve qui annonce le calme , et cette indomp-
table énergie qui prouve d'une inflexible volonté. Habiles
en discussion comme des clercs d'église, politiques comme
les plus roués des Romains , audacieux à la manière des
plus braves de leur nation , les maires du palais surent res-
taurer cette ancienne position des tribus germaines , qui
avaient quelquefois pour roi l'homme de la race, et
pour chef le plus valeureux. Lesrois dits fainéants n'étaient
BU SIÈCLE. 695
pas fainéants , mais de vaillants hommes dans Timpossi-
bilité d'agir, des rois sans royaume et sans peuple. Cet
abaissement eut été évité si Glovis avait su ou voulu dire,
conformément à la loi germaine et h une sage politique :
Il n'y a dansTempire ni vainqueurs ni vaincus;
Ses défenseurs armés seront exempts d'impôts;
Les cités continueront à s'administrer elles-mêmes ;
Le colonat s'exercera selon la loi germaine ; les esclaves
et colons deviendront fermiers ;
Le tiers des terres sera toujours affecté aux besoins de
l'Etat et de sa défense ; il ne sera pas transmissible par
h^tage , il sera domaine public ou royal ;
Les pagus nommeront eux-mêmes leurs prévôts.
Malheureusement ceux qui comprenaient cette solution
et qui avaient intérêt à ce qu'elle eut lieu , préférèrent
s'allier aux leudes pour morceler le pouvoir.
TRI03IPHE DE LÀ FFIoDÂUTÉ.
Le maire du palais ou duc des Francs, Pépin d'Héristal,
nous représente le parti noble et surtout le parti franc
grandissant en puissance. Le jour ou Pépin s'empara du
pouvoir de -Thierry, fils de Clovis 11, ce môme jour, la
féodalité fit passer la monarchie sous les fourches cau-
dines. Sous le règne de Dagobert II, un homme de
grande virtualité que l'on retenait en prison, Charles-
Martel, voyant les difficultés qui pesaient sur l'empire, vole
en Austrasie, se pose duc des Francs, qui l'acclament , et
prend la direction de la grande puissance qui portait ce
nom. Sa politique fut vigoureuse: laissant vivre à côté de
lui uii pouvoir nominal , il occupa les nobles dans des
guerres d'intérêt national , et sut abaisser l'épiscopat au
profit de tous. Les Frisons, les Saxons, les Arabes
reconnurent sa valeur ; et le pape fut contraint de lui payer
en concours politique , ie secours qu'il lui accorda contre
les Lombards.
696 PHILOSOPHIE
Pépin dit le Br^ héiita de Charles Martel pour la
râleur; il combattit lesSarrasins, les Aquitains, tes Salons,
les Bavâ^rois , les Ëselavons^ mais il n-organisa ri«ii an
civil; il se fit oindre & la manière de Saûl et de David,
donna au pape un pouvoir tt^mporel et renonça à la poli-
tique de son père à l'égard . du clergé ; il fut le père de
Charlemagne.
ÉLÉKENTS QUI POUVAIENT ET DEVAIENT SE COMBINER POUR
PRODUIRE LES COMMUNES.
Un mariage physiologiquement égalitaire à la manière de
c« qui se pratiquait chez les Germains ; une famille nou-
velle , conséquence de ce mariage perfectionné ; une com-
mune OU association de familles, en nombre suffisant
pour arriver à la production économique , sous le triple
rapport physique , intellectuel et moral : voilà les bases de
rhumanité. Cette assertion explique l'importance que
nous attachons à tout ce qui concerne le' mariage, la
famille , la commune , et justifierait ce chapitre s*il en
était besoin.
De Glovis à Charlemagne , les populations qui avaient
conservé plus ou moins leurs curies restèrent en place.
Les Goths , les Sarrasins , les Francs ne détruisirent les
cités , ni dans le nord de Tltalie , ni dans le midi de la
France, ni même à Rheims et autres lieux ; mais ils amoin-
drirent leur pouvoir et leurs éléments : ils en firent, avons-
nous dit , des com^munes civiles , dont les matériaux sur
bien des points ne furent même pas disjoints par les chocs.
A côté de ces éléments d'avenir civil , d'avenir de paix
et de travail, il y avait déjà, au VI* siècle, des paroisses
ou communes spirituelles. Là où le peuple nommait ses
curés, pouvait-il ne pas désirer d'aller plus loin? Le fait
de la nomination des curés avait surtout lieu dans les
pagus. populeux, représentés aujourd'hui par nos petites
villes et nos chefs-Ueux de cantons.
BU siàCLE. 697
Toutes les abbayes si nombreuses dès le VU* siècle,
étaieot autant decommiuies spirituelles, dan&r lesquelles le
communisme dépassait de justes limites, comme il les a
plus tard dépassées dans les communes civiles.
Les Ratchimbourgs, dont les lois salique et ripuaire font
mention , étaient aussi un autre élément du communa-
lisme à venir. Huit Ratchimbourgs jugèrent, sous Cloris,
une cause qui intéressait saint Rémi , ce qui prouve qu'ils
étaient Gallo-Romains et que leur tribunal différait de celui
des Francs.
QUELQUES BVÈNEXENTS DE l'ORDRE RELIGIEUX
DU IV"' AU VIII"* SÈCLB.
La narration du concile de Nicée , ce fait si ifnportant ,
varie singulièrement chez les historiens qui en ont parlé.
Où trouver la vérité ? Eusèbe nous rapporte que plus de
deux cent cinquante évêques y assistaient ; Socrate dit plus
de trois cents; Sozomène, trois cent vingt; plusieurs, trois
cent dix-huit ; puis Eutychius , Joseph et Isroaël Ibn-Ali ,
cité par Seldenus, rapportent .que deux mille quarante-
huit prêtres, se présentèrent pour en faire partie, que
Constantin en rejeta mille sept cent trente qui étaient no-
toirement ariens, et n'admit que les trois cent dix-huit
pasteurs qu'il supposait de son opinion. Dans ce concile fut
discutée et rejetée la croyance d'Arius. — En voici le résumé :
« Dieu n'a pas toujours été Père , Fils et Saint-Esprit :
» il fut un temps où il était Dieu seulement. — Toutes
» choses ayant été faites du néant , le verbe divin , qui est
» au nombre des créatures , a été tiré du néant. — Puis-
A qu'il n'était pas avant d'exister, il a eu un commence-
» ment. — Le Christ étant une créature , est inférieur à
» Dieu le Père, son créateur. — Mais il y a eu un moment
» où Dieu, réternelle» sagesse , a cru utile, pour nous
)>- produire, de créer un être auquel il a donné le nom de
« verbe , de fils et de sagesse , afin de s'en servir pour
)i notre production, »
698 PHILOSOPHIB
Athanase n'eut point de peine à démontrer que cette
doctrine était- entièrement celle de Platon. Métaphysique-
m^t, Arius était, à notre sens, en grande erreur : comment
admettre que l'être universel puisse exister avec la pré-
existence de son mode , puissance sur les modes, verbe
ou action, esprit-saint ou amour? Mais son adversaire alla
plus loin : laissant de côté les enseignements de toute Tan-
tiquité, il fit admettre Tétat distinct et cependant con-
substantiel du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Cette solution ne fut pas acceptée dans ces termes par
les trois cent dix-huit évêques du concile. Secundus, Me-
letius, Eusèbe de Césarée, Eusèbe-le-Grand de Nicomé-
die , Paulin , Léontius , Théonas , Bazile , Théognis el
d'autres , remplacèrent le mot grec qui signifie consubsim-
ttel par une autre expression qui veut dire semblable quant
à la substance,
A la sutte de ce concile , Constantin fit une lettre-circu-
laire dans laquelle il ordonnait que les ariens fussent
appelés porphyriens, que les livres d' Arius fussent brûlés,
et que Ton mit a mort ceux qui en conserveraient des
exemplaires. — Notons au passage cet acte solennel
d'oppressive et sanguinaire intolérance : l'empereur, dans
toute la majesté de ses fonctions, décrète la peine de mort
contre l'indépendance de la foi; le maître du monde chré-
tien dit à l'espèce humaine : « Crois ce que je crois, ou
meurs. » Et dans cette assemblée d'évêques, où de si vives
passions s'étaient agitées , pas une voix ne s'élève pour
confesser, au nom du Christ, les droits de rhumaniléel
réclamer l'indépendance des âmes.
Quelles étaient ces hérésies célèbres des pélasgiens, des
semi-pélasgicns , de Nestorius, d'Eutychès, qui agitèrent
si profondément le cinquième siècle ? Les voici en quelques
mots.
Ecoutons d'abord Pélasge :
Adam a été créé mortel ; — son péché lui était pcr-
s(Mmel , — donc il n'y a pas de péché originel , — donc
le péché d'Adam n'est point la cause de la mort du genre
humain , — donc la résurrection de Christ ne saurait être
la cause de la vie future, ni de la résurrection générale.
BU SISCLB) 699
L'homme est né libre , dooc il est responsable ; — sans
liberté , pas de responsabilité. — La faiblesse n'excuse pas
les vices. — Si le péché peut être évité il est mal de le
commettre , et alors il existe ; — s'il existe , son existence
est une preuve de la liberté. — Nier la possibilité d'éviter
le péché , c'est nier le Hbre arbitre. — Le dogme du
péché originel est absurde et injurieux à Dieu. — Une
créature qui n'existe pas ne saurait être complice d'une
mauvaise action.
Pour réfuter Pélasge, au sujet de la liberté, il fallait être
un physiologiste de 1850, et savoir que la liberté c'est le
droit et le pouvoir de se développer au physique, au moral,
à rintellectuel , selon le pjian providentiel de la nature. —
Augustin entreprit de le combattre : il arriva dans sa polé-
mique à des conséquences comme celle-ci : -—.Dieu peut
accorder la grâce à un homme plutôt qu'à un autre , sans y
être déterminé par ses mérites.
Voici l'argumentation très scholastique de Nestorius :
Marie n'est point la mère de Dieu , mais seulement de
Jésus. — Créature , elle n'a pu enfanter sou créateur ; —
mère , elle n'a pu donner naissance qu'à un fils de sa
nature ; c'est- à-diré mortel. — Donc le verbe s'est incamé
en s'unissant à la chair de Jésus; mais il n'est point mort
(lui verbe) et il a ressuscité le Christ. — Il y a donc deux
5)ersonnes en Christ : le Dieu , et l'Homme dont le Dieu a
ait l'instrument de la rédemption du genre humain.
Eutychès enseignait au contraire qut; depuis l'incarna-
tion , il n'y a plus eu en Jésus qu'une seule nature , la
divinité et l'humanité se trouvant confondues.
Après Pélasge vint Fauste , comme lui breton ; après la
question humaine vint celle de l'Ame. Tertulien matériali-
sait l'âme, il en faisait un cerveau transfiguré. Jean
de Damas admettait des être incorporels par naiure^
d'autres par vice de langage. Dieu est incorporel par nature,
disait-il; mais les anges etJes autres êtres spirituels ne
le sont qu'eu égard à la grossièreté de la matière'. Fauste
suivit cette voie.
Autres sont, dit-il, les choses invisibles ;,,''l^u très les
choses incorporelles. — Tout ce qui est^erê^ est matière
y
700 PHILOSOPHIE
saisissable pour le créateur et corporel. — L'Ange, dit^l
encore , occupe un lîeu (il eut pu rf[out^r le cerveau) ; elle
n'est point partout où se porte la pensée; elle est distincte
de ses pensées qui varient et passent, tandis qu'elle est
permanente et identique. — Elfe sort du corps a la naort,
(Christ n'a jamais dit autre chose) , elle y rentre par h
résurrection (c'est encore la dbctrinç chrétienne) y témoin
Lazare. La distinction de Tehfer et du paradis , des peines
et des récompenses étemelles , prouve que même après la
mort les âmes occupent un liem ; elles sont donc, corpo-
relles. — Dieu , ajoute Fauste , est incorporel, parce qu'in-
saisissable et partout répandu.
Cette doctrine fut l'occasion d'un mauvais écrit de
Mamert ClaudîBn , que Guizot a reproduit en lui donnant
assez légèrement son entier assentiment. Il eût été plus
sage de faire remarquer que toute cette discussion roule
sur le mot carp€r$i , que Mamert Claudien applique unique-
ment aux corps pondérables , et que Fauste applique à un
être impondérable. Au lieu d'approuver des propositions
aussi réfu tables que celle-ci, « dans le corps vitant^ chaqut
partie vit autant que tout le corps entier, et rame at
cette vie, » Guizot eut mieux fait de rechercher la filiation des
doctrines de Fauste ; alors il eut vu que la doctrine du
prieur de Lerin , qui vivait au midi de la France , au con-
tact de philosophes pythagoriciens , n'était que lei*r pan-
théisme spiritualiste , modifié par les opinions chrétiennes
du temps.
Le concile d'Orléans qui se réunît au siècle suivant, à
la demande de Clovis, ne négligea rien pour étendre le
pouvoir temporel des évêques. 11 alla même jusqu'à leur
donner le droit d'asile dans leurs hôtels ; il supprima aussi
la piescription pour les biens ecclésiastique .
Quelle était à cette époque la législation atholique pour
les élections des évêques? Il n'y avait pas de règle absolue
pour la forme; tous cependant étaient élus par leurs parois-
siens, car^paroisse et évêché c'était tout un aux premiers
siècles. Ce droit était si loin porté que le pays de Cjrénée
élut un jour le philosophe platonicien Cynésius, pour ses
vertus et la considération dont il jouissait, bien qu'il crut
DU SIÈCLE. 701
à la préeiistence des ftmes à la création de notre terre,
à rétemité de Id substance matérielle , et à la lésurrection
prise seulement en un sens mystique, car il traitait la^
résurrection dé la chair d'abominable (Synes, epist 105 ad*
fraireê)\ bien 'plus, Synésius était marie, et déclara qu'il
n'entendait nullement renoncer à ses espérances d'être
père. — Ambroise de Milan était très-jeune et n'avait pas
été baptisé qqand le peuple le choisit pour gouverneur
spirituel. Beaucoup d'autres faits pourraient venir à
l'appui de ce qui précède ; toutefois dès le Vil* siècle la
société chrétienne se divise : d'un côté , Iç clergé ou admi-
nistration; de l'autre, les ordres religieux. Peu à peu les
évèques agrandissent la distance qui les sépare des autres
prêtres ; ils se présentent d'abord comme une autorité
pleine de mansuétude , mais ils ne cessent de dépouiller
César et bientôt Clovis à leur profit, de manière à devenir
les maîtres du pouvoir matériel. En vain conservent-ils
aux chrétiens les réunions reUgieuses et les conciles ^ bien-
tôt ils pèseront de tout leur poids sur ces assemblées: déjà le
bas clergé ne participe plus, par les conciles, à la confection
du dogme , et les réunions religieuses ne se feront doréna-
vant qu'avec leur autorisation. — Si nous plaçons en
regard de la société religieuse , la société civile , gardons-
nous, avec Guizot,de croire au néant partout. Au contraire,
il existe partout de grands germes de toutes ces forces qui
produiront , en se développant , les associations appelées
communes et corporations , les confédérations de cantons
et les confédérations de villes libres.
ARTS, SCIENCB, INDUSTRIE AUX SIÈCI«SS DE BARBARIE.
Le np siècle nous rappelle la construction des Thermes
de Rome, le Traité du Sublim"^ de Longin, l'importation
de la soie de l'Inde et la conservation , par saint Clément ,
de fragments d'ouvrages aujourd'hui perdus. Les sciences
exactes sont peu cultivées, et la médecine devient mvstique.
Les exorcismes et les oremus récités sur la tète des ma-
702 PHILOSOPHIE
lades remplacent trop souvent, la. prati<mç, 4fi> Celse et de
Galieri; au Nord',' Ossian, par.aespoé5|ps»,çéveiU,a les. der-
niers des bardes. ^ . . . »..
L'abolition des combats de gloidiateui:s, .ladéstnictiou
des moi^uments de la science des druides « ^ Etrusques
et d'uiie foule d*œuvres d*art; les hgibiles. i^esures cooKoer-
ciales de Julien dit TApostat, la protection, qu\l accoida
aux lettres et à la philosophie, npu3 rappellent le lY' wècle,
dans lequel Diophante fit connaître aux occidentaux son
algèbre. L'application des cloches aux églises est auasi de
celte époque.
Au Y" siècle, le' clergé s'empara des hautes études ^t les
supprima presqu'entipement, ' . . .
Ce fut fn 475 que cent vingt miljlê volumes échappés
aux désastres des réyolutions » furent brûlés k Alexandrie.
Nous ne voulons point justifier le calife .Omar, de. ce qu'il a
pu faire, mais pourquoi l'accuser d'avoir brillé ce qui
n'existait jjlus. , . .
Le VI* siècle nous donne néant pour Ips sçien<çes , jpéant
pour la philosophie , néant , pour les arts , ijadustriels.
Toutefois ce fut à la fin de cette période que Grégoire-le-
Grand découvrit notre systècqe de musique.
Au VIP siècle , nous trouvons Eloi , l'habile argentier
de Da^obert. L'Angleterre fonde l'université dq Cambridge;
les commerçants français instituent les première Xoires ; oa
applique les orgues aux édises \ les Arabes inyeotent ou
empruntent aux orientaux les moulins à vent, et CalUoiqae
imagine le feu grégeois.
Au VllI* siècle, la civilisation est toute musulmane.
Cependant les Lombards inventent la lettre de change; on
commence à se servir de papier de coton qui venait d'Orient,
et Charlemagne rappelle le savoir dans les grandes écoles
de son empire.
ÈPiBdMlB DU YI** SIÈGIB.
Au triple aspect physique, intellectuel et , moral de
rhomme correspondent des états non-seulement iadivi-
DU SIÈCLE. 703
duels, maiè encore endémiques, épîdémiques et contagieux,
de vie maladive , que la philosophie de notre époque .doit
étudier pour les faire rentrer dans une esquisse des faits
généraux du développement de Thumanité.
L'épidémie du VI* siècle paraît être née sur les bords
du Ni! ; elle ne tint compte, dans ses pérégrinations, ni
des clim^rs, ni des saisons, ni du sexe, ni de TAge. —
Con^antinople vit mourir quatre, cinq, six et dix mille
personnes en un jour : il fallut fréter des navires pour por-
ter tes cadavres à la mer. Cette maladie reparut quatre
fois en soixante ans.
Au dire d'Agathias , la plupart des malades mouraient
avec les symptômes de l'apoplexie. A Constantinople, le mal
déb'utait par de l'abattement, de la terreur, des vertiges.
Le second ou troisième jour, cet état si grave s'aggravait
encore , et le malade , nous dit Procope , ne taràait à
succomber.
Les bubons et boutons qui apparaissaient étaient gan-
greneux. Chez quel(^ues-uns, en une heure le corps était
couvert de taches noires et la mort suivait de près ; uautres
succombaient pendant un vomissement de sang.
Le pronostic des plus habiles était sans cessa démenti
par les faits.
Plusieurs écrivains prétendent que le bol d'Arménie pro-
duisit de bons résultats.
Les symptômes furent loin de présenter la même cons-
tance : à Anthioche , cette épidémie débuta souvent par la
diarrhée, comme notre choléra, ou encore par un oedème
du visage, une angine et la rougeur des yeux; en France
et en Arabie, elle fut compliquée de maladies éruptives,
rotigeole, roséole, scarlatine et variole.
Pour nous, cette épidémie sur laquelle nous avons. si
peu de détails, a été la conséquence d'un état miasma-
tique vénéneux de l'atmosphère. Les miasmes qui la produi-
sirent appartenaient à la famille de ceux qui ont causé
notre choléra , mais ils en différaient. Les miasmes pour-
raient être l'occasion d'une grande étude : personne n'a
osé s'occuper jusqu'à ce jour de ces inûniments petits qui
donnent à l'atmosphère des qualités si variées.
704 PHILOSOPHIE
DE t'rstAMiàkE.
En regard de la barbarie ,6t de rimpuissance de T Occi-
dent , s'élève uuç lumière nouvelle. Le nom fteul de Maho-
met nous rappelle upe légende> poéti(ï^e', la grandeur
des Maures, Bagdad,. Samarcande et là puissance mîlitake
des Turcs, Nous, ne saurions oulxlier non plus la civilisation
d'une partie du continent africain par les missiohnaàies
musulmans, ad la portée sociale de qu^ques-^nes des doc-
trines de rislamisme.
Les préjugésicontrela civilisation turco--arabe sont graods
en Europe ; il importo avaut tout de les détruire : les faits
vont parler d'eux-mêmes.
Dans tous les pays musulmans , les propriétés ou terres
sociales sont excessivement considérables : fait important
dont la politique de la France , en Algérie , n*a pas su tenir
compte. Elles sont le fait général, la propriété individuellp
étant plutôt l'exception. De ces terres, beaucoup sont
consacrées à des établissements de charité dont elles ali-
mentent les secours. Le vrai croyant , lorsqu'il est riche ,
s'efforce d'être agréable à Dieu en creusant un puits sur
une route aride , en établissant un réservoir près d'une
mosquée, en alimentant un village ou une ville au moyen
d'un canal ou d'un aqueduc, en sacrifiant sa foi tune pour
les établissements publics. L'eau est le premier besoin des
pays déserts , si communs dans ces contrées où règne la
religion de Mahomet : aussi semble-t-il l'avoir prise soussa
protection.
Le costume , auquel les Européens n'attachent pas asseï
d'importance 9 est très-différent chez les musulmans dec«
qu'il est chez nous. Le turban est infiniment plus commode
que notre chapeau; il redoute moins le sable et le vent.
Malgré la variété des habits selon les rangs et les profe^
fiions, les vêtements ont un pjncipe commun: l'ample
largeur de toutes les parties qui emprisonnent ainsi beau-
DU SIÈCLB. 705
coup d*air, de manière à les rendre moins chauds et beau-
coup plus élégants. N'est-ce donc rien ^ dans une vie qui
passe si vite, que de n'avoir pas, outre les nombreuses
misères semées en Europe à chaque pas devant nous, les
ridicules et mesquines habitudes d^un costume étriqué ,
sans grAce et sans art , trop froid en hiver, trop chaud eu
été?
L'esclavage des contrées d*Orient n'a aucun rapport avec
le nôtre. La servante se marie itocore avec le maître, comme
au temps de rEcritu^e/ Souvent un musulman donne à sa
fille , pour mari , un esclave qu'il a acheté , mais élevé dans
sa propre maison , sans que cela blesse en rien les mœurs
et coutumes du pays» '
Plus hardi dans la question sociale que le Christ et que
saint Paul, Mahomet a osé toucher de son vivant, à diverses
reprises et directement, à la question de l'esclavage. Ces
actes, joints aui mœurs acquises des Arabes, ont fait en
Orient de la servitude une sin^ple domesticité ; et puis les
musnlmans, plus religieux que nous , savent qu'il est bon
d'affranchir ceux qui sont en servitude , et se font un
devoir de pratiquer exactement, sous ce rapport comme
sous tous les autres, la règle du Coran. L'esclave affranchi
n'est point traité comme inférieur: ici encore, les mœurs
diffèrent de celles des pays chrétiens à esclaves et leur
sont infiniment supérieures. N'a-t-on pas vu quelques-
uns des hommes distingués de l'Orient , achetés dans leur
bas âge en Circassie et vendus à des beys, arriver aux
premières positions sociales ?
La polygamie, qui a toujours été permise en Orient,
comme elle a toiqours été prohibée en Occident, a une
raison d'être très-politique et très-légitime , dans les pays
qui mettaient au contact les uns des autres des blancs , des
jaunes et probablement deux à trois races de noirs. N'était-
ce pas le seul moyen d'établir entre elles qtrelque frater-
nité, que de les traiter également; et puis comment
croire que Moïse , si tolérant pour la polygamie, que Maho-
met, qui permet d'avoir quatre femmes, n'avaient pas
observe , ou reçu par tradition , qtie les métis sont toujours
très-supérieurs à leur parent de race colorée , surtout si le
706 PHILOSOPHIE
père est im bUnc et si c'est k mère qui aiftpartient à la .
race ioférieure? Mieux vaudfaity dans Dosooloniee cfaré*
tiennes à esclares. « la polygamie orientale aTeo ses réghe-
meots.^ que la promiscuité qui en -eat la règle habituâle.
On voit quelquefois des chrétiens se oooyertir à l'isla-
in^me. Les ims, après l'avoir étudiée^ trouvent la religioD
de Mahomet plus raisonnable que la leur que souvent ils
ne connaissent pas , ou qu'ils jugent par KidolAtrie catholi-
que si conmiuoe dans toutesmos campagnes et mânoie <lans
nos viUfiSi; D'autres se font musulmans , parée qu'il y a
grand avantage, quand on habite rOrienty à n'ôtre pas isolé
sous le rapport leligieux ; mais il n'y a pas d'exemple de
mahométan qui se fasse chrétien. Pour eox^ nos images,
nos statues et nos statuettes de saints rappellent trop
l'idolâtrie qu'ils méprisent profondément, et nos habitudes
religieuses n'ont rien de oette gravité qui préside à leurs
prières. Nos cérémonies catholiques, malgré leurs pompes,
sont bien loin d^égaler quelques-unes de celles qui soot on
des luxes : des Orientaux; et comme ils ont une partie de
nos croyances , ils s'en servent pour reie^er impitoyablement
les autres qu'ils regardent comme entachées de superstition.
Dans tout l'iatérieur de TAirique, partout où la (àvilisa-
tion se manifeste , c'est toujours sous l'influence de Tisla-
misme. Les musulmans lolofs , Mandmgues , Foula ou
Fellata, Toucolors, sont infiniment supérieurs aux autres
nègres; ils ont été réellement émancipés par le Coran,
tandis que le christianisme n'a jamais eu grande prise sur
eux. Nos prêtres ne peuvent obtenir, aux pays d'outre-mer,
aucun adoucissement au sort des esclaves , et le christia-
nisme grec oubUe, en Russie, le sort des malheureux serfs;
les émancipations y sont extrémemeni rares : rien de plus
commun en Afrique , surtout à la fête du Bairam , ou
encore à la mort des maîtres. Chez les lolofs > les esdaves
mangent souvent avec leur propriétaire , et ceux qui sont
nés dans la maison ne sont jamais vendus à moins de quel-
que faute capitale. Chez les Pellas ou Fellatas riches, tous
les esclaves apprennent à lire et à écrke ; arrivés à l'âge de
force , ils ont pour eux la moitié de la journée. Dans le
Hourzouk, la négresse qui a eu un enfant de son maître ne
DU SIÈCLE. 707
pcRit ètitevendae, et cet < enfant é9t libre raussi les malheu-
reux patient avec am43«t dé • Mâhoitiet .
La eonqaète religieuse de l'Aftitiue centrale s'eiTeciue
doooeméati sous Fégide du prophète; par lui les moeurs
s'épurent et s'adoucissent , par lui la langue arabe se super-
pose aux misérables dialectes des autocthones. De Ttinité
religieuse naîtra quelque jour* l'association ou fédération
poétique, et l'Afrique arriver^eut-ètre à nous donner* des
leçons, non.dte science, mais^îpf^pîatique sociale. Déjà sur
quelques point» Vob a cherché H rendre le travail attrayant,
non pas pour les hommes hbres, maïs pour de misérables
esdavos. €aillé rapporte qu'il est des contnées africaines
où as ne font rien» qiî'ôli son dd la musique. Clapperlon
raconte qu'ii»a vu^ dans le Yarriba^ des troupes d'esclaves
des deux seaces , accompagnés de tambours et de flûtes et
chantanl en chœur, aller chercher de l'eau au fleuve pour
détrçmper la terre,
C^t à riskDàfi§me que Mungo-Parck, Clapperton, Lan-
dersv Lyne et Caillé ont dû la protection qu'ils ont trouvée
parfois dans l'Afrique centrale, et tous lui ont rendn
témoignage
Dernièrement", en Amérique, les esclaves Mandingues de
la Trinité se sont associés pour racheter leur prêtre et se
racheter tous fes unis après les autres. La plupart étaient
libres, au dire de M. Pantin, le magistrat anglais de cette
Ue, quand Téaiancipation eut lieu.
La légende de Mahomet nous raconte qu'il descendait di-
rectement d'Israaël, fils d'Abraham et d'Agar. Il perdit ses
parents très-jetine et fut élevé dans cette vallée stérile et brû-
lante de U Mecque ^ qui n'a pas deui lieues de long sur une
demi-lieue de large* On n'y trouve d'autre source que l'eau
du puits dé Zém-Zem , indiqué jadis par un ange à la
malheureuse Agar. Le désert, la pauvreté, le travail, de
grands souvenirs généalogiques, tels furent les éducateurs
de Mohammed. U $e livra au commerce, et dès l'Age de
treize ans il voyageait en Syrie.
Sa taille 4tait moyenne, ses yeux noirs, sa figure gra«
cieuse, ses chevetix lisses, sa nuque forte et d^une blan-
708 PHILOSOPHIE
eheur remarquable ; sa tète votumineuse surmoQtait un
corps musculêut'; sa fcarbe élait bien foùrnfej'iâ *àiélDoire
prodigieuse, son înteUigence supérieure, son boxi sens
exquis. Il était sobre ; mais arrivé à. Tâge mûr^ il pri3ail
singulièremenl les parfums et la volupté.
Point de grand succès sans femme : Mahomet était de-
yemile premier homme d^\rabie, lorque la veuve Cadige
le chargea de ses affaires et lui donna sa main. Elle était
très-riche et possédait toid|b les qualités que l*op peut
désirer dans une^ épouse : llimonr, le dévouement^ Tintel-
ligeace, la s^iilé et la beauté. , '
De vingt-cinq à quarante ans, Mahomet vécHt dans la
méditation : ce fut alors qu'il se prépara à jouer le grand
rôle de prophète. Son livre de lectures, le Cqrân, a, paraîl-
il , en arabe , un charme de style indicible. ' Ce nivrè est
très-habile et pour ce qu'il dit, et plus encore pour c«
qu'il sait éviter.
Le Prophète ne reconnaît qu'un Dieu : le Dieu clibxbi^
et sciSKRicoRDiBux. Fils d'Abraham et de Moïse, il conserve
la Bible, en* écartant avec soin tout ce qu'il y avait d'in-
humain dans les traditions.
L'aumône , la prière, le jeûne du cpois de Ramadan, les
ablutions hygiéniques, le pèlerinage de la Mecque, si
utile au double point de vue politique et social .: voilà son
culte.
II ne fait point de polémique avec les chrétiens , mais
il écarte toute discussion par ces paroles si habiles :
ce Dieu remplit l'univers d& sa science et de son immen-
» site. Il a un fils , disent les chrétiens : loîù de lui ce
» blasphème ! Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre
» lui appartient ; tous les êtres obéissent à sa voix. »
Mahomet aimait la science : il a consacré, à sa louange,
.la plus haute poésie. Quelqu'habile qu'il fut, il trouva sur
sa route d'immenses difficultés. Son génie sut les vaincre,
et le jour arriva où il put envoyer des ambassadeurs aui
princes voisins. — Il mourut en 654 , sans acvoir choisi de
successeur.
En neuf ans, ses lieutwiants surent conquérir la portfon
de l'Arabie qui n'était pas soumise, la Syrie, la Perse, la
bu sîèctÉ. 709
Lusianne ou Kousi^tm» >la; JVédi^-^ te Baotriauae ou &ho-
rassaa, la Mésopotainie, rÀxioéBie orienlalie, TEgypte-et
Tripoli.
Dès 658, malgré leur^ luttes intestines, lea< Arabes se
iiK)ntraient sous les murs de Constaotin^vple. . En* &7tà\ ils
fondaient. KaicoudM) vfs-à-vis deCarlhagev^^ pénéCcaia^t
dans rinde.
Trente aiim^es de guerres cfijjles retardèreat leurs soeoès ;
oiais. dès 712, ^.bataille de Xérès leur livrait VEsfKigiié.
En 71â, ils pénétraient jusques dans le PqitoU. Six ans
plus tard^ iElseaxajgh dressait la statistique de TiSâpagoa
Nous, rappellerons ici d^ux dates importantes : en 733,
les Turcs s associèrent aux Arabasvet Charles Martel défit
les Maures d'Espagne en 853 ; mais sa victoire jkit singu-
Uèremenl exagérée, puisque l'anpée. suivante' les môoies
guerriers, maîtres dii Languedoc, avaient des ialelligeboes
à Ljfon et.pônétrèrentiusqu'à Sens. '
. L'année 7^4 nous rappelle la fondation d^ Bagdad et la
protection (^u'j trouvèrent aussitôt les seieckces et les lettres.
L'année suivante, Abdérame se faisait, eu Espagne, le
civilisateur de rEurppe»
Depuis la fia du IX' siècle jusqu'ea 1472 , date de la
prise de Greaade et de leur exp4;^sion d'Espagne, les Maures
ne firent plus de conquêtes politiques; mais leurs écoles
conservèrent, développèrent et propagèrent les sciences.
Vers 854, les Turcs, que les Arabes avaient h leur solde,
comme jadis les Romains avaient les Francs et autres
Barbares, continuèrent les conquêtes de l'islamisme. Quel«-
ques dates rappelleront leurs succès et leBr aggrandisse-
ment.
En 1,183, Ismaël, neveu du fameux Saladin, se fmSait
reconnaître comme kalife. --^ Othman, mort en 1336, est
le premier de leurs cbefs qui ait. possédé , eu Europe ^ une
puissance ledoutable. — Amurath établit sa cour à Andri-
ûople. Vinrent ensuite Bc^jaret (1389)* Mahomet ( 1410) ,
et Amurath II (1424). — - Mahomet II, qui lui succéda eu
1431, s!em|para de Constantinople. Ce prince avait, dans
son armée /les oflSciers les plus instruits du mondç civi-
lisé.
30*
710 PHILOSOPHA
Sélim (lSi2).fut un poète remarquable el un fik déna-
turé; il sut aggrandir son empire. — De 1586 à 1649,
Tempire turc resta ce qu'il était : ce fut alors que Maho-
met IV monta sur le trône. Ce prince mit le siège devanl
Vienne ; mais il fut défait par les Polonais , que eomman-
dait Sobieski. Depuis lors jusqu'à nous^ l'empire turc a
toujours marché en déclinant.
Gomme 1^ christianisme , l'islamisme a eu ses schismes.
Les mêmes causes, les influences des mages de l'Inde du
bouddhisme, les oût engendrés. Le judaïsme et le catholi-
cisme lui-même ont singulièrement influencé' certaines
sectes musulmanes. La religion de Mahomet a eu aussi
direrses sectes purement philosophiques , et ses papes ou
kalifes ont souvent devancé les peuples , de manière à se
faire suspecter d'hérésie. Rappelons toutefois qu'en "940
Jobbaïen professait la doctrine fondamentale de ce livre ,
à savoir ^ que les lois de là nature s'appliquent à l'huma-
nité.
Passons à des faits plus importants :
Les grandes écoles des musulmans ont présenté trois
aspects théologiques : au débuts elles on.t passé par
Tecclectisme et le synchrétisme , pour devenir aussi posi-
tives en science, en philosophie, en religion, que les temps
le permettaient.
Conduites à l'étude par la religion , elles ont parcouru
les trois étapes de la route tracée aux grandes inteUigences :
Par la science , cette puissance qui réunit et coordonne
en groupes et en séries les matériaux du savoir ;
Par la philosophie, qui demande à ces matériaux le
comment el le pourquoi de leur existence , leurs lois:
Par la reUgion, cet amoiir du beau, du juste, du vrai,
de l'idéal ; cette sainteté de l'esprit qui veut trouver dans
les lois de l'univers, la pan^ de Dieu, la règle du bonheur
des hommes^
L'histoire de l'astronomie nous rappelle le kalife Alma-
mon : il fit traduire Ptolémée, et mesura, en Mésopotamie,
un degré du méridien terrestre ; Ben-Musa, auteur de
tables ^astronomiques et d'études de trtgonoiJiétrie ; Ali-
Ben-Isa, constructeur d'instruments de précision; Alferga-
BU SIBCLE, ?li
nus, doj^ le livre deviçit pppulaire en Orient; Albatenius,
qui vivait en.SSOfiit réforma rasttonomie ; Arsaehel (1080),
aut,ew de. tables v Albaseo, qui avait deviné la réfraction;
Géber, plus cobuu. encore comme chimiste ; Averrhoës ,
qui recoDopt une taohe noire sur le disque du soleil lors
de la coEJonction , par lui calculée , de cet astre et de Mer-
cure* £q somme , les Arabes ont traduit et corrigé les Grecs
d'Alexandrie, perfectionné leurs instruments, et mieux
mesura le tçmp , chose si importante pour faire d'eiactes
obseRvatioBS.; ils sont les premiers qui aient employé & cet
us^e.les battements du pendule.
ËQ mathématique^, ils ont aussi beaucoup fait : la tri-
gonométrie sphérique eel leur ouvrage, ils ont compris
Timportançe des sinus , étudié Voptîque et la géodésie ,
imaginé les règles de fausse position. Leur algèbre est la
preipière dans laquelle on commence par égaler des quan-
tités à. la suite d'une série de raisonnements, pour leur
donner ensuite une forme nouvelle conduisant à la solution
de la question. Ben-Musa résolvait les équations du second
degré. Shebis appliqua Talgèbre à la géométrie , mais son
livre est perdu.
Les musuUoanS'de POrient suivirent le mouvement scien-
tifique de leur civilisation : en l,3â4, Holagu , pelit-fils de
Gengiskan, s'occupait d'astronomie et protégeait Nassir-
£ddiQ) auteur de tables estimées; en 1430, Ulug-Beig,
petit-fils de Tamerlan, réunit, à Samarcande, un grand
nombre, de savants.
Les Arabes n'ont eu , paraît-il , qu'un géologue , le cé-
lèbre Avicenne. Il avait compris la formation et la décrois-
sance des montagnes , ainsi que l'action des eaux. Il fut
plus, théoricien que praticien. Mais que de choses nous
Ignorons qui seraient tombées depuis longtemps dans lo
domaine publie, si le cardinal Ximenès, dans son ardent
fanatisme, n'avait fait brûler les deux cent quarante mille
vokttes de la hiUiothèqoe de Grenade !
Le, plus habile chimiste arabe ^ Yeber ou Geber, nous
apprend que la chimie avait ses enseignements réservés ,
qu'il n'était pas. permis de divulguer, même dans les livres
scientifiques. 11 ne croyait ni à la transmutation des mé-
71â prauosopHiE
taux.5 ni ila^impUoilé»^ eocps que-noqs ai^>ebiift ^é*
ments. Sa ehiifiîe oùisérale ne. le oède pas à 'cetie^Aes
XV^ et XVi'' sièdfes. Il ccmaaissail; iiort lùen lesioxide^/et la
préparatioD des sels auxquels itk peuvent donner iieii/ —
Rhasès a décarit la préparation de l'iicide sulfurique et eelle
de ralcool.
Peut-êlpe nous faisons. errefur^ maïs troiei comment nous
interprétons ralebymie des AraJ^es: il n'y. a. qu'une sub-
stance ^ ta pierre, philosopkalei; elle présente toutes les eou^
leurs quand on la soumet au ^aftdMBuirre, o'^est-à-dinbÀ
Tétudedes réactions chimiques. De plus ^ >eUe renferme lea
quatre éléments, étant ignée, gaaeuze, Uquiide et lerreslre.
La chaleur et la sécheresse constituent ses propriétés oa-*
ehées; ie froid 0t Thumidité en sont ksr qualités :«|ipa>
rentes- .
Lefà Arabes disaient aussi : Les éléments- primitîfe pro-
duisent les minéraux , les minéraux les plantes^t les plwtes
les animaux. Chaque corps, par la dissolution de aes par-
ties, se résout en deséléments d*un ocdreinférieur à lui.
Gênés par le Goran dans, leurs dissections, les .musul-
mans n'ont aiouté que fort peu à la physiologie* des Gisees ;
mais leur médecine s'est aidée d'une pharmacie beaucoup
plus étendue , d'une thérapeutique siopulièiement • plus
habile. Le Gatien reformé, ou Canon d'Aneenne, était en-
core, au XVIII" siècle, le livre classique de plusieurs de
nos écoles européennes. — Rhasès, Averrhoës le traduc-
teur d'Aristote, son élève le juif Maimonides, et quelques
autres, ont développé souvent la plus haute philosophie.
Sous leur influence, les cadres nosologiquesse ixuBplé-
tèrent. La petite vérole, qui avait paru en 6S4^ fut étudiée
avec soin , et les maladies cutanées furent décrites et com-
battues par des médications internes assez rationelles.
La chirurgie des Arabes reprit la science où elle en était
dans les livres d'Alexandrie , de Celse , de Galien et des
autres auteurs du temps. Ils ont su lier les artères (Alboka-
sis), réduire les fractures, employer habilement le fer
rougi à blanc; ils ont bien connu l'art des accouchements ;
ils ont su manier la plupart de nos caustiques aetuels ; ils
ontconpu l'abaissement et l'extraction delà eataraote, la
M) BlfiiOB. 713
suûdoQHde [qudqoes «f|lafQaCQB4kiuidesi L'exferaation dut 1q
[lieirre deJa vessie icfaez rbommecetria iiMaati! est décrite
par ; AUbokasis. - Ce ohîmigien savait ' pratiquer^ au 4>esoiii ^
rouverture» de ilai' tradiéeMarlèrev recoudre les intestins
bleseés: sonmaoreel opératoiiej est net. et) précis. Il yirait
au XI* siècle.
> Le easal dn Nii à la mec Rouge ^ par iae laos amers ^
rélahli- par Amiou , la grande mosqoée de Cordoue ,
V4UaiBbrahv doqs: rappellent las trevàiUL>piibltDS dies mu-*-
sakoans. La délmeose Huertade Valence, leur savante
agKiciilture!, îles musées, les biUbfthèqiies^ publiques,, les
écoles^ les'hospioes, les dispensaires , le code phanDeoeu-*
ti(|ae: et les grandes institutions littéraires d'Espacne , de
Bag4td et. doSaiDansnde, montrent quelle a Ité leur
administration. Les dix-sept millions de Maures qui ocen^
paîeitt une partie seulement des Esf>agDes, nous prouvent
delafSapëiiioritéde lenrs' gouvBmaoïente.siir oeux qui les
ont remplacés. >
Le^eomiaeree des musulmans' a été immeDst*; i^b ont eu
longtemps le mfonopole des PelaCioQ&>avec llndQ, par la
loer Boogeet par les caravanes xfui traveiBaîcntlft hante
Asie^
U. n'est pas jusQpi'à leurs éooles ^ musique qui n'aient
joui d'une grande célébrité. Les élèvies d'AU-iZérib ont fait
lesi délices « de l'Orient, et le fameux Moussali^ le pins ce*
ii^de tous, a lai^ le souvenir de compoûiions dignes
d'élw étudiées.
Nous voudrions pader de la littérature arabe , mais ia
conoaifisons-nous? N'a-t-elle. point péri, en grande partie ^
dans les bûchers de l'inquisition ? le reste n'est-il paa enfoui
^ l'escurialf où personne ne le coosulte?
D£ t CE0VRE nfi< CHARLBJCA«IfB.
Les'siàcles derniers n'appréciaient pasicomme il convient
)^ smriees réels rendus^ par «e prince. Le nôtre lesia trop
714 PHl^OSOJPHIfi
eialtés : biea ^^uvent U posa une simple étiquette sur les
questions à résmidre plutôt qu'il ne leur donna une solu-
tion: — Rien ne prouve qu'il ait. été. autre dio^ que le
rééditeur de beaucoup des capitulaires qu'on lui Attribue.
Toutefois il contribua à ramener, non pas le ^rai savotr,
mais les lettres en Occident : c'était déjà beaucoup. Grâces
lui en soient rendues. Les lettres>et les sciences soAit sosors.
Il fonda rUnivessité de France, e4; son palais £i^, souvent
une grande école; il fit aussi recueillir nombre de chants
germaaiques. — Il introduisit dans> ies. églises le chant
grégorien, et substitua aux fêtes payennes les fétes chré-
tiennes.
Sous son règne , l'agriculture put jouir de la paix : des
foires rapprochèrent les producteurs et furent un retour
vers une meilleure circulation des produits. Il eut la pensée
de joindre la Méditerranée à la mer d' Allemagne par une
grande canalisation, et la ville d'AivlarChapelle . lui' dut
de beaux monuments.
Il tenta l'organisation de L'unité des poids et mesures,
et multiplia les manuscrits. . .
Sa vie privée fut celle d'.un homme ardent dans les
plaisirs ; mais ses femmes et ses maltresses n'occnpent
qu'une place trèsnninime même dans nos cbrooiques.
Comme guerrier, il lutta au Nord et au Midi , fut vain-
queur, parfois cruel, oubliant trop que les converskMis
'dictées par les besoins intimas des oonsciraoes et les
calculs des intérêts sont rarement accordées à la brutalité
du sabre»
Plus pape que le pape , il se fit juge des diffieoltéa ecclé-
siastiques.
Il supprima la fonction de maire du palais, et institua
des consultes qui ne lui ont pas survécu.
U ne oréa nullement la féodalité , mais il l'a consacra en
établissant la foi et l'hommage, investitures qui lui ser-
virent à rattacher au sol et à l'argent TobUgalion de sévices
religieux , civils ou militaires à rendre à l'Etat.
Ces services, appelés bénéfices, n'étaient point encore
héréditaires.
Il cnéa la dlme du clergé , mais û lui imposa VoUîgation
DU SIÈCLE. 715
I
d'en consacrer une première part àuï pautres , une deu-
xième à l'instruction publique , une troisième à la cohstruc-
tion d'éi^ises. La quatrième fut téservée pour faire face
aux dépenses personnelles au clergé.
Malgré sa haute intelligence , Charlemagne commît trois
fautes qui ont entraîné la chute de ses successeurs.
La première, ce fut de ne pas user de son pouvoir spi-
rituel, qui était très-grand, pour consacrer les droits reli-
gieux des peuples de France et de Germanie. Plus puissant
que le pape , il pouvait se créer une' position à peu près
analogiie èl celle de l'fempereur actuel de Russie , et pré-
venir ainsi des luttes qui ont fait couler des torrents de
sang. '
La seconde a été de faire passer le père avant le souve-
rain, et de partager ses peuples entre* ses fils, comme un
berger pourrait partager son troupeau.
La troisième , de ne pas identifier les intérêts du pouvoir
avec ceux des travailleurs d^is villes et des campagnes , du
bas clergé , qui seul les instruisait , et des fonctionnaires
qui se tronvaient en contact avec les deshérités de la for-
tune. — Sans doute , ses choix habiles tombèrent souvent
sur des hommes des classes pauvres ; mais que de diffé-
rence entre des actes individuels et des institutions protec-
trices!
Beaucoup d'historiens nous paraissent avoir mal compris
cette série d'événements qui enleva la couronne aux suc-
cesseurs de Charlemagne, pour la poser sur la tète de
Hugues Capet. La diversité des races, invoquée par
Thierry, a pu y contribuer, mais elle a joué un rôle secon-
daire. Guizot n'a pas été plus heureux dans son explication
en alléguant Tabsence de routes de communications , de
relations unitaires, à la mort de Charlemagne. La vérité
c'est que, de cet empereur à Louis-le-Gr^s, qui fit alliance
avec les communes et qui trouva un appui dans la restau-
ratioa de libertés anciennes , les chefs de l'Etat furent les
empereurs de la noblesse et du clergé , nullement les
empereur» ou rois du peuple. Abandonnés à merci aux comtes
et aux barons, les hommes des villes et des campagnes
détestaient la féodakté ^ sana ahuer le moîfis àa monde la
716 îfiiLdsOPttiE
royauté qui avait marché de ' Wtites en fautes. Louls-le-
Débonnaire n^avait-il pas indûment livré une foule de béné-
fices au clergé ? ne s'était-îl pas laissé dégl'ader par les évè-
ques, et comme homme et comme roi, à la porte de Véglise
d'Attigny, où il avait paru vêtu d'un cîlice et la corde au don ?
Charles-le-Chaùve n'avait-il pas toléré que ses comtes et
barons affectassent à leurs lignées des bénéfices dont ils
n'étaient qu'usufruitiers ? N'avait-îl pas laissé les Normands
ravager l'empire, et les grands seigneurà le morceler?
N'est-ce pas à cette époque qu'il faut rapporte v les premiers
comtes et ducs indépendants de Bretagne, de Bourgogne,
de Provçnce et d'Aujou?
. Sous Louis m , Louis IV, Lothairc et Louis V, la royauté
française ue fut que nominale : aussi Tusurpaleur Hugues
Capet ne s'empara-t-il en réalité que d'un titre , que d'une
forme ; mais ce titre , cette forme avaient des traditions et
des souvenirs qui aidèrent ses successeurs à reconstituer
une royauté nouvelle sur des bases essentiellement diffé-
rentes du passé.
COHHBKT s'est ÉTEINT l'CXFÏRB d'oîUBNT-
Depuis la fondation d'Alexandrie , la vieille Grèce ayant
Serdu le monopole de la science , ne fut plus que le théâtre
es grandes écoles des sophistes et un foyer de pourriture
morale. Arguties, finesses, ruses, faussetés, tels devinrest
les. moyens. usuels des Grecs. — Le christianisme ne ré-
forma point ce peuple en décadence, mais il lui donna
Constantinople pour capitale , et un très-grand contimerce
avec rOrient par les caravanes de la haute Asie. La Grèce
devint alors un foyer de troubles engendrés par les contro-
verses des sophiste^ chrétiens. Les empereurs, au lieu de
préconiser la morale chrétienne dans, ce qu'elle avait de
régénérateur , s'attachèrent avec une folle ardeur à con-
fondre le trône et l'autel. — Il n'y a pas en métaphysique
de petites erreurs ; si vous dites, comme ils le disaient, que
hv sià(|U. 717
la peine .doit êtriB proportionnelle k la mi^^té de la per-
sonne offensée , et si vous faites d^ la loi religieuse lafloi
civile , il devient obligatoire de poursuivre avec ardeur
tous les hérésiarques, et de leur infliger pour le moins
la peine de mort : ainsi firent-^ils. Constantin, nous
Tavons dit , voulut cette peine suprême pour tous ceux qui
conserveraient quelque chose des écrits d'Arius, et après lui
ses successeurs agirent de la marne manière. Tandis que
Ton se contentait de punir de la perte d'un œil » d'une
oreille ou du nez , tes plus grands crimes contre les
personnes , laissant ^e côté la sécurité des individus, à
leurs yeux question secondaire , les chefs de remj)ire
d'Orient s'attachèrent singulièrcwient à détruire les diffé-
rentes sectes et ruinèrent des contrées doit ils eussent pu
tirer bon parti, transformant en solitude des pays dont les
habitants étaient martyrisés pour une opinion dévote, hier
en honneur, aujourd'hui condamnée. — Cette idée si simple
que l'Etat devait se composer de bourgs ou pâgus , de cités
ou départements rattachés au centre impérial par une même
protection des lois, par les mômes intérêts de vente et d'achat,
de commerce et d'industrie, n'était ni selon l'économie
sociale, ni selon les habitudes politiques du temps. On fit de
la dévotion une loi suprême, de telle sorte que la plus grand
des crimes c'était de n'être pas orthodoxe et encore mieux
d'être excommunié. Le génie sophistique devait sous ce
rapport donner lieu aux plus grandes folies gouvernemeu-
taleâ.' L'empire grec devint le lieu d'élection de ces diverses
sectes qui nièrent successivement la divinité du Christ , la
divinité du Saint-Esprit , l'unité de la personne de Jésus-
Christ , ses deux natures , ses deux volontés humaine et
divine, et qui préconisèrent ou combattirent le culte des
images. Tantôt victorieuses , tantôt vaincues , toutes eurent
leurs uombreux martyrs, et contribuèrent à la dis^lution
des liens civils par la dépopulation et par les préoccupa-
tions de la sophistique, de telle sorte qi|kl'on puisse dire que
cet empire a été usé, anéanti par la métaphysique. Cela est
si Vrai que plus d'une fois, au heu de songer aux moyens de
le défendre , on a fait de la discussion et de la métaphysi-
que dévote à Constantinople au moment des plus sérieux
718 PHILOSOPHIE
dangers. Où trouver des citoyens, quand la religion et le
lien civil sont absorbés parle mysticisme? Aux faits connus,
nous ajouterons celui-ci :
A la fin du X* siècle, l'emperefur, pour se mieux défendre
contre les ennemis de TEtat , s'affubla d'une robe enlevée
à une statue de la Vierge et la mit un pleurant sur sa
tôte.
Ce serait une grande enreur de croire à une différence
très-sensible entre les doctrines de Rome et ^e Gonstanti-
nople. Le schisme grec n'en est pas un. Son principal
motif remonte à la séparation des empires d'Orient et d'Oc-
cident; il fut tout politique. On vit en effet, en 1315 ^ les
patriarches de Constantinople et de Jérusaleoi «se réiinir
aux évéques et abbés d'Europe lorsque l'empire grec avait
des chefs latins. Les prêtres grecs = se marient ; mais telle
fut aussi très-longtemps la règle de l'Occident. Reste la
procession du Saint-Esprit ; voici ce qu'il faut entendre par
cette ei^pression : selon les Grecs, le concile de Nicée aurait
déclaré que le Saint-Esprit procède seulement dti père ;
selcm les catholiques , c'est une erreur.
Les peuples, oomme les individus, peuvent dcmc avoir
des maladies intellectuelles, de véritables monomanies,
des folies partielles et de - longue durée qui les rendent
impropres à se continuer. La maladie grecque existe encore
chez les débris des fils du bas^empire. Les lettrés de ce
pays sont des sépulcres qui enterrent le savoir et lui "don-
nent un cachet spécial d'individualisme, en lui ôtant en
quelqu^e sorte la faculté de se reproduire. La sdence mo-
derne n*est point connue des Grecs modernes , mais leurs
lettrés parlent beaucoup de langues, connaissent toutes tes
arguties de la scholastiqueet tous les détails les plus puérilsde
ce qu'ils appellent l'histoire de leur patrie. Le mélange par
mariage avec d'autres peuples et une réforme complète
dans l'éducation paftjrraient les régénérer. Leurs femmes
sont très-belles ; eiMontesquieu, qui considère les Tores
comme des Huns , ^leur attribuait la transformation de la
race ottomane.
DU SIÈCLS. 719
IIOTEI^-AGE.
Cette période qui a duré environ six cents ans , a eu
TEurope occidentale pour lieu géographique, et surtout la
haute Italie, l'Âlleniagne, la France, TAngleterre, le Nord
de l'Espagne et le Portugal. Elle commence en Italie à la
mort de Charles-le-GraDd; plus au Nord, en 888, à la sépa-
ration de la Gaule de Tempire germanique. Elle s*est ter-
minée insensiblement dans la seconde moitié du XV*^ siècle.
L«< série des grands faits sociaox qui lui corre^ondent ,
se partage naturellement en cinq groupes : l"" les faits
d'oidre religieux; 2** les faits anti-unitaires ou d'ordre
féodal; S"* les faits à tendance unitaire, auxquels nous
devons la constitution de^ royautûes d'Angleterre , d'Espa-
gne-, de France^ d'Allemagne, de Pologne, etc. L'émanci-
pation des travailleurs, de la bourgeoisie, forme un quatrième
groupe. Le cinquième , d'ordre littéraire , philosophique et
scientifique, oorrespond aux divers progrès de l'esprit hu-
main.
Reprenons, mais sommairement, ces cinq groupes d'évé-
nements du moyen-âge , car il ne s'agit en ce livre que de
poser les grandes pièces d'ensemble qui forment la char-
pente d'une histoire universelle.
Événements religieux. — Au début du X" siècle la
papauté se trouve à la merci de trois dames romaines ,
vraies courtisannes qui en disposent selon leur bon plaisir.
■ La société chrétienne croyait alors à la fin du monde pour
l'an mille. Elle arriva, cette année si terrible , dans laquelle
tout devait finir. Les prieurés , les abbayes , les églises
s'enrichirent énormément à cette époque. Ceux qui crai-
gnaient le jagemeiYt de Dieu, les gran% surtout, voulurent
à tout prix acheter sa justice , et firent dans ce biit les plus
riches dom à ceux qu'ils regardaient coimme d'utiles inter-
médiaires.
Nous sommes au XI* siècle, et voici que commence le
7S0 PHILOSOPHIE
grand drame de la papauté. Il aura cinq ajcip^: V^ les héré-
sies de Gaîidulfe et de péranger^/^âll avènement de Gré-
goire Vil et le triomphe du papisme qui prèchî^a les
croisades; 5** la protestation d'Abailafd et d^Aroàud de
Brescia au nom des classes riches; celle des manichéens ^l .
et des Vaudois dans Tordre des travailleurs. Entre celle
insurrection et celle de Luther viendront Wicleft , Jean
Hus, Jérôme dô Prague et quelques autres célébrités, puis
les guerres sanglantes des Hussites de Bohème.
Gandulfe rejetait tout culte extérieur et ne reconnaissait
Sas la nécessité des sacrements. Béranger, ^rcbidiam
'Anger^ affirmait que l'eucharistie n'est qu'un fijmbole
du corps et du sang de Jésus-Christ ; nullement ce corps el
ce sang même , sous les espèces du pain et du m.
L'église le$ condamna.
Hildebrand eut Tidée fixe de créer l'empire spirituel de
Rome et de le superposer aux rois deTEurope corameune
intelligence aux bras qu'elle doit diriger. On lui attribue
généralement et avec raison, les maximes suivantes:
L'église romaine a été fondée par Dieu: son pontife est
imiversel ;
Seul il peut déposer les évoques et les replacer sur
leurs sièges ;
Son représentant ou légat préside en cette qualité tous
les conciles; il est supérieur à tous les évoques, même à
ceux d'un rang plus élevé que le sien ;
Le pape peut déposer les absents ; il est défendu de
cohabiter avec ceux qu'il a eicommuniés;
Il lui est permis de déposer aussi les empereurs, el tous
les pri^îces doivent lui baiser les pieds (sic) ;
Aucun concile n'est œcuménique saus son autorisation;
Aucun livre n'est canonique sans son autorisation ;
Il est défendu à kfus les tribunaux de condaipner celui
qui en a appelé au Saint-Siège ;
L'église n'a jamais erré et ne pourra jamais errer ;
Le pape peut délier les sujets de la foi jurée à des prin-
ces impies*
BU SIECLE. 721
Les .aqles d'Hild^rand' sont d'accord avec les proposi-
tions qui précèdent. A1a mort de Nicolas II» Q fit nommer
pape Aleipaûdre II, contre le vœu de la cour d'Autriche.
Cette élection fut Toccasion de querelles dans lesquelles
Hildebrand triompha. L'impératrice Agnès avait protesté
au nom de son fils mineur : elle vint en personne à Rome
accepter la pénitence que le pape voulut oien lui imposer.
Ce pape s'occupait peu des affaires, mais Hildebrand cou-
vemait sous son nom. Arrivé lui-même au tr6ne pontincal,
sous le nom de Grégoire Vil , il s'occupa de réformer le
clergé et de lui subordonner les Césars. Cardinal, il avait
dépouillé l'empereur du droit de présenter les papes et de
ratifier leur élection ; pontife, il osa lutter contre les grands,
et même contre l'empereur d'Allemagne, en déclarant
qu'au seul successeur de saint Pierre appartenait le droit
d'investir les évoques de leur dignité épiscopale. Une guerre
de 50 ans eut lieu à cette occasion, et plus tard une guerre
d'un siècle. Toutefois les élections des évêques par le pape
ne' furent pas le signal de la lutte: ce fut au contraire le
droit que prétendait avoir l'efnpereur de ratifier la nomina-
tion des pontifes et peut-être de les nommer lui-même.
Les évêques étant devenus presque partout seigneurs sé-
culiers et vassaux des princes , il était naturel que l'em-
1)erenr voulut avoir le pape pour vassal. Hildebrand fut dans
e juste et dans le vrai en refusant de faire participer le
spirituel à la féodalité matérielle du temps ; son œuvre serait
pure à nos yeux s'il avait accordé quelque chose au bon sens,
à la raison humaine , et si au lieu de travailler en égoïste
à l'autocratie papale , il s'était occupé de rendre aux peu-
ples une foule de droits confisqués par les évêques. Il se
montra très-dur dans sa lutte avec l'empereur Henry.
Celui-ci, pour être relevé de son excommunication, fut con-
traint de passer entre les murailles extérieures de la forte-
resse de Canosse, propriété de la comtesse Mathilde, les
22 , 25 et 24 janvier 1077 , sans suite , en plein air, vêtu
d'une seule chemise de laine, les pieds nus sur la neige
qui couvrait le sol, tandis que le pape, assis au foyer de
la comtesse , jouissait du plus délicieux comfortable et de
la société de l'une des femmes les plus distinguées d'Italie.
7â3 PHItOfiOPBIE
Grégokë VII fmt aussi très-dttryte-à-^vis des seigneurs alle-
mands < qui avaient pis fait et'éati^é pbur l'eoipereur.
Mais les seignairs italien», qui voyaient fa pàpaûlé de plus
près, ne se souciàrenl nullement de subir des humiliations
ni des pénitences , et il fallut leur proposer un pardon
qu'ils ne sollicitèrent pas.
Les croisades ont été la grande Californie du moyen-âge.
Elles ont conduit providentiellement h un résultat bien
différent de celui qu'elles paraissaient avoir pour but de
réaliser. Moines, abbés, simples prêtres ne jugeaient l'Asie
ce qu'elle était. Ils la tenaient pour une source de richesses,
d'érèchés, de bénéfices religieux. Rome croyait à là possi-
bilité de se créer, par les croisades , des armées à l'époque
où l'Occident se remplissait des récits de pèlerins mécon-
tents, qui n'avaient vu l'Asie qu'en rête. Sous le règne
pontifical d'Urbain, les esprits étaient déjà très-préparés,.
lorsque Coucou Piètre, habituellement Pierre IHetmife,
gentilhomme picard, peu avenant en son aspect, mais de
grande éloquence vis-à-vis du peuple, prêcha la première
croisade dans les églises, les castels, tes lieux publics. Il pro-
posait avec grand succès la guerre sainte à des hommes sou-
dards de nature, qui n'auraient pas reculé devaut le plus
grand saorilège. — C'est un poëme à écrire que le récit des
croisades*, dont l'effet fut si puissant pendant un siècle et
demi. U y eut surtout lors de la première , au scio des
basses classes qui calculent si peu, une vraie comûiunron
de toutes les âmes chrétiennes. Les plus pieuses et naeil-
leures dames de la noblesse , et à leur suite beaucoup de
chevaliers s'y associèrent ; mais que de motifs purenaenl
mondains se.déguisèreut sous le masque religieux! Des
gens sans aveu , des bandits issus des races nobles ou con-
quérantes, des propriétaires ruinés se croisèrent en grand
nombre; d'autres, plus sages que leurs amis, selaisèrcnt
cependant entraîner à les suivre par leurs sentiments
d'affection ; les femmes elles-mêmes se distinguèrent par
leur aventureuse ardeur. U y en eut qui s'habillèrent en
hommes pour suivre leurs amis ou leurs amants. Il arrÎTâ
dans cette affaire comme dans bien d'autres : le premier
mouvement avait dit oui; la réflexion eut dit non, surtout
W:.&IB«W« 733
aprè&,l^^.topM premèreft e^oisades ; mais te |K)iat d'honoeur
retint )>Bauc()qps d'hctfomes. Les premiers qui partirent
fufçojt. d^, 0|k.yrîer3t das^serfs^ des mananâs, des géns' de
petite swUiqm le service des armes pour la cause de Dieu
affranchissait de drioit* Les nobles. vmrent ensuite: ils ven-
dirent à vils prix terres et cbftteaux, et' les églises qui
avaient beaucoup d'argent comptant Déalisèrent d'immenses
bénéfices. Les capitaux n'étaient pas abondants à cette
époque : de petites sommes ref^ésentaient de grandes
terres ) et cependant les croisés de la troisième armée dorent
réaliser en une année», plus de deux oeuta millions, valeur
actjielle. Que de chaof^ements par suite de ce seul fait I
que de facilitéS:pour l'affranchiasemdnt des bourgeois et des
communes! .,
Les nobles rapportèrent d'Orient de nouveaux goûts, des
habîMes ou tout au moins des désirs de luxe et de con-
fortoble, L'Italie r 1^ Grèce les instruisirent singulièrement.
La inarine méditerranéenne s'améliora ; la scienee des con-*
struclions navales réclama des progrès dans la géométrie
pratique. Les commerçants, les hôteliers, les ouvriers
d'état,. les aormateurs. surtout firent d'excellentes affaires.
Les. gens du peuple revinrent avec la connaissance des
abus qui s'étaient greffés sur la religion du Sauveur pour
lequel ils avaient tant d'amour, et le doute naquit en leurs
âmes ; ils ne cessèrent pas de croire en lui, mais ils avaient
. appris à douter de Rome et du clergé.
Nous voici au troisiènie acte du drame religieux de la
papauté : elle a vaincu Gandulphe et Béranger ; sa puis-
sance spirituelle est grande , mais elle va être attaquée au
sein des écxA^s par Abailard , au sein de la noblesse ita-
lienne par Arnaud de Brescia, tandis que les convertis do
manichéisme et les (disciples de Valdo croîtront chaque
jour en nombre.
Abailard eut en sa vie un grand bonheur , celui d'être
aimé d'Héloïsa. Cette Xemme adorable, loin d'arrêter
l'essor de son génie, le poussa aux plus grandes études:
aussi dexint-il le premier théologien de son siècle. Le
724 PBILOSOPHIB
christianisine si platonicien d'Alexandrie reparut en ses
enseignements. Il ne niait pas le dogme de la Trinité, il
l'expliquait rationellement ; il s'attachait à faire compren-
dre la divinité de la mission du Christ , laissant de côté la
divinité de la personne : c'était le considérer comme un
prophète , comme un sage. Accusé de trithéisme , ce qui
était absurde , il fut condamné par le concile de Soissons.
Le peuple faillit le lapider sur la route,... pauvre peuple!!!
La grâce, le péché originel, la rédemption et tous les
autres sujets que le catholicisme comporte en ses ensei-
gnements l'occupèrent plus tard , mais il ne put réussir à
sortir des voies logiques de la philosophie. Ses interpréta-
tions ébranlèrent l'Eglise entière. Saint Bernard se chargea
de le réfuter; il qualifia ses doctrines en trois mots : sur la
trinité, dit-il, c'est Arius; sur la gr&ce, Pélasge; surla
Ersonne du Christ, Nestorius. La phrase était plus bril-
ite que vraie , elle obtint un succès fou. Abailard avait
eu des milliers d'écoliers : son exemple et ses leçons popu-
larisèrent singulièrement, dans toute l'Europe, 1 esprit
d'examen et La foi dans la raison individuelle.
Arnaud de Brescia , son disciple , était plutôt un réfor-
mateur politique et moral qu'un philosophe. Il attaqua la
corruption du clergé et fut excommunié. La France, la
Hollande, la Suisse et l'Allemagne l'entendirent prêcher la
réforme. Ses doctrines y germèrent. De retour en Italie,
la réorganisation de la republique romaine le préoccupa :
il osa la tenter et réussit. Hais le pape ayant mis Rome en
interdit, le peuple si mobile en ses attachements, le maudit:
livré au Saint-Siège par l'empereur d'Allemagne, il fut
crucifié, puis brûlé.
La doctrine des albigeois n'était autre chose que celle
des manichéens ou disciples de Manès , qui avait mélangé
les croyances de Pythagore et des mages au christianisme.
En voici un résumé assez exact ; il a été rédigé d'après les
adversaires du manichéisme :
Dieu est infini en bonté, en sagesse, en miséricorde;
il n'est point le créateur du mal , il est un pur esprit. —
Il y a donc un second principe qui est matériel et coétemel
à Dieu.
BU SIÈCLE. 72S
Laissant au peuple la foi aveugle, les sages se doivent
réserver la science et l'usage de leur raison.
La morale de TEvangile est admirable , et c'est la seule
base sur laquelle on puisse organiser des sociétés légitimes
et durables.
Accepter volontairement la pauvreté et renoncer de soi-
même aux jouissances mondaines, voilà ia véritable voie du
salut.
L*union avec Dieu est le but suprême de l'existence. La
continence absolue et l'abstinence des viandes sont obliga-
toires pour quiconque veut être , dès cette terre, au nombre
des élus.
Hais il ne convient de demander à la masse des hommes
que de croire, sans exiger d'eux les vertus difiQciles des
élus. (On les a appelés aussi les bons hommes et les par-
faits.)
A quoi bon le baptême, où est son efficacité ?
Quel homme sensé pourrait voir autre chose , dans l'in-
carnation et la passion du Christ, que des enseignements
symboliques ?
Comment les paroles d'un prêtre pourraient-elles opérer
la transmutation du pain et du vin eucharistique en Jésus-
Christ lui-même, veAe de Dieu et pur esprit ?
Qui ^pourrait croire qu'un Dieu inlinimenl miséricordieux
ait eu des pensées de colère et commis des actes humains
de vengeance ?
L'esprit et la matière sont co-éternels.
Le culte des images et des reliques est une idolâtrie.
Il n'y a point de degré dans les fautes : la fornication
est aussi coupable que l'adultère.
Venus d'Asie en Europe , les Albigeois firent de nom-
breux adeptes en Bulgarie, en lUyrie, en Dalmatie, en
Allemagne , en France et en Italie : partout on les persé-
cutait, mais partout leurs vertus leur faisaient des prosé-
lytes. Raymond, comte de Toulouse, les avait vus de près :
il les avait jugés agriculteurs habiles , industriels laborieux
et intelligents ; il s'y attacha. A la voix d'Innocent III,
une armée de croisés se rua sur le Languedoc et lui fit
souffrir le martyre. Sept mille personnes furent massacrées
31
726 pniLOsopHiB
de sang-froid dans Téglise de Béziers. L'Inquisition yint
ensuite. Vers le milieu du XIII» siècle, les manichéens
comptaient encore, en Europe, seize églises et quatre mille
Sarfaits, véritables esséniens ou samanéens en leur manière
e vivre et de penser.
Les vaudois avaient été institués par un bourgeois de
Lyon , nommé Valdo. Après avoir distribué ses biens aui
pauvres , il fonda une église extrêmement sévère : rhomi-
lité et la pauvreté formaient la base de sa doctrine. Ortho-
doxes, quant à la foi, les vaudois ne différaient des
catholiques que par leur profond mépris pour le cfergé.
Valdo, blâmé d'abord, fut ensuite excommunié; mais il
n'en tint pas compter de lui-même, il se fil prêtre, et
bientôt son schisme fut complet. Persuadé , avec Gré-
goire VII , que l'efficacité des sacrements se lie à la sainlele
de celui qui les administre , il arriva naturellement à pro-
fesser qu'un laïque profondément vertueux a plus de droits
qu'un prêtre corrompu, pour confesser et pour absoudre.
Dieu seul devant être loué et adoré , il ne reconnut ni les
saints, ni les reliques; il défendit les prières des morts,
condamna les indulgences et les pèlerinages , supprima les
images , la croyance au purgatoire , les cierges , les cloches
et tout ce qu'il y a d'artistique dans les cérémonies catho-
liques. Rome, inquiète, persécuta les vaudois ; mais la pureté
de leur vie faisait de si nombreux prosélytes qu'il fallut re-
courir à des moyens plus héroïques. Par l'ordonnance de
1224, qui fut confirmée par Innocent IV , le Saint-Siège
permit et ordonna de les mettre à mort aussitôt leur reli-
gion connue; il fut même décidé que leurs habitations
seraient détruites à perpétuité. Leur martyre fut long et
dura près de trois siècles. Les cruautés exercées contre ces
malheureux seraient incroyables si elles n'étaient racontées
par leurs adversaires eux-mêmes. On a prétendu qu*ils
voulaient supprimer la propriété individuelle : c'est une
erreur , mais ils ne croyaient pas au clei'gé le droit de
posséder des bénéfices et des dignités temporelles. Toute-
fois la commune était chez eux une institution très-frater-
nelle et très-remarquable en sa perfection.
Quelques écrivains ont voulu voir daûs la guerre desalbi-
DU SIÈCLE. 7S7
geois , une lutte de la féodalité du nord de la France contre
les institutions communales qui étaient d'usage habituel
au midi ; c'est une grave erreur : les faits donnent à ce
système le démenti le plus absolu.
La papauté était victorieuse ; elle avait fait peser l'inqui-
sition sur le midi de la France, et des milices nouvelles
s'ajoutaient chaque jour à ses anciens ordres religieux :
c'étaient des jacobins, des augustins, des bernardins, des
cordeliers, des blancs-manteaux, des célestins. La prison
de l'esprit humain était bien grillée et ses gardiens étaient
nombreux : comment parvint-il à en sortir ?
Les plus fervents catholiques eux-mêmes avaient besoin
d'aspirations plus élevées que celles dont ils faisaient la
nourriture usuelle de leurs Âmes. L'union en Dieu , le règne
du Saint-Esprit , la réforme du clergé continuèrent donc à
préoccuper les esprits.
Les bégards, béguins, béguines, les fratricelles, toutes
ces sectes issues du tiers-ordre de saint François, qui
prirent Rome en haine , parce que Rome les persécutait ,
occupèrent pendant un temps les esprits. Vinrent ensuite
les flagellants : l'Europe a vu deux fois , dans le XIII' siè-
cle, des milliers de monomanes courir les routes, souvent
nus jusqu'à la ceinture, pour s'aller fouetter dans une
ville voisine. Tantôt c'était Pérouse qui désertait ses
maisons pour aller à Spolette , puis Spolette lui rendait sa
visite. De graves désordres résultaient de ces voyages dans
lesquels les flagellants couchaient pêle-mêle. Le bûcher
était alors en grande vogue : des flagellants furent brûlés
par manière d'avertissement , et l'épidémie cessa.
Dans une sphère plus élevée , on professait que le règne
de Dieu le Père avait duré jusqu'au Christ ; que celui di#
Fils avait duré jusqu'au XIII'' siècle , et que celui, du Saint-
Esprit était arrivé qui donnerait lieu aux plus grandes
merveilles.
Hugo de Saint-Victor exprimait sous une forme poétique
la pensée des extatiques : la terre, disait-il, c'est la rai-
son ; l'enfer, la volupté. Pour éviter l'un et se sauver de
l'autre, l'âme humaine a besoin de l'amour de Dieu; elle
doit lutter à mort et se sacrifier depuis le berceau jusqu'à
738 PHILOSOPHIE
la tombe , pour s*en>^oler enfin dans les bras de son fiancé
céleste, Dieu le Christ. Ce fragment ressemble aux leçons
de rimitation , mais il est plus énergique en son st}1e.
Vers la fin du XIII'* siècle , Wicleff reprenait , en Angle-
terre, la grande question de la réforme du clergé. Lors du
mariage d'Anne d'Allemagne, sœur du roi de Bohème,
avec le roi d'Angleterre, les Slaves ou Tchèques de ce pays
s'y instruisirent de ses doctrines et remportèrent ses livr^.
Déjà la Bohême était travaillée par des vaudois réfugiés et
des manichéens : ils furent Tétincelle qui mit le feu aux
poudres. La question des imiversaux divisait le clergé de
Bohême : les uns soutenaient que les idées générales appe-
lées universaux^ telles que les idées de grandeur, de vertu,
de générosité , de liberté , étaient individuelles ; quelques-
uns en faisaient même des caprices personnels, ce qui
conduisait à superposer l'infaillibilité du pape aux efforts
de la raison. Les autres, au contraire, admettaient géné-
ralement, avec Platon, des types étemels de perfection que
rftme doit avoir en vue pour diriger ses actes.
Jean Hus, qui soutenait cette doctrine, prêcha aussi
contre la dîme et le haut clergé , attaquant tous les abus
dont la Bohême voulait la réforme. L'archevêque répondit
en faisant brûler deux cents volumes de Wicleff magnifi-
quement reliés. A cette époque où les manuscrits étaient
si chers, ce fut un vrai crève-cœur pour leurs propriétaires.
Les étudiants se vengèrent à leur façon ; ils étaient parti-
sans de Wicleff et brûlèrent à leur tour, en public, les
billets d'absolution que la pape faisait vendre en Bohème
pour se procurer de l'argent. Une véritable mascarade eut
lieu à cette occasion : le sénat la poursuivit et 6t punir de
iBort plusieurs de ceux qui en avaient fait partie ; mais le
peuple recueillit leurs cadavres el les enterra comme des
saints.
Le concile de Constance s'était assemblé dans le but do
terminer cette guerre des papes appelée lé sdiisme d'Occi-
dent. Jean Hus y fut déféré ; il s'y défendit avec calme et
dignité, n'opposant aux apostrophes de quelques-uns de
ses juges, à celles de Pierre d'Ailly par exemple, que le
plus imperturbable sang-froid.
DU SIËCLB. 729
Le 1"*^ juillet 1415, il mainteaait par écrit tout ce qu'il
avait avancé : 0 maître tertueux^ lui dit le barou de
Cloume que Ton avait envoyé pour l'engager à se rétracter,
vous allez être immolé , maii la vérité éternelle vaut mieux
que la vie terrestre.
Le 6 juillet 1415, Jean Hus, vêtu d'une robe blanche de
toile cirée, d'un bonnet de papier de hauteur ridicule et
peint d'images infernales, monta sur le bûcher. On le
plaignait de son accoutrement. Le Christ , répondit-il , a
porté la couronne d'épines. — Arrivé sur le bûcher d'un
pas ferme, il se prit à chanter un canticjue religieux, et
mourut dans les plus cruels tourments , aux applaudisse-
ments frénétiques du peuple qui l'entourait.
Le 50 mai 1416 , son ami Jérôme de Prague mourait à
son tour, condamné à mort par ce même concile de
Constance.
Nous ne raconterons ici , ni les 540 jours de torture
qu'on lui fit subir dans les prisons ; ni les reproches méri-
tés qu'il fit à ses juges, en leur demandant si après avoir
écouté ses accusateurs pendant cette longue période, ils n^-
pouvaient lui accorder une seule heure; ni ses réponses
négatives à un interrogatoire, dans lequel on avait odieu-
sement dénaturé ses opinions; ni l'éloge mérité qu'il fit de
Jean Hus ; mais quelques-unes de ses paroles doivent figurer
ici. Jean Hus^ dit Jérôme de Prague, qui était la pre-
mière intelligence de son pays , Jean Hus n'a jamais rien
enseigné contre l'église ae Dieu; il n'a fait que s'élever
comme il le devait, contre les vices du clergé , l'orgueil, le
faste et la pompe des prélats, qui dépensent en courtisan-
nés, en bonne chère, en chevaux, en chiens et en vains
ornements ce qu'ils doivent aux malheureux, aux ho6picef|d|
aux églises. Jérôme prononça ces paroles'avec calme et sans
manifester aucune crainte. Oh ! homme digne d'une meil-
leure justice ! il marcha au supplice avec cette quiétude
de Soorates aiv^lant la cigiuë; il fut grand aux yeux de sqs
ennemis. Ses çeoadres furent jetées au vent , mais elles
devinrent we semence féconde- Cette mort a été lesigpal
des guerres religieuses de BQhême. Aiqsi finit, au moyen-
ne, le quatrième acte du grand drame de la papauté. Le
750 PHILOSOPHIE
cinquième aura lieu au début de Tère scientifique; c'est
alors que Tesprit humain personnifié dans Luther, brisera
les fers de Rome, et saura conquérir Tindépendance des âmes.
Aux IX' et X* siècles l'Europe se courre de chAteaax
forts; ces établissements créent partout l'isolement des
familles et la séparation des intérêts. Le château fort, à
répoque où la guerre était la grande industrie, c'était
Tusine de Thomme de la race conquérante, comme la
commune sera bientôt la machine de guerre du plébéien,
comme la cité ouvrière et la cité bourgeoise seront , dès le
XIX' siècle , le pifemier pas vers des communes plus com-
plètes et plus développées en leurs organismes sociaux.
Pendant deux siècles entiers , le castel , véritable cité mi-
litaire du temps, règne et gouverne en Allemagne et
surtout en France. Au XII* sa puissance diminue; les rou-
tiers , les brabançons, les grandes comi^agnies font ensuite
universellement redouter et détester le militarisme féodal.
Les bourgeois, les ouvriers et les royautés s'unissent au
clergé contre lui. Les milices bourgeoises apparaissent , et
du XIII* au XVI* siècle le castel cède le pas à des pou-
voirs nouveaux ; mais il fait sa retraite avec le calme de la
force.
Passons maintenant à l'étude de deux grands faits
solidaires: l'émancipation des roturiers et la formation des
royautés européennes.
Au X* siècle , des Scandinaves désigné^ sous le nom de
Normands , et la féodalité, s'associèrent en quelque sorte
pour morceler la France. L'Allemagne plus heureuse , fut
protégée par son empereur Henry l'Oiseleur. Ce prince
«;anisa les corporations bourgeoises , dont il fit les fantas-
s de son armée; les nobles formèrent la chevalerie. Des
enceintes fortifiées , appelées bourgs, commencèrent dè5
lors à servir de protection à l'industrie des plébéiens. Ce
n'était pas le mouvement communal, mais quelque chose
qui devait y conduire. Le midi de la France, T'Italie, le
nord de l'Espagne jouissaient alors de quelques libertés
municipales; leurs cités s'étaient retrécies, leurs sénats
ou curies de sénats départementaux étaient devenus de
DU SIECLE. 731
simples conseils urbains. Le même fait parait s*ètre passe
dans le Nord , à Rheims , par exemple « mais il y fut plus
rare.
On peut dire qu'au XI* siècle le peuple formait partout
un corps dans les villes de l'Europe civilisée ou censée
telle; mais ce corps n'avait point d'Âme; il manquait de
cette organisation sans laquelle rien n'est possible. Il en
était de même dans les campagnes où les paroisses possé-
daient depuis un temps immémorial des biens communaux :
ces biens étaient en jouissance, mais nullement administrés.
Une étude sérieuse nous enseigne que l'affranchissement
des roturiers des villes s'est effectué en France , en Allema-
gne, en Angleterre et dans la péninsule, du XIP au
XVI* siècle , par des Chartres et des actes royaux ou sei-
gneuriaux , qui ont accepté et consacré ce qui existait, ou
consacré ce qui venait d'être créé h l'imitation d'affran-
chissements déjà existants et autorisés.
Cet affranchissement légalisé (car ici le fait souvent très
ancien et considéré comme coutume ou usance^ doit être
distingué du droit qui lui est postérieur) a eu des formes
très-diverses. A Noyon^ la première ville de France qui ait
joui d'une charte , le clergé , les nobles et les bourgeois
iirent ratifier par Louis-le-Gros , leur contrat communal,
rédigé par l'évèque Baudry. A Laon, le clergé intervint en
l'absence de l'évèque, et les nobles vendirent leur coopé-
ration:
A Amiens, le comte fit opposition , et il fallut le réduire
à main armée. Le roi s'en chargea : d'où deux années de
lattes. Il fut vaincu, elles bourgeois l'expulsèrent. A Rheims,
la lutte fut plus longue : les rois de France s'en mêlèrent.
Une première fois le roi prit parti pour l'archevêque , que
la bourgeoisie armée tenait en quelque sorte prisonnier
dans son château. Trente maisons des plus notables furent
rasées. Une seconde fois la royauté , mieux éclairée sur ses
intérêts, juge^ utile de transiger avec les bourgeois de
Rheims, qui donnaient l'exemple à tout le nord de la
France ; eue voulut les concilier avec l'archevêque , et leur
députa, en i329, un mandataire qui visita en leurs
hosiien les chefs de la mairie. Cette négociation réussit.
752 PHILOSOPHIE
Pendant que les oommunes s'organisaient en France, le
reste de TEurope entrait dans la même voie , non par imi-
tation, mais par la force des choses. L'empereur Frédéric;
Louis, comte de Tburinge ; Henri-le-Lion, chef delà maison
Guelfe, qui accorda de grands privilèges aux villes de Lubeck
et de Brunswick ; le comte de Bourgogne Berthold, qui se
vengea de la mort de ses iils empoisonnés par les nobles,
en affranchissant les villes suisses de sa dépendance et en
fondant la ville de Berne : voila les créateurs des libertés com-
munales allemandes. Ils eurent pour politique, ainsi que les
autres souverains de l'Europe , d'arrôter le morcellemeot
féodal de leur autorité en s'appuyant sur le peuple et sor
une puissante bourgeoisie; ils voulurent aussi ramener
leurs grands vassaux à cette humanité dont ils oubliaient
trop souvent les premières règles. Louis de Thuringe
attela un jour à sa charrue quatre nobles pous les punir de
leurs exactions.
Le mouvement communal s'étendit, dès le principe, à
des associations de communes : une charte de Philippe-
Auguste, de il87, en fait foi.
Il est à remarquer qne le cammuninne , créé par les pre-
mières communes, prévalut singulièrement sur YindifÀ-
dualisme^ et que le communalisme qui en résulta dimnait à
la communauté des droits puissants, exorbitants même
quelquefois, sur les personnes et les propriétés de cem qui
en faisaient partie , comme de raser leors maisons quand
ils contrevenaient au pacte social. Mais en regard de la
féodalité si puissante encore, ce mal n'était pas un abus.
Le^ nobles et le haut clergé ne tardèrent pas à com-
prendre où le système communal devait les conduire.
(Y Commune! disait l'abbé de Nogent, nom nouveau.
» nom détestable ! par toi les censitaires sont affranchis de
>» tout servage , moyermant une simple redevance annuelle.
» — Tu n'imposes d'autre punition pour rinfraction aui
)) lois qu'une amende déterminée, et tu interdis toutes les
» autres charges pécuniaices auxquelles les serfs scoit ordi-
j) nairement assujettis ! »
Ce qui blessa surtout la noblesse de l'époque dans ses
privilèges, c'est que les communes, autorisées presque
DU SIÈCLE. 733
toutes à s'armer et à se fortifier, se mirent ainsi à l'abri
des barons qui faisaient alors meurtre et rapine sur les
grandes routes ; c'est qu'il leur devint impossible de faire
accepter les fausses monnaies pour lesquelles si grand
nombre ont été pendus. L'Etat du reste retira partout grand
profit des milices et des autres institutions communales.
NozHseulement les rois échangèrent des chiffons de papier
contre de beaux écus au soleil , mais en France , à Bou-
Tines et dans plusieurs autres batailles , lès bourgeois se
eonctoisirent en vaillants soldats : ce furent de simples
ouvriers flamands qui battirent si cruellement la noblesse
de France dans la journée des éperons.
La condition des magistrats municipaux variait beau-
coup. Dans les villes où la cité s'était transformée presque
sans interruption en commune , ces ofiiciers municipaux ,
de quelque nom qu'ils s'appelassent , étaient généralement
considérés comme nobles ; c'est ce qui a eu lieu surtout
pour les villes d'Italie et du Midi de la France. Dans beau-
coup d'autres , tantôt la mairie seule , tantôt Téchevinage
donnaient noblesse.
U y avait des villes en Normandie et dans le Midi oii
l'élection des municipaux était à deux degrés , par suite da
l'interposition entre le peuple des bourgeois et la mairie ou
commune d'un corps de notables. C'est aussi ce qui existait
à la 'Rochelle. Probablement ce fait était un reste ou plu-
tôt une transformation de l'ancienne curie romaine. Dans
beaucoup, le prévôt ou maire était un magistrat royal.
Hore de sa présence , les échevins étaient sans pouvoir. —
La variété des titres des agents municipaux du XIl" au
XVI* siècle, et la variété de leurs fonctions, nous sont des
preuves authentiques de la spontanéité du mouvement qui
en avait imposé la création aux pouvoirs royaux , selon les
lieux et les habitudes de chaque pays.
L'émancipation des communes , toute au profit des gens
de classe moyenne, ne servit que médiocrement d'abord ,
sur bien des points , les intérêts du menu peuple et môme
ceux des femmes.
Le meurtre d'un bourgeois entraînait généralement h
peine de mort ; mais nous ne voyons pas qu'il en fut ainsi
3i*
754 * PHILOSOPHIE
pour le meurtre d'une bourgeoise ou d'un manant. Bien
plus, le rapt d'une bourgeoise ainsi que le viol étaient
punis d'un simple bannissement de la commune pendant
sept années. Il était permis, dans un grand nombre, de
battre sa femme , de la blesser même , pounru que ce fut
avec louable intention; et tandis que la femme surprise en
adultère pouvait être rouée de coups par son mari , souvent
jusqu'à mort, le mari, surpris en pareil cas, n'était point
poursuivi s'il parvenait à se sauVer, sinon il était promené
en chemise par la ville ; mais il sufiîsait de donner vingt
sous et même cinq dans beaucoup de communes, pour se
racheter de cette humiliation. Cinq sous, à cette époque
(du XIIP au XV* siècle), valaient environ deux cent qua-
rante sous, ou douze francs valeur actuelle.
La paternité conservait ses privilèges presque partout
(nous ne savons pas d'exception à cette règle), même sur
les enfants qui étaient mariés. Les pères avaient droit de
correction sur leurs fils et filles devenus pères ou mères,
et pouvaient les fouetter. — Quant aux manants et ouvriers
des professions inférieures , on les traitait avec le dernier
mépris : la bourgeoisie se vengeait sur eux des dédains de
la noblesse et les leur rendait avec usure.
La plupart des chartes communales garantissaient la
liberté des personnes et la sûreté des projwiétés : un bour-
geois ne pouvait être appréhendé au corps pour dette p<!cu-
niaire. Quelques communes étaient même, comme Tournay,
des villes de refuge pour les gens qui avaient commis des
crimes. Presque partout les bourgeois exerçaient vis-à-vis
des manants des droits puissants, parfois même exorbi-
tants. C'est ainsi qu'en certaines villes ils pouvaient les
ff apper au visage , pourvu que ce fut sans colère et avec
motif.
Dans les villes et dans les pays d'Europe où la féodalité
était trop puissante -pour laisser organiser les communes,
les hommes libres n'arrivèrent qu'à l'état de bourgeoisie.
C'est ce qui eut lieu dans toute l'ancienne Bretagne et
quelques autres localités voisines. Partout du reste fe
droit de bourgeoisie comme le droit de commune , qui en-
traînait et renfermait le premier, fut un grand progrès etk
BU SIÈGtE. 735
constatation des besoins du temps. Dans le principe , les
grands vassaux partagèrent avec le roi le droit d établir
communes et bourgeoisie ; mais la royauté s*en empara le
plus vite et le plus possible : elle comprit rapidement que
les bourgeois ne pourraient de longtemps la menacer dans
ses prérogatives. Dès i518, elle décidait, en France, que
nul que le roi ne pourrait ériger une ville en commune.
Trente ans plus tard, elle agissait de la même manière
pour les créations de bourgeoisie. Plus tard encore , nos
rois se réservèrent le droit de conférer la bourgeoisie aux
hommes libres qui se réfugieraient sur leurs terres. De
là:
Les bourgeoisies de corps , ou de villes , attachées à une
corporation et à un domicile ;
Et la bourgeoisie individuelle inhérente à la personne
par grftce spéciale du souverain.
L'institution des bourgeois de la couronne porta un coup
mortel à la féodalité, en établissant unesolidarité jusqu'alors
inconnue entre le roi et la partie éclairée du peuple. L'affran-
chissement des travailleurs de la bourgeoisie qui comprenait
les corporations des corps de métiers, devait avoir pour con-
séquence naturelle celui des travailleurs des campagnes, la
rédaction des usages , usements ou coutumes et des chartes
concédées, la rédaction des chartes des corporations, les
créations de justices civiles et la réunion d'assemblées po-
litiques composées des trois ordres : le clergé , la noblesse
et la bourgeoisie.
Sur bien des points , le mouvement des campagnes avait
suivi celui des villes, et l'émancipation de fait existait
dans un grand nombre de paroisses. En France, le Maine
et TÀnjou n'avaient presque plus de serfs même avant le
règne de saint Louis , lorsque Blanche de Castille donna
un royal exemple , en forçant le chapitre de Notre-Dame
de Paris à l'affranchissement de ses esclaves moyennant
indemnité. Ep 1296, Philippe-le-Bel affranchit à son tour
tout le Languedoc ; mais ce fut son fils qui supprima
presque complètement la servitude , en autorisant les serfs
à se racheter. Comme il faisait paver la liberté fort cher,
l'estimant selon sa prisée personnelle et les besoins de son
7S6 PHILOSOPHIE
coffre-fort qui était vide, les serfs trouvèrent la dmrée
d'un prix trop élevé et n'en voulurent acheter. Que fit le
roi ? il donna ordre à ses commissaires d'examiner la for-
tune de chacun et d'user de contrainte pour les forcer à
chercher dans le rachat Voctroi de leur indépendance.
Nous voyons apparaître à peu près à la même époque ,
c'est-à-dire au XIll' siècle, la grande charte d'Angleterre,
sa charte des forêts , et les étMiêsemmts de saint Loub,
qui réglementa le premier les corporations. L'Allemagne
eut ê€$ miroirs de Saxe et de Souabe ; l'Espagne, son code
castillan de las pariidas. Les nobles, en négligeant l'étude
des coutumes et la fréquentation des cours de justice,
laissèrent organiser, en dehors d'eux , une puissance légis-
lative qui devait plus tard singulièrement amoindrir Tin-
fluenco de l'épée au profit de la robe. Cette puissaiice fut
instituée eh France par PhiUppe-le-Bel ; elle détrôna la
sGolaslique pour lui substituer l'esprit de procédure. Elle
en usa rudement, sous ce prince, contre le clergé, contre
Rome, contre les templiers qu'elle dépouilla et fit périr,
contre les plus puissants seigneurs et les droits féodaux qui
nuisaient à ceux du roi. De vieux textes, souvent inconnus,
souvent falsifiés , furent ses saintes écritures. Mais que la
royauté coûtait cher à faire vivre, au milieu de peuples
dcmt la production nt brillait point par l'habileté scientifi-
que ! Cependant si le pillage h main armée était aupara-
vant la règle des princes, le pillage, une prétendue loi à
la main , n'était-il pas un véritable progrès ?
Sous le règne de saint Louis , des bourgeois de France
et d'Angleterre avaient fait partie d'assemblées politiques.
Le 15 avril 1502, Philippe-le-Bel compléta ses royales
institutions en appelant les bourgeois des villes, dans la
personne de leurs échevins, à faire partie des états.
L'Allemagne , ce pays où l'esprit des masses avait plas
de spontanéité que dans les contrées gallo-romaines , pro-
fita beaucoup du mouvement oommunaL L'archevêque
Ëngelbert qui la gouvernait au nom de Frédéric II , y fit
revivre , au XIII'' siècle , les tribunaux de Gaou oû de disr-
trict des paysans libres , et leur donna^un caractère mysté-
rieux qui allait merveilieusement aux fils des Germains. —
BU SIBGLB. 737
Cfitte association judiciaire fut désignée sous le nom carac-
téristique de ceux qui savent. Bientôt les villes municipales
de Cologne, Strasbourg et Aix-la-Chapelle seront gardées
par vingt-trois mille citoyens armés ; Nuremberg en comp-
tera trente-cinq mille.
La première origine de la hanse teutonique remonte
aussi au XIII'' siècle : cette confédératicm de villes libres
présente à l'étude de nombreux détails et réclame encore
un véritable historien. La confédération des cantons suisses
n'est pas aussi ancienne que celle des cantons du Soisson-*
nais ; mais elle a eu une toute autre importance. Née aux
lieux où Arnaud de Brescia avait prêché l'esprit d'indépen-
dance en 1344, où ses éloquentes paroles avaient triomphé
du mauvais vouloir de l'abbé d'Einsiedel , la confédération
de 1308 a entouré sa naissance de la poésie Scandinave
des lieux où ses pères habitaient autrefois. On peut révo-
quer en doute l'histoire de Guillaume Tell, que l'on retrouve
aussi en Norwège ; mais la bataille de Horgarten , dans
laquelle l'armée du duc Léopold fut évasée par des paysans,
est à la fois un fait héroïque et historique. Cette victoire ,
suivie d'un renouvellement du pacte fédéral , en démontra
la valeur.
Dans le même siède, Florence modifiait sa constitution ;
Martin Falieri tentait de rendre au peuple de Venise la
souveraineté usurpée par les nobles; et Rome, dans uoe
réméniscence de ses. grands jours , rétablissait le tribunal ,
sous la direction de Rienzi , dont le dernier descendant ,
victime de persécutions politiques, est mort à l'Hôtel^Dieu
de Paris vers 1854.
La politique de Philippe-le-Bel, reprise au XV' siècle
par Louis XI, adieva la formation de la royauté française
qu'il serait mieux d'appeler gauloise. Elle avait subF, sous
ses. prédécesseurs , de mde& épreuves et peut-être eut-elle
péri sans l'héroïsme de Jeanne la Pucelle , sainte extatique
qui sauva la< France et fut jugée comme sorcière, selon
l'usage du temps, puis brûlée à Rouen en cette qualité.
Louis &I frappa rudement les grands vassaux de la cou-
ronne, créa des routes, des manufa<etures, les preaiiàres
postes, et commença eette pcditique qui eut plus tard
738 PHILOSOPHIE
pour but d'amoindrir les communes pour établir rautocratie
royale : politique continuée par Henri IV, développée par
Louis XIV, qui a singulièrement contribué aux événements
de 89 et à la ruine des Bourbons.
Nos lecteurs comprennent maintenant comment le clergé,
la féodalité , les royautés et les associations et corporations
du moyen-âge n'ont été que les conséquences logiques de
faits antérieurs. Au-dessus des quatre ordres d'événements
qui s'y rattachent plane le cinquième, Tordre littéraire,
philosophique et scientifique , cette véritable et principale
source des progrès de l'esprit humain : nous allons nous en
occuper.
Dès le IX* et le X" siècle , cet esprit tout légendaire se
modifie au contact des Maures d'Espagne dont les écoles
donnent le ton à l'Europe ; les Républiques de Gênes et de
Florence cultivent le commerce et l'industrie, ces deux
sources de. richesses et d'émancipation; les villes impé-
riales d'Allemagne et les anciennes cités romaines du midi
de la France suivent cet exemple ; la fortune conduit des
masses considérables au bien-être, le bien-être au désir de
la liberté.
Dès le XI" siècle apparaissent , avec les hospitaliers de
Saint-Jean-de-Jérusalem, les compagnons et francs-maçoBs.
Les compagnons devaient reconnaître, en France, Lyon,
Nantes, Bordeaux et Marseille comme les quatre villes du
devoir, sans tenir compte des divisions territoriales réglées
par la politique. Les seconds étaient les continuateurs d'une
secte de gnostiques qui avait greffé le christianisme sur la
' doctrine de Pythagore. Il faut rapporter à cette époque la
première réapparition de l'art grec en Italie et les progrès
que Guy d'Arezzo fit faire à la notation musicale.
Le XII' siècle a singulièrement préconisé le culte de la
Vierge et amélioré la situation des femmes des classes
riches. Â partir de cette époque , elles héritent partout de
bénéfices rattachés dans le principe à des services le pte
souvent militaires. L'architecture se charge de traduire la
pensée religieuse du temps par des édifices, les uns appro-
priés au culte, tels que l'église de Saint-Marc , à Venise,
et la cathédrale de Paris ; les autres à des œuvres chari'
BU SIÈCLE. 739
tables. C'est alors que Marco-Juliano fonde à Venise un
grand hospice général. L'école de droit civil de Bologne
et la publication , en France , du code justinien devront
abaisser les juridictions ecclésiastiques au profit de la juri-
diction des laïques. La papauté le pressent, mais ses
efforts sont impuissants à supprimer l'élude des lois ro-
maines. La littérature chrétienne s'enrichit de tragi-comé-
dies. En Angleterre , les élèves de Tabbé de Saint- Alban
donnent la représentation d'une pièce intitulée : Les Mi"
racles de sainte Catherine, — L'école de Saleme, l'université
de Salamanque et celle de Montpellier font un retour vers
les sciences , et la médecine reparaît en Occident. C'est
aussi au XIII* siècle qu'Albert-le-Grand et Roger Bacon étu-
dièrent successivement la physioue et la chimie. Ce dernier
eut le pressentiment des grairaes découvertes de la civili-
sation moderne : il prévit tout le parti que l'on pourrait
tirer des verres grossissants. Marc Paul rapporta de ses
voyages une aiguille aimantée, et la géographie s'enrichit
de ses découvertes.
De l'Italie l'industrie gagne le Nord. Tandis que les
Juifs Lombards inventent la lettre de change, la Suisse
voit créer une fabrique de papier de chiffons ; la Hollande
invente l'art de saler les harengs et donne à ses pèches un
développement nouveau ; la Flandre s'occupe déjà de fa-
brications , et le roi d'Angleterre , Henry !•', de l'unité des
poids et mesures.
Il n'est pas sans intérêt de remarquer, avant de passer
outre, que le prix des denrées n'a commencé à varier, au
moyen-âge , qu'à partir des grandes découvertes géogra-
phiques. Les valeurs des monnaies sont très-mal appréciées.
Si le froment , qui vaut en moyenne trente francs les cent
cinquante litres ou le setier, valait quatorze sous, le seigle
dix , l'avoine quatre à six , il est évident qu'un sou repré-
sentait à peu près la même somme de travail agricole que
de nos jours deux francs, et la même somme de substance
alimentaire. L'ouvrier qui gagnait deux sons par jour rece-
vait donc en réahté quatre francs valeur actuelle. De là, cette
division du sou en douze deniers , qui était indispensable
pour les usages de la vie usuelle.
740 nihompnm
Au XIV* siècle, Tintérèt de Targént était en raison de
la rareté des capitaux : peu élevé en Italie , tandis qu'en
France on prêtait sur nantissement à plus ào 30 %, quelle
que fut la valeur du gage. En 1507, en Angleterre , on
prêtait à 45 X- On frappait peu de monnaies d*or : il r a
même des écrivains qui prétendent que les monnaies' de
1530 sont les premières fabriquées en Europe.
A cette époque , les laines anglaises étaient en grande
estime : un troupeau de moutons anglais donné en 1345 à
l'Espagne, servit à améliorer ses bêtes ovines. Don Pèdre
introduisit en Castille , en 1350 , les moutons de Barbarie,
et tout porte k croire que les mérinos actuels sont issus
de ce double croisement.
La Flandre avait alors enjquelque sorte le monopole de
la fabrication des draps fins*. Cependant , vers 1327, Jean
Kemp porta cette industrie en Angleterre ; il fut suivi , en
1556, par d'autres tisserands du Brabant. En général les
laines anglaises passaient par Bruges , où elles étaient tra-
vaillées. Tissées en Flandre, elles y étaient reprises par
les navires de la hanse anséatique qui approvisionnaient
de draps toute la chrétienté. Ces mêmes navires partaient
à toute rEUm)pe les toiles de Flandre. Vers la fin du siècle,
l'Angleterre eut à Londres des tisserands en toiles des
Pays-Bas et débuta avec succès dans ce genre d'industrie.
Déjà , depuis 1357, Londres faisait usage du charbon de
terre qui devait influencer ultérieurement si favorablement
le développement de toutes les fabrications.
L'Italie avait, 'aussi elle , ses industries : les Florentins
possédaient, au XIV* sièele, leurs billets qui suivaient,
comme nos rentes , le cours des affaires publiques ; Venise
savait couler des glaces, et elle apprit, en 1546, à les
étamer. On y fabriquait, ainsi qu'à Florence, des verres
grossissants pour aider les presbytes.
L'Italie , dès cette époque , se distinguait singulièrement
par son goût pour le savoir, les beaux-arts et lès lettres.
Padoue avait une fabrique de papier de chiffons. Si Ton
remarque que les premiers fabricants de papier faisaient
bouillir leurs linges pour faciliter leur transformation en
pâte^ on concevra le prix élevé de ce produit. En 1302,
BU SIÈCLE. 741
Flavio Gioga d'Àmalphi perfeotionnait la boussok. Dès
1315 , Le Giotto, élève de Cimabae, établissait à Florence
une école de dessin. Bientôt parurent Le Dante , Pétrarque
et Bocace , qui formèrent la langue italienne.
En 1330 y Florence voyait fonder son école de peinture ,
et en dix ans lltalie se peuplait d'artistes émiuents. Elle
faisait aussi les plus grands progrès en architecture et reve-
nait à l'art grec.
La France, pendant cette période, avait plusieurs foyers
d'initiation. Toulouse était la capitale du Midi , la ville des
poètes et des troubadours. Paris, plus sérieux, était le
centre philosophique de l'Europe , la ville des grandes
écoles ; chaque nation y possédait son collège , encore qu'à
cette époque chaque nation eût ses universités. L'étude
d'Aristote et des anciens se répandait d'autant mieux qu'elle
a'était plus interdite par la cour de Rome.
La littérature eut , au XIV siècle , trois grands modèles :
les troubadours , Le Dante et l'Imitation. Les troubadours
représentaient la révolte de la chair, l'amour au point de
vue de la volupté. Le Dante était aussi noblement chrétien
qu'on pouvait l'être à cette époque d'ignorance ; sa grande
poésie avait des tendances physiologiques très-élevées ;
encore que sa Vie Nouvelle prête à la critique, on peut dire
qu'il avait compris toute Tinfluence éducatrice de l'amour
intellectuel et moral ; sa Divine Comédie n'est autre chose
que l'épopée chrétienne. L'Imitation est, aussi elle ,- une
épopée chrétienne ; mais elle appartient à un autre chris-
tianisme, celui des solitaires du désert : c'est le chant d'une
âme qui s'isole pour trouver l'union mysticpie avec Jésus.
Suiveai-la dans sa voie : tout d'abord elle se détache de ce
monde trompeur, au sein duquel s'agitent les passions
humaines ; bientôt elle se crée une solitude au sein même
de la société , une véritable thébaïde ; elle ne tarde pas à y
recevoir la compagnie du Sauveur. L'amour individualiste
et mystique tt3uronne cette œuvre. Ce livre est grand comme
poésie et comme conception ; peut-être son auteur n'en
avait-il pas compris toute la portée. Mieux que tout autre ,
il résume les extatiques, passions des Ames dévotes, les
tendresses d'unis religion mystique.
742 PHILOSOPHIB
Au XV" sièele , la transition se prépare activement pour
un ordre nouveau. C'est alors que la banque de Gênes de-
vient un modèle pour les institutions de crédit ; que les
universités se multiplient; que Jean de Bruges fonde
récole flamande de peinture ; que Ton réinvente la gravure
en creux ; que le café , cette infusion si spirituelle , se ré-
pand en Europe ; que la lutte entre les disciples d'Aristote
et les disciples de Platon fait présager une philosophie plus
élevée ; que le commerce grandit. Jacques Cœur avait à
lui seul, en 1450, trois cents facteurs à ses gages dans le
Levant. Maurolicus et MuUer, ou Regio Montanus, appa-
raissent parmi les savaïits , et les sciences exactes se prépa-
*rent à revenir aux doctrines pythagoriciennes. Des bi-
bliothèques publiques se fondent dans les capitales et les
grandes villes universitaires. Lucas de Leyde, Albert Dorer,
Léonard de Vinci et quelques autres grands maîtres appa-
raissent vers la fin du siècle et préparent la voie à Michel-
Ange et à Raphaël.
QUATRIÈME PÉRIODE.
CIVILISATION SCIENTIFIQUE. — PREMIERS EFFORTS DE
l'iMPRIItERIE. '
Les premiers efforts de Timprimerie , la succession des
sociétés savantes, les progrès des XVI% XVIP et XVUr
siècles, sous le rapport de la littérature, de la philosophie,
(}es sciences diverses, des événements sociaux et politi-
ques , vont nous conduire à notre époque par les révolu-
tions de rUnion Américaine et de la France. Nous aurons à
signaler sur la route les fautes commises et les conquôtes
acquises à l'humanité : ce double examen préparera notre
conclusion.
Guttenberg était un de ces esprits remuants qui ont
soif d'améliorations et de progrès. Dès 1456 ou 1437, il
BU SIÈCLE. 745
s'associait à André Treize, Jean Riff et André Heilmann,
pour mettre en œuvre plusieurs arts et secrets merveilleux
qui tiennent du prodige. Evidemment dès cette époque son
esprit avait scientifiquement compris Futilité et 1 emploi de
caractères mobiles.
De 1459 à 1450 , quelques rares imprimés disposés à la
manière des manuscrits, furent le produit d'essais et de
tâtonnements nombreux. A cette dernière époque , Gutten-
berg s'associa le banquier Faust et Pierre Sehœffer, qui
inventa les caractères mobiles fondus en un moule analo-
gue à celui dont nous faisons usage.
En 1455, Faust, agissant en capitaliste, conserva près
ée lui Pierre Sehœffer et se débarrassa de Guttenberg. Il
, se trouva de la sorte possesseur , à Mayence , d'une impri-
DQerie dans laquelle existaient de beaux caractères et tous
les éléments d'un grand succès.
L'électeur de Mayence s'étant emparé de cette ville , en
1462 , la dépouilla de ses libertés. Ennemis nés de la ser-
vitude, les ouvriers imprimeurs quittèrent aussitôt pour
chercher ailleurs la liberté du travail.
Quatre jeunes allemands , Udaric , Haa , Schweinhein et
Arnold Pannard , se rendirent en Italie , où de 1465 à 1471
ils imprimèrent, à Rome, douze mille quatre cent soixante-
quinze volumes, fait merveilleux pour l'époque.
Partout l'imprimerie se répandait que c'était merveille;
elle pénétrait en Angleterre et en France , où elle publiait
des romans , servant ainsi la cause de la civilisation. On
trouvait des presses à Paris , à Rouen , à Venise et dans
plusieurs villes d'Italie. A Rostoc, elles étaient introduites
par les frères de la vie commune ; ailleurs , surtout en Alle-
magne, la presse était montrée en curiosité aux populations
par des imprimeurs ambulants.
II est fort heureux pour l'humanité que les imprimeurs
se soient beaucoup occupés tout d'abord d'impressions dé-
votes ; sans «ela très-certainement l'esprit de ténèbres et
d'ignorance eut mis leur art en interdit.
Vers 1491 parurent les premières impressions d'ordre
scientifique. L anatomie de Jean Ketham avec gravures sur
bois doit être rapportée à cette époque.
744 PHILOSOPHIB
Les pays à teodances libérales et protestantes se signalè-
rent dans cette voie : Genève, en 1478, publiait les pandectes
médicinales de Mathœus Sylvaticus. Buckinck terminait
alors , à Rome , l'impression de Ptolémée , ouvrage ortho-
doxe auquel il ajoutait vingt-sept cartes en taille douce
gravées sur cuivre. Le mouvement littéraire fut de beau-
coup le plus considérable. Cependant les connaissances
positives se multiplièrent, et bientôt commencera celte
grande série des novations de toute espèce, auxquelles
est due la civilisation moderne.
Les persécutions et les précautions inquisitoriales ne
tardèrent point. Dès i486, l'archevêque de Bfayence défeo-
dait d'imprimer sans son autorisation et créait ime censure
menaçant d'excommunication, de confiscation et d'uoe
amende de cent florins d'or, quiconque contreviendrait à
son mandement. Le pape Léon X, en i516, entra dans
cette môme voie et préposa les évoques de chaque diocèse
à la surveillance des imprimeries. Qui pourrait arrêter
l'essor des intelligences ? Nobles et roturiers s'éprirent d'un
juste amour pour l'art de Guttenberg : Philippe de Ligna-
mine, gentilhomme messinois, se fit imprimeur; l'évèque
de Téramo , le savant Campanus , se dévoua au grand art
de la typographie; le négociant Chigi lui consacra son
palais de Rome ; et vers i490, le chef de la famille des
Aide, Aldus Pius Romanus^ fondait, à Venise, eette im-
primerie dont les œuvres sont restées si célèbres.
Rome avait pris les devants pour les chef^d-œuvres de
la langue latine : Alëe s'empara des chef&-d 'œuvres de la
langue grecque. Dès 1495, il publiait le premier voluine
d'Aristote ; trois ans plus tard, il éditait les deuxième,
troisième et quatrième volumes du même ouvrage ; annon-
çant en même temps Platon, Hyppocrate, Galien et la série
des mathématiciens : c'était faire revivre le monde grec au
milieu des fils du moyen-âge.
Ce fut dans l'atelier typographique des- Aid» qu'ea 1553
Henri Etienne fit imprimer divers ouvrage^ traduits ou
écrits par lui. Paul Manuce en était alors le direfctcur; il
hésitait à quitter Venise, lorsqu'il fut retenu. ;d«» cei^
ville par le sénateur Badoaro. ' • - :;
BU SIÈCLE. 745
L'Espagne , occupée longtemps par les Maures , avait vu
s'élever à Sainte-Philippe , autrefois Xativa , les premières
fabriques européennes de papier , sous l'influencé et la di-
rection des musulmans. A peine rimprimerie fut-elle con-
nue , qu'elle désira participer à la nouvelle découverte.
Bientôt, sur Tordre du cardinal Ximénès, l'on s'y occupa,
au couvent de Complute , de la première Bible polyglote
(6 volumes in-folio): Arnaud Guillaume de Brocar fut
chargé de son impression. Commencée en lâOS, elle fut
terminée en 1517 ; mais Rome parut inquiète de sa publi-
cation. Ce magnifique ouvrage ne fut autorisé qu'en 1S22.
La France, quoiqu'elle fût déjà depuis longtemps, par
les grandes écoles de Paris , le centre du savoir et du mou-
Tement intellectuel du monde, se trouvait cependant sou-
mise à mille règlements policiers pour tout ce qui concer-
nait la vente des manuscrits. La profession de libraire
n'était pas libre ; il fallait , pour l'exercer (décret de Charles
VII), une autorisation de l'université, cette cruelle marâ-
tre du savoir. — Aidée de quatre grands libraires ,^ c'était
elle qui fixait le prix des livres ; ceux qu'elle ne taxait pas
devaient lui être soumis , puis vendus ensuite à prix' fixe. —
Elle possédait le privilège d'un impôt sur le parchemin , et
jouissait, de plus, de droits considérables établis sur les li-
braires, relieurs, enlumineurs et autres. Ces droits furent
encore augmentés dans une proportion très-notable par une
ordonnance de Louis^ XI, de 1467; mais le papier était
> exempt de toute charge. Tel était l'état des choses , quand
l'imprimerie fut introduite à Paris.
Pasquier dit Bonhomme est le premier imprimeur fran-
çais, de Paris , qui porte un nom français; il édita, en
1476, les chroniques de Saint-Denis. Bientôt parurent de
nombrenx ouvrages chez Guy Marchand , chez Denis Janot,
chez Jean Carcain , Philippe Pigouchel , Michel Lenoir ,
Germain Beneau , Jehan Trepperel, Simon Vostre.
Dès 1503, Henry Etienne voulant relever, par la noblesse
du travail et du savoir, sa noblesse d'aïeux , se faisait im-
primeur. La publication des ouvrages de science et de phi-
losophie le préoccupa. Avec lui commencèrent les tracasse-
ries et persécutions de l'intolérance. Les moines de l'abbaye
746 PHILOSOPHIE
de Saint-Germain lui avaient donné le quiniupUx^ fudU"
rium^ contenant cinq versions latines des Pseaumes.ÉtieoDe,
oh ! scandale , numérota les versets du texte sacré avec des
chiffres arabes , et pour ce fait , son ouvrage fut mis à
rindex!!!
Rendons cette justice à Louis XII, qu'il exempta d'im-
pôts rimprimerie de Paris, par son édit de 151S, et qu'il
supprima tous les droits sur les livres. Les premiers actes
de François V^ ne furent pas moins favorables aux impri-
meurs et aux trente libraires , relieurs et enlumineurs de
l'université; mais, dès i621, la faculté de théologie s'ar-
rogeait le droit de censure. La même année , le roi conâr-
mait cet acte. L'année suivante , la Sorbonne attaqua la
publication in-16 du Nouveau Testament, de Robert
Etienne , uniquement parce qu'il lui déplaisait de voir po-
pulariser les saintes écritures. En 1553 , elle attaqua la
Rible d'Etienne,. malgré le visa du roi, malgré la partici-
pation à cet ouvrage de quelquesruns des plus savants doc-
teurs en théologie. Etienne, dans sa réponse à la Sorbonne^
la traite vigoureusement, mettant en grande évidence sa
mauvaise foi et son peu de savoir.
<f Ce sera , dit-il , chose quasi prodigieuse , et pourtant
» il n'y a rien de plus vrai , qu'il n'y a pas longtemps
j* qu'un de leur collège disait journellement ( queue ré-
» vélation sur ce temps !): Je suis ébahi de ce que les
» jeunes gens nous allèguent le Nouveau Testament. Ptr
» diem 1 j'avais plus de cinquante ans que je ne savais
» pas ce que c'était du Nouveau Testament. »
Le 7 juin 1S55, la Sorbonne , effrayée de la propagation
des écrits de Luther et de sa doctrine, proposa au roi d'a-
bolir pour toujours , en France, l'art si dangereux démul-
tiplier les livres. L'évèque du Bellay et Guillaume Budé s'y
opposèrent ; mais la Sorbonne faillit réussir. Toutefois , en
1552 , François I*' prenant en émoi les plaintes contre les
imprimeurs , leur défendit d'exercer leur art. Son édit ,
nous avons quoique honte à le raconter , portait contre eux
la peine de la hart. Le parlement , épouvanté de tant de
rigueurs, ne l'enregistra point, et fit au roi force remoc-
trances ; mais le prince n'en voulut entièrement démordre ;
DU 8IÈGIB. 747
aussi réduisit- il è douze le nombre des imprimeurs auxquels
il défendit d'éditer aucun livre nouveau.Téi était cependant,
dès cette époque , l'influence de l'opinion , qu'en 1558 ,
par lettres patentes adressées à la République des lettres
(sic) , François I" nommait Conrad Neobar son imprimeur
royal , pour le grec , avec des considérants fort honorables
pour celui qui les avait rédigés , et pour le roi lui-même ,
les eût-il signés sans les lire.
En 1540 , Robert Etienne publie une nouvelle Bible in-
folio, beaucoup plus parfaite que les précédentes: les
théologiens n'y pouvant rien reprendre, accusèrent les
sommaires des chapitres de sentir l'hérésie. En 1545, il
en publia une nouvelle , traduite en latin , d'après le texte
hébreu ; elle est beaucoup plus fidèle que celle de saint
Jérôme. Cette édition déplut tellement à la Sorbonne, que
Robert Etienne dut chercher un refuge auprès du roi (Jont
il était l'imprimeur pour les langues orientales. A la mort
de François !•', son fils Henri , en 1647 , voulut que Robert
Etienne fut entendu contradictoirement vis-à-vis des théo-
logiens; ce qui eut lieu à leur grande déconvenue. Ne
pouvant le convaincre d'impiété , la Sorbonne s'adressa au
confesseur du roi , dans son indignation que le collège des
théologiens eût été vaincu par un homme mécanique^ ainsi
appelait-elle cette illustre érudit. Elle le voulait même faire
brûler vif comme hérétique ; elle ne réussit point , mais
Etienne fut obligé de se sauver à Lyon , et il en résulta de
grands dommages pour ses intérêts.
Le 3 août 1546, l'imprimeur Etienne Dolet fut brûlé vif,
sur la place Haubert , à l'âge de trente-sept ans , après
dix-huit mois de prison.
Le prétexte de sa condamnation fut la traduction d'un
paragraphe de Platon. Nous mettons sous les yeux du
lecteur la pièce de conviction.
Socrate : « Pour ce qu'il est certain que la mort n'est
)> point aux Vivants, et quand aux défunts ils ne sont
» plus : doncques la mort les attouche encore moins ; —
» pourquoy elle ne peut rien sur toy , car tu n'es pas en-
» core ci prest à décéder ; et quand tu seras décédé , elle
» n*y pourra rien aussi. »
748 PHILOSpPHIB
Jusquerlà celte traduction était exacte. Doiet Toulant
la rendre plus expressive , y avait ajouté ces quelques mots :
Attendu qt$e tu ne seras p/tu rien du toui.
La faculté de théologie assemblée tout exprès, jugea que
ces quelques mots constituaient une hérésie conforme k. pelle
des saducéens et des épicuriens. Sur cette déoisioDi Dolel,
convaincu d'être athée, fut condamné à mort, puis.exécuté.
Et cependaut le petit paragraphe d-dessus. était évi-
demment selon la pensée de Socrate ; il n'impliquait ^uicu-^
uementf quoiqu'en aient dit les théologiens, ni Tathéisme,
ni la mort de Tàme avec le corps. ËûU-il eu cette significa-
tion , étaitH)e donc un motif pour condamner Dolet à être
brûlé vif?
Etienne Dolet n'était ni im athée , ni même un incrédule
en fait de catholicisme, mais un littérateur teès -épris de
l'antiquité. Son savant ami , Robert Etienne , eût proba-
blement partagé son malheureux sort , s'il n'avait pris la
fuite et ne s'était réfugié à Genève. Son crime nouveau c'é-
tait l'impression très-parfaite d'une Bible et d'un NouTeau
Testament. Ce fut àfi celte nauTeUe retraite qu'il publia,
contre la Sorbonne, son fameux pamphlet intitulé : Réponu
aux théologiens de Paris.
La tolérance n-était en nulle. manike la vertu de .l'épo-
que, et Robert Etienne prit.pçirt aux actes de tyrannie mo-
rale exeçcés à Gçuèvè par les calvinistes contre leurs adyer-
saires. II paraît mâme qu'il approuva k mori du m^ilheur
reux Servet,... Pauvre humanité!!!
Le là juillet 1560, l^Ubvaire MarÀîn L'Homme îut cm-
damné à être pendu, pour s'être fait éditeujr.d'up panapÛei
centrales Guise. Il se passa, lors. de Texécution oé ce
malheureux, \m fait. caractéristique des mœurs cruelles du
temps. — Ua marchand de Rouen , nommé Robert BelKuns ,
voyant le peuple très-animé , se permit de dire ces simples
paroles : Eh quoil mes amie , ne stsffitr^il pas qu'ilmeùrre !
Laissez le bot&rreau faire le r^te ; k wulexTVfkts tourmeffler
datamtagfi.que la sentence ns porte ? Arrêté , sur Tb^urfi il^fut
étranglé, pla^e Maubert. Les. considérant ^u |ugèinent
fixent intervenir Dieu et la Yierge Marie^ dans . h prononcé
de l'arrêt.
BU SIECLE. 749
. Ces faits suffisent pour nous faire^ apprécier avec quel
dévoûment les Mannce , les Aide , les Etienne , s'efforçaient
de remplacer les semailles iutellectueiles des siècles d'igno-
rance et de féodalité, par l'influence civilisatrice d'an retour
aux grandes études. Ils eurent pour rivaux les Morel , les
Turnèbe, les Froben , les Amerbach ; comme eux , passion-
nément épris de l'utilité de leur art , et du besoin de faire
revivre les œuvres de l'antiquité ; mafs nous ne saurions ac-
corder le même éloge aux Elzeviers , qui n'eurent ni leur
désintéressement , ni leur savoir.
Faire connaître le passé , c'est appeler la méditation sur
le présent et l'avenir. Évoquée par l'imprimerie , l'antiquité
reparut et se multiplia. Les sciences , la littérature , la phi-
losophie et la vraie religion s'unirent en leurs communes
tendances ; les arts les suivirent , et leur influence ne tarda
point à s'exercer sur l'agriculture , le commerce , l'indus-
trie et la politique elle-même.
sociÉTis SÂYAmrEs.
Porta , qui vivait à la fin du XV et au début du XVI«
siècle , fonda l'académie des secrets, qui dura peu. L'acadé-
mie platonique de Florence, créée en 1474, dut son in-
fluence à Machiavel, à Pic de la Mirandole , à Ange
Politien et quelques autres que l'on pourrait appeler indif-
féremment les beaux ou les bons esprits du temps. —
Naples, en 1500, vit fonder la société des secrets delà na-
ture ; mais elle fut bientôt étouffée par l'esprit d'ignorance.
— En 1609 , à Rome même , le prince de €esi institua une
académie savante dont Galilée fit partie; elle portait le nom
(ïaeadimia lyneœi ; à sa mort, elle tut supprimée. Les^avants
cherchèrent alors en Toscane la liberté qu'ils ne trouvaient
pas dans la capitale du monde chrétien , dans la viHe où
l'on professait la religion du spiritualisme. Le nom de leur
société nouvelle nous est inconnu ; mais elle nous a légué
des registres qui constatent de nombreux et utiles travaux
33
7S0 PHitosopniE
dans les diverses branches des sciences. L'académie del
Gimento lui su(»éda. Elle î\ji<^6ée en i%Sft\ sous le pialro-
Btge da (grince Léopold , qui était h frère da grand duc
Ferdinand II; elle fit dies expériences sur le son,' sur la lu-
mière , sur la coropressibilité deFeaii , sur les projectiles ;
elle étudia les réactifs, la cristallisation des sels dlans Teau,
kl fusion d«s métaux , la vaporisation de différents liqui-
des « la physiologie des mouvements des anhnaux, et beau-
coup d'autres questions très-importantes. Borèlly , Ri^i ,
Marsigii , et quelques autres hommes émînents en firent
partie. Ses travaux ne parurent que dix ans après sa fbtida-
tion. £Ue succomba peu de temps après son institution, son
patron ne lui ayant accordé qu'une protection noniînaile: La
Fi«noe , rAllemagne et rAngleten^ possédaient des réu-
nions scientifiques , ou pour mieux dire des salons scientî-
tiqnies!; mais^rien n'était encore organisé dans ces contrée»,
lorsqu'on 1645, Robert Boile,révêque Wilk'ins et théodore
ttaak , réunirent en Angleterre, sous leur direction , les as-
semblées scientifiques du pays. En' 1659, rancîenne réûnîoa
scientifique d'Oxfort , qui depuis longtemps avait transporté
son siège à Londres^ se frotivaît à pcta près fondue d^ns la
société centrale. En 1662, la réunion scientifique dtï col-
lège Gresham obtint la sBfnctién de Charles II , prit le nom
(te IsooiBtô royale de Londres , et se dîvifea en huit clashs.
Elle commença lapuWi<iation de ses méinoircs en 1665;' îh
CHitpouc titre :' Transactions fhilosffphitfues.
Dès 1655, le père Mérsène irAmissait 3i Pâtfe ^^élqiies-
uns de ses atnis qui ^'occupaient de sciences. Pîus tirtrd ,
ces réirarionseurent lieu chez Monmôrt et Théveribt. Il exis-
tait bien, en 1685, une académie française ihètituée par
RiblMilieta', mais cette acadériife s*bcctrpait ûftî^uèttreiït de
litéérature; enoitfe le parlement refasa*t-lï pehdéflt Ifeux
ans tes lettres patentes de sa créatîoh. L'atadéiriîe 'des
seieneesne fuVfôndée qu'en 1666. Cgibeï-t, 9dft b^dtcfor,
enfwtla direction t ?artunîoniTfi*(i%n6t ;j^ iéntfr'a jJtts^é
tQuA entière; L^Es|pagné .possédait 'i cette; épd<me, d^mls
quHtwtee^am, unel>at5àdétnfîe'dfes' eûriém ufel Ift IhiÉtme ,
mais efiei proctoiisit' péu'el we <îùra ^s.' --•li'Alletfta^ic ne
pouvait négliger' de prendre &à pjnrt'au moyvettreftf-'sèîén-
DU SIBGLB. 751
tifique. En 1651 , le médecin Laurent Bosch proposa la
création d'une académie consacrée à l'étude des sciences
naturelles, connue depuis sous le nom d'académie des
curieux de la nature. L originalité allemande se signala de
deux manières : l"" les divers membres de la société pu-
blièrent à part leurs travaux ; S"" ils se donnèrent des noms
grecs* En 1673, cette institution fut approuyée par l'empe-
reur, sous le Ulre d'académie des Guneux 4e la nature du
saint empire romain. — Qudques sociétés privées, mais- en
très petit nombre , se manifestante côté des sociétés an-
torisées. L'abbé Bourdelot , en 1673, tenait un véritable
salon scientifique que Ton appelait Tacadémie de Mv Bour-
delot. Le jésuite Fran{ois Tenîus de Lanaa était ^ en 1666,
Vimé d'une société savante de Brescia*
 côté de ces instituticms, j^açons de nombreuses puUî**
cations. M. de SalQ commença le presaier Leioutnal des
savants , sous le pseudonyme de sieur D'Hédouville.' B*
1673,^ 1675 et 1674 , M. Denis publiait des mémoires et con*
férences sur les. sciences et les arts. M* de Blegny^-ea'i(V79,r
faisait un journal où il traitait de» découvertes ne la tnéés*^
cine. Le journal de médecine fut commencé en 1664. 'A la
mêm^ époque, Bayle éditait Le$ Nouv^ll^ ^de la RipubliMô
des tHtret, M. Basenage commença en 1686 rhistoioe ded
ouvrages des. savants. En 1668, Rome' eut aussi son; jour^-
nal des sciences , imité de /celui que possédiaiC la France. Les
actes des érudita parurent en 1683, à Leipsidi; ët'puis>: à
côté de cee journaux et de ceux moins imporUnts que nous
avons omisy se placèrent bientôt de nombreuses pittbliGt^
tions, des- compendium de toute nature: les ans ttaitamnt des
sciences mathématiques et astronoiaiqu6S, d'autres de là
physique et de la ehimiei d'autres de la /médecine et desr
sciences physiologiques. Sous rkiAuenee.de cm tvols agents
de nrpauctiont les sociétés , les journaux et les publioaiions
individuelles^,. dont beauctup étaient des icaétésélémenilai^
res lèntièremient ilouveaux pour le fcmds et ))our la formps ,
la sdeif^çe acquit de l'indépeiidaaee^.ôt d'immenses déeou*-
vertes, et se pvo^gea si^goli^em^nt danstMtes les een^
trées européeni^es, en attendant les pul^lieaiîMs ' à bon
marché, les grands journaux et la télégraphie électrique.
752 PHILOSOPHIB
UTTÉBA3;jDBS BT PHILOSOPHTB*
Les tradtietions des ancieiid ont donné A la littérature du
XVI* siècle un ton sérieux. Peu de poètes chantèrent peur
chanter; peu de littérateurs écrifirent pour faire de l'art.
Le monde dV>ocident se trouvait aux prises avee les Giecs
et les Romains par Fimprimerie ; avec un monde nouvedo,
par les pfOfgrès de la navigation ; avec les révoltes de la
raison et de l'individualité humaine, par le protestantisme
qui soulevait en Allemagne toutes les questions ^ sièiDe
celles d'ordre social. Les épopées du Camoëns et du Tasse
contiennent de beaux vers; mais ^qu'il y ^a loin de ces poè*
mes pour l'influence sociale qu'ils pouvaient exei^eer, à b
Ditine Comédie du Dante, au poème des Ascètes, appelé
rimitetion. De tous cMés apparaissent des traductions , des
critiques, des ânnotatiône des anciens t, des vers f;vees e(
latins èp^lés poèmes , des chroniques sous le nom d'his-
toire. Lés Casanova (poète latin) , les Lascaris , la
Guillaume Dudé , les Amyot et le savant Érasiae i voâA les
types de cette époqvre*. €'est à pdne si DttlmUay v Ronsatd ,
Marôt et quël<[aes antres sortent, ptr4eurs polies, de la
voie commune. Lé% femmes eUeB^mèmes subiss^t l'in-
fluence <hi têmpé. A part Marguerite de Valois, qui nous a
laisëé des "f ers et des lettres; Jeanne d-Albret qni faisait
aussi' des poésies, presque toutes celles qui se sont di^m»
gnées dans la littérature ont traité des> sofets «k^x.
Thérèse d'Avita.a étrit dçs œuvres spirituelles et de dévo-
tion ', Renée xle F^^anoe^ duchesse de^Perrare, s'occi^iait du
protestantisme po^r lequel eHe prit parti ; Lonisê Tigée ,
l'auteur du poème de Cinira , ^^aiit une espagnole d'un
grand savoir ; Olympie FuWie Morata écrivait! rdam leslan-
giles'tooiennesi; Ohafrlott<^ Guittard cohtribaait aux progiès
dé lu typographie. Et cependant ,^à cette époque, iTy eat
i»aie e^tceptiôn; Kautevir i^Olheito'i, de Rmeo H JulieUe ,
du Jlfàr^Aond de Vmi$0, de laTmpm, itsCommêre^de
BV 8liM3U, 7âS
Windêor^ Shakespeare , au lieu de lire aux livres des anciens,
étudia la nature, peignit au vrai les grondes qualités et les
vices des hommes , plaçant à côté du sublime l'original et
le ridicule. Il fut poète , plein de passion et d'entraînement :
aussi ses œuvres ont-elles , en leur genre , la valeur des
poèmes d'Homère.
Impeégnée de scokstique et peu savante encore <» la phi-
losophie du XVI* siècle eut de grandes intentions « fit d^
louables eiïorts, montra beaucoup d'originalité et déploya
surtout ibroe ruse, car c'était alors le siècle de Torquemada,
et l'inquisition était en vogue. — Voyez c^t esceUeat
Po]ft(HfA€B, combien n'estr-il pas en peine de nier» commo
catholique, ce qu'il affirme eomme philosophe. Le moyen
de nettroisa oonsdeoce en paix et sa personne à l'abri >
tout en oonaervant la liberté de penser! Ce moyen « le
voici: c'e&it tout simplement de faire/ de la philosophie,
chûse.distiMete^ et de poser cette distinction comme règle
de discussion scolastiqueli! L'église menaçait de^ ses cen^
suies, et .souvent ks censures conduisaient au bûcher. Plu-*
sieurs universités admirent cependant qu'il n'était besoin
de krévélatioa pour prouver l'immoptalUé de l'âme; qwU
quesruniK -mèmei» arrivèrent au panthéisme; elles 'proda^
nèiént une .àme universelle se manifestant individuellement
dans^obaque fhomme. Machiavel vivait eo ce temps ; il écri-*
vit«ommeAt les rois doivent; s'y prendre pour museler. l^s
peuplûs-j^il 46ttr ûomnê le aageconaeil que n'a. pâs< toujours
étéamvifide faire eu un jourev d'un seul ooup les chose»
cnieUes' pour beaucoup*, de verser le bien sans cesse el
goutte à goutte^i Son livre lh$ Pi^fiiM ne 6it pas cosnpris;
Baouateul sentit les détours? que e^l ardent ^nÀvifÂe avait
pris pour dire tonla>aa pensée. -^ Erasme, homme doux i;
ton^apifituel, définissait la philosophie, la reeberche du
Yraiî)0n]wor. L'étude • en était la roule, tff a dans se^
oerits phjsde bienveiUaBM»<que^d'élôvaUon^ — Papaeetse^ nion
eontent de iaire de la chimie et da la médecine ^ > s'ocoupa
auaai derâhénlogie. Cet [«esprit «sitsupéntur.eeA^piv^nait.i
merveille. La. ceiaivttrgenôe delà 6cienc&- et de -cette étude v
Risn^ disait il panmanièae «d'aiâômei aesepeut.produ^e
daas^e-jBûiMfeien d(feo«s\Aes^ lois de. la nature. U admet-
754 PHILOSIMPIUB
tait dans chaqiiei être un corps TÎaible et taii^ible, et un
corps invisible et ioapendérabk^ source des imprassioDS et
répulsions. Cetie doctiîne conduisait à la • polarité nniier-
selle- » ,. • •
Le.seni^pythasûîiGiea Jordaiàus osa s'affranchir, dans les
écoles, du joug d'Âristote. Guillaume Polel ^ouiail faire
concorder toutes les opinions; xnaîs il n'était phiksopbi*
quementasses haut placée pour tiouteret laire compara-
dre leur raison d'être. •
BA€Oif t dkanceliei d'Angleterre, prêcha la Tortu «l^pn-
tiqwi le vice , fut lài grand penseur et an grand caquin,
laut il est vrai que les hommes les plus émanenls ae per-
dent eui-mêmes, en se créant d'inutiles besoios. Il éld^
d -une façon très-cemarquable ce qui l'avait été déjà avant
lui par son homonyme ie moine Aoger Bacons qu il n-j i
de vérités posâcives.qneeelles que sepe^ventéémontreapar
l'observa ion et l'expérience, aidées au besoin des Aorahres
et de la ^métrie. - > .>
RAfiUàis était de prodigieuse mémoire^ de .sav^ liés*
éteodu ; .toutes leSiaeienoes luL étaient^eonnaes ^ ^toutes les
langues lui 'étaient familières; aa parole létait erae ttÀH^
ment moqueuse à Veedrqit des asoenea^dea^sriiMMittliiet
des>moiaes; iLneles aimait gnères et ne pouiait teaairsa
labgue à leur eosasien. Ce ft'àaitt&i: un .peti&>mattre9^Bi bb
petit gailUrd 4doi»« qu'il étudiait >à l'éeole de Mentpeilisr.
Sousila nobe^ nul. ne pariait siiaui. ^el phisf ^docteoieat
d'Hgrppoinkitâ; La. it(ri)e (déposée*^ il^se prenait à iairelaiilef
/oTMa df .«^ffiéi{t>^<Kloimant au besoin U.repréfiêatatioftf si
qQirfiiA.priail, i(# afin*' fui «wil'éfMNiiéi/ai'/bmiiieifliMIe^
Étant à L}rtm>^ iloie put résister 'au>démiai^q«îvtleipadis8aît,
et publia soa<roman:>de ><>airgantua , œuvre au- goût/ du
temps,! faillit/ ^à9^'jghÊM%iiid%\€i^é€umfiilÊ^
qylÛw mYi4gftir(éide BMn ^nrmemfûiu. ûmte^valilutrpoiir-
suivra V mais révêquâJ>ubellaj.a«astilnoeiiéaQeâivfe eemi-
que, et savant* ;lô<roi laittieêmeenfAYilit'fii krretttredéboiH
tonné ; .le.moyc|ik«de condaiiuqer/unihaipne qaii «avait poiir
luiiaonéfféqueietsaxiroi? Plus tards ilipublia^la auile de
soô! Penta^toaL t^ Le DaKule aYaitMécriit ladivine comédie :
ce livre fut /âgé l'humaine comédie; il eut un aneoès fou.
im si^ciB. 755
C'est une philosophie itfàs-^pieurieniie que le pentagrué-
lisnie, fort douleuse'et atoqHeuse, se riant avee délices de
tctti ce qui neya ni au oof[^ , ni à Tesprit, ni au bon sens,
toujours prête à jeter jugeurs et brûleurs, dans les clartés
de l^esprh, dans les fiammes de rinteitigenee, pour lesfé-
concilier avcec les jugés et bràiés.
Blifcelaii nous intéresse fort pour ce H[(fi*ila.élé le préeur-
neat d-one Ivole de bons esprits: Molièfe et Voltaira ont
fait souvent lecture de ses écrits. II avait haine des sots\
dn Vianiteux et de la séquelle des gens ridiedes qu'il â si
bien^ndicolisés. il a été indmlgent p|oar ceux qui aimaient
les douces joarenodiles et h honpi^ , et très-bon ocré à
MeudoDl. Son influ^ioe s'est exercéi»<l«ns sa oure où il fut
vénéré, et sur toute la terre gauloise dont il raviva Tesprit.
Rabelais n'était poibt gemtiilioaiQM ; «'était un vrai gaulois
avi(l& d'apprendre et de ceater ; jaseor , rieur et moqueur
s'Menfiil:^ . .i
Châeeon a fait un livre sur la sagesse ; il était prêtre et
piédioateor, indulgent de sa nature, et reaaplt- dans son
li^re eoafmedans^a- vie , de la philosoi^ie la :pl&s ooiici-
liame. Étail^il arlliodofse?>Je ne sais; mais jamais: l'idée ne
lui'fk^'DMiuS'deibrûlerquelqa'un pour crime d'irréligion» il
devrise longuen^ent, en son ouvrage, .âeifaY^vrmaiiMnda
IMummB'^éetoutei'sm jMiriMt «I de Pëêêieitê â'ieeUesi^ des
biefU'4uMrpr^'slttiiét^ bêauU H aulres , de$ fénetiamt tt
fMBiinW ^VtÊprit Jbmotni. il (^eotrij^ua du reste à eoéar la: tu-
MMOdce V à rendre ses conlemporains sociables; Son tivita ti
vieiHi , mais l'auteur n'a point perdu sou teotps , enoonè
qu^fait'air peu^trepsdépféeié les pa«vre»ietles manants ,
^m^éBmenufmfie dont il n'iavait as^e db Mmef j . = r
Aulouns s'imaginent que MoKTÂiGfiB doiC; être' classé
paiwi 'les grands et Tenocnitiés- pUhisepfaes. >BmHir gro&^
sièffie't liantm9i(iJb,>o'\ékait sontivres fin jvpuret littéra**
tenr^ mail «Kpeuoeuaffé à dire toàle sa pensée; mou de
oaièctèreM'detempéeameQti; sefliant >le doute, non- iCj^
docteur, mois en peiireur qui expose tovjoarsile pouc et
le contue par • éteinte de ^blÂmë , : et ^ prar ne pas se faire
d-ennemis. iNe:«réy<nB cÈipendaM à son4mparbxalité i iè a
toujours'qœlqué'teur d'dàiesse pour^véus wameiier 4 sa
756 PHILOSOPSIB
pensée , et tous porter à la préférer. — Voulez-Tons le con-
naître? demandeE-lur, car son livre c'est Im, s'il est hu-
guenot, catholique ou libre penseur? Je ne sais trop , vous
dirait-il , chaque opinion a ses qualités et méritt^. Puis il
les discute ; sur la route , il trouve une foule de joBfs
anecdotes qu'il raconte avec chafme , et place en leur Heu
véritable comme pierres précieuses sur une bague. En fin
de compte , après vingt histoires que vous prenez pour jeu
dé mémoire et d'esprit , et qui sont l'un et Vautre , il vous
amène à penser que vouloir user librement de sa raisen,
ce n'est en vérité folle, mais peuMtr^ prudence et sagesse...
Etienne de là Béotib avait tout autre caraetère. Avec
son siècle et bien d'autres il se trompa sur l'antiquité* Il prit,
par exemple , pom* un républicain, ce vaniteux Gicéroû qui
ne fM jamais qu'un hâbleur de grande éloquence en ses
discours , et la fine fieur des épicuriens en sa philosophie.
A part cette erreur, La Béolienous va : son cœur est bon, sm
àme est flère-, il arrive droit au fait. Il a moins d'espritque
^n ami Montaigne^, mais phis de vigueur et plus d'enfrain.
Nous devoils quelques hgnes à Aotuffa* Ce sav^ani chi-
miste était \m véritable essénièn , uh saniasis ; fi fut la
gloire de rAltemagne, qui le laissa mourir ^e misère, à
Thospice'de Grenoble.
JflàN-Louis^ Vrrfts , de Valence, était un esprit très-
^eVé, mais qui n^osait; il avait accoutumé de âiYe : U
t&tnp9 mènera , tt t7 ejti proehe , M nos yêU3^ ifauvrirom à U
hmiére; fcrmule'qui serait encore très-»appliqurf)Ie avnoar-
d'bui.
Las CASBrfut te défenseur des indigènes d'Amérique ; il
eut le courage d^ reprocher aux Espagnols d'en avéir fait
périr dôuKé millions . • '
Lbs DiliSTes parurent en Angleterre rets le miKen du
sfèelef", ils^t^jilkient les dognues et n'acceptaient <|ue ce qui
pouvait s^appvrfef sur les seules Imbières- de 1* raison.
AmiRé CAsÂLPtlv tient D'Av^rrhoës et de'^Spinosa doat
il futle prteurseui». <■ •
BEitiNAi(l>3« PAtits^t mérite un^ éle/ge tout spécial. Ar-
tiste , il a laissé dteS' -émaux ^ desî'ftcmrines , des vases, des
fontainesl admirables. GMmîste, il étudia toutes les ques-
TO. 8IÀCU* 757
tion^xiae <iCUnporMit son art. Philosophe , il comprit que la
scîeoee 9eule paut affroochit. ThumaDilé, m la dégageant
de sou.çoaiUot par u»e.pro(luction agricole deipltts en plus
habile. Se& écrite sur Tagriculiure sont eac(Hre remarquables
aujourd'hui,, Qt Ton peut dire qu il avait compris, comme
nous, ia.^olojiie.avec toutes ses conséquences. U ne savait
ai le grec , ni le latin, et brûla ses meubles pour cuire des
vases, dont la,beâuJté assurait, le succès de ses grandes dé-
couvertes.. U eut le génie. des sciences, la foi et la persévé-
rdoce.qv'^ltes inspirent , et cette ardente charité , ce besoin
d'éwanaiper les Ames qu'il devait expier^en un siècle d'in-
tolérance, (par de omeÛes persécutions.
Ag.XVU*' JSiftc^Lf « la littérature se montre plus philo-*
sopbique ençcwe qu'au XV' , la philosophie devient pluâ
scie^fiit^que «.. le^ Mpgues achèvent de s'épurer ; le peuplé
des tx^v^illeun^ sQfumeille tov^oursi mais. les femmes, sur
tjout^u France et à Paris, la ville des libertés intellectuelles,
se wêlent .ajUL n^pu^veo^eat ; elles., écrivent beaucoup de
lettres, qui^ai^ép^iMient dans les provinces et à l'étranger ;
de^-mé^ioir^,. 4^ ^çmans^ de» idillo» et des poésies lé-^
gèr^ qvie Vl^urope-eutière voulait Aire. L'amour, sous toutes
ses formes, s'empare des plus brillants salons et devient
la.4|;r£iud,e(ail^ire:,4e.la sodété parisienne.. Ennemi né de
toute J.jrawie, cet ardent révolutionnaire se montre tou^
î^ifJ^M^i ,^ï^^\gv les rangs et..à secourir les malheuretti.
Ayep lui ^ développa, la poésie;. elle eut 4o^ pour iotef-
prètes, sous ses diverses formes d'odes, de sonnets, d-égkn
gu^...d'éJ6gips,., d^ ^ouveU^s.et de Komaoa, Bejaserade,
versiAcaJeftr. ,dQ i,beaw()¥p. .d'esp^i^ ; Segrais^ auteur de
pastorales, plein de naturel et de goût } medameDeshour
lièrjjWfli.*ii.ia."P^lié^de^ idiUe»., <|eaéglogues et^sa char-
iqa^eipîticp.èr.sfisbrelws:; Ufontaine, l'inimitable centei*r;
BoflfiajA,,,çgjyri^.^tfo^, tr^-inféricaw à,Pe«rault,dont ils'est
i|^i¥ijHjp,#iowét.; çlètw^HWf versiûcateqp très-habile, que
son goût sévère et délicat a fait surnomi^^rie/légi^Uteu^ du
Banw^ji. B/i^pmjai^e, Ae.lto î.noiis avons dfelle
<Jçs .l,pMfes.,pt ^,,^fy^Qi^^ ; ,mâdcmûi5elle..<ie. Scudéri,
l'an^eui: de.,<^y,irf^^t,4^ ÇUli^.; wademaifette de Lafayette,
758 ^ pnitosepsiB
qui lui fat tràs-supériauro dau^ Ztfiide et k Prinîe$$€ ^e
Cléws ; Scanrons l'auteur du Rrnnên Comiqm ; Graiomont,
dont les Mémoires peignent l'époque ; Balzao, oenna par
ses lettres et sas vers; Voitute, son mal; madame <fe
Sévi^f qui aviHt .toujours de Tespril et anm^ait parrfoi^
de hou sens; Màna^e, émdk ; moûsieur et toadatse Âaeicr,
célèhreS' par J|eur Gûiixiai8saace> des« aneiens.
A la . mêmu épeK|ue viraîeBt ea ^ Angleterre < MiitOD ,
Vauteur du fwradiB Pirdu ; Bultler^ r^anemi dw ianatisiDe,
à .qwL BOUS iâeroûs le poème intftulé Budié^fos ; * Pvior,
po^te aatyrique ;vPopev «oiiDu pareoB Enai §uri'0mtém^
sa Sémcte de Ckéveum : sa réputation a quelque tp%n baissé.
Manzino (Alphonse rAfrioain), Péueira de Laeerda /Ma*
carecibasy Maeédo, illustraient alors le PortugaL Lllalie
et l'Espagne étaient pauvres.. Martin Opitz, FlemmiBg,
Logan, Simoa Dach^ se feisaient une céputatioa^ea Alie-
magne; Holberg» en Daneaiarok ^ lUrok Kotirahert) en
HoUandew
Dans une littératuare plus sétfieuse et; «plus ëlevëeV s'fllus-
traient Fontenelle , auteur ûq Dialogwt stur la Phufniité
d$$ MmdtÈ ; Boundaloue , MascarOn , Fléehkr et MassîHoD ,
auieucs . d'ékngefl funèbces et de serinons; Beesuety dont
legrand'Stjrie eacbeseaTent de'grldndce epreurs'Ol'de^pe*
tiAes idées; Fàïolioi) rauteurMdeiT^ém«fiw et d'uoutaité
d'édueatiûB des filles; .MIadret', Triste^ et fiotrou^ éiarivains
dramatiques iouiriiési; Pierre 'CorMiÙe'. aesivagédiee'^^
tent beaucoup à la oritique ;son style a VieiUf ; ihest^ioé-
gal, mais ses portraits sonl>hjéd>ilement tnacéevi^'^^OMMâssait
tooa lasireplis éureœor huffMâai; la passion y la viguetti du
styky .le;,suUâDe mâm^ine lui font point dâkutiûl'cst
resté aotnei iprolQier ^poàtei tragique: 'Racine , = att o^ntraire ,
eet d'una éà^fun^ 4o«éoiirs soutenue'^- d'ofiei^aUHiinUe
corroelâQfn de.style .: il-n jja>pas, dan&tout''9an t^erteite,
tingt vevs reprodnbksv^elMoepeadant-le&bdaifiaie&v'i^
jeunes gBOS^ Btème. de* quel<|yle;)vigueuD*'ûlletteGto^ et
morala4(iija>pei»veBV8iip^tenseè<pià€dSi. Hheoiaé^Cfihttille,
Pierre * GaoïeiUe,: GampetortHi.^^ Mché^f ii»>>Foste, '^ont
brillé <tomi«D ivfigJS8eandaiire/>Moliè#hta»4téh5ain'#^ :
bouffoUieife miifilaisian^tfians M.^tfr féuremUgÊkc^i^ikdi-
»0 61ÈCLB. 7od
cin malgré' lud^ U Malade Imagimawe; spirituel d«ns
VÊtowrài et U Dépit,. Àmournêœ; il 6'est montré groad
peiatre dans /fiitwre^ fa ficuryoïM Çe^Uiiàomme , r École
é^ Mariai PEerie de$ Ftmmeij Uê Femmes Savmilts.
QuaBt au JMiaanlJbro^-^ au Tartufe , ce soot deux eeuvres
sftnspiyales^.L. ftacJaey ftegaand, Baroo, BomrsauU, Haate^
Roche et Campistron ont fait des comédies qui ont eu des
saooèâk Nons jpemndroBS sur Deseartes, qui a éûiit un
traité de l'iidmme et un discours sur la méCkode ;• sur le
géûBlètre PascaU le spirituel auteur des firauiMialê^, à
qojb Isa jéâuitos jse sanraieQt pardonner* iVieunent^mainte-
aasAiLarocherouciittlt, auteur de- matimes; La Umy^re,
q\A lui est supérieur; un hel esprit nommé Sainl-Evreroont ;
Vertot, historien isouveat mal renseigné ; Saint^Réaly «uitre
histaiieD qui a peu mais* bien éerit ; Fleury, à qui nous
dis? nna une vxKhimkieiise histoire ecelésiastiqiie sans critique
et sansgoAl :.beàacoup de questions dépassaieul évidem-
ment Isa portée ; le cardinal de Retz , intrigant trds^sopé*-
rieur ; QstaaA^ wientalisto; P^eauU, philosophe varehiUècte
et natomliste.
>MûttSi trouvensi en Anglotenné, Weller^ Otmay^ Lde^ >nowe,
auiBui» draiia tiques ; Dr]ndeQ, critique hatole.- Gaidéron
éiaôt le Conieitte de l'Espagne. Sigmloiis ^ en Italie , Sarpi ,
riastOBiett/dacdBfitte de^Tcente; Galilée-el'Cadsini»* dont bous
attcoo&àxeparier. — ^ Andiié.6pjpllicuSf en Allemagne) et
L«d>eilt ; Holberg^ poêle comifoe f en Oanemarek ; Hoolf ,
hjâtomn^ en iloUande, et ^aa-^Vondely f)Qète tcaigique,
QDilaôssédeurrdiomià la postérité. -
Aannilesi réunioBs distiDgiiée& de œlte époque ^ nous
devons ' citeff an première Ugney oeUei'quîiSe tenait à
riiltel de BambouftUet : c!étaétiUAeéqolapâ«toaiQieiHie; Le
jdibD:dei]Baraftb6foucaidt,.MesdaaB)f6 de Laaajeiitev'de Gour^
yitta.r dda YvelDlB, len faisnient .partie ; '<)Ues passèrent
^suifla<À.il'*ébolei dfépifliB4ÎBme«do la.ff^le des: Townielles.
CettÎM» attaitteaipoananali^e.ile oéièbsoi Gasseodi. tfade*
mbia»UfiiNiooo«dË l^Knolps^ mâéwpoei^Soasraa idepui^ mn^
d«an0 da>MaJiàlenont4 \m comttsaqa de'la.SuBetetd'Okmne,
la ièmdiesserdeiBQHuUenv «MaBsiiiiv ^œt-dJWveiwnti^ fiemier^
.Otié{)eUe, diçlièirv C^a^i^ii^ «pmkpw&iautiMs femmes du
760 paiLoa>P0fE
monde élégant et d^autres beain esprits la fréqueDtaiemt.
On y causait art, littérature, poésie, philosophie mèifie.
Cette éoote vers&it surPairiSi et de Paris sur la Franee? et sur
l'Europe entière; ses leçons de toléramce religieuse i, d'in-
dulgence pratique et de savoir vivre. On y estimait , et
c'était admirable pour {'époque , qu'il était trè»*ho4iora[Me
pour de grands seigneurs et de grandes dames <de faire
société avec les boisunes les p\uB émittetits de 1» btlé-
rature.
Ett deuil i})otfir, cette néunion donnait te tion à Pms.
Pour tout ce qui touchait à la l^lérature et aox beaiixrflm
son 'opinion faisait loi. Cette écoto pbiloscmhii^e se* trans-
porta plus tai^ h Auteuil. Rachaumont et le barpn de Uot
contribuèrent à eti faire le charme. Celle de Neuilly lui
soécéda, pour se fondre dans les réunions^ d*Anet et éo
Tenyple. Depuis celte époque; les -satans de Paris émï
devetnus tme puissance européenne arec laqaeHe iMaul
cMipter ',alsnefont p«$ la civilisation, maïs ils lui doDiient
ses habitudes et ses modes, jugeant en dernier ressort hi
grande artistes français et étrangers^
La création du Mercure par Donneaaide Vidé, ea 1G97,
ne fntpëis sansi* influence sur les moeurs. Cet éiéflaeni si
nouwfeau devait 'biettt*t grandir et se transfovmev. ■
A c/^tédes'b^le9oeuvrea littéraires, se dévetof^pfût tme
IHtératurephilosophiquei Voiei d'abord Tbonas Monis qui,
dans'soti T<mm 4Wtûpie^ dimv une société «omsumisie,
dans laq«(eMeil'«uppria>e la profnîété itidivîdaelle« il fèaee
ses villes à hmt lieues tes unes des autres. Ses habîtatimis
rurales renfermât , en ' - m&y%nù^ , > 'quarante' luxants;
mafe an temps destravaM: tout ')e»> roende quitte ki* ville
p(Mir se piMief dfemfr^les champs. Les ^etis vaUdes^ doivent
à la société six heures par jour de travail r 'e^e^l sikffiBaot,
dit^il; poiir produira te luxe du cemfectdMe. -^ U ve^t,
pour lés enfètits missiint^, «tuf boa air, de^la prtq[>iH^v 'de
Teau chaude à pi^usio^ r poiM^tdu&lefttadamsv^iA- «né-
lange Mer* côMritié'de'trataM iatelleoitteleet nmueb.
Ires'mofiinpistes sont J^èlMne^pèr iettr» queieUe» «eli^
gieusë^vite profei^î^dt que Dieutie^prMMiii^ k» faenoies
qu'i^ rafeon^ê leur^mérites^t' ceqii^' l^mipMt ^alfasitra^
M siscui. 761
daîre : « Les destinées seoi pn^Knrtkmaelles mx attrac-
tions. »
Hobbes est l-auleur d*«n livre intitulé jLe Létmihan. Il
cioit au hasard et à la foroe , nollement aux tendances
innées de justice et de sociabilité. Les sens* sont, pour lui,
roôgÎQe des idées, et la r^igion doit élre subomuinée à
la législatien^
fin i6i&i Grotiuspublia son traité 4» la gMerre et de la
paix. Ce philosophe , sur plusieurs points et spécialement
en «e qui conoerae la filiation des croyanoefr par rapport
aiuLdoelriaesindoues^ a ainfalièrement dîevancé seo époque.
Voiei Yeoi^ CampaneUa : ce moine Toulut réroimer la
philosophie ; U enrisageaii à toit les sens comme la soufce
de tootesi les connaissances humaines L'homne était , à
ses ymix y uni compoeé de corps, d'ei^prit et d'ime ; eepen-
daihl il jéuiit panthéiale el considérait tous les êtres de la
naflureiceoiœedou^ d'usé vie plus ou moins développée.
Il.eel.i'jauteur d'un roman communiste intitulé Xia CUt du
En 1650, Pierre Gassendi restaura la dootvine d'Epi-
curev* Doué d'un iaotunense savoir, il était au courant de
tous ries travaux ^ientiiiques de son époque. Sa vie se^
passa en discussions : il eut aur ses adversaires le mérite
de^la politesse. U différa toistefoi» d'Epieureet de Lucrèce,
en. ce qu'il admettait très-nettement ce dont ils paraissent
dottteffi.àsavoir : une providence, une loi uatufidlequim est
IaailB6équenoe4 et un avenv de mieux, eu mieux ofdonoé.
Il,ne!etBO>;ait pas à l'éternité de la aaatièpe-, et considérait
l'àorn jQCHUoe;ii«e: flamme tièfr^subtUe qui donne la^ vie i
l'homme ett^aux animaux. U*eu.i de trèsKémÛMUts disci-
lde»yiet pttiouixâl a exercé la plus grande iAfluence sur
noif eoaiéité» modemes; > ^
Ifeus it)avleron& eniufib autr« ehapitre>de$*féUides^^ienti«-
Ti^es ide: jOeacartes ; (nous ra^H^eUeroMaeukmênt que ses
ilMNtoiri^ti^ppfirimatf eB.i*4l4.T- Il voidaât <^ Fon étu-
diât i*hommeî|>ht)raii^ogiq{}0mMt^ «jet} s'ooiwa beaucoup
d'^mtottiOiv Ge gmeld' %l^mMi< ifût obUgéide >quitter la
Ffaiic6^.c4 d« cbeidBWiilwa«im4Hitr»ip*tfie,.ia ^aix et la
libeftévrlLsai^trpiql^tittne ei^cj^opédie» une grande éiude
76S PJUILOSOPHIB
sur .la moude et l'buBaoîlé ; mais les persëcutioBS subies
par Galilée rempèchèrent de la publier.
tes quakers. ou treœbleucs dMeot de 1649. il» araient
pour doqtrine de plaoer le bonheur d«M la vécilaUe con-
uaisswce de Dieu et de Jésuâ-Ghost. Us n'adoMttaieat
au'^n. baptôitte et oonsidéraieat cosiaie tel L'aUertalion
d'une vie religieuse donnée à rhomme par b» conscieDoe :
c'était là, popr eux le baptême d'esprit lel de vérité^ Fautre
njétant que pur Sqymbole. Leur interprétatioa do la cm-
mu^ion.uiér^te d'êtn^ signalée : ils la couBideraieitt eonme
uu fait i^térieui! ^ purement spôùtual , ne Yojraot par ente
daps, la Cène Y telle qu'cUe est rapportée aux iEyangifes,
i^^,\m fait symbolique, A Dieu seul , disaiaotHÎls v > «W^-
tient la .4i2:ectiQii des oonsoieiioes. Aussi eondavuiaimtrils
toutes^ les peinefcque; les hommes ^'infligent les ans aux
autr.es, sans respect pour leur croyance ràeipraque. A. Dieu
SQuI. aussi la gloÂre et rboniiBage ;. c'est donc > seolnaait
pour Qieu iqu'U obvient de se déeowrrir, de courber. ia4éte
et de fléchir les geuouxw
,(,I«'amériioai9 R^ger.WdUaiu les.dépaasa^ nous eaceparle-
TOUS, I
P»$c|d., Ar»4uldf !NicoUe*dt'd'autres<m»JS.ra|ipeiL6ntk5
SioUtaires de.l^ort*r&oyaU Quelques-^uoB.dleflBtiv eux wokh
rent concilier laioétj^deisdleatiâque eila cro^^aûOQabaoliie
à<)44reditio&. ■
Spioosa létait .fils d'oa juif pectugtts; il -a pnoCBsié k
paj^tbéisme.'^ûn.syatêitteiiiqua l'on d^à terftiem^ruQlé à
U.cubale des jiuifs^,.a'est autod diose qu'tm^ ItesfauiratieD
iUiOQiuiJète de^ ^triaes du pas&i sur ia m^minarsefie. •
Qn pâ|)t 4kt «de hii ^u'il .a écrit ^k préiaoe dp paaIbfiaDd
du XIX' siècle. Sa doctrhie paoli.ètietnésuméis- dansjies
propositions- SQiv4nties r.Le. néaut se. ptodoit naDi;ttDut
c^.q^i.ie«i9te^sVâteolQt;>ûl^n'y :a <|U'!imfi aeuie substaace
qui soit par .eUeT«Mlme etttéaesaaireoientvtttte'jaidisUaK
c'est.Dyjeui q«i;aei<inodifieian olilkinia^èfi^idtiM fau^dîrar*
site desfètpe^; faes cQ^is et. ioi^iaar<fai eonoame Ue^pai»,
lespea/^Sfiès.âaMa ati taaticftf«ttiyii^dtt féniwine ide
l'iuteUigWce^.y^âlà «utaot de «ifitfipatotiDné><fedâ«dkiÉuté.
Lie .restai <le M dMtoiae.jôtatt.aa hawBaBifligf eeufe iribs
DV SIBÊL'E. 765
prémiees. Spinosa, conime les Indiens, s'arrêta à la con-
templation; il ne compnt pas asser, à notre sens,' ces
trois iBod<^s de Dieo : la piti9sanf3e^ Tattion , Tamour, que
les chrétiens appellent le père , le fils et le saînt^sprif.
Que Die«r soit le m(Mide animé d'nne Ame unîrerseHé, ou
qa'il soil un pur esprit, si oe qui est, est bon, il' a dû le
vooloir de toute éternité : donc il a touIu de tonte éternisé
les rapports des efaoses, donc c'est une faute grave que
c^le commise par Spinosa , surtout après les grands tra*^
vaus de ïécde chrétienne , de très*4ien comprendre Vim.
eonHDe puifisanee , et de ne le pas comprendre aussi bien
comme manifestation nécessaire , c'est-à-dire comme vettre
et oofBme amoer. U y a donc lieu de critiquer le liVre que
Spinosa a publié sous le titre A'Bikiqu$. Cet ouvrage n'est
point, c(»amtt on l'a prétendu ridiculement, Tcetivre d\m
matérialiste, d'wi athée, d'un homme abominable; mais
iloondoit à la négation ou tout au moins k raiîaibitssem'ent
du sentiment et de l'idéal. 11 glace IMitfaginaiiôhi ; il éteint
la vie. Combien du reste qui l'ont jugé sans^ le comprei^re
et qui nesavaient rien , ou feigmient de ne vien' savoir^ do
la vie si pure , si pauvre , si laborieuse et si désintéru ^e
de Smnosa. Le livre de l'CfA^Tiiese divise en cinq parties,
souples titres suivants : de Dieu, de Fesprit, 4es affections,
de la senritnde humaine et de' la liberté humaine.
L'ouvrage de théologie politique de Spinosa n'ei^t point
sopérieur à'son iîvTe>>de pb^oj^ïe spéculative; mais il
traite de questions plus usoeltes' et renferme très^peu
d'erreurs* il parut en 1676 du vivant de l'aoteur ; landb
que ses autres éorits n'ont été publiés qu^'apvès ' sa mort.
Lttfhienee qu'il a exercée dcqs ittFpwe roMigation de le
résuioer en quelques -lignes: • < :^' - /
Bieu intervient sans cesse dansila vie ^ lliuniattité; iron
pas(. qu'il ait vecours k «des abtes; à des^^mtttoilëstatîons
passafjèses « i nai$ par une- aelidn «ontiRiiëlle v ' 'pôr ^^^
preeiBioB; téfitablQ' qui esO'de tiMis les jotirs ef de tous les
instMfts.; Ilsu8><avottsi»traii9fot'nlé tplte -^ex^redslon de la
pensée* de «Spiabtat en idîsaiit )?« r La pwr Mëiice { c*eët Fen-
semble'tdes'loisde'la'itateffB.H* Spiuofta^ ^pense , avec sblnt
Jeans «^ Diea<iiaQs a donné de isott espvit ; qn^ii est en
764 PHitûS9P0jUB
BOUS et Que mous sonj^mç^.^ lui/, de là le patUtaéisaie dont
il s*est. fait rexpQsiteur;,db là ^u$si ses croyances wr U
constante a^ction de la pavideoce , mwifestée d^iui^ sbo^
nièrç ^nsible^par le$ lois.de la vie.
Les religion^, p^us dit Spiops4 « W ^ont pa^.ua <kA direct
de, Id divinité,, mm 1^ conséquence néce^ire da la facolté
3u elle a mjse en nous. L'esprit humain a donc dH les {iro-
uirenatjureUemeutf comme il a produit $90 langage, selon les
conditions diverses d'eusteiice des peuples ; d'pà il r^alte
que. toutes ^ont bonnes sans l'être dune manière absolue,
pourvu toutefois qu'elles conduisent les hommes à la Yeriu.
. Le. XVIII'' siècle n'ei^t, en littérature et. en philosophie,
que le développement du XVII'. Les. salons oonUauent
leur action éinâncipatxice, ; c'est tomoi^rs l'épicuréisa]^ qui
dopne le ton à la haute société. .Ghauiieu, le.priaur de
Yeodôflîe, madame de Bouillon, le marquis de la Fare,
J.-B. liousseavi, Canuû&tron, La Fos^, Pakpiia, leJbAroD
de BreteuijI, \^ pfésioents de Mijmes et Ferrwit ». le loai^
quis dq.£i^nge^^y,,Ie$ dtfcs de Nevi^^ ,et de Lai^uiUade,
Régnier .ç^t .hç^çoup d'autres esprits d'élite » ren^plaoàreBt
le^^calébntj^s. gpe la ,][pprt ay^it nxoissonn^s,,, ai co^Unuè*
]eent la tradition épiquripnn^. On faisait, daos.cetl^^aiïde
éqole^.ûn^ éqprine' coftsoa^n^atiwi d'esprit ; op jj causait
€l.élipippséiqQPt dé.toute3chQses^ et l'on n'y. professait d*aver-
sioiji. nuQ ^fppi^r.le^ ,àt?SQlutisQ(\es politique et. ; celigi^au.
tmlgléranoe y était ^considérée cqmmie un vice, . . , . .vj,
^ . Deux autres éfiqles s'élevèrent à oôté da^peUe7ci;,:Vun€!
(^i[e de Sceaux ,.hf.^Qçonde du Gayeini.; La pi^eipîère^ |4uô
arjs^oçratiqviÇj pncore que pelje du Temple, ^ ehajcgoa de
l'éducation. (le \à haute société. Le çaroinal de Pi^ignac^
M, de SaintrAuUirei ralj^ Genêt, Yo)iaire, Foat^eUe,
La i&Ipttq.^ pli^ipurs. académiciens 4; et Ie3.fjpmmesi^plu3
^' la moue^t M, iré^mentèrent. par goAJ oji a^r *tû«^. --t: La
^ciété, dui ,Cavpa^,réqni^it l^»dém9!çratieIitt^4|îrQ: on j
trouvait les Grébillon, Gresset, Pirofii» 6i?pM'9(?noaid»f>
f.omi6çlien ^a^MOUôj,^jchanson#i«E,Ça}^ ^,U^1s^i^4^u-
^tres, Celle-jçi ne,4uMfq^'we 44X^i|i(a,,4;fwé6^,.inf|i«,^
ne djsj^a^t q^e..p<W*;.sedivi^r; m ^^griftiid i^oia^ d<î
1^0 BïkctB. 765
sociétés secondaires, qui portèrent la vie intellectuelle et
Tesprit d^indépendance dans des cooches parisiennes plus
rapprochées des travailleurs. Ceux-ci étaient encore aans
les limbes ; ils ne se doutaient même pas que les révolu-
tions de 1783 et de 1789 seraient leurs messies.
Le siècle précédent avait eu quelques femmes éminentes,
mais celles du XVIII" éclipsèrent leurs aînées. Dans la poli
tique , brillèrent la princesse dés Ursins , Catherine de
Russie et Marie-Thérèse de Hongrie. Dans la littérature,
EBsabéth Siftger, poète, épouse de Roire; Henriette • de
Castélnan, auteur de romans; madame Guyon; Marie Sy^
bille ; Merian de Francfort , naturaliste et peintre d'histoire
naturelle; madame Gallet, auteur de comédies ; Anne de
Wirtchelsea, poète; Elisabeth-Claude Jacquet, musicienne
et compositeoT ; Adrienne Lecouvreur, comédienne; Elisa-
beth Dreuillet, poète; Anne-Thérèse marquise de Lembert,
qui s'occupa d'éducation théorique et nratique; Marie- Anne
Bartner, auteur d'opéras et de tragéaies ; la marouise du
CWtelel, aiAie de Voltaire, penseur sérient ; toadame de
Staaï, née* de Launay, auteur de mémoires et de pSèces
de tfaéAtre ; Marguerite de Lussan , à qui nous devons des
romans ; Françoise de Grafigiiy, qui nous a laissé les Lettres
ftUMPéruviefine; Marie Worlley Montagne, penseur, écrivain
et phîlantPone, à qui TAngleteite et la France durent Tîno-
culation de la petite vérole; la danseuse Violelti; la prin-
eesse:de Beaumont, auteur du Uégasin dé$ EnfafUs et des
Adolescents ; madame de Mefezières-Rîccoboni ; actrice et
auteur de romatts; Antoe ftadcltffe : voilà les femmes les
plus célèbres de 1700 à 178».— Leur iiifluetoce ftrt grande ;
elles -contribuèrent staculièrement à- répandre les idées
de teléf ancfe et de sociabilité. Nous ne saurions oublier je
rôle des Araéticaines : ici, ce ne sont pas quelques-tines,
«'esrrensemble qti'il faut citer. Toutes surent lutter pour
la liberté; touîtes, ati foyer domestîqiie ,' se crurent appe-
lées» à fah*e^ l'édnèatioii d'hommes libres, les membres
faiurs d'utt "grand peuple. '
NouB'^setoAs soùsSlence les œimes de Tc*taire,Mes
(iottiédies' si' spititUeSésdè, Beauinarchais ; etc., etc. ; il
ïH)ttslafird^ tf'afriyer à une littérature iptes philosophique
700 rauLOsoBniB
encore, k ces (grands livres- qui ont engendré les progrès de
1783 en Amérique , de 1789 en Europe,
..Vorally.se présente d'abord ; il est dans une voie isolée,
c'est un communiste, mais beaucoup plus habile que
l'auteur d*Vtofi$. U Aéorit Xm Na^firag» dtê HÊ^FlaUamUt,
li^re trèsrmédiocre dans lequel ça et là se reoccKitient
quelques, bonnes pensées ; on peut le résumer ainsi •: k
monde est la patrie de l'humanité ; les biens de la nature
d^raieat être cammunâ à tous les hommes réonifi, pour en
tire£ tout le par^i possible, eu groistpes de £tmiàes asso-
ciées. — ; Son second écrit, le Code ie la JValuFe , longtemps
attribué à Diderot , est bieti supérieur ; il s'appuie sur ce
priaeipe Yi^ai que le problème socbal, e*est de Ironver une
pQ$iUon sociale dans laqueUe il sekipreaqu'impossiblfi qut^
l'homme devienne méchant ou dépitavé. Il a pour seoond
principe que l'homme n'a ni idées innées^ ce qui est vrai,
ni. penchants innés, ce qui est faiix; pouc ^roisièaaoo,
que. nos besoins sont^^la source des attractions meirales
et dm dévelQiQienaeQt de la raison « ce qui esl vrai; sïTod
tient compte , ce qu'il oublie ^i des tendances innées dors i
des, transmissions. héréditaires. . - .
iia SfiiciafaiUté , ditr-il ensuite, réclame la sutetîivIiMr.de
la propriété sociale à la propriété individuelle. Cette a^sar-
tio^ (ait beaucoup trop bon marohérde IHndiridii^té
bumaine» Horelly ne savait paS: commetiil eoau^iHerle eom-
iuunisi»e^0 l'individuiihsÎBe. Ilvetit.: des'pooduitsvidépas-
sant les besoins, l'égalité de drcritâ et de condîtîtos, ie
trayail.cpmmvm, la variété daos les oceupatiofiii îteùles
cho^^s qui sont bonnes et juates , maî&qui «édaiiiient^ perar
êt^ e^^écutéds , w grand perfectionkiement des; peuplas. Il
vw^aussiides foiQOtioE^. selon l'âge, la force, le talent et
1|éI& avantages' de ïa mutualité...,; t ; -M
, ,Aprè&betauQ9upf de.propositions^Caijisaès ou hasardées^ il
arrive à eette grande pensée :* m ' t
il.reeeainait'Ie&Ueiifs et les aaalogiesided eodres fliTsiqiie
et; moral I et proclame la gravitatioB^ la Un umverseUe'de
cequie^.t .,-..,' .'»- • . •■' -*< .. '*■■ • •'
DU SIÈtLlS. 767
li ne connaît pas la loi des traiisformations , mais il en
a le pressentiment. '
Aj^s aroir étndié te mal moral , il arrive à cette remar-
quable conclusion :
Im êuptême- mgnswe perfêHitmne ûu €mééntiL
Vient ensuite rexposé d'un système communautaire où
se trouvent d'excellentes idées, mais il sacrifie à chaque
instant la spontanéité humaine.
Noos laisserons de c6té iMaMy, qui ne fut qu'un dêcla-
Histeur honnête et ardent , et nous reprenoos cette série
de philosophes qui a marché au progrès par ta grande
route.
Non» trouvons d'abord les libres penseurs d'Angleterre ;
vient ensuite Thomas Bumet , qui fonda une cosmogonie ,
sur oette sopposîftion que l'axe de la terre aurait varié. '
Voici Leibnitz , le grand apdtre scientifique de l'Allema^
gne; il est te premier qui ait dit et compris que Dieu avait
dû faire avec la plus grande économie ce qu'il y a ' de
meilleur' et de pras parfait. Il avair aussi con(tf lé projet
d'unel langue philosophitiue universelle .
Le docteur Boerhave professait à la mékne époqup les doc-
trines'^nisoM le fondement de cette philosophie du XiX*
En vain Stahl voulut établir l'autbcratie de Tâme sur le
corps ; en vain voulntMl établir que ies lois dé la ndtUre
physique ne sont pas celles de la nature vivante et^nimgè:
son éeolé eut peu d'adeptes.
Kni787, Fnéret, homme tr&s-savattt, était pèrsuadéj
avec Irénée, que Jésus avait phis de cinquiAnte ans quand il
est mort sur la croix. Il enseignait ,conformémeni: au tar-
guttvdes juifs^ que lésus était né dti temp« dti roî 'Janhëe.
fils d*Hircan; il prétendait aussi que les Evfrtigîffes n'ont ét\é
écrits que phis de quarante ans après là' Wïortde Jésus-
Christ. Il se rendait compte de ta- pluralité des Bvdngiles de
cette manière : tous , disait-il » ont été faits dans des lan-
gues étrangèVes éf dans des villes très-éloignées de Jérusa-
lem', tcfDesijfueeorintiié'; Ephèse, Alexandrie , TfteésâSo-
nlquë.-Dans fces' tfllee, !9ë'troôvatent=dës éssêniétis ,' Vies
disciples de Jean , des juifs de diverses sectes et dé^ nèiza-
768 PB|j[K>%[)jpmp
rôens« Chaque scMîiété v^ukvt avoir.le . sim. Il ^ûontait que
les qiiatre Evangiles canoniques ont dû être ôerUsloa der-
niers 9 les prea^iers pères de TégUsa ae \e^ «y«iU'pBS cilés.
Il affirmait que Josdn est le premier qui oiie expraostoeot
nos Evangiles^ cenl ans après Tèr^ ^idgaiie.' Â^pràft «voir
cpmbattu ipequ il appelle les {rajides pieuses du;pfipi^(i^se,
il concluait à Tadoration d'un seul Dieu , à rindulgeood el
à la tolérance* Passant en revue t9u$ ti^s «viB^es- commis au
nom. du christianisme, les aiitssacre& juridiques d^ l'ÂiMpii-
sition , les schismes et les guerres de pape conUre pape «
(j'évèque contre évéque, les empoisonnements « lesjwassi*
uata , les rapines des Jean XI , Jean XII, lean XVIU, Bo-
nilace VIII, Alexandre VI » et toutes çe& persécutions qui
oat duré 1,400 ans, il soutenait que tout eeU n!eat m^-od
lieu , si réellement Dieu fait homme était mart eo Piuestkie
pow: bannir le péché de U terre.* . • -.; j • .. .
En 1743, l'abbé de Saiot-Piecre publ^ son.pn^etde
paix universelle. . . • i • . . .i .r
yauvçnargues .( le marquis de^ . a .(pujUÂé /^ers. U même
époque^ sous le titre i'fnlroè^ction 4 U Gfifinaiêtmn àê
VP^rii. Humain^ up livr^ très-bcoi pour &oa teippsu .
Veir^ %im, de là Métrie >»de Saint-MaU», éi^e^dQ i&»-
erhave , fit Tbistoire naturelle de VAxa» « ea oKi&traatiaes
rapports intimes avec le corps.. Il a pvJMiâ depuis ipuèl*-
au€is livres où l'on trouve beaucoup d'^prii .^ dse pata-
aUXeS. V :« ■ lii
Il faut reporter à 1759 la publioatiofi: dal'Kncor^lQpédie.
C^t, ouvrage «. M nouveau pwir son époque i : MoUîbwi; . ,$io-
gulièyr^ate^itaux^fro^ès de toute wtvireu La.préfMi* qb^IuI
ecirite avec* une baute. pbilosopbie.par d'ÀJIfeiibert,, rcel il-
lustre matbémalicîea (pu fut le pève ,i£rt^eo4ufA jet<iL':tim
d'un autre, savant bqUi moins émineAtr^ous tous, if» w^
ports;, le m^irquÂs de Condorcet. . Mi .^
Que dirons-nous de Diderot? C€iiabien,»'^Hrtt:pasiené;
mais que,, de bonnes, que d'eiLeoUentea^icbG^vuaJls Mus
ses écrits I Ses lettres «ur les avenues, eli lmsQiindb|«t fimsts
sont ef^e^vem^lrafna^iiiAbhessi elLvieâ9eAdM|t^ii^ea.lui
coûtèrent la liber<|é. Nous ne pass^Kio^t piti >w» jreyiMs«& di<
vers ouvrages ; il nous suffit de (Ure.qu'AVdo dm iOCBon
i>ir «tÈètia. 769
pores , 11 est allé âassi loin que fbùrHsr dans sa nianfère de
comprendre la liberté des amotirs. ' '
Nous laisserons de cftté bon nombre d'ouvrages secondai-
res ; mais nous rappellerons que de 1760 à 1780, pararent
en France d'importants écrits économiques : Quesha'i ,
Goumai , Targot , Raynal , se distinguèrent dans cette
direction»
Nous ne citerons que pour mémoire le marquis d'Ar-
gent 0t d'Holbadi ; quand è Hehétius , il reconnut dès cette
époque que l'homme est guidé parses attractions, en d'hu-
tre8 termes qu'il obéit à ses intérêts, et il arriva sur la
voie de cette grande vérité , que la physiologie sociale doit
avoir pour but de combiner l'intérêt général avec les inté-
rêts particuliers. Sans doute îl n*a pas compris cette ques-
tion comme nous la comprenons actuellement, parce que
la science n'était pas encore ass^z avancée; mais n'était-ce
pas beaucoup que de faire sentir ce que c'est que l*é-
goïsroe bien entendu ? *
0ufroti,'si èdittkable en 9on style, mais plus philosophe
el Iftlérsteurque savant; Gondillac, le frère de MaMy, dont
■la doctrine a depuis été corrigée par la phrtnologie ; La-
Tâler ^ le physionomiste ;• Frawklin ; l'un des grands phylo-
Mpb^ pcÀf tiques q«i aient vécu; Kattt, métaphysicien pro-
fond, qui a souvent entraîné T Allemagne en dehors de ia
yoie$c&âtifique, de l'etpérieneè et de l'observation; Adam
Smith , le créateur de l'économie politique ; Dupont de We^
meurs, économiste habile en son temps et philosophe bien-
vétBant^-W. Itoberston , l'auteur de VHistmre lie Ckarks--
Quint et de quelques autres-ouvrages écrits avec conscSettce
etsarvoir; Cabanis, l'un des créateurs de la philosophie
physiotogique: voilà encovedë grandes ii^]^^.Ut]^ esquisse
le$gig»alei une histoire aifalyseraitleurs oeuvres.
Trois hommes méritent ici quelques lignée^ spéciales' : t^
sont llontësquifetf,'Vo1t<iircf et Rousseau. '
tes'£tirri»^it'»<ttMâ^'preDQier'Sontfhies€t spirituelles;
ellesifrrfppaïiwi-«'iriiaipp€lfttene(«^ très^j^^ '
l^li^tfiè'd»^hnée ne mi^ ëatisféil pés; tes-alies ^é
râigifr m sont pohiC Mi&^fiimïSi^ t^llfes ^ papffiôn , potir
votSger ^ fleur'eûîfléur. ^
770 PHILOSOPHIS
La, ^M4l«iire/.Ja DicadtncêdeB ^main^ brille par k
virilité du style et le bon sens exquis des jogements ; mais
la première partie, la grandeur, est très^upérienre à la se-
conde. Ici, 1 auteur n- a pas toujours vu juste : nous avons
essayé de corriger ses erreurs. Dès 183S « noils avons éwis
sur ce si^et, en un cours public, des opinions que les
élèves de Guizot ont cru devoir reproduire et développer
saips nous citer « après les avoir taxées de paradoxales.
. Ii'£fpr«l d$s tewest aujourd'hui en face de faits Dooveaux
et pçHUK, prévus; mais c'est un livre àeonsulter pour la com-
position d'une histoire universelle. Montesquieu comprenait
mieux que personne en son siècle la filiation des faits.
Voltaire avait vieilli : ses détracteurs le font revivre et le
rajeunissent. — 11 est un des premiers qui aient compris
l'histoire: poète, il eut un gra^nd talept; 4)hilosophe, il a
montré du génie , le génie de l'esprit gaulois, la verve , la
clarté , la saillie.
Rousseau a écrit un roman intitulé La Nomelle Bélétm.
OUt litb^aiucQiip la première partie de eef ouvrage. Pm
d'bQinmea , peu de feimnes surtout connaissent la seconde.
La beiauté du- style et les sentiments élevés semés à chaque
pagQêf surtout dans la seconde partie, donnèrent le chaofçe
ai^ XVIU'' sièele; U ne s'aper^^t pas que Rousseau avait
manqué son oeuvra
. IifjEmi/fi est ausd wm ceuvro manqoée. La vigueur de
cei^aine^ parties enflamma les esprits,- et les erreurs furent
mis^s M Oiobli. >
..LesiCon^Raaiîpfiasi délicieiises à lire, car Rou^sieaa fut le
plus J^nmà écrivain de son siède, Délaissent pas que d'être
unt,Qu.tr4g^tifirt pe« mpral en soi. '
i Lé. Cim(ra^ SotM dévelopne «ne séfie de sopM^mes^ Il a
étéla BomfcQ'dea plas. gradues fautes dès-Français eii'89.
iRousaeau invoque lafaiptiie comme base et û;)Odète ^des
sociétés primitivesi) c'iestbien i maris 41 4i?an^' p|^' étudié
cette grande^ question.. Jl pose convenafbli^neilt'fe^ blit ia
C<oMi^>$M'a4vifi*opi9iâ»de ^uito un Mt im«ienée, te nom-
bre ai iiipniidérabk^idHps toutes ^los sociétés ,d€s mtnears
intdkdtuds qu*iUappeIle à exero^ le diroit de "âoèvêrai-
MJ 8ISCIB. 771
neté. — Avant le 8ui&age universel, il faut : 1^ rédueati^n
universelle; 2"* le savoir umveiwl****^ La votonté générale,
dit-il ensuite V ne saurait errer lit
Cette proposition est une grave erreur démentie à ehâ-
cune de ses pages par l'histoire.
En somme, Rousseau ne comprenait pas que les lo^
doivent être physiologiques pour être justes , et qu'une loi
^tée à runanimité par un peuple ignorant , peut être in-*
juste et absurde. Dans ses autres osavresv Housseaa so
montre dialectitien très-habile, grand artiste et grand
poète.
mOUVBBïENt SCIBNÏIFl'OtJB.
W culture du café i Tintrodaction des âmes A fBu ,> d^
magnifiques travaux hydrauUcpits en Italie , In fonéâtkAi'
d'universités nombreuses et leur af grandistemeitt , PecDfHèi
de verres concaves et convexes., les dédouTertev de Chris^
tophe Coloml? et de Vasoo <le Gavia, la« chambre obscure
de l^orta , les grandes études du peintre Léonard de Viticî ;
et jpar dessus tout rimprimefie i Toili le - peint de déport
de notre civilisation môdenie. Nous venons detiire^om^
ment elle a parlé littérature et f^iiosophie d0iis> lêft t(ols
premiers siècles t v/oyoas quds <»t été lespregrts-dcf^aôn
savoir, jusqu'à cette* grande époque de IffSd è 180^< ^iv
tout s'est renouvelé dans le monde pour s^app^y^f ibisHu^
coup pUl$ encore que par le passé sur la soiemè; o61e dief
de t^ France, où Napolém est allé 's'a68doir*iur teS'btfîic^
de Ilnstitut : fait immense au point de vue philosophique \^
puisqu'il i^e créait delà soKe mie papauté smentiAqoe^ dMt
luina^Lèm^ n'a:pafi SH tire? t^ut 1^ parti possible; * ' • ■
£a l£43i, Coperoici après avoir étudié< les «nèiens^ tè^
vint au ^stei^e de» rindeel de Pyritagait vtnifais fl«eM^M<l
les persécutions r^ieuses*, ^et "ne^'^pfbpoM c^ktegtaâdei
restauration que, comme ime simple hypothèse.* ^^^Ithfeti-
772 PHILOSOPHIE
eus , son coHuborateur et son élève fat plus hardi. —
Ticho-Brahé vint ensuite et mourut en 1601 , laissant à
Kœpler ses immenses observations et ses perfectionnements
astronomiques.
Ce grand génie appartient à la fin du XVI" et au com-
mencement du XVU" siècle. Il fut, nous dit La Place,
l'un de ces esprits rares que de temps en temps la nature
donne aux sciences pour faire éclore de grandes théorie^
préparées par les travaux de plusieurs siècles. Dès 1590,
il s'occupait des forces centrifuge et centripète. En 1795 ,
il se livrait à ses études sur la planète Mars. Bientôt il
expliqua la vision , le flux et le reflux des mers. Plus tard,
après avoir essayé mille fois de faire mouvoir la planète
Mars dans une orbe circulaire , il reconnut qu'elle parcou-
rait une ellipse et découvrit les lois de son mouvement. Il
alla plus loin , il constata le grand fait de la gravitation et
formula ainsi* sa pensée : (c Si la lune et la terre n'étaient
retenues dans leurs orbites, la lune et la terre iraient à la
rencontre l'une de l'autre, la première faisant les *^i^^ du
chemin. » Ce grand homme vécut pauvre , et mourut en
16S1, à Ratisbonne\ où il avait dû se transporter pour
réclamer l'arriéré de ses appointements.
A côté de l'astronomie se développait la gnomonique,
et l'Europe procédait à la réforme de son calendrier. Au
mois de Mars 1582, le pape émit un bref pour faire
adopter le prcget d'Aloisius Lilius, astronome véronais,
et cette année on sauta du 4 au iS octobre.
Les mathématiques , ce grand instrument du savoir, re-
çurent» aussitôt la découverte de l'imprimerie, des perfec-
tionnements que nous devons signaler. Dès le commence-
ment du siècle, Maurolicus démontrait, avec une rare
élégance, les propriétés des courbes coniques. Pierre Ramiis
introduisait la science dans l'université de Paris ; où il se
posait en adversaire d^Aristote. Mal lui enprit : dure et fière
avec\les faibles, l'université ne put entendre sans colère
blâmer saint Aristote , dont le savoir la faisait vivre ; elle
eraî^ît pour son pain quotidien. Procès lui fut fût, et il
le perdit. Sa condamnation , aiBchée aux portes des écoles^
lui valut mille outrages ; mais la France lui a pardonné
BU SIÈCLE. 775
depuis. Elle se rappelle qu'il a fondé cette chaire qu'illus-
tra si longtemps Roberval , tandis qu'elle tient rancune à
soa université qui a bien d'autres méfaits sur la conscience.
— Imitant l'exemple de Ramus, M, de Candalle, arche-
vêque de Bordeaux, fonda aussi une chaire scientifique.
L'algèbre de Lucas de Burgo ne dépassait pas les équa-
tions du second degré ; encore devons-nous «goûter qu'il ne
«connaissait pas l'usage des racines négatives. L'Italie, où
l'algèbre avait été primitivement importée, fut aussi le lieu
où elle grandit tout d'abord. Tartaléa nous a laissé en
mauvais vers italiens , ses découvertes sur les équations
cubiques. Bientôt Jérôme Cardan les développa : le pre-
mier il distingua les racines en positives et négatives. On
acquit des méthodes pour résoudre les équations du troi-
sième et du quatrième degré. Elles firent connaître Louis
Ferrari , l'un des disciples de Cardan. — Dès 1S29 , Bom-
belli pul>liait son algèbre.
Tel était l'état de la science , lorsque Viéte parut. Le
premier il représenta par des lettres, non-seulement lès
quantités inconnues, mais encore les quantités connues.
Ce n'était pas chose indifférente : en agissant de la sorte ,
toute trace de valeur individuelle disparaissait dans les
problêmes à résoudre. L'algèbre prenait ainsi ce; caractère
qu'elle a depuis développé si puissamment , d'une langue
généralisant et résumant toujours avec une certitude abso-
lue , d'une langue qui peut écrire en quelques lignes des
pages entières. Viéte imagina aussi la plupart des trans-
formations dont on peut faire usage pour présenter une
équation sous sa forme la plus commode « c est-à-dire ce
que nous appelons aujourd'hui la préparcUian des équa-*
iions.
Il ne craignit pas de chercher à résoudre les équations
de tous les degrés ; il fit des applications heureuses de l'al-
gèbre à la géométrie, et créa la théorie des sections angu-
laires , c'est-à-dire qu'il rechercha cette loi selon laquelle
croissent et décroissent les sinus et les cordes des arcs mul-
tiples ou sous-multiples,
En regard de ces progrès , la navigation devint l'art de
se conduire en mer à l'aide de l'astronomie et de la géo-
33
774 PHILO^PHIE
métrie*, On s'occupa, des cartes marines. Mercfi^r et
Wright se distinguèneat dans. cette direction. Le besoin de
trouver plus facilement la lojoigiiude conduisit à étudier
cette courbe appelée loxodromie , décrite par un vaisseau
qui suit constamment le même rhumb de vent oblique au
méridien.
Un hasard heureux avait donné à la science le télesoape,
cet instrument prévu et prédit, par le moine Roger Baooo.
Galilée en eut à peine connaissance , qu'il s'atlacba à le
perfectionner* En le tournant vers les. astres , il reconnut
les phases de Mercure et de Vénus , et dès lors il ne douta
plus de leur mouvement autour du soleil. Les satellites de
Jupiter qu'il découvrit encore , lui montrèrent une nouvelle
analogie de la terre avec les apparences occasionnées par
Tanneau de Saturne. En publiait ces découvertes, il fit
voir qu'elles prouvaient incontestablement le mouvemeot
de la terre ; mais la pensée de ce mouvement fut déclarée
hérétique par une réunion de cardinaux, et Galilée, eké
au saint tribunal de l'inquisition, n'échappa a la prûoii
qu'en se rétractant.
Entraîné par sa croyance scientifique et vaincu par son
aqiour de la vérité, Galilée ne put se résigner à garder ie
silence. Il publia donc ses découvertes ^ mais sous lafonne
d un dialogue entre trois interlocuteurs, dont l'undéién-
dait le • système de Copernic. Malheureusement pour loi
r inquisition le surveillait. Le sucràs prodigieux de ses (lia-
it >gues excita l'ardeur intolérante du clergé, et ia proteetioo
du grand duc de Toscane ne put l'empêcher d'être appdé
à comparaître devant ce redoutable tribunal par lequel il
avait été condamné. Le plus grand savant de l'Europe fut
alors mis en prison et l'on exigea de lui l'abiuration de ses
prétendues erreurs, en lui faisant siper la dédaratioD sui-
1 vante :
a Moi , Gahlée , À la soixante et dixième année de mon
» Âge, constitué personnellement en justice, étant i^ g^-
ji> noux et a^aut devant les yeux les saints Evangiles que
» je touche de me^ propres mains , d'un cœur et d'une foi
» sincère, j'abjure^ je maudis., je déteste l'absurdité, Ter-
M reur 4 l'hérésie du mouvement de la t^re , etc. »
DU SIÈCLB. 775
Quel spectaele , dit éloquemment Laplace, que celui
d'un vénérable vieillard , illustré par une longue vie consa-
crée toute entière à Tétude de la nature , abjurant à genoux,
cariire le témoignage de sa propre conscience, la vérité
qu'il avait prouvée avec évidence! — Un décret de Tinqui-
sition le condamna à une prison perpétuelle. Il fut élargi
après une année par les sollicitations du grand-duc , mais
pour Fempêcher de se soustraire au pouvoir de l'inquisition,
on lui détendit de sortir de Florence.,
Jusqu'alors les calculs astronomiques avaient été d'une
longueur désespérante. Kœpler eut en mourant la consola-
^ tien de les voir singulièrement réduits et simplifiés par l'in-
vention des logarithmes , machine intellectuelle admirable,
due au génie du baron Ne per , d'Ecosse. Ce grand savant
mourut pauvre , et la misère a été le lot d'une existence si
utile à rbumanité.
Pascal , dans tout ce qu'il a fait , nous a montré ce qu'il
eût pu faire si sa vie toute entière avait été consacrée aux
sciences. Descartes , encore qu'il ait eu à redouter mille
persécutions et tracasseiies , n'a pa^ laissé de révolutionner
dans le monde des géomètres comme dans celui des philo-
sophes. Il est le premier qui ait représenté les courbes par
la relation toujours semblable qui existe entre l'abcisse et
l'ordonnée. — Celte grande application de l'algèbre le con-
duisit à trouver les lieux géométriques du second degré, et
sa couchoïde parabolique ; les tangentes , les points d'in-
flexion des cpurbes et leurs asymptotes le préoccupèrent. Il
eut toutefois , dans» cette direction , un digne rival ,
M. Fermât. Ce philosophe laissa beaucoup de ses travaux
géométriques incomplets. Les problèmes qu'il a résolus
nous prouvent qu'il possédait des moyens d'analyse dont il
n'a pas toujours donné l'explication.
Notre amour pour Descartes pourrait nous entraîner au-
delà des limites d'une simple esquisse historique : nous re-
venons aux faits sérieux de la science.
Galilée avait découvert la loi de la diûte accélérée des
corps , la courbe produite par ceux qui sont obliquement
projetés , les rapports de durée des oscillations de pendules
inégaux; beaucoup 1^ suivirent dans cette voie. Castelli et
776 PHWSppçj^B
TonicelU jetèrent les iQpdemeials de rbydraidiqoe. Torri-
celli et Descartes dépouirrirent , h la iDêsoe époque , la pe-
santeur de Tair.Ces découvertes furent Toccasion d un traité
^e mécanique , en quelques pages, que Descartes écrivit à
la ^Uicitatiou deM.Zuilicheai, le père de Huyghens.
La première moitié du siècle, s'achève , ^t nous voici à
uae époque où les plus, grandes découvertes vont se rap-
procher» en suivant la loi de la gravitation. Buyghens ap-
plique le pendule aux horloges, découvre l'anneau de Sa-
turne , perfectionne la géométrie , la mécanique «et Toptique.
. Mieux placée , par suite de sa position <H)utinentale , que
1 académie de Londres, la sooiéte des savants de France ne
tarda point à faire graviter vers Paris les hommes les plus
éminents. Huyghens et Cassini furent de ce nombre. Ce
dernier, pendant quarante ans , fut Tune des gloires de
l'astronomie. Nous lui devons la théorie des satellites de
Jupiter , la découverte de quatre satellites de Saturne ,
colle de la rotation de Jupiter et de Mars.; celle de . la lu-
mière zodiacale. Il avait trouvé, à très peu près, la pa-
rallaxe du soleil, et laissa inédite la théorie complète de la
lihration de la lune.
• Pendant que l'académie des sciences appliquait le léles-
i:ope au quart de cercle , inventait le micromètre , rhélio-
mctre , découvrait la marche de la lumière , mesurait la
j/randeur delà terre, son applatissement aux pôles et la
(iiminution de la pesanteur à l'équateur, la société royale
de Londres , plus ancienne de date que la société savante
de France , marchait avec la même ardeur dans la voie que
le génie des Galilée et des Kœpler lui avait ouverte. Là se
distinguaient Flamsted, grand observateur s'il en fut;
llalley , connu par ses voyages et son travail sur les comè-
tes , par sa prédiction du retour de. la comète de 1759 ;
Bradley, qui a découvert l'aberration des fixes et la muta-
tion de l'axe de Ja terre. Mais tous furent éclipsés par
l'immortel Newton , auquel nous devons la découverte de la
gravitation. Aidé de la mesure du degré du méridien faite
en France par Picard , il reconnut que la lune était rete-
nue dans son orbite par le seul pouvoir de la gravité sup-
posée réciproque au carré des distances. U trouva que la
wsrfeoifi. 777
ligne décrtie par le&oori^tiaii^'' leur cbiKté e$t mie éltit)s«».
dont le centre de la terre occope l'un, des foyers. Considé-
rant ensuite qoe les orbes des planètes sont pareillement
de!3 ellipses au foyer desquelles se tpoute placé lecentre dii
soleil , il eut la satisfaction de vbir que sa solution s'appli-
quait à ces grands corps de la nature. Etudiant les sec-
tions coniques, il démontra qu*un: projectile peut ise mou^
Toir dans Tune d'elles quelle qu'elle soit , en vertu d'une
force dirigée vers son foyer, et réciproque au carré de$
<Ustances. Il prouva que le mouvement de rotation de la
terre a dû Fapplatir à ses pôles ; il vit que l'action canrt)i-
Dée du soleil et de la lune Sur le sphéroïde terrestre doit
produire un mouvement dans soii ate de rotation , faire
rétrograder les équinoxes , soulever les eaui de l'océan et
produire le fiux et le reflux. Enfin , il s'assura que les iné-
galités du mouvement de la lune sont dues aux actions
combinées du soleil et de là terre ; mrals la plupart de ces
découvertes ne furent qu'ébauchées par Newton : le 3^vni'*
siècle les a conânfiàées et complétées:
Ces découvertes demandaient des méthodes d'analyse plus
puissantes que la méthode de Descartes , que Tarithméti-
que des infiniment petits de Wallis ; elles furent singuliè-
rement facilitées, quelques-unes du moins, par ces deux
procédés qui consistent :
L'un à trouver les rapports des accroissements et des dé-
croissements successifs d'une même quantité variable ; l'au-
tre à retrouver la quantité elle-même, d'après la connais-
sance de ce rapport, soit que l'on suppose à ces accroisse-
ments une grandeur finie, soit que l'on n'en cherche le
rapport que pour l'instant où Ils s'évanouissent. — Cette
méthode nouvelle ainsi armée de deux procédés ou mécanis-
mes puissants, s'étendant à toutes les combinaisons de gran-
deurs variables , à toutes les hypothèses de leurs variations,
fit la gloire de Newton et de Leibnitî, qui la découvri-
rent en même^ temps. Elle conduisit à déterminer , pour
toutes les choses d^t les changements sont susceptibles
d'une mesure précise , soit les rapports de leurs éléments ,
soit les rapports des choses d'après la. connaissance de ceux
qu'elles ont entre dles-mêmes, lorsque les rapports de
778 PHifiOMPHifi
leurs éléments sont seulement connus. «^ Les progrès <pii
en résultèrent se firent vivement sentir ara début du XVIII*
siècle , dont les premières années nous rappellent le per-
fectionnement du télescope par Newton qui donna aussi an
thermomètre ses deux pointes fixes, la carte de la déclinai-
son de raimant par Halley, les présomptions de quel-
ques physiciens sur les relations des formes primitives «t
des cristaux , la réformation de la musique par Rameau.
En 1718 fut observée la première aurore boréale ; en
1735 fut mesurée la vitesse de la lumière; en 17S9, les
géomètres français procédaient à la mesure du méndien
terrestre, opération qui a illustré Bougner , La Condamine,
Godin et Jussieu. En 1749 , Franklin associait le nouvem
Monde aux progrès scientifiques de l'ancien. — Les obser-
vations de Bradley, sur la vibration de l'axe de la terre e(
Ttfberration des étoiles fixes ; fe retour de la comète de
Hâlley, annoncée par Clairaut (1750); les grandes étucks
de Dalembert, sur la mécanique; la découverte d'Uranuspar
Herschell, en 1781 ; celle de Pallas par Olber, en 1782; la
géométrie descriptive de Monge; la création de Tlnstititt,
en 1796 ; la fondation du bureau des longitudes et de
rÉcole polythecnique , qui datent de la même année; les
immortels travaux de La Place (1796) et deLagrange.
remplirent la fin du siècle.
Ici se présente un nouveau fait excessivement important
pour l'histoire : Galilée , Descartes et Fontenelle avaient
fait pressentir une littérature scientifique qui mettrait les
questions les plus élevées à la portée d'un nombre considé-
rable d'esprits. D'Alembert ; le marquis de Condorcet, dans
ses éloges académiques ; Euler, dans ses lettres à une prin-
cesse d'Allemagne, et Laplace, dans son petit ouvrage en
deux volumes , sur le système du monde , ce livre si re-
marquable, ou chaque page étincelle de grandes beautés ,
continuèrent cette tradition.
Ils ont frayé la voie dans laquelle, de nos jours, Arago et
DeHumbold ont trouvé de nombreux imitateurs; ils ont fait
sentir le besoin d'un journal de science populaire « dans
lequel la rédaction saurait élever ses lecteurs, parla lucidité
de sa pensée et la clarté de son style , par l'intérêt vif et
ra> &iifil.Eu 779
soutenu des questions, aux plus ^rnodes, eoooeptions q^i
puissent préoccuper les hommee.
Beaueoup de bous esprits senleut k celte heure le. besoin
de développer la géométrie et Talgèhre Sbénaent^ire , . de
telie aorte que ces seiences deviaoneat une analyse traïasT^
cendaote, dépouillée de tout ee que ceUe*ci possède aur
jmurd'huâ de peu logique. Us veulent que les méthodes les
plus élevées se réduisent à deux choses : des substitutions
de valeurs égales et des compensations d'erreurs. Ils vieutent
aussi que rhabitude de représenter, par des courbes, une
foule de phénomènes, conduise à des solutions d'ordre pra-
tique. Mous-mêmes, nous avons eu recouiis & ce moyen pour
les phénomènes de la vie. Les épidémies , les fièvres isuter-
naitlefDtes, la marche périodique de certaines maladies par-
lent singulièrement aux yeux sous la-jEèrme de lignes.
Clément Desormes, en 1824, entrait largement dans.
œlte voie , en représentant graphiquement la puissance
mécanique de la vapeur d'eau , dont l'équation «ssez oom-
plexe est d'un c^dre élevé et ne donne que lentement le
résultat que fournit instaotanémeat U formule graphique ou
géométrique.
Chikib, HmÉBjLiiOoiB, GâotooiB. — .Paracelse» Agrippa,
Bernard de Palissy neprésentent la chimie, la minéralogie,
la géologie du XVP siècle. Leurs livres témoignent do
l'état de& industries manufacturières, minières et de la
eéramique. L'invention du thermomètre^ en 1627, par
Cornélius Drebbel ; le perfectionnement du microscope et
des verres de lunettes, en 1654, par TorricelU ; l'inventioii
de la presse hydraulique , par Descartes , vers 1637, nous
conduisent à cette époque où Robert Boile et Van-Helmon
pensèrent que l'eau peut accroître la quantité d'humus de
notre terre. Us avaient raison au fond et formulèrent mal
leur pensée. En 1663, Boile retrouvait les mélanges réfri-
gérants des Arabes. En 1672, Otto^uérick ouvrait des
voies nouvelles à la physique expérimenlalei, à la chimie
et à la mécanique elle-même , par l'invention de sa ma-
chine pneumatique. Les émaux de Petitot et les premières
porcelaines européennes sont de 1680 ; la découverte du
bleu de Prusse, de 1724 ; celle du platine » de 1740. Do
780 tBtMSOfBXB
17S0 à HPfèr ùti pousse bodocoup plus-loki que^ le
passé Tétudedes gaz : Yan-Helmon, Jean Rey^Bayle^ Haies,
ont'élabojré les? grandes >découY«rte8 de «ei «urdre scioDti-
lique. Soat yenus ensuite' Venei ^ BlBck , Stloct^ , Broinh
Rigg, Maobride, Jaoquin^ Smilh^ Gavendish, Pri^s
BcMioHer PvÎD^, Beorgtiiaiï,! Be(ii}ï, Ghauhits, Bayen,
Schecle. Mais œs déoouiid0te$, pour élre complètes et ser-
vir de base à une science positive, réclamaient quatre
conditions :
La première , que la preuve expérimentale de la chimie
des gaz (ûi donnée côn)plète, de manièffe à condaire à
des séries de phénomènes, à des lois : voilà l'œuvre de
Lavoisier.
La seconde , que la langue de la chimie fût créée : les
chimistes français rédament à bcm droii l'honneur de cette
graûde réforme.
La troisième, que la statique des* corps à l'étal molécu-
laire fût oonnue : B«rthollet en a/ posé les prioeipftles
règles. • .
La quatrième , qae les combfaxaisons définies et régu-
lières fussent reconnues comme règle invariable de la
substance.
La preuve de oe fait a immortalisé Proust.
La fin du siècle nous conduit à notre chimie moderne
par kl découverte des fumigations désiofectantids de Guy ton
de Morveau (1775) ; par l-étude deCavendisb siar la légèreté
spécifique de l'hydrogène; par la combustion du diafflaot
( Lavoisier, 1777) ; par la deseription des formes cristalÏJies
de Rome de l'Ile ; par la fondation , eu 178&, des Annales
de Chimie^ grand recueil dû à Monge, Guy ton de Morveau,
Lavoisier et Berthollet ; par la découverte de la ^trootiane
(Klaproth) de la Zircone ; rétablissement, à Paris, d'un
conseil des mines (1795); la découverte de l'Yttria; la
congélation du mercure, par Berthollet et Hassenfratz, qui
employèrent des moyens différents. Viennent enfin les
études géologiques de Rouelle et Lehman ; la découverte
du galvanisme ; l'analyse d'un aérolyte qvi étonna rEorope
savante ; les- découvertes de Lebon , à L'occasion du gaz
hydrogène carboné (1795) , et les études géologiques de
W SIÈIBEi '381
PdlkB, Saussure^ Deluov Dolotnieuv Be iHuDttliold et Bory
de Saint- Vinoerii.
Il ne manquait piu8 à Is scMice tnodenie que la pile de
¥oUa pour arriver aax plos immenses déooQTertesr et chan-
ger la face d» monde : elle fut inveiûée , et noe. lecteurs
Mv^it de reste ée qu'elle a prodoit depuis oiuquaiïl&^rois
anSf ce qu'elle promet, ce qu'elle donnera.
JPftlSIOLOG^XB DES ÊTRES QM^I^g; j^kTOMll^^^
VÉDBCnrfi , CSIHDUtieYB/ *
Vé^Ie et son mattne Silvius, Bérangerde Garpi, Jérôme
Cardan, Fallope, Sténbn , Servet, nous conduisent k 1552.
Voilà' tes fondateurs de Vanatomie et de la physiologie hu-
maine et comparée. Vésale joua dans son.siàde et ponr sa
science, le même rôle que Kœpler. Le savant astronome
œonnit dans la misère. Vésale , condamné par riaquisitioh
et sauvé par son prince, fut obligé, pour racheter son
Ame compromise par ses dissections et ses découvertes,
de faire un voyage en terre sainte -/un naufrage le con-
duisit sur un ilôt près de Zante, où il est mort de faim.
— Procurez-vous le livre de Le Borgne, le Médecin , qui
est à la fois un beau livre et une bonne action , et lisez-y
l'article Vésale : vous en serez ému jusqu'aux entrailles.
La circulation au corps de Thomme et des animaux
était pressentie , devinée : Césalpin la découvrit. Il y mêla
des considérations erronées qui sentaient le pneumafisaoe
des anciens , et ne vit pas que la pression atmosphérique
venait en aide au mouvement de cette double pompe aspi-
rante et foulante que Ton appelle le ccsor. Sa découverte ,
mal présentée , ne fut ni acceptée ni Comprise.
Vers le milieu du XVi* siècle , se répandit l'usage des
bougies pour les maladies de l'urètre. Ce fut alors que la
taille par le haut et le bas appareil denat usuelle. Octavien
Davila parcourut , à cette occasion , toute l'Europe ; il en-
seigna à Colot son procédé, qui était celui de Mariano
33*
78S pificogoi^mB
Santo; Ld fils de Cblol le ft» connaître à son to«r. Eh
1515 , les barbiers exerçaient encore la cbfirargie, mtme
à Paris. A cette date, les ohirargien^ dbtinFeiit d'être
reçus docteurs. Un bref de Grégoire, de 1579, termina
leurs différents av«c les médecins , qui ne voulaient d*im
pareille égalité,' en mettant les uns et les autres sur la
même ligne. Jean de Vigo, Michel-Ange, Blondo, Béran-
ger de Caspi, Fallope, brillaient au premier rang, et la
chirurgie de Nurz, de Bàle, est si judicieuse qu'on la croi-
rait toute moderne. Après eux, il faut citer encore Ptançob
de Arce et Ambrôise Paré, le père de la chirurgie fiin-
çaise. Paré sut soigner les plaies, lier les artères, guérir
rhydrocèle par le séton, reconnaître les fractures, mèm
celle du col du fémur ; il signala les abcès du foie , suites
de blessures à la tête , et pratiqua la bronchotomie arec
succès. Son disciple GuiUemeau savait traiter les^enéirrismes
et guérir les varice» au moyen des caustiques. Ce fot vers
ce temps que l'opération césarienne fut pratiquée sur des
femmes vivantes. Un coupeur de oochons' nominé Noier
passe pour l'avoir tentée le premier .sur sa propre épouse :
il réussit. La mère du célèbre André Doria ne le mit an
monde qu'après avoir eu le flanc incisé par son accoucheur.
François Housset décrivit cette opération avec talent et loi
donna de la vogue. Jean Tagaud et Ingratias, célèbre ana-
tomiste , mais scoliaste absurde , qui ajouta cent soixante-
cinq espèces de tumeurs à celles décrites par Gatten,
méritent aussi un souvenir.
Jusqu'au XVl* siècle les Grecs et les Arabes firent loi
dans nos écoles de médecine. Leonicenus , professeur à
Padoue, fut le premier à les juger avec une saine critique.
Beaucoup de médecins suivirent son exemple : la réaction
fut vive , mais mal dirigée. La plupart des médecins ne
comprirent pas les grands services rendus à la thérapeu-
tique par les Avicenne et les Averrhoës. D'Italie, le mm-
vement gagna la France : le vieil esprit gaulois est émi-
nemment togique. Ramus, Bernard de Palissy et d'autres
savants enseignèrent hautement aux médecine de leur
temps, sur lesquels ils exerçaient la plus grande influence,
que le livre de la nature est enoore plus grand et plus
w tJEkciîB. 783
utile h consulter que les livres de PUne, (le Galien et
d'ArÎ6to(e. Ambroise paré, Aleutodre de ciampècbe, aié-
deeia de Henri III, des rebgieux, des aiocals au parlement,
teao Vièie et d'autres mathémadicieiis suivaient les cours
de Palis&y. Jeao Fernel leur dut peut-être quelque chose
de SO& iAdiapendanoe setentiiiqud : physiologiste , il a sou-
vent contredit Arislote; il professait que le cerveau est l'or*
gane de rinteUigtaoce et il a mieux oonim le péritoine que
Galien« Pathologiste, il coosidérait ]£S humeurs comuM» la
cause doB maladies, plaçait les aifeetioos dans les solides,
et les symptômes dans les désordres de leur» fonctions. Il
divisait les causes en efiScientes et prédisposantes ; ii atta-
chait une asaéz grande importance à ce que Ion ne confon-
dit pas la cause prochaine ou contenante^ avec la maladie
elle-même.
L'(BU¥re médicale de Paracelse, qui parut à cette époque,
a été souvent très-mal appréciée, parce qu*il donnait aux
expressions uaueUes un sens particulier. Il attachait une
grande importance à Tétude de la cabale. Moïse, Ezéchiel,
Daniel et saint Jean étaient pour lui des mages, des initiés.
Son système supposait l'harmonie générale de la nature,
et des relations exactes entre les esprits* ou impondérables
et tous tes corps. Sous ce rapport, c'était un panthéiste,
que Sprengel et d'autres ont mal compris. Il n'était assez
niais pour croire que les minéraux f^t les végétaux prissent
des aliments et rendissent des matières excrémentielles, à
la manière des animaux ; mais il estimait qu'une puissance
vitale se manifeste dans tous les êtres à des degrés divers.
~I1 croyait beaucoup à l'action des astres, et supposait
à leur influence le pouvoir de vicier l'air. Il fut loin cepen-
dant de dédaigner l'observation, car il signala l'action de la
matrice sur presque toutes les maladies des femmes. Plus
chimiste que les médecins de son temps , il voidut expli-
quer toutes les affections morbides par des réactions moléou- '
laires. Le grand emploi qu'il ât des sels, des essences,
des teintures et des extraits , transforma la pharmacie qu'il
voulait simple, car il blftmait singulièrraieat les abus de la
polypbarmaeie. Généralement tràs-^inférieure à sa méde-
<^iûe, sa chirurgie était souvent au rebours du bon sens. Il
781 pffiLofio^mË
n'eut point pour ^bot, 'qtiôkiâ W en âil^dlt, de' supprimer
.le saioir au profit du mysticikûe, mais de oréêr unepby*
siologiB unhrerselie' basée sûr lai chimie. En sommes il fot
obarhitan, peut-être ivro^è , trè&*impiident parfois, soih
YMt hâbleur ; mais il fit dccbmplir à la inééecine du XVI*
siècle , une rérolmkm analogue ^ cëàe plus parCaîttef qui
s'est effectuée dans le nôtre, de 1820 à 1850.
-Péivicelse fut vivement appuyé par W iftKÛélé de ro^
kreu2 ou des rdse&*croix, qui «était de son^lémpséb grande
influence. Quelques-uns des savants de cette &ole où Ton
tfoutait des hommes du phrs admirable dévouement ^ ont
brtUé au premier rang. Ihichéne fut le médecin* du roi de
France ; Robert Stude > exerça» une graude inftuenoe en
An^terre ; d'autres se sont- traînés dans Vovmère suivie
par les elarlatans magnétiseurs de notre époque. -
Nous voici au XVII* siècle : Harvey <Jéittontre cette cir-
culation que Ceealpin avait entrevue^ Deseartes propage
cette découverte; Cristopbe Kréna* tente l'ibjeetion des
médicaments dans les veines. Jean*-Bapliste Denis va plus
loin : il essaie la transfusion du sang chez un jeune homme
débilité par d'abondantes saignées , et '• réussit '; mais la
cour de Rome ne tarda pas à défendre cette opératian.
Armé du microscope , Haipighi fait des choses admirabies
et démontre la circulation dans les petits vaisseaux : bien-
tôt des injections délicates, faites à Amsterdam, mettent ce
phénomène en toute évidence. Borelly eoknprit le pr^emier
que la masse du sang est soumise aui lois de Tbydraaliqne.
Après la circulation dans les petits vaisseaux, les microgre'
phes découvrent les globules du sang, dont ils signalèrent
la Agure et la forme. Ce fut aussi h cette même époque
que Faber et Van-Helmon détruisirent les opinions des
anciens sur le passage de l'air du poumon dans le cœar.
En 16S4 , les Anglais entrevirent le rôle de l'air dans b
respiration. Bobertroock le démontra bientôt-, tandis que
Malpighi faisait coimattre la structure intime de l'organe
pulmonaire.
Asdli de Crémone avait découvert les vaisseaux cbi*
lières, en 1633; Simon Pauli reconnut, eni^t<^, les vais-
seaux lactés. Bientôt viennent à la saîte la découverte du
t)i9 «iBCijK. 785
Pancréas et du canal torechiquev la •disiûietioB des lympha-
tiques et des ehylifères- — Sih^on el-WaSrthon s-occapent
av«c succès de lai reehèfche des conduits excréteurs des
gfaïades ; Peyer et Brunner font, connaître les glandes «les
inlestins; Siivius Bartholin, Hygmûr .Wiliis font des dé*
couvâtes au cerveacu ; Lewenhoeek <ea aaalonise la snb^
stance. . • . ^
Les sens, au XVII'' siècle, demandaient h être étudias :
Kœptor, Deseartes, de La Hire^, Lewenboeck, s'occupèrent
defœa.
En 1661, parut te litre d'Har¥ey,-iSur la génération^.
Graaf^ Malpighy et ranohitt»ete Gliâude tPerravlt s*en oceu^
pèrent ensuite. Ce dernier professa la doctrine de la répa^
ration possible des pertes de substanoes des oignes ^
doctrine que notre siècle a vérifiée. En 1677, les ammaleules
spermatiques étaient découverts.
A côté de ces progrès, la médecine oscillait dans ses
expérimentations. Les plus sages praticiens revenaient à la
règle d'Hypocrate , de ne tenir compte que de l'observa^n
et de roxpénence.
Le moyen de faire mieux à cette époque , oà la tbéra-
Emtique était dans Tenfance ainsi que l'art d'interroger
s oi^anes, où la chimie n'avait point encore éclairé de
son flambeau les questions les plus vitales?....
Né à Bruxelles en 1577, Van-Helmon , seigneur de
Hérode , étudia d'abord les mystiques. 11 lut Thonuis Kem^
pis^ Jean Taulérus; arriva à comprendre la charité de
Christ, la science de Paracelse et des roses<;roix, et poussa
la sociabilité jusqu'à devenir possesseur, comme Socrate ,
d'un démon familier. Entraîné par une fiionomanie sublime
de dévouement et de vertu, U se ftt médecin. Chimiste
habile, il fit profiter son art de ses grandes découvertes.
Il décrivit l'acide carbonique sous le nom d'esprit sylvestre,
et tenta les plus curieuses expériences ; mais il ne put dé-
passer, en médecine, un vitalisme spécial ^ dans lequel
cependant il se rapprocha maintes fois de la doctrine de
l'irritation , que Brown et Broussais devaient faire préva-
loir .plus d'un siècle après lui. C'est ^ainsT qa'il a écrit que
la dyssenterie et la pleurésie sont (jheu.\ inflammations
7S6 PHl&O^PHlB
locales qui di&èrwt surtout par leur siège. Vao-Helmon
croy^iti aussi au magnétisme auioial, qail. n'avait pas
sufTisemment étudié. Toutes ses connaissances , si graodes
qu'elles fussent, n'é^ii^pt cependtant que l'ébauche d'au
sayoir véritable»
Silvius, Tun de s^s di^iples, fut professeur à L^yde,
créa l'enseignement clinique des hospices et fit un très-
grand nombre d'autopsies comme moyen de vérifications.
Il interpréta la digestion et les autres fpnclion^ .d*ujie ma-
nière incomplète et cependant avec la science la plus
élevée de son époque. Boerhave se plaça , diws ce temps,
au-dessus de tous ses contemporains , par sa haute philo-
sophie médicale.— L'application des mathématiques, d'une
physique et d'une chimie rudime^taire > domia naissance
à mille systèmes qui se querellèrent violemment. L'IlaUe,
la France, la Hollande, l'Allemagne et l'Angleterre, car
l'Espagne ne vivait déjà plus intellectuellement torturée
qu'elle était par Tinquisition, améliorèrent singulièremeot
leur thérapeutique. Ce fut sous l'inftuence de ces querelles
que l'émétique, si employé aujourd'hui, fut préconisé, à
la suite d'un concile ou congrès médical tenu à Paris.
La chirurgie suivait une bonne route et marchait de plus
en plus vers le positivisme. Elle commençait, surtout vers
la An du XVU'' siècle, les grandes études dont nous alItNOS
bientôt rendre compte. Mais reprenons la série des faits les
plu^ importants des sciences dites naturelles.
En 1703, furent découverts les polypes d'eau douce, si
bien étudiés depuis. L'année suivante , Juan Péi^ra , juif
portugais, commençait l'éducation des sourds et muets,
sur lesquels Diderot devait écrire de si belles pages. Bientôt
les études de Rameau, sur la musique, conduisent les
anatomistes à étudier la voix et la parole.
Le jardin du roi de France était, en 1731 « sous la di-
rection de Dufay, qui l'enrichissait de serres, de coUeetions
de plantes exotiques et de cours gratuits de physique , de
chimie, d'anatomie. La Peyronie fondait, en 1735, l'aca-
démie de chirurgie de Paris. Linnée créait l'académie des
sciences de $tx>ckohn, en 1759, et touchait à toutes les
branches des sciences naturelles. Pluche publiait son spec-
BU 6ïèc£B: 787
tacle de la nature , et Buffbn ; arrivé déjà à une Juste
céUbrité , succédait à Dufay dans la direction du Jahlin
des Plaates.
Nous ne sommes encore qu'en 1740, et déjà Tremblay
commence ses études sur la reproduction des polypes ; la
médecine s'empare de la bouteille de Leyde et des décou-
yertes de la chimie; Buffon publie une histoire natarelle.
La seconde ûioitié du siècle nous rappelle rinYentîon
des eaux minérales factices, par Venel de Montpellier ; les
soupes économiques du médecin HeWétius ; les grandes
études de De Haller, sur la manière dont les forces de la
nature impressionnent les êtres organisés : ce génie puis-
sant résume , corrige , développe tout ce que l'on savait
avant hii en physiologie. Bourgelat (1762) fonde , à Lyon ,
une première école de médecine vétérinaire et d'économie
rurale , puis bientôt une seconde à Charenton ; le médecin
Poissonoier invente le moyen de rendre Teau de mer po-
table ; la France défend d'enterrer à l'avenir dans Tencemte
des villes (1766) ; TAmérique crée une académie des
sciences , à Philadelphie ; Daubenton eiLpose ses classifica-
tions des êtres de la nature ; Lavater fait connaître sa
science si intéressante , quoique conjecturale ; et l'abbé de
TEpée crée, à Paris, l'école des sourds et muets. Les
inventions, les découvertes, les grandes conceptions se
pressent : chaque jour a sa grande pensée.
Nous croyons devoir insister surtout sur le progrès des
méthodes et des classifications : Linnée , Valérius , Dau-
benton, Wemer, ne cessent de se distinguer dans cette
voie.
La sdence est essentiellement humaine ; elle considère
Thomme en phyâologiste , au point de vue de ses fonc-
tions, de ses organes et de ses besoins: aussi a-t-elle
singulièrement développé la véritable charité chrétienne.
En 1780, elle fondait une société philantropique ; Tannée
suivante, elle voulut que chaque malade eût, à l'Hôtel-
Bien de Paris, un lit séparé ! , et que les salles fussent
spécialisées selon les maladies.
Mesmer préconisait, en 1784, le magnétisme animal,
oublié depuis Van-Helmon ; tandis que la médecine s'en-
7S8 (ttti.èé^tfis
riotiissait des découvertes de là* chiihîè 6t nk la bota-
nique. En 1789, le Système d^ la classification naturelle des
plantes , imaginé par Adanson , était vulgarisé par M. de
Jussieu.-
L'année suivante, la France créait l'unité des poids el
mesures, si injustement ridiculisée à Tétranger par des
savants éminents, tels que Sprengel. C'était* oependanl
une belle pensée que d'établir des rëlatioïis entre- la gran-
deur Jii globe et la j^esanteur spécifique d'un gramnw
d*eau, à une température et sous une pression «loDoées,
potir reporter ces relations si intimeiniRnt liées è notre na*
ture terrestre, dans le domaine social des faits les phs
usuels de vente , d'achat , de production et de consomoM*
tîon. — La France était folle;, disaient les meures savanls
en analysant sa "vie révolutionnaire.,.. Oui, elle énm
folle de cette grande et sublime folie qtie saiut Paul appe-
lait la folie de la croix : c'était en versawt le plus pur *
son sang qu'elle prêchait et pratiquait Tunitarisme mnk-
KITAIRB.
Parallèlement à ce mouvement , la ' médecine faisait
tout ce que permettaient les découvertes modernes. K«s
heureuse, la chirurgie posait déjà les bases solides d'«Q
grand art , et créait ces belles méthodes que notre siède
développe et perfectionne.
Le XVIP et le XVill* siècles nous ont appris à suspendre
le cours du sang dans les artères, à opérer les anévrismes,
à pratiquer les amputations par des procédés divers €i
dans les articulations. Le Dran désarticula l'épaule , MorsiKi
la cuisse , et Larrey reconnut que sur le champ de bataille
l'ablation d'un membre blessé est le plus sûr moyen de
sauver du tétanos les malheureux qui en sont menacés.
La fistule à l'anus fut étudiée. Féhx ayait opéré Louis XIV,
et ce fait fut le signal de progrès auquel notre siède a peu
ajouté. — L'opération de la taille par le haut et le bas ap-
pareil fut aussi singulièrement approfondie. Cheselden , Le
Cat, le frère Côme, Le Dran , Hawkins, Desault, Beigamio
Bell , prirent part à une lutte d'autant plus grande qu'elle
touchait de plus près au salut d'un nombre considérable de
malades.
L'on reeoDnttt à la fin du siècle demier, qumeslpo&^le
det sauver, parl'opéraiion césaidewei» U moitié de^ femmes
qui ia subissent , et qu'il en est, d€v même poup celles qiii
réclament une opération analogue par suite d'une gro^e^se
extràrulérine. L'bydrocèle, mdadie varial^ile da^sses for-
mes et ses eomplioations, fut étud|iée avec soin ; n^ais s<^i
traitemeot n'acquit point encore toute la perfection désirar
ble. — Les anciens avaient lai^é la cure des hernies « ma-
ladies si communes chez les hommes de peine , dans un
grand état d'imperfection ; les deux derniers siècles, pf r
Dionis, Carengeot, LeDran , Morand» Sharpi, Pott, Cam-
per, auteur de planches excellentes « et Gimbernat , ont
poussé très-loin l'étude des accidents qu'elles produisent
et des moyens d'y remédier. La bronchotomie et la laringo^
toniie ont été pratiquées , cette dernière opération par
Desault et Hunter. Le traitement du becnle-Uèvre est dd*
venu uaiel. Les maladies des yeux doivent beaucoup au
XVII* et surtout au XVUI* siècle. Mfaltre Jean étudia la ca-
taracte , et bientôt l'extraction et l'abaissement furent des
méthodes en vogue. La fistule lacrymale occupa aussi les
chirurgiens qui posèrent les bases de nos méthodes actuel-
les; enfin Cheselden fraya une route nouvelle à la chirur-
gie oculaire « en pratiquant la pupille artificielle. Les plaies
de tète , les fractures et les luxations devinrent aussi 1 occa-
sion d'innovations très-heureuses.
Toutefois les faits eux-mêmes nous amènent à conclure
que pour la physiologie des êtres organisés, la science ,
vers la fin du dernier siècle , était encore très-loin d'avoir
créé une littérature, et surtout une littérature qui fut tom-
bée dans le domaine public. Plus de trente années devaient
s'écouler avant que l'école de Paris se saisit des publica-
tions de Gall , de Bertrand , de Georget , qui a écrit des
pages si sages et si philosophiques sur l'imitation conta-
gieuse. Cabanis était seid consulta par quelques esprits d'é-
lite.
Les femmes et le peuple sont restés pendant le pre-
mier quart de notre siècle en dehors des grands enseigne-
ments modernes sur le monde des végétaux , le monde des
animaux et leurs relations avec 1 humanité , relations
790 mifm^iu
enseignées aujourd'hui aui jeunes demoîseUes par quel-
ques grandes institutrices d'ALUoaagne , d^Augleterre et des
Etats-Unis.
MOUVEMENT SOCIAL ET POLITIQUE DES TROIS PREMEKS
SIÈGLB DE l'È&E SCIBUTIFIODE^
Jetons un coup-*d*œil s^ur les usages , sur les mœurs et
sur rarehitecture qui résAjLine eu elle tant de choses.
Presque toutes nos vieilles maisons de bois daftent de
1480 à. lââO; elles focoaaient^ dans bien des villes, des
pâtés dont les greniers étaient communs. Xea gueuâf les ha-
bitaient. Entassés les uns sur les autres , eés maiLbeureui
étaient incessamment décimés par des dyssenteries typhoï-
des et d'autres maladies épidémiques. — Souvent les prinœs
eux-mêmes ne dédaignaient pas ces maisons, qu'auyour-
d'hui la bourgeoisie juge, à boa droit, très^peu oouv^a-
bles pour elle.
Les plus grands seigneurs étaient Ipin d'avoir, de 15 à
1600, toutes les jouissances que donnent aujourd'hui, dans
les villes de second ordre , trente mille livres de rentes. Les
plus belles dames rejoignaient leurs châteaux sur leurs ha-
quenées , voire même ici et là sur des charrettes à bœufs.
— Autour des châteaux des eaux croupissantes ; dans les
châteaux des escaliers très-raides , de petites ouvertures ,
des cheminées où l'on devait brûler des arbres pour se
chauiler ; jardins et cours étaient exigus. La 2"°* classe de
la noblesse n'avait nullement l'aisance de' ceux de nos
bourgeois qui possèdent, dans les départements, dix à
vingt mille livres de fentes. Quand tiux gentilshommes de
menu fretin , ils étaient pauvres et endettés.
Les avocats les plus distingués des parlements de Lan-
guedoc et de Bretagne se contentaient le plus souvent de
trois pièces divisées par des rideaux de serge et des para--
vents ; ils n'avaient qu'un domestique. Les positions qui
correspondent aujourd'hui h des appartements de dix et
im «lÈCLB. 791
douze pièces , ne dotimient droit k cette époqne qu'à des
appartements moindFes de moitié ou des deux tiers.
Sous le rapport matériel , les ouvriers des corporMians
étaient plus payés , et plus heureux que de nos jours. Mais
à côté de ce bien-être, que de tyrannies à subir, que d'hu-
miliations que des cœurs fiers ne pouvaient supporter.
Le compagnonage protégeait passablement les ouvriers
non mariés; ce^ndant le séjour de-Rkeims fut défendu
aux compagnons culottiers , que le chapitre de la cathé-
drale tenait pour suspects à Tendroit de la religion.
Certains mets étaient défendus aux gens de petite sorte.
Jusqu'en 1727 , la ville de Nantes a défendu à ses ouvriers
et portefaix de boire du vin de BordcauT ou de manger
du gibier, tel que lih>re , perdrix , sous peine d'être fouettés
sw la place publique du Bouffay.
Les ouvriers des mines étaient traités comme naguères
les esclares de nos colonies.
Les rois et les ducs ruinaient en frais de réception les
villes qu'ils daignaient honorer de leur présence. On y
dépensait , en quelques jours , dans des repas splendides et
en cadeaux, un argent considérable réclamé par des hos-
pices délabrés , par des rues qu'il importait d assamir. Les
courtisans de la suite se faisaient faire des présents ; les
dames qui entouraient les reines savaient en réclamer.
Au XVI* siècle , les cours devinrent plus nombreuses. La
reine Anne , nous dit Brantôme, commence de faire sa cour
de dames plus grande que celle des autres. Je regrette de ne
joindre ici ni la description de leurs ornements, ni celui des
costumes, ni le compte de revient des plus belles robes et
des phis beaux habits ; c'est cependant chose curieuse : le
relevé de pareil travail de siècle en siècle, pour les divers
Etats européens , serait très-instructif.
Les saints et saintes des églises étaient habillés h la ma-
nière des grands. On disait Madame sainte Anne, Madame
la Vierge. En France , sur plusieurs points , de la Toussaint
à Pàque , on couvrait de paille le pavé des églises qui
servaient de lieux d'asile. La tolérance allait jusqu'à per-
mettre en carême l'usage du lait et du beurre !!!
Les enfants exposés restaient à la charge des paroisses.
793 panMOPHOS
, Lesenfaate) quoique majeurs et auinés, ne cotiMcUdent
qu'avec la periuissioû de leurs parents. *— Une femme ma-
riée.étAit eonsidérée ^mide euneure. L'autorisation de son
père et de son mari lui étaient indispensables poiH^ toote
araire fiérieuse;
Partout (}é]à la royauté s'attaehait à restreindre les li-
b^téS/Gomfouaales des TÎUes et les privilèges dé la no-
blesse. Vers la fin.du.Xyi'> siède, Henri IV nommera
directement des maires dai» des <àtés qai avaient acheté
dQ^li^rs deniers le droit d'élection. A Naâtes^ il préférera
1q roturier. d'Uarrouis à ses oonourrents : son thoix fat le
meilleur^ mais il annulait un droit. Ce 6it aussi lui qui ii-
cida que Je service des armes n'annoblirait plus.
À piapulation égale ^ les viUes d'Europe, excepté '^^ut-
ètre en Italie « étaient bien moins ét^idues que de dos
jours. Le commerce se trouvait resserré en quelques mains:
les jurandes et les maîtrises oomprimatent l'industrie; le
pouvoir. saeerdotal était excessif» le pouvoir paternel eior-
bitant.
Sur bien des points , les transactions commerciales por-
taient, pour l'acheteur, k peine de rexcommunicaticm
prononcée, faute de paiement, par Toffieial de la cathé-
drale.
D£^ns quelques villes , le maltre-autel était drapé à )a
manière des lits. — En France , on célébrait la fête des
Innocents, dans laquelle les chanoines cédaient leur place
aux enfants de chœur.
Les ccHrporations avaient leurs bannières, et luttaient
aux processions par la grosseur de leurs cierges.
Dans les villes à évêchés , le maire et les éehevim la-
vaient les pieds à douze pauvres, sous le portique delà
cathédrale, le jour du Jeudii-Saint.
JLes fenêtres n'avaient enoore, en général, presque par-
tout , au XVI* siècle, que des carreaux de toile au lieu de
carreaux de verre.
Tout était taxé : le prix des messes, les journées des
ouvriers, le taux des marchandises.
C'est de lafin du XV^ siècle, et surtomt du XVI% que
datent « pour les modernes, l'anàiitecture, le dessin, la
/;
y^^^ulpture et iê muskpie :*bQaut-^artsi| «eti vérité; li^ jtiur
4irtout oui par suite d'iostitulîons habiles, ils seront
lescendus à la portée de toas. Quelques dates serviront h
préciser les faits»
Michel-Ânge se révélait au monde en 1504; Ra^^haêi
étudiât , en 1S07« sons ia direetion dti Pérugin.
Vers 1560) Venise voyait construire ses plus beawr mô-
QuoQ^ts. — Les Tuileries sont de 1564:
La réforme de la notation musicale est de 1600.
U existait au XVI* siècle, en Burope, très-peu de nom-
munes rurales , mais se«lemenl des pomissês. Il y est de
règle que le paysan se UMirie et meure dans celle qui Ta
vu naître. On peut etncore, à cetle époque, distinguer au
costume les anciens sujets des grands seigneurs féodaux ,
et les anciens danns des peuples kiiùry. En réalité, la ser-
vitude n'a été détruite que pour le nom ; elle est, en France
el partout, beaucoup moins duré pour les fermiers des
moines que pour les autres. Les bénédictins surtout possé^
daient, sur quelques points, dans le Berry par exemple,
de grandes propriétés exploitées, non par une famille,
mais par trente et quarante familles assoeiées , qui jouii^
saient d'un assez grand bien-être matériel. Partout, en
Occident , nous trouvons des servitudes féodales. Les droite
de procuration , d'hébergement , de passage sur les routes
et sur les ponts ne s'exercent plus aussi souvent au profit
de petits maîtres, seigneurs suzerains der deux ou trois
mille âmes, mais au profit de maîtres d'un ordre plus élevé;
c'est-à-dire que l'Etat , qui , au moyen-âge , était empri-
sonné dans le castel féodal, s'est aggrandi au fur et h
mesure des conquêtes des diverses royautés. Les droits de
bouteiUage, de coulage, de salage , de mouture', de méage
ou fabrication du pain, de moutonnage, de fromentage,
de vachage, de fourrures, qui pesaient sur le peuple des
manoirs et des villages , aux X* et XI* sièdes , se sont mo-
difiés et transformés sans disparaître. La dîme, les corvées,
les droits de barrière, le moulin et le four du seigneur
suffisent à enlever aux classes pauvres le fruit de leur
travail. Les plaisirs de la chasse et de la pêche sont réser-
vés aux castes privilégiées, au grand* regret des paysans.
794 pjtiLOSc^siE
Dans là haute AUemagnô, la société popalaire du Soulier se
moatre avec ce t»ot d'ordre : DUes-mai qu'têi'-ee fu'il y a?
Repense : Nous m pùmnms, vivre paisiblement cvee Us
prilres et les nobles. — Persécutée en 1505 aux environs
de Spire, elle reparaissait, en 1513, dans le dudié de
Bade; On vit alors d^ux mille paysans portant une H sar la
poitpne , prendre de titre de mendiauts : ik voudaient la
liberté des paysans allemands, sous le gouvernement d'un
empereur d'AUemagoe; la suppression, dans les actes, dek
langue latine ; le droil de chasse et le droit de pèehe. Les
malheureux 1 ils ktiguàren^t singulièrement le Iw^as du
bourreau ; et cependant , dès Tannée suivante , le Wur-
temberg voyait naître laoe conspiration du mênae ordre,
sous le nom de société du pauvre Conrad, £n ce pays
poétique, chaque ohef prit un titre curieux : celui-ci
était seigneur de la Montagitte de la disette ; oelui-là , de la
Prairie stérile; cet auttre, de la G6te des mendiants. La
Gamiole, ta Styrie, la Garynthie s'agitèrent aussi; mais
les pays«ms slaves de ces oontrées furent vaincus. Le baron
de Ditriehstein les -fit pendre aux arbres par douzaines, et
tout paysan , révdté ou non , fut obligé de payer un flmn
d'amende , s'il n'aimait mieux voir mcendier sa maison.
Les Ditmarses des marais de l'Elbe eurent alors leur
ieanne-d'Arc. Le rai de Danemarck les attaqua et perdit
près de vingt «itUe hommes, que ces paysans noyèrent ea
coupant une digue. Cette Jeanne allemande se nommait
l'élse , la fiamcée du Christ.
Beux mouvements se manifestèrent ea Espagne vers
cette époque. Le premier, tout féodal, avait pour but le
morcellement de l'autorité royale au profit de la haute no>
blesse. Le cardinal Ximenès montra aux grands que son
armée était prête , et tout fut dit. Le second était bour-
geois; il Qvait pour but le développem^fitdu communa-
Usme, l'émancipation des villes et un parlementarisme
analogue à celui qui existe actuellem^mt dans plusieurs
Etats européens; car l'Espagne était alors très-4ivanoée.
Ce mouvement porta haut les nonis de Paeheco et de Pa-
dilla: tvictorîeux, il eût AoRué à la péninsule son 89;
vaincu, il fut le premier signal de sa décadence^ A eôté de
mr «ïÈGi/m* 795
ces faits si importants, se placent la* lutte de Cbaries-Quint
et de François P% la réforme, les grandes découvertes et les
^andes colonisations , les progrès en bien-être des classes
riches. Charles^Quint représentait la tendance enropéenne
à Tufiité; mais il la voulait par la fusion des peuples en
un seul empire ? sans tenir compte des races et des natio^
naliiés si différentes de mœurs et de langage. François I"^
personnifiait cet élément que son adversaire mettait en
oubli. Il eût été sage , à défaut d'une fédération de peuples,
de songer à un congrès des rois et princes de l'Europe; au
lieu de cela , Ton eut recours à ce moyen brutal et anti<-
cinlisaieur a{^elé la guerre.
Charles avait pour lui l'étendue de son empire , mais
cet empire était morcelé et sand unité vraie. François I'^'
tirait ses avantages de Tunité française e^d'tme infanterie
nationale qui valait mieux q«ie Tinfanterie mélangée de
mercenaires de son adversaire , sans valoir toutefois son in-
fanterie espagnole. Les quatre guerres engendrées par cette
lutte durèrent de 1531 à 1544. Dans cet intervalle, U y eut
quinze années de paix. Ces luttes ruinèrent les peuples et ne
profitèrent>en réalité qu'à quelques soldats d'un grawle élevé.
Depuis plus de 1400 ans , s'élevaient de siècle en siècle
les vcHx de penseurs sérieux , qui tout en acceptant la mo-
rale chrétienne, protestaient contre un grand nombre de
dogmes du catholicisme. L'intolérance de Rome , qui avait
détruit déjà des centaines de milliers de créatures humai-
nes , et qui devait arriver plus tard au chiffre de plusieurs
millions, devenait une digue impuissante , même avec l'or-
ganisation de l'inquisition , contre les efforts de la raison;
et puis les grandes richesses du clergé , sa coiruption pro--
foiHle , les abus si graves qui naissent nécessairement de
l'oisiveté, demandaient une réforme. De nos jours, les
esprits superficiels sont loin de comprendre la portée des
doctrines éooflomiques et les transformations utiles à tous
qu elles feront subir à la société. A cette époque aussi , les
homHies à courte vue ne pouvaient comprendre cet im-
mense mouveWMit de réformes religieuses qui allait bientôt
se manifester .muther avait moins de réputation que Viclef ;
796 vmiMOBiaB
bich xmms ooiusu'diine le mtuidipi qm Gokvinv <r» ié]a5me
de Prague et <fue Joad flùs , ooDsidéré «ooiaiB .inférieur à
plusieurs de ces. grands bammes^ diaÎB plus poàte, plus
mélodieux ; dans Texp^ession df sa* .pensée qui se préMn-
tait seirvent sous la > (orme id'une. griinde et mystique
élégie^ 'il'possédaità un haut de^.tes.qqelîtés que L'idle-
magne «irtoutréelamait dansim apôtre de la .liberté hu-
maine. Ce fut d'abord un rêveur, un fou mélano€itt<}ue,
pour les'cardteiaur si positivistes' de ia Reima oathobqpie.
AuGur^'d*>euxiie pouvait er^re à. ime défaiUance.de^ia . pa-
pauté , à > une réforme i des >.abiu6. Loraqu^n h^ prit au
sérieux , c'était trop tard , de mouveiDeiit de l'AfienMgDe
avait entraîné ia paptie< la phas^izitdligente de L^Euiope.
Peut-être Luther a-t-il dû ses triomphes beauccrap plus
h la prédisposilien des esprits qu'à son talent .naturel ; il j
avait chee lui plus d'irréflerâiD*etd'iDaprudeiice que d*aiH
dace. Le christianisme protestant oaaadqua bientôt. d'ufiité;
chacun Téclam^ son droit et voulut <, les éciitures à la
main , se faire son dogme.
Toute rhisloire de la réforme aUemanda est palpitanle
d'intérêt et* présente aux historiens les plus magnifiques
tableaux à dérouler aux yeux de leurs lecteurs. Le fond du
paysage e^t occupé par les chAteaux forts de i'Altemagne.
Ici, au pied de la montagneuse fbvét de Thurin^e si
gran<fe par ses souvenirs , le vieux castel de Vaitebourg, de
l'électeur de Saxe : ce moine qui cause avec le diable en
une chambre sombre qu'éclaire à grand'peine la lueur d'ufie
lampe, cet hallueiné, cet extatique aux joues creuses, au
front brûlant , c'est Luther. Tous ces hommes bardés de
fer, qui s'agitent aux champs et sur les routes, ce sont les
nobles de la Germanie. « Nous avons régné à Rome ,
» disent-ils, et Rome nous a gouvernés ; rompons avec eUe,
» et que l'Allemagne recouvre son indépendance, a Ëoten-
dez-vous de loin leur tumulte et leurs ciâfi. L'unité leur
manque ; s'ils l'avaient , Rome serait eutièremeui perdue. —
Nous voici sur un plan plus rapproché; nous assistons à
la diète de Woms. ici, les figures se dessâaeatde plus près :
Luther se montre grave et digne en présence .des baioDS
allemdnds et de Gharles^Quint, 4{ui regrettera {duslard de
mr «ECU» 797
ne ravoûpoibt lût déeajlîteiv^..coiii]iie)si la moxi, d-iio
homme pouvait tuer une idée. « Prince ^ dit*ii «vïqo toi^te
» l^élévation et toute la gràoe d'un grand poèidi avee oette
» .eeeentoation si vibrante qfae donne un grand périls je ne
». puis rien révoquer, ainsi donc encore une ioia et nne
ji dernièoB rfois pour (oatea ., me voilà; je ne saurais dire
» ni faire autre ehose. • Que Dieu me soit on etde 2
» Amtsn 1 j> o .
Entmna dans* €& cabaret '; cet homme palet eiténué ,
demi*4ttortv dont le? fsxmi ruisselle de sueur ^ dont Yaéi
éàineelie^ o*e6t:enoore Lutiher; il avale d'un .trait de la
biàre de Brunswîeh en un pot d'argent. Bière et pot
viennent: de lui être remis au nom du vieux duc Éric, avec
€6 billet : . >
« Ceiuir^là vient de parler eomrae nous, ne Tavons jamais
» fait dans nos pins sanglantes batailles ; qu'il boive donc i
» sa santétet à rhounenr de notre Dtieu. -^ Le cher duQ,
» avait répondu Luther^ a pensé aujourd'hui à mon pauvre
I» corps : que le Seigneur Christ pense aussi un jour à l'Ame
Il du due sov son lit de mort. »
Voiei venir maintmant la réforme des paysans. Les
voyez-*vous: ils se lèvent mal armés et sans ordre* EkO
lliâS , Baldringer en commande dix*-huit mille. Ils ont une
charte. ea douze artides , et cette charte , la voici :
1. Les paysans de l'empire d'Allemagne choisiront eux^
mêmes leurs prédicateurs» qa\ prâcheront la parole de
Dieu pure et évangélique ;
3. Les paysans ne paieront que la dlme ordonnée, par
IMeu, pour subvenir au soutien de leurs prédicateurs , de
leius pauvres et de . la localité municipale ;
5. »La servitudo, contraire à la volonté do Diieu , n'eus-
tera plus;
4. Lib^té de la pèche et de- la chasse ;
6. Liberté du bms;
6. fiiminution de& services forcés et des prestations en
nalnre; . -.ft
7. Les paysan» tiendront aux siâgneiirs p«r un tiraité
libre et légalisé; . .
8« Iléniiiiatîonde'ViinpôtâcigDesiial^afiiiqiie les.paysans
34
799 PHi^pS9P^J3
u^^iejit plus, .besoin, d^.viçiisec .tq^ft le.rc^TJBnu.d0 ^vx travail
<4aias.laMîW6sc.()cs$eigDem^; . • . ^
^.. RédaAUûii.dVn .codeainapleet iptelligible; .
...if),. £^eQX)que §6 sera i^juslement approprié desbiees
cgpipmpaox, les rendra à la cqnumme vitlageoisQ ;
U.;M,taxedâ,/(i, Morl (x'esti-à-dire Uai^ent payé «i
curés eu ^s de décès) cesse?a, afin que les veuves, et les
c^^'ghçlins ne restent plus à découvert ; ,
^i^% Ces douze articles ae seront retirés que «und les
a^versaîrt^s en auront démontré la fausseté «eloa la SAk,
; .Grand fut llGait)arras de Luther, Uapûtre d'une liberté
purement spiritudle. Ce pauvre poète. ne yit.daiis la de-
mande des paysans /{ue lœnvre du diable; toutefois sa
pré4ic^lipns contribuèrent pour beaucoup à ral^tir 1 «r-
deuf {)|oliti<}ue des réformés, et à faire tru^oipher le neu-
vement dk la liCjblesee qui mt pour eipretfiion la dédara-
tipndiAusbûurg. — Zingli mércteitait uneipage entière. Si
lubtc /9finée contre les catholiques sutsaes et sa aoaort oSb&a
le, plus vif ij;itérôt. 'Aeauté, noblesse, doux langage , ee^aii
réellement civilisateur : ce réformateur avait ioiEt fiour
lui-,
Le .christianisme , à son début , afvait aa ses yisioDDaires
et se& eiitati^ues. L*extase joua aussi un grand rftladam
le {protestantisme ; mais nulle part las malsMlies moiales £t
QOjdtagieuseiB de rhumanité ,. ne se manifestèreat aiore avee
autant d^ force que ohez.les anabaptistes; m. en vit se
promener dans le costume le plus maêunl ; ils |iiopliéli-
sai/ent^ en cet état, le retour au paradis, terrestre; d^«utres
en citliandant .la •nourriture du oiel, la madone et les cailles
du désert, se laissaient mourir de faim.; d*autfes eoMriieflt
les rùes>, imîtaniles enfanta, pour se recwlce phis dignes
deT^mourdo Christ; d'autres rétablirent la pelygami^
jiiiye. Munster deviot le théàrtre deSiOMltflttîans les plus sé-
rieuses et les plus folles. L'espace nous mwqna ici pour
e$quiss€£;Wiij^anB de iean delie]rde»^ilaifqi$iiûàt6.v ora-
teur.,. e:;^tatique, roi évangéliqtie et messie; celle du.àoa-
lajwgenifatiiisan^ pouphôte et .oYlalfiaue.; iseUe de la fille
Hilla,.qui se crut une nouvelle Judith et qoe'^^'Ado^
pherpiç. ât déq)ipter,4,.celle& ausfi 4e la iiurowe « jfocfce ,
BC SïÊcw. 799
de ses trois flUes, de toutes ces refligiéuées , de (otites ces
femmes qui participèrent à répidétnie morale de Munster.
Sur d'autres points, le mouvement insurrectionttel fles
esprits fut purement politique : un ancien négociant de
Lnbeck , Georges Voulenweber, se mit à la tête d'une ré-
tolte démocratique , qui donna.pendant deur annéto , tiux
oirmers , le gouvernement de la hanse teutoniaue.
Voici venir Calvin : c'est à Genève que s exerœ sot
aèiion. C'était un hotnme austère , mais dur et bilieox ,
qui se sépara de suite des autres protestants , pour ratta-
cher sa doctrine aux fbilnes républicaines. Orateur médiocre,
écrivain distingué, il fut un législateur sec et sans gran-
deur.
Le protestantisme s'étendit à l'Angleterre et à la France*
En Angleterre , Edouard VI introduisit la réforme de Cal-
vin ; Marie , sa fille , rétablit le catholicisme à grands ren-r
forts de persécutions : elle fit brûler, entre etrtres, Thomas
Kramer,' archevêque de Cantorbéry. Ce fut aussi avec les
échafauds que le catholicisme, au lieu d'invoquer les
armes de ta raison , se défendit ea France. Sous Henri II ,
l'édit d'Ecouan punit de mort les protestants , avec défense
d'amoindrir la peine. Après de longues années de luttes
à main armée , les réformés avaient obtenus la liberté de
conscience et des places de sûreté, lorsque C3iarles IX, «ui
voulait pour tout hagueoot, messe, mort on hsMilh, les
6t massacrer la veille de la Saint-Bartbélemjr. Quelques
hommes généreux , comme d*Harrouis, le maire de Nantes,
donttt est parlé aux lettres de madame de Sévî^é, révi-
sèrent seuls de se transformer en boinreaux. La Sai&t-
Barth^emy tua beaucoup de protestantis , mais la pensée
des Téformés sortit victorieuse de cette épreuve : i éqnsté
la plus vulgaire j^ouvait'-elle mettre dans la balance les
assassiils et les victimes t — La sainte ligue vint ettsinle :
partout cette union féodale et catholique fit appel âjox bru-
tales passions des masses. Tous les moyens « démagogie
populaire furent -invoqués pour combattre le protestantisme
et faire aox Guise une grande positiim. L'avènement dé
Henri IV an tMne , en lSd9 ; son entrée à Paris, ea IfiSf;
et la publication de fédit de Mantes, ^en iMS, pacifièrent
8Q0 PK|X.Q$OPH«
lâ ,FcaQQe<: H^nd lY» jbrskqa*U fut assassiné , Tarait Toria-
nisatipâ .d!un séuat .eurepéqn , chargé .de. r^ler, commt
^vptifc^j,, ,tau^es.les difS«:ultés politiques des pr^icesi!
. Apicès. d|ix-huit années. de. diâ^culté^, Cri^tqphe Cotoiobj
rmf„d^s |g^«DdsJi(^mes 4p "^^^ ^9 ^^ iferop^,. avait dé-
coMY^rt <VAii;i,éx;jq]ue, en 1493 ; Vpscbdô GdiD<ç^,afYâj.t4out>lé
li^^ap.^jeponp^Eapérance, eip 149T; et Jlei;SQjî!ii^fi siècle
était <^ .p€^»^ ouvert que d^à r£uro^. cpno<^ssai( TAmé-
riqvi^. dUfMordf )a Guyane, le fleuve; des jAi^azomos et le
BicéaU.iEM l^Mtv ^^^9^^^^^ 1^ ^^^^ ^^ ^<^^ ^^ '^
S3($tèine <^loni«l ; de. 1^16 à 1591^ Courtes s'amp^rQ du
]Iex,ique.; de 1539 à 1555, Pizarre et Almagro ravagent el
soum^tteat. la Péro^. Bientôt.leç.Portugai&piçfnneot leur
part de&.nauyelles déc;o^vertes ; yieQQ0n t eqsuita la HoUaDde,
rAogleteirre et la France, Le commerjoe ^éditertanéeB
perd de son importance, et les . voyages de jQpg-cours
rempkicent ce que nous appelons aujourd'hui le grand
cabotage. - .
Ce oiouveizient s'accomplit instinctivement , saBs ém-
tim^ ^ms conseience.de l'avenir. Les mines d*or, d'ar-
gent, de., mercure, Texploitation de grands bois et à
terres fertiles , les épices, le sucre, le café« le, riz, le»
échanges des comptoirs avec les indigènes.^ donoèreot
bientôt à la marine un incroyable élan , et In circidalion de
continent à continent s'accrut sans que les chefs de$ Etals
susseat se rendre compte des rapports qui doivent exister
entre ces trois grands phénomènes : la production, b coq-
sommation et la circulation. Déjà le moment arrive où ror
et l'argent ; seront considérés comme les seules riebasses;
où, par suite de cette erreur, l'Espagne et d'autres con-
trées s'opposeront à leur «ortie ; oùl'on croira tout eeian)^
favorable, s*il rapporte plus de valeurs d'or et d'ar-
gent qu'il n'en exporte, défavorable dans le cas odoiraire.
Cependant «lalgré tout» l'Europe s'enrichissait; mais '^
sang 4es faces noires et jaunes coulait k merci. D'ua côté,
la bienbeuodttse inquisition détri^isait des iaunets. eo P^^
nombre; de l'autre, l'esclavage faisait déchirer à coups
de fouets des milliers de travaiUeurs africains.
Iteut 'pelt^lôs »ta«ricàiri^ ', hé îKricaftïs ël'l^ Péietitfeti^ i
méritent ici quelques lignes", leé Mftcidattis' étaient 'origi-
naires (fe lâ'Califofrtte, ôûTcm tient de d«6duvWf d(3
grandes villes abandonnées qui témoignent de la véracito
dé lenrs^ traditions. Ils avaîem ttn ealëndrte* filns ^«iWait
que lenfe vaittqueaTs; leur gblivemériiettt Stàît 'féoAl,
leur a^rieultore avancée. Ife immolâlene"à letrfs/rtettt* ites
victhnès hun^airies. -^Le* PémViéné étalent soèirils â une
théôfcratîe commntiîsté tfès-patemellè et très-habile eri son
gbuVemen^ent: Ife né faisaient point W guerre éui ^>eil^és
pour les détruire , ïn'ais peut* les dtilîser. - L^utr *gKcttltaîé
usait'des irrigations et des" engrais' avec trae'reibahlUable
habileté;' leurs fourneaux à fondre l'argerÀ étaient bien
entendus. Mais le fer manquait à ces deUi' pèrtpfes : an
pretiiier, qni était guerrier, pour faire de grandes côn*
quêtas; au ^second, poifr mettre sa dvîlisatioii matérielle
au niv^h de sa civilisation morale.
La guerre de trente ans, la paix de Westphalie ^ quel-
ques tentative^ tiéptlblidaines, les progrès de' W ttiyatrté ,
les deux révolutions d^ Angleterre , la persécution dès Mèui-
res, des taudôrs et des protestants , les flibustiers, la fon-
dation des premiers États qui devaient Ittrmer M Siècle
suivant la république^ américaine : voilà les Witslës plus
saillants du XVH* siècle. Nous allohsles faire' connaître et
tes interpréter. . ; .
La guerr^f de ti^ente ans' commença par dès rronblès re-
ligieux et politiques en Bohême , en Moravie, en Silésie.
Deax lignes se formèrent, Tune dite évangélique, l'autre
catholique. En dix ans, rAllemagne fut vaincue. Ptum un
détêft qu'un pays plein d^hirétiqttêi , disait Ferdinand; Dans
la senie Bohême , il faisait expulser cinq cents familles' no-
bles, fct tfefrtte-vinq mille familles bourgeoises. Six cent
mille 'Volumes forent brûlés en quinï» jours ? puis, vin^t-
deut mille prêtres hussites furent massacrés par les soWats
italiens et' espagnols de l'empereur: voilà le premier tfr-
bleatt d\k premier actefde ce grand drame. Voici ' le seteond r.
En l%3ky la lutte continue avec les paysans allemands
du Danube ; ils ont suoeessivement pour chef Fadinger ,
808 raïusoFHiB
taiUra^ UAsini jotir il pérîk\, ei après lui- s& Muse f«l ¥ftÎD-
ediei' des pi%es>6nt}èites ne isaffiraient pas à Yacosier ks
crasAiléd dont se soviUàrent alors. Ferdmand U et ses liMr-
tônantât
. ¥t)icir iHi ' «rdisième 4i^l6au • Le bAtari ée Mansfeld • se
aoet ra tête de eontinaer la lutte; il -est petit , a^aigw ,
bknd, défiKi0é par ou bee^de^bètre.^ et ^ n'a pas la' sou.
Personne ne lui vient en aide, mais il est plein éà.ràléat
etée totonté. L'Alsaee lai fmimvt :Tin(;|fr tfAUe aveoCuriars.
IlV>ateacia GbristiaB, leeadet^^de Bronswieh, beanidierar
lier qui portait au casque le gast de la petite^fiUe de Jfane
Sluart, la dame de ses plensées* C'est alors le /tour desi.ab-
bayes^ catholiques d'être pillées^ SainlLibore était d'or jmt
et* pesait quatre-vingts livres : Brunswioh TeiBbiiasse^t L'eoh
porte, après force plaisanteries. A Munster, il prend les
douze apôtres d'argent. Vous êtes des fainéants , iewr dît*
il , et il les fait fondre. Bientôt ces deux obéis sont rqokits
par plusieurs Weifnar; Tun d'eux, Bernard, d^ait èUe
an héiM, mais la forimie les abandonne. En vain Mansfeld
réunit-4l trente itiiUe {Mrôtestanis : il est vaincu par ValieBs-
teîn. Singulière figure que celle de YaUeostein : il est
gralid , sec , maigre, taciturne ; de protestant il était de-
renu astrologue, puis général de Ferdinand IL PartaH il
triomphe , et bientôt Y^ire régné en Allemagne. L» pto-
testants vaineus sont décimés : on les reoennalt aiséttient
celui-ci à un œil de moins, cet Autre le nez, d'auttes me
ou même les deux oreilles, car c'est ainsi que l'on a tenté
leur conversion.
Nous voici au second acte : le roi de Suède , Gustave-
Adolphe apparaît sur la scène ^ et tout ohanige de £aee.
Deux mille Croates venai^at de couper les seins à six.-eents
paysannes ; il les fait prisoeuiiers et les passe au fil de
répée. Sa manière toute nouvelle de disposer les troupes
étonne et suiprend ses adversaires. ALei(àek , il raoipert£
une grande victoire , et bientôt il songe à reconstituer l'em-
pire allemand : Richelieu Vj encourage, de nouveaux succès
l'y convient. Il livre la bataille de Luizen, il est vainqueur
et perd la vie.
AmtroiaàBÈB m^'d^^cemAeSféÉséyimffèàis^} laWmiàÊiÊ^^
beTg' iewmA mm déMrk; 'Beenami do' Wetinar' scrattanlliki
hiite M9» héraôsme .«timeurt «nçoisoDuiév VoptesikHi'Je
gMtteiD^ arrive idwagpai thaise eu pootereirv patfnnÉrt è^idlen*
magne , (kmne se& ordres et gagne des batailles. Rtté9> ila
httlè dfrvieiit wiiGfoeiiMnt impémâiÈiè , Qt-l^iFfànoey piVni^
Hm.pAd aetôve , paa*' ses^géoémoe: liireHifce^ (Qondé' «eA
Gaéiariaat, mais dans r^M^iie but.dfabaisserkiimtaiiBQiùn
à'Aoiffiebe.' ■•' .-' '.•^r •>'-*!
Jm «nété (ie Wes^kalie eonBotidd la tûnJédératioii geï»^
Hianî^ae^ eli jeoeuaaiflâaDt son exi6tenee:légaii9. ii-^^odfohlf}
perdit h pastie ftttosUenittal française de rMepaagne v
VBspagne, la Hdlasde et le Portugal; la S«ièâë devim
neiobr» ée l'empire gemMiniqae ; les répR]bliqu)3»'dier.Siii56ë
et des Pajsffias. virent Gonsaerer leur^indépeiidaiiee. Ainfiî
fut étafclœ ee que T^n 'appelait la balance ffokttiqudt (de
l'Europe. . , î
iitfi teaioti^sî 8épiiblieai»esi de ce siècte 'eurent lien ; à
6ènes, eèi les plébéteos eseayàienl en rainr de ^'etnpareiT
du pouvoir; en Catalogae, où le mouvement uvatt' poor
bvl de iséparer cette proi^ime de l'Espagne; en FraUfiO , où
les cheis aristocratiques du protestantisme, tons ^^a reMe
tràs^libéraux et très-capables , voulurent organiser une fté^
pnUiqae fédérajtive eon^osée de huit provinoes; à Naples^
ea 1647;, ou Mazaniello régna un jour et fut empdcBOoné
par fe vtce^roi le due d'Avcos ; en BoUando et à Oenère ,
€à il se maintinl et fat veoonou par te tranté de We^***
phaKe.
En f676y les jésuites réunirent au Paraguay vÎQglhdoux
penptades soos leur doBaination^ ils orgaffiisàrent en^ ce
pays une répnUique théocratique et commuiiisle, anatû^aè
en son gence à ceîie que les Ëspaignels affalent détruite ati
l^tou. En i69a, ils entr«f>reEiaient la conversion des Chir
quitos; Le gouvemeiaettt des jésuites donna 'souvent
imueMirp de bonheur matériel ans popnlations ; maôs ce
fiit en dégradant: b natnve bumaîne par kr suppt^easio» la
plus afaBoluede la Kba«é et de la^»oala(néité, e» rédmsant
les indiens à Tétat d*a«t)ittates.
En France et en Suède , la royauté devint toute puis-
904 psiL06d^]ttÉ
voldi^té'du fHdiiplé m unAqtiènièiiten tMtined^ la noblissse.
En 9rAÈke&\ Ldvis^XtV «rrive à ^èi1»(d nsseZ' <ptli0l»attt )Xjtar
dwe t'!«r ("fiMi, c'est ioroi » ,^êl>«réer^^mtâunismégoUt4Bff^
B«t»èiyt&I Que i)6iâiucotit> âe pttblkisted irréfléchig' «cotffeft-^
dl^nl; av^é l^Ultéydû-^dYiMr. -^'L« ^ègle^vt^t Qb«'î«Aiîoitt
les intérêts nationaux appartietifif^ïiit:* UinaiiM ; i^epréseB-
tée selon son désir par un gérant à temps , à vie ou béré-
ditaire ,' tfa pèflr Un eonseit lâoni d'une éétégatiOn';*ïatft^ les
ifité^tS' ootiitnûiiaui' «ont «d'essefK^ ^eotuo^MUe ;' ^'i«& ml4-
^è1» indfviduës'dont dtt' domine de^yiÉdhidul i^^is Sil¥ ,
en se {aisanr^bsolu'éu li&u d-6tre seuiéntenl^Ia peirson^-
oation désintéréls généraux de 'Pranoe^^préparafo noSne
d<^ sa dynafiiAé. M Appuyé pai^ la liberté indiiîduûRe et la
hberfé des eommuned , il eut été* sittgulidtetnelit plu^ puisr-
sanl) el île peuple (pètiçais ti'eut pàà'<e«r peut^tm à- subir
les douloureuses épreiuves de 89 , 95 ^ 1814 , 181â'^ 1830
et 4848, -- épi^euves penéaM lesquelles il n*« 60* praliqMr
à 6on touriilte liberté kidiviâuelle , m lèivéritable^ liberté
des communes; - -
L'eaprit d*«ntolé^an<!e Teligpieu^ a eomm» , au XVII* aè-
de*, de igramds crimes contre les in^i^idus* eV lee deciétés.
Il débute en Espagne ( 11609^) , parprosetè^e neuf cetrl oniie
Maures. Henri IV, qui avait une grande politique , *a€<sord«
le passage libre et du pain à cent cini^ante miHe ée ces
malheureux qui se réfugièrent dans lesÉlats barbaresqucs.
Tourmentés enBei^que, les Wallons se saovèri'e&t en Hd-
lande. Dirigée par les Nassau , famille habile et libômle ,
cette partie dU' corps germanique arrivait à la liberté après
trente^sept années de lutte. Les Espiagn^,' dame cette
guerre, avaient voulu traiter les européens comme les
jaunes d'Amérique. A Harlem, trois mille personnes,
fémknes, enfants, vieiltards, avaient été attachés dos à dos
et jetés à la mer par ordre du fils du d«ic d^Albe-. I) restait
encore desYaiadois dansle royaume adoèl^Piérnool : en
16M, Louis 'XIV ^ida A' leur extern;^atioavi»^ l^ur
prinaene tiff'da pas à reconnattre qu'ils 4t«ie»^ 6ed plas
iidèlesv sujets , ses meilleurs agricwkeurs; que* cette persé-
cution tl^uctiait è la richesse sociale de son paysv et leurs
àéhris forent resftfdési tNoufttDeiraaoMer^Nis point iciiles
souOraBces des protesliantô^aiMM te «ègnedd eeitiii que .si à
tort Ton appelle^le granij m z* les âiagi^i^^s dè*!!^ let la
révocation de Tédit^de Miant«s 4e .1685 • çhM09i«W!t de
Fpaii^ rélin» de ses produiot&ur&. L'Amérique, TAngleiterre.,
la HoUandev le/Daoeinaii^.et k (Iru^so y gagoèseofc tout
ce demi ia Framoe f«t appattwie-: . t r . , ,
Lapiceaiière révolution britannique mît en |)irésencçrauto«
cratÂe royale et le^aspirations du partemeot k la libarté.Hdiiie
heuteuique Louis.XIY, Ctiaries l'^^fgiiC vain)ça:etnii$:à movt
le 9 février i6i9« Trots paeiis saidkvisaÂeat «km l'Angle^
teiw.: les uns voulaient la néforme des abus par^rautorité
royale eUe-mème ; d'autres^: uae réfocm^r polkiqua^.boauH
coup- allaient pluB> kw et prétendaient fgOHveiiaer les
églises par dea assembiéesfplus ou moins démoaratiqMS.
Les républicains 'formaieDt OR troisième parti ; eeuK**ei voi»<
ki^it (Ranger • entièrement la forme du gwyemement • y
mais ils ne compceqaienl.fMi& açsez que la fon^^etlaiond
sont solidaires. Après douze années de lutte ^ Groowwol sa
fit nommer proC^oteur. Sous, son . gouvernement t L'Ào^e*
terre grandit beaucoup en influence ; apvès sa moit yiiU
TanaFcbie, puis une restauratioo^que prépara la Irabifion
de Monk. . . < .
Charles VI monte sur le trône en 1660 : les treize
premières années de sonrègne tirent triompher Je oatboli**
cisme, mais le protestantisme était trop puisaanlifKmr ac-
cepter Tabsolutisme religieux , et les communes imposèrent
au roi le fameux aotodu test. Intolérant à son toor^ le pro*
testantiane voulut que tous* les fonctionnairea publics re»
nonçassent au dogme de la tracâuhstanliation et commu<*
niassent à l'église anglicane* L'acte de Vkabioi cwjnu vint
ensuite; cette loi interdisait la traxisportation « aecordait au
prévenu le droit de liberté sous caution ,• eiiig^ait que la
cause de Ten^isoiittemeEkt fut ju9tifiiée,:et donnait à Tae^
cusé des jug^ dans un temps limité. En deuxiomots, eUe
créait et garantissait la liberté individuelle t œ fui n-exisiait
pas encore dana les monarehies européennes.
Jacques II, monté sur. le4rô|io en 1695, favôma siogu-
34*
soii gendre, Guillaume dOraoge , chef de la Hottande,
d^acqtia Wi AngletorriO^ ei .r^nv^ecsA U rpgrAuté fm&k
, Ce fu(> m XVIl^ siècle qae la dyi^âlie nustse . (tes^ Ao»i-
poff mon^ «vff le trftne , .<4 «que la Qongrie devint Itécédi-
^aire^dan^ la ipai^on d'Autrichf .
.La moyeiHA^ levait eu ses rou((iersrie| s^ tmàimVffi i
^BQs de saoet. deseorda : le XVII* slèoV^ wt ses.boycaottrs
et ses flibustiers, Ua mai^ de rAmérique du nord d des An-
tille» et de ila fialiforaie fui^eot le tbé&ice de laurs expidiu.
Gromwel, ew)B»e jadis Dugue^cUn , eut l'habileté de s en
servir. Ces écumwr&de mer .ne se. donnaiwt.jpas pour 4e
petits* geotiWaoniffws ; ils m fai^i^at au^urplui» qpe i^-
ter à leur profit, au sein du Nouveau-Monde, les scènes de
pillage «de meurtre etd'inoândÂa^ qui- désolaimt i-nooiefl.
à roooitfîûn des questions religieuses
Lee petséciitioDS etereées^ en Eurojpie, par l'iotelàraQGe,
lurent lasourocidea premières émigratians dtna les eootrées
fui ioimeot ai^ourd'bui la république .a«»éricaioe. En
1630, des puritains anglais cherchent un refuge daçs
TAmérique du Nord , où ils commencent de grands défii-
ehements. Bû 1^7^ nouvelle éoMgration. Dès 1^ , ies
quatre piovinices de la nouvelle Angleterre (cMrment ooe
eonCéd^tioD sous le nom de colonies unies. En 1646i de
BOiiàhveux. pUnteura s'établissent en Virginie. En 1&S6.
des quakers wpulséad'Ang^tenre se réfugient daas l'Aisé-
rique du N<Nrâ. £n 1660, beaucoup d'entr'eux s'établûseot
ra Vîi^giniev d'autres, en 1663, passent à Rhode^Islaad,
où, par auite de persécutions^ Rogo^ William , le fendal«|r
de la secte nouvelle des baptistest s'était réfugié et.âv^t
4;iéé un état civil qui ooDsacBait laUberté des eultip la plo^
absolue* En ±665 , Loke donnait à la Caroline m wi-
mmi dû l^slation. La NouveUe^Yotok date d« iiU\ \^
Louisiane se peuplait en 1679 ; la Peos;lvanie e/k 1680.
Penn, en 1682, traçait le plan de Pbil«4elphie«.£ft 1^9,
JMi Mbsylyiitïtfe doit être •eoii9lA6i^ «Mililëi^i^
ppMiiêrs Etats cpA «tiMi ()Os$édé nm ce^\i\ilMt^'iê^h'
ment humaine. Non content de Tacte ministériel '^iW^Hàfs
q^ inr fivraH te^ terte$"aiBâiéeMdi}ia8, P^rlW fH^rè^ftè^ sa
oMiaes&iM^HHr lès^mhii^s'^ imys^iPuut dè^tèiM«*t}Rbyën^,
dans la PensyWanie, il suflftiaît' A» 43t5i««"ft 'dn ^ti-â^^^
prême ; d'être chrétien en morale , pour participer à l'au-
tdrMé;' Pem ^n^daiit tiî rel^fi ' dbniÉmtitei; ut ' ^Mrgé
salarié^ iii'confnbatiotosïcn^éed. Leârdetis^iéfi^ dis^^Vd&c
étaient oéoessaires poap voter onMimpOt. Les- (;k^ibîmaa^
eUJPMH poor nnasîoa de pt^tBtiii' l»s proeès et ies^crvmèfs.
Le gouvernement ha réduit', ^ns sa répuMiqaer, %*Vëral
de fiiniple adÀDinistralîoD. -^L'apptoèralion dte ce-^ystèrM ïi
doûné d'dxeëllentes traditiom aux Etals actuels' d^l'Uiiioit.
xm^^ siibciift. --^ Les fuerres reli^jîéttsee sont lermlnéesf :
la toléraiiGe a gagi^ quàque peu- def terraiH'^ sofVont chez
les personnes des classes riches; mais aussitôt eamrmeneent
les gfterre» pôKiiqcies. L'Angleteete, la Vt«Me,>fE^p«gine ,
la Prusse, F Autriche el la Russie sei dîsptUenîki pféfW-
déraMè^ penéaitt que la Turquisi^ à pavik ée^'sa^éfeîle
sons les murs de Vienne , par Jean Sobieski i s'ifffais^ et
s'ail}oin(k»t. • • ' « î
Au ]&VUI^fiiè^, l'Angleterre, si li^ië en charbM de
terre et eft minepais fiaeilement e^toitaMes, dMsoHde'sa
purissance îndastneUe et oomnaerciale^ Btte émàii*^ffmîfr,
sous ce double rapport , an premier rang dam k» pi^fBièi^,
moitié de notre siècle. La Rassie akirs se i^tiète^ ecMMine pou-
voveOAtînental : en eifriinant dies ten^teaces antKeivUisë-
toices, elle perd moralement', de nos jours ^ ane^pai^iè dès
a^anlai^ que lui pffoouffenl^ une' diplbmatfe frè$»aabile ,
de graodee richesses temtorîales el d^ncessantes oonquêfies.
— La Prusse s'aggraadit , ^as^ Ftédéric, juèqu'è^ devenir
une Missance ^e preniier ofdvev -^ L^utrichei, soàs
Josep» H , tente* de grandes réiomiesi ^^''' La Pélegne
parlagée cessa • di'^re » une ' barrière aux eïivahissements
môeeotites. -^ Le nouveau taoïidé donne à l'ancien des
80B vmiou^wa
leçoDsi dd'iibérilistBe , et safiranehit' dd) sa 4uteUi»; i^^ La
F«an€6 devient'le'foyer des pins grandes înitîatioiiS'Sou6-te
]!tf>pe0t da ccédM V dies slieMas ; -des attS'^t dM idfes *{jlû-
raie , mais siidpleiiDetit i d'une >(Aiarpe|ili^ destinée' à nsiier
eiltrer eox Les priiicipauii faits d-ime' Imtoive de rbàma-
La paix d'Ulredh teroAina'^ne gÇHifrë'sÉSDitéei par-it
succe»ion^'SBpagiive>; ette fut faeilitée pat te batailler de
Oenain*, quegagiia le mafëciial de Vitlars,'^»i;Ti9; bMs
devofB la. noter ici, à catise^des positions itBspe<!iliTeB q«^e
donna <aox dirnses^ puissaaœd eumpéennes.
La maison de^ BonrtMCtn (^le du temps) Mi l'Bspâgne
et lies* colonies. ^^ GeUe d' Aairiohe , leë- 'Pays-Bas , te Mi-
lanais ^ Maples et la Sardaigne. ^^ Laonaison de Savoie,
la SicHe et- ia*'Siiecession éventuelle de l'Espagne^ «-^ L*An-
gleierreiMçiit,- comme compensation, Gibraltar; Minorque,
TerDo-Meuive, la Hollande* et des^ places fortes pour se
défendre an besoin contre k France^ --«« L'électeur "de
Bk-andebottr^ fut reconnu rbi de* Prusse. »^iU fut stipulé,
de > plus ^ que les couronnes de FVaii0S «t d^Espagne ne
poufroient être réunies. . . . - '
La Russie n'était qu'nne puissance en puissance d- être :
le ozar Pierre fut* son révélateur. Son testament im traça
une politique trè»-égoïste, mais fCNrt habile pour lefteAips.
Sa veuve, €aflherine I'*, lui succéda. Menaiikdf, son conseil,
continue T'iBtivfé eommeneée. Pienre II vint ensoite ; puîs
Anne.,' qui confia 4es pnneipaux postes admioistratUs à'^es
étrangers ; poisfiiisalMth , qui eut pour tendance d^afi^iiMk
la Prusse. Pierre UI hérita de cette prineeese ; il abandonna
la peliftique de l^ierre l*% et Alt victime d'une eôns|iir«tion
à la tôte de laquelle m troamtt Oatberftie H , son épouse.
Celle-ci reprit la politique de Pierre I*^, qui élak dé Mlisti-
tuer un etapiro européen ^avee OonstahtÂioplé'fjim^ capi-
tale. EUe donna à la Russie la mer Noire pûHr iliitiil^« et
mourut en 1796. " — Cette politique a fait ^sotf 'ietn)te :
c'est en se civilisant elle-même , c'est en perfaelioinaant
w>siàGUiv 809
ses toutes et seamDyensdeie&flQdmuicatîttivefest.eBtéte*^
vaoi 865'Seiife À Télêt d'fcb^aife^esfibre&4 9ës'(binif^oiB'»Hfu
lùiffMu dts marcbands diil Fra«»'iel''(yAiigkitanrei;l>c'oet! en
accablant de bien-être les Polonais jusqu'à leur faire oïdlÀier
leur nationalité ; c'est surtout en multipliant ses écoles des
deux sexe» et*, ses universités ^fue la» ftussie Courait' «nriter
au premier rang^ auquel là^ocMrientUtprtnligieusefertililé
d'uQQ partie df^iStm temitôirei^ soa. îmittenae ^étettdue, «de
fortes institutions communales et de grandes assoetatieBS
qui oe âtonan^ent quelle .rayon é» la soi«meë. ^ ' - ^ >. :
Au commencement du siècle , pendaisii^fl beameup de
prîiicesi donnaient •I'ex0mf>l0de laidémoraUsationv ¥véiin&
Guillaume devait ayeo une grande sévérité le -prtufite de
Prusse et son fils^ CekiÎHsiiui Frédéric«-le«fimid. Arrivé au
tr&ae en 1740, ilsa montra /littéraleiur éclairé'^ •fihilo»]lhe
tûtérant , administrateur habile et grand homsie âè guerre.
Infatigable , il se levait àr trois tienne», et s'oGeupaiC chaque
jour près de sieiae heutes d'une rnani^ séiieiisBi Sur hî
poFleâe son conseil d'ÉHat il fit inscrire , en lettoes d'<yr ,
ces quatre mois: JUBTiGfi, orbbb, tBavilL, jroLfiRAifCt
RALI0IHD88. Pendant que ledespotismecamprimait ailleurs
la sais<m^ la liberté d'écrire etrla libeirlé d^dusatiofei^ la
Prusse formait un lieu d'asile où se réfugiaient les esprite
indépendants. Le vieux Fritz, ainsi l'appebit son peuple ,
fui lebéposde soip époque. U fit son possible pour que la
jusUce fut juale et à b(xi marché. Il mourut en 1786 , ^rès
avoiir singuliàremeut contribué aux progr^^de la- phiioso^
pfaie allemande. U commit eependant. une graB<ie niuieeR
sa vie ; oe fut de coopérer au partage de la/Pologne.
€e fut h Berlin que peu de temps a«aa»t la révolutâon
française , Kant publia le joiumal le jUmb philoeo^dûque
qu*ait possédé 1 Allemagne au dernier sièele : c'étailt>ine
revue mensuelle. .11 eut pour oollat)ora4eiu« .lo'jnii Men-
delsehu^Nicotaï, Baailer, Gitdm^ Wolf, les^DeHumbold ,
Schiegekt Fifhte et MuUer.
fin fegard de Fpédéric«leH&Tttad , l'Autriehe eut le
bonheur de^poeséder. uut ampeieiir •Don tnoina: généreux ,
nea jueiaa dém^aé à la réformedes abus : Joseph U abolit
la t^ure^ prodama Findépendance de l'empire vis-k-vis
8t6 pjHboyoPHffi
du pape, décréta h' MAérafidd retàf^iffJÊe ^'immàlpA les
ioff^ , fit oomiyoser des èant^uèsaSeifiàiiâs potiffee^eer
leë Gâïitiqmaiatiiis, condâmaa ati pikirl; tout oommé^aniDs-
nakit, UD eacroc' de hatit parafe, le colonel Ssikoufy, ou-
vrit aox.bAiards fo saoceasîon de leurs pères^, pont' èm{)<^
dberta oobl^ae de séduire^ led ftHes de la boorgeoisie, et
supprima les privilèges de la noblesse hongroise qu'il sott-
mit à rimp6t. Ces réfortoes^dorthi^eiit4iett àde tiombifeQses
dilBcttltés. La iK>ble9se bûngrôisie qui cosiptait iidatteoup
de protestants , était extrômemeni libérale ; elle avait déjà
pris rinÂtiati^e des réformes, mais elle feosiMskiçulière*
ment à ce que sa constitution ' fftt respeeiée. Eite Toa*
lait avoir ellennême le mérite de pM^cikimer' vis-à-vis de
sa nation les améliorations désirées et dé^t'abies. Un sen-
timent légitime de ses droits ne lui permefftait pds d'aeeep-
ter une intervention violente queUe qu'elle fut, du moment
qu'elle n'était pas légale. Les actes de l'empereur, qui
n'étaient que la continuation de' lapditiqâe de sod predéces-
seuTf et qu avaient pour but^ à tbté d'améliorations rédles,
de réduire d^antiques privilèges au profit de la royauté*,
donnèrent lieu de sa part à une juste et légitime agita-
tion que compliquèrent d'autres mouvements 'créés aosein
de l'empire par des améliorations utiles et légales.
Joseph II mourut en 1790, après avoir été contraint par
la mauvaise fc»tune de revenir sur quelques-unes- des ré-
formes libérales doot il avait voulu faire jouir la^ peuples
h la lète desquels l'avait placé la providence : tl mmt
wmlu h Um^ tt ne fvi h rMi^tr. -^ Telle avait été ce-
pendant l'éducation de cet empereur, leUe était IHnflu^ïce
des idées du- temps:» qvi'il put participer avec la Prusse et
la Russie, en 177^, au partage de la Polegae, sms <}«
l'Europe y prit garde.
Un second partage de la Pologne eut lieu en 17911; fl hi
suivi d'une révolte à la tète da laquoHa se^ posa l'uii à^
>lus grands hommes qu'elle ait pioditte e'était Koimsko,
'aide-de^amp de Wasington. Son tiabileté' aal latt^^
contre le n<»nbre ; mais ilâUut eéder, et aa^paatie^fet'^
membrée. Il ne resta phis de eel^empire qui» s^éiendiil i^
la Baltique àia mer Noire , qui avait tenu en re^qpact les
t
Tarfeif^,4aiRu«w.et tes TujPQç»,,qpw UvÂlle .l#>re Mif^^-
covie , . jOQcupée exk , 1848 jp»^ ,\q^, AuU^|chi^<^.. 1^3 ; graj:^s
unhârsUés de. ce pays « que le^ j^u^, m\^^ Uvà\^\^, .4e, , Po-
l^g^e,$'bQnaFaient d'avpir créées ,.>'apic]|in4i:^put^et d^fi^
ruieot. L'éiDaBcipation des paysans ^ .^ gri^^d awy/^.pp^i'
lesiiol^les de se (aire aiioer de leurs. vas$^ui(,» J^VMTt 4^t,4é-
fenidue* Les écoles, 04yerl^^i |i ^Ue clasf^e. 44>wii^v^'iFAr
beaucoup de CG^^rS:généro^Xq| £ur^nt. £er{a(^s,,,et |q py^ir
fut €A linéique sorte prohibé daAsli^ P^iQ^d^ CQpemi^.4
Depuis près d'un siède^f TAmériq)^ du ij^^ ..^^«it .le
point de. mire des émigraoLs européens qui.fl^sipfiiqiPVMQe
liberté vraie, et la possibilité de.vivr^ t^ujr^ui^f,,;^ tra-
v^aot. Le^ aventuriers allaient ailleurs^ t§s ^i^oiwpws. qni
avaîwt des babi^tudes d'ordre et d'écopomje, s^ Q^ie^tici.
Vers la fin du XYII*" sièple, de» protestant^ j^ra^^aiset
des Hollandais s'étaient établis dans la C^roli^Q du^ $ud.
Vers 1750» des Irlandais ^e ilxèreatsurU ri\ièrp|,de^i^tée
et fondèrent WiUiamsbourg. Â la n^én^e époqijie , (tes
Suisses s'établirent sur la rive nord-est de. la S^y^niiiab ,
sous la 4;onduite de Pierre Pury , et formèrent le village de
PurysbcHirg* De 174b8 ^ 17$5, le Palatinat fournù de nom-
breux émigrauts qui fondèrent Orangebou/cg, Cpng^rée ,
Wafteréeii Après la bataille de Cullodan » des . Écossais en
grand nombre furent transportés dans la Q^rolin^ dii sud.
A{M^ la paix de 17659 la Caroline ilt un Jondi^. poiir les
protestants étrangers , et les^ oob)na péq^èrenl jusqu'il
oeot cinquante mille à l'oue&t des anciens>établ^&se^i03^n,ts*
Au XVII'' siècle, le gouvecnement d^s fH>tpiûes apléiri-
caînes était propriétaire; mais une preo^ière' révolution
surve&ue en 1719, rattacha direct^m^it iips. habitai|tA 4e
la nouvelle Angleterre à l'administratiande 1^ métropqjl.
Telle fat la prospérité de oe^ contrées» qMB de 1765 à
i77£» la Caroline vit doubler et pl^^ sa population. Ce. fut
alor» que les prétentions du parlement anglais» au droit
d'impôpr lea cokmieft et de les gfimvem^r k* ^ guis.e « jetè>
rent «oe.pcemièrt. et profonde iiyiiiiétudô ^î^ns l'esprit des
colons. Us avaient des cfa^mbresi ou ^sembl^us provincia-
les, qui accordaient généreusemeni à la. mère-patrie les
seoours i&m t}^aH9iihe$oini mm ils a^^taadawit pas
qtMv lanmèra^patrie viiH régter elLenaiilmece quttersgat-
dôi^t 'CWMll^ leftifsnpropces affdices :/ tous, se ^edtakm
bM9ia^s,.^€apat>le^ Qt digaes de lets.oooidaijie. ▲ .Vaeteid»
Umbie^aoïl Af^gtotorre Touiut leac imposer, lo^foolomed
répofidiiieiot .par we «ssœitiioQ qui décida qu'eUesnMè-
teAiii^nt.auQmi,pnMlmt des manufaeturos britannique im^
qu*À:s«iVÔv«0aiida EIW eut.lioli le IS^mars 476& jj^iiuiée
suivante ^l'ADglederne augmenta les droits, surjc^errot le
papier^ U. thé,!lesi eouleui^.^ etc* ; .^aais Tasaoe^^ fui
eoGorevictoneuses et towsoes droits^ e&Qapté oel«li;Siir le
thé,. furent supprimés», y • .
La Compagnie des ladèst.yatiHit on* vaia faire vmdra ses
tbés ea vente pubtique dans les villes de k Nouvelle Aa-
gletepre. Les Améiicaisus ne s'y trompaient pasv tt vireol
3ue rimpôt s allait ajouter partout au prix de la marehan-
ise: aussi se:liguèHrent^iUp<>qp<s'y opposer. ABoalon^des
homoaes.déguiaé jetèreoi k TeHiU trois dent quapaiite caisses
de tbé. Le gouvernement britannique ^ au lieu de les nn
chercbefv relira aux habitants, de l'État ide Ma&sacbusetè
tous tours : droits sociaux,, en les soumettant au bonplaisir
des'gouverneursv' Cette décisiefi de rAngleterre» auasi bru-
taie qu'impotilique , amena le congrès €ontinentdl4el77i
qui n'avait nullement pour but la séparation de la nouveUe
et de la vieille Angleterre , mais seulement le redresseneot
de griefs oammeroiauiE. La Grande. Bretagne ayant <eoplû^
les mo^jens miUtaires, les Américains y recoururent aussi,
mais sans réclamer encore la séparation. Le congrès , dans
une deuxième pétition , renouvela ses fxrières pour le re-
dressement de ^s griefs et s'arma. Cette seoonde pélilioD
^t rejetée. La métropole annonça une guene sérieuse ;«<
M acte du paRleaieut anglais mit les Américains en dehors
de la protection de leur roi. Se soumettre, c'était abdiquer
la dignité d'hommes ; continuer la guerre purement et
simplement, d'etait seoonstituer en révolte : les Amémfics
comprirent ee double danger, et l'évitèrent en^pw^aioasi
leur indépendance. L'Angleterre eut atocs agi sagement en
formant une union comnaareiale avec les£tat6-6iMS« Cétsit
son intérêt; elle ^préféra la guerre, .et la fit en kW ^^
1777 iivee lUntenlioii fbnxtetle cto'^scnimeme èittif»l^»tttd»t
rUnkHi-Américaine. Alors eut llda^uo traM «ittt« U V^tm
etiw Éitftts-Uni^' L'An^ètetiPe i^e^oniiat-M fattlè«!f prd|(f(M
am parlement amérie&in ie redre^Miteiit de^tôUft^er^mib)
mats il était trop tard ; è« ]/)uls,>le'parle«r<«rt^ahgli|}s<Ê['Ml
pas ratifié les-eonventions à^ M\é^és 4e 'son 'gm^tuê^-
mmd ; i) etitagi eomixiê jaâis>t^meiénii0'R>OtiQ^/]Mcei^
la lyoliti^ueéméricain^ iit'aHianee aveé tes idéefi êivllîsa^
trices dont la Fraoee étafit en Europe le i^epré^entiUfit>. 'Gé
fut 60 vâlfl'<|ue les chargés d'affaires de 1? Angleterre vmUi^
rentVadresser'sépavéïDent itchaqfie' ÉtatreeMè tentatiipe
fut repoussée avec mépris; on n'y vit >que lfem())oiiàe eé
DoiséraUe principe : DMàêrpéUr ntffur: Ette' ^«1 tirèÉie
p6Ut-ètre pour résultat de presser ia svgMtutte de l'ffôlè
d'union fédérale qtii eut lieu le 9 juillet 1778. b^ négio^ia-
tiens épuisées , la guerre- recotmoeriça , mais cette fois avec
un tr^grancT développemenn^e forces de lu panrt de l'An-
gleterve. Seuls, 1^ Btats^Uni^ eussent certainement tiridm-
pbé : l'aide de la f*rance leur £ât d^un 'pmssAntseoeurs.
MesfiieaTs de Roohatnbeau , de Lafayelte >el Piebègm , sim-
ple $ous<*€Aicier d'artillerie, se treuvïiient dans (^ette année
qui aTait trarersé les^mers pour leur '▼«hi^ eu' ttide."Dan^
cette lutte , Franklin et Weshitigcon s'imniorfialitèreBl efi*-
tre tous; le preiûi^ qomme hMHtie d'&tat, le seeotid
oocmne général et comme citoyen. La capitula timï du gé-
néral ComwaUis, en 1781 , assura le triomphe des Améri-
cains. La paix fut signée en 1785 , et le congrès eut la loisir
de songer à sa constitution .
Ecarter les obstacles qui pourraient entraver la libre
action de l'individu crt sa spontanéité^ tal* a été< depuis
lors le bat constant des législations amérioiiiies. filles ont
fait de grandes choses dans cette dilpectioineft -donné les
nMÎUeurs eiemples' à l'Europe, qfui vivait d^unte*' vie bien
difféMnte*' . . , .
Aujourd'hui , aux Etats^Ufris , ie' mariage devient de phrs
en pittsune assbeiation de deux citoyens égaux en droit.
La éommoM postèdie presqfoe patfeut ia libeité de préâ-^
der eUeHBème'à' son iorganisation^i; mais tson lien civil n'est
peut-être pas assez tigoureux. *^ Fartoot les misnrs près-
814
eitovditt; 4e graada égnrd^' fo«r .les- fsnuMs»;' partout la
dî^tki hi]9naânèje6l!siiigvliàraixl0alri»s{lèGÉéi8 v aimb aeole-
HittBliàai rleâ'kiidiTiihK ^JBMetibiaiidifi.'L^^éeofloiiieiâft
r«6art;6stiooaiplèt6^ eilandis qufl> rEiirope dMiaflàeià
saft'gatHieinemenfsdoi^aAistit fe garjuoy^^ c'JOrt-à-»dk
d»»pDO€iiffeEJà tous : ^ . • *> < • ^ < .
. On toaxMiil.da&a VAf^e^leforttty . . •:. n :: «^
^ Uoe-ifinUeflse pmfitt^ki.i Vsbii éa&btttoin% . ' «-< '
eew qn la foufenentMqat d'état^eriles^ obstatei qui
YieoâraienteiilU'aflrer lai libertés fies deux voî)e»ioat/leiirFai-
soa^Fôtse : l'Europe est pensée ) de' miitiecics dfecdre poli-
lictua et îmelieetael ,: tanâk qne L'Vokm Âméntoame ne
f enferme «Q réftëté que 4es émaÉicipés.
t<es dereîàreft années dtt^tègBe debom» XIV râeBl^OB-
tiAner, aïonfrHiotftS cbt^ le& perséentioes contre les pcolçs-
taftto : £ait d^^able p»ur la France* et hearenx auiOOBtraird
pour L'iuunamté. Partout .les émigrés feuiçaâa de-^e^
épo^pie moiitoèffent ée& habitudes d!oBdre> * <f écDuofliK,
de tiavail.^ rmdépendaace^id'tine raieeii écMMe, des ver-
tu» doaoestiqites ; partout ils créèreikt. de& industries qoi
n'existaient encore que dans tefor patne. L'EuiDpe et
rAmérique y igagnèrent eingutièœmeot. Le régânl mi
ensuite : tes mauTaises mœurs de la eour et la banquefoole
d^l7iO sîgMlèrent son règne. Aprèe bai, Louis KV^qoi
supprima les jésuites et les parlemunts. Tt»ts favnites
oéÛbre», la duohessade Chateaurouxy la Pompadour ei
la Ihibarry, prirent suec^essiveaiaDt la plus grande pasi aux
affaires /et ia. mortalité de k àaute aristocratie deFraace
baissa singulièpement au contait de la ceor. Louis Xfli ^
$&a .ayéneBMtit,. se tnouyait en faee d'une noblesse qin
comptait en son sein beaucoup de libéraux tràfr^éeliicés;
d!uBe benrgeoisi» iupaftieate ck joug et cdes eeluf^
qu'elle subissait depuis si longtemps ; d'un haut clergé pea
mosal; d'une haute noMesse habituée^ «nxfolla&'pmga-
lités; d'un bas clwrgé honnête , Usiéndi et réeUémeat«difi'
tien; d'un peuple ignorant, mais'éminemment comble et
pleia de TiUtlîAérf 'A/feade^lieiieilA éiéffioats^ FrêiénRfià^
Prusse ou Josepk il «nssest .a«ec«qpiti les piosi g^ddea t^
formes ^ le preciier «n<diri§etait , ]iersaeûQa'e& laisoalit taue
ou «ea «idant de ioutea ses teoesy et* la muiutioïhkmr-
çadiôe n'eut pas été un doiikvraiis catacl5BiBe,«iiia» l'éva*-
lutioD naturelle et ravéoement de tous les^drQ»t$'lëc;itiiqeSi
Louis XVI était bon, mais:kiUe'^<l8 pelke<pot^epéli-
tique. Son inteUigence , natareUennefit trèst^rdinaîvei, ia^ait
subi la mauvaise dûrectioa d'iuiê édaoftticM^ forlimMiplète
et fort peu iMofi^f^ique. Son épouse, Marie^ Antoinette ,
était TâQié de la haute, atislooratie. Sft& itères étâie^l l!uo,
Charles X, la personnifiealion de la couc d» Inouis XV ;
l'autre 4 Louis XVIU ^ un littérateur aseen habile, un esprit
indépendant, mai» Bourri de eette faussa idée : que la
France devait copier rAngteterre en son gaontrement
ascensionnel vers la liberté. — Une lutte cruelle était
iuéri table : elle oommença est 88^ et le luA. d'autant plus
que la naition dut enlever pied à pied toulesses libertés.
L'ignoranca des faits sociaux les plus éléaaei^res et les
fausses, doetrines semées par leai^Jauques « ppaduisirent
ak» de fâcheux résultats. La France se passioanAi^ s'aïQHHi,
lutta et triompha plus d'ime fois pour desi erreurs poMti*
queset sociales. Partout le torrent révolutioanaire-. trouvait
des digues : il les enlevait, si puissantes qu'elles fussrat ;
mais nulle part il no rencontra ce lit pséparé à l'avaime,
qui eut eut permis d'utiliser sa force.
TiziUes pousse le premier cri d'indépendanee^ et bientôt
Rennes , Nantes, Angers lui répondent.
Parmi les éléments négatîfe de la Révolution de 89,
signalons tout de suite les rapports deParisravac les grandes
villes des provinces. U n'y avait alors qa'un courrier^ par
semaine, et il étak aussi long, à eette époque, .d'aller de
Brest k SArBsbonrg ou à Marseille, qu'ai^ourd'hui de Nantes
à Gonstaatinople. Un voyage de Bardeaux à .Pacis était
deux feis plus loug qu'ua voyage aotuel de» Paris à Vai^
sovîe.
Un aatre élément très-négatif ênoore , c'étaient ^ uMs le
répétons à dessein , les idées sentimentales si peu pratiques
de lean4acqueSr Au lieu de partir de ce prmeipe » qu'un
816 PfllLOfilMPlilE
gQUV^mdKQont réformateur doit' avdir'()etr^ mfesiôfi "de pro-
dm^i ^eodiiiie 'k pnovicteiibef aVeo le m^m de dépense
pQ^sible^t fce* qu'il y a de meitleur et ée plus parfait ; au
li^u<de.ocH0prendre qu'il doit ^'atf^hér àutiK^r, selon
l^r^p^niKok, 4e& fc»RDes> paralysées oa mat appU^iuë^ , on
vpiliuV Inviter ipat des&a? ks trani^tionrs pôtlf réali^r de
saUq tme prétendua perfection , et èomthe YMêA variait
d^.chôf da doâtrine à (chef de doi^ttine, il enest résulté, au
sfin .4e&^ iiévoittttonnaires:; 4a pJa& tfli'eQée guerre citile
p wdm4 rcelte ôpoqnai de dictature , si gratlde' ^otlâ 'd'autres
fapp^ss- c(te Ion peut ap^elei^le thgm de la' ConVèntimi.
SftçhpiMr oompireûcke désormaîs le danger des rétotu-
lioflS't auptcMftt quand elles sont purement passionnelles:
leur idûAién qiii^nd elles ont un «araevère écoùdmiqae et
^enUfique. . . »
A partir de 89, Paris devienlV *^ s^î^ dé la vÎBÎIle
Euit>pe, le thé&tre de la- lutte des plus grands intérêts.
Après avoir eombdttn' plusieurs mille ans dans letnonde,
eu des lieux si divers et sous des noms si dMKrents, le
. bpaha)wisine ^ Tesprit de castes^, et la philosophie indoue-
Qiaizfléapno^ ou l-esprit de liberté, sùbstitnaîeni une grande
lutte r^aleHux guerres rdigieuses du XVI*, aux guerres
politiques du XYIU* sîècte.
Le 4 mai y la Révolution oomtnence par une procession
des ordres privilégiés, c'est-à-dire- des fils de la èonqtiête.
Luïe, fierté, dédain, tout fut employé pour hunsîKerte
députés des hommes du tiers^^état, /w Gaulms , les fils des
vainuus, des colons et des serfs. Le 17 juin 1789, pre-
mière victoire des' Cktuloi^ t lears r^rprésentants se consti-
tuent en ^semblée nationale. Le ^, cet isrete reçoit la
consécration du serment du Jeu de Paume, scène immor-
telle que David = a reiraoée. Le^^, la cour reut dissoudre
l'Assemblée. « AUœ dii^e à votre mattre , répond tftrabeau
à M. do DreuK Brezé, que nous sommes ici pérf la force
des lois , et que nous n'en sortirons que par la force des
bayonnettes. »• Louis XVI fait marcher trente régiments
sur Paris ; l'Afl^emblée l'apprend , et le f OJ^Met eUe pm-
te$t0'6¥ec énergie. Le 19, le peuple promène les bustes
de IWter.et duiduc d'Orléans : il est t^hargé paf IsTpriflce
w. «tâciAb 817
(le Lapsbec. Le iS, iLesdèYB IreoteianUe* fuâitev'^bHcfuô
cmcjuante mille piques f.ei. le i4*il s'vmpave de la Ba^iHe;
ce Vieux ^mbole de l'autocratie royale. **^ JLe 16 juillet.
Chyles X, aloirs coiAte, d'Artois, quitte- la 'fronce pbur
cbercjber, da secours ik Tétrauger. Le 92, les électeurs ^^
Paris Qirg^pisent leur oc^pe muaicipalv et le t aoAti'As^^m^
blée QaUooale prodame TaboUtion des titres de noblesse
et des prLvilég^& hér^diiaiires. — Le brahnkanisibe' est
vaincu par la phUoaophie, la cité par le pagne, et les fils
des Qa^lois se posent, a.vea les titres «t les di^oît^<'de
rboouQe, à. c6té. de^ fils des ftcnnaînev des C^eriaates >et
des Prêtons* — Voilà Tua das grands faits derhistoire, TuYié
(les ^andes victoires de l'esprit humain ; «et eependant
quelque chose manque à ce triomphe , quelque €»06e de
grand comme lui ; , c'est la réalisation de ce symbole t* La
femme qui écras$ h ték du êerpenU t ''
La femme fut oubliée: Rousseau n'avait pas' comptîisoti
rôle éducateur. Les habitudas de la bourgeoûié* vicio-
rieuse, las préjugés. de la.nation s'oppesaient à son éga^-
lité civile: Mouàrp lui^m4me, au besoin, eut* élé> inv^ué
contre elle. Kt puis^ dans les familles riches^ on s'était pltis
occupé de développer un savoir ou des talenta souvent
futiles que de former le cœur et la raison des jeunes filles.
Dans la bourgeoisie , la Semme était la pnovidence de^la
maison, pour les besoins, matériels. Adorer ou craindre
son inari, tel était son but : son ambition n'osait dler
plus loin. Rarement elle était associée par son épout h
une grande vie intellectuelle et morale ; elle représentait ,
au sein de la nation , une force puissante qui , de 89 jus-
qu'à nos jours , a constamment été ou paralysée ou mal
utilisée : de là de nombreuses expiatioDS;
La nuit du 4 août , plus que tout antres fait historique ,
a mis enxelief la grande loi de solidarité des &mes humai-
nes. £Ue fit toucher au doigtât à l'œil cette oonsolante vé-
rité acquise désormais à. la philosophie de Fhistoire; que
mème.à leur insu* tous tes. contemporains et les concitoyens
sont, en certaine mesure, solidaires des mêmes croyances,
des mêmes sentiments , des mâmes aspirations^. Cette nuit ,
en effet, la pensée Mtii^ale se dégagea du vieux monde
818 HftteMi^HiB
aira€«iine teHe'mtensUé', <|fii^«I(e éKmffu dilfls tons le$ ^prits
les flPé4>ocu^mâ*4ndiviâoettes. eefotttn Hontmorenry
qui proposa l'abandon des droits féodaux , et ce fat « curé
qui V piT>têetant toiMin l^iniqulié é^ la dtmè , déelare re-
iiODàër*aur injustes' pmiléges de son ordre. — ^ Le lend^
mom; Végcy^me ^vèit wpri^ son ^mipirâ , les individualités
wéfBnt retrofepré Imt parole , et T'On appelait folie lé phs
gifand «lete'des a^emblées délibérantes ! latoîx de l'homme
ont To»la âiOuISlr 4a voit de Dieu .
L'abolition des jusrtÂees •seigneuriales,' des drmts fëodam,
des'dtiMsvsuJntde près eeitode la noMesse. Le 90, l'as-
i^nblée décrète une déclaration des droits de llioiDiDe ;
efleia fit toute masciiline, et personne n'y prit garde.
Viennent ensuite , comme compléfuenl et comme garantie,
la' liberté de la presse ^t la responsabSilë *des raînîstTes.
L'aristocratie vaincue veut prendre une fe/anche. Le 1"
et ie 2'4K;tobre, en présence de la reine et ans applandis-
soments delà leour, la coeaHe «alioBele, synibole de b
régénération.Artmçaise , estloftlée aui pieds , è Versailles,
dafifs le' banquet des g^rdes^âO'^oerps.-^ Le peuplé s'anine
à son tour; les jo«méeë révolutionnaires du K et du 6 ré-
pondent aui jobmées'eonftro^^olvtiomitiires dii 1*' et du
§ octobre; nais rintetvemiion'de Lefuyette arrête leconlit,
pacifie' le peH^e eH salife ta couf.
La trrbttio ne 'suffisait att besoin 4'espaAsioQ. Une réu-
nion (ut ibndée le 6 octobre paroles députés bretons; eDe
deviiÉt plusla:^ le cl«ib des jaoebins.
Le S itoveiDbfè^ TAseenAilée fietionate, 'OiéetTtant ane
réforme sduvent demandée, mettayt les biens du<to*gék)a
disposition de la nation. Il est à regretter qu'elle n'ait pas
complété cette mesure en les affedatut «nx besoiiis ées
communes; Les bien^ do ^ler^ ouf été gAspiUés ainsi que
les autres biens nationaux; el pitfts, c^est toujours une
grande' faute que^ ne pes'bffser mr la propriété 4le-ffiêiBe,
en lui donnant iGnrefonMr nouvelle , les nomeafosjpfogrès
des peuples. Des'4éeretSi des dMiDes, des *4Mms de
papier sont enlevés par te ifent des révohilions; mais les
prc^iétés ■- ftwisiftios , ^^g^gfe de l'tocMpMdailite ^ée'lMi,
eaheîl i «MB «ne garantie ^SffiguttèMWifl ptats^ide.
Le t^y rAsaemblée coéAU'desiMsigiiaA&i et i^tGtianviev
1790 ^e dhriMÎt la .FrjiH$e>« départerneBiSr wtriots:
t^lette drasioa^ «qui ^çait un nom A élément - afi^'ouiw
d'bui peu utile , Varroadisseme&t ou dâBtrkt , entre Vê»^
ci^ime fslé romaine et Tancien pa^^ , était «bieii «upériasre
à celle • qui a depuis divisé le oanlon, cette Téritablo
ccwQi^uDe.., poaf pacquer la cocDOKiiie nouvelle ^tta la
paroisse catholique de notre époque^ de iftanière à mat^
coler les' efforta au lieu de ies ooiicenimr^
Le ifc mars, le système Céodat était Gomfiiè«eiD«il sné-^
anti.
Le SO avril, la nation inslituait le jugement pin* jurés
pour, les affaires <;riiDÎneUes.
Le 6 «Eiai , . la oomiMne de Pans prenait rang* à la }él%
des communes de Fraoee. -
JU'uristocratie vaincoe «)e se lési^Mtt pas A sa 46f«île :
partout elle s agitait. Dans i*0«est, ses mêlées étaient
plus actives enco^ que daas fe veste de'la Vrame.
Les jfiune gens «qui avaient ()pé6idé à Rennes, lem 88,
au mouvement de TOuest, se «raient appelés à une^imaMen
nouvelle. A leur voix , la jeurnsse de la Bf^tagne et de
l'Anjou se réunit k Pontfvy, depuis <Nape»léoinrille. iA int
signé un pacte fédératif que toute la Fftaoee ve^ht imiter;
la bouvgeoisie surtout prit 4t ce 0M>uve!ment la part k pitis
active. • '
Le 14 juillet , premier anniversaire de- la prise 4e la
Bastille, le pacte de l'Ouest receiiunt, àPavis, sa oonir-
mat^oD car ime fédératien nationale, «t.la réaction était
vaincue.
Le i a0ût , rAssemUée constituante «i^it les traMinaux
de famille «et tes justices de fm , grandes iùslitutioas qu'il
faudrait développer encore.
Le 35, elle -exeliiait les ^relues des fonotiens ^civiles,
pour cause d'incoiQpatibilité. Le 27, elle consacrait' la li^
berté religieuse, en déslarant le ^ffiaRagewtUcte^ purement
civàL ... ....
SîçBMtloJiis loi tuM.(0!«iide-bmiflsion: le ^M^aige àiié^
cesaair^^ot.un doubla MMIève, l'ina Mividiiei et de
820 PHILOSOPHIE
famille , l'autre communal et social. Tel qu'il est pratiqué,
notre mariage civil ne répond point à tous les besoins de
l'Âme humaine : c'est un enregistrement tiop prosaïque,
dans lequel la commune n'est pas suffisamment repré-
sentée.
Le 14 décembre, le pape déclarait schismatiques tous
ceux qui reconnaîtraient les décrets de rAssemblée natio-
nale ; mais la France de 90 n'était plus celle du XI* siècle:
aussi s'empressa-t-elle de s'emparer d'Avignon, manière
énergique de signifier au Samt-Père la volonté des
Français. De plus, le 15 janvier, l'Assemblée voulut que,
par un retour aux usages de la primitive église , les curés
et les évéques fussent élus à la pluralité des suffrages. Elle
eut mieux fait encore en se bornant à autoriser cette réforme
par une renonciation absolue de l'Etat à toute immixtion
dans les affaires purement religieuses.
Le 16 février, l'Assemblée supprime les jurandes et les
malirises , consacrant ainsi la liberté des professions. Une
terrible concurrence a été depub la conséquence de ce dé-
cret, qui eut été l'acte le plus sage s'il avait en même
temps maintenu les corporations comme mojen de statis*
tique industrielle et de protection pour les faibles.
Le 30 arril, la cour de cassation fut installée.
La Révolution marchait à pas de géant : la cour et la
noblesse étaient dispersées. Par des correspondances pri-
vées , Louis XVI fit connaître sa pensée intime aux rois
étrangers. Cependant, le SS avril, il crut devoir leur noti-
fier officiellement son serment de maintenir la constitution.
Le 21 juin, il quittait Paris en secret et fut arrêté à Vâ^
rennes.
Le 37 juillet, une insurrection eut lieu au Champ-de-
Mars. Déjà la démocratie victorieuse se divisait en deui
fractions , le prolétariat et la bourgeoisie , qui ne savaient
comprendre le besoin d'une indissoluble union et la soli-
darité des intérêts.
Un mois plus tard, le 37 août 1791 , se formait àPilnitz
la première coalition contre la France. Le comte d'Artois
y avait pris uqc part active. Le comte de Provence , depms
Louis XVIII, en avertit son frère, le 10 septembre, par
BU SIÈCLE. 821
un manifeste dans lequel il lui promettait une invasion
libératrice.
Le 1" octobre 1791 , la Législative remplace la Consti-
tuante. La Révolution était accomplie dans les institutions;
il restait à la consacrer par les faits. Les préoccupations de
guerre étrangère absorbaient tous les esprits ; de là le dé-
cret du 9 novembre contre les émigrés , auquel Louis XVI
opposa son teto. Ce prince commit ensuite l'immense
faute, en décembre 1791, d'écrire au roi de Prusse qu'il
comptait sur une coalition étrangère pour rétablir l'ordre
en France: Tordre, mot incompris dont on a si sou-
vent abusé. — Pour la réaction de 91 , c'était le retour
aux castes; pour la bourgeoisie, c'était la jouissance pai-
sible de ses conquêtes ; pour le prolétariat , c'était l'accom-
plissement d'espéranres que la logique lui donnait le droit
de considérer comme légitime : c'était , en deux mots ,
l'abolition de l'ignorance et de la misère; pour les femmes,
qu'était-ce? La question des femmes, si grande qu'elle
soit , n'avait pas été posée : la commune républicaine de
89 ne leur avait confié aucun rôle, aucune autre mission
que celle d'être les gouvernantes dQ pot-au-feu.
Une impolitesse de Pétion, maire de Paris, vis-à-vis de
la reine , chef avoué du parti réactionnaire , la coalition des
des princes allemands dans le but avoué de rétablir en
France l'ancienne monarchie, la proclamation de l'impéra-
trice de Russie , un décret de l'Assemblée contre les biens
des émigrés : tels furent les principaux événements de jan-
vier 1792.
Le 30 mars , les biens des émigrés furent confisqués et
aiîectés aux besoins du pays. Ces grands biens ont été
désastreusement gaspillés.
Le* 26 mai, l'Assemblée décida qu'elle déporterait les
prêtres qui pe voudraient pas accepter la constitution civile
du clergé. — Cette mesure était tout aussi juste et bien
moins cruelle que toutes les sanglantes décisions du clergé
contre les albigeois, les vaudois, les hussites et les protes-
tants. — Cependant une philosophie éclairée ne saurait
l'approuver : la nation avait le droit d'affecter des églises
au service religieux des prêtres qui avaient voulu et
35
822 PHILOSOPHIE
reconnu son émancipation ; îl ne lui appartenait pas d'aller
plus loin. Elle commit une faute grave en ne respectant
pas comme il convenait, l'asile sacré des consciences:
c'était fournir un prétexte à Louis XVI pour refuser à m
décret la sanction royale , ce qu'il fit en effet. Soit qu'elle
eût compris sa faute, soit qu'elle sentît la nécessité de
compléter ses mesures, l'Assemblée décida, le 22 juin,
que dorénavant l'état civil des citoyens serait constaté par
les municipalités.
Que n'a-t-elle en même temps décrété inie réunion
civile et communale à l'occasion des naissances, une
réunion civile et communale à l'occasion des mariages!
c'eut été consacrer la liberté et la fraternité promises par
la révolution , et déblayer la route de l'avenir d'abus nom-
breux, de préjugés anciens, d'habitudes enracinées ; c'eut
été appeler les riches à se faire les instituteurs et les éman-
çipaleursdes pauvres, en mélangeant incessamment toutes
les classes par d'intimes rapports ; c'eut été aussi la consé-
cration poétique de cérémonies communales qui n'offrent
actuellement ancun attrait.
Les Prussiens avaient paru sur la frontière : il ne s'agis-
sait plus de vaines menaces de la part des rois étrangers;
leurs armées marchaient à l'envahissement de la France.
La bourgeoisie , qui avait besoin d'assurer ses conquêtes
et dont tous les chefs étaient compromis dans le mouve-
ment ; le peuple , qui venait d'être affranchi des servitudes
et corvées féodales, élevé à la dignité morale du citoyen
et préparé pour un bien-être ultérieur, se levèrent en
masse : en un seul jour', quinze mille enrôlemeirts volon-
taires eurent lieu à Paris. Les frontières étaient dégar-
nies, les places fortes manquaient de leurs moyens é
défense, et des députations de fédérés vinrent à Paris
demander la suspension du pouvoir exécutif et la convoca-
tion d'une Convention nationale. — Le traité de Patie,
qui partageait la France ; le manifeste de Brunsvick , si
insolent pour la révolution, ajoutèrent à l'exaspération.
La cour comptait sur les forces dont elle disposait encore
[)our arrêter tout mouvement et dominer la nation ; mais
'opinion l'avait complètement abandonnée. Le 5 août,
DU SIBCLB. 833
PétioUf maire de Paris, demandait à l'Assemblée législa-
tive la déchéance du roi ; et le 10 août , la royauté , vain-
cue par les armes, se réfugiait au sein de cette Assemblée.
La suspension du pouvoir royal, l'emprisonnement au
Temple de Louis XVI, la convocation d'une Convention
et la proclamation ultérieure d'une dictature démocratique,
furent les conséquences de cette jouinée.
Bientôt eut lieu le procès de Louis XVI : les charges
étaient accablantes contre ce malheureux prince. Il est
vrai, et l'on en eut la preuve, qu'il avait entretenu des
correspondances avec Témigration , avec les cours de
Vienne, de Berlin, de Turin, de Madrid, avec le clergé
réfractaire ; il est encore vrai qu'il avait poussé à l'invasion
de ce qu'il appelait son royaume , et qu il avait promis à
l'évêque de Clermont,le 16 avril 1791, fue s'il recouvrait êa
jmissaneep il rétablirait l'ancien gouvernement et le clergé dans
fétat où ils étaient auparavant, — La trahison et le man-
quement à la foi jurée ne furent que trop bien prouvés ;
mais ses antécédants , son éducation , ses relations de fa-
mille ne lui avaient-elles pas créé une position toute
exceptionnelle dont il était juste de tenir compte ? La phi-
losophie prescrivait de le proscrire et de commencer par
lui la suppression de la peine de mort. Une politique pré-
voyante, avait intérêt h consacrer, dans le jugement de cet
homme qui avait été roi , les droits étemels et imprescrip-
tibles dei'humanité et de la raison. L'exaltation du patrio-
tisme demanda sa tête et l'obtint ; mais ce fut , pour la
civilisation, un revers véritable que bien d'autres devaient
suivre. Toutefois la conduite des républicains de cette
époque a son explication dans les faits : la France , tra-
vaillée au dedans par les agents contre-révolutionnaires ,
était littéralement assiégée par l'étranger. Ajoutons qu'un
reste de royalisme parla par la bouche des hommes qui
combattirent, à cette occasion, la peine de mort; qu'aucun
d'euiLne lutta contre la mort de Louis XVI par des raisons
philofiophiqucis et politiques d'un ordre élevé.
lia défense de ce prince fut inbabilement présentée. Du
savonr-£aire d'avocat, des souvenirs du vieux régime qui
n'osaient pas même s'acceatuer avec franchise, devaient
824 PHUOSOPHIB
être impuissants \is-a-vis de cette si énergiqoe Assem-
blée, que les précédeuts de tous ses membres et surtoot
les solennels événements de l'époque avaient placée dans
une sphère tout autrement élevée de sentiments et de
croyances. — Bientôt la Convention so divisa: beau-
coup moins sur le fond que sur la forme, les uns , les
Girondins, croyaient à la possibilité d'un gouvernement
régulier devenu impraticable. Les autres, les Jacobins,
voulaient une dictature ; les premiers essayèrent, par un
mouvement des provinces , de dominer l'Assemblée. Lan-
juinais fut ' très-actif en cette circonstance , et bientôt la
Bretagne s'organisa. Ce mouvement ne fut pas appuyé
dans les autres parties de la France, et les Gironc&is
commirent la fauie très grave de s'allier aux légitimistes :
de ce jour , leur cause fut perdue.
« J'aime mieux être guillotiné par les Jacobins , s'écriait
avec un grand sens révolutionnaire l'un des secrétaires du
comité insurrectionnel de Bretagne, que de devonîr l'allié
de Wimpfen et Puysaie. »
La lutte de la Montagne et de la Gironde entraîna la mort
de madame Rolland, de Vergniaud , de Genscmné, de Con-
• dorcet et de beaucoup d'autres, nobles de cœut et grands
d'intelligence, dont la patrie a longtemps porté le deuil.
Mais la Convention, quoiqu'on en ait dit, fut pleine de
mansuétude pour leurs adhérents : à Nantes, à Pontivy,
les principaux révoltés et leurs complices forent traités
avec la plus grande humanité. A Nantes, les conventionnels
conservèrent même aux fonctions publiques quelquesHias
de ceux qui avaient agi contre l'Assemblée nationale^
La Convention a été jugée bien diversemeut; toutefois
nous ne saurions oublier qu'il y eut un jour où elle eut
à résister à l'Europe coalisée et à l'insensée réyolte de
soixante-trois départements.
On a enregistré les violences de la terreur républicaine
et surtout celles de Nantes : l'histoire doit rappeler k
faiblesse des hommes et les dangers d'une exaltation qui
n'a pas de règle morale. Elle doit dire aussi qoe les orimes
des Vendéens contre l'humanité précédèrent ceux des Jaco-
bins de Nantes. Elle doit ajouter que beaucoup d'agents
BU SIÈCLE. 825
provocateurs se trouYaient dans les rangs républicains et
poussaient à tofutës les exagérations ; que Tappariteur de
Carier était, entre autres, un légitimiste bien connu, mort
à Nantes, depuis quelques années.
Le 27 juillet 1794 (le 9 thermidor), Robespierre, Saint-
iust et Couthon furent renversés du pouvoir, puis guillo^
tinés.
Cette défaite du parti montagnard fut le signal des plus
violentes réactions , surtout dans l'Ouest de la France , où
près de trois mille patriotes furent bientôt égorgés dans les
campagnes des départements de la ^Loire-Inférieure et de
Maine-et-Loire.
Une seconde défaite des montagnards subie le 1" prairial
(20 mai 1795), précéda la constitution de Tan III, qui eut
Daunou pour rapporteur.
Le 15 vendémiaire (14 octobre 1795), les royalistes
crurent le moment venu de reprendre les rênes du pou-
voir; ils fweût vaincus et reçurent une rude leçon. Le 26,
la Convention déclarait sa tâche terminée ; elle avait sauvé
la nationalité française, doté la patrie d'écoles primaires,
créé les écoles normale et centrale , l'école polytechnique ;
et quelques-uns de ses membres avaient brillé au premier
rang parmi les artistes, les savants et les grands penseurs
du siècle.
Le Directoire fut installé le 27 octobre 1795; on lui doit
la création du système métrique , l'organisation actuelle de
rinstitut national, le Conservatoire des arts et métiers, et
la première exposition française des produits de l'industrie.
Mais partout la réaction s'organise. Par Pichegru , elle
livrait, dit-on, nos soldats i l'étranger; par de nombreux
journalistes, elle corrompait l'opinion publioue; et par
quelques membres actifs , elle s'emparait de la direction des
assemblées délibérantes de l'époque. Il n'y a plus de maxi-
mum, mais l'agiotage est à l'ordre du jour. Le gouverne-
mefirt allait' ôt^e renversé, lorsque le 18 fructidor il prévint,
en lés frappant énergiquement , ses adversaires. Les admi-
nistrations -de Paris furent suspendues , six membres du
conseil de6 Cin^*-Cents , douze du conseil des Anciens ,
Camot ef'Soû <k>lK$gir6 qui était Fagent princifial du roya-
826 PHILOSOPHIE
lisme au sein du Directoire , furent condamnés à la dépor-
tation, ainsi que Cochon , ministre de la police, et trente-
cinq journalistes. Les émigrés détenus furent déportés ;
ceux qui ne l'étaient pas reçurent ordre de sortir de
France. A partir de ce jour, le Directoire devint très-puis-
sant; cependant, le 18 brumaire, une révolution nouvelle
eut lieu, et Bonaparte s'empara du pouvoir.
XIX® SIÈCLE.
Le XIX* siècle a eu des caractères différents en Europe
et en Amérique, surtout de 1801 à 182S. A partir de
cette époque, les tendances économiques et scientifiques
qui nous entraînent se sont partout manifestées avec d'au-
tant plus d'énergie , que les peuples étaient plus civilisés.
Les chemins de fer et les télégraphes électriques , la pro-
pagation de l'éducation, les progrès des études scienti-
fiques et leur vulgarisation sont la plus haute expression
de ce mouvement.
De Michel-Ange et de Raphaël jusqu'à notre siècle ,
l'art n'a fait que développer Rome et la Grèce. Des
voies nouvelles s'ouvrent devant lui. Nous établirons, dans
notre conclusion, le rôle et la nécessité d'une nouvelle litté-
rature, c'est-à-dire de formes nouvelles dans les moyens
divers que la pensée humaine emploie pour tte manifester.
Le travail qui n'était rien , devient tout. Le peuple des
serfs possède son droit de cité ; les mœurs qui protègent
la femme lui promettent son état civil ; une société nou-
velle va surgir : les temps écoulés depuis la découverte de
l'imprimerie ne sont que l'aurore de l'ère scientifique.
Résumons d'abord les grands événements européens :
tous ont pivoté autour de la France. L'esorit de rayenir
crée à Paris , en 1801 , une exposition . des produits de
l'industrie, fête toute nouvelle, toute scientifique, et la
paix d'Amiens rétablit les relations entre la France et l'An-
DU SIÈGLB. 827
gleterre. — Cetle paix (que n'a-t-elle duré plus longtemps !)
permit à James Watt de venir à Paris , et de se révéler
au continent.
De iSOâ à 1804 , Napoléon prépare incessamment l'em-
pire.
Du 1*" janvier 1805 au 31 mars 1814 , époque de l'en*
trée des ennemis à Paris , nous pouvons enregistrer de
brillants faits d'armes, d'éclatantes victoires ^ des conquê-
tes plus ou moins glorieuses ; mais peu de faits d'améliora-
tion sociale.
Il est cependant quelques dates qui demandent à être
conservées. Le 1" janvier, 1808, le code de commerce et
la création de TUmversité impériale furent promulgués.
Le 94 mai , l'empereur réiablit les majorais et les substitu-
tions. En décembre, il était à Madrid où il abolissait l'in
quisition. En 1809, il était' excommunié par le pape dont
il avait , en France, restauré la puissance.
Le 20 mars 1811 nous rappelle la naissance du roi de
Rome. Le conseil municipal de Paris et Tavocat-général
Bellard votèrent dix mille livres de rentes au page qui leur
apporta cette nouvelle.
En 1812, l'empereur commit la faute grave de ne pas res-
taurer la nationalité polonaise : les désastres de la guerre de
Russie en furent la conséquence. — Napoléon eut pu créer
Fassociation européenne ; il n*en a été que le précurseur.
Le 2 avril , Talleyrand proclamait la déchéance de celui
qu'il avait accepté pour maître, et Tempereur abdiquait le
11 avril 1^.
Au lieu de s'appuyer sur les classes laborieuses , l'empe-
reur avait compté sur cette aristocratie qu'il avait créée :
grande erreur! aujoyur du danger, ses barons l'abandonnè-
rent. Les Bourbons, quoique rentrés en France avec les ar-^
mées ennemies , eussent pu consolider pour longtemps leur
pouvoir, s'ils avaient eu le sentiment des besoins et des inté-
rêts de la majorité de la population ; mais Louis XVIII n'était
pas encore dans la capitale que déjà le comte d'Artois, en
qualité de lieutenant-général du royaume, signait cette
convention de Paris en vertu de laquelle il abandonnait à
la coalition des étrangers cinquante-deux places fortes oc-
828 PHILOSOPHIE
cupées par les troupes françaises, onze mille pièces de
canon en bronze , yingt-cinq vatsseaui de ligne , trente fré-
gates et pour plus d'un milliard d'approvisionneraenls. Ce-
pendant on était sij lassé de la guerre, que ces conces-
sions eussent été pardonnées, si en édiange la France avait
obtenu la liberté religieuse, la liberté des communes et
un véritable kaheoB cwrpus pour tous ses citoyens : trois
choses qui eussent consolidé la royauté, et que, de Henri IV
jusqu*à nous , la royauté a toujours combattues sans
comprendre ses intérêts véritables.
Le 5 mai) Louis XVlIi fit son entrée dans la capitale ,
et bientôt on vit aux Tuileries un mélange grotesque de la
vieille et de la nouvelle noblesse. On y parlait avec an
profond dédain , avec un mépris réel ou simulé de Bît^na-
parte. On y appelait le Corse , Vaventurier , YusurpeUeur ,
cet homme de génie qne Ton encensait la veille. Le maré-
chal Souit ; Clarke , duc de Feltre , ministre de la guerre
sous l'empereur; le prince Taileyrànd ; le maréchal Goa^ion
Saint-Cyr; Fouché, de Nantes, duc d'Otrante, ancien ora-
torien , régicide et bourreau de Lyon ; le baron Louis , an-
cien prêtre ; le maréchal Victor, duc de Bellune , etc. , ^tc.,
se trouvèrent mêlés comme par enchantement à quelques
favoris du jour, tels que Deease, et à quelques porteurs de
vieux noms , tels que les Montmorency, les Chatoaubriant.
On vit encore des libéraux de 88 abdiquer leurs anciennes
opinions pour se rapprocher du pouvoir. M. de Corbière ,
fils d'un meunier des environs de Rennes , avait vivement
applaudi à une révolution qui lui ouvrait désignions pour
lesquels il n'était pas né (langage du temps) ç'^il en avait
profité pour y entrer , mais une fois casé , il fu* dé ceux
qui voulurent fermer au peuple, à double tour, la porte de
toute élévation.
Louis XVHI ne manquait ni de finesse, ni d'habîletc
vulgaire ; c'était un homme d'esprit qui a^'ait dans Royer-
CoUard et quelques autres citoyens honorables , • des eon-
seillers dévoués et sages ; il eût voulu coMilier , mais son
frère, le comte d'Artois, prince aussi inintelligent que fai-
ble, avait conservé toutes les mauvaises tradition» * du
passé f rêvait le retour aux trois ordres^ et ne cessaft de
BU SIÈCLE. 839
faire les plus lourdes bérues. Aujourd'hui, c'était ce retour
qu'il prêchait comme but de l'avenir; le lendemain.il agi-
tait la question de la restitution des biens nationaux. Son
entourage renchérissait peut- être encore ses ses paroles , et
se plaisait à annoncer comme prochain le jour d une réali-
sation définitive. Le 4 juin cependant, Louis XVIII in-
quiet, crut devoir octroyer un^ charte, qui bientôt fut
mise de côté par ses propres ministres. M. Beugnot,
catholique passionné, lui porta le premier coup en ne
respectant point la liberté des cultes. A voir la conduite
des émigrés et des ^royalistes, on eut dit qu'ils venaient de
conquérir la France.
Bonaparte était alors à l'ile d'Elbe ; il apprit toutes ces
pauvretés f toutes ces folies , et sa résolution fut prise. Le
!•' mars 1815, il débarquait à Cannes, et le ÎO mars il
était aux Tuileries , tandis que les Bourbons et leur entou-
rage se sauvaient àGand.
Rien de curieux comme le langage officiel des adminis-
trat^rs de cette époque.
Le 1*^ mars ^ Napoléon était un brigand , un misérable ,
un aventurier*
A Lyon , c'était le général Bonaparte.
A> Auierre , on le saluait du titre d'empereur.
A Paris , on ne l'appelait plus que l'étoile de la France
et le sauveur de la civilisation. Il eut put être l'un et
l'autre.
EbkHii par les magnifiques réceptions qu'il avait reçues
sur sa route, toujours préoccupé des intérêts de sa dynas-
tie , Napoléon oublia , pendant les Cent- Jours , que le
peuple seul. était polir lui. Au lieu de s'adresser aux jeunes
généraux et aux jeunes officiers , au lieu d'armer en masse
la nation, au lieu de proclamer, en arrivant à Paris, la
oonstîtutioQ la plus libérale , remettant le parlementarisme
à une époque de calme , il s'amusa à jouer h l'empire
lorqu'il ne devait être que dictateur. Son indécision créa
la défiance, et la défiance arma les traîtres.
Ce n'est point à Waterloo qu'il a été vaincu , c'est h
Paris. — Rien n'était plus facite à réparer que le désastri^
de cette défaite , si le peuple avait été armé , si les admi-
35*
850 ^ PHILOSOPfilB
iiistrations avaient été dévouées , c'est-à-dire si la défense
avait été démocratique et nationale.
Quelques jours après , le 18 juin , Napoléon alidiquait
de nouveau ; le traître Fouché prenait la direclioa des
affaires , et l'armée était reléguée derrière la Lioire.
La 29 juillet 1815 , les armées ennemies rentraient à
Paris pour la seconde fois , et un caporal prussien suffisait
à fermer la porte de TÂssemblée nationale. Lanjuinais, il
est vrai , lui ouvrait ses salons pour protester ; mais lai-
même , quelques jours plus tard , acceptait une missicm.
Le régicide Fouché» devenu ministre de Louis XVIU, pre-
nait rinitialive des proscriptions , signalant ainsi les ten-
dances gouvernementales.
Que de turpitudes dans Thistoire de cette époque I qua
de hontes pour la*France ! Le traité du 20 novembre, qui
livrait ce pays et la civilisation aux aristocraties aroiées; la
chambre de 1815, cette réunion .qualifiée d'introuYable,
entièrement composée d'ultra-royalistes; les destitutions
et les dénonciations mises à Tordre du jour ; la création de
tribunaux spéciaux appelés cours prévotales; des lois
d'exception ; l'abominable proposition de partager la France
en catégories et de fair» une Saint-Barthélémy politique;
les réactions sanglantes du Midi ; les assassinats des Txes-
taillons et des Verdets; les condamnations politiques et les
exécutions du Rhône et de l'Isère; la condamnation k
mort du maréchal Ney, par la chambre des pairs , et son
exécution malgré la capitulation qui le prolégeaii : tels
furent les premiers événements de la seconde restauration.
I|s eurent pour effet de reconstituer une opinion publique
et d'amener la dissolution de la Chambre» Cependant le 15
mars 1820, la mort du duc de Berry servit de prétexte à de
nouveaux attentats contre la civilisation : la liberté indivi-
duelle fut suspendue de rechef, et une loi du double vote eut
pour but d'accorder, dans les élections, un privilège exor-
bitant à raristocratie territoriale. Dirigée par HM.. Villèle et
de Corbière, la réaction mit dans ses actes l'habileté la
mieux calculée. Les idées libérales venaient de triompher
dans la péninsule : l'expédition d*Ëspagne eut ponr but et
pour résultat d'en arrêter les élans. — Le parti du progrès
BU SIÈCLS. 8Si
fut loin de montrer la même intelligence : dès cette époque,
on put lui reprocher trois fautes, qui se sont souvent
renouvelées depuis , fautes auxquelles il doit de nombreux
désastres.
La première et la plus grave , c'était l'absence de persé-
vérance et de courage civil ; la seconde fut la suite de son
ignorance. Les démocrates français ont toujours voulu,
pour les pays étrangers , les mêmes institutions que pour
le leur; ils ont cru trop souvent à l'identité de mœurs et
d'opinions entre la France,* l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne,
la Pologne et la Hongrie ; ils se sont fourvoyés sur la Grèce
avec une indicible candeur. Leur troisième erreur a été
leur confiance illégitime dans des moyens occultes et vio-
lents; ils ont conspiré et.rêvé des coups de mains hardis,
au lieu de mettre leur confiance dans des luttes d'un
autre ordre.
Quand, à l'occasion de la guerre d'Espagne, Manuel fit
entendre sa voix si ferme et si éloquente , les ultra le firent
arrafcher de son siège , et la représentation nationale de
France fut violée. On eut peut-être alors trouvé des soldats
pour combattre dans la rue , si l'on avait fait un appel aux
armes ; mais l'opposition qui devait placer la lutte sur un
autre terrain ne trouva pas un seul collège électoral pour
réélh^e le premier de ses orateurs. Lors de cette môme
guerre d'Espagne, si funeste à la liberté , Carrel et d'autres
généreux citoyens passèrent dans les rangs de l'armée
péninsulaire, où leurs illusions ne furent pas de longue
durée.
Que d'anciens soldats comçie le général Berton et le
colonel Cariron; que des jeunes gens comme l'étaient, lors
de la première charbonnerie, Dugied, Bazard et Bûchez,
songeassent à faite sortit un ordre nouveau d'une conspi-
ration, à faire une révolution sans avoir le moins du
monde piéparé à l'avance les moyens de Tutiliser, sans
même s êtrenettement posé cette question .: <c Que ferons-
nous le lendemain de la victoire ?J» cela se comprend. Mais
que des députés, des personnages historiques, tels que
Lafayetté M ses amis, qui avaient la prétention d'être des
hommes d'Etat, jetassent étourdiment la jeunesse dans
853 PHILOSOPHIE
celte fausse ¥oie , e'était uo^ faute inexcusable. — Teile
fut cependant cette triste époque qu'il se trouva même des
députés assez déloyaux pour pousser la jeunesse dans les
conspirations et renier ensuite à la tribune son ardeur im-
prudente et son inexpérience.
Toutefois deux écoles politiques ne tardèrent pas à se
former parmi les plus ardents libéraux de la jeunesse fran-
çaise. L'une, avec Manuel, crut à la nécessitéde l'étude ;
elle professa qu'il fallait de l'wudaee^ de l'énergie. dti'eûDol'
tation dans le calme ; elle voulut savoir la vérité sur les
peuples étrangers et sur les réformes possibles en France.
L'autre, conspirant pour conspirer, n'ayant ni science, ni
programme, continua de plus fréquenter les estaminels que
les écoles.
Tant que Louis XVIII vécut , l'iafluefice de quelques
hommes habiles se fit sentir, et le gouvernement sut éviter
les grands écueils; mais à sa mort il revint à toutes Tcriles
dans les voies de 1815. L'évêque Tharin , l'archevè^e
Latil, le prinbe de Croï , grand aumônier de France ^ étaient
les conseillers de la couronne. Une loi dite du saerilège
donna au clergé des privilèges exorbitants. L'émigratîoB
reçut ensuite un milliard d'indemnité pour les propriétés
confisquée:». A une autre époque , poursuivant le eours de
ses succès , la chambre des députés rétablit le droit d'aî-
nesse, mais la chambre des pairs n'osa pas ratifier cette
imprudente concession à des idées d'un autre temps. M. d«
Villèle et son cabinet tombèrent alors pour faire plaoe à
M. de Martignac et à un cabinet singulièrement phis libéral.
L'expédition de Grèce qui arrêta les conquêtes d'ibnabioi ,
eut lieu sous son ministère.*M. de Martignac, malgré quel-
ques fâcheux antécédents,' était un homa^ singulièreoieut
{propre à conciler les esprits. Il possédait &a scrpréme degré
'art de bien dire ; mais, s'il était de bonne foi , la cour ei Top-
position ne l'étaient pas. Beaucoup de députés du c6té gauche
ou libéral Paient plus désireux de places et d'honneurs , de
fonctions ministérielles ou même defonotions secondaires,
que du triomphe des intérêts français. Us s'anaohèreot à
la. fortune des d'Orléans avec lesquels ils jespéraient^^'éler
ver et triompher d'une manière défim^e. Attaqué par la
BU SIfiCLB. 819
droite et la gauche, M. de Hanignac dut sucoomber ; il fut
remplacé le 8 août 1837 ^ par M. de Poligoac , et la France
qui eut pu s'évolver pacifiquement au profit de tous, rentra
dans la voie des révoluticHis violentes. La conquête de l'Al-
gérie fut alors tentée , bien moins pour livrer à la France
celte contrée qu'elle n'a encore pu dominer que par la force
brutale, que pour donner de Timportance au ministère
dont M. de Bourmont, l'un des membres , commandait l'ex-
pédition. Le 25 juillet, Charles X signa ces fameuses or-
donnances qui devaient amener une révolution. Le 36, elles
étaient insérées au Moniteur ; le 37, la lutte commençait par
une résistance légale. Le 39 , après des combat& sanglante,
la branche aînée avait cessé de régner.
Le règne de Louis-Philippe a duré dix-huit ans ; il a été
un mariage fort peu raisonnable entre le parlementarisme
des avooats et la royauté. Celle-ci est morte en couches
d'un enfant avant terme : la République avocassière de
1848.
Ile grandes questions soulevées par d'immenses intérêts
réclamaient, dès 1850, une solution que le gouvernement
du Bourbon de la branche cadette n'a pas su leur donner.
Ce gouvernement a été fin, rusé, très-corrupieur et il a
manqué d'hommes d'État. Loui&-Philippe et ses lieute-^
nantsDuchaiel, Thieis, Mole, Guizot,, tous singulièrement
habiles en leur genre , n'avaient pas ce coup-*d'œil qui sait
y (M de loin , cette prudence qui sait prévoir : le succès les
a enivrés. Ils se sont cru forts, parce qu'ils avaient écarté
les questions scabreuses ; mais ils n'ont su résoudre ni les
difikultés sociales , ni le problème de la royauté.
L'empire nous avait légué un code civil très-blessant pour
la femme; ils l'ont conservé, traitant de fous les amis
de U justice qui réclament son état civil.
Depuis 1815, les salaires allaient en diminuant, l'indua*-
trialisme dépeuplait les campagnes , multipliait imprudem-
ment les fabriques , corrompait les populations par ses mau-
vaises ûicdurs, altérait leur sang par une nourriture insuffi-
sante» par des salaires de plus en plus néduit8,»et par une
affreuse, maladie que la débauche multipliait à merci v mais
ils n'y i^iienl pas gacâ^ -— Ces hoiimes qui avateoit grande
834 PHILOSOPHIB
raison de traiter le peuple en mineur pour ses droits , se
montraient les tuteurs les plus coupables en n'ayant aucun
souci de ses intérêts, qu'ils sacrifiaient toujours selon les
désirs du capital , exprimés par les plus influents des élec-
teurs. — Le retour à une féodalité des écus marchait grand
train quand ils sont tombés du pouvoir.
DétK)rdés par le mouvement industriel, ils ne l'ont pas
dirigé. Les intérêts individuels les ont constamment domi-
nés : aussi se sont-ils signalés dans les relations commer-
ciales, par des droits de prohibition sur les grains, sur
le bétail, sur le fer, sur la houille. Étrange erreur! iU
prétendaient protéger le travail français , lorsqu'en réalité
leur appui ne s'adressait qu'à la paresse, à l'ignorance, è
des industries de parasitisme, ou lorsqu'il était une conces-
sion accordée par leur hijuste faiblesse aux mattres de
forges et aux propriétaires des houilles et des forêts de
France.
La partie avancée de la nation vivait 'alors en dehors du
mouvement gouvernemental : aussi s'est-elle manifestée par
la production de deux séries de travaux que l'on peut inti-
tuler le saint-simonisme et le fouriérisme. Le premier n'a
été à bien dire que l'esprit de la catholicité transporté dans
l'ordre i^losophique et scientifique ; il a fait souvent trop
bon marché de la liberté et de l'individualité humaine. Le
second a eu le même but, mais ses votes ont été différentes.
Ces deux mouvements avaient leur raison d'être ; ils ont ea
leurs sectaires et aussi leur grandeur. L'un et l'autre se
sont fondus au sein de la nation française qui en a singu-
lièrement profité.
Ce fut en 1797 que Saint-Simon conçut le projet de
frayer une nouvelle carrière à l'intelligence humaine , la
carrière physteo-politique^ en appuyant le mouvement social
sur la science. Ses voyages en Angleterre , en Suisse, en
Allemagne , lui prouvèrent qu'il allait donner à sa patrie la
glorieuse mission d'initiateur.
v Nous sommes , disait^il, dos êtres organisés. C'est en
» considérant comme phénomènes physiok^îques nos re-
» lations sociales, que j'ai compris le moyen de les ratta-
» cher à la loi universeUe de la nature. »
DU SIÈCLE. gS5
Voici comment il développAit cette grande pensée :
« Les premiers phénomènes que Thomme ait obeerrés
» d'une manière suivie , ont été les phénoaiènes astrono-
)) miques. Il y a une bonne raison pour qu'il ait commencé
» par ceux-là : c'est qu'ils sont les plus simples. Dans le
a commencement des travaux astronomiques, l'homme
» mêlait les faits qu'il observait avec ceux qu'il imaginait ;
M et dans ce galimatias élémentaire , il faisait les meilleures
» combinaisons qu'il pouvait pour satisfaire toutes les de-
» mandes de prédiction. Il s'est succetôivement débarrassé
)* des faits créés par son imagination ; et , après bien des
» travaux , il a fini par adopter une marche certaine pour
)> perfectionner cette science. Les astronomes n'ont plus
i> admis que les faits constatés par l'observation ; ils ont
» choisi le système qui les liait le mieux ^ et depuis cette
i> époque ils n'ont plus fait faire de faux pas à la science.
» Produit-on un système nouveau , ils vérifient , avant de
» l'admettre^ s'il he mieux les faits que celui qu'ils avaient
i> adopté ; produi(-on un fait nouveau , ils s'assurent , par
j* l'observation , si ce fait existe.
» L'époque dont je parle , la plus mémorable que pré^
» sente l'histoire des progrès de l'esprit humain, est celle à
» laqu/elle les astronomes ont chassé les astrologues de
» leur société. Une autre remarque qu'il faut que je vous
» fasse ^ c'est qu'à partir de cette époque les astronomes
I» sont devenus modestes , bonnes gens , ne cherchant plus
» à paraître savoir ce qu'ils ignorent , et que , de votre
» côté , vous avez cessé de leur faire la demande imperti-
» nente de Ure votre destinée dans les astres.
» Les phéiBomèoes chimiques étant plus compliqués que
M les phénomènes astronomiques , l'homme ne s'en est
» oc<iupé que longtemps après. Dans l'étude de la chimie ,
» il est tombé dans les fautes qu'il avait commises dans
» l'étude de l'astronomie; mais enfin les chimistes se sont
)i débarrassés des alchimistes.
» La physiologie se trouve encore dans la mauvaise po-
» sition par laquelle ont passé les sciences astrologiques et
j> chimiques. Il faut que les physiologistes chassent de leur
» société les philosophes , les moralistes et les métapbysi-
836 raiLOsopHiB
» ciens, comme les astronomes oot chassé les astrologues,
» comme les chimistes ont chassé les alchimistes.
» Je n'ai pas l'intention de dire que les philosophes, les
» moralistes et les métaphysiciens n*ont pas rendu des ser-
» vices à la physiologie ; mais il est bien connu que les
» astrologues ont été utiles à Tastronomie , que les alchi*
» mistes ont fait une grande partie des découvertes chimi-
M ques ; et cependant tout le monde pense que les astrono-
» mes ont fait une bonne opération en se séparant des
M astrologues , et les chimistes une également bonne en se
» séparant des alchimistes.
Il II reste une idée à éclaircir. Les occupations prioeipa-
» les des philosophes, des moralistes, des métaphysiciens,
Il sont d'étudier les rapports qui existent entre les pkéno-
» mènes appelés physiques et ceux appelés moraux. Quand
» ils ont du succès dans cette partie, leurs travaux doivent
» s'appeler physiologiques ; mais ils cherchent aussi à lier
9 tous les faits observés, par un système général, il m'est
• démontré que cela sera impossible jusqu'à l'époque à
» laquelle la physiologie (comprenant la morale) se sera
j» mise dans 1 ordre que j'ai détaillé au siyet de l'aslro'
» nomie. »
Dès 1802 , Saint-Simon professait que la phy»ologie doit
remplacer la morale et la phsycologie métaphysique ensei-
gnées de nos jours. Dès cette époque il professait encore
que la même loi qui dirige les cristallisations de la matière,
S réside aussi à son organisation et môme h l'orgasisatioD
e nos sociétés ,' pressentant longtemps à l'avaoee toutes
les études de notre siècle et prophétisant cette uiiioà de la
science, de la religion et de la philosophie, qui consacrera
l'inauguration d'un culte rationnel. Toutefois la pensée de
Saint-Simon en était encore à sa première évolation ; elle
avait besoin de ces nombreuses élaborations que depub
elle a subies et que nous allons raconter.
Les lettres de Genève , les lettres au bureau des longko-
des , l'introduction aux travaux scientifiques du XIX' siècle,
des mémoires encore manuscrits sur la gravitation et U
science de l'homme , voilà les travaux de la premÂàr» phase
de la vie de Saint-Simon ; nous y trouvons de nombreux
BU SIÈCLE. 857
germes; partout nous y voyons le continuateur de Vico, de
Montesquieu , de Kant , de Lessing , de Turgot, de Morelly,
de Condorcet, de Lakanal. Déjà nous comprenons que
l'humanité , comme tout être vivant , a une existence qui
lui est propre et une loi régulatrice ; mais pour arriver à
démontrer cette loi nouvelle il était écessaire de comprendre
l'industrie , le prolétariat , le christianisme , toutes choses
sur lesquelles Saint-Simon n'était pas encore suffisamment
éclairé. 1814 arrive et le petit-fils de Charlemagne s'ima-
gine que l'introduction en France du parlementarisme
anglais et de ses trois pouvoirs pourra être d'un très-grand
secours à l'humanité ; mais il ne tarde pas à revenir de
son erreur. Trois ans plus tard , mieux édifié sur la valeur
des monarchies constitutionnelles , il ne voit en elles
qu'une transition entre le système féodal et le régime in-
dustriel. A cette époque, c'est-à-dire en 1817, Saint-
Simon s'efforce de faire comprendre la nécessité d'une ins-
titution politique commune à tous les peuples européens ,
ayant un parlement supérieur à tous les gouvernements de
cette partie du monde. Il voulait que cette institution fût
chargée des grandes colonisations , des colonisations géné-
rales du globe , de l'organisation d'une éducation unitaire
et très-perfectionnée , voulant rétablir ainsi dans l'Occident
quelque chose de cette unité détruite par Luther, et subs-
tituer au traité de Westphahe une base plus solide pour
l'union et la bonne entente des peuples. 11 n'hésita pas
non plus à prêcher l'union la plus intime entre la France et
l'Angleterre , foulant aux pieds , avec le dédain d'un homme
de génie, les préjugés populaires.
Ce fut à la même époque que Saint-Simon professa la
nécessité d'introduire la méthode scientifique dans l'étude
de la politique , mais il fut peu compris. Quoi cependant
de plus clair et de plus rationnel- que des propositions
comme celle-ci :
« Il viendra sans doute un temps où les peuples de l'Eu-
» rope sentiront qu'il faut régler les points d'intérêt géné-
D rai avant de descendre aux intérêts nationaux. Alors les
» maux commenceront à devenir moindres , les troubles à
» s'apaiser, les guerres à s'éteindre ; c'est là que nous len-
838 PHILOSOPHIE
» dons sans cesse ; c'est là que le cours de Tesprit humaîu
» nous emporte ! mais lequel est le plus digne de la pro-
» dence de l'homme , ou de s'y traîner ou d'y courir !
» L'imagination des poètes a placé l'Age d'or au berceau
» de l'espèce humaine , parmi Tignorance et la grossièreté
>» des premiers temps : c'était bien plutôt l'&ge de fer qu'il
» fallait y réléguer. L'Age d'or du genre humain n'est
» point derrière nous ; il est au-devant , il est dans la pér-
il fection de l'ordre social ; nos pères ne l'ont point vu, nos
» enfants y arriveront un jour : c'est à nous de leur en
» frayer la route. »
Il s'en faut de beaucoup que Saint-Simon ait professe
sur le pouvoif et les attributions que l'on doit accorder aui
gouvernements, les mêmes opinions qu'une partie de l'école
saint-simonienne.
« Les gouvernements, dit-il, ne conduiront plus les
)> hommes : leurs fonctions se borneront à empêcher que
» les travaux utiles ne soient troublés. Ils n'auront pins à
» leur disposition que peu de pouvoir et peu d'argent; car
» peu de pouvoir et peu d'argent sufl5sent pour atteindre
)) ce but. ))
En 1819, Saint-Simon publia Y Organisateur. La seconde
livraison de ce recueil , aujourd'hui très-rare , contient im
essai de l'histoire des industriels et des savants depuis W
IP siècle, essai fait au point de vue de la méthode saint-
simonienne. Les faits y sont rangés en séries de termes ho-
mogènes qui font apercevoir leur loi de manière à faire
pressentir l'avenir scientifico-industriel de l'humanité.
En 1821 , parut le systêrat? industriel, avec cette épi-
graphe : a Dieu a dit : Aimez-vous les uns les autres. ^
L'auteur y explique comment touteslos institutions actuelle?
sont appelées à revêtir le caractère industriel , comment les
savants doivent y être chargées de l'instruction publique, H
les industriels de la formation du budget.
En 1825 , notre philosophe publia des lettres aux dépu-
tés , deux brochures sur les Bourbons et les Stuarts, dans b
dernière desquelles il démontrait très-brièvement le carac-
tère le plus général de la doctrine de la vie universelle , et,
BU 8IÈGLB. 839
presque en même temps un écrit très-court sous ce titre :
Travaux philos&phiques , scimtifiqtêes ei poétiques » ayant
pour objet de faciliter la réorganisation de la société euro*
péenne. Dans quelques pages, Saint-Simon y expose avec
chaleur les principes de sa doctrine , qui dès-lôrs se sépara
entièrement de toutes celles qui Tont précédée et préparée.
Cependant Saint-Simon n'avait encore d'autre témoignage
de sa valeur que sa conscience. Il n'était point chef d'école,
il ne possédait aucun enseignement public. Augustin
Thierry , son disciple , le reniait ; Comte l'abandonnait , et
la misère la plus profonde était son partage. Fatigué de ses
trente-quatre années de luttes , incertain , doutant de l'ave-
nir, le philosophe faiblit un instant : sa main s'arma contre
lui-même i une balle sillonna son /ront, mais son heure
n'était pas encore venue. Un commerçant, un juif, homme
versé dans les questions industrielles et religieuses , et de
plus mathématicien très-habile , Olinde Rodrigues re-
cueillit son mattre ; et sa dernière phase, la phase religieuse
commença. Saint-Simon revînt aux idées qu'il avait som-
mairement exposées dans les lettres de Genève , et les déve-
loppa dans son Nouveau Christianisme.
Saint-Simon est mort le 19 mai 1836 , léguant à Olinde
Rodrigues , le seul disciple qui ne l'eut pas abandonné dans
sa misère , ses manuscrits et sa pensée.
Le saint-simonisme a présenté trois phases , comme la
vie de Saint-Simon : dans la première , il s'est appelé le
Producteur ; dans la seconde , il s^est organisé en couvent
religieux pour répandre la parole du mattre ; dans la troi-
sième, il s'est bifurqué. Les uns, avec Enfantin, ont cru
à une morale nouvelle; tandis que d'autres, indivi-
duellement ou sous la direction, ceux-ci de lean Rey-
naud , ceux-là de Pierre Leroux , se sont efforcés de créer
la physiologie générale et de relier l'avenir dfe l'humanité
aux traditions antiques de sa vie.
Le Producteur avait réuni un grand nombre d'adhérents.
Ses principaux collaborateurs étaient Enfantin, ancien
élève de l'école polythecnique ; Bazard, l'un des fondateurs
de la charbonnerie , homme éminent , logicien fort habile ,
qui exerçait une très-grande influence sur les plus éner-
840 PHILOSOPHIE
giques des révolutionnaires; Budiez, docteur médecin,
condamné à mort dans la conspiration de Bedfort, trs-
vailleur infatiguable, qui a produit depuis une Intréiucticn
d la Science de V Histoire^ une PhilùWfhie^ VEurefèeh,
Y Histoire parlementaire de la Révolution françaiee , et qui
présidait la Constituante en mai 1848 ; Dugied , homme
énergique , qui avait aussi joué un rôle important dans h
charbonnerie; Laurent de TArdèche, Tauteur de la Aé/ît-
tation de Montgaillard ^ depuis représentant et bibliothé-
caire du Sénat; Duboehet, pubUciste que sa position
mettait à même de bien connaître les faits ; Rouen ^ Cer-
clet, Armand Carrel, qui devait plus tard se faire un grand
nom au National ; Joseph Rey de Grenoble , ce vieillard si
vénéré dans sa ville , où il est à la tête de toutes les insti-
tutions de bienfaisance ( il avait fait connaître à la Franœ,
sous la Restauration , le mouveme&t communiste anglais
de Robert Owen) ; Blanqui l'économiste , «ilevé tout ré-
cemment à la science; Senty, Peisse, Artaud de Caen,
Halévy et quelques autres de nos c^ébrités modernes.
Œuvre d'hommes inexpérimentés , le Prodneteur senl le
travail et l'incertitude ; il est diffus , confus et manque
de fornmles.
Lorsque le Producteur cessa de paraître, Cerclet, Du-
bochet, Rouen, Blanqui, Senty, Peisse, Garnier, Halén,
Armand Carrel, se retirèrent de la société saint-simo-
nienne. Bûchez , Rouland , L'Herminier Margerin la quittè-
rent le jour où se fonda la hiérarchie. — L'œuvre du couveol
saint-simoniea est bien supérieure à celle du ProdueUur.
Toute société est dirigée par quelqu'un : ceUe^i l'était en
nom par Bazard et par Enfantin réunis, mais en réalité
par .ce dernier qui conduisait avec une prodigieuse liabilf^té
tou^ les travaux de f>es co-religionnaires vers le but qu'il
voulait atteindre.
Cet adorable satan avait tout ce qu'il faut pour entrainer.
P'un^ société charmante , doué d'une tête ftàmirable, d'un
regard fascinateur, d'un calme.à toute épreuve. Enfantin,
que distinguait encore un esprit très^subtil et très^dmit
eu dialectique, un sentiment religieux font élevé et de
grandes cqnn«kis&anoe&<eii économie publiqiiev me néffiisea
BU SIÈCLE. 841
rien pour faire poser les prémisses de l'œuvre saint-sîmo-
nienne de telle sorte qu'elle vint aboutir nécessairement à
cette religion qu'il a voulu fonder.
Il a eu un grand mérite, celui de faire appel aux
femmes au sein de la société française , alors si infatuée
d'elle-même et de ses habitudes. Cet appel, parfois ridi-
cule pour le vieux monde et presque toujours en dehors
des habitudes reçues, a été souvent éminemment poétique.
Pour tout le reste, Enfantin a généralement dévié de
Texcellente ligne tracée par Saint-Simon : ce qui tient à ce
qu'il était fort peu physiologiste.
Saint-Simon voulait que la morale fut une déduction de
la science (ainsi que nous l'avons établi pages SOS à SU).
Enfantin oublia cette conséquence logique de la doctrine ae
son prédécesseur, pour placer sur le même plan égalitaire
ce qu'il y a de réellement humain dans l'homme, et les fa-
cultés de conservation qui lui sont communes avec les
animaux.
Entraîné par une étude incomplète de notre nature ,
ce penseur^ qui eut dû continuer la ligne de Pythagore ,
traça de suite le sillon suivi par son collègue Bazard et
par leurs disciples jusqu'à la séparation. De leurs travaux
résultèrent une science de l'humanité , uns économie so-
ciale, puis une forme de gouvernement que les démocrates
du saint-simonisme eussent dû rejeter immédiatement ,
puis enfin la morale nouvelle , cause de leur division. Ces
quatre manifestations furent très -grandes; mais, nous
dôvons le dire, la réunion des saints^simoniens en une
société conventuelle en a singulièrement hAté Télabora-
tion.
Quoique Bazard ne connût point la polarité intellectuelle
de l'homme , quoiqu'il ne connût pas davantage la parité
qui existe entre les développements successifs et pro-
gressifs de toutes les grandes manifestations de la nature
et leur oscillation indéfinie autour d'un état moyen qui est
leur virilité, il a cependant eiposé , en i899, la loi du dé-
veloppement de rhumanité, de telle sorte que ses leçons
ne sauraient vieillir. Nous aimons à rappeler ici que ces
enseignements. à élev^ ont été rédigés d'une façon bien
842 PHILOSOPHIE
remarquable par Gamot , le premier ministre de Finstruc-
tion publique de la république française de 1848. En voici
le résumé :
« La société européenne est dans la position la plus
douloureuse : plus d'affection nulle part entre les goaver-
nants et les gouvernés ; partout des regrets, des défiances,
des craintes. En politique , il y a lutte entre Tautorité et la
liberté; le même désordre, sous le nom de concurrenoe,
Sroduit une meurtrière anarchie pour bon nombre de pro-
ucteurs ; le vol et la fraude sont les sources de la fortune.
L'art , impuissant à créer, s'occupe presque exclusivement
de critique ; et cependant il est un grand nombre d'hommes
qui sentent le besoin d'un lien qui les conduise avec
ordre, avec amour, vers une commune destinée, de ma-
nière à compléter l'harmonie universelle des mondes par
l'ordre , la sagesse et la beauté de notre globe embelli par
le génie de l'association humaine.
» Cet avenir n'est pas un rêve : le livre des Rénélaiùmi
nous raconte que d'organisations en organisations , de
crises en crises , de civilisations en civilisations , la société
s'avance sans cesse vers cet âge d'or promis par Saint-Simon;
marchant ainsi à travers des époques d'ordre et de désordre,
détruisajit chaque fois de ses [propres mains Tédifice de
plus en plus parfait dans lequel s'élaborent et se préparent
ses pacifiques destinées. L'anarchie, l'égoïsme et l'athéisaie
sont donc des faits transitoires qm remplaceront une hié-
rarchie, un dévouement, une foi, en un mot Yarirg nomiceau.
» Enseignée à la manière des sciences naturelles, l'histoire
peut devenir aussi positive dans ses déductions que Fastro-
nomie, la botanique, la zoologie; elle peut, aussi elle,
classer les faits par séries de termes homogènes , de sia-
nière à montrer leur loi de croissance et de décroissance,
l'origine et la an de chaque série.
» Familles, castes, cités ^ nations, humanité^ ces cinq
termes représentent une série qui raconte l'histoire géné-
rale des hommes entre les deux termes extrêmes: la sa»-
vagerie la plus absolue et l'association gàiérale, (Ces
termes. étaient mal choisis^ cette série. doit iètre ainsi cor-
rigée : individu, famiUe, commune, nation, huouoûlé.)
BU SIÈCLE. 84S
i> Un tableau de Tespèce humaine , embrassant le mono-
théisme juif, le polythéisme grec et romain , et le chris-
tianisme , fait ressortir avec évidence cette loi du progrès.
(Ce tableau était aussi lui très-incomplet et n'enseignait
pas cette grande loi de Thistoire: U dévelùppement par
tranêformati&ni éuccessiveê).
» Jérusalem , Rome des Césars , Rome chrétienne , voilà
les trois grandes cités initiatrices de TEurope.
» Bazard s'arrêtait ici , et commettait la plus grave des
onaissions en oubliant Alexandrie , cette ville où commu-
nièrent l'Egypte , la Grèce et la Judée ; TÇgypte, l'Inde et *
l'Arie , ces trois sources de Rome , de la Grèce , de Jérusa-
lem^ de Babylone et de toutes nos civilisations actuelles.
» Moïse, Numa, Jésus, ont enfanté des peuples morts ou
mourant aujourd'hui. (Ici encore Ton voit qu'en 1850,
personne en France ne connaissait l'arbre généalogique
des croyances sociales.)
» MaiirtSi iêdaveêy patrieiensy plébéiens^ seigneurs^ serfs,
propriitaires , fermiers^ cisifs ^ îravaillewr»^ voilà l'histoire
de i'antagonbme passé. Association universelle, voilà l'ave-
nir : à chacun selon sa capacité , à chaque capacité selon
ses œuvres. Voilà le droit nouveau : droit du travail , qui
remplace celui de la conquête et de la naissance. (La phy-
siologie nous dit : A chaque organe social selon ses besoins
justifiés par son travail.)
» L'humanité est un être multiple et collectif, vivant au
sein de la vie universelle d'une vie qui lui est propre :
c'est une association d'individus qui se développent en
une série continue de générations. Sa destinée, liée en
Dieu à celle du globe qu'elle habite , s'accomplit progres-
sivement. Dieu a successivement défendu aux aînés de la
famille humaine d'avoir à leur service des parias, des
esclaves et des serfs. Les. jours du prolétariat s'achèvent ,
et le travail va devenir la lois de tous. (Que dire de mieux ?
Cependant il est important de remarquer encore que l'hu-
maaitét ne se développe point toujours par une seule série ,
mais souvent par des séries parallèles : fait analogue à celui
que nous avons* signalé dans l'étude des transformations
des espèces- animales). *
844 PHILOSOPHIE
» Hommes, formez nne armée pacifique, et ne dites pas :
Cela est impossible. Votis avez été braves dans les camps;
naguère vous saviez tous vous ranger sous un chef, vous
classer hiérarchiquement, reconnaître des guides^ marcher
aveîc ordre, économie, el surtout avec enthousiasme; et
où courriez-vous ainsi? Ravager le monde, porter partout
des larmes , du sang , la mort ! Suivez-moi ; ranger-vous ,
reconnaissez de nouveaux guides, soyez courageui encore,
car vous avez de grands et nobles travaux à faire ; suivez-
moi, j'apporte la vie. Ainsi parlera le pontife-roî. (Pour-
• quoi ne serait-ce pas plutôt le grand peuple initiateur qui
tiendrait ce langage.)
» Eh ! que viennent nous dire aujourd'hui nos légistes,
publicistes , économistes ? Leur science nous prouvera-t-
dle qu'à jamais la richesse est Tinséparable apanage de
l'oisiveté ; nous prouvera-t-elle aussi que le fils du pauvre
est libre comme le fils du riche ? — Libre f quand on
manque de pain! Qu'ils sont égaux en droits? — Egaux
en droits ! lorsque l'un à le droit de- vivre sans travailler,
et que l'autre , s'il ne travaille pas , n*a plus que le droit
demoOTir!
n Ils nous répètent sans cesse que la propriété est la base
de Tordre social; nous aussi, proclamons cette éternelle
vérité. Mais qui sera propriétaire? est-ce le flh ahif,
ignorant , immoral du défunt , ou bien est «-ce Thomme
capable de remplir dignement sa fonction sociale ? Ils pré-
tendent que tous les privilèges de la naissance sont dé-
truits. Eht qu'est^îe donc que llicrédîté dan^ le sefn des
faiteiUes ? qu'est-ce que la transmission de la fortuné des
pères aux enfants, sans autre raison que la fiK^tion du
sang, si ce n'est le plus immoral de tous les privilèges, celui
délivre en soeiHi 8an$ travailler^ ou d'y être*ré(^pcûsé
au-delà de ses oeuvres. »
e^esl ainsi que le commtinisme religieux et théo^ètique
de Bazard el d'Enfantin attaquait éloquemmeÀt dans l'hé-
ritage l'un des faits de Vindividwiité, colfmnettatit^is-è-vîs
de ce fait' si itnportant la même erreur qui a été tetizffiMse
avatit^t depuis contre le servage et l'esclaVu^.-A^ardeC
Enfantin oubliaient, dans leurs si gMindes4e^ilâ^d%iâtt(ife,
hO SIÈCLE. 845
les enseignements du passé et méconnaissaient la loi des
transformations à laquelle ils furent cependant ramenés,
à cette occasion , par des études économiques qui les con-
duisirent à proposer la mobilisation du sol , c'est-à-dire la
suppression des derniers titres féodaux. Hais continuons :
c( Triste science, qui aurait maintenu le servage, qui au-
rait défendu à Jésus de prêcher la fraternité humaine ,
dans la crainte que sa parole ne retentit à Toreille d'un
esclave ; triste science, qui, dans une époque plus reculée
encore aurait célébré la justice de Tautropophagie !
i> Le développement de rhumanité n'est que le perfec-
tionnement des associations humaines , sa loi repose :
» l"" Sur la* nature du travail à accomplir,
j» â"" Sur la répartition de ce travail,
>f S"* Sur la répartition des produits. »
Qu'ajouter à ces trois grandes énonciations du problème
à résoudre? Bien N'estnse pas un fait capital que de
bien poser une question ?
« L'éducation qui embrasse la vie entièi^ de chaque être,
sa destination générale et sa profession particulière, ses
affections sociales comme celles du foyer domestique ;
l'éducation, qui ne cons'ste plus, de nos jours, gue dans
une instruction sans but précis, désordonnée, mdépen-
dante.des dispositions individuelles et des besoins géné-
raux^ est l'aspect le plus important du ré^ement social :
Tayenir nous demande de poser les bases de la sienne. »
C'est dans ce but que dans la conclusion de ce livre
nous posons les règles d'une éducation que nous croyons
propre à concilier la catholicité et le protestanti»ne , les
droits de la communauté et ceux de TindividuaUté.
(• Si réducaâion était ce qu'elle devrait être , si elle pré^
parait taus les* hommes à contribuer, chacun selon son
amour, son intelligence et sa force , au progrès social , la
législation serait sans objet ; mais il n'en est pas ainsi.
Trouver, selon l'expression de Saint-rSimon, la ligne do
démarcation qui sépare les actions en bonnes et mauvaises,
est une.des.paUies les. plus élevées de la fonetion du.légis-
Iateur«. Appliquer cette règle smrale est l'un 4e9 actes
priocîpdwi.du gouvaaMU»t : la ié^giaUrtion «4 Tordre judi-
36
846 PHILOSOfHIB
claire sont donc les caœpléai^nl^. û^is^nsablQS de l'édu-
cation et du corps à qui elle est coniiéa^ Lcjs, .peines /9&/ les
récompenses, ne sont mêmet à proprement parler que Tua
des aspects de réducation. -,
» 1^ législation , comme tous. las laits humaiost evt va-
riable, progressive, suivant l'état .de oiviÙsaiiop des sociétés;
c'est-à-dire qu^elle est somnise ^à r^terj^ivé de& époques
organiques et critiques «^ue nous ^vons ségnalées.4«09 tout
le passé. Dans les premières^ le. chef ppUtîqi^ (^t i^g^-
teur et ju^; il conçoit le règlement, d'jordraatt^ <détef-
mine l'application ; il est la loi vivanta.f iLfestJ'or^Miede
la louange et de ta réprobation sociaUev. c'est lniqi^:d<i-
cerne la* gloire .oa impriq^j^ la.bQnte. I^n» le^ ^poqpies
critiques, au contraire, la loi e^t u^e^leU^e>jpeiQr4P« sans
Suissance morale : la /justice ^et î'^quilé aant^en^^bo^
istiiicte^ dans J'opimon des' bomrofi$w} . .|. j: »., .,,1,,
0 La législation et l'ordre judiçi^re.i sont akis^^opi) dus
armes pour résister à rçtppre^iop d^ la vieUip bièra#iie,
ou des moyens. d'oppression coi^tre ^.peùple;;,âst)S?Qi«;eQ
d'autres termes, une perpétuelle mapife^Mion «j^vlC^Rta*
gonisme qui existe entjre le&.gouvern4n,t3 i^.l9G.gqpT<i^n|^
lutte qui (U|tfaQtérisq,.4 noSiyeuj(|.r4po(^i0,IQHtif^
désâ^sociation.î . . .., ... .\.„ . y, :,,!,;} h^wr.u tw-
4. Pour nous, la législation est le^fpgl^Qpf d'(9Nfâl]pv:^ ie
législateur est donc l'hommc)* qui aliogie. e^qo^opiatt if qiew
Tordre social^ et par . coaséguent • le bi^t da» l^fasyvjip^ijMft ;
c'e$t Vbomme q.u^ est le plus aap|ible Âe dirigçrJiivi^Q^flé
vers ,l!accomplis$enient des^ d'estiiiée^. JÙrrÇfWfW > 4>'l9ùs
Saintr-Simo^yle hut4e l'activité. hii]2)^ii^.«&|.^ ci^aiie
il s'agit pour ejOl^ d!un.pri>^ès,^miir4^4nt^^
sique, le règlement d*ord^e.doi,t ^spbfl^^asi^ jo^l^il^i^ jwyyt
du dérelQppei^e^t :SOçial f de même qm.le^poifpsji^
se compose de trois, degr^^spécifûi le.Jufjdi^^p^t^Pt^^
pouf ot^ei de .régularisfrtle m^^yioi^efl^jpBi^rj^ i^m^itiS^^
et indns,tfi^1r , , ' -.< .- ^/.-f r. {'iinmiifi .1' «>
^ AiQ3i,qpi^acV>itroix}»^.âeiJtcm^
quelque «Qit lew degri d'impoT^aniOei ,,c.,es^ \miWf*m^ài^
qui approuve «^ oondamne , . Aoue ^> Jbi&mq, (exfl^.fll >i«-
DU StÈCLE. 847
tient; c'est lai q^ii ordemné et ^i juge. »
Mne/il fandrâit que le chef fut parfait: aussi n*y a-t-îl,
ctai» eë dernier paragraphe, que de nobles pensées sans
application possible.
*r îteufl contièftesiofis assei les préjugés de* hommes de
notre âède , p<rtiT savoir qu'il eut été inutile et dangereux
deftitr«f'9iinplemetit, on du môîtwtout d'abond, un appel
à leur «yiHpétMt>. fis veulent de la faison , de la science ; ils
demiandeïit ce'qults appetlent des démonstrations, des
preuves^ no^ devions leur en donnfer, atr i*bque mêtae de
l€For fakè dire de ndtis, que nous étions des théoriciens ,
des idéok^es, au lisque de lesr fatiguei* de no* formules ,
et 4^êtrè rriênie insaisissables , incompréhensibles pour ceux
qni'Cfoiraient'^JtouVotr nous Hfe sans travail. Nous' nous se-
rions bien gardés de dire : Quand vous ne voudrez plus
Îu'iine partie de la ftfttlHle' hurnàihè vive dans roisîveté ,
a travail de 1- autre partie* de kr farniUe; cpiand vous ne
voudrez plus (|ue lés enfatits die cette portion privilégiée
soieht les seulsi qui puissent |ouir des bienfaits de* réduck-
tîon,'èf'"déVelëppef aîvisi leurs facultés; quand vous fte
voudrez ]^uè^ qn'nn^ qtiantîté eortsîdérable de cœurs géné-
reux,- <i*înteHigeiaces supéi'ieures, d'hommes forts et habiles
soicim déiûiérali^si , abrutiSgf ; affaiblis , i(fi par FoisiVeté , là
par un travail forcé et contre nature ; quand vous rie vou-
drez pkrs'avWrs<)iis les yeuï un pareil spectacle , îls dispa-
nAttë: Pfotm langage aWraft été saiW doute plus cîafr, et
eepeiidBint-*l'aoi*alt aujoij^d'hui bien nioins comtfaând^ h:
ciWÈN^tetion.'NiMié aVôris dûft abstraction^ atillant que
p6Mbte 4 dëfli'sytoptiihîes' que nods ressehlîons pour Tave-
itirq^ ndus'anyiènléiotls, et présenter cet avenir éommo
oûe ctoséqùenijîe ^Mceisàite ; comme un effet ■ inétttable ,
èommé uii'rëstiltat/itia/ du passé. D
No^ieetéUr^ rétearquéront que lé saint^stmoni^mre a par-
foiHettient dist^Mgtlé la providehde de la" fatalité, ïnais qu'il
alfôp bttbKé1a^HbeHé''hùmaii)e et rinitîative individuelle.
« L'humanité a un avenir reli^eux , la science n'est pas
afiié# ; 0i0«'éeiué'^àn ^rovideiitij^l, voflS lé lien 9è foutes
le» kninclMfS^ savoir humain; n y a constance, ordre, té-
galatflté^dai^ l'eiiehalnéihefit de^]p)^nomènés. le^ sciences
848 PHILQSOPHIB
racontent la gloire de Dieu en nous découvraqt de. plus ea
S lus rharinonie de toutes les fonctions. A son plus haut
egré d*eialtation , l'inspiration scientifique est ua hymne
religieux. »
Ce paragraphe est certes l'une, des plus belles posées
que rhumanjté ait imprimées depuis cinquante ans.
i< Les phases du sentiment religieux sont le fétichisnae, le
polythéisme et le monothéisme. » (La série. des. réyélatians
contredit cette opinion et prouve qu'elle est historiquesDirat
inexacte.) « En faisant Dieu pur esprit, Téglise eatboU^ixs
plaçait en dehors de lui la matière; de là ce mot de saint
Augustin, « La chair c'est lepéché.^ rr-Dieu pur esprit, tout
perfectionnement matériel était jugé inférieur et apparte-
nait de droit au mal, à Satan; Tindustrie était pooope et
œuvre du Jémon. ...
» Le Dieu de l'avenir ne seri\ donc pas un pur esprit; il ne
sera pas non plus matériel comme les divinités paiemies: il
embrassera l'ensemble de l'univers sous. sa double mf nifes-
tation. L'idée que Dieu aurait laissé faillie ^ oc^tiure
sera remplacée par La foi en un progrès cop^taut„.^icoQOitpli
Sar les efforts de l'homme et sebii la volonté d'utOeprovi-
encc toujours bienveillante. ...
» A ce Dieu universel correspçf^ l'asi^opiatiQR, uiùvec*
sello. » ....
Voilà le dogme sainl-simonien* i
Beaucoup des hommes les plus éi;oinent8de notre éppque
prirent part au mouvement ^aint-simouiea , donV^'éçoso-
mie sociale ne tarda point à être.formuléie. C'ingètiiew -des
mines Fournel traita avec supérioi;ité la que^tipQ 4^ Thé-
ritage et de sa transformation; mais il ^euit.le. tort grave,
dans son écrit, de ne pas appliquer h loi 4^ l'histoire >à ce
grand phénomène social : aussi fut-il parfois ultrà-réi^u-
tionnaire au lieu d'être simplement évolutionMire et pra-
tique , selon les tendances émineipme^t scientifiques <}e son
esprit. Le budget , l'assiette de l'ipipôt et bieaMQQup d'«u-
tires questions furent présentées par l'juja dos PâreÂre^ . seus
un nouvel aspect éminemment libéiral; I)evQC^eiaapcbe et
Sevin , du Mans , signalèrent les .besom^ et ^ oKigwns
â*une réforme hypothécaire; Entaotiu écrivit 4e:. belles
DU SIÈCLE. 849
p9ge9 sur les questions générales ; Michel Chevalier , Le-
moftnilT et d*autres encore prirent aussi grande part à ce
mcotemefit.
En religion, en science, en industrie, la. doctrine du
coilirettt sainl-sfnidnien n'était autro chose qu'un commu-
nisme théocratique dirigié par une hiérarchie sans contrôle
qui pouvait confisquer toute liberté : aussi Bazard , Jean
Reynaud, Pierre Leroux, Jules Le' Chevalier et bon nom-
bre d'autres, comprirent-ils bientôt la pente glissante sur
la^tHfRè-'ils se trouvaient placés. 11 suffît, pour s'en con-
raincre, d'étudier une brochure très-remarquable publiée
sous te titre A' Enseignement central , et dont voici la sub-
staiM :
or La religion, c'est Tamour; la loi, c'est l'association;
la vie, c'est le bonheur.
JF L^homme aHrancbî' trouvera dans la femme libre une
épouse digne de lur.
it'AHistBj i! aimera à sentir et à exprimer la vie des
mondes ; mranf, à la connaître et à l'expliquer ; inàuntrieî^
à modifier la forme du monde et de l'humanité.
n'ftt 'aimeras Dieu', dit le poète saînt-sîraonien, et tu
aimeras l'humanité et le monde , car l'humanité et le
mofride sdtit' eil Dieu,- et alors tu auras la religion et tu
sentiras la présence réelle de Dieu.
» Et alors l'humanité ne formera plus qu'une famille
nWi lanombi^biie!s enfants.
If' Et rflôrs la vie du monde, harmonisée avec ta vie,
setvîrti- & la- développe!* et à TembeHir.
n Tu aimeras à gouverner et à diriger la vie de Thuma-
bM vers^n'but,'ef tu se^as le pontife-roi, le couple gé-
nérateur de» la famille humaine, l'inspiration d'amour et
depaii. »
#'Etalo!^; chaque pas accompli sous l'empire de ton
amotff sertt Uft p^^ês de Thumanîté dans Tamour de
DlenV (5*fest^àf-dire dans là religion. »
Aprèd hibXi dît, en 'style magnifique, la loi de Thuma-
nHé'^Oi'eiàt î'Hgsbéiation gëùéraïe , l'éducation, la fonction,
la'fetMlte*poii^ tîJtis/lë 'classement selon, la éapacité, la
réWibutfCb Sèl6n leÀ' œiltres et la hiérarchie théocratique ,
850 PHILOSOPSIE
le poète explique la paternité , ta fralernité et la filiation
sociales ; la paternité , là frat^n^é et la ^atiw ^eleo le
sang. Ce poème trop peu connu se tecmime ainsi •; -
<c Et alors il n'y aura plus ni Tégoisiae îaioiiis de la
famille israélité; ni, cQmme chez laç dirétiena, la rewrt-
ciation h la famille du monde pour 4a fmniUe apiritaalk^;
mais il y aura la niété de la famille inâiv|diteUe , vîtâUe
par Tamour social.
2> Tu aimeras à vivre dans le prés«it<eiidévelop{»n]l Ion
corps aussi bien qw ton esprit, et tu- a«»eri8 kite-fitamB-
venir de ta vie passée et à prépatar t»'vie à irestf.
» Et alors dans les diverses géDératâoM de là dotdrfe
famille, tu croîtras en amour, en sagesse «t en l^eMilé;
et ta vie, toujours nouvelle i cfaai»iae de aesi'^iascs,
voyage d'initiation à travers les stèoles.et au nailiea des
mondes, ta vie, à la fois indîvtdiieUe etcolteetiv^^f i»'a«Fa
de limite que rimmensi té , n'aura de finqUerélërlMléJ
» Et alors il n'y aura plus ni l'esprit mcHÎiâé* p» la
chair, ni la chair mortifiée p«r VeeprU, ni le r^imq»4e
la terre séparé du royatime du ciel^ m^lad^ulèiir'daBs le
temps |KHir la joie datas Fétemité; mëisit^aura U ^Mvle
harmonie de tous' les désirs huniaidSi > • :'• ^ : ^
tf Et alors il nV aura pkis'ni l'enfer^ a)i,Ie>pi»adîs<i^ -k
repos étemel et la damnation éterbelte'4u''(4)f«stiMèHDe,
ni la mort absolue du matérialisme v maîB â'yt Mrai tfâio*
lutton progressive 4e l'homme dant^ l'hvmattHév >et-de
Fhnmanitd en Dieu. : " ,* «p bl u/l ' f; .^
» Humanité! voici ta religion, voici ta loîv i^QÎ9 ta
vie. » '■ ■ ' • ' : '•.'..' iifi 5» . !.. ■ . n>
Toutefois , le «Aiiit-BimohisiM â'Enfaotki^inaidesrftil «pas
s'arrêter à o^s prémisses. "Bientdt il prèoha U 'lâMWiJilâ-
tion de la chair, de Pi^uslrie , de la femme, trolfr ti^tosies
qu'il considérait' comme paraUèles^anei Ve-^tmstiafei^psme,
et il en voulut 1^ progrès parallèle datis: sa qre^gîoajt Alors
il fut facile de comprendre qu'au Uéu^6deikiânte»>la
restauration et 1$ dévdbppemeut dé la4do(Hn6 destdroîdfes
et dés Germains, en (^ (^i^oneeraé la^fl^m0iev<flD<Mtin
ne visait rien moim q^è VaB^ôcier à-un fiilfii$lète'fl^liii»ir,
élevant les plaisirs sensuete à lafaaiiteur'éeaeeteqitifms
im sificu. 851
lesipluB idéalefi, QÎml ainsi de la manière la plus absolue
les eoaeigiieiiieaats de la phyaiologue , qm veui %ne Téduca-
tioB s'attadie suttonl A développer le& facalt^ humaiDes
de rétoe.hufDain*
One éclatante raptore fut la eooséqueAee de ces ten-
dances aansnalîates qm «e pvésenlèreDt enveloppées de
am^Bs mystiques, f^ee légère^ analogae à ces robes
transparentes que portèrent aux bals du direckHce les plus
oéiètres à» A»Mtsie et des Nmau da eefcte époque de
oomptionr morale et^ de déchéance politique, lie prêtre
alors cessa d'être, tin dans la croyance saiftl-simoBienae ,
pourae transfonuier.eii un couple- aiBoureus,]ea uoe Andro-
gyueeàardéede présider à la réh^ilitaticm de la matière,
daJ'ilidu8trie« de k beauté; d'éiaUir Fégaliié de Thomaie
et de la femme, et 4e sanelifier aussi bien las amours
cbangeantes el les natures mobiles, que les 4«nours. du-
rables €t lesbature&cotistauAes dans leurs^affecUonfi^ Voici,
disait-on' dmis le seet^t du sanctuaire , un jeune homme
boBvidémmé; dr'ujie iuiélligenee supéri^re, d'une eseâ&*
sive'iianditéy'cbeaileqliel une déplorable, habitude siera la
svitaS'da ctts allraôtiops divemes. Quel maU quune prê-
tresse initiée aux secreitsds la vie ^ qu'une demoiselle, des
béHes ûousîiiesi, qu'tine madame de Warens. préoccupée
daT^wvtdeîJûeJeuilk. homme qui s'étiole et.^e flétrît, se
ÎBBSB iowi^ kflû dans sa chadrilé bri^Iaote, pour riaitier à la
vie: d'am«mr,:»c4aim6< Jehan de jCiiKtré,' pour l'arsacber,
comme Jean Jacques, aux dangers qui eutcpwentsoii Age et
saqposîtion/ i.î ••■ . ^. » .
On attribuait aussi au ppe de l'église nouvelle ce mot
esraotédstique^^ fctèti 'Vraisemblable 'S^il n'isst pas vrai : Le
lèlvmadiama, scM le oonibssionnal de l'aivenir*
fitt^ttérlQns^emf^sà Tavaucepai Enftintiu^' d^nt il Avait
aocBfÉé^ sans y prendre giarde» les.yrémts^ : perfides et
trompense^; lié^ifr.ses ^rits.par la lagiqiie serrée dont il
avait fait preuHf Bizacd voiduteavaiarésisteff^ Alom eut
lieuiemrb fifîfantiD.>ei' lui, tous deu« à.!cette. époque les
dent JÉ)amie$t lés plusi^mineiits de. la société' uouvelle^ un
duel térniUe^ lutte ladmirable d'mielligeoce^ de savoir et
de jbàosofbàe 4 qvk eut pour tâmioins quekiues^uns dos
852 roiLOSOPfiiB
hommee lesplos distingués de noire feMnps. Bacatil, frappé
à mort, tomba comme un taureau. Une attaque é'apoplexie
renleva à cette foule nombreuse , à cette masse d'aactens
conspirateurs, de jacobins et d'bommes transformés par
le samt-simonismoi qui le considéraient colnme leur éhef.
Blessé aussi à mort dans cette luUe morale, Ënfastin n'a
pas joui longtemps de son triomphe; mais, îi! faut être
juste, Taudacieuse tentative de ce nouveau Mabomet aélé
pleine de grandeur. Elle a échoué parce qu'elle n'étsât pat
en harmonie avec les mœurs, les habitudes, les préfu^,
les croyances et la science d'Occidenf ; mais elle a maircbé
digne et calme dans les revers et la pauvreté , semaat sur
sa route l'exemple du dévouement , la pratique de Tasso*
dation et d'immenses trésors de science et de poésie,
frappant au cœur tous les hommes généreux et les enrAfant
pour l'avenir.
Rien en vérité de plus remarquable v oemme s^rle et
comme élévation de peoisée , que les dernières pages 4e
YEcmomie Politique d'Enfantin. Impossible de présenter sa
croyance avec plus de charme, avec plus^d'art^r^te-taet ni
de bon goût. Si Tespace ne nous manquait , ncms en cite-
rions wlontiers huit à dix pa^s. A leur défaut^ ^voiei du
moins quelques 'fragments :.
a Plus fier et plus ardent que le prHrt du Dieu des «r-
méesde Jébovah, que le ministre du leulte sanglant' de
Mars et de BeUone; mais aussi- plus tendre, plos cémpa-
tissant qu'un ap6tre de la loi sévère «ki Christ ^ de cette
loi qui a des peines éternelles, et qui menace iBmsoesse
l'homme de Uu ôter jusqu'à Tespéraneè^; emi}rassanl idans
son amour, nonun seul peuple^ une seul» raee, nia» il'lm-
manité ^tiàre; non un seul aspect de réire, l'espntvtt^^
aussi la chair/ sanctifiée pai> la paix dans lensonde^eoiinne
l'esprit le fut par la paix dans l'église; plus glorieux^^qoe
César, plus hiunble^que l'inSsiiUible vicaires du Cfafîst';^pliis
aimant qu'eux, oar il est le pàcespiritaelfet tetaiporel^de
tous les aammes, voilà le postif-rot de l'aveeiPv?nHlà^lR
prêtre, eteêhomo! ! . : • i 4»
» Le prêtre lie le spirituel et le temporel, l'esprit ei
BU SIÈCLE. 855
la chair, c'est-à-dire qu'A tinlt la science el l'induslrie
dans un nôme désir d« piyigirè£i pour l'htimmité. Il veut
que le chaoïp de^ oeûna^ssances huimrhieâ s'étende, que
rintelUgeoce de tou^ soit cultivée, élevée; et 9 veut aussi
que la globe et l'homme s'enrichissent et s'embellissent.
'9 Le clergé a donc pour mission de rappeler aux hommps
de la pensée comme à cefui de l'action , qu'ils sont iriconi-
ptets Ton sans l'antre; de faeiliter leur-union, de les rap-
procher; d'haitnonjfser les travaux théoriques et les travaux
pratiques. Le prêtre est un- enseignement vivant de Tal-
lianoe définitive p(ir laquelle cette éternelle guerre desdeut
mandes doit cesser.
» £l voilà pourquoi , femmes , nous vous disons que vou«;
avex plaee dans le temple, que l'heure de votre affranchis^
semeol définitif a sonné , que votre seigneur est devenu
votre épottx«
» Saantastvaditions , vous ne serez jamais épuisées , vous
grandisses sans casse pour le prophète. Gloire à Saint-Si-
mon! par lui rhumanité sait ce que Moïse ne pèuvaît dire
aux fiébmx, œ :que les afpôtres du ChHst eut-mémes ne
pouvaient porter.
» Femmes^ votre seigneur, l'homme (ofrt , jaloux et ven
geur, rhomme des armées vous tenait en servitude. Pouf
vous aauvec de h iNUtalité de votre mettre , le mystique
époui^^ l'agpaeau de Dien vous sépara l^n de Ptfufro.
« Vpilè Tos' de meS'Os et la chair de macb^ir;f nous^som-
» mes deux dans nne eeule chair » avait dit votre mattfn ,
et «ependant k cette dure communion de la (orte et de la
faiUeBseovst snecéder lîextatique communion de Tesprit.
« ie<paDrdonn6y;mais je ne commande^ pas Tunion, dit
» Vn^tse; je creis même, ft cause des nécessités' de la Vie
» prmnte,- qu'il est avantageux à Thomn^ede ne point sn
» marier^ n .-..•. " ■ . . ., r-. "
' » Çesnéoessibés de la vie préi^ente « le^ véii^l t il fallait
se sépaiw.d'un moado^sanguiBiaire, livt^ à la brutalité ,
rompre. aveo aea> passions; avec ses usages», ittfoHtiif que
Télite de l'humanité donnât l'exemple de cette 'àbstmencc ,
de cette renonciation , et que^ par une exagération sublime,
36*
S54 PHILOSOPHIE
elle brûlftt ee qae tous adoraient; il fallait que la fîKiiioe
ne fut plu& riospipatrice des combat» t* 1q prixda lat TÎctaiiB,
la parure du eirque, le joBet du gaernerv il faUaii enfin
. que le feu purifiant , allumé par Vesta daosi Romttu, fut
porté par Marie &tir toua les poiBtsde la terve.
.•••..••..•••«■•«••^'•.'«-^•••'•.•.
u Prêtresse du Dieu 'vivant, le temp^^de Ta^veiijrs'eti^fe,
rhomme n'est plu» seul à Tautel; peine d'amour, un ttAne
nouveau s'élève ^ asaied^toi à la droiterde Iob' époux et
non de ton seigneur : la sainte faoïiUetamaine esi iapdée.
Mère, épouse et fille, le liw sacré de ré^aUlâ ;I'«dîI au
père, à répottx etau fils» : . ? ,
» Couple saint , divin sjmhoi» de rmipn ^ d» la sagesse
et de la beauté, ^moureosa A^drogyp^ , ta donnartifi kvtie
i Tesprit et à la matière, aux travaux de la -soîeiicB lai à
ceux de Tindustrie. Par toi plosde guerre dans^lefnoade,
car tu l'embrasses tout entier dans tpa amour; par toi plus
de despoles et d^esdaves, car tu fie otfcmmandnpas.pfais
que tu n'obéis: tu es aiipée et ia <aime9; Goppleifiaint^ tu
as cueilli le fruit de rarbr0 de vie; ppttr rtift 4uùs <de faute
originelle, mais auspi pour toitousiiest.privilégesifdajaiaîs-
sance sont abolis, car c'est par l'amcur sasai' qua tarifes
formé, è'ést par hii seul que s^ sooli-âhetféliéeS' et junl»' les
deux moitiés de ton ètrêv ^t parteul cersera^^saibn^ï^iir
amow et non plus^ selon* leur naissavcecpae 'rbMUBe^et la
(emme Seront nuis) Vivante image de itoatea*qii;e8t;^. de
Dieu , couple du progrès, un et mitltipieà la- fois « ^ pk>r-
tes^datts.ton sein et tu irépand$i'8i«r le^^onde èe^cainie de
ton puissant amour; ta* sa» «mtérbr l'aideui^^ léveitter la
patience , joiadre^ Tintelligeficé^ à la forpe^i^t te^giiçt^K: la
raison; d'mve main tu pèses 'Sur* <rorgueit,'de.l^«itr»;nu
âôvesrhvAuilité; tu écoutas to bruit dtfsaièdfiS'paaBés,
nulle tradition n^ Irhnpe' envain tbn^wëiite v^iet. loiMOfla-
mes les destinées de Vhulnanîté et éa monde^i tn«.okaflles
Tétem^Uefroptlétié. a î I , » » . : » i:./..r,<r: i: » •
Cette- pago a ses èrreutsiv mfât^ «ttoiiuuMiiania» îérMs ei
ses granq^ursi Mou^voioi kn schisme dimtiies.iiBotîfiaiont
été généraleiiQeflt HMHovqasfilésv»"'^' -'M/noa .•>{» , jfucTu.J
Pienrè Letouri J^ao Reyaaud ,' GfitMt fMesJiJeJÛieva-
BU 6IÈCU. SSS
lier, Gharlon , Gazeaux , Laortot et d'autres encore se sépa*
ràroQt d'Efifiaotin; nuô» il' censerva pfès de lui< Bmile
Baoraukt^ plus âbqtiKit desprédioiieurB saint-^imûniens ;
Pouioelv iBgéaiear iiès«^stiogué ; i'Ekhiàï , aiiquel nous
deTODs un bel ourrage »r TOrient ; Angiiate Gfae«alier,
dq[U]is secrétaire de notre empereur actuel, alors président
à» là Répiriiliqfie; Dttteyrier^ dont tes éorit» étaient si
riches de poésîa; tes frères Flacàat , auxquels noue ^yods
de^KMines. études sur les: travaax publics, sur les en&ropôts
écliifiés B^ la rraaÎBûD . eamaieceiAle ' de Londres* ^ alors eom-
pléiment ignorée dans notre patrie ; Bosrd etBruneM,
ces dignes frères d'armes si aiméstsi estimésdeceui mêmes
qui s'étai^t séparés d'eut; Lambert, aigourd'Iaui directeur
derJebsemitoire .égyptien d'Alexandne; les* Péreire qui
ont iait «me iortiaae.Golossalft.depaiS' 1848 , '^t aoni veslés
des éooBoaBÎslies de prettiier ordre ; Lernoomec^leur conseil
èL Vuh da^ ^irinaipaiiL ea^lojrés du orédid mobilier ( Ti^ur-
D^urviingéniBurdo etenàn de fer de j)(uitfi6 à Tours; illr-
bains ^iBleqpiÔto arabe v?c<mau par des études de philoso-
phioéleYiéé; lllichtijQbermIier) quisefil alors une si grande
céputatien (toonno joumaliôte , et qui. depuis s'est placé
dang un; « ralng tcèa^ékevé €omaie publijCÎstA i Rogé , Paul
f usiasi, fiueioiiitt depoist àkeoteur du^cmmal Lm JUpuA/»-
fke^MnmgKj Vomtier bcnrloger, l'un des Tédaeteiwsrde
c&jmanai^ Rernsean des Septvoiesi; les ^oQteumtS^moa.et
Curie ;jVp(^;Lamaillaud0rieet'taQlf d'aiittees<tq««jexegrelte
d^ ne peiutoir eitér ièiij : , t . • , )
^Uilft*reÉraitefèiMééilittOQtant, le départ d'un. gMod nom-
bit; peÉirrOmen^v la.dispevsîon., teUes lurent tes pha^
riSii/M<«''i^9 qnicomoiil de» fautes ^navesymai» auquel
neiaMâquèreût nilesisaffcasmes, ni lermdiGtt||e^•ini V^Miieux
•de6ipef^ontâonSi.<>L'histt>ire du sakitHsimoni^flfta racontera
iforique jour dé iimg drame oùidefnoUeatnatuD^^.trouvèoent
la^iitoKt) a9aijiain.de. là joisteei etdtâs souffrmee^i m drame
à la Sakespeare, dans lequel les briUttât^^àpiiits de Ibcbel
Ëliaiati«^l«i|i0éiieà''d«BDre7rier4.i^^
tiBiamnlft^ttiondb noœrâUe, des éioqueiHes^înflpiratipni de
Barrault, de bonnes études] pcAM^teet sw )!(^r.f)beiQiiis«de
ferCat léur^kèk^ médiCdrrilnémt, )ùxmA sir^fimf»^ ipréiédées
85ft raiLOfiOPRiE
ou suivies par des scènes et des atta<pies grotesques du
vieux monde , de ce vieui jésuite «u d&ur flétri , anii sens
usés, à la morale si facile et si fMisse, aux r0latîofi»^ocJB-
les si pleines de mensonge , qui voulait continuer à e&ptoi-
ter comme par le passé, la terre , le prolétaîm-eC la funt^.
Tartttfle de liberté y il mit sa cocarde à son chapeau , il Itft
et relut le journal véreux des> épiciers enrichis et s'en- vint
brafveraent un jour cracher au visage des novateurs. IMs
laissons ce triste sujet : sila doctrine d'finfantin élail {ileftoe
de séductions et de dangers , aussi doucereuse queia oél^
bre Armide , la vie des saints-simoniensqui sepvéletidai^fit
orthodoxes, à part queUfues trèsnrares exceptions^ méritait
Testime de tous.
Le couvent saintHsimonien avait créée de grandes - «spé-
ranoes et rallié une foule d'hommes qui ne se«onnaissaien<
pas. La dissolution et lescvénementa qui suivirent leur ctit^
sèrent un chagrin mort^. Mais, d'un cOté<;' QanM ,> par
k Revue Encyclopédique ; de l'autre , Michel Chevalier, par
une incessante correspondance, créèrent quelques liens entre
les fils émanés de Saiiit<*SîmoB. Partons d'abord de^ rœsvre
de Michel Chevalier. - ' » ' i • ' -
Directemmt et indirectement, il prtt une grande <pa#ti
la rédaction et A la propagation du livra non^eMV ewtt^
curieuse qui eût pu avoir une tvès-grande ^influenoé, tams
qui n'a jamais été achevée ,'et qui, reproduMclseul^iMMit
par Tautografliiet n'a été commuuNfaétsqu^jéttn petit nbm-
bre d'amis. Micoel Chevalier en a rédigé lagenède.; elto e^
pleine de poésie, eC cependant je doute* qu'il «soitrhiiMfttéme
satisfait d'une ce^tvre qui prâte autant à lacritiique''SeieM^
fique: aussi nous ne la reproduiik>As pm. '- '* * •
il fit copier è la même époque ; pour se» amis intîlBèB' ,
une lettre au doctem Vérollot^ sur les races 'humsIiilM, ies
civilisations passées et l'avenip de Fham«niléj 'Bnftte^un
peu trop> exclusivement au point de>vue dii^dudistn^''^oiis*
tant dont l'homme et la femmesont lestjrpes^; «Mts 'l^tt«
était cependant très^rèmitrquabte pour'twBc Miûhèl ^Cheva-
lier pressentait alorsfiee découvertes histor4c^ues>qlÉ')om« m
heu depuis par 'la' traduotion'xiesNaokas!. ' ' ' '^ ^'
Voilà rœuvrt^d'ËnfMtin et de se» disciples; (^U^^a^mitsa
DU &1ÈCJCC. 857
valeur^ elle a eu sa gloire, maii» eUe a fortemenl dévié sur
Elusieurs points de la doQtrÎDte de Saiot-Simon, eo laiseanl
i|[:^XsUdo9^pouv la Bkél«pli}E5iqiid.y et la «orale pour le
seDdu9lii$iie«
Après ]0 9iihmm saiqt-simooiw, les. dissidents se jdiyisè-
rQqt tout d'alDfMd. Carnot, Jean Rsjrnaud el Pierre Leroux
conlinuèrent la Bewie Eneyeiopédéque que Julien, de Paris ,
avaîl créét^w BieiHût Gharion fonda le» Magmin Piit&Pisqw^
reewsil tOMt-à'^faàtt aa(>érieiir pour la forme el foat leiood,
auqidial aon nooa se trouire glorieuseoient um. . Plus tard,
vÎQt rj^ftfiya/fjN^ia NowtelU^ travail irès^grand, s&aisjîiia-
cb^ivé» qui a^iûis en'évideucela grand savw théologique de
Pierre Leroux et les connaissances encyclopédiques- de
Jeaa Reynaud, l'un des savants les» plus émtnants du
sîède.. Ce dernier sut léupir une foule d espriis dtstiiigtiés ,
pour€#tAa(Buii*&,. qu'on doit considérer comme le travail
le^p)us important publié en ËuBope de 18QQ à ISâOt -■
Si^ reg^rJ des tandanoes d'une» catholicité sioîentiiiqu^
dirigée par une hiérarchie puissante et anstoecailiqlie. pour
sanii^ode de formation « on vit se manifester, sous le goil-
verowi^nt de Lotiu^4^.hiiipfiei des^endaaces unttaires4ttidsi,
rnaiSîd'iin, autne ordre et singuliôremenl plusi £avQrables à
la Ulp^té' ainsi. qu'aux droits des individus* et des^eommu- »
nés. JH^ns^ .le^aiot-simieinismes le supérieur appelait à lui
rinféfii^iir, poiic focin^Mi la hiérarchie. L'étet procédait du
chefi ajiix.mimd)resi,dui.4ernier Offdre, de la nation aux
coni^ipaunes* Le fo.Qriéris«(ie proposais, av; ceoiraire., do
passer de la muUiplieité,à.Fum(é<; de créer les. communes
avant jd^.;eréQr l'Etat •Qvt leur association'; de faire élire les
chefs par iWms, inférieurs, ic^'estrà^^ÎBe que le saintr^mo-
nisme,wpposaÂi'la( m^orité tout^^fait miAettre^ et que le
fourié^sm^.laJ^onsid^ait comme. mqjmre« FowBîer a été Je
gwid 'ap^iMr^ de^^elte dorcU'ineNà laqueUo il. ta Hùssé.son
noi(w. gaimanifestaftiDn a présenté. tdeuAv phiv^ee t • Tune
'^fflipHQt j>lir Jiuii^ Vi^nt$» ipar ses cUsqipjieB» . < •. -^ . ^
La première comj»eiioe^à< 1807i':pour rse.termmer'à 1»
dissolitiiw. du courent ^ aaim^simanieia , : époque à laquelle
858 PHIL060PBIB
Le fouitérisme, par rintèmiédi«ire de disciples déToaés et
nombreux, s'est pris à briller d*tta rif éclat.
Os peiil iure de Fonvier Tmalf se la ptœ séémsfltuW en
se bornant à une partie de ses études ; on pourrati'te rte-
dre ndieale en ne prenant qve le sui^uè. Noos essaieiitms
de le faire complètement connaître arveéi «ë ^i^îl ^ dit
d*adaiirable, de faux de hazaràé. * '
Frappé du grand quaternaire de ta nature, déjk ^gfMdé
par lee aaeims, Fouvier reeonnati que la Tie eM univer-
selle, qu'elle se manifalite à des degré» dîners 'dane'l^
quatre fi^ands mouvem^tus, dans lee otiaii^ ¥té» p»fa»»()è(lês
de la nature 4 qui sont : le règne mîmraif lèftè^eiTé^tal,
le règne animal et lo règne» soéiah De là son Kri^^^des
qmatre mauve&aenls.' i «• u : r
Comme Saint-Sîmen , mats arfM'ds lu^> eoit qu^ill^eAt
étudié, soit qu'il ne cnonn^ ^a9 'ses Mfrea^do GéHènre; il
n'hésite pas à dire que Tâllractioi^ e^>bi4>èigle uniretfe^e
des existences. Leibnitz décolivrait < en lÉème toMps ^e
Newton, le calcul différentiel ; etiFouriër;'ceïou sÀItme,
était bien de taille à trocrrer seâlla génét*ali«Kitictti de ia
loi de Ne^toD, indi^yuée^d'aiUeur^iAaÂs'Ie ^ècle^précAtont
parMoreliy. • -• '■ - ' '•'■ •• - ^ "^•'-'^- • '■ ''^;v:
Gomme- Saint'^Simon , Poumi^ eMrevoit ^aùësi ^ le'rété^^e
la polarité ; il énrnt-^ mtm» ^ au si^et ^ irMito^e-bovél^ ,
. un réire magnviique qui pourra -se^i^ii^ei en' palfiétj '^Èe-
pendant il laisse cette '4é«ouvêrte incottiplèie^rônteiilatiôD
générale dee cifnq séries 4*«tisiendes de^ila^àatàre hi
écbap{)e: delà les ^erreim de mototoqtiUt a'^^offiffiiseir^n
traitant de la vie sociale. • • - ' ''^ > i ^ i.:» rn^;
Frappé de l'oi^c Gériatre, c^ipértoat pt<é^idb à^'ll^-
cernent ei^àla distribution >des<vièsdii^e#ie$q^^soâyfi^^
la grande Tîe^ uRiiten»elle^> Fo«iiermèsè>'l36iMd^^sft'dire :
L'ùtêrticêùm ^H uni^emU^ ; lèsâfttfflotieM sM^^fOpertâon-
neUea aux^dèelldées. It ItjouttdàrMs deotxr^prb^tlstil^
tressième, ^ lui ej^pai^tieM^^dUs 9|^cateiMbt^^
deut aiitres t £#^aiMf dttiMSkia lé« Aaf^^ ' . > >^
G'eat msi qu'il est' eônctait logi^Éoest^à^liafmttièher
les iMiamea pèlir kf& sànmeimB à leiU^^ ^tr^Mi^^el^e^
distribuer en «étales, et^par /taite à ôM4#4^^iitttttfMi«i^^
DU &1ÈCLE. 859
velle, agglomération sociale daa» laquelle losintérèla seront
rapprochés , coipbiAés et séf ié$<
ÇHte découverte est immense ; eUe oontient Wàt la mé-
caDisik)^ soeia^ de l'avenir: aussi» qu^ que saieal les
rè^es^ les folies, le^ fautes de logique que Ton pnit signa-
ler daos l'utopie de Fourier^ nous ne l'en re^rdone pas
moins comme l'un des plus grands génies qui aient jamais
aûsté. Il est. en réalité le K^epWr de la science sociale ,
quoiqu'il ait encore beaucoup plus^acoordé que Kœfderaux
puiï^wcea mystérieuses des nombres, ^ qu'il soit bien
alpins d^entitiqiie dans sa mauière d'étudier la nature.
Qa. pourrait définie le pbalanstère de Fourier,. cette
conunune nouvelle qui résume tout un, système , un ^and
village scientifiquement organisé d'aprèss lee loisi de la na-
tui^. M4is avant. d'arriver h son e&aiaen.,.Q0us passerons
eu ceviAe>le^ principaux chapitres du poàne de^Founeisur
le passé, le préseuit et l'avetw, la tf^éologie, la. oesniogo*-
fije^Ibi^toicet et la prophétie, i • : c-
Tout dabord FQun^Qpo$e.eAi principe qu» la scieace
seule est' en mtesure^de rés<H»dv^ les problèmesKSociagQa,
qil0ic'eât.d eUequiLiai|ts';I^QsseripQuriAYe*r «ne théorie
propre a diriger les hommes. Mais jpeu fidèle k sea ftré^
mÂsaes^ il»^ tai^da^pa^i^ déi^iir i^o. faisant tableicasd des
éUi^. scientifiques d^ soniépoqiuei suc les eieux^: la.feene,
rboiwie /et l'bùwiAAi^é» mettant ainsi M néani le aystâme
dfi^jNioÎQde de ûçlace^ la.I^ysiolo6ie«.lagé^ogiaJ'lMatoîre,
et sviMstitu^pt.uueiP&iyei^^i^ pouv^^U^ Ji .cette physiologie
que wm ^o0nai$^i^,4ijîpurd'hui sous le .nom da pbréno-
logie ou science de l'esprit. . .
Koua IVoQ^vu gi)ai^i»,s'4lev^t au iiiveau des plus
hai^ea. in^igencea^ pous allons le voir faible et jpôveur.
Et cependant, telle «st le pâssipnd*admiratioi»qu*il. a inspi-
rée 4 un grand i^mbre de disciptea* qa'il «n «at beaucoup
qijû trouvent tfès^plaisant, tràsrqdi^^tile^ que 1^ catholiques
' cro^nt^.au. mystèi» de rinca?aaUon.« à ll^sri^ vierge et
*mère, à la pj^éseï^) réelle dMs^Ji'e^ai^istie't )lQisq<j.'eux-
milm^fiilstçrAiefàt deU^Mtes les iorc^Stcit ilçui^|A»e.i|krla mer
d9^^e,jeltpeirfuq[)éei oiiKii .^«'i^ ees leréationa AWwUes
d'fwww d^affïMWlç,t4^Urtigr^,i açti^^^
860 MILOSOPfllË
qui nous serviront un jour a faire des terres et des mers
le domaine des ski^kbors HiTMims.
Les lois des mouvements, nous dit Fourier,- âml son-
mises à deux dépendances : elles sont mathématiqties
(il eut mieux valu dire physiologiques) et créatrices tTana-
logies. €e6 propositions sont essentiellement ^vraies, et nous
en avons fourni mainte preuve dans les cinq prennères
parties de cet ouvrage. Mais s'ensuit-il que les propriétés
du carde représentent celles: de Tamitté; iesp^prietés et
Tamour, celles de l'ellipse; les propriétés de la paralx^e.
celles de la paternité ; les propriétés de l'hyperbole, ^éeHes
de >rambition , et les propriétés- collectives de ces quatre
passions, celles de la cycloïde?
fiirons-nons encore^avec Fourier, qiie les nébulèuÈes i^'-
duclibles représentent les propriétés de ' Pambition ; les
groupes de planètes sur soleils^ Tamour ; et les groupe^ de
satelliiessur planètes, la paternité; oa bien- ne notis pa-
ra!tra-t-il pas plus logique de faire deux parts éè la théorie
du grand socialiste , Tune de rêves et dMtopies , Tantro d«
méeanisme social qui doit être sérieusement étudiée ?*
Le mouvement social, nous diiHil sans en fiorurnifla
moindre preuve scientiJkytte, n'est pas Mûiité h notre terre,
il est le même pour toutes les planètes. Il se oômpoèe ]^r
la terre de quatre périodes demi U dorée, ti dit mille ans
près en plus ou en moins, sera de quatre-vingt mflte'dhs.
Gee quatre grandes périodes se subaivi^nt'>e«i tr^nte-^i^ilix
périodeS'Sec^ndaires, qu'il én^mère ainsi : ' '>
l.'Sérîes confuses. ./ \ •. ..
2. Sauvagerie . . . . •Içipq périodes mal-1 , , , . .^.
3. Patrïarcl^at. .^.^•. I . neurciu^s,or^a-iDujiçfi,pWr:
4. Barbarie. . ^••^ •^ . i}i^ées ^fl, paé-> bçble.^.. ..
6. Civilisation- • . ^ • j .nages iûcobé-( 5,P()ft ftm»; ►
6. Garantisme. . . . .1 .. raj^.ls, , I
7. Séries ébauchées. \ . .i . J. ., . i
Les premières pétiodes, a'u nombre de sept,' fonHëiït/
selon Fourier, l'enfance de l'humanité; mats *<Ie ibh -em-
brydogte iV ne dit knot , ce qvti est uti dénienti skAfyt
donné à la loi des analogies. Ûwioi ! vous indiqnèWJt plus
BQ «iCLB* 861
tard des organes sociaux, et wius comtoeocez par négli-
ger l^twie de laur loi de formalion el de développement ?
Ou les analogies sont une règle fausse, et alors n en parlez
pas,; ou elles sont une c^e vraie, et alors il coBTÎent de
compaser révolution et les fonctions du corps social k ce
qu6(la physiologie de l'homme nous enseigne jp^ur le corps
humain,
l'ourler fixe h cinq mille ans la durée des sept peemières
périodes de rhumanité ; pourquoi ? il n'en dit rien. Nous
ne. sommes arrivés qu'à la> civilisation ; Thistoire possède
des docuqients authentiques q«i dalMt de plus de dix
mille ans ; qui se trompe de Fourier ou de Thistoire ?
Viennent ensuite neuf périodes d'accroissement, eonsa-
crées par la désalaison et le parfum des mers^ ia naissanee
d'une couronne boréale , la production de nou^aux • pto*
duits dans le^ trois règnes, la; croissance antérieure de
Tobliqnité de récl4>tique.
.De ^tes ces assertions ,• Fourier ■ ne doime ancune
preuve : il semble même croire aux créations spontanées
d'ôtres aussi parfaits que des maïamifères , ce qui n'est
gu^e d'accora avec nos études ac4uielles. Ses discq))es ont
fort heureusement mis de o&té, pour la plupart, ce rêve
mal étudié et jeté dans le monde avant d'avoir été sofii*
san^meot élaboré.
Toute création., dit Fourier^ «'opère par la e(H^)Oiiction
d'un fluide boréal ou mâle avec un fluide austral ou fe-
melle. Une planète, ajoute-t-il, a deux Ames et deux
sexes ; elle procrée , comme l'animal ou le végétal, par la
réunion de deu)L substances génératrices , mais les géné-
rations nouvelles ne peuvent avoir lieu avant la huitième
période du glo^e. Toutefois la terre est en rut: elle le
manifeste par ja fréquence et l'intensité de ses aurores
boréales ; cependant le fluide de la planète ne pourra
entrer en conjonction avec le fluide des autres planètes
qu'i^iràs que le- globe, aura été s^aanuiQ^at. oullivé par
dem milliards 4'habitaiïite : c'est alois 4ue tgusles h6tes
mf^lfaisantsdesipers seront déjiiiiits.. On. transportera- dans
la Caf^pienne et /lesrautres grands.bies.salés de l'intérieur
les poissons utiles , ceux qui seniront plus tard à repeu-
862 pim.owp]ii&
plerles mers après leur dlengeoKnit; de lelld sorte que
les mers arriTeront à renfermer sepUbuilièm^ <feiMM«ii
soumis à l'homme. Qu^de rêves tout-è^éiifàmftSCiquesf!!
Toutes les considéra tkms de eosmogonie qui svimiit oi^les
que nous venons de présenter sont deU même valéaari On
j trouve «u plos hmaî degré deux cho^ : TabMM^
réelle de science et le travail d'un solitaire rempli dlnM-
^nation , d'un homme* qui , avec le voman de son ^plrii ,
a voulu suppléer aui lentes reohef<cbe5 de Fétude.
Passons à l'histoire. Voiei oommeht Pourier le fiibnifaê :
Dan» les premiers Agés ^ les faotemes vivaient en'inbjremne
oent vingt^huit années^ sur* lesquelles ils ea pouvaiettt oon-
saever cent 4 remour; aussi éteient4l8 portés ;'dit41, Hux
pratiques tes pkiB lubriques. On n'eut pu l6u^ persuildër,
comme aux Benoit civilisés de notre épdqne, d^inder «ne
seuie femme et de Imi être fidèle^ De laidtterois^mïieti^ ]a
vigueur sont nés les réglomeots coërc&lilfe' de '>ra)iMiur.
Auiaiii, comme on le vctit^ d-asserticmÉs siffifs-pireiites;
mais continuons. Après ^époque dhriiisée , qui eel la nfttre,
viendra Fépoque de gerantisme , dans taqteHe i*htimahité
oonsierTèra eneore la vie -de 'Siônage'et i& mariage, 'mais
euféduisant de beaucoup letiriûfltience et te$ inisfifes
sociales.' .'•■/ •• '■ • •■'• ••'» -• ■ • '"« •*
La première phase de la vie de ID teite tt^ devtfl: dwer
que cinq mille ans; mais Dieu, en nous* 'laMsan^ te' libre
arbitre V a permis à certains globes de ^é laisser >égiifei^i))ar
les préjugés que les sciences inceirtaimes' répandent -06ntre
l'attraction. ... ^ .- i t:
Fonrter n*admet ni les'tnansforinations>d<yLi!imarek'| ni
Tunité de plan de Geoifroy^^inl^flilaire, ni^ laa lols^- de
Torganogénésie. Sa pago SS dq \^Thiorit dé^HM^^Mê^
temenis en est la négation la plus formelle; L^homiUe ; ^-
il ensuite-, est provenu sur la terre de seîi^e' souehm diffé-
rentes ; sa taille origitiaire était de sir piediB^ 'dbidt^ potides.
(Les faits* cbnnusseikt foftdellement «obtriii^^ à e^te
aseertioii.) Da^i le dassenvent des sei«e n^ piinfiti^ias ,
Fourier n'a recours à aucun fait géographiqro^^.lcHlHiOit
même qu'il im' eonnai^saîr nullement l^diMt'efft^'qui
caractérisent les races humaines. ■ . . « .
DU SlftCLS. B&S
Les sociétés à séries, ijoate-MI^ traorfomeroot l'fau-
manîté et seront bie& supérieures aui sodéèés à iamiUes ;
les enfoots y trayailleront sans cesse et veMlFOOt d'iaealou-
laUes (Knrices. Entr^toés par levrs attractions, ils s*ins-
tmircsit sans Tinstigatioa ni la s^inreîQaiiee de personne
(page 95). A seize ans, ils aunool des notions étsndaes
sur toutes les branches des arts <et des sciences^ et possé-
deront un petit pécule, fruit des aoiubrefux travaux qu'ils
auront exécutés en croyant se divertir. —^- Hocs ilees^ies
passionnelles il ne peut exister aMCune éducation naturelle.
La taiUehuaiaine, sous l'iaAiience de l'orArecombiné produit
f^^ tes séries, s'élèvera de deux à trois paaees par généra*-
tion , jusqu'à la hauteur de sept pieds pour les hommes ,
et hà vie dans revenir durera cent quacante^uatre ans.
U n'est pas, on le voitv, jusqu'à présenty une seule douces
idées de Founer:qui puisse subir la critique i oonstamaent
il flffiirme en révélateur, maïs sans jamais donner de preuves
et san»,s'ii]k<|uiéter le moins du monde si ses assertions
sonli .ou ne sont pas d'accord, avec les^ faits.
Tous les cafirioeis philosophiques appelés <iav«>irs n'ont,
ajoute Fourier, auoua. rapport avec la nature s le dtmiir
vient des hommes « Pattraotion vient de Dieu; ^ Explt*-
quant la différence qui existe entre l'affection des pdnents
pour Inseâfanls et oeUe des eofantsi pour }e»paDents, Fou-
rier en doeoie trois raiaons 2 ' » »; •
.1^ Ig&oraoee ides âniant& en .bas-ftge sur les titres- qui
constitueml la paternité i? .
^ Dégoûts qu'ils éprouvent dans le moyen-àge'ipar
l'abiis oub l'^xcorcicemalientieodu de d'autorité paternelle;
5*^. Coiilraate^qu'ilsii^eQSbasqueiutfdans'l^adafesoence antre
les'hautea prétemioQS des pères et les mérites Huaginaires
dont elles eont appuyées. • » :
Fourîeir i ne critique paa moins, les' idées reçues sur Faiti-<
bitiofkjelL' lfaaiQui!;'il justifie l'ambition qui pourrait ou
devrait êir.e; toujours justifiable,, et (touve tout^à^ait contre
natorodlea idées 4e oomtance et de fidélité es aiBour.
S^n l0i»; le& passons humwÂae&se divîsenif diabord en
trois grandes passions : • . ' • .
864 PflILOgOPHTE
Le Ifixisme on deeir da luîe ;
Le. gréu{>isme ou ctestr <*bs groupes ;
^ Le séfiisme ou desîr d^ déries.
De bônnefoi^ est-rl pÉ?rmis de présenter comme sérieuse
GCÉte étude, dans lat^elle on sépare ainsi rhomme des
animaux , dans laquelle on le soustrait à sa série pour F^tu-
dier métaphysiquemCTit en dehors des observations et des
donnée» es* (a physiologie.
Foufier diitise ensuite soff arbre passionnel en douze
rameaux ou passions sefcondaîres.
'Cinq sont corporelles otr sensuelles ï sept ànimîques ou
provenant d0 r&tne. De ces dernières, quatre sont alTéctives
et' trots disttibuHTes.
Cette th^rie ne repose sur tien: l'étude physiologique
des 96ns la détruit entièremeht, comme le lecteur pouna
S'^enhOotiTHincre en relisant nos pages 410 à 446.
Les quatre passions affectives de Fourîer sont Tarnîtiê ,
Tamour, Tâmbition , la paternité. Les troïé aufires j)àssîons
de l'homme sont la-composite, ta cabàltste et h papillonne.
C'est-à-dire que de trois manières d'être que chaque tw-
gane cérébral -pécrtmamfé^er, Fouriét frfbrique trois facul-
tés éigtinctes^ et' spéciales, montrant aînsià qiiels ét^vts
peut se liirAerle* gérile1oî*sqti^l à la pt^étentiriu de faire d^ter
de lui l^toÈiani^ et de ste substituer orgueiDën^eaierH. à
toute la science dti passé. Cette psycologie' est pitoyiBle
pâme ^u'eHe est de 1 A poésie, de la pèVcolo^e au lieu
d'êtrade la physiologie, de la science réelle. ' ''
flifeirs^aocidems*, setort Fourièr,' peu vètrt troubler ïà suc-
cession ««liguée' aui trente-defut périodes sociales.^ ïersup-
pose, dit-il dans uné'rtoté , qu'ùfre' giDs^ ' compte '^^ale
à lupitef se trbute à son point de* fécondation, ëù dé^é
coDveiiaWe potir devenir planète; elle chercherait 'à" entrer
eOiligne et à* seJftxei" dans un tourbillon. Si elle 'arrivait
sur BOtue soletl' parâllèlettîent au plan dé^ qrbilés jplanët;aF-
res^ dle^pourtait ,' au retour, se logef enlrci le Soleil et Ju-
piter? -aa'feu^dej poursuite sa marche' ^piit'àty6)tfqpé . eOe
décrirait une spirale pouf sonder le terraîç et éhèrchèr^Un
poinlid'équifibre etttfJe Jï^eer et le^StffèH/ Baii
sa spinate^lte approcherait s«cce$sivémfeiit'tclti(es*îëk petites
im SI3ÇXJS* 868
planètes isolées, et les entraloectit çq qmUté de Ivoes. La
Terre et Vénus, qui soui les plus grosses, swt «ncore
beaucoup trop faibles pour opposer quoique résistencé à
un gros monde attrayant qui les appvoch^ait; or, la «co-
mète serait attrayante du moment où elle se fixerait sur
notre soleil.
Dès-lors notre petit globe serait entraîné et deviendrut
une lune de cet intrus qui serait bientôt la planète la plus
riche et la plus féconde de tout le tourbillon, à causer de sa
proximité du soleil et de la. multitude de ses lunesu. L'in-
trus s^adjoindrait Vénus , Mars , La terre et k>m leagMiules
qui sont entre le Soleil et Jupiter; il s'en composerait une
brillante suite, de sept ou huit satelUtes^ elpitKluîiiail,
comme Satucne^ le double anneau équatorial out la dMble
couronne sur deux pôles , ces doubles parures é^Qt affeetées
à toutes les planètes septilunaires lorsque leurs hebilaiits
ont formé Tordre, combiné. {Saturne A-a. pas .to«gours eu
ses deux anneaux, et il les perdra sur la fm de. sa carriàre,
lorsque son mécanisme social retooU^era à llordre' îikkh
héront.) . . . . f - î
Nous nous abstiendrons de toute réflexion sor^iîeite' osé**
canique céleste, renvoyant nos lecteurs à noire seoeode
partie, où ils trouveront ce que Ton sait sur nos planètes,
sur leur formation, sur les lunes et anneaux de&atume.
Depuis la première publication de la théorie des quatne
mouvements, fourier.a fait une nouvelle déconverle; il< a
reconnu qu'une comète ne pmt poM cnlrtr en phn tàni qm^ le
soleil vicié et incomplet dan$.son.qua4rille d'aràmesifavdimaMx
n'aura pas rétabli Vtnté^ili qui lui e$t nécesêairppmrfbeer
fer comètes.. (Cette citation est textuelle^) ;
Après avoir signalé la loi régulatrice du déveioppeatent'
des sociétés humaines, Fourier attaque violevietil le pa-
triarchat et l'état social de la Chine. Autant vaudMÎt atta^
quer dé la même manière, en xacputant les iaaibatîonadu
poulet dans Tœuf, deux des phases de cette ^viet.totiilei Du
reste , le tableau qu'il fait des ChinoÂsest 'singalièreaimt
enlaidi et chaii*»é • Û û'a rien de. vrai.. . .
La résultante de toutes les pasaims humaines , voilà ce
que Fourier appelle Tunitéisiniet qui esta «es^passionsce
8d& pffiLoedfmB
quf la hmière bboehe e^ mit sept rayM» limMewt. C'est,
dil^H, le pendbant de ritidivida i concilier son botAeur
av«e cefaii de Umieequi rentoure ; c'est lUle' phiimivcipie
illimitée, ane bienveillance nniteraette. — Après 7 avoir
biaaféflécbi, nous crayons pouvoir affirmefr' ^ne c'est u&e
erreur. L'uniléiame, cette passion intellectueito et féfié-
reii9e dont lions patle Fovrier, tient presque' exehiâiveiiient
a» dénreloppeaie&t desi|ttatre facsilés cardniaileB propres à
rhomme.
Si Je lousmeTepiéseDte les paissions seiisitived , 'si ks
qaatreAffectioiM dont deuji sont en mode majeur et deoi
60 «iode •mineur, sont reppéaentées par te^ grouptM&e, k
sértiame qni renferme la oabaliste, la composite' et la pa-
piltonne, sera chaagé.de tenir la balance enm iè Hnisme
et le ^«roupiatne^ . . w .
Souvent des périodes emprenteut à celtea quilles prid-
dettt ou àcelle»qiii-le& snivient. L'admission légale ^faux
p(»ds est empruntée à. la «troisième période^^ec ^affiliation
des cluba est wi janiseanal eiNù^ un engretiag^e' en qttà-
trième période. :ni- Ce n'est pas l(wgom« un biei» d^ititfo-
duke daiis. utia époque • des institotioés ^ œller 19111 sd#ta ;
somveiM de eette mflniàreionlasiMûatofQr, ténmiitedivûnv
l^re^ui a pnodttit ttatit de déttordresiet qttim^eti^firadmra
aucun lorsqu'il viendra dans son temps^ •*^ Oha^e des
q|MK|iiie8i ioeobérantea épromieLplus ou mpina^ t0 besâM 6^
eai;iictères-dela)p^idiida:sapérieUrei: 'il n^ eat- pas ifoi
répiwLvei [dnsique bt éisiiisaiBnn ;reMe se < ciritiqoé eUr-
méfOQvet'OiimrteiiQ^ntiaw.ses pmfM^ioametè^^ A cette
OQSfisiotti^ rourfevire^nettoqne la loinfaft pastécoordé idx
feoîm» la liberté >an)ûiii»eiifie:'0(p eulivm^divilfv'dele'sorte
diminuer la fausseté dans les relations des îse^tôsv '1^^'^'^
peut sans nul inconvénient rendre le divorce libre. Le mé-
nage» f>r(»gD68^Qti;la iriiai4j[ieuffgr<kap0s ent^ âté, ifi^il t
imei^raitcm puremeniétxuMMBÎqiaeT^ susoè|pliMe 4é Ipvo-
Chaque pérÎDdrdftfoufier «a soa phrot ]m{ila|M9M doat
le (Maetàre esktoinour^itifë deJ'aiDÇQri: «féal mBAiféeiiè
servitude afesolM de Iff^ femmes, loiMiaaç^ «antaiir'ei les
libertés «ivîka)de> réponse, puis kionrpoeatiHi'ainoiifeu^}
»d; ftitcuB. 867
corres(>OA(kot à trois, éltls diffarei^. Par la rédosîon des
femflies laaivili^Atioo reiomberait dans la barbarie. Parles
garanties amoureuses, la milisatioD trouverait une issue
pour .arriver ^ la sixième période.
Il y a toujours quatre phases dans chacune des treoile*
deux périodes du mouvemeni social , qui oorrespondent aux
quatre ftges : ezàfaoee^ accroissement, déelîn et cadueilé.
Un pe^fee^oaneofeeni socûd peut être une cause- de déelin
pour l'une des phases de Vhumanité.
JPept-èlre k lecteur a-t**il trowré nos dernières citations
trop brèves, pou intéreasantes-; peut-être a4«-il beaucoup
doutée en les Usafil; peot-ôtre aura^t^il flotté entre la dé*
fiasse, et la curiosité. Séduit à l'idée de pénétrer les mjs^
tèr^& de la nature, il aura .sorveut ctaint d'être le jouet
d'une fiction tout-à-fait dénuée de preuves : la raison lui
dit. de. doutetf peut-être fias ^ et cependant la passion
pourra Iç pocCer;à cmine. Tel est le sentiment que Fourier
novis paialt surtoât avoir eu pour but d'exciter en dérou''
laai.les.sin^ulièffes fictions de sonrotnan des tnondesw Ce
gra^d:l|09»i&e connaôssail. à merveille tes misères de notve
nature «t les toucbes averses au piano cér^ral : aussi a^^^il
agi d^:m4àièirQ à .avok plus de prosélytes h modérer qoe
de.^âepit^iies/à eonvainrUB. H lui fallait des mgr^iques et
des,dévQts : il e» a créé.
liolne» analyse '.pouorait voguer de -rêve entéve peMlMt
lOiBgtefops sans que notre l^steur étourdi, par le-ohoc d'vMes
nouvelles « étranfes V toujours paradoxales^ ^o«vent favM^s,
sou^Qo^ vraies vBonveni l'i» et l'antre , pèt* amvver h une
coodlusim.) Ilaisi ooiûme c'est Ipien: moins de Fèmisp que
denses déof^utertés léeUes qu'il s'agit avant tout, revenus
au fait principal. ' i .. . .
La; société ne saurait oûrir ^pw deux états, ^pieltea qu'en
soient les iriunéî(é6>: Vunf4'4»oeâatiQH;Miisociétaica, l'aulre
de divergence dans tous les efforts , qui est nbn^^soeiétalte
CI» jtiQttP^ldètémeaê sooîéisire/ > L'industrie v ejeat^^dire
l'eup^tàlicdii dibi^befiar; les'efiiartsdésprdbtmés oua^so--
ciés des teiimesv.élanl.' en défiaîtàve le ptrét ihiatértel - de
toutj «offdresc^câal ^ < ku productiaii et la cwdommatiui seront
868 PHILOSOPHIE
pour tout esprit un peu sérieux les deux grandes questions
de Téconomie dans le ménage , dans l'atelier, dans la com-
mune et au sein des peuples.
Pour être heureux nous avons besoin de satisfaire nos
désirs , ces enfants de nos penchants et de nos goûts. Les
penchants et les goûts s'exercent sur des produits intellec-
tuels ou matériels; la jouissance de ces produits constitue
la richesse; leur création est le résultat du travail, dV>ù il
résulte que savoir produire à peu de frais ce serait résou-
dre le problême du bonheur facile , surtout si le travail de-
venait lui-même par ses attraits une source de plaisirs.
Les industries minière , manufacturière et agricole , la
chasse et la pêche , voilà les faits qui concernent plus spé-
cialement la production. Le commerce règle la distribution
des produits ; le ménage les absorbe et les consomme.
Dans l'état non-sociétaire , chez les Américains, les An-
glais, les Français, les Russes, les Chinois, les Turcs, les
Arabes et les idolâtres , le travail est généralement forcé ,
monotone, ennuyeux, souvent dur, cruel et dangereux,
souvent même fatalement meurtrier, comme dans les usiner
où l'on travaille le plomb et le mercure. Toujours il est
anarchique , toujours il y a lutte entre le travailleur et le
chef d'industrie , entre le maître et Texploité , qu'il s'appelle
esclave, serf, fermier ou prolétaire. — Presque partout le
travailleur arrive dans la vie sans avoir aucune certitude
d'éducation dans l'enfance, de travail dans l'âge de force ,
de retraite dans sa vieillesse. Les terres sont morèelées ,
privées des fumiers ou des arrosements qu'elles pourraient
ou devraient recevoir. Où il suffirait des efforts ccanbinés
de quelques hommes , les longs efforts d'un ou de deux
restent presque stériles.
Le nombre des individus qui travaillent à des choses inu-
tiles à la société , avocats , avoués , huissiers , gens de loi et
des ouvriers en trop dans des professions diverses, est sou-
vent considérable : de là une petite production en partie
consommée par des parasites et une part très-faible pour
ceux dont les peines ont créé les richesses sociales. Encore
si cette petite part était certaine , régulière , invariable ; si
elle ne faisait jamais faute. Mais bien loin de là, soumise
bu SIÈCLE. 869
aux hasards de la concurrence dispraportionnée par rapport
aux besoins , mal assurée , soumise aux chances des révo-
lutions politiques , elle est très-variable. — Il n'y a donc
aucune liberté réelle pour le travailleur dans un ordre non
sociétaire. Mais les autres sont-ils si heureux? La propriété
sociale n'est-elle pas mal administrée» livrée au pillage. des
cours, des états-majors, des bureaucraties ? La propriété
individuelle toujours attaquée, toujours enviée; toujours
haïe , n'est-elle pas soumise à son tour à mille tourments?
Les instruments de l'industrie ne s'acquièrent qu'avec de
l'argent: c'est un capital que le propriétaire fait suer à son
profit. Je me trompe, vieux langage, erreur d'habitude :
c'est un capital , devons-nous dire , que l'acquéreur paiera
de ses sueurs, qu'il remboursera souvent en dix années
sans en devenir propriétaire , et sans que le capitaliste ail
joui de cette quiétude qui lui eût permis de se livrer à ses
attractions et d'être heureux.
La réforme industrielle a pour but de faire cesser toutes
ces souffrances, de transformer peu à peu la société, d'as-
surer aux plus pauvres et aux moins habiles un minimum
constant bien supérieur à leur maximum d'aujourd'hui ,
de permettre aux gens que maintenant on appelle aisés ,
un luxe de jouissances dont les potentats du globe n'ont
même pas l'idée. — Le monde industriel et producteur est
comme une mécanique qui serait mal montée : les dents
des roues n'engrènent pas ou engrènent mal; elle marche
mais elle perd en force , elle perd en vitesse ; elle a mille
frottements inutiles; elle a des arrêts, des secousses, des
soubressauts , des dents cassées. Il lui faut des raccomoda-
ges continuels,. et cependant comme cette machine pos-
sède tous les éléments de réussite , tous les rouages néces-
saires, il suffirait que ses pièces fussent bien ajustées, que
leur soUdarité fut comprise et bien établie, pour que tout
raarchât dans l'ordre et que la machine n'eût plus ni perte
de force, ni perte de vitesse, ni frottements inutiles, ni
dents cassées , ni arrêts , ni soubresauts.
Changez les termes actuels : à l'inimitié substituez la so-
lidarité; aux maîtres et aux prolétaires, des intéressés; que
Tassocialion se présente sous forme de groupes réunis pai
37
870 PHaOSOPHIB
leurs poa(?hant.s et Içuçsaptitadqç;. qonserTez.rwdifidua-
lité , rind'épenidance, la di^linctioiï â^s k Jr^^v^il^ afin dV
înlroduife VéoîulaUoq j a personnalité < Vatlraît; rejiezte
iiitérêi s individuels àViniérêt coUecUf , et ypu^'^i^efK Félat
sociétaire. ' , '■■'.. . .
De même que le globe vous présente §e$ séries de mi-
aéraux , s^s séries de. végétaux et. se& séries d'aoupai^x , ^ue
le travail vous préàente aussi ses séries d'ouvriers daoj les
grands chantiers de Tindu^rie, Là .où il faudra vi4 trayail
très-passionné» que les séatiçes soient courtes ^ ailî^euis m
contraire qu'elles soient plus longues, si elles fâiipent
moins l'esprit et le corps. Que le comrperoe jçesse.ses dan-
gereuses spéculations , pour devejoir un àervipe' d'ècoaages
mutuels entre cq-intéressés; qu'il se fasse directement et
sans intermédiaires gnéreiix, sans commissions, eoijirtag^,
plombage et frais jnuUIes; que ja science et les arts se pla-
çant au point de vue de cette société nouvelle , intcpduisent
partout la lumière , les plaisirs et la vie morale : aînai $(
trouvera transformée cette société d'erreurs., de sowffrances
et de mensonges au sein de laquelle nous vivops. Voilà, si
nous Tavons bien comprise , la pensée de Fourier sur l'or-
dre sociétaire; elle renferme Saint-Simon, MorelJiy'ettoBS
les anciens philosophes dans ce qu'ils ont dit de. mieux sur
ce sujet"
Fourier et ses disciples démontrent à merveille qu'âne
commune comme ils l'entendent doit avoir à sa dispositkfl
près d'une lieue carrée de surface ; qu'elle pourra nourrir
de douze à dix-huit cents personnes, hommes, femmes et
enfants; que le bourg, le village, la commune sont les
circonscriptions primitives de 1 association humaine; que
les cantons, les villes et les capitales ne sont que des cen-
tres de communication et d'unité ^ destinés en général à
rapprovisionrfemenl et à l'administration des comnranes.
Mais faut-il en conclure que ce soit par la fondation de la
commune sociétaire que doive nécessairement et fatale-
ment commencer la réforme industrielle? Non, sans doute.
Fourier, qui saute à pieds joints par-dessus l'embryologie
sociale, n'a pu poser les lègles de cette embryologie, qui
W sifediB. 871
sont celles du torps hùmaiû , ^et bô voyons-jfious pas ^n ef-
fet qne te travail sociétaire commence surtout aujourd'hui
dans les capitales, iratira bientôt' une seconde {)hase, celle
de Torganlsâtion , de sa circulation propre , de son crédit ,
et celle-ci déterminera la troisième , la création partielle et
intégrale de communes sociétaires.
Cette importante' rectification faite , nous devons ad-
mettre, avec les foiiriéristes , que le phalanstère ou com-
mune sociétaire est un tout ; que c'est Télément de l'exis-
tence sdctale , nn organe social ' Véritable et coh>ptet' ,
joui^ant de toutes les fonctions qui constîtuefnt la vie.
C'est ainsi que le phalanstère a Ses écoles , sa science , son
théâtre, ses beaux-arts et sefe fêtes, de même qu'il a ses
ateliei^ agricoles et indusltieb , ses routefe privatives , ses
mo^ns de transport, sa cave, sa cantine, sa boulangerie
et ses autres ateliers sociétaires, de manière à pouvoir
vivre sur son propre fond qu'il a mission d'etnbelhr et de
féconder.
C'était peu que de résoudre le problême de l'organisation
d*une communauté de trois cents familles : il a été souvent
essayé, souvent même victorieusement tenté ; mais il
fallait encore , et c'est là le caractère de la découverte de
Fouricr, trouver la loi selon laquelle une bommunauté
peut exister avec tous les avantages possibles d'ordre ,
d'économie, de travail, sans que dans cette institution
personne puisse perdre quelque chose de son droit d'ini-
tiative ni de sa liberté individuelle ; en deui mots , créer
un vaste couvent qui ne soit pas un couvent, une caserne
qui ne soit pas une caserne ei qui en possède cependant
tous les avantages : telle était la question. Ajouter à cette
institution, comme conséquence naturelle et même né-
cessaire de la forme nouvelle , non-seulement une salu-
brité plus grande , une éducation meilleure, plus de vérité
dans les relations, une répartition proportîoânelle à l'apport
de chacun en travail, talent et capital, un mécanistne de
nature à produire entre tous l'harmonie , puis encore dés
plaisirs nouveaux , des formes nouvelles dans le travail ,
une économie de main-d'œuvre, suite naturelle de la
passion et du goût apportés dans tous les travaux : c'était
87S pmz^^OPHfiB
intcoduira l'aittac^^ dan&Ja commune sociétaire «t çid)6ti-
tuer l!9eûoo des pâssicms natuceUes à celli^s des oUiga-
tioi^ imposées ; le travail libre et. Ubr/^misat choisi, à la
coQtiaûitQ; r^ulatioa» à la cojicurrefL(;e;;Ja liberté, à
Tesdâvage du laboureur et de Touvrier, So^s ce ra^^t,
Fourier n'est pas assez connue il a biesoia . di'étre étudié et
popularisé; et puis., n*est*€e rien qu'une doctrine destinée
à réduire de plus en plus le capital , loqt e^i lui donnant la
part à li^quelie il aur^ longtemps droii, naais Sielon la pro-
gression toujours, décroissante de son pouvqix ^t de sou
action utile, qui sera, en raison directe de Taugioentatioû
de production avec de moindres efforts.
Il y a deux manières de travailler en ce inonde. Dans
Tune, chacun compte sur soi, puis sur soi.: c'est la loi de
rindividuali&me ^ du /morcellement, do l'égoïsme , delà
lutte. Dans la secoiido^ les individus devenus solidaires et
Gomprenaat cette solidarité , forment un être collectif. —
Pierre a soumissionné le creusement ou le remblais de six
cents mètres cubes, voilà, une œuvre en OKxde simple. —
Un groupe de vingt terrassiers soumissionoe uq travail
semblable, ce groupe forme un être collectif. S'il se com-
pose d'hommes, de femmes, d'enfants» s'il anime son travail
par des chants et des danses, s'il se distribue les rAles,
dormant à celle-ci le $oin de préparer ks vivres, à ces
autres celui de les .appoi^t^r; à Jacques^, la directioD du
travail ; à Pierre , le commandement dans la danse qui
viont de quatre heures en quatre heures délasser les tra-
vailleurs ; à Paul, le choix et la direction des chants et deâ
joyeux refrains : ce groupe sera un véritable atelier socié-
taire, appelant, sur une petite échelle» les passions hu-
maines et Tordre sériaire au secours de ses eilorts manuels.
— Si maintenant, au l^;u de six cents mètres cubes de
terrassements , il s'agissait de six cent mille ; si au lieu de
vingt ouvriers nous en avions cent viQgt, par exemple,
distribués en cinq, six ou sept groupes; cette série des
cent vingt serait complète et de nature à pouvoir présenter,
dans son organisation pour le travail , des améliorations
bien plus nombreu^e^ encore que celles qu'un petit groupe
peut offrir.
BIT SIÈCLE. 875
La côflQfitiûe artûelte est un atëlîefr toôrcelé dans lequel
chacun agît pour son propre compte- siàtas pouvoir compter
surautroi, sans 'qu'il y àif ufilian daris le but et dan& les
efforts. La phalange où Commune sociétaire est au contraire
une petite arméfè industrielte, uti CDt*ps' organisé; mais ce
n'est ni tin couvent de trapistes/ni une caserne: i(S point
d'obéissance passrre. — Le derhiei^' des travailleurs peut
êtrele second chef des chanteur^, le premier des danseurs.
L'ambition et la passion sont les seuls excitants au travail
où chacun est conduit par sa vocation et par la connaissance
qu'il a dei'intérêt général de la commune et de là solida-
rité qui l'y rattache. Dans un vinage Sociétaire de trois h
quatre cents famiHes, chaque individu est interressé, non-
seulement à la bonne t^ulture , mais encore à la récolte
économique de tout ce qui peut servir" d'engrais, h Tordre
des ateliers, à la bonne confection des instruments, à
l'excellente tenue du ménage, h la 'répartition des murs qui
se dégradent, des tables, des chaiseh et des bancs usés, à
la propieté de tous lès apparlem-ents r car dans un village
sociétaire, chacun e»t- fout ensemble pràpriékrirej fermier
et êtilarié.
Si Ton a bien compris ce qtii précède, il est naturel
d'admettre que dans le phalanstère où chacurt est à la fois
froducUuTy consûnihnateur et associé ou co-propriétaire de
rétablissement , chétque individu se trouve engrené comme
un rouage par son mtérêt dans Faction générale du méca-
nisme de la commune sociétaire. — Consommateur, il n'a
pas intérêt à exploiter le producteur ; producteur, il n'en a
pas non plus à exploiter le consommateur ; co-propriétaîre, -
il ne désire en aucune façon faire tort à ses fermiers et
ouvriers ; ouvrier et fermier, il ne cherchera pas à se nuire
h lui-même en nuisant au propriétaire collectif dont il est
l'un des membres.
Aussi, dans notre opinion, le phalanstère, avec quelques
modifications, serait-il une admirable transition.
Dans l'état actuel , chez les icariens , la majorité règle
d'une manière absolue tout ce qui doncerne la consomma-
tion et la distribution des produits. Dans la cobimune sé-
riée ou phalanstère, il n'y a ni majorité ni minorité, mais
874 PHiI«QSiQPH^B
4es groupes et âe& séries auxgu^l^coFr^^pcHl^^Bi UHàte», les
variétés , tous les genres de produit^ destinés k U nowii-
ture et au vêteioent : fu^si lien pe se perd;:<îb«qM« pisoduit
trouve sa plfiqe a&$upée, ^ns qu*«iUcuQe iodiivii^ual^ si
sponta^é^, si lOrigipaW qu>Ue. puisse être,, ait .}e àfoii
de se «Lire opprimée) «paji^ la ia«s^« Daps.Voiedre sériAke, le
problâiqe de l^ répactiiioo a'est pas plus çlii&cile àjréawdre
que. celui de M consomiuatioA: c'est vq^ pente faeîk
qui 'Conduit s^s latte , içans effort, ji la^ct^ariitioa.pbfsio^'
logique. . \'r ...
Ëssa^yoQs maiateoant, par un e;iaqiplei d^ iaireuesaottir
les avantage^ 4^s oommui^ aociétiùrfi^i, Uoe agfiégaliûB
semblable fsxiste ; eUe possède un noa^brau^ bétaM et :eUe
a besoin de beaucoup de foj^s poux spn hiver , mm. î «été
est pluvieux et ^ récolta est cpmprof^Âsa^ CepctfiMdijaiit » la
fauchaison a. eu W ; lo foin est sur W pré i il est seo; t«ui
soleil radieux va perotettre de le réunir en aïeules. Âus&Uàl
tout j^ pb^anstère bourdonne comme uoe ruche d'abeilles
prâte à essaimer, et bientôt il ea sort une proees^ioo ^e
g^oup^s (pii mareb^nt m ordre c^t sans s^ oaufou^r^, vers
le lieu du travail. Une fo^ce d'un millier de personoest
vieillards, hommes., femiaes et enfauts, s'empare à» la
besogne à faire. Dans une cpmmune m<»eeléa, deus cent
cinquante personnes, au maximum , eussent pu s'en oecu-
per spécialement : ici le nombre de:^ trav^iitte^rs «esA qua-
druple, et tous out ooncentr leur int^Uigence et leur
énergie morale sur le travail à prodiû^e, avec la triple
passion de se surpasse^ les ups les autres^ dans leurs çnmpes
respectifs, de donner l'avantage aux groupes dont il& font
partie , et de sauver une portion de leur fortune. Tout ce
que Ton peut attendre de la discipline d'un petit corps
d'armée , le personnel du.f^^nstère distribué en séiies et
divisé en groupes , pourra le produire ; mais il donnera de
plus les ^ultats que donne la passion, et ceux-ci sont
miraculeux.
L'ordre sâriaire n'est donc pas une utopie , c'est au
contraire cet idéal auquel les grandes passions populaires
peuvent nous faire atteindoe , nous autres ignorants , dans
les moment^ 4'ôxaltation générale , dans ces moments où
Dt SIÈCIiB. 875
rame universelle èwîve aux etfnteeptiôas les plus lélevées ,
aux plus grandes improvisations.
Les erreurs d*Eûf«nlm sur ta tnérale ont eu le mérite
d'être adoucies par la rèserve.du style et parla plus haute
distinction dans le langdgev FOulrier â eonfessé ttmt ci-
ment-S^s erreurs, proférant avec une fttncbise très-loyale
l'égalité des lattractionb d^ nés fectoltés cérébrales, o*est-à-
dn^ela négalion ^es enseignements les plus élevés de la
physiologie. -^ Ses prophéties sur la brillante' splendeur
d'un ordre harmonique ou combiné sont aujourd hui au-
dessous des^pérances réalisables- de la scienee, pour quel-
ques poibts des plus importants. Quant à ce qui concerne
les arftmfes, nous renvoyons nos lecteurs à ce que nous en
avons dit à TOccasiôn de Tair atmosphérique.
De saint-simonistoe , après avoir été Veipression du be-
soin et du désir d'une doctrine scientifique et religieuse , a
obantfé des hymnes en Thonneur du progrès, puis il s'est
dissous, et ses membres se sont livrés à d'exeeltentes. études.
Sï l'on y cherc^ une doctrine politique , on y trouve
le communisme gouvemementat absorbant trop la famille
dans la commune, la commune dans le département , le
départementxdans l'État , l'État dans l'humanité, au profit
de laquelle il confisque énormément toutes les individua-
lités.
Cette doctrine a bien ses formules de progrès et d'amour,
mais aussi ses dangers. Lestipérieur, dit-elle, élève à lui
rinférieur ; mais rien ne l'oblige à bien choisir.
Nous né ferons point à Comte une part spéciale dans
l'œuvre saint-simonienne. Savant , il a toujours eu des vues
trè&-é)evées dans les ordres astronomique et géométrique ;
mais il a été souvent très -faible en physiologie. N'a-t^lpas
commencé par supprimer, contrairement à la phrénologie ,
le rêve, la poésie, je pourrais presque dire l'amour lui-
même, pour rovenir peu k peu aux idées de Saint-Simon ,
son maître?
Lamennais et Bûchez ont voulu faire participer le chris-
Uauisme et même le catholicisme au mouvement qui entraî-
nait les esprits , de 1830 h 1850. Le promier a publié l'es-
quisse d'une philosophie , ouvrage très-éminent , mais trop
876 PHTLOSOPHIB
peTï lu même par ceux qui le possèdent : aussi est-il resté
sans influence bien appréciée. Le second a été un véritable
chef d'école ; il s'est manifesté de 1828 à 1848 , par des as-
sociations ouvrières , parla formation d'un groupe influent
et par de nombreuses publications. Médiocre au point de
vue scientifique , l'œuvre de Bûchez et de ses amis a tou-
jours été honnête et morale. V Atelier^ rédigé par MM, Pas-
cal et Corbon , est l'un des meilleurs journaux populaires
qui aient jamais été publiés.'
Le fouriérisme , encore que sa doctrine politique n'ait
pas été nettement formulée , se trouve dans une voie op-
posée au saint-simonisme. Comme le saint-si monisme , il
veut les avantages sociaux et communs, mais il a pour ten-
dance de conclure '.
A la liberté de l'individu au sein de la famille ;
A la liberté de la famille au sein de la commune ;
A la liberté de la commune au sein de Thumanité , par
la réduction des influences appelées nations , Étals, provin-
ces, cercles, départements et arrondissements.
M. de Girardm , en homme de génie , a exposé cette
question sous une autre face, en démontrant que F assu-
rance universelle est la politiqve de l'avenir. Aujourd'hui
s'établit à ce point de vue une lutte très- vive au sein des
nations européennes , au sein môme des partis; mais peu
d'hommes jusqu'à ce jour ont eu conscience de ce fait et de
sa valeur. Pour la plupart , cette lutte est à l'état latent.
Cette même lutte, nous allons la retrouver incessamment
dans le mouvement politique des États-Unis, toujours et
à dessein si mal compris par nos historiens d*Europe.
Toutefois , pour que celte question soit bien posée ,
disons que les individus sont fonction de la famille ; les
familles, fonction des communes; les communes, de ITiu-
manité : de là des rapports nécessaires et providentiels.
Le saint-simonisme aurait donc eu surtout pour mission
de signaler l'œuvre à faire , de poser les questions à résou-
dre, de créer une active propagande à la fois religieuse et
scientifique; le fouriérisme, d'entrer dans une voie plus
pratique par une discussion extrêmement habile des faits
industriels.
BU Sd^LE* 877
Les disciples de Fourier se sont généralement maotrés
beaucoup plus fidèles à la doctrine de leur maUreque ceux
de Saint-SioiQix Plusieurs de leurs œuvres sont duu onire
élevé ; elles ont une portée pratique et pour ainsi dire d'ap-
plication immédiate que n'offre p^ en général Tœuvre
saint- si monienne. Beaucoup d'entre eux avaient participé
au mouvement saint-simanien , et tous ont eu le bon esprit
de Vétudiet. L'histoire dira un jours leurs titres»; mais ce li-
vre ne peut enregistrer que de sommaires indications.
Toussenel, en des livres très-sérieux pour le fond , déli-
cieux pour la forme et les spirituelles excentricités, s'est fait
une position exceptionnelle. Aucuns le placent entre Laton-
taine et Rabelais. Nous , nous le tenons pour proche parent
de Chamisso de Beaucour et de Paul-Louis Courrier.
Jules Le Chevalier a toujours été et sera toujours partout
un professeur de premier ordre.
Reitaud a écrit un beau livre sous ce titre SoUdarUé.
Julien Le Rousseau a relié la phrénologie au fouriérisme*
Barrière , de Lyon , a placé de bonnes ifitentions à côté
de graves erreurs , dans son opuscule sur les analogies de
i'ho<nme et de l'humanité.
Les quelques pages de Tamisier, sur les fonctions, sont
un grand livre.
Victor Meunier, après des études d'un ordre élevé, est
djBvenu le feuilletoniste scientifique de la presse.
Victor Hennequin a fait des enseignements habiles et
soutenu seul le poids du journal fouriériste, comme Michel
Chevalier avait soutenu le poids du journal saint-simoniep.
Cantagrel, Pellarin, De Pompery, Q^yon, Allyre*Bu-
reau , l'ingénieur Lemoine , Baudet-Dularry, et beawoup
d'autres ont acquis par de nobles travaux, par des œuvres
utiles , par des actes de dévouement, des droits sacrés à la
reconnaissance de l'avenir.
Vidal, de Flotte et François Coignet ne sont pas des
fouriéristes orthodoxes, et nous les en félicitons ; ils ont
étudié le monde avec Tesprit de Fourier ; ils se sont servis
ôe son microscope et de sa longue-vue ,. mais ils ont voulu
se faire leurs opinions.
Vidal a très-bien démontré que la phalange ou commune
37*
878 PBIL0&<»1IIB
sociétoipd de Fourier est un idéal de IvaDsition^null^Danl
un idéal absohi. Sa critique ' dut samt^BÎmâtii&nie etda fou-
riérisi»e66taNi6si- élevées que loyale; c'est ua teimm de
grand sens , <yai a»u met^lre à papt-, dans las œuwes saint-
simonienue et fouriérisie, tout ce ipô a droit à vîvire «t à
s'incarner dans l'esprit des peuples.
J'ai quelque tiegi^t dé oritiquer de Flotte , et «epeodart
la justice l'exige. Hotamb de' science né aveè des faoïdtéa
émmentes pour l^idéal et la métiiaphysîqiie.) il leor a Imp
souteol subordonné la seience^
François Coîgnet a* élé jusqu'à présiont féooiKUDisle^ie
plus haèile qui soit sorti de réoele fbiâriéri^e. Fabrioanl^de
Sroduits cUmiques , il a touché par suite à toutes les io^
ustries, à tous les failssoeiaui: deliim grand ftavoiff pra-
tique qu'il a pu mettre et qu'il a lais à^ la dispositio» -dwe
intelligetice qui sait manier la langue des géneratîsatiomL
L'o&uwe de Cabet, oe oouvent noureaude notre huma**
nité noutelle , qui avait besoin oomme les pve mières (wn-
munes , d'un coknmtmisDae fort et lia peu deapoUque pour
réussir contre vent. et marée, a été enfantée auBsrdlle entre
le saint-simonisme et le f ouriérisitte , apràtf uneloo^e
étude de ces deux doctrines. €abeit , très- mal jugé en
France, a montré toujours un sens politique supérieur et
des talents administratiis doat on ne lui a jamaia leos
compte ; il n'a pas été jugé , mais condamné par les pas-
sions égarées de ses concitoyens. L'étude des premières
communes de France et des premiers coûtants du moyea-
Age suffirait seule cependant à un homme de bonne loi pour
faire apprécier l'importance de ses efforts, le pourquoi de
leur forme, le comment de résultais dTaboidn^atifS) mais
aujourd'hui très-réels, et les modifications que sa commune
américaine a subies et subira.
Les œuvres de Louis Blanc , de Proudhqn , de CtraMHo ,
trois hommes si éminents chacun en leur genre , portent à
chaque ligne la trace de la très-sérieuse attention qu'ils ont
donnée au double mouvement du saint-simonisme , de
l'esprit d'autorité et de communisme gouvemeâ»^ita), et
du fouriérisme , c'est-à dire de la tendance vers la titarté
individuelle et communale. Il est regrettable de ne pouvoir
m fiiàGifi. 879
analjKseD ici lour&éccHs.» TiUie des g]air«$ d^ U S^a^oe 4aD5
nos tiDgtidefoièKQS.aiiBée»; mais, nous venona oq .quelques
Ugn6ft.^p6ser ueUeia^oAlo poioA de vue aMfu^l- A but les
étudii^ pour ooeapreodre eoipmeiit et* dans quel ^ut ils ont
i«m«4Jia»8ialérièui.ioleliectuelsdu'ppé9Wt ei du piftssé.
Le premier, avec uue eulraîUiante âloquenc^yra étéTupa de
i]Qfr.tan^â»}Uttéraln3s,, eo lOièaie-teiQp» qu'il ^dait les
eûttaiUesr4e la soeiiété. Le seooadeat ruju 4Jb« pUt^ puis-
siipteji^riÉiqlids j|tti;iiiefit.véiOO» Le lroi$iè«ie« ^ràe $*âtre
faille premier journaliste du fiîèola, a Qooliiiité Manies-
qttieii en uyo livne intUttlé La PolUiifm Vniw^$elU.
lA obtà des faits aides œuvres» qui nous^ o^upénl , que
lea niaisef i0& des eamarilUa européennes. 9(m\ pevi de çbose !
que leaiaits politiques. ea^-mémea. swt.seaof^aires !
hCôi serait -ieî le liea de parler de rinterveDiion nécesaaire
de Ja soieace dans^les^qvkastioDs diédililé publique et privée,
de drev^nic sur Jesépidémiefiv pour décrire la peste oo^ioe,
pour parlei? des pcemiàres anuéea de Viavdsion à^ l^ sy-
philis 'qui appiarut ea Europe en 1493i, de répidémie de
dsnse de Sain4-€uy,. des .épMéuiies de pueucnwie coQt,a-
g/n^m^ ei de typhus, du ehûliéM, de ttouiea ^ea» nombreuses
questions qui toucbeal de. si près au bie)0H|tr& ou à lexi»-
tance. des homm^ ; mais elles sont io^iak^eiii^fc résolues
éé^ dans ce livre, et nous pa^^oDs oulre« .
De ce monde qui renaît en Chine, noas ne saurions
r«9n.dire. Son mouvemeat eieen^ique à jokos idées, à nos
hahiîtttdea j à notre science , h nos préjugés , n*a été ni ana-
lysé, ni eosipris. — Passons à TAipftérique du norà, la
scMik qui vive réellement eneore.
Jkïu Etats-Unis, comme en Europe » les, questions de
produotion, de consommation et de circulation, c'est-à-
dire d*iéconomÂe sociale; les questions de liberté indivi-
duelle pour Tesolave, la femme , le travailleur et le rentier ;
la constitution du mariage de la commune et des communes
plus éCendue» appelées Etats ou nations; Torganisation de
l'éducation , qm s'y relie si intin
intimement » sont les miêmes
880 PHiLOSOPmE
il n'y a de changé que le» noms, que les étiquettes.
Combien s'y tiompeni! oombien qui n'en ont pas < dît on
mot, qui se croient 'cependant hommes d-E<tat et graods
politiques !
Aux États-Unis, la liberté individnelle et la libwté des
communes sont absolues , mais elles sont solidaires de la
liberté des Etats. La grande qoestton de rkidépendftnce
des Etats, Toilà donc la question démocratique par exeel-
lence, la vraie question sociale, le terrain sur lequel les
whigs et les démocrates établiront de plus en plus leur
lutte (1).
Quel homme de bon sens -voudrait, en Europe, les
mêmes institutions , de la manière la plus absolue , pour le
Portugal, l'Espagne, l'Italie méridionale , Malte, (a Grâce,
pays si peu avancés en sicience, en morale et et) retigten :
pour la haute Italie, la France, la Belgiqoe , la Hoh^ie.
l'Allemagne et l'Angleterre ; puis pour la Slevie et la Tur-
quie, qui se composent d'éléments si hétérogènes. La
même disparité se présente ëous d'autres formes et
avec d'autres aspects, aux Etats-Unis, entre le Nord, le
Sud , l'Est et l'Ouest. Les £tats ne sont pas des départe-
ments, mais des nations à des degrés divers d'avancement
intellectuel et moral.
Il faut envisager ces- Etats comme des communautés
indépendantes qui ont tout intérêt à maintenir cette situa-
tion au sein de l'Union Américaine. Aujourd'hui le droit
des nations a plein pouvoir entre eux, excepté dans les cas
où il a été modifié par le contrat fédéral que l'on nomme
Constitution des Etats«-Unis.
Malgré cette exception , les Etats possèdent tous les droits
dont jouissent des nations indépenaantes, séparées et par-
faitement distinctes. Ils ont aussi leui*s devoirs particuliers :
de là leur double règle, l'une nationale, l'autre fédé-
rale.
A l'époque où les treize colonies amérieaiiies se sépa*
(1) Ainti peutToa dt bm amis, M. 6reeo« ancieii officier anéricaîA. dcpô» ■*-
■istre baptiste , homou instniil, penseur profond ^ dont nous iTons use bo^ kurt
SMS lel yetii.
JOC S1È€LE. 881
rèrent de la Grande-Bretagne, chacune formait un Etat
indépendant, ehacnne avait sa (Constitution plus ou moins
avancées ehapuhe était Tembryou d'une nation , ce germe
qu'un lien originel, véritable cordon ombilical, rattachait
à l'Angleterre , la mère-patrie-, au sein de Iftqoellfe s'dpé-
rait leur communion quand il était besoin qu'elles s'en-
tendissent. Elles ne viraient pas encore '^e* leur vie de
nations indépendantes, mais de la vie de lemr mère, la
couronne de la Grande-Bretagne.
Le lien ombilical ou originel rompu, chaque colonie se
trouva séparée et absolument maîtresse d'elle-même-, abso-
lument libre en son individualité.
La nécessité de faire face aux besoins d'mie défense
commune ayant nécessité un lien nouveau, il y eut ceci de
très-important : que ce furent les Etats qui créèrent la
conlédération et nullement la confédération qui créa les
Etats.
En France, en Espagne, en Angleterre, c'est le pouvoir
qui a créa l'unité nationale par la réunion des individua-
lités comrifiunates.
La même chose a eu et aura lieu pour chacun âks Etats
passés ou nouveaux de l'Union Américaine; mais, comifie
pour le nouveau monde, ce seront les nations européennes
qui créeront la confédération européenne. Cette marche Je
l'évolution sociale est très-importante et doit être signalée :
elle a pour conséquence une confédération d'individualités
libres , nullement une confiscation des individualités natio-
nales, selon le caprice de Tassoeiation générale; une
communauté d'êtres libres, mais plus ou moins moraux et
instruits, nullement une communauté d'individus sociaux
asservis ou hiérarchisés.
Nous démontrerons ultérieurement que les phases di-
verses de l'évolution embryonaire de l'humanité sont pa-
rallèles aux phases diverses de l'embryon de l'homme.
Pour le moment , nous laisser(Mis de c6té Torganogénésie
sociale.
La première confédération américaine n'était qu'une
simple ligue entre nations séparées et indépendantes : ce
n'était pas encore un gouvernement fédéral ; mais la cons-
88S PHILOSOPHIE
titati^Q a créé ce gouveroemeol fédéral qui lève Ini-iDèine
ses impôts, qni fait la guerre et la paix, qui règle toutes
les relations de TUnion avec les étrangers^ ei toutes les
relations, sauf exceptions, des Etats e&tre eux.
KemarquoDs maintenant la logique de l'^esprit huBiain :
la constitution des Etats-Unis a été adoptée par le peuple
entier des Etats-Unis, do la itféme tnaaière que kB^eonsli-
tutions originelles des Etats ou nations avaient été adoptées
partiellement par les Etats respectifs. Téus te pays o'a
pas agi comme une seiile nation dans eetl^ occufreûee;
mais une convention proposait la constitution fédérale, ti
chaque Etat l'adoptait sucoessiveaieiit. — Il en résulte
qife la constitution des Etats^Uiib est en réalité une por-
tion de la constitution de chaque fitat , Tanité a*dbsorbaDt
pas la multiplicité et n'étant pas absorbée. — En 9èmm,
et eeci est de la plus haute impoi^taàce pour tant de
Français qui se diseilt girondins ou jacobins, unitairiem
ou lédéralistes , et qui ne sont les uns et les autres que<ies
attardés de 9S: la* constitution des Etats^Jnis fi'ipst peint
la constitution de chaque Etat , mais de tous ; et' elle est k
constitution de tous, parce qu'elle est la conslitutioo de
chtfoune des nations de l'Union Américaine. — Les parties
ont. préexisté au tout: ainsi de TEurope, où l'on tvouTP
aujourd'hui les royaumes d'Angleterre, de France, d'Espa*
gne i de Piémont, de Belgique, de Hollande, la République
suisse^ la Confédération Germanique, et qui sera un jour,
sous une forme ou sous Tautre, la Confédération des Etai^
européens , cette unité sociale rêvée par Henry IV.
Dans l'ancienne Confédération Américaine, îl y anit
souvent conflit, au début, entre la volonté fédérale et h
volonté des Etats. On voulut éviter les occasions de conflit:
do là f la constitution qui créa un gouvernement fédéral
agissant directement sur les citoyens des divers Etats.
Aujourd'hui, ce que le goweniement fédéral fait, il te lait
par lui-même, et en vertu des pouvoirs que chaque Etal
confédéré lui a consentis ; il n'a besoin de l'aide de per-
sonne, de l'avis de personne; il est souverain dans sa
sphère : ainsi des Etats. Aussi n'y a-t-4l pas liett à que-
relle ; aussi u'existe-t-il point, aux Etats-Unis, des aoti-
BU siÊctB. 885
imioïki^e^ et des unioni^es. Tou( ce qui a été éeiil en
Europe , à cette occasion , depuis De Maistre jusqu'à
Guizot, par les wbigs, est com platement erroné, et tend
à jeter de la confusion dms les esprits. Il est d'ailleurs
extrêmement habile, au ppint.de vue de ces. hommes 4|ui
ont pesé si dur sur TËuroper de lais^r ignorer à Jbeurs
concitoyens qi^e les Etats-Unis ont ré^lu r w grande par-
tie, rimpense problème du oommunisine 0t. de Tindivi-
dualisme, oiu, d^ns cette oecasioni, de l'unité et de la
noiritipliQité.égaienient libres.et ^ouvetf^ijo^s.
En oon$équenee de la fatalité des ciffoenstanfies histori-
que, les nations des. Etats-Unis sont une confédération.
Sajas u<ie conquête dont personne ne vi^ulait, elles napea-
vaienti étant séparées et jouissailt de constitutions distinctes
appiH^iée$ à leurs croyances et à l^ur& mœm^, s'unifier
que par ui eontcat. D'un autre Qôté, .et pour de bonnes
rai£^nsi les boipinea wppéricains .youlaienit faiiKi^. un gour
YOi^iewent fédéral, ce qui a mis m. évidence ce .d«a-
lis02e: la providence et i'ac^iou humfHne^ deux pouvoirs
inégaux qui ont essentiellement leurs parts respectives' dans
toutes les choses de ce monde.
Nos leotaursdoivent con^prendre; maintenant les diSioiiltés
américaines, et celles qui plus tard swgiront en Europe,
oii it n'y a, à cette heure, qu'un pacte tacite , la sainte
alliance, trop longtemps invoquée,. n'existant phis ni en
droit ni en fait.
Ici se prâsente une grande diflTieulté :
S'il y a débat entre une nation et la Confédér alioa sur
l'interprétation de la eonsttituUQQ fédérale, qui en sera
juge?
Yoîci notre réponse : la eonstitution a été acceptée par
des individus ooUeetjifs , libres et souverains; dnnc chacun
est juge du contrat, en ce qui le concerne, sans quoi des
individualités collectives seraient coctfiaquées et détruites
dans unç portion de leur être , dans tout ou partie de leur
liberté. — Remarquons*, en passant, que de la liberté
d'un Etat à la liberté de ses comomnes, de ses familles,
de ses citoyens, il n'y a quun pas» I^e droit des Etats,
c'est donc en réalité le droit des communes , des familles
884 PHILOSOPHIE
et des citoyens : il est donc essentiellement démocra-
tique.
Théologiens par habitude , les hommes d'Amérique
disent : « Le créateur est supérieur à la créature ; les
Etats créateurs de l'Union sont supérieure à leur création,
qui est l'Union : donc les tribunaux de l'Union ne peuveuî
juger un Etat qu'autant que cet Etat aurait lui-méoji»^
accordé le pouvoir de le juger. »
Les fauteurs de Taristocratie répondent : « Si les tribu
naux fédéraux ne sont pas juges aes difficultés entre une
nation et la fédération , à quoi servent-ils , à quoi sonl-ils
'bons? La fédération n'est rien : un gouvernement qui peut
toujours être enrayé dans sa marche n'est pas un gouver-
nement. » *
« C'est vrai, répliquent les démocrates des Etats-Unis,
mais nous ne voulons pas, nous n'avons jamais voulu que
le pacte fédéral fut créateur d'un gouvernement; nom
n'avons entendu créer qu'une admmistration appliquée à
des intérêts collectifs. Ne sont-ce pas les Etals qui ont agi
d'eux-mêmes et comme souverains dans le contrat d'union?
Chaque Etat a été libre et absolu dans l'exercice de sod
droit : il doit donc être encore libre et absolu dans l'inter-
prétation de ses actes passés. »
« Erreur, reprend le parti fédéraliste ou aristocra-
tique (nous ne disons ni unioniste , ni unitaire , puisqu*
les deux partis sont unionistes et unitaires), il y a une
clause dans notre contrat social qui donne pouvoir aux tri-
bunaux des Etats unis de juger dans les cas de controversi
entre l'Union et des Etats particnliers. »
Les Etats à leur tour, ou plutôt les hommes de la démi»^
cratie nient cette clause de la manière la plus formelle.
Telle e§t la position d'un débat réellement nécessaire
dans l'état actuel de U civilisation. Quant au contrat lui-
même, son texte est assez obscur pour que nous n'o-
sions nous prononcer. Nous allons compléter nos eiplica-
tions par un exemple : Si au moyen-âge l'Europe avait
formé des Etais-Unis^ la fédération, guidée par l'esprit de
Rome , eut agi à l'égard de Galilée comme Ta fait Rome .
sans aucun respect pour la vérité scientifique dont il étaii
DU SIÈCLE. 885
la personnification , et la Hollande n'eut pu offrir un refuge
soit à Descartes, soit aux autres libres penseurs du temps.
L'odieux d'une pareille conduite a son pendant au sein de
rUrrion Américaine, dans la loi des esclaves fugitifs, in-
constitutionnellemcnt proposée aux Etats par la fédération,
en violation de ce qu'il y a de plus noble et de plus humain
dans notre nature.
Les deux partis qui naissent d'une semblable situation
ont existé aux Etats-Unis dès les premiers jours de leur
formation. Le premier, à tendances gouvernementales et
communistes au point de vue gouvernemental, s'est appelé
successivement parti national, parti whig, parti de Tunion.
Le second, à tendances individualistes et dont rexistcnce
est associée à celles des libertés des Etats, s'est appelé
parti républicain , parti des droits des Etats. Le premier
correspondait, dans ses aspirations les plus élevées, au
saint-simonisme ; le second, au fouriérisme. L'un et Vautre
ont eu souvent raison et souvent tort , quoique en défini-
tive le succès du parti des Etats importe singulièrement à
l'humanité.
De cette question de principe , passons aux consé-
quences :
Hamilton est l'un des premiers hommes d'Etat qui fee
soient distingués dans le parti whig. Son talent de plume
et de parole en fît rapidement le chef véritable du parti
centralisateur. Officier dans la guerre de la révolution et
membre de l'élat-major de Washington , il passait pour le
rédacteur de cette pièce diplomatique dans laquelle les fé-
déralistes exposèrent la position politique que les Etats-
Unis doivent tenir au milieu des autres gouvernements.
Membre de cette Convention qui a proposé la constitution
de l'Union' Américaine , il voulait, ce qui était logique de
sa part , un sénat à vie et im président à vie ; il voulait
aussi que les Etats eussent des gouverneurs fédéraux ^ui
pussent opposer leur veto dans la discussion des lois :
c'était tout simplement demander la confiscation de la
liberté individuelle au profit de l'autocratie gouvernemen-
tale. Cette conséauence naturelle de son opinion ne fut j)as
exposée par ses adversaires, mais instinctivement pressentie.
886 raiLosopifiE
Hamilton se relira de cette Convention, dégoûté tlerininte!-
ligetioe de ses amis, qui, plus républicains qu« hii, ne you-
lurebtpas le suivre jusqu'au bout. L'ennui le prit cenendant
d'être à l'écart : ilse ravisa et devint Vixn des plus habiteset des
plus fougueus avocats de la constitution aetu^te!-4Se con-
trat, qui donnait au gouvernement une puissaucefflimitée en
matière de guerre et d'impôt, lui paraissait exwUént par
suite sous ce point de vuequ'il pouvait devenir la soutoèd un
pouvoir illimité : aussi disait-il que, né tWs^Riitlè, le j««-
vemement américain trouv^ait , en fonetionbant, le mojen
d'arriver à êt^e fort. De& détails intimes peignfeÉt soorent
les hommes. La constitution anglaise, disait un jour John
Adams, ramenée à son principe et purgée de ses éléoaenb
de corruption , est la plus sage que Ton puisse imaginer.
— Erreur, répliquait itamilton : cette constitution ne vau-
drait rien sans les moyens de corruption dont eUe permet
au gouveraem^t de disposer. '
La constitution des États-Unis adoptée ^ Washington fot
élu président et choisit Hamilton pour mitdstre des finan-
ces. Aussitôt commença la Ititte. Hamilton fit pencher la
balance du côté de son parti en Taisant du |)ôuvpir fédéral
l'instrument des créanciers du gouvernement. Bientôt il
eut fortemeiit attaqué le^ droits r^ervés par les nations qui
devaient conserver leur Indépendance au sein de TlSrion.
Sur sa propre responsabilité et malgré la loi , il ordonna,
comme chef du trésor, aux directeurs des postes et auxre-
ceveurs des douanes de recevoir le papier-m(»inaie des
banques en paiement des sommes dues au goùv^nement.
Ce fait grave qui ne tendait rien moinfc qu'à créer une aris-
tocratie financière , passait presque inaperçu , et cependant
il avait pour résultat de créer au gouvernement fédéral , par
suite d'une véritable corruption , de puissants appuis parmi
tous les intéressés des banques des Etats, qui se trouvaient
conduits de la sorte à considérer le gouvernement fédéral
comme leur instrument. (Des faits analogues se sont passés
en France sous Louis-Philippe, sur une plus grande écheBe.)
Hamilton cependant n'était pas encore satisfait; il lui fallait
une corruption organisée : aussi proposa-t-il une banque
soi*disant nationale, mais réellement aristocratique, qai eit
DU SlBChBp 887
rattaphé tous ses actionnaires piur leç liens directs de leur
intérêt au pouvoir central, et, pour avoir plus d'aetionoai-
res, il demandait tout d'abord une banque au. capital de
cinquante milUcMos. Fort bepreusement ce prof et si dange*-
reu^ pour Tassociation encore. naissante desnationsiattâri*-
cainpsne prévalul.pas, f •
Qa a souvent aoous^y .en Europe ^ la démooraiie des
Etatfi-rlJnis d'être ennemie des banques: c'était une ^ave
erreur, souvent ui|e calomnii9« hà, démoi^ratie a'a jamais
entendu coiqbaUre dan^ les baaq^ies que leujra Wdaaces
aristOGratiq,ues et leur oonstitiution basée ^ur des privi*
légea.
hes fonctions de Washington teroùnées» les fédéralistes
triompjièrent ds^s tes élections par la nomination de John
Ad^in^. Soysoe. nouveau président, les dboses allèirent vite,
et I4 Uberlté fut rudement attaquée. Adanis fit passer une
loi qui punissait tous les détracteur^ dn gauveraeiaent ,
mai^.il fpt accepté que les avoeats des accusés pourraient
plaider ia vérité de leiirs Assertions : aussi cette loi.futrelle
plus nuisible , qu'utile aq^wbigsv Une autre loi pour le renr
Yoi de rUnion.des étrangers répétés dangereux , cootrihua
encore à leur faire perdre de leur popularité. On s'arrête
peu dans cette route ; Adams feignit de vouloir faire la guenre
à la France, mais ç'étaiit upiqueiuent dans le but d'obtenir
une armée dont il se serait servi pour opprimer ensuite ses
concitoyens. Ce n'était plvv» un poiuvoir corrupteur que ce*
lui de son gouvernement ; il dépassait les voies d'Hamilton
et devenait tyrannique. Cependant oe ne fut qu'à grande
peine que JefTerson parvint à la présidence, tant déjà le
pouvoir fédéral avait gagné de terrain.
Jeffersqn ep,t Tidole des démocrates les plus avancés des
États*Unis. Des bcHQmes de grande valeur, tels que Green,
n'hésitent pas à dire qu'il avait autant de génie qu'Hamil-
ton avfiit de talent. Les victoires des whigs avaient été si
complètes , qu'il était difficile de comprendre de quelle ma-
nière jefferson pourrait en diminuer l'influence. Ck>mment
briser le lien qqi rattachait le gouvernement central aux
banquiers, le soumettant à l'acceptation d'un papier-mou-*
naie aristocratique et nullement social , lorsque la charte
888 PHILOSOPHIE
de la banque des États-Unis avait encore plusieurs ann^î -
k courir? Comment réduire les dépenses; comment arrive:
à réconomie en présence des guerres d'Europe , lorsque-
rUnion avait tant à faire pour protéger ses citoyens et poai
résoudre les questions que soulevaient à chaque instant >i
marine , son commerce , ses exportations , l'honneur et
la' dignité du pavillon national? Dans ces circonstances ditli
oiles, Jeiïerson fut toujours à la hauteur de sa situation : \â
démocratie eut en lui un homme d'État.
L'administration Jefferson était terminée, lorsque h
guerre vînt troubler le mouvement politique et social de-
Etats-Unis. Les grands principes qui avaient divisé le^
Américains furent alors oubliés en présence des intérêts «I^
la patrie. Les guerres sont rarement favorables aux tf»u-
dances démocratiques. Après leur lutte , les Etats-Unis s^
trouvèrent endettés ; les capitaux avaient pris la dirctioû
des manufactures; de nouveaux intérêts se manifestèrent,
et des impôts furent perçus sans que Ton eut égard au re-
venu. Les limites du contrat social furent alors dépassées;
il y eut abus et violation des droits. Ces impôts servirent à
favoriser des intérêts individuels , des manufactures domes-
tiques, à enrégimenter de nombreuses cupidités inda5-
trielles. L'Union, à cette époque, combla la mesure en
créant des droits protecteurs qui s'élevèrent pour certaiiies
marchandises jusqu'à moitié de leur valeur: exemple fu-
neste qu'elle avait reçu de l'Europe, où la France praiiquoiî
si largement ce système, de 1820 à 1848, au profit des pro-
jmétaires de terres à blé, dos éleveurs de bétail, des pro-
priétaires de forêts , des maîtres de forges el des autre
grands seigneurs féodaux du sol et des usines. — Toutefois
l'Angleterre, plus habile, faisait déjà des efforts dans la
direction du libre échange vers lequel la France a fait
plusieurs pas en 18S5. La corruption qui se sentait alors
en force au sein de l'Union, essaya d'un dernier moyen
pour augmenter encore son influence. Il semblait na-
turel que la fédération présidât elle-même aux canaux,
aux routes et aux autres entreprises d'intérêt général;
mais à peine des fonds eurent-ils été dirigés dans cette
voie, que tous les appétits des influences gouvernemen-
'5
BU SIBCUB. 889
taies s'empressèrent d*en.dea)ax)der l'emploi,. dod. pas sur
les lieux convenables , maïs sur laurs propriétés. Alors , on
acheta ces influences par la corruption > et on le$ attacha
au gouvernement fédéral ^ cpinme cela se pratiquait en
France sous le dernier règne.
Deux présidents avaient été successivement nommés
par les démocrates: l'un d'^x^ soit trahison, soil inin-»
telligence, créa une nouvelle banque des Etats-Unis, m
capital de c«nt soixante-quinze millions, et retarda la
solution des difficultés qui pesaient sur sa patrie.
L'Union réclame une banque fédérale comme moyen de
circulation du crédit. Mais cette banque devra posséder un
double caractère ainsi que la constitution fédérale. Elle sera
générale et de chaque Etat , parce qu'elle sera le résultat
de l'association des banques aes Etats. Celles-cî , en deve^
nant des banques de crédit et de garantie mutuelle, devien-
dront un moyen d'abaisser autant qujs possible le loyer
des capitaux au profit de tous les travailleurs. Aiosi peut
être résolu démocratiquement, pour le crédit comme pour
l'administration , dont il est l'une d^s branches , le pro-
blème d'une excellente organisation sociale des Etats^-Unis ;
mais combien jusqu'à ce jour ne s'est-on pa^ écarté de
cette voie , soit en Europe , soit au sein même de rUoion
Américaine.
Hadison , le fondateur de la nouvelle banque, eut pour
successeur un autre démocrate; celui-ci fut remplacé par
John Quincy Adams , dont l'administration fut fédéraliste
et centralisatrice. Après œ dernier vint Jackson; ce gêné*
rai avait une ardente énergie, une volonté de fer et le
plus admirable talent pour conquérir la popularité. Il n'était
ni théologien, ni savant, ni financier. Sou esprit domina-
teur eut fait de lui, en Europe, un tyran redoutable: appelé
au service de la démocratie, il fut un homme d'Etat, le
héros de l'individualité des nations unies.
Jackson raisonnait peu, constamment il agissait d'ias--
tinct. C'est à partir de lui que la doctrine des républicains
s'est nettement dessinée , et que la liberté des nations amé-
ricaines a pris le dessus sur les tendances communistes du
gouvernement fédéral. Il apporta dans la vie civile les ta-
890 PHILOSOPHIB
lents d'un militairo ^ la défiis^eiede l'ennemi « la vivacité de
sesi déeieions, Taudacerqùi étt^tine, la célérité d>iéeution
qui préfietrt , et cette éaer|^ed*actiôn qui éssufè le ^ccès.
Qtve de choses à faire pour obtehif le triomphe de la dé-
mocratie!!! briser les abus delà «eïitralisation et réduire
le gouvernement à ti'êtnft phis qu^ntie? adUinfi^traHùti pure
et simple; — ^pafyer la dettë»cotistllaée; — ibeftire fin aux
ÎBipfitsdits protecteurs du trâValîl attiéric^ain; -^ couper lc5
liens qi^ associaient Tadraifiistràtion fédérale arott^anques.
etc., etc. . . »
JackêOD av^itété unbrave^ tnilttsfiré datl^ la ikttaiUedf
la NoureUe-^Orléans; il fut admirable de céunlgé dvrl dam
sa lutte eôn^e les banqtres, hilte dont les saint-^momens
et les doctrinaires de France alors unis dans la personne
d'ttn homme très^étoicw^oi , Ifichei Chevalîeir à cette' époque
eii> mission auK Etats-Unis, n'ôftt pas rentihk un compte
Etfifaiteûaent exact , qiielqUe' reu)ilkH^able qii-il ébit de
cidité: Ce fut encore sous son administration que fot
payée la dette publique. -^ L'Eutt^pié^aretëMi des préten-
dues i&enaces de séparation qui furent faites à cette épo-
que, des) a^tatieiis de la Caroline du Sud qui refusait de
payer les droits dits protecteurs du travail américain. On a
parlé de donflits inévitables et de levées de troupes: la
vérité, c'est qu'une transaction toute pacifique a eu lieu
sous rinfluenoe de Jackson, et qu'elle a réservé^ avec la
phïs grande habileté les vérîtableis intérêts de la fédération
et la complète liberté des Etate. Le gouvernement fédéral,
dîfittit l'Europe, vient de rempcJrter une grande victoire.
C'était une en^eur: son amour^propre était sauvé, mais en
réalité c'était le pacte républicain qui* triomphait.
La oorroplion était vaincue: Jac^kson la renouvela sous
une autre forme. A son tour. Une voulut atoir pour agents
du pouvoir fédéral que des hommes de son opinion.
Ce serait une faute grave de croire que Jackson et ses
partisane aient formulé la question en litige cominè nous
la '{annulons : leur métaphysique n-étak pas assez avancée.
NoBS l'a vans dit^ ils agissaient d'instinct; mais noos, qui
nous donnons la mission d'éclairer l'avenir à la luffliëredu
I^asëé, nous devons mettre en évidence la logique ffiiation
BU SIÈGLB. 891
des faits. La pensée qui préoœupait lacksoii et son paiij ,
c'était TorgaDisation d'une protectioa fédérale dénooralî-
que opposée à Moe protection fédérale aristocro^tique. U j
a )à une erreur que nous devons signaler. Leur eorrop-
tion eut pour oaractèce de porter atteinte à la liberté de
conscience des fonctionnaii^es publies , au profit des intérêts
du plus grand nombre (ce qui ne la légitimait pas), de
même que la corruption organisée par Hamilton avait pour
but de servir des intérêts privilégiés, ce qui la rendait en-t
core plus coupable.
Après laçkson , Van-Buren , aiitre démoeiate. Celui-ci
avait une vraie tète de renard « et le peuple 4 appelait le
petit magicien. U mil au service de sa cause les moyens de
la finesse et de la ruse.
Harrissoa, réactionnaire {édéralisle « lui succéda et okhi-
rut trop vite pour rien entreprendre. Le vice-présidenl Joho
Tyier Le remplaça. Noinmé par les fédéralistes, il ne put
transiger avec sâ conscience et servit loyalement le» inté-
rêts généraux au détriment des intérêts privilégiée* Le eon*-
grès , aloi« fédéraliste , faisait une première loi pour la
création d'une banque nouvelle :iTyler y of^posai^ soa veto.
Le congrès en proposait une seconde : Tyler s'y oppo-
sait encore. Le congrès créait des droits protecteurs : nour
veau veto de Tyler. Le congrès améliorait soh ceuvre, et alors
Tyler qui n'était pas un entêté , mais un bonnête bomme^
apposait au pied de cet acte son approbatioui Son admi-*
nistration admît cependant en principe que Ton pouvait
renouer les liens qui avaient rattaché le pouvoir fédéral aux
banques privées et à leur papier-monnaie , mais en chan-
geant les bases de leurs anciennes relations.
Polk , le successeur de Tyler, a été surnommé par le
peuple américain, le jeune Jackson; il a brisé pour long-
temps , pour toujours peut*ètre , les rapports de Tadminis*-
tration fédérale avec les banques privées* Depuis lui , per-
sonne n'a pu payer ses dettes en papier-monnaie, c'est-à-
dire que personne n'a pu se faire un moyen gouvernemental
de son cnédit privé : les officias des douanes sont obligée
de garder les écus du trésor dans des dépêts fédéraux ,
et il est défendu de les confier à des banquiers. Cette
893 PHILOSOPHJB
victoire conduira nécessairement quelque jour à iubanpiei
mutuelles d'Etat et à leur centralisation fédérale: ainsi la
féodalité du crédit sera remplacée par la démocratie du
crédit. D'autres grands faits , la lutte avec le Mexique et h
réforoM des droits dits protecîteuré signalèrent encore l'ad-
ministration de Pokk.
Taylor qui «se disait whig et fédéraliste , fut élu par
tout le monde. Personne n'a connu au juste ses vues gou-
veFuetaentales : beaucoup d'hommes politiques doutent sé-
rieusement quHl en ait jamais eu. Pendant son adminis-
tration les questions changèrent de fece: ne ponrant phis
enrégimenter les grands industriels et les boursiers , Vesprit
de privilège vaincu dans l6 questioti des banques, vaincu
dans la question des droits protecteurs, yaincu dans la
question d'une banque centrale aristocratique , se retourna
du côté des possesseurs d'esclaves. Ceux-ci avaient tou^jours
été défenseurs des droits des Etats, mais ils changerem
subitement, «t ils sont aujourd'hui le boulevard du fédéra-
lisme aristocratique. Toutefois, Taylor qui était un très-
honnête homme, quoique propriétaire d'esclaves, nerou-
lut entendre à aucune injustice, et peut-être les ennuis
que les propriétaires d'esclaves lui ont suscité ont-ils été en
partie cause de sa mort. En mourant, il laissa le pouvoir
aux mains du vice-président Filmore , fédéraliste peu ca-
pable. Homme privé , Filmore était abolitioniste ; président,
il fit passer la loi des esclaves fugitifs , qui viole les plus
saintes règles du christianisme , cette base commune de
toutes les religions américaines.
Franck Pierce , son successeur, est , au dire du peuple
américain , bon démocrate et bon enfant. Il serait préférable
qu'on l'appelât Jackson III.
La lutte passée n'est point terminée , mais transformée.
Le triomphe des démocrates aura pour résultat de consacrer
de plus en plus la liberté individuelle et la liberté des com-
munes ; mais il devra fusionner celle des nations dans la
grande unité , sans toutefois la détruire , c'est-à-dire en
aceoi^ant àr chacun son droit : aux intérêts généraux la
souveraineté générale , aux intérêts communaux la souve-
rainté communale , aux individus leur souveraineté indivi-
DU SIÈCLE, 895
duelle. Cette solution » peu praticable à oelte heure en
Europe* où la démocratie, dans ses impatiences, ne tient
pas assez compte de Tignorance et de la misère , sera beau*
coup plus proaptement possible aux Etats*Unis sous l'in-
fluence du progrès delà science, qui seule pourra résoudre
les difficultés soeialos léguées par les siècles passés.
D^à rUnion Américaine a donné Texemple dans les
grandes que3tiQn6 à la fois industrielles et sociales des ba-
teaux à Yapeur , des chemins de fer et des télégraphes élec-
triques. Elle s'agite aujourd'hui pour enrichir le monde de
deux grands instruments , Tun destiné à percer Its mont»*
gnes , Tautre à remplacer les machines à vapeur. Nous
dirons plus loin quelle liberté elle accorde aux femmes et à
la réforme de Téducation.
Telle est Tesquisse d'une véritable histoire physiologique
de rhumanité. D'un tronc commun sortent deux rameaux,
l'un ii^nou, l'autre ZBif]>r dont I^ dvitisations deviennent
comme la sève de toutes les civilisations ultérieures.
Chacune de ces civilisations, émanées ou dérivées, a pu
subir des greffes et des mélanges; chacune a été l'un des
foyers d'iucubation de l'état moderne; chacune a eu sa
manière de comprendre Dieu , le honbb et I'humanité.
Une véritable histoire universelle reprendra ces diverses
civilisations pour raconter tous les détails des faits orga-
niques et constitutifs de chacune d'elles. Elle expliquera
les progrès, elle montrera comment ils ont marché, tantôt
sur une ligne, tantôt sur plusieurs Ugnes parallèles ou
divergentes ; elle signalera les temps d'arrêt et les arrêts
de développement. Placée à ce point de vue, elle pourra
juger avec grandeur les révolutions poiêionneÙes et les ré-
volutions iccnmniques et sociales ; elle interrogera les der-
nières années de la vie de l'Europe et de lAmérique. —
Qu'avez- vous fait, leur dira-t-elle, pour la science, pour
la httérature et les arts , pour le bien-être de tous , pour
la suppression des luttes à main armée, pour la production
agricole, industrielle et commerciale, pour la circula-
tion de la pensée , pour celle des hommes et des produits ,
pour la distribution des denrées , pour leur consommation,
3S
894 PHaosoPHiE
pour la circulation des résidus, pour l'esclave, le paria,
la femme et le travailleur, pour le perfectionnement du
mariage et de la famille , pour l'organisation physiologique
des communes et des Etats, pour les progrès de l'éduca-
tion?
Les faits répondront : ils sefront ppsjtifs, nuls ou négatifs.
Nous eussions pu , avec une balance aussi exacte, peser
nous-mème la révolution de .1848, les luttes de la Hon-
grie, de l'Italie, de l'Allemagne; mais nous avons servi,
à son origine , la révolution de 1848 , et la république
royaliste de cette époque nous a cruellement persécuté:
notre appréciation, «quoique basée sur des faits positifs,
pourrait paraître passionnée. Il est si réduit , si restreint le
le nombre des esprits dégagés des préjugés du vieui
monde !
Toutefois, pour faciliter la puUicalion d'une iiîstoire
universelle à ceux qui nous suivront, nous présenterons
imoiédiatement nos ooWhisions. Notre dernier livre sera
l'esquisse d'une physiologie sociale , seieoce naissaiiie
encore imparfaite, à laquelle nous allons essayer de faire
accomplir un nouveau progrès.
DU SIÈCLE. 895
LIVRE VIL
CONCLUSIONS.
3UfII4TDBB3 DB l'hOMMB ST DE L'HUMÀIYITÉ«
Nous avons dit, aux six livres qui précèdent, la philotophie
de notre siècle et les généralités de sa seience la plus éle-
vée : le t^iel , notre globe , les substances minérales , les vies
végétales , animales et humaines ont subi notre analyse.
Les vies sociales n'ont-elles pas aussi ce^mème besoin d'éco-
nomie, de ressort que partout nous retrouvons dans la na-
ture, et que nous avons signalé dans notre^quisse historique
comme l'une des perfections à réaliser? Notre étude serait
complète si nous pouvions joindre la physiologie sociale aux
autres branches du grand arbre scientiiique. Ce magnifique
rameau, le dernier venu, voilà le couronnement de l'œuvre.
Notre charpente d'une histoire universelle démontre.que
les lois qui gouvernent tout ce qui existe tendent sans cesse
à émanciper la femme et le travail, à rendre le mariage
plus égalitaire , à organiser les grandes communes appelées
Etats, patries, et les petites communes actuellement con-
nues sous le nom de cantons; que ce résultat sera dû aux
progrès de l'individualité humaine, à ceux des intérêts
communautaires, au développement de la polarité hu-
maine et sociale, au sentiment de plus en plus grand de
la solidarité, à la manifestation chaque jour plus émouvante
de la circulation sous toutes ses formes, soit qu'elle em-
gloie les télégraphes électriques , la presse , les chemins de
jr, les vapeurs, les navires usuels, soit quelle ait recours
à la hotte du chiffonnier faisant la cueillette des résidus.
896 PHaosoPHiE
Cett^. même esquisse qui nous montre les progrès peral*
lèles de la littérature , des sciences, des arts, de PtDdvstrîe,
de l'agriculture, nous démontre encore que les besoins
physiques , intellectuels et moraux des hommes sont avant
tout les mêmes que ceux d*une commune , d'une fomiUe ,
d'un individu.
En tant qu'individus réunis , les oollecticms d'hommes
ont les mêmes nécessités de nourriture , d'abri, de vête-
ments que des individus isolés; de là les mêmes nécessités
de locomotion et de travail pour y satisfaire, de là des né-
cessités bien plus grandes encore de g^ste et de parole
pour s'entendre, de prévoyance pour parer aux exigeanres
du lendemain , d'économie de ressort pour produire le plo5
possible avec le moins possible de dépense, d'économie
industrielle vis-à^is des agents de prodtwtion.
Que de similitudes entre un homme et des hommes !
Voyons celles qui existent entre le corps humaine m
corps social quel qu'il soit?
Lecteur, que l'étrange , que rinaccoutumé de la comj«-
raisoft qui va suivre ne te fasse pas rejeter ce livre avec
dédaki : cette comparaison renferme toute la physidope
sociale; elle est une nouvelle preuve de cette vérité, que les
idées les plus simples sont celles qui nous viennif^nt d'habi-
tude en dernier lieu.
On trouve en chacun de nous, logée au cervean, une ad-
ministration cérébrale que nous avons comparée à unpiaoo
à trois octaves. Cette administration , véritable associatioD
de facultés intellectuelles d'ordres différents , ne pourrait-
elle être un modèle pour les sociétés an sein desqudies
une inintelligente démocratie appelle souyent l'ignorance à
{)ronon€er sur ce qui n'est pas de son ressort, faisant taire
a science quand elle devrait parler? Ne reçoil-elle pasaris
dirers du dedans et du dehors de notre économie , d'où lai
viennent sensations agréables et désagréaUes, joies et
peines , plaisirs et douleurs , attractions et répuktons ?
Notre machine n'est^le pas un modèle pour Tordre et
pour l'économie avec laquelle sont utilisées en leur ïm e<
selon leurs puissances respectives; toutes les forces dont
elle dispose : économie , encore si peu c(»nprise au sein
M SIÈGLB* 897
deSDatkmg , quoique partout la nature nous en offre mille
exemjples ?
L*assoeiation d'organes qui compose l'être humain a son
conseil de délibération en permanence : son administration
cérébride lui* dicte sa volonté.
On trouve encore en chacun de nous des travailleurs de
diwQvsgenresv tels que bras et jambes. Les premiers four-
nissant à l'assotbation tout ce qui peut servir à ses besoins
et^notammeotleftsubstance^ alimentaires; les seconds la
voiturent et transportent à volonté d'un lieu dans un autre*
— On y remarque aussi des travailleurs d'un autre ordre,
tels que les dents « la langue , le palais , les amigdales et
autres, vraift ciùsiniers chargés de transformer les aUmenls
ea un fihyle nuUitif et réparateur. •
Une circulation nerveuse», analogue en son genre à la cir-
cuhHion éleolrique, une véritable télégraphie, transmet in-
cessamment de l'intérieur et de l'extérieur, à l'administra-
tion cérébrale, une foule d'avis selcm ses besoins, et reporte
soitÀ l'intérieur, soit à l'extérieur, par ordre électro-cérébral,
par geste ou par parole , la volonté du grandi conseil des
facultés pensantes. — Cette cireulation électro ou nervo--
magnétique est un bien communal ou sociétaire auquel
participe toute l'économie.
Une circulation de sang rouge ou nutritif, autre bien
eomaaunal, verse la vie à tous les organes.
Les détritus sont . recueillis dans une double série de
vaisseaux, les uns lymphatiques, les autres veineux, troi-
sième jouissance commune ou communale consacrée à
réconomie toute entière.
Ces oi^ane& destinés à la circulation , et d'autres encore,
habitent en une demeure cutanée , matelassée de graisse ,
el soutenue par une forte charpente osseuse, demeure
commune, mais au sein de laquelle chacun possède sa de-
meure individuelle et sa spontanéité.
Leur réunion forme une communauté ou association
très-complète en son genre , dans laquelle la perfection de
la vie sociale résulte du bon état des vies particuhères.
Les trois circulations qui les relient sont un modèle à
imiter dans les associations humaines pour la circulation
898 PHIL080PHIB
de la pensée , la circulation des produits à consonuner et
des détritus ou résidus des produits consommés. — Lear
séparation consacre teur indépendance.
Ainsi, Ton voit beaucoup d'êtres en un seul, beaucoup
de fonctions en une seule existence, et cependant, è fliftr-
veille , Thomme , témoin chaque jour des admirables phé-
nomènes de cette vie collective qui le forme et le compose
lui-même, ne songe aucunement à se prendre lui, si par-
fait en son organisation, pour modèle des corps sodain
qu'il voudrait créer.
Où trouver cependant plus admirable assemblée délibé-
rante que celle des facultés siégeant au cerveau ? Où ren-
contrer des circulations plus communautaires et plus par-
faites que les circulations dont les nerfs , le coBur , les
artères , les veines et les lymphatiques sont le siège ; et
puis , comment oublier ces corporations de reins , cb foies,
de pancréas , de poumons et de glandes diverses^ toutes
agglomérées et logées les un'es à côté des autres en des w-
ganes collectifs et pairs ou dont la parité se modifie par le
développement général de Tindividu? car toute glande,
t^le que le foie , se compose d'une infinité de glandes très-
secondaires , dont chacune réunit son action à celle de ses
congénères. — N'est-ce point là l'exemple de ce qui exis-
tait au moyen-Age , dans nos villes qui avaient leurs
rues des mégissiers, des bouchers, des taimeurs, des ser-
ruriers , des merciers et des autres corps d'état ?
Si la rate , le foie , le pancréas , le duodénum et l'estomac
sont si rapprochés , n'est-ce pas en signe du voisinage né-
cessaire des organes qui sont associés pour une commune
fonction? Nos industries modernes n'ont-eUes pas aussi des
rapports nécessaires , des relations imposées par la nature
de leurs opérations? Leur solidarité n'est-elle pas un fait
des plus saillants dont nous trouvons 'encore la parité au
corps dé l'homme? Quelle perfection dans l'union de se5
organes, que de sympathies! Quelle perfection dans la ré-
tribution des efforts ! Tout organe au repos reçoit un mini-
mum nécessaire à sa nutrition ; tout organe en activité
reçoit en raison directe de ses besoins justifiés par son tra-
vail, que ce travail soit productif ou improductif! V^
DIT SIÈCLE. 899
d'eax sooffre-t-il, aossitAt une fièvre générale exprime sa
d<Hileur, et la boiiehé altérée néclame , au lieu d'aliments
substantiels, une boisson rafraîchissante pour tempérer
l'inflammation -du sociétaire malade.
L'égnorance des fonctions de l'homme et 4e leur simili-
tude, avec le& fonctions sociales est,, vis^à-yis de laprovi-
dfiDoe., une accusation d'ingratitude. — 0 nature, mystère
divin , dont la poésie entratoe^ dont Tétude soutient et con-
sote4*Ame affligée, dont les grandes lois et la constance
devraient être le modèle de la volonté des individus et des
peuples , inspire-^ious racdeur, l'exaltation , l'audace et le
calme ^nécessaires pcmr arriver, par la science de tes œu*
vreB^ à consacrer les saintes aspirations des cœurs les plus
généreux.
Essayons de pousser plus bin cette étude de physiologie
sociale. L'être humain, homme ou femme, voilà pour
nous l'atome , la dernière particule sociale ; le couple hu-
main, voilà la molécule composée et reproductive. Dans
cette combinaison ou association, la femme a plus spéciale-
ment la mission de servir l'humanité dans la sphère de la
famille ; mais elle est l'un des éléments d'un composé bi-
nake : d'où son égalité relative , d'où son droit à réclamer
un état civil qui en soit la consécration. — Les pays où
le mariagQ vrai n'existe pas , où cette institution se pré-
sente soit comme l'association d'un homqae avec plusieurs
femmes , soit comme l'association d'un homme avec une
servante , paralysent par ce fait injuste une grande somme
de forces intellectuelles et morales , et sont condamnés à
une notable infériorité. -^ La science veut que le mariage
soit un fait égalitaire entre deux êtres ayant acquis leur
complet dévetoppement , non-seulement sous le rapport
physique, mais aussi sous le rapport intellectuel et moral :
aoii la nécessité , sur laquelle nous ne saurions trop
insister, de prolonger les enfances le plus possible et de
retarder les mariages.
L'embrydogie de l'homme a trois phases : dans la pre-
mière, le développement porte sur le cerveau et sur le
900 PHILOSOPHIE
système nerveux; dans la seconde , sur le système drcula-
toire ; dans la troisième, sur les. organes. glandulaires et le
tube intestinal. Ces trois phases , nous les obsenrons dès
aijyourd'hui dans le dévelopipement d^^ associations.
La première s'effectue dans les grandes villes, centres
nerveux de Vhumaji^ité v où se forment 1^, premjlèr^es afiso-
ciations^ .pù ^e manifestent les premiers inAdwei^t^ d'^a-
nisâtion, où se fait ^eçtir bien plus qu'ailleurs Iç besoin de
la télégraphie électrique , de vapeurs rapides , de commu'
nicatipns postale^, incessantes ; où la quadruple cicpulatioQ
de la pensée, des hommes, des pivoduits el du crédit
commence a être parfaitement comprise» comme néoessi-
tant quatre organes sociaux communautaires d'un^ aussi
grande perfection que ceux qui servent aux circulatîoos du
corps Jxumain.
Une ou plusieurs banques centrales des associations déjà
créées réaliseront la seconde que signalent le moo^pole
des capitalistes et nos banques privilégiées.
La troi^ème aura lieu quand rassociation péoètrera
dans nos campagnes et enveloppera l'hnmanité comme la
peau enveloppe les organes du corps humain. .
Ce triple travail terminé, Thumanité entrei?a 4<m5 la se-
conde période de sa vie : elle formera un corps unitaire ayant
sa circulation intellectuelle, et sa eirculatiofi.des produits ,
S)Our rappropriation du globe et des éléments qu'il peut
ournir ; elle aura au plus haut degré de développement les
organes et les fonctions qui forment, Tètre humain, sans
qu'il soit nécessaire d'entrer ici dans de nouveaux . détails
pour le démontrer. Ainsi constituée , elle marchera vers la
jeunesse ; ensuite viendra sa virilité. U en sera d'elle
comme de notre système solaire, qui oscille autour d'an état
moyen ; elle jouira d'une vie parfaite , réellement indéfinie
dans sa durée , sans que la science puisse actuellement
prévoir ses périodes, la forme et le retour des séries terres-
tres qui consacreront sa déchéance, puis sa mort.
Le propre de la vérité absolue , c'est de conduire à
l'explication de tous les faits dont les hypothèses erronées
ou incomplètement vraies ne peuvent d(muer l'interpré-
]>U SIÈCLE* 901
talion. Soumisô à cette épreuve, notre manière d'envisa-
ger la famille suffit à expliquer tout ce qui concerne Thu--
inanité.
Une agglomération de' molécules inorganiques n'est ni
une combinaison chimîqae, ni' un cristal. Une aggloméra-^
tion de molécules organiqiy^ n'est ni un être vivant, ni
iHème -un sm^e organe. Une agglomération de molécules
sociale» n^est ni une famille, ni une commune, ni une so-
ciété.
Pour qu'ily ait cristal, organe, famille commune ou société
commimauiaire, il faut plus qu'une agglomération : il
faut un rapprochement qui permette aux affinités de s'exer-
cer. Ainsi s'explique l'infériorité actuelle, dans notre France,
de toutes les communes rurales dans lesquelles 11 n'existe
que des rudiments d'association, représentés par les bourgs
et les villages: delà leur état vraiment embryonaire,
constaté trop souvent par des conseils municipaux peu
éclairés, par des déYÔts quelquefois plus idolâtres que
chrétiens, par l'absence ou l'insuffisance des instituteurs
primaires et des moyens d'éducation , par le morcellement
et l'éloignement des habitations, par la idiyiâon parcellaire
des propriétés, par l-absenoe de banques agricoles et de
syndicats ou associations pour les ventes et les achats ,
pour la production et la consommation, pour l'emploi des
machines destinées à de grandes irrigations, pour la ré-
duction de tous les frais ^néraux de l'industrie agricole ,
pour la suppression de la concurrence entre fermiers par
la location de toutes les terres de la commune au nom
d'une commission prise dans son sein et chargée de la
représenter successivement vis-à-vis des propriétaires et
vis-à-vis des fermiers , qui deviendraient tous, de la sorte,
les fermiers de la commusae, devenue à son tour souve-
raine dans rexercice de son agriculture et de ses indus-
tries.
Guidées par leurs besoins où leurs attractions vers des
fonctions diverses, les familles, en se réunissant, doivent
naturellement donner lieu à des communes perfectionnées,
chargées aussi dans le grand atelier social de fonctions diffé-
rentes ; et de même que les cristaux ont des axes qui
3S*
902 PHILOSOPHIE
servent à les classer, les communes auront toutes un axe ,
un pivot, une dominante, qui permettront de les rapporter
à de grandes séries , selon qu'elles seront composées [dus
spécialement de laboureurs^ de pêcheurs ou de chasseors ,
de mineurs, d'industriels ou fabricants, de- commerçants
voituriers par terre ou par eau^ ou magasineurs, de sa-
vantset d'artistes. Ces types primitifs, en se combinant
entre eux , pourront donner naissance à un nombre infiai
de variétés.
C'est ainsi, que dans le mcmde social les mêmes lois qui
produisent les merveilleuses variétés des mondes miDéral
et organique « préserveront l'espèce humaine de la monO'-
tonie.
L'homme de l'avenir ayant étudié et compris les fonc-
tions harmoniques ou périodiques, son génie en fera les
plus heureuses applications. Hais je passerais pour un rê-
veur si je disais ici ce que la science entrevoit encore à
peine.
Notre point de vue, excessivemaoït fécond parce qu'il est
vrai, pourrait donner naissance à mille considérations très-
intéressantes en. histoire^ en géographie : ce serait nous
écarter du but que d'ouvrir de larges parenthèses pour les
exposer. Revenons à notre thème.
Le cerveau nous représente Tintelligenee de llKHnme : if
est un et multiple ; il reçoit les impressions tant internes
qu'extecnes, et il en déduit ces conséquences que nous
appelons volontés. Il a ses organes spéciaux pour les spécia-
lités; il est le directeur de notre éœnomie. La commune
aussi a son cerveau représenté par toutes ses int^gences
adultes et normales qui peuvent et doivent se partager le
travail de sa direction , selon leurs capacités diverses, de
manière k ne former qu'une unité dans une multiplicité.
Dans le cerveau de l'homme dominent la religi(^té, la
sociabilité , l'esprit philosophique et l'esprit artistiques ,
qualités cardinales que la république des intdligences
communales doit avant tout prendre pour guides , de ma-
nière à se trouver toujours dans la direction du juste et du
vrai, en religion, en socialisme, en philosophie et même
en esthétique et en idéal.
DU siÈcts. 90S
Soit une commune composée de mille intelligences
adultes et normales : ces intelligences devront, pour s'orga-
niser, se partager en séries eornaspondantes aux divers
besoins de l'asaoeiation ^ le même individu, pour des inté-
rêts spéciaux, pouvant conseiller, délibérer, voter, agir
même dans plusieurs d'entre elles. Toutes ces séries auront
un icentre eommon vers lequtel viendront converger et se
résMdre les intéi^Ms moraux ,' intellectuels et physiques de
l'association et les difficultés qu'ils pourraient faire naître.
La eomm-cme, par suite de la similitude que .nous venons
d'étabtîp, aura : 1* sa- chaire de morale 1«lif^etise «où sera
prèchée la charité comme la voulait le Ohrîst ; 3"* sa mairie,
où seront réglés ses intérêts sociaux ; 3** ses moyens d'ins-
truction-^élémentaire et philosophique v^*" ^^ fêtes, ses
plaiéirs destimés à semer de quelques fleurs le sentier de
l'existence aujourd'hui si triste et si monotone.
Ainsi seront représentées dans son sein les facuItés^ qui
donnent à l'homme son immense supériorité sur les autres
animaux. La commune vert^a donc naître naturellement du
principe même de son institution et pour ainsi dire sans
frais pour elle, tous les éléments d'organisation si coûteux
aujourd'hui, quoiqu'ils^ soient encore rudimentaires dans
son sein , tels que : 1"* le culte ; 2^ l'administration qui
comprendra les faits de production , de consommation et
la justice; S* l'éducation ; 4* les plaisirs et les fêtes'. Cette
organisation pourrait commencer dès aujourd'hui en Eu-*
rope ; mais il est indispensable , si l'on veut qu'elle résiste
aux difficultés de son développement, que chaque commune
soit , comme Va dit M. de Girardin, dans s^gi PolitiquB Uni-
venidiêi à Une unité sociale absolue résultant d'une asso-
ciation contractée entre des habitants nés ou domiciliés sur
son territoire, à l'eifet d'y jouir coUeetivement d'atantages
qu'ils ne pourraient se procurer individuellement, et de
subvenir aux dépenses obligatoires on facultatives, telles
qu'elles résultent de son budget annuellement présenté. »
De là , par suite , la nécessité que chaque commune corres-
ponde, pour.sa population , aux cantons actuels de France :
ce qui n'exclut pas la liberté de se fractionner ^n sections
ou communes secondaires. Cette manière d'envisager les
904 PHItOSOPHK
communes oondint à recoanaltce que ohaonne d'elles peut
et doit posséder, eu ua pays eûriliaé) son bilDeaa des
postes » son receveur des eontribution» , sa justice de paix ,
sa bibliothèque^ seo éeole d'œfaace^ sas écoles d*ado-
lescBDts, son entrepôt oomai«aial etdî:Teise& a]ilties> mstitu-
tion&inhéfent68> à sa spécialité.
Un animal .quelconque se développe au moyen des molé-
euleus organiqueis que lui fournit raUmentatioii^ LaowoflMnie
se continue et se développe à son tour par les enfanls ou
moléeules eoeiales xpie' lui fournisseni la génétalioii' et
réduoajtiou. De là v pour elle, la nécessité de vaiUer à ^
propre e^^istence en perfeotionnaot ces deuK gt anda iae-
teurs de Têlre humain.
Celte dooifine n'aoeepte^ on le voit^ la soavemAeté de
l'individu que dana les limites posées par la morale^ TMt
homme qui s*y conforme est souverain dans ses «ctes ;
mais la liberié, loin d'êtro illimiiée , se troave naUireUe-
ment bornéo par Taction générale des facultés qui doiv^ui
dirigiBr les masses et les individus dans un sens et dans un
ordre de faita utiles à tous, c'est-^-^dire selon le plan de
la nature. C'est là ce qui fait la supériorité do notre- cfite-
rium sur celui des hommes de 89 et 93 , qui n'avaient fait
qu'entrevoir les vérités démontrées dansée livre.
Nos molécules organiques sutMSsent trois pbases : elles
entrent en. nous et deviennent aptes à fonétionne»; ellfê
fonctionnent et sont reprises par les vaisseaux absorbants,
puis rejetées au dehors de l'économie qumd leur mission
est tenninée. ««^Demôme, dans la commune, les êtres
naissent et reçoivent de l'éducation , puis ils travaiUettt.
Cette seoonde période terminée*, vient la dédiéanee par
vieillesse ou par infirmité, puis la mort. Nous tmuvons
donc entre ces deux moments singuliers de la vie humaine
appelés naissance et mori, l'éducation, la fonction et la
retraite: trois phases dans chacune desquelles diaque
homme a droit à l'appui de la providence sociale tjfiii se
manifestera sous la forme d'assurance universelle contre
l'ignorance et la misère. Ces phases seront obligatoires
pour tous les individus que leurs affinités coÂduironl aux
travaux réclamés par leurs vocations.
DU SIÈCLE. 905
La vpoalîcm ne peut s'enCendm d'un désir |>li» ou moins
vagu6> plus ou moÎBs ambitieiix^ f^sprimé par h person-
nalilé huinœie, mais bien d'um tendaMe ooiaiiifestée par
des aiptilttdes spéciales v<a( légitiviée Mx y«W de tou^ par
des effiori&perséwémiits.et.fnietu^
Chaque membre de la commone sera préparé par elle
au IraTail;: lons^, hoiqoies et femmes* receMroftt' utie édu-
Catien qai tiendra compte de^ leur» teudaneesy de leurs
attivctiODs y de lepr&aptitudes. Tous, pour -compléter cette
instffuctîoa pieemière seront aidés au lyesomà fâ^leur torr
du mondey et pouironl s^enrOler dansi un compagnonnage
nouveau qui ne sera-plosleseoours mutuel el le fraternité
parmi des ouvriers français, mais le travatlet la fraternité
parmi Uws les travaiUemrs de l'anoieiipet du nouveau nïonde.
Coiaduii ainsi à la porle des ateliers artistiques , sdentifi-
ques ^ indueitriel&f rhomme y fooetionnera jusqu'à Theure
du repos où ses vieux jours seront protégés par le respect
acquis aiqoncd'hui au- vétéran blanchi sous les armes'. C'est
de la sQite que la commune s'aesoeiera h l'immanilé avec
laquelle elle s'identifiera chaque jour davantiage par le
contact des étrangers de loate>s les races et de tontes les
cootrées.
Où trouver, direz-^vous, dans le corps eooial lea analogues
de ces tuyaux ai*tériels et v^neox , ei de cette do^Ie
pompe aspirante et foulante appelée cœur, qui préside à la
nutrition en produisant la circulaiion au sein de notre éco-
nomie.
La réponse est facile : la circulation sur les mers, sur led
fleuves, sur les chemins, sur les routes ferrées, est lana-
logue de la circulation au corps de rbomme. CeHe^i a au
cœur quatre entrepôts, et la circulation sociale organise
en ce moment les âens; mais elle est encore imparfaite
comme dans le fœtus humain , parce que l'humanité n'est
qu'un embryon véritable.
Est-ce que la production ne fournit pas déjà passable-
ment tout ce qu'il faut pour suffire aux besoins de toutes
les parties du corps social ? Est-ce que la consofflma^k)n
agi^nl sur toutes les parties de ce corps ne fait pas le
vide devant la production créant ses besoins journalfers?
906 PHILOSOPHIE '
Ainsi , dans notre économie , le cœur droit appelant à lui le
sang qui a servi à la nutrition des organes , fait incessant-
ment le vide au-^devant dé cette partie de la èirculation
qui teur apporte le sang artériel nutritif ou oiigéné.
Les communes qui n'auront point , après la naissance de
rhumanité , d'agence spéciale de la production et de la
consommation, ne seraient que des anomalies ou des mons-
truosités si elles n'étaient des embryons susceptibles de se
développer encore. Elles ressembleraient à toujours, dans
Tordre moral, aux animaux qui n'ont qu'une circulation
très«*incomplète si elles étaient condamnées au Hatu quo
et n'avaient en ellesnaiômes le germe d'avenir qu'elles
pourront évolver.
Toute commune possédera son conseil, sa gérance pour la
production et la consommation , et par suite ses n^agasins ,
ses ateliers rapprochés et solidaires les uns des autres , dam
lesquels s'effectuera le travail.
Maintenant , ne me demandez pas de prévoir d'une ma-
nière absolue les nombreuses variétés de la Commune. Ne
savez-vouspas qu'elle offre un certain nombre de types
distincts et que ces types peuvent se modifier à Tinfini
sous l'influence des mille caprices de la liberté humaine, ou,
si vous aimez mieux , sous la direction des affinités et des
attractions de notre espèce. Ne vous sufflt-il pas d'avoir la
certitude que les grandes lois qui la dirigent sont les
mêmes que celles de la vie ?
Ne voyez-vous pas chaque jour sous vos yeux s'organiser
le cerveau de la commune qui , comme celui de l'homme ,
commence par quelques parties hypertrophiées pour se
transformer en une assemblée délibéirante des organes cé-
rébraux? N'a-t^elle pas quelques rudiments de circulation
dans ces banques agricoles et industrielles qui apparaissent
çà et là , dans ces petites associations qui se forment pour
des spécialités et qui embrasseront plus tard tous les faits
de production et de consommation? N'a-t-elle pas plus que
par le passé le besoin de la liberté, le sentiment de Téga-
lité , le désir de la fraternité?
Nous avons signalé le développement de l'humanité
comme analogue à celui de l'homme : nous eussions pu
DU SIÈCLE. 907
aller très-loin dans nos similitudes, mais nous n'avons
voulu présenter aucune analogie qui eût pu paraître forcée
à ceux qui n'ont pas fait de l'étude l'ocoupation de toute
leur vie; toutefois il en est de trop importantes pour que
nous les passions sous silence.
Il existe en ce monde cinq grandes familles spirituelles :
la famille brahmanique, la famille bouddhiste, la famille
chrétienne, la famille musulmane et la famille scientifique ;
celie-ci quoique moins nombreuse que les autres , est de
nature à les englober le jour où les peujrfes auront cons-
cience de Yht/unœuiU , c'est-è-dire d'une association scien-
tifique supérieure dans ses besoins , dans ses désirs , dans
sa volonté , à tous les peuples divers qu'elle renfermera
dans son sein. Ce jour-là l'état embryonaire actuel aura
cessé; la chrysalide où le nouveau monde se trouve empri-
sonné sera brisée ; l'humanité aura paru.
Alors se manifesteront des phénomènes de physiologie
sociale qu'il est facile de prévoir ; ils seront de trois sortes :
d'ordre intellectuel , d'ordre circulatoire , d'ordre nuiritif;
c'est-à-dire qu'ils correspondront aux trois séries du déve-
loppement de l'embryon humain.
Dans Tordre intellectuel, l'humanité se préoccupera
d'une langue scientifique consacrée à tous les peuples , de
telle sorte qu'en sadbant cette langue et sa langue mater-
nelle , tout homme puisse entrer en communion avec tous
ses frères , de quelque race , de quelque contrée qu'ils
soient. L'unité des poids et mesures sur toute la terre sera
la conséquence de cette langue dans laquelle seront immé-
diatement traduits les meilleurs ouvrages de science , d'art
et d'industrie de toutes les contrées. — En même temps il
se formera une association entre les savants pour réaliser les
plus grandes études , et avant tout la statistique véritable ,
c'est-à-dire le plan cadastral du monde entier qui compren-
dra pour chaque pays : — le plan cadastral proprement
dit, la géologie , la minéralogie , la botanique, la zoologie,
le résultat des observations sur 1r magnétisme et la cha-
leur, sur la mesure des montagnes , sur les sondages des
côtes et des fleuves , sur la rapidité des cours d'eaux , sur
les lignes créées ou possibles de navigation intérieure , sur
908 PHILOSOPHIE
les antiquités, les langues, la liltérature, Tarchéologie et
le génie spécial des indigènes , sur la situation et ForgaDi-
sation des travjïilteurà.
La télégraphie électrique n'erabtassera point qnelqaes
Etats seulement , mais elle reliefa tous les points importants
du globe.
Alors il n'y aura plus de gouvernement dans te sensqDc
les peuples encore au maillot peuvent attacha à ce mot,
mais la planète aura un conseil général d'admînistratios
composé peut-être d'une centaine de membres , choisis par
toutes les hâtions et chargés par elles de présider à Véïuû^
du perfectionnement dans les science», dans les arts et dans
rindustrie. Les question» générales d^édlication et d'assiai-
lalion des peuples, de propagande scientifique ; les armées
industrielles destinées à conquérir h l'humanité de grandes
contrées, à créer partout la salubrité et la fertilité; la cou-
pure des grands ithsmes, les lignes générales de chemins
de fer, les puits artésien* destinés à rendre à, la fertilité le?
déserts d'Afrique et d*Asie, à créer aux voyagenrs des nw-
tes sures à travers les sables mouvants ; les grandes fignes
télégi'aphiques terrestres et sous-marines, la navigation
aérienne; les fêtes qui auraient pour but de rassembler en
un jour donné, sur un seul point, jusqu'à un milKon d'étran
gers pour communier ensemble en vivant de la même vie:
la création d'un moniteur et d'un annuaire multiples et
universels, quoique variés dans leurs détails, imprimés en
quelque sorte le même jour sur toute la surface de la terre;
en deui mots Tuniflcation du globe et de ses habitants .
voilà l'objet des travaux du conseil planétaire.
Dans l'ordre circulatoire , les phénomènes ne seront pas
moins importants, car notre circulation actuelle, quelle que
soit la branche que Ton étudiç , est très-incomplète ; mais
alors , sous Tinfluence de la paix , toutes les banques de
l'univers seront unitarisées et solidarisées , puis associées de
manière à n'avoir qu'un seul papier qui sera la monnaie
du crédit dans le monde entier : ainsi reviendront à rin-
dustrie des massQs considérables d'or et d'argent monnayé.
Tous les tarifs de douanes seront modifiés et progressive-
ment annulés, de lûanière à créer le libre-échange. La fa-
nu si^tB. 909
cilité et le bas prix de la circulation de toutes les denrées
sera J'une ^es grandes préoccupations du congrès central et
de tous les Etats qui s'occuperont sans cesse de réduire les
frais de transport.. Une circi^^lation mieux entendue. des ca-
S'taux et de toutes les valeurs conduira naturellement à
ire de tous les gouvernements une vaste assurance mu-
tuelle contre rignorance.i l'absence de travail et les kifir-
mites de la vieillesse* La perception même de rimp6t de-
viendra Tua des rouages du crédit.
Pans Tordre nutritif, on verxa créer de nouveaux organes
des^in^ à développer et équilibrer la {^oduction et la con-
sommation, afin. siurtQut d'améliorer la distribution des
produits. Ces -OTiganes ou éléments d'organes. seront ici des
associations de production; ailleurs, des associations de
consommation. Toutes assjigneroat évidemment un mini-
mum aux travailleurs f et ce sera là leur point de contact ;
mais chacune marchera d^ns sa liberté , car il faudra bien
des années avant que Ton arrive à TappUcation des rè-
gles, physiologiques. Bien d'autres encore s'écouleront
avant que Tapplication s'en fasse d'une manière usuelle;
mais ne serait-il pas absurde de demander que le blé semé
hier donnât dès le lendemain au laboureur la moisson
sur laquelle il devra compter?
Evidemment , nous manquons des éléments nécessaires
pour apprécier la durée probable de cette première période
de l'emance de Thumanité, pour laquelle la France elle-
même est loin d'être sufiisamment préparée ; mais il arri-
vera dans le monde moral ce qui se passe journellement
dans le monde physique: prenez une dissolution saline
très-concentrée , tout-à-fait prête à la cristallisation , et il
sui&ra d'un fil, d'un simple mouvement pour que la masse
se cristallise. Une fois le monde moral saturé de l'idée d'as-
sociation jusqu'à concentration ^ il suffira aussi d'im fil ,
d'un souffle pour que la masse des hommes ou molécules
sociales se prenne à s'associer.
Développez les éléments du progrès de ce premier ftge
de la vie ae l'humanité , n'aurez-vous pas pour seconde
période une assurance générale plus parfaite contre toutes
les misères ? le minimum des salaire^ ne sera-t-il pas plus
910 PSILOSOPHIB
élevé? une plus grande égalité entre toutes les classes et
tous les hommes ne serait-elle pas la conséquence da dé-
veloppement moral et intellectuel de tous ?
Comment admettre ces améliorations si logiques sans
admettre aussi la décroissance progressive de l'influence du
capital? Alors, les communes auront toutes leurs syndicats
pour la pitKluction et la consommation , les ventes et les
achats , pour la locatien des terres et leur sous^Iocation aux
laboureurs solidarisés; quelqu«s-unes rapprocheront leurs
habitations, comme dans une machine que l'on veut mvtttre
en mouvement on rapproche et met en contact les pièces
mobiles qui servent à faire engrener leB rouages et par
suite à transmettre à toute la machine rimpulskm reçue
par un premier moteur.
La vie sociale étant plus élevée que les* vies minérales et
organiques et les résumant , ne saurait s'arrêter qu'après
avoir réalisé son idéal qui est l'association mtégrale. EDe
déterminera donc pendant une longue période d'anifées des
progrès constants dans les associations : aussi kuporte-t-il
que tous nos oo-religiounaires se pénètrent de cette vé-
rité que les saints-simoniens , les fouriéristes et les îcariens
n'ont pas suffisamment sentie , c'est qu'il 7 aura fatale-
ment des époques transitoires assez prolongées entre ce qui
est et ce qui doit être, et que chacune d'elles engendrera
des progrès nouveaux , de telle sorte que voulon» immé-
diatement réaliser l'absolu sur une grande échelle avec
dos éléments imparfaits tels que les hommes de notre
époque, c'est se préparer des désillusions certaines, des
insuccès assurés.
L'association intégrale sera le résultat du progrès de tous
les organismes sociaux , de la même manière que Thomme
a été le résultat du progrès des organismes animaux. La
parité est absolue : (te là évidemment une loi de dévelc^pe-
ments par-dessus laquelle nos désirs et nos espérances sau-
tent trop souvent à joints pieds ; mais il sera permis à l'action
humaine , à la petite providence de hâter l'avenir par des
associations rudimentaires et surtout par l'éducation des gé-
nérations qui doivent nous succéder.
Donner à tous des»garanties contre la misère et l'igno-
DU SIËCLB. 911
rance, déposer partout des germes d'aTenir par des asso-
ciations de toutes formes et de toute nature , voilà le mieux
que puisse faire iK)tre temps pour préparer les phases que
nous venws de décrire*
De grandes familles réunies en couvents soumis k
des règles de vie très-diverses, représenteront par leur
action Les ocdres monastiques du mojen-Âge , et de nou-
veaux progrès conduiront l'humanité à une phase nouvelle
caraotérisée principalement par la transformaticm des com-
munes, agricoles. Leurs syndicats auront assez d'influence
pour supprimer la culture individuelle et le morcellement
des habitations , que remplaceront partout des maisons et
une cuUure. sociétaires. Chaque commune sera physiologi-
quement organisée d'après un type scientifique donné par
des études théoriques et pratiques très^approfondies, et une
éducation perfectionnée conduira chaque homme à travailler
selon ses forces au bonheur social.
L'humanité sera arrivée à la virilité le jour où tous les
peuples seront complètement la^sociés comme le sont^ dans
l'écononûe humaine, les organes qui la constituent , c'est-
à-dire sans que cette association détruise en aucune façon
l'individualité d'une fonction ou d'un organe , ni même celle
des molécules organiques , de telle sorte qu'il y ait un
équilibre parfait entre les intérêts divers, par suite de cette
combinaison scientifique dont Saint-Simon et Fourier ont
eu les premiers nettement conscience, chacun se trou-
vant libre et indépendant au sein de la communauté géné-
rale.
Voilà l'idéal , le paradis terrestre que les analogies de la
phyaiokogie promettent à nos neveux ; voilà l'avenir qui dé-
coule logiquement de la croyance à la vie universelle , à
une providence et au plan providentiel ; voilà l'avenir qui
sera nécessité par la cause première ou nécessitante. Le
nier, ce serait rejeter toute religion, toute science, toute
philosophie, pour accepter le hazard et le néant comme rè-
gle de ce qui existe ; ce serait nier les transformations suc-
cessives de l'embryologie sociale, ces métamorphoses si
faciles à étudier et à vérifier, dont l'histoire nous a légué le
souvenir et que les Australiens, les Papouasiens , les In-
912 PHlUâOPHIB
dous, les colonies à escla ve&,> la Russie » TAngletene, l'Â-
mérique et la France nous aïOQtrent anoove auyoïird'iiuî à
la surface du globe, ea témoignage. des. procédés «mptoyés
par la providence pqur réaliser celte . bumanîté que verra
naître notre siècle* .
Des millions de créatures humaines ne seront pas tou-
jours consacrées, comme les peuplades de Tonesi.de la
France, à passer leur vie 4ans une étioite dramire dont
r&tre occupe une moitié. , : dpnt . r^autre . est remplie par le
porc et la vache \ pressés , le$. japiAlb9urmix , par le proprié-
taire qui demande sa rente ,. par TElat qui rédai&eirMii-
p&t, et sachant tout juste des félicités , de L'^cisteDee qye
vivre c'est ne pas mourir.
Ne songeons à. détruire aucun des éléments actuels -d'or-
ganisation : tous ont leur, fonction à iKempUr. Traosfer-
mons-lcs^ élevons-les à la hauteur de leurf61eu L'église
catholique , lors de ses conquêtes, ne détroisa^it pas les
temples des païens; elle le^, consacrait an Dieu irîvani.
Voilà la grande politique que la science physiolo^ae doit
inaugurer pour conquérir le monde « œuvre imm^se qui est
fatale, nécessaire, mais .qui ne seJEéraque confenDément
aux lois éternelles de la nature.
Le rapprochement et la fusion des hahitalionsy si peu
compris par beaucoup d'hommes mâme trà^émineals ,
permettront seuls à la commune rurale d'avoir, comme la
commune urbaine , des écoles d*enfance , des écoles d*adiH
lescents, un cabinet de lecture; puis de supprimer le mor-
cellement des écuries en les remplaçant par des écuries
consacrées aux spécialités. Seul, oe rapprochement per«
mettra d'utiliser au mieux les engrais et les irrigations ,
d'avoir des magasins appropriés et consta«unent scHgnés
pour l'arrimage et la bonne conservation des Ués^ des ra-
cines , des fourrages, des boissons et des autres produits ;
seul encore il permettra de faire mieux partout avec de
grandes économies de main-d'œuvre , d'employer dans Tin-
térêt de tous les machines si redoutables aujourd'hui pour
le travailleur par la rude çoncurrenoe qu'elles lui font , et
d'arriver par leur secours à une réduction dans les frais de
production qui paraîtrait aujourd'hui tout-à-fait &tmleuse ,
BU SIÈ€L1S. 913
si on cherchait à rappréeier. Ainsi seront ménagées les tran-
sitions entre Fétat actuel et i'avenir.
De ce rapprochement naîtront anssi une éducation bien
S his -complète, radoucissement des mœurs et une notable
iminution dans la mortalité des hommes et des animaux
eui'-mèmés , qui recevront dès le début de leurs maladies
et les premiers soins et les médicaments les plus convena-
bles. Lecteurs , entendez-le bien , la rente du capital ne
dîsparattra point parla guerre des armes, mats j)ar la paix,
par le dérteloppement de toutes les facultés sociales, par la
concurrence émulatrice des associations et souvent même
par un véritable rachat.
La Jacquerie n'a point émancipé les communes ; elles se-
raieirt encore en servitude si elte ne s'étaient affranchies à
beaux deniers comptants et par l'évolution de leur indivi-
dualité. Ce n'est qu après s'être substituée i titre de fer-
mier, à tons les fermiers qu'elle renferme , pour remplacer
le fermier vis-à-vis du propriétaire et le propriétaire vis-à-
vis d» fermier, que la commune pourra terminer Vœuvre
de son organisation. De là, pour elle, et la possibilité de
fêtes rurales, et la variété dans ses travaux, et l'attrait des
ateliers, et ces joies, ces plaisirs, ces bonheurs indicibles
qui nous paraissent un rêve. Alors plus de paupérisme et
plus de prostitution ; plus de ces filles jeunes et belles que
rignorance et la misère conduisent à quitter les champs
poar venir au sein des grandes villes trafiquer de leurs corps
et souiller leur âme à toutes les ordures morales que Ton y
rencontre; plus de riches oisifs séduisant la femme ou la
fille du voisin , plus d'enfants scrofuleux ou rachitiques :
partout des mères au teint frais, une population saine de
ccBor et d'esprit, forte, vigpureuse et capable des plus
grandes choses.
Il y aura peut-être des communes qui n'arriveront pas à
leur parfait développement, mais ces cas seront exception-
nels* Eludiez les monstruosités humaines et vous pourrez
facilement vous rendre coQ>pte des monstruosités sociales
que l'état de choses actuel peut préparer à l'avenir. •
Les maisons d'ouvriers nous sont au sein des villes un
914 PHILOSOPHIE
moyen de transition du présent yers un état proehain ; ell^
créeront la liberté par la communauté. Pour le prix de sa
location actuelle , l'ouvrier y trouvera trois pièces au lien
d'une ou de deux petites, et il pourra jouir des commu-
nautés suivantes , qui ajouteront singulièrement à son indé-
pendiGfnce :
Grande et belle cour ,
Jardin ,
Serre pour les petits enfants,
Salle d'enfance.
Ecoles professionnelles ,
Bibliothèque,
Atelier de travail des hommes ,
Atelier de travail des femmes ,
Salle de fêtes et de plaisirs ,
Lavoir à eau chaude ,
Eau gratuite ,
Economie de chauffage et d'éclairage ,
Bon marché de toutes les denrées de première nécessité.
Ces établissements mettront en contact direct la prodnr-
tion et la consommation , de manière h supprimer tout pa-
rasitisme ; ils sont la meilleure formule de transition pacifi-
que, et, dans les pays vierges comme TAmérique, ih
comportent une foule de compléments immédiats.
Cette transition ne sera pas la seule : mieun pénétrés
qu'aujourd'hui des vérités enseignées par la science , les
habitants des grandes villes voudront réaliser à leur profit,
les avantages que présente l'association.
On commence par établir une boulangerie sociétaire.
Six mois , un aq s'écoulent à peine : si cette affaire est
loyalement conduite , si elle n'est pas entravée par l'auto-
rité, que tout le monde est désireux d'avoir pour le même
Srix du pain de qualité supérieure, préparé avec propreté,
'un goût parfait et sensiblement plus nutritif. La boDlao-
gerie fait bientôt sentir aux associa le besoin d'une meu-
nerie. Ces deux entreprises con(tuisent directement à créer
un vaste entrepôt de grains, chose excellente pour les
citadins, qu'elle garantit contre l'agiotage et les fraudes
des marchands de blés ; institution plus utile encore aox
BU 8IÈCLB. 915
laboureurs auxquels elle fournit un grenier très-peu dis-
pendieux , des ventes assurées et l'escompte de leurs pro-
duits sans usure.
Delaboulangerie Ton passe* naturellement à la boucherie,
qui si souvent trompe et vend à faux poids par suite de la
concurrence; à Tépicerie, qui fraude tout, le poivre, te
sel, les épices , qui met de la fécule dans le chocolat, qui
dénature toutes les substances dont nous faisons usage ;
pnist^n arrive tout doucement et progressivement, soit par
te rachat direct, soit par les autres voies transitoires, k la
suppression de toutes les superfétatîons , de tous les para-
sitismes; et la ville ne forme bientôt qu'une masse de
consommateurs, associés pour se procurer à bas prix et le
mieux possible, la nourriture, les vêtements et l'abri.
Mais dans le corps social , comme dans le corps humain ,
tout est solidaire ; aussi bien le système de l'association
est-il de nature à tout faire rentrer dans l'ordre. Où il y
avait cent boulangeries faisant de mauvais pain, ne don-
nant jamais le poids, vendant des mélanges de riz, de maïs,
de fèves et de féveroUes pour du pur froment , mettant
même par fois, dans le pain du peuple, du sulfate de
cuivre pour le blanchir, de la magnésie pour le faire lever,
de l'argile blanche pour lui donner du poids, du sel de
morue ou de sardine par une sordide économie , cinq bou-
langeries sociétaires suffiront à faire mieux et à meilleur
marché.
Ainsi pour les boissons, pour la viande, pour l'épicerie :
de telle sorte que nos enfonts n'auront pas à retirer des
campagnes les bras dont elles ont besoin , pour les appeler
à faire du parasitisme dans les villes.
L'association de ces établissements nouveaux leur
donnera une invincible puissance et créera cette solidarité
. dont on parle tant , ce crédit gratuit ou presque gratuit qui
a l'air d une fable , ces banques nouvelles qui semblent un
conte des Mille et une Nuits , tout comme, à l'enfant qui
s'organise au sein de sa mère , la vie dont il va jouir pa-
raîtrait tout d'abord le plus étonnant, le plus irréalisable
des rêves, si sa faible mtelligence avait la force de s'en
occuper. Alors aura lieu , en économie sociale , ce grand
916 PHILOSOPHIE
fait du balancement des organes, découvert pour l'économie
animale par le vénéré Saint-Hilaire. Nul besoin d'efforts
d'imagination pour modeler chaque ville à l'instar de celles
qui auront commencé les premières : l'économie sociale,
tout aussi bien que l'économie animale, ne peut s'écarter
de l'unité de plan.
Donnez des loisirs et du bien-être à nos populations labo-
rieuses , et vous les conduirez naturellement à cultiver leur
esprit. Alors seront agités , non plus entre quelques pnvilé-
giés de l'intelligence, non plus entre quelques savants,
mais réellement entre tous les hommes, les questions les
plus élevées d'histoire , de science et de philosophie : tous
demanderont à connaître la nature. L'humanité ne voudra
plus se payer d'explications vagues et métaphysiques. Sa
poésie deviendra le rêve des intelligences élevées sur les
harmonies des mondes , la peinture des drames sociaux du
passé, le chant des espérances de l'avenir. Sa religion,
plus puissante que le létichisme ou que la contemplaticHi
panthéistique , plus complète que la vie purement spiri-
tuelle des Ames, sera le lien des peuples grandis et le
reflet de cette solidarité qui existe entre tous les éléments
de notre globe, de cette circulation qui résulte de leur
existence , de cette association grandiose qui emploie cha-
[ue être en son temps et dans son lieu selon les besoins
e la vie universelle de la nature.
î
Nous pourrions nous arrêter ici et regarder notre tAche
comme terminée ; toutefois nous croyons utile de démon-
trer encore :
l"" Que la science est le moyen d'une civilisation uni-
verselle ;
3^ Qu'elle saura créer une littérature toute nouvelle et
très-différente des littératures du passé ;
5* Comment l'éducation civile communale peut et doit se
combiner avec l'éducation individuelle.
Bn SIÈCLE. 917
LA SCIENCE EST LE MOYEN d'uNE CONCILIATION
UNIVERSELLE.
La science , c'est le salut : tout est de son domaine. Ses
investigations pénètrent dans les profondeurs du ciel,
dans les entrailles du globe, et partout elles interrogent
les puissances (jui produisent la vie.
Elle a terminé dans ce siècle, non point son œuvre,
mais le plan d'ensemble de ses études , en rattachant les
ordres intellectuel et moral à la physiologie.
Elle transforme l'éducation de la jeunesse en dévoilant à
ses yeux les mystères et les beautés de la nature.
Au jeune homme , elle trace sa voie par ces grandes
paroles de Manuel : « Que l'idéal soit toujours le but et la
règle de votre vie : l'idéal, pour un noble cœur, ce n'est
ni les honneurs , ni la fortune , mais l'ordre des cieux sur
la terre. »
Elle dicte aux races privilégiées par l'usage d'une plus
vieille civilisation, leurs devoirs fraternels vis-à-vis des
races encore dans l'enfance.
Elle promet au travailleur de l'affranchir par ses progrès
économiques et thecnologiques , administratifs et surtout
chimiques ; car elle veut verser à vil prix , sur le globe ,
des torrents d'électricité, de lumière, de chaleur et de force
motrice , pour venir en aide à ses efforts.
Elle annonce une conciliation facile entre le travail et le
capital, entre les producteurs dé tous les pays, entre l'in-
dividualisme, le morcellement, la spontanéité, la liberté,
d'une part, et le communisme, l'autorité autocratique ou
collective , de l'autre.
Elle promet la cessation de la guerre sous toutes ses
formes , d'immenses progrès en agriculture , en commerce,
et la transformation ae toutes les industries répugnantes ou
insalubres.
Elle appelle la femme à une vie nouvelle, pleine de
39
918 PHflLOSOPHtB
gloire et d'amour. Si elle abandonne les nymphes , les sjl-
phydes et Minerve elle-même , cette déesse de la raison,
studieuse et eotiservatrice , c'est pour les remplacer partout
par des femnes grandies par le savoir.
Elle évoque l'ombre d'Hypathie, et sème sa cendre pour
qu'eu tout lieu elle renaisse , comme à Alexandrie , belle à
tertlr de beauté, de savoir et de vertu.
'Auï'jodrs de souffrance, la science console l\aie hu-
mSâine.
•Wle rélève singulièrement par Tétûde, cette piriirt des
fetts , par la connaissance de la nature et de «es lois éter-
nelles i cette jff dete puissante qui rend meilleur et qui
sanctifie.
^ Elle établit entre tous les hommes instniits de toutes les
contrées des rapports basés sur la vérité.
Non^setiletûent ^lle' relie les hoînames entre ^ûx, mais
elle les relie aussi à la nature , au gratfd infini ,' au tnystère
iinivered....,'SDieu.
'Si j'ajoute 'que W ^ience est «me incessante rëttSIation
d^ë'toerf'eilles du monde , j'aurai prouvé en qtielqnes mots
quelle est nu lien puissant; qu'elle rattache tbut fee qrii
existe, qu'elle est même une catholteîté véritable.
' 'lly^ii pte', ia àcience c*eirt la conciliktiotf terrestre:
l'i^téé produit lèfalt, et la science crée la paix au sein des
Méëfe. '■ • ■ ■ ' ■
j fi ëtiste; * la surface <lu globe ^quîBitre grandes féS-
gions, divisées chacune en un grand nombre de refigiois
seèorid\9îrès et de sectes i ftsavolï- :
^liebriihmanismé', >
-tebouddhisûie, • • ' .......
^i^L'ifehrttfitoiè,'^ • ' • ' . ' '' *
Le christianisme. '^ "
• La soiebdè a rembïfté jusque «dà^îa niâH^ës-â^, am
sources primitives de ces fleuves inteHectûôk rt môraiii
«utqueîs s-^ubrfeùvent lé^^yeuplés ; elle a gignriê^feùr^ Voies,
indiqué leurs cours et leur avenir. •* • - ;
' ^E»è vt><idrait éhtreleftiifelîgiob*, éèrtir»bj^'^;r<*tênir
aussi' entre leè hommes , paixet cottciBalioti; è^t)du^r réali-
ser cette espérabcé de bonheiïr, elle ne teuJrdèknànâe que
W5 SIÈCLE. 919
d'appliquer, ddm tous leurs séasinaîres, cette pensée d'Ori
^e. Je plus grand de& docteurs chrétieDS d'Ale!xandrie :
Mieux savoir pour mitux croire , d'Origène qui, coflame Va
si bien démontré Jean Reynaud^ voulait, au sein Aq la
théologie cbrétiemia, la oommimion de tous les cultes- et
de toutes les croyajsces humaines.
Aujourd'hui les mille prêtres les plus éminents des quatre
grandes religions. qui cpayrent le monde n'ont aucun Ken
commun. Quelles espérances ne serait-il pas permis d^
concevoir. s'ils étaient rattachés les uns a«ix autres par 'une
même croyance sur les mondes', sur la géulogie, sur la
géqgraphie du glo^, sur les espèces minérales, végétales
et animales , sur la variété et la spécialité dés espèces hu-
maines, ^UT les. besoins 4e l'humanité et les moyens que
la proYidenôe; cette ensemble des lois de la nature, a mis
entre no^mains pour laîre de notre planète un paradis
terres/re^ un J^deiiyéritabl^.
Cette pensée d'une fusion universelle par la si^Qcet
qtt'Ong.è»e «Qul^t réatiaer an sein du christianisme , se re-
trouve ^U fond de toutes les religions : toutes Tont expri-
mée à leur ivranière, et toujours elle a été le rêve des
cœurs les plus gépéreui;. '
L'jntlexihle Manoii ,. le révélateur des Iojb appropriées :au
régipae de^\casted,.ce Vtom de la religion de Br^thmia,
donne toujours celui qui wit, fut-il pauvre et enfant, pour
sup^ri^qr. à^ Vigm^riimt , -queUe que soH sa' f<;^rtiuae qu :^n
i^ '. '.::'^: !■..:/.
Zôroastre, le sublime i?évéla^ur de la croyance des
liages, préconise sans cesse le savoir : il le voulait ipartont,
même au foyer domestique, même chez )a featime, h la-
quelle il ouvrait les fonctions sacerdotales réservées aux
hommes seuls par le brahmanisme.
L^^fijMTjt^f^tCJ^f^de^ re-
trouve d^i ce fra^PfKh^ Moïse Maimonides, le plus
doQt^^^.sfSjp^in^,. à) l'oocAsifOp des copditions qui font
les prophètes : '., „ . : .
<vtJ|i,<fc^2ijug[^^ii9PfP^ la fi^tapeecér^rale possède ?^e
» pem^x\of^ epoM^o^np^yavec le tempérament et les
» autres organes , si cet homme se livre avec ardeur à
930 PHILQSePHiE
» réiude, si ses peosâes tendent toiqocirs vers ee qui est
u ,honiaiète etncbie^ ver? ridéal, mu doiiile qu'il ne de-
» ; vienne un. . prophète , nul idoyte qu'il • n'acquicrre cette
»i habitude 4«s srûenoes, cet amour iideh9rcheur du vrai,
» qui a poup but l'uiilité générale' des hommesi Jiftis il y
» :j) des degrés parsûd les prophètes ^' parte qu^il y « trois
» qualités indispensables pour l'être et qu'elles ne se trou-
» vent pas é^aleoient cbez tous les tommes;' ces trois
» qualités^ qu'il eonvîeiidrait d'appder perfections , soAt:
,;» Jba puissance philosophique d«ns l'étude;
• )) La puisaanca d'imagination reçue dp la nature ;
^ La puissance miprale acquise par la culture de ses qua-
» lités^peraoAnellesÀ i^:(Ho8e Reboukin),- purs II, cap.
XXXVI, page.393. «Buitorf. 16S9.)
La religion de l'Egypte n'avait point rintôlérén» qu'on
lui a mippos^i Bessanbtuaûres souarraiônt^aàx -sagies de
tous 1^8 )pQjs« qui ea<sa¥aient'ménterrwtrie, < '
; iHei^s aux Dieux inunortels le cubet obnsacrég :-disait
Sy tbagorB dana ses iteisdorés. Biaisa ettfphil8so{A|e4pii voulait
qve chMtue ipays: eut son oulte spécial dérivéide s» position
géographique ^ de ^esi trachtitms , dé ses babitodes, voulait
au-dessus fda ce culte une croyance re|ig|ifeu8b toute sdea*
ti&qpj^ éludai suite éminemment progmssiTe. h > ' : i i
' iLes [druides oui pr&tns& des- Goides^ doibt la dactrise
était jsi jappiKichée de eallesdes pythjffgorteieiiB,'D'aeeep>
isisai au ;pluî 'haw(| . de^. de l'édieilejsoeialev ^est-à^*-dir«
à la directieii deftihommeset de^jGhas^ridigieapsér^^e
lesfesfrits IfS plps^élevés ^encore demaoidaîeÀt-ito^ttffls se
luâsent préparés, à leuit mission paras* 9rdBrie»jétttdti!( pfav-
fiÛQilogiqueSi m '. • : -. .i. •,. '-•-'a <. > ^ • • . juM-jt. i-u-
, •I4ouaiaTôQsdîit:qaell8^élaitr^i^^
tiiinismei^ la pensée' d'ûingàne ',4 au'début^dui^ifOgpefr^tge,
nous VoyiensicégsiN^'ë Aoffiemnpape qui.atanftèoii5Mrisa
jeunesse à rétudierllà 8(Henx% iihet les Mfilqmi dlE^gne et
que saa.^iècla avait' Yoeltf^j)oa»$aivFe et eoudiâatte>ièomffiê
sorcier. ^ .^ :v>; ' . 4 ;a^.^fc^UîJ ^W^ r i.
Voici maintenant ce que nous déclare, par l'un des disci-
ples de Mahomet, cette religion du prophète d'Arabie si
souvent accusée d'intolérance :
B0 9dM3IB. 921
« Quiconque enseigne la scmice fait l'attinâiie à l*igno-
» rant ; quiconque la possède acquiert Tamitié et la bien-
» Teillanœ. Par la science , on distingue oe qui est juste do
» ce qui est injuste ; eilîa est la lumière sur le chemin
» du paradis, une C(Hifldente dans le désert, une eompâgne
» dans la solitudcv un guide fidèledansle bonheur et dans
» le n^lheuf .
» EUe est le reuiède des -eoBurs contre la uiort de Tigno^
» ranc^^ le luminaire des jeux dans la nuit de Finjustice.
» C'est par la science que des esclaves sont parreaus aux
0 plus hauts degrés de^ la félicité terrestre et céleste.
» L'étude de. la scienoeiremiplace le jcMhie : sa pfopaga-
» tîoa remplace la prière ; elle inspire au noble des seilti*-
» ments plus élevés ; elle introduit ladoucétir dans le émiiv
» du méchante » '
Juger de l'espdt des hommesieligieur des quatre grandes
religions et de leurs anoexes. par "le&nioîus instruits^' c'est
mal. juger. t s-adreâser à leur insaffisonoêest une grctùde
faute V oonpter sur eiiXf ce serait se tromperjMaisil est
permis de croire quis les p|as éolainés envisageraient feonve^
nablemeot: cette grande question* s'ik venaient i en être
saisis^ etiqa'ils^oompreDdnaieot, eo Tétûdiant, b possibilité
d une religion vraiment universelle. Alot^ il8'-sént»aieiit
qu'il eb est des* choses de4'<aveiHr, qtii> ne sMt 4![ue lies
utopies ppair les ignomnjts, eomln» decertAines nébuleuses
jugéea^ trèst- loiigteiDaps iitéductibles et qoe de forts grossis^
seneuts f>arvieiinent cependant i réso^re; ^ >' • - ■ '
déjà leii piust dévoués des lehrétienis^qupbiikeâiivaas';
quel(^&ièoolltfi^peut'^âtr^i demandent la science -soq
puissant appui ; mais ce n'est là que l'indice d^tm besom
quir ta (SB km ^ f^' ^^ fà^ sêéUtl Aiotiqfaies^bralïDieiles,
bofioes'iisjifsiiques, ioiaiis» guerriers v'etveo»^ l^steurs des
égljsa»4e Christ, il'beofe. s'approche d'âne humanité nou^
velle;» f^teëk baptinér^ iTos fiteefei isos âÙes dotis les saintes
eauijduL'MifûiNiM iis'tvivnmii •lia'soenoe/csillapflrole de
Dieu '. elle est la vie^ l'onde qui désaliére.
922 PHJLOSOPHIB
DE IX UTTÉ&ÀIUaB J>% HlOiZ SCIBrïTIFiQUE.
On rétrécit singuliàremeat d'habitude la que&tioD litté-
raire. Nou3 allons la poser comme. elle d^ Vètre i.acâeaUfi-
quement , c'est-à-dire philosophiquement.
I^a parole est le résulat de rorganisatioQ hjumaiae. ,
Le rapprochement d'un certain D0iQhr6.de faoïiUos Vélève
eo puissance : il en fait une langue.
Appliquée k une civilisation , la lan^nQ cpi ex^inaie ses
pensées, ses aspirations, ses sentiments inUioes et ses
connaissances « porte le nom de littérature, .
En allant au fond des ^choses , on trouye que lu pein-
ture, qui représente le monde 4^h^ti{ et subjectif ; que h
sculpture, si intime en ses conildenees artistiques^ que
r^ircmteQture,. qui écril sur le scd» en monwQ^fits. durcies,
noacroyam^esrçjigilQuses^ ^t, eu monument^ igénérakiaent
plus mobiles, nos croyanq^s. sociales. |. ^oiit trois avtre^
formes de ce que l'on doit appeller la littérature, fl'^u^e ci-
vilisatioii. La musique représente ua> qu^atrième aspect :
d'où cette conséquence^ que le chiffre ànq cprrespcvNl aux
cinq modes de no^re vie de relatieq dans* s«s .tendances les
plus idéales. Kous n'attachons p^int a.i)^,.iiOBibres rsacrés
des anciens cette même vali^uc qu'ils, leut i^ccQrdai^t:
n^ia aous croyons ,, avec Kœpter, qqe l'aspect nuoiénque
dçsjcjbosesn'est pas àdéd^igoer» N.'avons-neus p«6 .d'ailleurs
prouvé k diverses reprises « en cQtte ençy<dopédie^:riinpor-
tance scieatiâque des fonctions périodJ4up$^4^>Cf(^ fi^pciicDs
que.des grandeurs gécHuétciques ou auméi^9^s,«u^^eQt re-
présenter ? Au &ufipl,^s« ee sera bien. p}u^ de.jîa littératnre,
ou éeriteou parlée, que.de toute autre^ qu'il va être fu^tioc.
Le pass^ noi^s a. légué m^ prinâpÂlç^i littéraini^f le^
autres ont péri à tçay^is» le^ Âges», t , : j J -i r. : 1 r •
, .C^;litlératur«iSi pier&oi^iilienît .le bcw^^pisipe^.letiboad-
.dhisu^e., ;la; Chipe, le m^azdéi^ei. la. md^^iiviat.^èce,
Rome ) le christianisme et l'islamisme.
BU 8IÈCLB. 935
Chacune commence par un grand livre qui résume sa
révélation : dans Tlnde, nous trouvons les Védas (la
science) pour le brahmanisme , et la vie de Bouddha {>our
son protestantisme ; en Chine, le Chang-Chou ou livre
supérieur; dans TArie, les Naçkas ou préceptes; en ludée,
le Pentateuque. La Grèce, qui avait rejeté les enseigne-
ments d'Orphée, adopta rilliade et l'Odyssée ; Rome eut sa
loi des douze tables ; le christianisme daite de son^ Bvîan-
giie ou bonne nouvelle ; et Tislamisme, du Coran (la lec^]^e
par excellence), • î>
Au fur et à mesure qu'elle se développe , chaque civili-
sation s'étudie , s'examine, se réglemente et se racOBÎte à
elle-^même ; de là des légendes, des recueils de' (coutume*,
des poèmes el des drames, des peintures, des striplttres,
une musique et une architecture qui â'cfmpreignent delà
couleur du lieu géographique où ils sont créés. '
Tontes ces œuvres sont constammetit la représentation
fidèle de la civilisation au sein de laquelle elles se pi?o-
duisent. ^
Ce rapport de solidarité qui lie chaque Uttémttlrë tt- la
civilisation dont elle émane, nous expÔqufe toutes^lesTA-
riétés des littératures nationales. ■ ^ -^ ' * i;
Les Védas , les* lois de Manou, la riche nature de Thlde,
une société sans femmes, des lravaille'iifs'nléptfeéë,*^t>e
science occulte.: voilà les facteurs de la littérâfttfr^ iwdeie.
De cette source féconde, là pensée sort pleine d'ëboiidà*^,
mais cérémonieuse et uniforme eh ses mouvemetils.'ltti-
puissante à s'appuyer sut le vrai, forcée de chercher, liiins
un corps social mutilé, Tidéal de ses aspiratitm& vë^d^Ua
souveraine justice, elle a été contrainte! de demander' àî la
mythologie le secours de ses fables. Le rationalisme seul
l'a i^rtfondémeTît modifiée en lui posant ces grandes ques-
tion^ : Pom*^tioS l'infériorité <le la femme » et llftégafité^ 'des
castes ? pourquoi risôlemerit des familles htfa'aines ? '
' Difitt, ajoutait cette philosophie, c'est TablâOlti en ttré-
voyatice , en sagesse , en amour. Etudier là nature ; 'aont
il est la grande âme , pour ^'élefver à làï ^ vdità lë^^voîrde
l%dmïne. Et àl6FS del l4vVès de isettei dvilië«ti6h^ moderne
coulait: uBôf parole; vrfti'rùisste^àilr dé mM^uf'lesfttîittijBs,
924 PHILOSOPHIE
pour les soudras, pour tous les déshérités, une parole
ennemie du cérémonial.
A ranparitiôn du bouddhisme , qui' n*élaîl que la pMo-
sophieae l'Inde sous une forme religieuse, la vieille lillé-
rature ifidoue s^anime de plus en plus: une charifé. toute
chrétienne lui remue les entrailles. Aimer,' c'esf TÎrre,
peme-t-ellé ; et elle arrive à comprendre ramoùr. Yous
trouvez alors, dans quelques nouvelles, la peinture des
plaîélr$ et'des grandeurs viilgaîres en opposition avec les
grandeurs et lés voluptés de l^amour moral. Unepropagande
se produit, iquî a' besoin du monde entier pour théâtre/ La
Suissanco du sentiment se développe , mais le dergé boud-
hislé se développe aussi : avec fui se multiplient les coa-
vents et les degrés dé la hiérarchie; Tascétisme saisît la
science et' l'amour, la femme et Tinduslrîe, pour les écar-
ter. V Loin de moi, leur dit-il, tout ce qui est du monde
dfes démons ; loin de moi les couvres et les pensées des
damnés f » Mais ce monde des prétendus damnés, ô.ecreur
de nobles âmes I ce n*cst point le mal: c'est la v4ntable
ferme du beau et du' bien, celle dont vous né. coniiaîssez
qne les 'quantités îiègatives. Eii vain là femme réclanie-t-
cllè ses Orbifs^à aimer et & se faîte aimer, le bjoucfdlûsmc
les luï refuée', et son Idéal devienM'itnproducUvIté jparla
virginité. Sa litféfàtufe le s'irit dans cette' voie;. eïte &rit
alors dés pages d*uAe dévotion raffinée ; elle l'es pfac^ sur
Urte'thécatiique,' etia mécanique 'marche. Les 'pages dévotes
tonmerit ét^ retournent* : le bouddhisme , en les vojant
Jliisser'ioûèsèsyeux!, rèvede voljjptés célestes et. s*^endort.
Ainsi finissent sd' vie sociale et s^ littérature; peinture,
sculpture, poésie, musique , architecture i touf repose dans
le sommeil des ascètes..
" Noufe V^îtV^â <é'6hihé. 'Ô^e de* richesse dans *ses. ^esprits,
que de sève ef'de vie daiis' sa 'nature,. qiîè de sagesse ^àns
ses premîèrs'lrvreèî On dîfait qu*6lle n'a p'a^ eu ifen3fancè>t
qu^âle a sauté de suite dô là nàîssahcè lia phase ^P^
phiqtté',' 'sans bisser par les rôves et lés* poésie^' .à\n Isaitre
âge. L'rd^âKté'dè^^rhomnrie' saisit sa pluYne eyp,S;pînp^ux,
m'dls sfiissijlBt apparaît Un douanier déjà pébsée! .« Je suis,
BU SIBGLB. dS5
lui dit-il, le tribunal des cérémonies et des rites; voici mes
modèles de dessin, de peinture et de stylé; ^rde-toi
bien de t'en écarter. » LhumanUé, c'est rhomm^ lui-
mêtMj a dit l'auteur dé riNvàwABiUTÈ daws le miubo. —
« C'est admirable , reprend TidéaUté ; je, n'oserais jçs^ayer
une autre formule. — Mais, réplique le douanier de la
pensée, cette croyance implique robligatiori de se perfec-
tionner sans cesse , de rendre à ses parents ce qui leur est
dû; de faire la connaissance des hommes sages et d*étudier
runiversdont les lois nous gouvernent, » — X'idéalité ap-
plaudit; elle se croit une voie aussi grande que possible, ô
erreur! « Les devoirs sont au nombre de cinq ^ reprend
I%)mme des cérémonies et des rites, ce serait un crime
d'en réduire ou d'en augmenter îe chiffre. Il y a trois
choses h connaître , si l'on veut se perfectionner so^-mème,
trois, pas une de plus-, cas une de moins, comme il y a
neuf règles pour les admmistrateurs :' -^ re jf^der, iççtUer^
parler y se mouvoir ^ sortir 9 entrer^ se lever oix s'asseoir,. » Ce
sont-Ià des mouvements qui , dans h . littéra^ture comme
dans la vie sociale, doivent être conformes aux rïte^.. Qui
donc serait assez hardi pour s'en écarter dans se4 poèmes,
dans ses comédies , sans que le ministère des cérémoniçs
ottbMât de Ten fdire imméi^atement repeptir? -A Empri-
sonnée dans ce corset h tiges d'acier avec des pointes sojus
le menton pour'loi faire lever la tête , la littérature chinoise
a fait ce qu'elle" a pu; elle a vécu des siècles ava^^i spus^le
^bras une botte pleine de poésie , de couleurs ^Iflpf'mc^mTi
(jumelle n'osait essajfer.' Au doux parfum qui SQuvent s'0n
échappe qui pourrait dissimuler ses regrets. ., ' . '
Orphée quitte les sanctuaires. « Hoii nom est syinbolique,
(^it-il à la Grèc0, je m'appe^ile ./a lumi^e^ i^ se^ut.p £Jt alors,
en homme' autorisé , il lui pmledu verbe divin,, de la
grandjB nature, cette mère auj^uste de biéû^.fenfant savant,
il venait lie. faire les sem^iUèéietîVo^ait de suite ^récolter l
te peuple, eh son ign^orançe^ le jdécbira» réclamant, parles
actes trois m^le éns. de préparations 'doulouîreuses.^ j *
Fils dé l'Inde et .dç tEgypte^' les 'Grecs,, ne pçoyç^îent
pas avoir besoin d'une bible véritable , tnais ils voulaient
39
926 PHILOSOPHIE
des poèmes qui leur en tinssent lieu, qui fussent émanés
de leur vie. Homère leur donna rUiiade et FOdyssée, ces
deux incarnations de leur génie , Uè fareê et la ru$e. Issu de
l'Orient sans foyer domestique, pttis(}u'il n'avait fait de la
femmequ'une génitrice ou qu'une oourtisane, priiié d'ammir
moral, laissant aux esclaves les industries usuelles, te peu-
ple grec se ressentait de ses origines ; il eut soif de mytho-
logie et d'apollogues. Sa littérature se prit alors à 4tiiTiH
conter les cruautés d'un culte pvimitif sous; le notti €ft la
forme de Saturne, le père des^ dieux et des hommes, ({tti dé-
vorait ^es enfants; et il écouta. Elle lui fit ensuite le réeil
d'un culte plus doux et plue grand ,'f irisant abattre les <kti-
nés, supprimant les tables de pieire et proscrivit les ho-
locaustes sanglants. Mais cette forme n'eut pu lui oconvenir :
aussi de ce cultp fit-elle lupiter le fils de Satnme, la
puissance infinie de. la nature, le second père éesdi^ux. -^
Le peuple, grec prit goût à cette fable : lupiter^fut éeonlé , •
puis adoré. La poésie reprit alors son rédt , sa graûdo
épopée des formes de la civilisation ; elle raconta la fusion
des races, et avec cette fusion celle des cultes primitif.
Les dieUx, lui disait-elle, se madèrent^ procréèrent tou-
tes les divinités de la nature , tous les «pritsinlerinépiîaires
qui peuplent les espaces: ainsi Jurent animoes les monta-
gnes ^ les mei^s , les forêts et les ruisseaux eusHEnétnes. il
eut ét^ maladroit de raconter à ee peupler' eàe^r^ êÊ^M ,
qui eut si avidement écouté le conte de peauMt'âne- , l'uti-
lité d'^Jiier le commeoce maritime aux arts industriels^ ta
poésie prit un détour ; elle imagina* le iBariiRge 4ii>Difeii 4es
forgerons avec Vémi^ la fille de la mer. Poiair \m péMtfe
rjjihospitalité des eûtes de Sicile , elle lui parlantes cydbp^
etdeslestrigons, ses habitants^ Le flux et'roAux^âàn&le
détroit de Ifessina^ s'appelèrcot €arybde et ScyOa; L& wa^
lité supémuffo des laines ^ de: Crknée eiit p^rut tm$g^ tt WOle
de la toiaoa d'or. Le dragon qui les' garde ite$|j[)«la ' Vian
meut si faroiu^ des peuplades deiGQl^de'; L^ krentBge
qui l'endort, c'est le vin que les premiers eortmeo^nts
grecs dcniBèrottt Hux>qaflKv^ges éoliihidiAiiSi Le jtMÉi^4es
Heapér|des> le. combat ^'Hercule t^'A^Adté^éani )a<ciiim-
ritanie^ Pégase i les Gor|ron)&S) AtltSt te'I^otkUis S^Bfséeet
DU SIÈCLE. 937
cent autres fables furent des robes brillantes destinées à
revêtir des vérités utiJLBs que les Gfecs trouvaient tvop nues.
Le jour vint où ils oublièrent les vérités cachée sous ees
fables : alors naquit leuir littérature philosiophique. Aris-
tophane a peint au vrai et sans le savoir, ses difflaqltés et
soii impuisaanee. Cefut.en vain qu elle donnu le sang' de
Soerate ; qu'elle essaya par Platon, puis p«rArislote, de
subf&tituejT h la pensée de Pythagore et d'Ovphée un idéal
factice et faux ; qu'elle entra au théâtre avec Euripide : elle
elle m put arriver qu'aux deux premières' qualités de ia
trinitét la puissance et l'action; privée d'aaK>ur, elle fut im-
prQsduetive et se pecdit stérile dans ces éeoles de sophistes
qui devaient, en se transplantaDt au sein du ohrisifciaiiisaie
grec, conduire l'empire de. Constantinople à la déchéance
naatérieUe » puis à la .mort« — Un jour •. cependant la belle
Uypathie, cette femme qui n'était ni une pédante^ ni une
courtisane 9 mais la vertu parlant le plus élevé des Janga-
g€^, se prit à dke à ses auditeurs} comment elle comprenait
le sa^voir et la vie. Révéûteur ,. elle devançait les siècles en
une ville, préparée par les philosophes de la Judée, de la
Grèce et du christiaiûsme ; savant, elle donnait àrla^ littéra-
ture we voie nouvelle ; femme, cdle apportait à l'art grée
les études de Platon perfectionnées par le stoloisofie ^t l^
christianisme ,. o'est^^dire àes types de perfection et
r^^mour moraL Son succès fut immense ; il éveilla la jalou-
sie des gens.de sai^t CyrUle: Tua d'eux, le lecteur de se»
église», organisa couitre elle une émeute. L'insttncC de
paa^iofiû .Jalouses vint au secours d'iatérâts mofldaiqs!> elle
fui. /arrachée de son char» foulée aux pieds et déchiréepar
ufl^ joule ignorante qui . prit plaisir à rougir de son- s^ag- les
raesd'Alexasdrie. Ainsi tomba, cette fille âe^lotia' et des
sagev$ y fleur d'amour^ mythe incompris ^qui vésukiait en eUe
le moiide philosophique àaa sanctuaires., la sdenoe la plus
éleivée.de krâr^^ et4a seniinœntalité ehrétiéni»e^ Ptif^ille
niorltiS^ait da.nosjonrâi un tiû^mpihe;. mai» nou» avons
l'impeiioeria*
. JLai4«4ée «(unpamuteJtk.P^tkewiue.de Uwseiellû&îl à
l'iÛMoine <k jlosepbtfk Q«# dis^ choses faéjnanqumi pow se
créeV'Une Jit^ralUM cooi|Aète(i^t^ue)de'^auf?f9tildans sa
938 PBILOB0PSIE
peinture , sa Beulptare , sod architectue* et- {>nGd[>ableiii^it
au$^ dons Mmusiqae qui nonsiest si peu itonnwf Que le
temple de Salomon est peu dff chode, quand' on l'anndTse
avee soini A e6ié<]es vices de son état social, la iadée
n'a-t-ellepaa enmve son ignorance scitotifique et la censm^
du sanctuaire de Jérusalem? Tblle qu'elle estv la^ Ba>Ie oe-
pendant nous offre une ^intore aussi euriense que fldèfe
des états sooiaux successifs defi^ fils de Juâa ; edle tst «leiBe^
pour oeux qui savent la comprendre, desoutenôsréettetneiit
histforiques et de tableaux vrais qu'ailleurs nous fiesamoiis
retrouver, Àbrafaam, Moïse, Samuel, David, 8aiam<ln ,
Jgsias et Kilkta , Isene, iérâoQie, Ësdras, les pharisiens et
les esséote^v^^^ ^^ véritable échelle de Jacw : ses |fteds
toueb^tà la polygamie , à la prostitution, afax saeivfices
bumains, aux dolmen , au culte des Ueux élevés^ et des ar-
bres touffus; ofeais, de son soitiiBelf leCbrîst pftohe rattom-
et bénit les peuples; ; . ^ . •./
Ainsi, iotjjouvs et partout la* littératoré est ta pavole
d'une civilisation on nn jour et en' u& lieu 'di)inié;t)*€«st re-
dire la graode : foiuMion sociale ; des relatioiis • et l'vm ' des
puissants moyens dfe l'éducation publiq«e.''> - » •
Nous voici à Rome. Cette ville, vérit^dMe iotarfaatioâdu
positivisme matérialiste, se crée des moules d'éducation dans
lesquQts^elteeouIe tous aBsoitojwss.tJii joup;>«Ae nélrOfiiva
les Uvres;de Numa iféunisà oâuxdePylbagofe^^Hiais^es eon-
subtes brAl^rent religieusement, dan» laeDaîntequ'itgi^Bftt
en ^ux ^uielque cbosede«ontraâre^à4euridéai^ qoiiéiaftla
riehase^ par la bri^odago anhé ^^ ipar' te pillage ides pwK
pies. Ce fui AÎ^sique la sociëté romaine granditBnifiocoè et
enpuissaae^ lie$^ience$ des Elrasqu^es et d)i» ifitecs M pri^
rent.akff»' qu'elle vêtait ^^à' trop vigouveose pdu^éli^.C0m^
géo da^ }diSora)itéi !ebéées> par -le pujsBaAi' niaîIÛttiffans
lequel s'étaient écoulées «ed jeunes !eam6€fai:4a>!^)ioésief^
n' avait-pas b^CéiSon^enfaBoe^ftt.défavIt Atcfenàge lÉèrétinè
se montr4^iqtiS^tcè6'^in€o<ii}>làlev#&xij)lttsibe^
vie, Luer^e lest bieati fn(Mu&:poydfquBrpliiletoilia*^'T¥Jp^^
en SQU )Bniïi0 f ,rRf^ iqa-un,n!iaovaisr(OQjpslè d'He^^
qu^un incrédule qui )se rit dés )dbeus amc pied8><iesqiiel8 il
brûle son eneèns«. Horacev • TibuUeiet £atailkF) ssàt de^dutr*
BU sAcxs. 939
mantslibertias, saebuHdtmetnarroravecaie grftee infi*
nie. Piaule- et Térencene purent ¥eiioerev^>ile*fstomédi«s»
le» impossibilités il'un théâtre saB3 îlsmmo^ d*«rfie^80ciécé,
au moral , borgne ^ boiteuse et bossue. Gkéroû fût un es-
piH émkient^ Tun des plas habiles phraseurs qur^ient
vécu^ un épicurien de grand savoir; maift un «conservateur
mcapable de toucher à cette dooUe question: Tesolavage et
les femmes. Il faillit à la Rome du dernier siècle avant
notre ère , et du premier siàele durélien;, la réfaabîKiaûon
du itnavaiLet de ramour, rafiranohis$eme»t de 4a "femtee
etdu padffi. La femme on jonriâle s'^^jpela CoraéHie ;
eUe fut sublhne en son dévouement^ jusqu'à' verser- povir
rhwDaniié le sang de Sfâ fils^ et Borne ne »sut eompveodre
eeflymbele; Une* autre fois^elle s'appela- Seiopronie^, et Sel-
luste, cet ange de 'candeur et de ipuretéqui sentait à dix
HeuQS^^la pourriture /lui reprocha de bien chauler et de bMti
danser, choses défendues, disait-il, à une bom^dte femme.
Cl^tttina têvmt alors sa grande réferpie : âamprenie devint
V\m*^ eQs lieutenantsij .Quand aud esclanpee^ Sparieou» les
raitima pfar soa hingage , -etiis surent mourip p«mrta'4iber(é.
Ainsi s'expliquent leegfandauiB, ies défhuls^^eS' impossi-
bilités de kÛttérature remahie. ''
vbe'^elmsâanisme » fK^ésenté deux: ftvmes^à'Son* ori^iie :
rnneà'Aieximdrte, l'afUtreà Romav Aleiandfie pos^ ia
doetr&Die chrélicone. bomme' le complet: résumé des^ élbrts
de i'blanoitév oomme lefirmiide oouO'^es traHravet %mé^
rieurs ; élleintoquait rtop tes- lestreditiemi; eUe* appèléfif te^-
tef 4éstkmr(tes à augmenter 'les eaux-d^i iteu^': *<$'étaît
graipd^ ceint ffléme^tsqpgraild et trop élevé 'p6ui' te tefi»{)S.
Rome,' plus:. bmnaâne> wohiti'romlpfe'avee les * tlraditions
deillndeyde l!Arie^ ^de^Xgjrptotvit de iaJOtfèoè;>plas>Bffî-
bilieuse, e)le 'voidsittremplaoef Gésar; -eile^tl^aça tm^ oeHe
el dMfafcdÉt à l'esprit ftramhiftde^s^dgUeren dMi6rs. Sa Kt--
téeatiire^'a. 4^cillé.entoe: IsifBivitiéÇmédie'^ r Ani'MltiOft. —
EaltppMrend?:, laiBbinetpolheiiqueialEraAchtâMit la femme ;
en'«éaiilé[,ieUe^9eamettaitrl'épouse!à Vépmik vVêfëk PMde
adoiloîcf ^- ésffi^ »o'iétait enoàh«e "Vkiû^.^-En-nppër^më ,'^elle
supptiiMitte&'esblfllves ^deVant Dieu , 'idtisrëttriènt' égaux ;
950 PHIIi)MPHlB
en réalité, les évoques catholiques, même dans les Gaules,
ont été souvent opposés à rémanoipatîoa des secCs el des
communes. Un pareil esprit tue la littéralwe ; -U pettl s'ac-
commoder de pastorales et de seènes sacrée^ , laais les pas-
torales et les drames sacrés réclament une foi ojaim. La
vraie tragédie, la comédie. Topera, sont en opposition
avec la tradition de U pcditique au SainV-Siége, avee^etie
pensée qui brûla Jérôme de Pragi«e , qiû massaeiHi les Alb^
geois et les Vaudois , qui persécutai to& prcoesiante, qui dé-
clara au siècle de Galilée que la ter^e ne tourne pa» autour
du soleil. — Le génie de Chateaubriant nous a dit en
grande poésie les martyrs, mais les martym x^ 8k>iit.paibt
d'upe cixiU^a,tion, ik appartâenuent^ l'hoaMEÙtés à 6& vai
christianisme qui vit en nous tous., parce qifell :na rœoaoe
à aucune des glaires du passé, à.auciwie de sesrlFadilioBs ,
à aucuue des espérances de la ^oienae. Ce .nmLohristk*
nisme éclairé par le savoir, réhabilite les arts, Uiemae et
rindustrie; il u'est point ,âl n!e$t guèreile fils.de Arnuu; il
s*est développé à eûté d'elle, et^souveot miJgré se$ «iSoris.
Honueur à ceux des prêtres (rapçais et de$ eheiis du pro-
testantisme qui comprennent, et oampreudnoiit icâlte grande
voie ; ils peuvent nous donner la. coooiliaitkni et k* j^«x«
N^¥Qus^ seïpble^t'-il pas, en ei^apainanf lasoeiàté ^ttusd-
man^y.qus le Coran ouvrait leQdeui:portes:.aQ saycÀrscîto-
tifîque, l répopé^, au rQa)aa,'à la musique'^. à l'aochi-
tecture « à la sculpture ; m^tis qiu'il la fermait jb latgpeiuliire
et audr«ime? La pluabeUe ceiuvre^uu&tdée est tupei^uvi^
maiMiuéet A Tisplemeat de iapalUes-^ propriétés* dejnrtiBes
jalofix et,absalu£i, correspwd<ui^litiéra4uMa{qMU¥rie; il
y ayait(là une cQQc(itiûP> d'împuisaaoçe.soeiaiie .elwiittéctwa
— JEt cepeicàdaai.| q^eis. peuples furent jamai&iiineistor^
ganisé^,quâ 1^ peujdi^St. mus^boans pourra Jilt6tatwè4iLe
génie arabe.et le génie. Um ont leur granéaurviefi^dnaû^,
si r4|^iofil|é|de resfoât boagrois dont» il-est i^àn^isera
mieux ,ap{y-éqiéj(mquei lies HoogroisteeiKMil) UMutiiii^Mtiiisr;
lo]:Mue.Iesicaloi0ypf& de TÀutPieMcserobt enlâèr^iMiyuiaées
OU.déMOjiiUeSv <' M .'. • *' . •' '•' ■' .-n, .j[.u». -».(] -'J'-J- •
Arrivée à r^>ape sciontifiquei la Uttétatufô/a élé an-
BU SIBGLfi. 931
gulièrement , au XVI* siècle, une renaissance, la repro-
duction véritable d'une vie antérieure ; mais elle avait un
caractère plus indépendant, plus philosophique, et les
femmes y ont pris part. Au XVII% les savants lés plus
éminents de l'époque, Galilée, Pas(*^l, Descartes, Gas^ndi;
Leibnilz^ désirant se faire comprendre d'un grand nombre,
recherchent singulièrement la clarté du style et donnent à
la' philosophie littéraire un caractère scientifique ; tandis
que les femmes s'associent en grand nombre, par leurs
paroles et leurs écrits, au mouvement qui entraîne ^a so-
ciété.
Au XVUI* siècle f ce douUe -caractère se développe : \es
femmes deviemient plus actives, un plus grand nombre
prend part au mouvement , et la littérature , cette langue
élégante de la civilisation , cette langue façonnée p^r Kart
et le bon goût, s'occupe des questions les phis élevées, de
la physiologie du ciel , de celle de l'homme et des raj^ports
nécessaires qui relient tous les êtres de la nature.
Pendant les trois premiers siècles de l'ère scientifique ,
l'art grec renaît en peinture; en sculpture^ en architecture,
^ puis â s'élargit pour satisfaire à des besoins nanveaui. La
musique le suit dams cette voie. Dira, qu'elle pouisse Vke !
on dirait l'une des fleurs les plus hâtives de Tesprit humain.
ne 89 à notre temps, et surtout de 1815 èr 1^854 ,
d'immenses progrès ont eu lieu : ils offrent ce (|uàdrûple
caractère : que la littérature est reventie la religion par la
science ; que le rôle des femfmes a singulièrement graiiâl \
que le- peuple a eu son avènement littéraire, et ^ue' l'ih-
dBStfie, guidée par le savoir, a créé pour les' homibes
naille moyens nouveaui de bien-être, par ses^ procédés
d'horikulture , d'arboriculture, d'agriculture, 'd'toduitries
minière et manufacturier»., par son application des mét(Àix
à l'àrdûteeture , par ses dessina et 9es libres à bon marché,
ses ponfts suspenchiB sur des abîm^ië, s^chéMlid de fer,
ses canaux et ses vapeurs^ de tMte sorte. -^ t'indii^ttkf ,
cette littérature, cjette inscripttoti tofate' manuelle ^appa-
reoeeide^ la penlséê ides^^mattae^^ j6 la 'sciïpfHée'^^ da- sblV né
rêve-t-eHe pas aujourd'hui de tracer le plan d'ensfertM^Ses
travaux à exécuter 4'la<8urfimiib^iât>l^
^
932 PHILOSOPHIE
Bowring, Ampère, Viardot, Souvestre, Delaville, Mar-
qué, M*"'* ftobinson (étude sur des Serbes) et beaucoup
d'autres , nous ont fait connaître des littératures nationales.
Quoi de plus curieux que de recueillir les œuvres de nos
père^et d'avoir des reliquaires pour leurs poèmes primi-
tifs, comme nous en avon§ pour leurs cendres et leurs
ossements ? Combien ce qui est de leur esprit n*esl-il pas
plus propre à nous rendre dignes d'eux que des restes
glacés?
Plusieurs grandes œuvres se préparent encore dans cette
direction : iSune a pour but de réunir^ dans un volume à
bas prix , les chants nationaux de tous les peuples ^ de
manière à compléter toutes les littératures connues par les
mélodies musicales qui s'y rattachent. Son auteur, disciple
de Fourier et de Saint-Simon , a beaucoup voyagé, beau-
coup vu , beaucoup étudié.
L'histoire , dans notre siècle , est entrée dans une voie
fécondé, et Ton peut dire qu'à chaque œuvre elle agrandit
ses cadres pour arriver à de plus larges proportions et se
faire aussi complète que possible. Elle, a besoin d'être à la.
fois la légende populaire, la chronique qui raconte fidèle-
ment les faits , la science qui les coordonne en groupes el
en séries pour en foire ressortir la loi ,' la philosophie qui
les presse jK)Ur en déduire des enseignements- ^ créer à
rhumanité cette expérience pratique dont elle a tant "be-
soin. Elle veut surtout être religieuse, c'est-à-dire relier
les hommes entre eux par la peinture de tout ce qui élève,
dé tout ce qui aftnoblît, de tout ce qui console ,aa seîii des
misèi^es deia Vîe.^Elle' n*a pas oublié que l'Inde av^it sa
métempsycose; la Gaule, les cercles de la félicité ; ^'Egypte,
unépesiée des âmes; et elle se fera de plus en plus chûâque
jour rélyséè des justes , Tenfer des réprouvés^ yousï'enteii'
dêz, .vous tous qui faites côiiler comme de Ueau; lé :îsang
deshbrtipiesfi vou&dohtrâmbitîon attardée se croî^ eôcore
aux luttes politiques du XVII* siècle, Fhistp^re ^erafj^otre
bourreau ! ' , ^ '• y^,
La vreille'Rome a. eu, 'dans son empereur IClaîjid^:^ un
hîstorieri dès 'peu]J)les Vaincus ; d'autres vîëndfQn(; m wper
au fer roùge et sur le front ceux qui pirtageàl liée familles
BU SIÈCLE. 955
sans les consulter, qiii le^ parquent au Levant, au Midi ,
selon leur caprice , selon qu'ils ont ici ou là d|us ou moins
de terres sans cheptel humain. — Et cependant le rMe 4e
rhîstoire commence à peine , parce que rhuiualiilé n'est
pas née encore.
Voilà deux traits saillanls de la littérature moderne. —
Eli voici un plus im|>ortant : pendant qu'au sein des
classes riches de la société, les cœurs bons et les esprits
d'élite restent seuls fidèles à la grande poésie, à la vraie
littérature, heureux de communier, par la publicité de
leurs pensées, avec leurs concitoyens, tout d"un coup appa-
raît une nombreuse cohorte de poètes et d'écrivains ignorés.
D'où sortent-ils? Des ateliers du travail. Les unô,qoht le
boulanger Reboul elle coiffeur Jasmin sont les types» chan-
tent pour chanter; nés avec le don de la poésie, partout'
ils versent son charme. D'autres peut-être ont plus souffert,
et vis-à-vis de ces élégies individuelles qui nous raconient
les douleurs d'esprit méconnus , ils nous disent des dou-
leurs et des souffrances plus grandes et. plus pénétrantes :
ce sont Hégésippe Moreau , Timprimeur ; le cordonnier Sa-
vinien Lapointe; Ellîot, poète anglais, tisserand de son
état , qui a peint d'une façon si saisissante les misères des
classes pauvres ; Déranger le journaliste, ouvrier horloger
d'abord, poète , puis publiciste ; le în^ççn. Ponci ; Avî^o-
nais-la-Vertu, compagnon menuisier -IGuillauma \VeUling,
de Magdebourg. Ce dernier a été le plus grand propagiain-
diste des réformes sociales de toute ï'Àflemagne. Çoijabien
d'autres nous oublions qu'il conviendrait de citer encore l
Pierre Leroux et ses collaborateurs ^e h Revue Slaciaïe
n'ont-ils pas ét^ presque tous ouvriers typographes ? .
Au' milieu de ce monde des atéUerS| et portant
sa bannière, voici Déranger: son ode est; prophétique ;
le çénie de. la vieille Gaule l'inspire. (>h ! ne croyez p;âs
quil ait fait tout seur ces grands couplets que ,îa France
sait par cœur; les esprits de Rabelais,, de La Fontaine,
de Molière et de Ninon de TÉnclos ont élu , dit-on ^ domi-
cile
qu'
lies
954 BHII^SOPHIB
Quoi faire ?..,. rAoadéoûe^ c'est le passé » c'esl un souire-
nir de ce qui fut : Béranger porte le drapeau de ce qui
sera.
Repoussôes des grandes chaires européennes » des Aca-
démies impériales et royales, des professions savantes,
les femuies protestent comme le peuple, les unes avec
conscience de ce qu'elles font, les autres sans se douter
qu'elles participent à un grand mouvement que leur
esprit aristocratique voudrait souvent arrêter. L'Amérique
du Nord, moins oppressive, leur ouvre presq,ue partout
les portes du savoir et de renseignement.
A cOté de M"* de Staël , qui s'est trompée dans Del-
vhine^ en.soumettant la femme aux injustes caprices de
l'opinion, mais si grande dans sa Corinne et aans son
étude sur TAllemagne, deux œuvres auxquelles il faut
rendre justice, encore qu'elles soient entaciijéé& de dédain
pour les déshérités ; à côté de M** Guizot , dé ]|l"^* Neker
de Saussure , qui se sont occupées avec talent de l'édu-
cation du monde aristocratique, plaçons Daniel Stern ; âaus
son Essai sur la liberté , il y a des pages où hrille le ratio-
nalisme de Saint-Simon enveloppé du style de Bossuet.
M"** do Girardin a versé l'esprit à pleine^ mams. dans ses
romans, ses feuilletons, ses poésies et ses œuvres drama-
tiques. ./ ;,
Georges Sand nous a dît toutes les souffrances .des â^es
de son siècle, laissant loin derrière elle,* par la magnifi-
cence de son.siyleet U grandeur de ses conceptîoijs la
plupart de. ses rivaizx. Pauline Rolland 4 écrit^avec une
vigueur toute masculine siu* l'histoire^ sur' la philosophie ,
sur les questions religieuses et sociales ; eÛe comprenait ,
dans les .demièjçes am?ées de sa v^ , l!^vén^ment ^ ,<J*unc
littérature scientifique, et regrettait vivement de n'^avoir
point suivi Ifes cours des Bertrand, des Gàlli des Gèo^dy-
Saint-Hilaire._ îïiss Martineau a mis l'économia politique à
la portée de toutes les intelligences.. Se? roman^'^pnt eu
tous un ffand but : Qlle a yéhahijité Tojissaïnt Lçluvèrj^ure,
ce chef 09 race no.ire qucjiâ 'Fi:ancé a êfoulTé. X*autw
Mary BiirtQn s'est opcupéeayectenc^esse desplas^es deshcri-
tées^ 5I"»* JLeq a coiftpqsé d^es contés populaires y/rVunçat* popu-
DU SIÈCIB. 935
laireSy qui ont exercé une grande influence en Angleterre et
aux Etats-Unis. Il y a vingt ans, Tun de ses livres en était
à sa treizième édition anglaise. Beaucoup d'ouvrages inté-
ressants sont sortis de s^ phime; elle a écrit Luther et $Qn
époque y les Vieê dés FeintreSj V Histoire âe$ réfugiés f tûtes--
tants de France en Àmêrûpie ; elle a publié tout récemment
la fie des Sculpieurs, Elle doit avoir aujourd'hui soixante-
dix ans : c'est une femme excettente, pleine de dignité,
dont le visage reflète une grande beauté morale. Biche ,
elle éerit uniquement pooï' être utile : ses enseignements;
ont été le refuge de son ftme affligée. Restée veuv^ de
bonne heure , elle a élevé a^vec le plus grand soin ses: en-
fants. L'humanité a eu le malheur de perdre , daos
deux d'entre eux, deux fiUes belles et accomplies comme
leur mère , qui eussent continué son œuvre. Comme
écrivain^ M"* Lee s'occupe peu de polir ses phrases; mais
eUe soigne singulièrement et très-coquettémént sa pensée ,
manière nouvelle qui commence à pdndre et grandira.
La Suède, si glorieuse de Linnée, de Bërzeliu^, de
Gustave-Adolphe , l'est aussi , et avec raison , de miss
Brëmer. Ses peintures intimes de la vie de son paya iont
pénétrer dans toutes les classes de la société", une philo-
sophie essentiellement moralisante : on y respire un par-
fum de. vertu qui grandit les lecteurs. Un jour, elle a visité
là République Américaine, et son voyage fût une véritable
ovation.
Voici une dame hongroise, M"** Pusziy V erfé a écrit
des légendes nationales, des mémoires sur les derniers
désastres de son pays. Trois langues lui sQiït également
familières. . '
Au théâtre. M"" Mars, Duchesnoîs, Marié Dorval, fea-
chel, Sontag, Malibran, Viardot, nous ont prouvé que le
génie de la femme avait des droits à réclatner, et que sou-
vent , à côté du génie de l'homme , il pouvait faire pencher
la balance en sa faveur.
Au seid dala grande rép^ibUque du Nouveau-Monde , des
àlïiés accablaient leurs frères; lexiw cadets en cîv^isatiop ,
de toutes lès douleurs de la servitude. A cet 4ge où ^alheu-
reuôetnènt tant d'aùtïes* dans nbtïeTwiiidé ' île irê vent que
950 PHiLoaofHiB
parures et. ooqaetjieria , ime ieinme joune, riche en-
tre, toutes» ^ausû privilégiée pour les donsqu'eHe a reçus
de la jQature que pour réducatton quelle a so se donner
eUe-zuème, Mari^ Weston Ghapoian se saisie de la question
brûlante de Tesclavage. Les plus Jbautes études de la ph^
siolo^ Imî soAt fainiUère&; un grand saTOif , un grtBîI
sens, et surtout une de ces volontés puiesaiites qui ne^ié-
chi$^entja|aiats, IwdoïkD^Qt bientôt poMooUaborateixislfô
cours.les plus dévoués. £U.e ne veut pas transiger avec les
possesseurs d'esclaves; elle va plusk>îu, etleiveut qu^fesè
cojQyertisseat et demandent d'eux-mêmes Tabolitîoii ]ile
toute servitude : «d luUe à Boston a rempli Tune de^ gran-
des et glorieuses, pa^ 4e rhistoire de oette viilei > '
.D!un. roia^an^ une autre feaime américaine^ Madame
Henrie.Ùe Beecber Stowe,.a fait on grand acte , un évébe-
m^int politique, ,
Lpia d'accepter les assertions d'un homme Irès^niiticS
qui n'^ yoiilufvoir l'Aménque qae «l'un*G6té 'de sa inédaifte,
no\is, |iin£a|ons<» .ooBtrairement à F'Opinion db AL* BejbrtgQe,
qu^ les ^éri<[)aicLe<s' cmtfoi dans l'idéal, et «|Ue «haqoè jour
augpf^^Qte/leuT' culte si légitime pour k poésie âe^ glràndes
cbiQ^e^.. Combien uous^evrjions'SîgQalef. èaootede fenmiee
omioQntps d^ ce. pays « sii nous pouvions létabiir tei Itf no^
mei\clat^]:e des titre&€qnteinpf)FainB;>^oBsëonn<trons fou^^
tefpis.qi^elqvtes lignes 4e souvenir à' plosieuvsd'enlf^ îelfes.
L'auteur du roe»»» 4e iPhilathie^ des Leitre$iâ Jfiuh¥&ret^
Madan^eXhild, >est un esprit trà&^^d^kigué^<40Qt'^l^(ait ve-
ma,rqu^lû> etx ses.peinlQriBs.y Mis& Sedwieic m m jeter dè')«
pooâ^ curies .plw >hitfableà occupa time ? des elaases**kd»5^
lieMS/^sv^Hea QDseignév' ùU? eofieignaàises lecteum^àrvéle^
vei; \^ .trAi^ftun^manuelalp^rci'iMdrai^la {^olitesM etrla^tSri^*
table éducation: ses romans et ses contes poputaiwsMont
un:j^^fl j^l^n^vm^^^importancQ. L'Amérique^<«/les
da)7^^r<é4aatenra .de ijournanx^c^Mèd^meiS^^
contre ;ri9£toie loi «l^.esolavesr fugitifs^ ^vciDiinâbHiieoc
d'i^sprit. Qt^en tsl^le sji^uUàre^eQt 'éfiergiqOT* ^i^'vùlmsnse
liv^^^t.^l^f^^^Vtô^deetprofeâsiùiis^smipÉ^
seljft Sl^kywçl ,i «a^win ii ijous'-ioufiûtJ i'4KHMSÎanide>fé^
1er combien la médecine des enfants e^^lmMhimbB ^ws
Ba stËOLS. 937
femmes sont du domaine^do sne féminin. Miss Hunt €fxerce
la ttième ptpdfesskm. Nous «n avons quelque honte pour la
Frwee, mais la premièfe de ces dames a été beaucoup
nèim% accueillie par les professeurs de Londres que par
c«iiii.de Paris. — Le vieux mondé n'a point de femmes
omâeurs vmais le nouveau en eompte j^uaieurs que dfetin-
gâ<il-ék>quence la plus pénétrante.
Lorsqa'eamai 1855, mon honorable ami Green proposa
à lia convention de Massaefaussetts une pétition qm r^a-
Hiaitiréiat civil des femmes ^ grande affaire qu'il sut con-
clure aveo une remarquable habileté , beaucoup jouèrent un
rOie; Appelée à parler devant le comité de la convention y
Lucy Stowo: plaida pendant unehesrela cause de son sexe
avoc une logique tiès-serrée et la plus haute éloquence.
L'êfilet da son disooors.fut lasBez puissant pour faire pleurer
la moitié de ses auditeurs. — Sallie Holley, âgée dé trente*
troifi ans, pasise pour trè&^e&traliiante en ses discourut par-
t0iMiOù,elle e& trouve l'occasion, elle parte en feveur de
r^maneipation des noirs et de la tempérance. MissDick a
fail.{4tts que des discours; on lui doit la réformé 43es pri-
sadsiei. des asiles dés. aliénés et des idiots. Antoinette
Bfowii estaujoand'hui payeur protestant, ^ après avoir fait
preuve de riiiâtnictioii«eligieude la plus étendue. Luchstta
lUtott, quakeresse ikPhiladelpbJe, possède la réputation
d'^étoquenee le mieux ^établie ; . eMe * -a ^adressé Un di^c»)Urs
tK!èsrfamaf4ua2;>k atuL. étudiants en Qiédeeine*,-dlé a aussi
piHdéi coatreT tous les systèmes pénitentiaires ^ et ^ MfUlé là
dSocMinedâ c«us cpiicroieiït aux. châtiments en se pièifitit
SQW te ;rapportaa peiml de vue des ^emeigneilienti^ de éatl ,
datG«i»rdtaet des plusgirands publicislK^s modernes. Abbj
Kie^Jieyrest» tmeiau^'eiquak^essa douée aussi d'une haute
éloquonoeî"!'» - ' .<'—. n ....-'i— . "i'^- ••■ * • ••
- Tomtes .oes^énulnes' si' àoqnentes d^Ëwope et d'Aigri-
que .apfktHîaBDentà pieiiû'prèftisaos^jesceptkM de naiss(ahce
QUMâ'{éi&ati0fiv aux diverses ^sectes d« protestantisme, et
iwmm(itlorlÊrea$irp€ii!fua^tâi^$^fn^'^ sont l'un des té-
moigongits de JaiBiq>étiorîtéidaiVëdiveation pteflestàntë sur
lesfjéfkoations' calholiqnas gredfue^ musulmane; 'fothama-
niste atibeuâdhidtds. .-.-^i' '.•..• ^^i- ' i- 'i'^^' ''^ i -'-»'•
958 PHiiosoPHU
Dans la scimûe pnre^ nous ne citerons qu'âne seule page
écrite par une femme dans notre siècle; c'est rintroduetioa
aux œuvres de Cuvier, attribuée à sa Wle^fille MideBueî-
selle Duvaucel. Gomme philosophie, et eu égard aa moment
où il parut , ce travail a une telle giiandeur littéraire qu'au-
cun autre publié sous la restauration , si ce n'est le fMneoi
article de Jouffroy , Commmt les do§me8 /SnûaefU » Ae sau-
rait lui être comparé.
Il y a eu en France un moment solennel pour Tétude :
Saiiit-Simon venait de mourir ; de Lamarck ne vivait plus
que par le coeur ; Broussais terminait ses éloquentes criti-
ques de ram{)hithéàtre de la rue des Grès ; Clément Desor-
mes enseignait, au/ conservatoine des arts et métiers, une
chimie industrielle toute nofuvelle par la discuseioB écone*
mique des résultats pratiques des grandes usines ; Matthieu
de Dombasle faisait briller la ferme-modèle de RaviUe du
plus vif. éclat ; la rue Taranne était un foyer de haute
philosophie. Le journal le Producteur venait de: paraîtra et
de réunir Enfantin, Bazard, Bucbe^, Dugied, Camot,
HalévyV Armand Garrel, Blanqui aîné, Lauvi^iit (de l'Ar-
dèQhe)v et une foule d^utres; Q^ro^f Saint-Bilaire doanait
ses^^ands pt derniers enseignements ; Bertraad, de Reimes,
analysait les^nbénomènes de l'extase^ et la jeunesse ^ae^m^
cuciUait. Ge fut Vheure dee doctrinaires. L'esprit, de fmiti
ne s.Ht. point leur r^re justice : ieu brillant, mais feu àe
paiUe, disait-il d^ Villemain, sans ^comprmdmqae cet
émiqopï profe^eur possédait au suprèoie degré cette rare
élégance qui seul^ pouvait amorcer les esprits et leur 4oBiier
le gpût d'une, litt^atfire ^ieifôe« Cwsin, Tune de&grandes
élbmjepce^ .duisiçcle , n'était guère mieuK jugé. Safi& doate
qu'^Q faisait de Téclectisme, souvent i»èine du .Srynchré-
tisme , et qu^il a. mérité h, sévère critique de PierreiieQoax;
m^is n^^tiaitVce, dona rieir^quede servir de transilion et
et que'dVtéresser h cette) triiQsition.la jenoesse dae éoeles
par des leçons, auxquelles- ai pe^Oit appliquer répi;tbàta de
magnifiques ?^Guizat9 dans.ce.temps^ dogma^isapt.eit. his-
toire- i^e Jmain.|>leine,de v^rité&i C€| nouveau Fqnt^aelle
Tentrouvrait à peine, mais il pfi^virait la {Aaee an ^fiis- de
Voltaire , à Micbelet , à rhûmxpe qui devait toujouis mar-
m SIÈCLE. 939
cher d^étùded en études, et -de progrès en progrès, an-
devant de la jeonesse, attirant à son cours, avec son esprit
si rabelaisien , si éminemment français , les oavriers eux-
mêmes <et les femmes. L'ancien Globe était alors t'a tribune
de ce inonde d*esprits aristocratiques. Duchate! y attaquait
à hùd droit la tieilte ëharité ; mais en même temps il
commentait la graveerreur de fiisionner Malthus et Ricardo.
Dubois, depuis directeur de Técole normale, promettait
une histoire du christianisme qui n'a point encore paru. Il
s'enveloppait en quelque sorte d'une atmosphère du siècle
de Louis XIV pour écrire ses afticlèis aux phrases accen-
tuées; awx mots frappés comme des médailles. Salnte-
Betfve faisait de la poésie individuelle. Mérimée, avec infi-
nimbent d'esprit, «e livrait au libre caprice. De Remrusat se
préparai! au rftie qu'il a joué depuis , se trompant lui-même
avec la plus g^-ande loyauté , toralgré tout son esprit , comnSb
il eât' voulu, conMttt; il voudrait peut- être encore tromper
la France. De BrogKe faîsah'desCTSeignements individuels.
Danâimn professait avec un rare talent la fausfee philoso-
phie des métaphysiciens. ' "
'Bft jottr, m voulut, aut bureaux de l'âncren Globe,
réunir les jeunes hommes qui avaient de Tavehir. Le Pro-
dueteur avait paru : la doclrine'craignait potr son éclec-
tisme, finieur présence, Saitit-Sitoon fut attaqué et'vive-
ment combattu. Dubois s'était Vîhargé (Tînitiér cette jeunesse
aux e*«eignements de son journal. Vaines paroles, peine
perdue î autant d'échos d'un monde (jui allait disparaître
avec ceMi qtfe ' les doctrinaires voulaient remplac€l^. Au
sortft* âe'eèltfJàéaBce,'lesnouv«aa^x adeptes ^'empressèrent
d*a<CKj[t[éri^ le ^itoi^tmr^i Saint-Simon, -dont ifs étaient
imhti§'SAn^'%B stiVO^ ' r '*' < *
'L«l' j^utiéSè'ë etie'pè^t^l^'avaiem dès^lOi»s'>iHlfeàts leurs
îtfspirtilltiÉfs';' lei'fétntnes atssi: Ohetfehez au voisinage des
grfe*^ftiyéY^<!'^ vôUsMen trouvèî'eî ëntore quel-.
qtoe^^ïries' dte ^^ëtte ëpoqne : teutt filles et leurs jeunes
anMfes^ontîtf^t^'re virante 'de r«illianttce intime qui peut
et ^"dèirà'feîièl^ dé plu§ en plus "enM lés tehctîons
materh^fes-Wïe ^a^^vbh-. ^ " » "' '• ' '
Dîx-hftit ans-, tes' doctrinaires régnent Ihtétafrement et
940 PIIILOSOPHIB
politiquement en France et en Europe. Pendant ces dix-
huit années , ils donnent le déplorable exemple de créer
des moules d'éducation 6 Tusa^ des dîrerses classes de la
société-, ils oublient beaucoup trop, ces hommes purement
tittéraires, le r6le à venir de la sciente. Rien de précieux, h
cet égaid , oomme le dédain avec lequel ils écoulaient les
ob^rrations qui leur étaient présentées. Ces adversaires
du (ïommumsme démocratique pratiquaient avec naïveté
le communisme gouvernemental, enveloppant du maillot
de leurs idées ^ de leurs méthodes , de teurs ensetjpie-
ments, toutes^ les individualités , de manière à faire dispa-
raMre des ori^nalités puissantes : on eut dit qu'ils avaient
pris pour modèle le mandarinisme chinois.
Madame la comtesse de Lieven pourra donner le ton dans
les salons du chef de la doctrine el y servir k^ iotérpts
laisses ; mais personne n'oserait appeler les femmes au
collège de France , aut «baltes de iMut enséigtiem^nrt. U
est rèffn que Thomme a mission de dicter à- ta femme ses
devoirs et ses droits, sans daigner la consulter même pour
la forule: Opinions de commande, doctrines littéraires.
fâûta!9magôrie>d'un faut savoir, tout, tm jOur, fut balayé
pour faire plaee è une transition d'un aiktre ordre.
La physiologie; dès 1S09, avait eu t'ambitieto d'etivalm
ta littérature ; do 1830 fr 1880, eUe^s'était fak ^ ]dâce:
de tSSO'à i84<>, elledétrOma le dodrinarisme , oetfe der-
nière et brillante forme de la seholasti^e. Ce «T'était pins
alors la science ineomplèle de la nature ,- car chaque jour
elle devenait ' de plus en pkis enCiyelopédique.
' Tèutefois ne soyons^ point injuste envers rAUeibagne,
et qnoiquè 'te mouvemépC germanique fut^ à certains
égards , dans une^ v<eie moins sure que le mouvemeât fran-
çais ', rappelons se$' titres» avant de passer outrei
Kant , malgré rabu6 qu'il a pu faire de la métapbjrsiqàe,
a été Tun des i^s ^grands réfarmatecM' de rhunfanilé.
Schillef' s'e^moniffé souvent noble, sottvient ré^B^nent
inspiré, '^urliéul dansèen édoeatioà «ëlbétiv^ '<ki genre
Immaiti. StiHerdef) Jac^i et< Pries traçaieiftf àoOMf ée
KMt , une vQiiè nouvelle bien ^plAs^ setilîmdMiae^'^ MMaise
que réellement s«ientifi^ -; > Fii^W , <M0 fWTV <9èf ^ {Hafait
BU SIÈCLB. 841
dans la balance tîs-à^vîs de Cofidorcei ; par sa doctrine de
la scieocev» il ouvrait aux Germains celle voie indiquée aux
Français p^r Tillustre auteur des progrès de l'esprit humain,
cette, voie que Saint-Simon devait élai^ir- al doQt Foorier
devait tracer tout^tla partie industrielle. Son erreuf capi-
tale îmI de confondre^ religion avec le fanaittsme dévot;
de faire >lrop û« sous 4^ rapport ^ des ti?aâitions de Thuixia-
nité; ide ne pas voir que b -seieoce qui élève et oonsple
rftme humaine, qui relie le&bommes 'entre eux et les
rattache à Tunivers quelle leur explique ^ est. auesi elle
un lien religieux et Tincessante révélation des temps ac-
tuels. Frédéric Scblegel , l'homme aux variationsi^ nous a
toujpurs paru médiocre et fort au^essous4e^ réputation,
Frédério Hard^herg, philosophe élégiaque , a prêché le
mariage de L'espcit huopain et.de la natiirev Retouchée au
point, 4e vue de la science modeene et. appropriée aux
écoles, de, demoiselles^ sa philosophie serait Irèi-ulile. Qel*
derUn am^ncbé dana une voie analogue» t^essing a signalé,
en.unep^ge admirable >, covamc^t £)iieu.a*es| servi des. révé-
lations Hicces^ÂMe^ pouc faiqe rédueation^detrhumâinté.
L*io(l9cnoe de&chelliiig a dépassé larJIbin. Hegel doit èlve
considéré e^mme'riniiMteur du gRan^mouyement iphilo-
sopbîqu^ 4e T Allemagne m0deHie5.de. ^ mouvement
qu'Ëwej^beeck nous, a fait («wnattie dans ses .livres. sw la
rj^igioo i SUT; la fiihia, • sur l'Aile^Aagne et sur la tUpguis^
t^e^ .ouvrages t^^ pea connus^ ^Hégel, 'apvès avoir puUié
s^ éçfiit9;Sui^ la réorganisation systématique, de laureligioi^,
des sciences natoreliesv, de l'histoire y de L'e5tbétiqitte,'d§'U
physiok)ig!iid et du, drait4;:S0ttS. une iocme essentiellement
ditterente^de qWle «on^crée. es Ani^etene , ^n Flrance sur^*
tout), ?par.,le^)habit|ud^$< ^ientifiques. de&.grdode^ époles,
où domine re^pvit,mét{^o<|k|ue.«k remtrquableit^e&t person-
nifia ^a&».:km pnWioAtiai^jcHArMp^ Itégeli:idi^nsr90ps,
fuA.vÀv^mçntfiiltafuéri» n^^biAiH^t^J»^^ $pn éoole^s
coiiQmedune x4iÀtable!<lcirieae^9Af ks^fÀvaigran^ illustra-
tiiom^ <^)l'A(U«90uigM APémi^é^/) e'4iaieMl^ i^.Bevliin, fiabler
ei >^«1«' ; iSobaltoi, ^ittptlte- ifi5^><terAMr^;irwd togipie»
cQwwe l§s,4tei(iftia«*isi»v>fti4t^a»si;l'unrd^<J»P^
qui veulent: WC^pMDu^Wril^ l^ftUiDej Nou» devans placer à
40
943 PHII.Û6QPHiS
côté de lai B<iyerhofer> ik<M«rbourgi,ietEmst Kapp. La psj-
cologie .bégéUettoe/a dû. h Ërdmann . ( H&Ue)/ Micbelec (Ber-
lm)ytR06eoKrdnz (Kodoiâberg) ei Daub.(HeideU>di^) les
\çm& nouvelles d^ps .lesquelles elte ^e&t en^^éac
Le$ juriscousuUes. Edouard Gaas, àfiecUn; Gœsciifol, à
Magdebour^; K(£s£lini ^ Soiiaibe« se sont io^irés à leur
tour de lap^sée rénova trûce<le la jeune AttemagHe* L'his-
toire d pris.dès^ors un caractère tout-nouveau, dont les
éccits de . Kapp , d'Berinaïux ,. de Ciesdbooski sont la preute.
Ce 4çn)ier a. publié sur le orédit.^t la cirooMioii^ Vùn des
meiltours livres qui «xisteot.La juopate, Festhétiqoe , les
croyapoQS reUsieua^a ont grandi «ussi elles de-tout le mou-
vendent qui entral9)ait: les esprits; Fuerblrch, Carrière,
Vatke , Wi)[^b« Hiobelet^ Hotbo v Viseker, Boseakrâoz,
l^arb^illeke« Bcedenoaim, Noaoke/et beaucoup d'autres
sioat esaentoeUeanet^t <différe»ta>eii lèuffs éerits, deB.fMoseurB
du siè^l^^ prtéojMfinet , quoiquisJa {filiation .BOitutdirMte et
pui$se iNre .retrQunrée* Ainsi serepreduit^dans J*<rhlfe «oml
et sooial^ oe{àé.nQi»àn6.de&- traiiiÀ>rinatîbB9^ii^Dbu6 larons
signalé danfiliofdre stellairerv dsdas- KoniiisfimBiéhil y dans
Y'S»4xe yégié^U pouD 1^ amiuaiiti«ufl(«nié|iies^eti6péoîaie^
itteitt ppuril^grande. séflie des. trikAiteS'idaMiaqtteile îl est
awjowd'bWifliî évident», - ;. .<. . . * «v. ...tiv.T ^ * .
Xie.inoulyelnentde rAUaaia9oe A eu souvênttsunlie'éiou-
vein0ntir^i»£^isiid«^ IHSQ^ k 1^80 ^ una^giMdeîsof^énoiifé
due.surtpuV'.^.l^ oqiQMis^Anoe quedes.'GenMÛisiiBt^deaiMpe
Ung^ et.i^. rigPiM-pupe preiiwde des^ Itonguesr étaraBagëres
majntm^' m ) Fr^^nea cm det lO^ativaisas niélfaodëdiiiHwr-
sitaires; elles ont été canSerMét^MAansnos.coUéfttib^iKsiitié-
tb(9d9SnaKié)ré<^ ^t jna^t{|(%us.las bons.esl^iîta f par lei iu-
prêwe (orgneili! àm .deotriOaife&ic ,q»'âst«niri9inaDt' donc
; ; J4a st^^iQfiti&dea Attomands eibt 'étéiphis^ande chèofe
s'ilSiavflK^t(i^ti'iliitre9 entièwfu^nfcdaos ia)tviaîe)SfieDti£(^e
suc€i^siiire^f*t tidcée et idéveloppéfiiMij; Roger fiadènv Ba^
eon le.cbimc^eii^ .IkâeftTttts^ iiGàiâontet'4>iâiaiatiâiiiiàv'êt
nQSi8iaîV49ti» lPQd^ms;.nt9iSilpelul^êllfe'>1f«îaj^^
rbummité,nipie t4ea> voûtes, de» jesprils gaUo^tnB«B9>«t«tdes
esprit6\ g^ii^aiiisi âiaieii tî leasebUaUemeot^
BU 8IÈCXB* 943
Nous V6Q0BS d'indîqmr le monvement philosophique;
mais (lu'ilncMis resterait à' dire si nous vo>iiliODs èlrô eom-
plet ! Ëli regard dU' èaint-gitrumimne , do foimâ'iême ^
du catkolicisim^-françaisei de toutes ces tendances récentes
si babilemant comfiriiDées sous 1^ g^venoemenl de Louis-
pyiippe, qui portaient les esprits les plus éminents
d«;la FruiCM» rers une catbolicilë nouvelle him plus que
versuat protestantisme 4 T Allemagne a eu ses réforma*^
teufs diiD: «litre ordre. Louis FueiribacJi a- démontré
mfkg^sifuemint cette 'pensée' : que tous* les dogtties,
que toutes les idées celigteuses de Tanliquité et du
mayent^Âge font esseoticilement humaines. Remarquez ici
la.,d»0érence du génie <les deux peuples : cette pensée
n'esl iauAre que ceUe delà' filiation des^ domrines et de
leur .transformation àtravers les âges dont nous tenoni» dé
donoer.^neirréiutaUe démonstration, dans notreesquîssNs
phyfiohfiquâ d'une histoire unitôrseilie, Fuèii)ach a procédii
de KanI; Notre livre n'est que la ik^rrection et le déT^{>*
pement des idées de nosimafltres Condorcet , ^mt-Simon ,
Baaard et fin{£intiti.f les- auteurs de cette grandeétude dont
noms aronfi' cité i quelques Iragmefits. Peu de Ceâops avant
sa ' moirt , iSîailittâiiBan arrait écrit un grand Im^ , l4 NifU^
veau Christianisme^ œuvre de haute et ^soieritiâque ttfoîté'.
La fiermaniet 'toute aa proteatantiéme eoit en AUemagde ,
sort en ^aodÎEhavie, soit ^ Amérique (car les Anglo^MAmé^
rioiMue: aoni essentiellement Germain»), naat^ a donne
Stfénas.et ^/études si négacives; si protestante^, sur te
Ghrâfit.ellë& Évangiles. Ces deui lifirres, si (MérenlS', eM
faittleur.diemia (Âacunde dcm cdié. ' * « / ' ' ' ' '
Un jouB.cepBiiéant, un euréoattibitque de^ésie, nodamé
Royoge^. .vivcmeDt'éoMi', nerùp dit'fiwerbeéck, >dti spectacle
de tant de centaines de milliers d'Allemands prbaterDés ife-
vaat ia Ikmeu^eirelique 4e Tpère9,'6À écrivit' publiquement
à:spntémpiei«t fut révoqué; nais la pensée fraùfaise était
eniluinU itè aetUtpoipnl protiBstakitvil'îeétà ÊÉsgiilièreinent
attadié ans degme* de* l'unité .onJealhdEcité ^t tiéÀ réglise
catbpbquûialIeiMiideqti ittati^hei i^aque joiir «A la ^onqudte
dei^pra^fifi maveàui. Mus 'tarA»,-uki; prédlcatmu de Halle ,
Gustave-AdcdpUeVVIislioeniia^dtesi^t lefdnîdaieitf de^ la com-
944 PHILOSOPHIE
mune libre , égU&e noijLvelle plus radicale encore en sa ca-
tholicité que celle de Ronge. Cette couvre étail habile,
quoiqu'elle ait été vivement critiquée par des démocxates
imprudents et sans calme d'esprit, qui n'ont pas su com*
prendre que leur compatriote préparait les voies à. * celte
grande pensée si fortement élaborée en. France parFourier,
par les fouriéristes, par Beûois>t et Cbarrassin, et par Girar-
din , dans sa Politique universelle , pensée qui doit conduire
à la réalisation de toutes les améliorations désirées.
Nous ne pouvons passer sous silence les efforts d'un aulre
ordre, de Mozart, de Beethoven, de Hummel, de . liane
Weber, de Spohr, de Jùreutzer, de Meyerbeer* La musique
joue un rôle immense chez les races allemandes ; eUe con-
tribue à diminuer, par le rapprochement harmonique des
individus , ce qu'il y aurait de trop dans les individualités
germaniques, c'est-à-dire la tendance à régcusnaie. Même
dans les classes pauvres , elle a un rôle, émancipateur et
social qui dépasse singulièrement, en $a pontée ^leç (iaisirs
intellectuels dont elle e^t la source. Avec la musique se
développa la pçcsie lyrique de VAllema^ne : repréisentée au
midi par Uhland,elle le£ut çp Prusse par Chamis^QdeBoO'
court. Successivement émigré frapçaiset page d«f la, reine
de Prusse, il voulut revoir sa , p^^trie , et îpà§s^r qûelgutf
temps à Pontivy (Morbihan); c^était la -cité natale du
tailleur I^eperdit, maire de Rendues en 95, rum de» grands
hommes de courage civil et d^ vertus -populairesi c^iiô la
France ait mis au. inonde: Ct'étjiit aussi la viUe oit .ÇMépin
et Moreau. avaient initié la France àl^féd^ration,^ ^tte
massue qui, le i4 |uilljeî 1790, écrasa ia'.réactjoij .^Isouïa
la patrie : c'était le vizitte de TOuest. Aux jours de la
guerre civile, elleavaitsoM unejutte-hérqïq^i.eljifl. JK^
sédait alors de grands citoyens aux vertq#iia«)àes^(es^ .an
dévouemefLt: pans arrij^ro-pensée personnellei jG^açûsso
s'inspira ^e ses ^otivenirs , de la pensée cpii. V^njunaît ,: .• de
la nature si^auva^B et si druidique du j^onh^an* des.hcM»is
ro^}an tiques du Blavet; il y devipt u^ivr^i Kio^^^ js^iycobie
et rempli d une gr^pde et amère iron^i, qpcoKiQcJla' ^9f,\Be
de cette comtré^ : ,aîors il rparia daps- sQ^-âiEjjp X'i^spriA ràlti-
què et l'esprit geiWtin. Ewerbeeckluf a conpitoré plusieurs
BU SIÈCLE. 945
pages et avec raison. Il y a tonte une vie dans ce passage
écrit par Témigré patriote et pensé peur-être près an lieu
où Côrret de La tour-d'Auvergne, le premier grenaoïer de
France ,. s'était révélé.
«f Abusé depuis mon enfance, j'ai vu mes meilleurs
* amis détruire en mon âme la confiance et les joies de la
» la vie ; mais les stoïciens de la Grèce et de Rome m'ont
» laissé" leur glorieux exemple. Je le suivrai : ma main de
i> fer saura étouffer les dpsîrs de mon cœur ; elle ne lui
» permettra que des soupirs passagers. — Allons, Cha-
» misso , du courage : sache te résigner, renonce à ce
» qull faut laisser en arrière, prends ta harpe et parcours
» le monde. »
Il y a quelques jours à peiiie, le frère d'un proscrit, un
simple paysan kimry, nous traduisait en français naïf
auelques couplets par lui composés, exprimant à son point
e vue la môme pensée. C'était au tord du Blavet , tout
près de la forêt de Quenecan , en un Keu sauvage oh sans
doute i comme nous, Chamisso avait rêvé l'unité des
hommes et maudit les préjugés dès castes , les hdines reîî-
gîenses et Tétroit patriotisme des nations.
Lfe poème de Chamisso , Pierr*? S^hUmikl (l'homme au
guignon),' est la peinture originale et fantasque d'une
grande vie. Pierre perd son ombre , et de cette perte nais-
sent mille désagréments, mille dangers, mille tribulations.
B finit alors par renoncer à la vie ordinaire et pacifique
du cocbmun des hommes, se livre aux voyages, travètse
les ferres et les mers en contemplatif de la nature , Aa
ses lois ht dès mille harmonies qu*elles engendrent.
Quelque* souvenirs , les derniers de cette revue, à vous
tous, nôWeè lutteurs ; qui, ^us les noms de Bruno
Bauer, d'Edgar Bauer', d'Arnold Rùge, de Charles Marx,
de Bernais i delpaurice Hess^ (le', Louis Bèérne , de l'acques
Venéd^y, de Schu^ier^, dô Gettdann Mceurer, de Henri
AhréSfé, d'Hèrriaftn'EWerbeeck,' àVez représenté àés nnm-
ces ft^ef^es de'la'péîisée'gél-ûÈïa'nilî'Uè. Vous pô*uvez, comme
le dlShîï UôUi^'BterrteV à PiHé^'tob^rir eli paît rVAHemagnc
vivra, cbàiè èBë"ûe*YiVra"pâs uniquemefal de votre vie sou-
946 PHILOSOPHIE
vent incomplète et trop fiévreuse en ses idées révolutîoimai-
res; e^e vivra d'une existence que les femmes vont élargir.
Vous avez tous voulu raffranchissementde la pensée, et quel-
ques-uns celui de Tindu^trie , mai? cela ne suffit : le grand
édifice de Ta venir réclame aussi et avant tout raffiranchisse-
ment delà (emme, sa liberté, son état civil, son mariage
égalitaire/ — C*est seulement à cette condition que se réa-
lisera Tère scientifique avec soo^, l^gage nouveau, ses
poésies , «es peintures , ses sculptures et son architecture
aux inventions féeriques,
~ Ouè serait la littérature sans rëducatipA? et qa'ont été
jusqu'à ce jour, au point de vue Ultéraiije, les pàjs où la
femme était opprimée? tJno société où la femme ne reçoit
que peu ou pas d'instriiGtion , au sein de laquelle jamais
on ne Te^çrce à faire usajge de s^ raison ,' n'esi-elle point
condamnée î l*hypbcrisîe , à rînfériori té ? - ' ',
La Suisse protestante, T Allemagne, TAngleterrei , les
Etats--ttpis sont dans une grandie voie sous le ra|jporf de
l*éc}uçauon des^ femmes! L^ji Suïss^ cafholiqiie , TEspagne ,
lllalié, la JPçance elle-uléme, son| moins avancées ^ «t, les
pays'hongrpiç, grecs et slaves sont encore. dans tes ^^^l^^
de respçrance., Fuissent lés' faits que nous ^ons jpijer don-
ner aux fem mfes hongroises , ' grecqi^ç.s ,^ slaves et gaulo-ro-
m^ines la soif du prosélytisme; , Tar^bur dç, l'émûIs|tîoa et
Ip courage des. grandes choée^'(Ï^V ;" ' . .. '. , ., .
' IMi"^ M^tièHillebrarida créé, près Francfort, ma pensionnat
d'un ordre nouveau. Voici ce qu'en écrivait, îl^ ^deiix ou
tr^îs mois , à l'Une de jes^'amiès |, une des femmes les "plus
éioQÎnputes die f^aris,' aii double ^)OÎnt. de vue de l'ipteUigence
et ^es vertus çh|rêUenhes :'
» de transmettre rinstructiota'àùidéshériléés^ U' for-
•lin ,'<i'''iin Lf.'<| lJ!{<'i i'Mii-; î'ti •»".■• " ■" '' , ^'■')\\i'v\o^i
gaaloas: T Autriche Ta emprisonnée pour dix ans.
BU SIÈCLE. 947
» tune, de soigner leur toilette, de leur faire la cuisine ;
» de cette manière elle^ s'atfachent à ces pauvres enfants ,
» et à cet âge où le cœur hunjain est si maltëabte , il est
» touchant de voir avec quelle sollicitude elles soignent les
» jeunes tilles qui leur sont confiées. De telles institutions sont
» propres à établir de bons rapports entre toutes les classes ;
» elles sont un excellent moyen d'améliorer les générations
» qui s*élèvent » ' ;
Elle eut pu ajouter : Elïeis sont propres à nous préserver
de nouvelles révolutions pasèionnelles, au profit de révolu-
tions pacifiques, économiques et philosophiques.
«r Marie a ce qu'il faut pour ta omission qu'elle
» remplit : elle possède cette foi qui transporte les mon-
>ï tagnes ;' elle adopte toutes les. misères pour les soula-
» ger. Jamais elle ne se demande : Comment fèrai-je ? elle
» dit : Je ferai, et efféctiveùîent elle fait. Dieu Ta bénie.
i> Son instîtntfoa, ce oui honore infiniment rAIIemagne ,
D est très-florissante : il y a, des juives,' des catholiques ,
» des protestantes dans son institution, et dé toutes bes
» créatures du bon Dieu, Marie fait de bonnes chrijlîfennes.
w,-^ Saris' s*ocCuper dû dogme,' elle suit |)as li''pas ^e
» Christ, modèle du tpohde,- celui dont là Religion est
« totit amour. J^àî assisté 5 Tijne dé ses leçcms de religion^.
» elle les donne av^c utie fchaleur d'âniequi pénètre le^
» cœurs ; tous l^s yéut 'étalent riiouîHés. a
Tel est le lédôignagéd'ûrie protestante très-éclAiréë. J'a-
joute que mac^emoiseUe Marie est la fille "d*an ptofesseùt'
de philosophie qui perise comme un célèbre înstltuteu'f' de
Liéfge, ^\ît la isupprèssiori des punitions, et qu*elle a une ô'pï-
nîon différente. Suivant elle, Têtrelhùmain ijp'pêut enfrein-
dre les Idls triorales ^aris ètta i'mmédlatettient averti qUè .sa
conduite est non-rseulem-ent nuisible à iui-méiné» iùâis
surtout à ceux qui J^'éntburôht'et qui eii sont tétoojns.
Aussî ,^mploîè-t-ellé divér^^^genre^ de ' pîinîlionô :' elle a
surtout riÉfcôur$^â Tisolëmefat ; elle envoie relève fautif 'ré-
fléchir seule sûr sa fàutfe. "* ^ ' "J '^ ' -
Toutefois, comme elle ne pimit point pour punir ^ mais *
seulement pour W/onher et~amSïôrcr,"lès péîriés inUTgëés
ont toujours un earaetère' qui en impose t^lément* aux
948 PHItOSOPHIB
élères, qu'au bout de peu detemp» les jeunes personnes
jugées les plus indociles se dfsdplinent et Tiennent eTles-
mémes , en se confessairt de letn^ fautes , réclamet le
moyBn éducateur que le grand phitosophe'fénïînin d'Often-
bach juge conrenàble d y opposeï*:
Voulez-vous pénétrer plus avant dans la pensée de Made-
moiseHe Hillebrand, et comprendte combien les femme*
allemandes tendent à se réformer, à poser leurs pierres
dans les premières assfees du grand édifice de l'ère scien-
tifique, à se faire un nouveau langage, à'^'appropriér i' en
les étendant , les pltfs hautes données du savoir , à crëer ,
dans le sens que nous attachons à cette expression \ yaie
liUéraiute entièrement' noiiVelle : lisez les" lignes qtrf sui-
vent, elles nous ont' été adressées pat l'institulricé d*Offen-
baeh, et résument tout le mouvement germanique Ique
nous venons d'analyser; eltes sont le couwunémerit des
efforts des plus grands penseurs d'outre Rhin. * '^
«La sbuffrafifce éveille dans la femme- le conibat , et le
-» cG«nbat lui donne Tindépendance. — €e point de -vue
» auqiift»tes hommes arrivent génèi^lement par l'éltidîé et
» la réflexion, nous autres femmes nous y parvenons par
» :1e sentiment ^, et^n tâchant de nous rendue :;btnbfe de
w ce que nous sentons,' nous finissons soùveht pSr où: les
* hommes ont commencé. 'i . . - •;
'- » Autant , ajoule Marie ' Hîllebf and , Fédu^^atinW '" des
» hdrames d'Allemagne est érilairée et profonde*^ 'Autant
r celle des femmes est encore arriérée et ^pérflcfeffé. *^ela
i explique pourquoi l'Allemagne e^t si tiché en' grilnds
i hommes et profonds penseurs , tandis qu'il Vié ^'jr tïtfuve
^ presque pas- de fetnnies'qui se soient distinguées d^ni îès
»' lettîéSi -^ L*i femmie y est, plus que dën^ auctih'' 'autre
«I' pay^ civilisé, sdunmê à' l'homme ynon caillés lois V^i la
*' protègetit plus que partout iwlleu'rs , ^ais ^hMÎiàlnilfudc
t* et ropinSoWBUbtique.'Et puisqu'une^ 'Sotnriièsiptl'àVengle
*' fait autant a« totl' au' maître qik'à •résdave,^èelui-là
b oublie de'voireri eJto'un hre égtfv'ët éëHe-*i'<Mu*fe le
j' bulde-sô^viè ft le servîr 'et- à lul^^rfire/ Laf' fetbrHé? du
M .peujAeV €*fe5^ nôus^'port^ Ws fefrdèadi^'Jôiii^f riioWime
» mawh»'ài'^ës*4î6tés et'lai cotiim^ndô'; 'Là* femme du
BU SIÀCIiE. 949
» savant ou 4e remploj^é pcévç^t à ses besoins matériels ;
» elle adoFQ ou craint son mari; carement elle; est la com-
9 pagne qui puisse partager s« vie spirituellie^ Védma^
» tion des fexameSrdao^iies familles ricbM$St«eel à. peu près la
j» même partout : on eoiploie au dévuloppement dos . ta-
» ^t^ le te^p^ et les. soins. que Im deYrait eonsaei^er à
«> «elui de TintelUgenoe et du oa^vcal) m^^ la>'SQunee.de
» cette soumis&ion clp^ez la femme allemande est Am^i la
]i 30urce de sou tiraillement vers le Ipâen. quand ou le lui
», montre d'un point de vue élevé. Le beau, est une-eavâe
» .qu'on ne touche jamais en yain obs^ elle*
» t^ but de mon établissen^enl , c'est, de former des
^ femmes émancipées dans toutesiles classes de-My fiooiélé
» et de toutes les nations. Je m'attache à les émanciper dki
n Joug.de la servitude et de.rigqor^nce^.enJeur montrant
j» leur mission qui est de servir ThumanÂté daus 1» sphère
n de la famille», et en éclairant jeur. esprit a&n. qu'elles
J» puissent remplir digneq^ent cette mi&sioA. Poue faire. ré-
J» .gner dans U famille Tliwmopjie «et TordoQ , la fe(n«ie ne
» doit^lle pas tremper son ôime^ dans l'Iiiai^puMUietf^élc^te ,
^ ei^.fair^ nonpas une vague et passagèreiadmiration, cpais
)*. la source de.sa vie.et de son ^Quheun? IVpiurMdévelopper
M. dan&Iiçs cceuirs. les Sii^nUmenii^. élevés, vJ^Joi de juatiee et
» de réciprocité qui règne dans la:i;^\Mre.,< .la;^£em«»^ ne
D> doit-^ellq paa se transforuipr qlf^çt^^e.i^n.ivPfe: (^mpa--
>i. tbie universeJljB , en, ^^ battemenj.de. cffiWT» poMiî -tous ?
^..C'e^t pç(Uf:quo.i npus.faispns de-^AtiHiMr^ /^tt d^J'hiêêoire
» i^ ^^qde^ piûncipales. ^n faje^t faire À m^^^éièfm la
u çpnnajssaiPçe.des grandes lois b9rs.de m»Si^ je tâclb^ de
» ie$. pénétre)^ de eQtt^.^ubbI^ebarmpnie.qui Cligner id«n^ k
J» .nature, £n dqroMl^nt. devant, leur. 4P'P(<?ette (KUMfeiae-
^) .^;<j>piplie.pù,UAXaurait rîenià,.ôteii.i;irien i^.i^puten.fans
i» , que le* tout n'en fut id^routé, iç veu^, içâ.rem^pUri de
il }f ^fl3Qpï:,du .b^iiu. En .^iyudi^nt ,rbiAUi)ii.f^« wwssuitons la
f. TQuied'^^uçation.queiatpr-Q-vidfinqQ,,^ prisai pour, élevier
P ï^ genre Jbumwn IP.ar,le!!dé,\elo|fieppe)at.et i'aettiîité de
f, dês.tovt^. se§., i^iijtqs ,;à: Twiv^rs^lle liai WKmiei. Bous
» . .YPïPns,.par«.^U§iétH4fl, qnel^,im,p^p{ftcti«s delaisofiété
D pro.vii^npqt di^, jQf)9f|^ ,pfy?filysée&j,ou .mai. emplo]rées ;
40*
950 PIILOSOPHIE
j» que la nature a donné touA ce qa'ii faut pour le bonhenr
».de tous» qu'elle est trop sage pour ëonner trop ou trop
» peu; de là nous tirons- cette - oonséquMce que dms
ji sofomes tous appelés à aeoomptir l'oeuvre non accomplie
» selon le grand et parfait plan dans U nature plijsique.
» Cette conviction nous pénètreide la- dignité des êtres hu-
i> main», et ' croyant que les droits du seie s'établiront
» quand le» «ooditions réellement humaines seront rem-
9 plies s acHis^ tftclioiis de développer ennous 4ùut Fhumain
» de nrOAre nature.
j» La femme ai été placée par les honymes, ou trop bas
» ou trop bat>t* Jamais on n'a pensé ponr «Aie aussi au saint
D cri d'égalité I <le frattimité et de liberté. Que les bommes
» nou» pvOQurent l'égalité ^Tant le loi,.qm^ife nous res-
i>..peetenl comme leurs semblables; ^qi^'tlsî s'habituent à
D .voir en noo^ des ètnes soumis à'-rerreupcomme etn,
». mais appelés ^sommei eax à' se perfeotioiimer ; ft rendre
» meilleur tout ee q«- les entouré; qu'ils icroieni à neutre
» ioteUigeoee et h nos droits d*6tre>» libres; iju-ils nous
» 4onn#iit>ia liberté de puiser «ut ftièfoefîf somtti^s qti'eiii
» pour développer desdispesitîons' que -la neturë départit
» sans distindion de sexe", qu'ils tflKîheut d^ètre afossi jus-
» tes< envers ^ous que eelle^', puisqu^it nyaqu'Mseul
» clmnib- de saluiv poqr noustous , %d<|i du traVail sériem
» i et d6 l'étude de lai nature. '' •' l'i \ il - ■
#. Je erois.le'sexe* ehose seoonéMre. LÂfemmfe^ dans
A.laqueUed'HUMAiHv 1a ^ule oboseitfdi boit néee^aîs^ ,
» est ieiplusidévieloppé^eist' aassila 'fennpe la^ plés- fémi-
» nine. Le rôle d'arbitres que qualque»éoHvaim veulent
» bienaoous atlnbuery ép^rtientoe'me semblé Qk M é^Aéxé
ji!ientî^re quiideTTaid: se regarder; oomwe l'ihstitiitKee ^es-
» pdBsablejdu^genie hdbuainl et/la dislrmutrice^llènliêur
» ;pOurrtûuaj.«. ' • - ' ■: ' -3 .'lo j 'i. •'" Ml r l> '.î . I iiii
. » .lèuiwles ûiistitations devraientMètte^'yét^Kiss de'ietfe
»<tn}MUèm]qi|ie ébaqûb mem^Nretiiui^ûirtélde'tAî^s^'bien
» .indûinMiielen>tiuuvaëkantau Menêbmmun;:!»* *!> ^ *s
Qu'^iatepiàitette^pa^e^ qiiiti :s;^pa^&e^'ré8biAé!
Nou8(^) VQlnmvoM ilq^ véûtabieeicMistiaiâdiB^loui Jëuti«r;
Leibnftl»iefts(mJéaMidmieldK> ressorti, i^ ^sttift^^totsftiiens
ou SIECLE. 951
et leurs études histodqpes^ JLessiog dans ee qu'il a dit
de plusé\e¥é 9ii£rles* révéUtioivs i: c'est simpk-et grand. Et
cependant gaDdons-^MMis de croire que wtce insti)tatrice soit
sans riv^dea. — Bn S^nëe ^ les déshérités poèsèdent des
établisMHieffiLta modèlesi'A BrèEief il eidste^pour les de-
moiselles ua collège supérieur^ âaBB lequel kf»' cours ^ au
Jaitinprès^t au grec^ aont les mêmes que> cens des
jeAwes élèifes de Tautiteseixe. Ces cours dotant ' dinq an-
imées t et la direotrioe de réoole de BréflDen'estJ étrangère à
aucune des grandes études de Thistoire et d^ la pbilosophte
mpdeme.Pour oUe^ l'mseigoeKient n'est pas utie profes-
sion (lictée par le besoin, imais ia ooméqUeiiee ides plus
nobles pasaio«is^ de Yhumain eu i elle si développé. <
£n Anglelterxe, il y a< diverses grandes et généreuses ins*
tituiions « et . Londres - possède un < ^eùtlége * 4fe itnmwitles
qiv est &ai»s a-ixjFaldans le poyauHie britannique; nous rap-
pellerions y^lwtiers , nous aùtres' Français, une ^ole nor*
snale d'institutrices. La femoie si énmieDte-en' sa: philo^o-
pbigue générosité «qui. a (établi 'à ses frlés celte grande
création dsw laquelle ies^ eoors; sont ' i6dts i]^ar les frfus
bf billes professeiMTS , > a complété - son titavre* \tÉL achetant et
]B^phlaat une iHaiaon ikoor- h^ jeunes- per90Kine& qui vou-
«Ji^aiept suivre/les boiirs de,aonf.ieollégr,'etqai nront pas
lussezde ibftun^ ipûur payieriies ipeqsioils^ al > chère» de
Londres. Elles y vivent à frais coœmuiks^l cetaoïine] de ^ais
étudiaoAs. àtà \ \Mg^Br4^ \ eoffiQma dncoise ^de ^nos jeurfe aer-
tai^s étudiants* d'irttema^e etties efearecsidtfiBaaseiBNita^
g^e.^ etteil sont, placée» isouadaidireotioaid^utieaiciaiè i&ussi
r^pectabfe^ que. diattdgu^; • ;>
(. ...,»!
A^ Ëtvts^llnis^ oemouifemeiitiédijeaftènrJqtti^âoit'tvans^
foigqaerlaioivilisiatifWsiettpftr'Snîtiê la Ketératuiei^ a pénétré
c|an^i<t€mt0& leditflaâsé^.^A) bovellii^ untAmérioain de' ce
nom a créé des maisous pour les iilles des paavidst <di9[ à
40(l^e.'imltaie«nfes<penionnesi7 sonliocbaiiëesiasiridikrerBes
f^iî<Mitiomfqu(et^le.ootoiiaeo«ii|^ DqHtda togpntiebnsides
espèces de oaseiinesndirîgée^ aveiïicÉlie4Bmemilé)iéotoinée,
parTd»3agQs.«afatrfaiet; bUqs jrfarcireUtpadEoia'deitq^dtiin,
soutvent iQ(m<Mttte»ipjaFil«brs'iim qiliMKieno0Dt tipisiou
quatre, akistplss taifd le» feireÉdraiiLaor^tra^il^etar)^*
953 philosophib
cure l'enstema et une dot qui yatie g^oéniemeni eatre
1,000 et l^fiOOfnanos. Le soît, a)yràs li joittriié^vde^GQaFs
d'histoire^ de chimie , -de phyftit|»e t* de littérature/ senrent
k ûomfdéler leur éducation : dles arrmnt pures et elles
sortent de Lowell dignes d'ôtre les* épouses de eeux qui
les y ont amenéesL
Inutile d'ajouter que la liberté religieuaey est absdue
et que T Amérique a fait du catholicisme romain «^smi-
veat imoiérant en Europe, Tuae des noBii>reu6es varièlës
de ses. diverses seetes. La providenee a voulu récoraponaar
Lowell pour le bien quHl a fait à son pays : de sa raceeont
sortis Tun des poètes émiaents dei la^NouveHe-'AngletCfR^
et une femme qui est à cette faeuro l-un des éertrains apo-
litiques de rUnion, Ses publications sUr le» Hongrois 4mi
dé{MSté toutes les finesses idela cakomiyie^eutriohieiiiie,
et sa poésie a su reproduire*, <m sa kngue^ :1a poésie^
Maghiars. ...'.•■..,..'..
Lee collèges des deux sexes de l'Amérique aontj silrlottt
remarquables par l'esprit d'indépendance H}oe l'<in inculque
à k jeunesse, et par la^ liberté réettedéht elle JQuit' dans
ses- pensionnats. Les: punitions, plu^sévère» peut^Atr^ qu^en
France, y. «ont beaucoup plu» 9a11?s.':LfBspl)it<geraa«lIÎeo-
amériBain ou protestant -veat -que chaque: lindifôihi «vire,
en usafit de< son inteUigenee et. de ses faïuthés' AnnitfMei ,
k se tiaoer sa ligne de conduite^ t-^>Le omfesseuricathi»-
lique penl être lè^asidéré eonui^e «a • tiitewr pùue de jeones
plantes délio^teBi L'Aménque rejettoi absolument ce molieta :
elle veut pour tous, gainons «t Mes,: le grand* air et la
liberté, de telle sorte ^que chaque être -puisse dévelopiper
ses tendances:. ' .• ■ w • .-.■-i ../. .
L'Amérique a aou'vent raison v paffoii aubsî'elle'eiagàfe
peut*-éb»i L'étuée de la secte dès (baltes* QiS'CfaréttenS:,
qui vienAent: de fonder le- eoUége«l'Aqtiociies- Mia^ faire
comprendcst la tendaticedes idées. d'outre^noièruiNatfatoDr
fidèle , nous.aUnnfi exposer les^faitsi^ san»iétoga(iii^à»e ;
plus taid, -à l'artide édudatiùn 4 •viendront) dcû^cCDcIiKÎoie^
que nolis ewy)ions« les plusr p^yaiologiqliesitëCi'lesi^usf »ra-
tionneUesi. i**\» 'v •*< •:•. ^•■••m.. ..li .■■ m i/ •
hegert William ftsainistreipretesIflEOt à SakHn^ ^professait
DD MËCIiB. 955
qu€ le magisirai téptior pour dumr de dMmmrAgait froUe^
Him à limiet k^iMe^ ei€iiHWM$. L'intolétanee» des «etnps
)e força de quitter-la pairtie de rAmériqd« toglaise qufl
habitait : il fut banni el se retiita à Rhode-Island , où îl
fonda une colonie deirenne depuis Vun djefe fitats- unis.
Toute religion, disait*il, peut être vraie-ociàiuase, et alors
tant mieu ou tant pis pour cette religion ç< mais eii eeta le
pouvoir civil n'a rien à revoir. Ce principe. devint!, dès
1634,/ c'est-à-dire' quanante^sept ans avant rétablissement
«dePenn, la baseduneeonstitution civile*
Boger WiUiain était baptiste. Cette secle qui gramdit
tous les joiiors^ admet deux saorementS', le^baptèioe et
l'ejULeharistie; mais sous son nom ^ on ti!«)uve>de&<baptistes
r^Iiers, des baptistes à s\% priaeipefiv des baptistes qui
oélèbivent lesasoediaci lieu du dimanohe, dess baptistes qui
r^ttent lei dogœeide k g^ee^doisaiot Augustin-et croient,
avec Pélasge, au libre arbitre; des baptistes cambellistes ,
4eQ baptisies^jebréti^ns, des baptisteâ anità-HfKiohistes; Les
réguliers sont xles calvinistes rigides;^' vùennetit de s'im-
planter près de Hurlais^, en Basse^Br^tagne^ où ils ont
fait, parmi les kimry. d^ œCte opQtrief:«d!imp0rtantes
conv'^vsions.. Ii^e-gnlnd poète ilatioual du pa}i)s<est ^lort dans
leur communion.' lis. ne sont ipointi.d'aeoovd avee^lea 'bap-
tistes péUsgieiBB». Û^^a employé 0Qaiiltre>euRv pièsJlIoriaix ,
niais inutftiaineBt , la conspiration» du silence. Les^ijdptistes
^^tiens oni n)aftnlmaQt-<|QJii2e eeiit^ églises dans je- seul
Ëlatdfi rohio; il6>n'onl^ fMiinl.ée cttfdd on 'profession de
foij: illèiirieatmftme défesdaid'enfaivBi^ carils^Aé veulent
lentraiFer en ^aoeupe façon la' liberté d!eiam^i. Ils méfnt la
grâce telle qu'Augustin l'a expliquée, la trânité ide ëaint
Attianase el le^^doggcnei du' périiévosigcnaL-^ lia /n'ont
poinli d'évèques codpiiie^. Ids aor^ioansu -^Ajussî .leur^ églises
ne î sont -.cdlfes \ psR c^piçebpalefl , rinaisi sito|Aawen« - oon-
gvéfgalionneUes^ h^' Chaque -égliseMlnàpliite -ou* idb^lte'<nne
(oaff< <ilBt.se .oMsdièi'enAiicDmÉQe ^ks/xhniljBeinsi'pflr etcel-
4eQaei)v<ia:)S&n'QMèi1ail apéciak >il:ln'y'ia)^>d(églî&Qiè é^e
anciin6iiiéiiaD6hi£r&iQiil'égli6ex(ip66àâp i»l rainifiitte <^il« virèohe
le dimanche; mais, autre ce prône, U$ chrétiens 'ënt^àes
e<»ifàreiirces..d«fnt. fesqnrile&^iuiafiQniiast. afçblj/ài ftatler,
954 PHOO&OBfitB
homme ou femme , sans exoej^on de eexe, s'il « quelque
chose de boa et de tmoraUsaat à. dire à J'«$aermUie«r Ainsi
se développe, l'habitude d!aMlj^er iesidoolrineâ et de, les
exposer de vii^e voix : de là lea frwd$ i>ra(ear» de.oetle
secte, le tour.sÎDgulièreaieat subtil e4 ^dpoit de .teqr.arga-
mentatioo ; de là^ussi le graad.|iombre:deieQUiiesorai9UiB
que produit cette société.. ,. : , ^ ...
tes églises voisines s'assemblent dieiut. ou Uç^ fpis Tae
par déléguée ; maisices réunions n'oni iwfiu&e «autorité. Les
églises particulièpes .ont. seulies le. < droit qe,i^jeter m frère
de letir .sein^d^ T^xcomiauDiar* ^Ce dn^t > a'apparCieiH
pas aux prétires. Qu ministres ;> il Ae peut. êtfte^.eiLeODé iBpe
ar l'assemblée ^i?: frères»; De.- temps,. à^MAre, îoni.atuasi
eu, pfr.dé)jég\iéB,'d!^,a^emi>lées.if;éoéi^eft. .Goiame les
assemblées, iooalçs^ elles se borpontiii'disaatDr v «M«s eHes
coutjciby^l., .par.ioesrdisjC^oajS', ii dévelQ]^péi>,ieiie8;tajK
l'esprit dîexapaea.Qt U titleptde 1^ ip^iole^ : ; i . .
Où s>ffiiad .uPvfrwe., 0'eQtrnàHJj[re.mA:ebriétieB{vil y»4.{i?ne
église cpi^st^ituée^ Jqus Jes> frênes f^saMiei^ptîdW deiSe»^«
soat prêtres 4¥ j'|(>Mit-'Puissa«U./4'iiNrès<aetg^g<i(.dpiiSi«^
Jean (Apoe*ljfp^fii ch.Jf%;VK.6f)>;î. --^ «î-'.a i ^.' ' :.•» *
« Jésu^r^Çhi^is^ ^kTé^nûS péchés,d4nç)»mr!Sflii&teit nous
a eoi^^tii^ft . J^» msf etvles .prètr»» dei Dia^M a,,.\^u.\ . i . .
Cq pit9sag^,i^sio«4tre|m^titr«^uit |d§ns<lef Bittes^ leMiio-
liques ;il,,w^a!A^<^ re^te^. ^^yeç L^iiMfr^tAtiionfih^ptÀste.,
cette drpj^^uHce^i^épul^Uofwei qm«^«^haw9aie4àt-4e^
venirs;..poMri,}luirmê#ie|iison.iîH»^4.et >$oi>..f!«f Qejièt.vne
liberté ahsç^u^'.icJt^ez^ les b%ptist6fiî,.^triun! s^ liepi,€âa|tie
eux ,tojis ,1 c^u^ liie la jphar^té ,' .0mimménmni\ à, ce ijiwapte
de i%MÛff}fi/.u^^XH m^m^imppffikiiin çomm^i^-mHfw :
eoil^lq l(^ietu(pfvpf0pUtf^ii»^Mm «ft^iîLlerttpft* iwiawiîdit
ceu^à sflçtqf;/<?^rif^fvî4 qW1ïdelrelldF0)le%îég)w»I>Jibf!es.ti^^
à-vis d(^ lïtaj >.4lijÉautaH^iireiwdjre.l#ifet»iaesiU^^
viS; 4e^ Mu^m^^i mi'Vf^é^mmiiîh^ijA^^^'i^iMii^lmlhm
doï»eslïiq*^fi^,lit)fl€^)rViSTàfrl»is,.4ô$«ît>b©fe ^ .ftwhîHe ruiwiçyy
par;vient,.p4r Je t)§pt$D9e..iI«pofsibtev>i^aiiSjito Imiftêm).^
d'ètreT^ecu^daj^(ir'^liw^»ba|)4ist0.]|(>r^ ll>to)f «epsu^ijjf^^a
deuxchose^^^.^^oosijl^er.Mrâ» >c« s»prQne0$j: , ^Imnnr-H
B0 SIÈCLE. 966
rhonniteté. L'initiation , ^difient^ils , ne se donne pas : ce
qui ipevient V pofir nous , à la comidérer comme le résultat
de^pfîéâfepositiotis infiées associées aat influences de Tédu-
Cation. De là cette conséquence : le père peut' faire de son
fil» «n bon «toyen , BOals il n'a pas le^roit de le procréer-
au' point de- vue religietii:; Baptiser \es enfanté; c'est enga-
ger religieusement leur avenir , c'est les faire , saris leur
tfteu; Ae«ïbk*es d'uive ^églisei *-*^ AAiflimstré senletnent à
ceux des ad«lles (fafi le^ réclament en^coifinaissànceilê éause
ei qui le mér itent> par l^hônnéteté dé \&ér vie , -le' baptême
âtrriëiit le sacreiâentib tëlibmê. ^-^ Leiii'tnariiète de pra-
tiquer le -baptême est omforme à Ifir manière dont ifs inter-
prètent et trtfdwiisJènt'les Ewiturefe^ niais ilfe M'attachent
«demi efflc&toîtéMT^titpie'^ ce sacremehtc ils/eob^dèrënt les
eérénrofyies qui le éonsact^ut <éomme' des' fâ§tS'syY]t>b6liqnes
qfoi patient aox'yéu'x et ^ sellent *«prêfeher te -d^ôtrine re-
ligieuse de ridéal dcrttt 'ils 'sonft pénétrés-. Çetfidé'al, le
baptisé ne le ttx)uVan«pa^4<ans>It^ monde i}i«f fâi;'étoir s'atta-
cher ^ le cfcetHjher dàiw-un moridewottuAiti'et à tenir.' Peu
à^'peu, d^'éioquemmÊW^rMt; dotit nmj/si^^faisèh^ que
traduire tant bien que m^Ma' pensée; Id^dÀtlë^^fait en
8oni^enténden)entç«l'àpsfrè*du jour'^btllte en 'sÂw ciâèfar, et
alors le baptisé emet]ld<k)mnie^dne'-YOir intérilenré qui dit :
« 'Somme du pdssév'j'W'^<5U*j«qTi^èf'\ce'jour fftatié' vie
qtil'tfavmt'rién^'de!" Dlefelb^'rteH --de- gt^rtâ^J^ate 'plongé
dans UftymondeidcftléÉètodS -potfr^^iii Uaiie'MdrMë cto)-
meiîçwit H f^ne»-" 'A betf<* vue j^ue^'ttira'' Vertu* ^ en
aei^nrj Je iim mort^pourjaiobtfisi. leîs>)BUsqu«'jérdôm^ènce
à' reïianre^enî»n«ieHtiottvetle. ëilstënèè ''^atf- itililièd' ^d'mi
monde MèHltftttr; meé'^ftspiralkAfê^ gvandâsent , i»îèë'bëkôins
Bpirif»6)s> âfOgiÉehCent et ëia^'p^Méëv^a'p^rçôit^dé^^ Pààrore
de' la^gtiàride joitfnéeî de Itbûiâàiniflâ; Afetisi je pouvais^ étpli-
qàe»^atï tleux»^mmâMbus^teeidocitë»,ytô^^^ les Souffrances
d«»ÉiÀniAtnê:ldvsj^éj'%r^s^^M>«oh»fieitl)' tc^tites?<4e^ itiquié-
ixAé» dei ^> ebâi*ï^'<«if te^^sort de kiit; de ftftrèfs ^ qî&î'Wnt
Hesittn: dîatorii, 'de ^iodîpri«tttef 'de^vÔfèra^eimUt-dtt^é^O
WW dltin dtiti!«>»>ôrdté'V^pW*^*Jô^*'^<ti<Éti *t ^lëfar^f'êëiiHt,
«oitibîen ^qui tie^d^aiélt -âifÈfai^iiQltëi^'ipôM^j^ilëài^'faire
956 p]tiL060Pnffi
au monde par le Cbrist f (3oiié«ur st crmi, ce divin réoo-
yateor 4e VhuiBaiiUé sentait ce qui est.dlt -d'une iécensi
touchante dans rhistobe delà pa«Htm^ dans %ê TeHIée sur
la montagne des -Oliviers, oofrabienily avait incompalîtH*
-lilé entre la vie sociale du vieux monde «t sa vie indivi-
diiella ! Nous ne pouvons esister ensenbl^ « disait-il « et il
me tue. Frères, ajouterai^je^ sathez bien pourquoi le fils
de Marie est morl à la vieille vie : il y a «ne. puiflMiiœ sur
oetle terre ^ et elle vient de Dieu, elle estprenride^UieUef
qui {era ressusciter tous ceux qm sauront mo«inr à notre
vieux monde , pour renaître à l'exemple do Cbrisl;. Aussi
sa croix a-t-elle remué le monde ; aussi 4|uel prédteateur,
en son éloquence , pourrait être eompavé à l'^oquosce de
ces deux morceaux dé bois qui font tressaillir, i'iiumonité
jusques dans ses entrailles , chaque itm qu'elle y réflétUt
La cretx ! voilà le plus grand éàSi révolvlionoaires 0t de6
réformateurs..... d i ,
Le rite du baptême « voilà dono, pour lea baptî$les.«)Nré'
tiens V' une fûrme de la prédieaticm de Hidéal.i ; c'est b
seule pcofession'de< iri qu^an ait le. «boit 4» demander i
un at>yant. ? ,• ,. .^:;
Nous aurioi»^ beaucoup à direisi.tous v«^ulMifs exami-
ner la communion^defr bap^stes* o^rétiensi oei3(laie«<ûQus.ve'
nons d'eianiiiier leur baptéiDei.V<»yonsrk6'œui9«e9fi'^ :^ .
Partoutilesbaptistesv dont le nombre! axigmente àmftm
jour aux-Ëiafts^Ums^ se >fDiit ffuHarquerr: par. leur lespnt
d'ofdre et de conduite, par .ces gra^eSi.quâlités. dierUî la
efaaffité la ploSi philosophiquei esH îanUfaducUoni. Iieufsera^
teni8 des/denx - sexes scmti 1arèfr«ombreux: o les psteni^^-, ils
ont demandé Téfat civil de lft^fefiSH&6.r Gh^z-.euft^^'ilest
usuelde voir desifiUes-raohesrépousevdeahomai^ipeuives,
eti, pMr terminer par un awi isitiÀla vaesneaftideîcréerle
cdlége d'Ajitiochei Le ($ loatobretiSSiv a; euiieuj.l'oHvacr
ture de cet établisseneipt .situé lài: Y:e^9Wj-SpriQ9iHCrfiBi]e>
Gomte^Ohio ; il est ,destiaéi à des élcrve&< H pntfessiNftiSi <to
deux sexes ;: an y adiaiet sndisÉini^mfentid^lâtiadïw^ide
toptes les. religions. Plus de'lffoi^ ofentoi élèves;^ jennbsbai»^
mes «t- jèiHiesi demmsdles v< s V troamient^véuim le^îeur de
l'inanguMAioii; M. manviAS^attiÀ* efiititfiiftoi:€ej[;ief«tésa8'
B0 8IÉCLS. 9ft7
tant du oo&grès fcit chcnsi pour présiéent. Parmi les pro-
iésseiirs, on cite missR. M. Pennel^ chargée.de renseigne-
ment de rtiîetoire natoreUe ; elle^s'ooeupe aussi .avée iident
de dessin , de géographie physique et d'histoôpe etvilei
Cette tendance qui entraîne les Amérioains demande une
éducation unitaire et positive poisr les deux senes qui ne
ressemble en rien à i'édoration de la- vieille Europe , <si peu
scientifique dans beaucoup de collèges et si rédake presque
partout pour les femmes. On Taecuse' de détruire les sen-
timents élevés , le cheraleresqne de i'Ame, Tidéal dae gran-
des natures : c'est une erreur. La dMrité aïOQérioaine pour-
rait rougir de faire danser les TÎches .en des* h^ brilknts,
pour assurer le pain des pauvres v unie elle répond toujours
à l'appel qui lui est adressé., quand il >s'«git d'une lasuvre
réellement utile. BernÉàrement 4e pasteur ^Beikm's y qui
aj^artient à une communion protestante différente de
celle des baptistes chrétiens, revenait d'Antioehe : il- était
émerveillé des efforts de cette institutîoQ efl'fot plein d'élo-
quence en chaire en les racoolaot.'Â savoîx^ une souscrip-
lion 8*ouvrit instantanément el piM>duîsilSO!miMe''vfoancsen
un quart-d'heure. Deux autres églises suivirent^ aussitôt
cet' exemple, et ee chiffre s'éleva rapidem^at ik 136>ii(ille
francs. New^Yorck va leporte^^à un demi«*miUian;> Ainsi se
préparent, sens rdnOuenoe de mceupa iiouveiles^ ^ksrcolléges
neuviéaux et ides hodimes nodin&aux ^ pour un avenir dbnt
la littérature ne saurait être eD>rien-cQll!e'dar*pa^â:>
L'Italie, TEspagnev la France etl'fiukiope otientaleraont
lom, bien loin de pareilles institutîonsij Certa^i» kkFraiiee
possède dea collèges dniviersitaiiBS et non-f œiiverbilaires
dans< lesquels l'instruction lest £drtè7 mais ils ontiuil^ tout
aulve caractère.' Les'coHéges frailçais^ fondés par soutcr^H
iloU', appariieanent pnesque totis àdesjésuiteavLeidétvoue-
menl religieux et politique ifui'a présidée. lettc étabUsse-
ment a pu ètte très-i grand ;iixiaisijquoKnfr ion. m'y rapproche
les deux sexes» Pour lé faire sans danger^ il^ f^ acoaoder
à la jeune fille' et^à lAifemasetoette'lifcertéjiidiTidiueHe, -cet
usage de^sa raisoii que' le jéeaitiëme hài .Ee|use< en liii^po-
sant eesiormules'et«en'Ae'lm permëttantvpa&da.ifsifliseu-
ter. De là, 'dan»ini)(tir& oplnionvW8'^éfi(^i^^>^<w&<ûre.
958 PHILOfiûPBIB
Le jésuitisme commet une autrQ feute qui a produit et pro-
duira les. plus déplorables résultats: eu continuant les
études purement littéraires et en les. abaissant, pour ie
prix, à la portée d*un très-grand nombre, il Cait oBuvrede
charité ardente, mais mal entendue; il déclasse une {ouïe
d'individus qui se croient.bien à tort très-SMpérieursàoas
laboureurs et à nos ouvriers» que leur aristocratie intel-
lectueUe. dédaigne ; il m fait des rérolutionnaires de la
pire espèce , des bouleverseurs qui veulent détruire , noa
pour supprimer les- abus, mais par esprit île fénéantide.
Nous paraissons peut-être nien loin de Tétude de la
littérature,* et. i^pendaiit nous sommes au cœur de cettt
grande question. —.Les cités industrielles, agricoles et
commerciales ne seront pas seiulement une transition de ce
qui est y-$rs ce qui doit être; elles s*élèveront en richesa,
en se peuplant de gens aisés ;< et alors elles deviendront par
elles-mêipes, par leurs i^ouns et Leurs jardins, par le pitto-
resque d^lôurs,po$ili,oos, par leurs peintures^ leurs sculptu-
res et leurs ornements. Tune des formes dç k littérature
de la fin du siècle. Une industrie chaque jour "plus sa-
vante et chaque jour plus audacieuse réalisera , pour ceui
qui naissent , les rêves de notre imagination. Les œuvres
plus spécialement littéraires devanceront les autres. Déjà
au siècle dernier, la^fVail^', ^ipAyd'4i'ardeute et philoso-
phique catholicité, a publié une encyclopédie, bible aux
nombreux volumes, uniquement destinée aux privilégiés
de la fprpine, PftpuiS: lors, bi^ d' wtre^ Wt parA^, p^mi les-
quelles ,il fa^ut citer. entre .toutes' l>pçyclppedie poûv/BDe de
Jea« Bep^yd etf ierre (-«troui;., \QtComo9 ik PeBumbpkL, k
Pro[c^$tfm de foi du Sièfile de Pelletan ; oe$ œiivres, si remar-
quables. qu'fiUesspieiit, ne, sont encore ,qae dçs prçsçehti-
mentSfde divers pntjbRes, La litté^ratune detiptrej^rè flem^ùdo
ayapt tout^upejbiible destinée à toi^, mêtne aui^plus d^hé-
rites, ,upe lecture j^iï; .ei:ceiU^pçe ou ,Cpfan,.^yi çoit^ ai^ point
de vue , philppopbiquç et historique ,, rjHwde. 9t. TQdjFssée
d^ grands faits dé Jan^tijitiç.et d^. rîjfim^ité. .^AT^^its et
artiiit^.,. pp^iipi|av,f|t feiwme^,- r^man^tj^ tpii,t eniiàre,. par
des rçipr^^^tftnia (Ji'prdTe^ div;e.îf^ „' 4pyr^.fiôppé^ ^\çe tra-
vail, qui .sera polj^glpllte. en attendant une; langue univer-
IW SfÈGLB. 9â9
selle. — Calculée avec savoir, disposée avec méthode,
placée, par son bas prix, h la portée de toutes les écoles,
illustrée avec là plus rafre élégance, enrichie de cartes et
de dessins précieux , cette œuvre si émiriemment reli-
gieuse ' confondra en uti la science, la philosophie, les
beâux-arts et ce que nons appelons la littérature. Riche de
poésie, elle sera cependant écrite sous TinBuénce de cette
pensée :1a science c est le salut". Pillé du christianistee, elle
aura pour devise : > . <
<r Aux plus déshéritée le plus d'amour. »
Tel sera le premier grand acte de la littérature nouvelle,
pour lequel les grandshomtnès dès XVI*, XVlPèt ÎVIll* sïè-
-cTes n*ont été que dès préparateurs: Nous rauhon^ons, nous
Tattendons, et le XIX* siède verra paraître ses premières
éditions. Viendront ensuite tes régletnents, les chroniques,
les^ légendes de la riouvèlle' littérature. Fidèle à la loi de
l'histoire ,' elle voudra se racoifter à elle-même, au sëin de
fêtés grandioses auxqudles dtés mîffiohs 'de créatures hu-
maines pourront assister. ' ' • ' . • i » i -
• . ■ .. «). .• ' • ■ • ' ,-..,•.' M., . •• , ,■•' .. . .1. i.,
* ' ' « I' • • », > ■« ' [i"' «r ' 'i .-;, I !.. »| '.:,'..'
,^..<^^.,. -M,. J)K/L'fiRU,CAÏlQW4i .=•...> •
• . . • • • I î - : • . • . > ' • ■ > ■ • ' .,.'11-*; { , ' I . ' . i • I . .
■.•■•'il-; / :». . '1 ' ! -.'i, •;', ;.'.i:j».' a.< ,'-"♦•""■' •/ / i» • :< ■ •
' Lë'tùohde serd-1-iî iôtijouîrs le théAttièid*tnë'ltittfe 'vio-
lente ^nfre l'indlvïdualîsmê etleebmtfiunlstfrè-, entré les
tenidàncdS Ûéioxi^ 'et dfr dhacrff/7 %i ^àit [dès èsptits lést-elte
irnpbssible , et qiièllé édilèMîoA'cbnvrenlHl de dbïîtfér aux
hottiWîéS'pour lé^pr'éparefr a ùnè'tiniv^i^slfllè *fusiôn?*
* ' Ke cdtxfbiidohs' pèis ' Véducation ' Vétîrable ' atètî Wifttruc-
tioft,' fiH'mérrte'âVeb réaricârtioh' des jèfùriefe 'anriées.' Telle
que rions la côràfirènônfevTéaUd,aWoti'dbï< pfèwdiré^l'homme
èuliercéatipôur'ndle qtiltte^dh'à la' tÉlôrt. Lé perfection-
nefment de rétre'hbiiiath 'tôilàr sôh'but; Ce' perfectionne-
ment'doit' porter iiit le'tibyiiqtié';'l*îft'te?Bect é^ le moi^", il
doit hWélîôrèf mdthtoe cormtoè* individu ,; fonction «u corps
social ; dfe là cettë'nècèsàilé (jpiëlacôriiiQitnfie y pretone part,
060 PHlLOfiOI'HTB
afin de tai enlever ce caractère trop indindualiste qn*elle
pourrait 'présenter.
Lies tMiptietes chrétiens sont nne forme la plus avancée
de toutes de rindividualisme germano-américain , c'est-à-
dire du protestantisme. La philosophie socialiste française
avBO ses nombreuses sectes , les unes chrétiennes ti même
romaines, les autres saint-simoniennes ou de tout autre
nom , et souvent trop communistes , soit au point de vne
d'un oommunisme gouvernemental , soit au point de vue
opposé : voilé les deux extrêmes qu'il' s'agit de ConcilîtMr
pour 'domier la paix au monde. — L'éducation sera !e
moyen; rmriversel bonheur sera* le* tmt.
Puissiofis^ous ttouver dans totis nés lecteurs , quelle
que «oit leur opihion ; la tolérance sans laqùeHe les
meittem^s raisons seraient sans résultat. H ne s'agit ni
d'eux, ni de notre îndiflduttîtté personnelle, si miséirable
ei> présence ées immenses questions que la physiologie va
esMyer de résoudre*. — Nous potirroni, 'nous devrons être
souvent dans le' vrai : que ce vrAi soit mis fc part. Quant à
nos errevns , qu^eHes soient âtt phrs vite corrigées, voilà
notre vœu.
Je nie Sftifr Boutent demandé pburquoî' lès ïéféhnaitctrrs
n'avaient pas commencé par le commencement , et com-
ment* ils -avale<*t'èili'idéfe^' en France p Air eieitiplè, 'de
créer une cotnmune civile aussi peu àommufialè en toutes les
instltutïorià qtti la 'conbernwitl — Kien aujoufrd'huî de 0113
mei<]|uififièheKWM8"Stfrï?out, que ée ^i'sé paisse \ là côm-
muflei, klâiïMisàtttiêed'iiniinfanti'Le léédécitt'éfcnt uucer-
tifkat'Oonoewiam\dette 'naissance ^, ttïUnî de ce ceHificat, h
pèi^ sie'ppése&tefltb bureau ael'ôtat'^HVil -'accoifitïagné^ 'de
ded* témoJn^ii' ^résétfte' l^ènfant, «It'éa' dédAfattarf àd*èi-
regirtm'retoplèyéidela'taaii^ie ët'tbàt éStdh: '• ' . ' '
âeipèttdaot ëiila^^Kymmune dbit'étref tiWjôirf mièfpei^cMne
collective , vivant d'une vie réelle', nfmipOrte^t-iïiWte qu'elle
témcûgne de sa peine ou de sa joie^ seloa les 'évétoemûats
divers qui intéressent les membres qui la ^oœp09e)n4?îOh!
que nous comprenons, lout «utremeat >k vie^^ommuiale . et
l'éducation qui en doit être la conséquence*
Nous- soaunes dans la maison coKQinunale».iel on y «p*
porte , au jour de l'enregistcejpent des naifisaneee,! ^ plus
jeunes des enfants. Les mères , les pères ^ les parrains et
marraines, les, amis. et les assistants s -avan^Qm' vie maioe^ «
do son côté , fait un pas ivers les jeunes êtr^qui'on>bii pré-»
sente : Enfants, leur dit-il en s'adres^ant k tous dan^ leur
Sersonne, soyez les bienvenu^ Au ..nom ; dei TliiutiQanité
ont vous faites maîa tenant partie^ au nom de \a patrie^
de la commune et des familles dans lesquelles vous>ête& en-
trés , je vous confie à ce^e assemblée, H vous promets , en
son nom , les moyens de développ^sr vos facultés pbj^siqiies,
intellectuelles et morales, c'est-àrdûre la vraie liberté.. —
Vos membres si délicats, vos inielUgenees débites^ troujve-
ronl tout d'abord Tappui nécessairaii oe. développement;
voii^ recevrez. une éducs^xon voeiUiwneliêBi (^asimniMe
en rapport ^vec vos facultés physiques,. amec. les be^as de
vos cœurs et les tendances de vos esprits. .->-.
Vous tous ici présents, vous surtout parrains et marrai-
nes , vous promettez à la société d'être au besoin une
grande famille pour x;esenfan]ls^fd',^£;suy;^^4eup^armes, de
consoler leurs chagrins, dé les élever pour vivre au sem
d'une société réellement fraternelle , de leur prêcher le tra-
vail, ce|tfe source d'honneur etde.veptu, dei<leufr(^ donner
Pexeroçle. / •• . ., ..,' •,?. , w.i »- m^./.-
Aussitôt les parrains^ les marraines jet tous^^es^ssista^ts
prononcent la promesse. dem^nd^e-. ... .•...-.«;: .^; j
Au nom de la société , oette p^ite provid^Q^ duglobe,
reprend lechef delà commune,, j'aBe^e>(^Sten£$iiVsiiJBt il
donne à chacun d'eux les^nç^s qu'ils ipocte^tid^jiit dajBiSpia
famille, et qu'Us deyropf ho(H)rer<up^wr>pwIear oondiûle
deivant leurs coni^itQyens,; puis il \^m\w M i^iiftéù^Ofm ^ar
qi^ques paroles^alTeptueu^esret p^pétra^test.^^n&lesqueUt»,
en énobçant lestpo^s e^t.préuQfus 4esi epfaiù^iiil. fapp^e
les titres au $OMY.eFWde&faQmi»es.dQ.peMXrqij» ks.Mtugl^-
rieuseœent.portésdan^W v4e., r ,,, . .. i .j.,..
96S PHII.OSOPVIB
Prenons biea gardo que. le make, qm le chef d'tioe
commuoe doit être un faomme de . boa eoeur ; il n'aura be-
soin pouf i^nsacansr la venue des eafaots^ea ce moodasi
du chêne druidique , nidAi^ tefuple de k^Grèce cuée Borne,
ni dçs gothiques ogives de htealhédnale; œsefaaubescHii
à la on d'un banquet oojQjnunal ^ et «oênae à oertaîoes ipy-
ques deTapnée vBOus le dôme molkmWLiê^é de la fer-
dure de nos arbres, qu'il raitaebera les preouersi B?èiie-
ments de la. vie» les pEemiecsaouvemrs ctes jeunes âties
aux Ueuii où ils ont reça TexistenoeL hâ poéw des Jouve-
nirs et la rejyigion des ioipiressionsdu premier Age- seroot
ainsi préparés à Tenfant comme UM>, nountture^^ ibteltee-
tuelle et morale pour les années qui viendront ensuite.
Peut-être , 6 lecteur ! n'as-tu pas compris la valeur de
cette réunion qui pourra se renouveler plusieurs fois Tan-
née. Eu voici llespltoatiop^i • . f' ùi . .
Dans les sociétés anciennes de l'Inde» de TArie» de U
Judée » la consécration de la naissance était individuelle.
Chez. les chi^Uens de$.|iv6iQieF$.&ge^^. te lMi(>(6n&'ae s'a-
dressait irn^me. qu'aux adultes q^. et sanetifirà' rentrée da
baptisé dans le moiMle >de lé$w. DanSilajSQciéâérqui /aura
pour base la. Qpmmuue;, c'^t^à-cbre-i^ne'assoeîialion de fa-
milles, et ponr^ncyeadébie^-éti^kâ iQ&cbiQ«>6« k».ageBis
scientiiiqu«5&» le travail; i^isien-lwiMiur.set fiitMiiêfi^ le
travail devenu glorieux ^ souvent Qid«ae pleiaid'&ttraits , la
réuniqnou fête des,neipeau^&«oe secai^piis «a^'MgagemeDt
mystique coqtrtaaé vJ^Tà-fvi^^'ui^ ÎAcUividu lloléi mais Japro*
messB sol^nn^yde i^.iDQK^e ii^uveaiiii adresaéeipar fetJMre
aux eoXantsti4w^«lâppersQipe Ni^leiui*s.paiYaiiiflrelim»aioes,
de l^urspafeqtgi» 4^.1eur»iaiiw- l>'lRde, dimttiiûi^3om«Ks
Iesei3fant34 ét^§sjiit>up[^.$^W]4ediff Ui«s>[de la
naissance i^pur 1^ fijî^^i gu'veUeri^iiionfiidéraiiipoiitf
faisant partie d^ la aociéljérbiiiataiiie. Ici , pas^iâ 4ifféitBoe,
rieo qui «(^sapi^eéeit ind^iduaUso^ ûiMrécoiaaé^M^ b
lok de KanquvSSMTilesbqrdei.dutaoï^ti ets-paripiiisieitrs
autre&dçs i^ioiis> antiques. iiafC^ré90m^>i^teilfha«te ^
laqq^le çkhis .assistons ,a ^ au fioptreicei, :j9^^> bnlKtoifun;
comprençlc^ et À'j^bUiria} sûUdarijL^.oeiimiwi^i ret iifiUûdes
différents ⩾ elle «douoit. dès le^.pramîteiBS^joiwdela
• BU 8IÈ0U. 963
vie, ces lignes de déixmreHtion si jyeo aimées et si impo-
pulaires.^ qui slappeHent titres, positions, richesses; elle
sanctifia la liberté vr^ie, ^Ue Appelle totis le^ bottâmes an
banqiifet de la vie enleur demandant le trtt>ut de leurs ef-
forts pour le bien-ôtre général, en leur ' prooiettant en
édianf^ selon letirs besoins justifiés par* leur travail. —
Philosophes, naturalistes , artistes , et vous fetnmes, vortà
le premier acte public d'une éducation physiologique ; il
voua montre combien laiamiHe éft la eotrymune doivent être
étreilement unies^ Etudiev-le, méditez à son occasion, et
sachez comprencUre itoutes les- riehësses d'avetti^ que ce
genne' devra développer j: ■ • *. - ' » - i^
DB l'éducation DB8 EIVFAIffrS > 9(0tf VEâUX VÈS.
Tandis ^é iké femmes du rûotée se ^ébafrassent de
leurs enfwtè ^ous prétîeife qu'elles soM' délicates de ct^ns-
titulîoDs mak lrplus<soavenK par mollesse- oU pour ne se
défèniier n)ileS'iM)iii8v ni la taille; les' femmés^es classes
inttncRifeé £i^en> débsrrasseilt attSA pàtdfflBcUlléf, souvent
par inMtfsiftilité d0>le0 atlaiter el d^' travailler en même
temp^dans léut« at^liers'habituels; 47est ainsi qtie la for-
tuneiietla^'msètie'^doniient à' leurs tejeténs 'un soiH' presque
Gomuihi»V'Oelui<d'â(re ivowris par desiuercenelires ;'niais si
l'enfant-dU' fidie^ est élevé au sein*, fa^e n'obtient que
l'allaileMeAt 'anifleiel , le se«l quo ' les parents pmssent
psf^tj Cependant il existe une' immen^ dlffërence entre
rallaîtemcm naturels toutes tes inventions imaginées pour
y si]q)ptéiero dé là oeme én^mné ififortali«é^qtti ,'^utttout dans
no6>igrimdèsetiés;is'atflaqueiMa <enfetits^uvres. A Nantes,
vilfe mweMesousî cef rapport v on tro*fe «ne rtré èft, sur
seiw enl^nta;! dit miMMtidftnii ^k^'pt^iA'lèfre 'année ée ta
vie.'tMévteikffS scmt«n faihlÀ ^aliMir? eMss ^ont poùf but
de fssiiièdiarile^fdâsfoesiUto'ft ^ déploreiMerés/âf(kt,iQti(tfs
il s'enifanf debMtioMpqikieio^teriièlH^ blënftfsante
qu'elle "soîiâflns^tioli bof, tépomde àtai besdns' de notre
964 PHILOSOPHIB
société actuelle) : on aura beau faire , rien ne pourra sup-
pléer aux soins et au lait de la mère. C'est donc avant tout
à conserver aux enfants leurs mères nouVrices, dans la pre-
mière année de la vie, que doit s'attacher la société. Ce que
nous venons de dire s'applique aussi aux enfants trou-
vés : plus on fait d'effort» pour que les mères les élèvent
elles-mêmes f et plus le chiffre de leur mortalité dimi-
nue.
Si les habitations étaient plus rapprochées et mieux dis-
5 osées, elles entoureraient de grands espaces au milieu
esquels les locataires trouveraient une cour, un jardki et
une serre ou jardin couvert , communs à tous. Cette serre,
bien supérieure à nos crèches, serait dans les froids, dans
les grandes chaleurs, par la pluie et les vents violents, le
rendez-vous des nourrices. C'est là qu'elles pourraient fa-
ciliter le développement de leurs enfants par les mille exer-
cices qui sont de leur âge. Ce même groupement des habi-
tations, dicté par une architecture humanitaire, placerait
la salle de première enfance et les écoles de la seconde en-
fance sous les yeux des familles , à deux pas de leurs habi-
tations ; les ateliers de travail ne seraient pas plus éloi-
gnés : ainsi se mêleraient les soins et la surveillance de la
femille , les soins et la surveillance des maîtres choisis par
la commune qui devient et deviendra de plus en pfaos une
famille du second degré et la pierre angulaire d'un ordre
social véritable. Ce même groupement permettrait de rap-
S rocher et dopposer incessamment les deux sexes , ces
eux éléments de la polarité sociale , sans cependant éta-
blir au-delà d'un certain âge une confusion redoutable
pour les mœurs.
Considérés au point de vue purement animal, les petits
de l'homme sont moins inférieurs qu'on ne le pense habi-
tuellement : ils sont proportionnellement plus faibles ei pins
délicats, ils ont besoin plus longtemps des soins die la
mère , mais leur intelligence est susceptible de mille études
auxquelles on n'a point fait toute l'attentkHi désirable. Il
est possible par la vue , l'ouïe et le toucha, d'aviotew sin-
gulièrement leur éducation.
Quelques mois après l'allaitement terminé, coonaience
BU SIÈCLE. 965
une seconde phase qui, dans nos salles d'enfance, se pro-
longe jusqu'à la septième et même la huitième année.
Que doit devenir, à cette époque de la vie, l'éducation de
l'enfant ? Distinguerons-nous en lui Tange et la bête, à la
manière des spiritualistes exclusifs ? Dirons-nous, avec
d'autres philosophes, que toutes les attractions de notre
être sont également bonnes , également légitimes , puis-
qu'elles sont naturelles et qu'elles doivent être également
cultivées ? ou bien , reconnaissant que l'idéalité , la socia-
bilité et le philosophisme ou causalité sont nos facultés
cardinales, nos facultés réellement humaines, celles qui
noij» font homme d'animal que nous serions sans cela ;
donnerons-nous à ces facultés un développement spé-
cial tout en évolvant les autres, de manière à faire prédo-
miner notre caractéristique cérébrale, qu'il est dans l'ordre
providentiel de rendre aussi puissante que possible ? Poser
ainsi la question , c'est la résoudre. L'éducation de l'enfant
aura donc pour but, non-seulement de développer son
corps et d.'ouvrirson entendement aux perceptions de toutes
sortes, mais surtout de lui enseigner le devoir, c'est-à-dire
les lois de la nature , l'amour de l'humanité , les sources
des phénomènes , la poésie de tout ce qui est élevé, noble,
idéal, et les consé(^uences qui en résulteqt pour tous et
pour chacun en particulier.
Lecteur, il t'ennuie de lire ces lignes : tu as besoin ,
comme l'enfant , car tous nous ne sommes que de grands
enfants , du fait qui frappe l'esprit par les sens ; tu veux
quitter Talgèbre pour une application, les généralités pour
des actes , le vague pour des exemples sensibles ; tu crains
les phrases, les mots sonores, la métaphysique trompeuse,
et tu as raison. Viens , suis-moi , entrons ensemble dans
une salle de première enfance , et voyons comment seront
organisés les enseignements.
Une machine à compter, voilà pour l'arithmétique ; des
figures en bois, voilà pour la géométrie. Celle-ci, c'est un
triangle ; cette autre, un trapèze. Là, nous voyons un Ciarré
et des rectangles ; plus loin , un cercle , une ellipse et les
deux autres sections du cône. Ceci c'est un prisme; voici
des pyramides diverses, un cône à base circulaire, un cône
41
966 PHILOSOPEIB
à base elliptique et des cylisdres qui leur correspoodent.
Voici une sphère , un ellipsoïde , un paraboloïde et d'autres
solides de révolution. A huit ans, tous les enfants Goonaî-
Iront donc les focmes et les noms des principales lignes,
des principales surfaces , des principaux solides.
Nous avons dit ailleurs comment ils apprendront la chi-
mie (page 320), coibment ils seront familiarisés dès leurs
jeunes années avec ,les corps les plus élémentaires, les plus
usuels et leurs principales réaotious.
L'enseignement de 1^ obysique sera incessaïament mêlé
à celui de la chimie. La divisibilité, la porosité,. TéteDdue,
rimpénétrdbilité des corps, les principaux phénomènes de
la lumière, de la chaleur, de rélectricilé, seront roccasion
d'expértences que les sens des jeuues enfants saisiront avi-
dement fOxxT les reporter au cerveau.
N'oublions jamais , en éducation , que le cerveau est un
grand magasin , dont les cinq sens sont les cinq portes par
lesquelles il y faut faire entrer le plus possible de faits.
c'est-à-dire de provisions intellectuelles, pour ce Tojage
qui s'appelle la vie. .
L'enseignement de la géographie sera fait d'abord par
grandes -masses; il comprend la géographie delà commune,
de la province, de la patrie, et celle des principaux centres
d'évolutions organiques, de manière à rattacher les unes
aux autres les connaissances des enfants, de manière aussi
è rattacher à chaque centre important les traditions scien-
tifiques de son passé. — Des paysages, deç peintures re-
présentant les naturels et les animaux indigènes de chaque
pays , complèjtent cette partie des objets offerts à i étude
ou plutôt à la mémoire de la première enfance, ayec mille
enseignements de morale , accessoires et subordonnés en
apparence, mais non en réalité.
La musique et le chant seront encore plus cultivés que
dans nos salles d'asile actuelles.
L'histoire sera faite de manière à présenter à Tespril
Tordre de filiation des civilisations et les progrès des faits
les plus saillants de morale, de science, d'agriculture, de
commerce, d'industrie minière ou manufacturière^ aux diffé-
rents âges des peuples.
DIT sïèClb. 967
M l'éducation depuis l'àgb db sept a huit aws
jusqu'à Ii'age de qUxVtorze ou quinze.
Cette éducation ne doit être que la continuation de celle*
des salles d'enfance ; elle aâra pouf caractère d'être essen-
tiellement vocationelU ^ c'est-à-dire de nvettre en relief les
aptitudes spéciales de chacun et de préparer à l'éducation
professionnelle. Toutefois elle prendra , au fdr et à mesure
du développement dés élèves, un caractère plus théorique,
plus dogmatique , plus professionnel ; chaque jour l'idéal
se dégagera d'avantage du substantiel, l'esprit de la ma-
tière, de manière à donner naissance à l'abstraction. La
science surgira de la sorte dans les jeunes esprits du sein
même de l'observation spontanée et instinctive des faits ,
de telle sorte qu'à quatorze ou quinze ans tous les enfants
sachent lire, écrire, compter, de telle sorte que chacun
d'eux possède en sa cervelle sa petite encyclopédie scienti-
fique. Mais tout aura marché de front : ils auront appris
en même temps à mettre leurs organes au service de leur
intelligence, à manier les principaux instruments , l'ai-
guille, les ciseaux, le rabot , la lime et la scie; ils sauront
aussi travailler le verre ou Tauront vu travailler, de telle
sorte que les faits pratiques , fondamentaux de toutes les
industries leur soient familiers. — En même temps qu'ils
auront appris à écrire d'abord en calcinant , puis en copiant
d'excellents modèles, ils auront aussi appris de la même
manière à dessiner à la plume.
Des visites dans les divers ateliers voisins, dans les gran-
des usines , des promenades à la campagne et en bateau ,
quand c'est possible ; mille instructives distractions , tou-
jours calculées d'avance , bien qu'elles paraissent improvi-
sées : voilà les moyens qui doivent être mis en usage pour
exciter sans cesse , sans les fatiguer, les facultés intellec-
tuelles de cette jeunesse. Ajoutez encore une sage et habile
gymnastique , le travail agricole et le travail industriel par
968 PHItOSOPBIB
séances courtes, mais cependant assez prolongées pour que
chacun puisse exercer ses membres , développer ses mus-
cles, apprendre à supporter la fatigue et à tirer de son
corps un utile parti.
Dans cette éducation Ue la seccmde enfance , la religion
ne sera point négligée : sans cesse on parlera aux jeunes
élèves de la providence divine , de la providence sociale rr-
présentée par Thum/inité, de la patrie, de la commune, de
la famille. Quelques prières simples et en beau langage
leur seront enseignées ; le Pater leur sera expliqué selcm I^*
savoir de notre époque.: c'est ainsi qu'on les préparera d
entrer dans une phase nouvelle de la vie.
La Grèce , où se trouvaient de si grandes écoles d'édu-
cation, a été trop masculine ; elle fui la fille de Tlnde et
de Babylone : aussi négligea-t-elle singulièrement tout ir
qui concernait les femmes. — L'éducation de dos anciens
collèges, éducation si incomplète et si mauvaise, para*
qu'eUe était beaucoup trop littéraire et trop peu savante ,
s'y prenait mal pour tout ce (ju elle voulait enseigner, t\
parquait les femmes dans un ilotisme absolu. Pourquoi,
jusqu'à r&ge de quatorze ans, nos filles ne recevraieut-elles
pas la même instruction littéraire, artistique, scienlifiqui
et industrielle que nos garçons? — Singulière manie que
celle de certains hommes qui assignent à la femme son
emploi sans la consulter, au lieu de lui fournir les moyeDs
de conquérir celui qui est le plus à la convenance de ses
besoins et de ses goûts. Nous ne défendons plus aux en-
fants d'exercer une profession différente de celle qu'exer-
çaient leurs pères, pourquoi donc maintenir la femmt'
dans la servitude des habitudes consacrées par de longs
usages ?
A peine a-t-il quitté le sein de la nourrice que renfaiit
devient extrêmement impressionnable pour tout ce qui
concerne les fêtes soit privées, soit publiques : les fêtes soot
donc un puissant moyen d'éducation. Le philosophe doit
en diriger l'emploi. Gardon&^nous de laisser notée force .
notre vertu s'évaporer en une vaine et fantastique poésie ;
mais permettons, dirons*nous avec DeGérando, permettons
k la poésie de venir se mettre au service de la vertu : qu'elle
DU SIÈCLB. 969
prête à la voix austère du devoir son éloquence et ses
grâces. La providence ne Va-t-elle point fait apparaître do
toutes parts sur le théâtre âti ses œuvres ; n'est-ce pas ellf».
qui anime toutes les scènes de la nature? Il est donc du
devoir de Thomme, l'aide de Dieu et son vicaire en ce
monde , de l'appeler à son secours comme moyen de per-
fectionnement moraî, de la .semer à pleines mains dans
les solennités privées et publiques, surtout lorsqu'elles sont
des fêtes augustes, consacrées par la société h unir et resser-
rer tous ses liens.
La poésie doit sans cesse parier à h jeunesse, tantôt
amour de la gloire , tantôt amour de la patrie et de Thu-
raanité , tantôt respect filial , vénération pour les anciens
et pour ceux qui ont vécu.
Nous ne suivrons point les enfants de huit à quinze ans
dans leurs écoles et leurs ateliers : il n'est besoin d'indica-
tions nouvelles pour faire comprendre les détails que nous
omettons. Mais nous croyons devoir décrire l'une des fêtes
données à cette jeunesse , afin de montrer Tmiitéisme qui
doit souvent y présider.
La plus grande salle de la commune a été disposée tout
exprès : des parents s'y trouvent en grand nombre ; mais
les- enfants des deux premières séries y sont au comnlet.
Tout-à-coup la lumière diminue, l'ombre augmente, la
nuit vient brusquement, et le chœur (car partout les
chœurs doivent désormais jouer un grand rôle) entonne le
premier couplet d'une grande légende intitulée : L'Histoire
de VHumaniîé. Le chœur cesse et Torgue lui succède :
on entend alors un chant remarquable par son caractère de
native et de naïve simplicité ; on le dirait consacré h célé-
brer la lune et les nuits qu'elle éclaire de sa lumière argen-
tée , les premières heures du jour, le printemps et les pre-
mières heures de la vie sociale.
La toile tombe : nous assistons au lever de Taurore dans
un pays essentiellement différent de la vieille Europe, de
la jeune Amérique et de la Chine renaissante. Nous sommes
auprès de l'un des grands temptes desservis par les prêtres
de Brahma; nous pouvons distinguer le fleuve sacré du
pays, l'architecture du temple, quelques habitations voi-
973 PHILOSOPHIE
sines , divers personnages et le pnysage si grandiose en son
exubérance de YÎe qui forme le fond du til)leaii. — Alors
l'éducateur commence son explication : il raconte en qud-
ques mots clairs et précis comment les cÎTilisations diverses
sont les filles les unes des autres ; puis il revient à la civi-
lisation de Brahma, auic diverses castes de Tlnde, à la
situation si malheureuse qu'elle faisait aux femmes et aux
travailleurs, aux sueurs populaires qu'elle a fait couler
pour éli^ver ses* grands temples, à la mamère dont elle
emprisonnait la liberté et la spontanéité dts classes supé-
rieures elles-mêmes, au milieu d'une foule de rites îmitiles
et de puériles cérémonies , les grandes-mères véritables ée
la civilité puérile et homiète.
Il a fini. Le choeur reprend les premiers ooafHets de sa
grande légende. Par un ingénieux mécanisme le dîoraraa
se modifie ; bientôt il est merveilleusement éclairé , puis la
lumière décroit, la nuit se fait brusque&ient. Ainsi se ter-
mine, sous le climat brûlant des tropiques^ cette première
journée historique de l'humanité.
Le choeur recommence.: la musique tai suocède ; elle n'a
plus ni le vague , ni la mollesse du premier air. Les.chants
des chasseurs et des laboureur» , les marteaux des travail-
leurs se font souvent entendre. La toile se lève une se-
eonffe fois , et une seconde fois nous nous trouvons placés
en face de l'Asie ; nous sommes maintenant au sein
de la Bactrianne. — Ici , nouvelle explicaticm du maître
sur la région de Zoroastre et la civilisation qu'elle a pro-
duite : nouveaux couplets chantés en chœur. Le paysage
s'empreint successivement de toutes les couleurs du jour;
le soir arrive, la nuit vient comme aux climats tempâés
par un plus long crépuscule , et voilà la seconde journée
historique de l'humanité.
A ces deux tableaux succède une troisième journée :
l'Egypte et ses grandioses monumentb apparaissent avec
accompagnement d'une légende (Gantée en chœur, d'une
musique appropriée et d'une explication très-phflosopbiqae
malgré la simplicité de son langage.
Trente-deux tableaux , autant de chants légendaires , au-
tant de compositions musicales dans lesquelles figurent les
BU SIBGLB. 971
principaux airs nationaux des différents peuples , autant
d'explicatioûs dogmatiques du maître font passer suecessi-
vemeni sous les yeux d'enfants des deux sexes et d'Age»
différents, la grande histoire des civilisations successives
dont se compose la mouvement encore embrjonaire de
Thumamté. Heureux ceux qui dans leurs jeunes années ap-
prendront un. jour daU sorte la véritable histoire.
Revenoas à la commuae, et saehons Gom(»endre cette
fête <p]i a pour but deiràlébrer le passage de Tenfanee à la
jeunesse y cette fôte qui a été pressentie par toutes les ci-
vilisations ^ qui a existé chez tous les peuples sous des for-
mes différentes, mais avec le mèoae but.
Nous' avons voulu décrire dans la peinture qui va suivre ,
une réunion à laquelle les. jeunes gens de toutes les reli-
gions pourraient également s'asseoir. Nous sommes , nous ,
les fils du Christ ; notre civilisation scientifique est la fille
de la'civilisation sentimentale à laquelle sa pensée a doQné
le jour ; mais Dieu nous garde de déserter ses enseigne-
ments de tolérance et de paix en disant anathême h per-
soime.Neus supposons donc une oommune où se pourraieni
rencontrer des protestants, des chrétiens grecs, des catho-
liques, des bouddhistes , des mahométans, des brahmanis-
les; et le langage de son chef doit respecter conséqueoliient
toutes les croyances individuelles..
C'est en un lieu pittoresque, au milieu de la verdure et
des fleurs, par une belle journée de printemps, que de
beaux enfants 9 l'espérance de l'avenir, l'amour et la joie
de leurs parents , s'assoi^fit fraternellement au banquet
symbolique de l'égalité. La brise embaumée du parfum
des fleurs, les chants religieux de cette jeunesse qui va en-
trer dans la vie, les frères et les parents qui leur répondent
en chœur, tout jusqu'à l'heureuse disposition du banquet
frugal verse dans l'Âme une douce poésie. Les mères sont
émues, plus d'une larme mouille les paupières, et bien des
pensées se reportent avec charnie dans les souvenirs de leur
vie. C'est au milieu de cette émotion générale , si favorable
à l'effet qu'il veut produire, que le maire prend la parole.
Apdtre de la vie conjugale et des joies de la famille, il sait
972 PHILOSOPHIE
aussi les devoirs qu'impose à tous la grande famille hu-
maine: avec quel charme, avec quelle simplicité touchante
il explique à ses jeunes enfants , qui sont tout oreille pour
l'entendre, la samteté du serment qu'ils vont prêter devant
Dieu, rinlini, Timpénétrable auteur des choses, au mîheu
de cette nature luxuriante , émanation de l'être divin , en
présence de leurs parents, de leurs «rats, é^ tous ceux qui
leur sont chers, et de ces vieillards aux cheveux bUses, au
large front , les obefs de la cGoummey û vénécés de tous
pour leurs v^tus et leurs talents. Que sa pansée devient
grande et s'élève lorsqu'il leur explique ta missâoû de
rhomme , seconde providence destinée è féeoDder et à em-
bellir le globe ! Mais . voici le mao^ai solennel : il leur
présente les fruits du travail de Thomme, le pain et le vin,
lo sang et la chair de la plante , les symboles de rimioii de
la nature et de l'huinanité. Mangez et buvez , leur dit*il , de
ce jour vous êtes frères pour le travail et pour l'étude , pour
la peine et pour le plaisir^ pour la gloire et pour le danger.
Vous ne faites qu'une famille soUdaire de. celles qui vous
entourent, et, dans quelques années, vous serez les sou-
tiens de ceux qui vous ont nourris, les exemples vivants
de ceux qui viendront après vous. Aux accents de sa voie
pénétrante, répondent d'unanimes acclamations. Qui donc
parnA c^ jeunes êtres si purs , si beaux , si bien préparés k
toutes les vertus, qui donc hésiterait à promettre de suivre
les lois de la nature, d'aimer de tout son cœur ceux avec
lesquels il est assis à la même table , et ses frères de toutes
les communes et de toutes les nations du globe; qui donc
hésiterait k promettre de suivre avec ardeur le sentier de la
vertu ? A l'allocution touchante du maire, à ses grands en-
seignements sur la destinée humaine, sur l'union de
l'homme et de la nature, sur la solidarité, succèdent des
hymnes poétiques et la musique la plus inspirée du senti-
ment religieux. Ainsi se gravent dans les jeunes cœurs , au
milieu des chants d'amour et d'allégresse, des oroyances
pleines de tolérance en harmonie avec la philosopUe et la
science la plus élevée.
m SIIÈCLB. 973
DB JU JBUraS&B.
Mous iae décrirons point ici le» écoles su)>érieiiFe6 de la
Jeunesse, de l'avenir, ce que nous appelons anjoard'hui
les univenâtés ) mais rMoarquons que tous y ai^yent avec
une ample provision de faits seientifiques éi d'excellentes
études élémeiitaires. -^ Les langues étrangères auront été
l'un des enseignements du premier âge , et il aura eu lieu
selon la méthode natorelle. Remarquons encore que tous
viennent aux grandes théories qm font les médecins , les
ingén^urs, les chimistes industriels, les chimistes médi-
eaui ou pbiHrmaciens , les marins, les commerçants, les
mécaniciens, les laboureurs f etc., etc., avec l'expérience
pratique des ateliers et les habitudes masueUesqui assurent
le succès des théories scientifiques que l'on transporte du
calMnet au sein des usines. Les femmes aussi , mêlées à ce
grand mouvement comme professeurs et comme élèves ,
sont partout des inspiratrices : les chaires du haut ensei-
gnement ne leur sont plus fermées. Déjà la France a fait
un grand pas dans cette voie en réformant ses baccalau-
réats; mais les enseignements d^Àntioohe auront une tout«
autre importance; c'est là surtout qu'est Tavenir.
BU MÀRUkfiB.
Le mariage fait partie de l'éducation ; il est l'acte le plus
important de la vie sociale , il la résume en entier.
^ Pareils au marchand qui met en son étalage le plus
d'art posÂble, pour arriver à son but qui est de vendre,
les parents , de nos jours , agissent en même sorte
pour arriver à un résultat que l'on pourrait appeler du
même nom ; mais que Ton intitule habituellement : le
41-
9r4 PHILOSOPHIE
placement des demoiselles. — Nous sortons d'une société
dans laquelle l'homme et la terre étaient tout : aussi dos
mœurs pareilles à ces linges que l'on a trempés dans l'eau
pour les nettoyer, ruissellent de féodalité. — ' Dites-moi
pourquoi uous n'élevons pas nos filles pour elles , pourquoi
nous ne développons peint les spécialités de leurs disposi-
tions naturelles , au lieu de couler toutes leurs éducatioi^
dans le même moule de l'usage? E»t-il donc moins impor-
tant pour une femme* de vivre qiiie d* trouvermarî ; et ne
pourrions-nous bous préoccuper avaAt tout de ime de nos
enfants des êtres sérieux et réfléchis? Pouiaquoi aussi les
marier si jeunes: reipérienoe ik'esi^le pas tardive, et la
race rei^roduite par deux jeuiias gens encore. délicats n'a-l-
elle point à en souffrir? Ce que nous ne. ferions pas pour
nos animaux domestiques, paurquoilejuger sage et ave-
nant à la nature humaine ; il est cependant un pcnnt pour
lequel nous acceptons la parité, de mémo que nous choi-
sissons rétalon pour notre cavale, de même .aussi nous ai-
mons à choisir notre gendre. Etrange erreur 1 est-ce donc
pour eux ou pour nous que nous marioos nos enfants ?
Cette coutuilie toute féodale, est liée « nous^it un éminent
écrivain, M. Legouvé, à cette autre: la noa intM^eniion
des enfflttls dans la rédaction du contrat demariagau — Ce
sont ks parents qui en dictent les clauses, lorsqu'Us ne de-
vraient être que de simples conseils. — Notre Me est ma-
riée, que4fevient-elle3 être humain, née libre, va-t-elle
voir augmenter sa liberté ? Ici encore reparatt le passé: la
femme mariée est mineure ; elle ne peut disposer de ses
propres biens , elle ne peut les administrer : aussi ^t-elie
en quelque sorte la chose de l'époux au lieu d'être son
égale. Où en serions-nous, grand Dieu, si les mœurs
n'avaient depuis longtemps corrigé la loi.
Ce n'est ici le lieu de passer en revue itoutes les dou-
leurs des femmes et tous las droits qui leur sont lég&lîme-
ment dus : laissons le présent, la critique en- est trop aisée,
d'autant <|ue ce serait tomber dans des redite» ; vojons
pltttêt ce que nous pépare l'avenir.
La (NTomiscuité existe en Laponie. L'hiâtoiie nous signale
la polygamie dans le nord de TAfrique et dans l'Asie inéri-
DU SIÈCLE* 975
dîonale depuis les temps les plus anciens. La monogamie
est , au contraire, la pratique des races dites Japéthiques ou
issues anciennement deTArie. Si la pramiscuité existe en
France et dans les pays ciyilisés, dans la classe la plus in-
férieure du peuple et dans les plus hautes classes de la so-
ciété , cela tient aux conditionsde notre vie «octale , et c'est
un fait exceptionnel qu'il iserait possible et même facile de
réfof mer. La mis^e d une part , l'oisiveté de Tautre ; voilà
ses causer. Instruits sur ta polarité morale de l'homme ,
nous croyons eC pouvons dire avec quelque certitude, que
plus rhumanîté s'élèvera dans les phases de son dévelop-
pement , plus le mariage animal le cédera au mariage mo-^
rai et intellectueL Nos enfants ne seront pas seulemertt
notre progéniture diamelle , ils seront encore notre repro-
duction sebà le cerar et l'esprit ^ et c'est ainsi que le ^ang
se perpétuera sous les trois aspects de la vie.
Qu'une femme riche, de quarante ans, achète un jeune
hODMne à peine majeur, qu'un homme de cinquante ans ,
achète une jeune fille de dix-huit , je vois là des désirs de
plaisirs sensuels qui se satisfont à prix d'argent , d'une fa-
çon légale, mais analogue à celle usitée dans nos maisons
de prostitution.
Ne me dites point que le jeune homme est mobfle , qu'il
a dessous, qu'il désire le changement, qu'il a besoin de
varier ses maltresses comme sa vie ; c'est ufte erreur. On
peut, par l'éducation, transformer l'adolescent de telle
sorte qu'il trouve le bonheur de son être, lé charme de sa
jeunesse^dans les poésies de l'amour platonique; qu'il ap-*
prenne à maîtriser ses sens , à vouloir posséder une femme
beaucoup moins pour son corps que pour son 'cœur et son
esprit. L'éducation de nos grandes villes est corruptrice ;
on y a trop souvent sous les yeux des tableaux obscènes ,
pour n'être pas conduit à une tolérance incroyable pour
les mauvaises mœurs.» fats hommes y parlent avec une in-
dicîMe légèreté , même4evant les femmes , des plaisirs que
l'on peut demander à des étrangères, soit à prix d'argent^
soit de toute autre manière. Les petites villes et les champs
comprennent, autrement la vie. Heureux celui qui arrivé aux
heures ardentes de l'existence , s'asseoit pur de cœur près
976 l'HILOSOPHlS
de l'objet aimé. Heureux celui qui peut à vingt ans prome-
ner aux champs avec une femme adorée, respirer b par-
fum des fleurs, Tair embaumé des prairies, fouler le sol
ombragé , et ]k s'asseoir avec eHe , sans penser qu'il lai soit
permis de demander à son amour autre chose qu'un serre-
ment de main , qu'une douce étreinte , qu'un chasfe baiser,
que la promesse d'une vie commune, chassant loin de lui,
comme indigne de sa passion ^ toute pensée sensuelle. Heu-
reux celui qui arrive au lit conju^i sane s'être jamais
souillé au contact des prostituées patentées ou clandestines,
et qui n'a jamais trouvé sur sa route quelque vieiUe Ara-
minthe pour l'initier à des plaisirs qui sont bien peu de
chose , quand le cœur n'est pas de la partie. l}n jour cet
homme sera grand dans la société; disciple de Pythagore on
du Christ , il aura pour sa patrie les élms de la plus géné-
reuse vertu , du dévouement le plus absolu. Hattre de lui-
même, il ne vendra pas sa parole comme Mirabeau, il ne
se souiHera pas comme Danton par le pillage d'un garde-
meuble. Si grand ou si humble qu'il soit dans la vie so-
ciale, il continuera dans le mariage Tamonr platonique de
la jeunesse et trouvera une seconde conscience, xm com-
plément de son être , une Eve véritable , une nouvelle fa-
culté créatrice et volitive , dans cette épouse avec laquelle
il se sera essayé, par le chaste amour, à la grande vie de
la religion , du philosophisme et des arts. Il swa protégé
par une vertu puissante contre les courtisannes et l'orgie ,
et s'il doit un jour souffrir delà pauvreté, il aura dans son
infortune les consolations les plus douces et les plus dé-
vouées.
Jeunes gens, c'est un homme de quarante^iuit ans qui
vous parle , c'est un médecin , c'est un confesseur qui a vu
de près l'humanité ; eh bien ! j'ai eu le bonheur d'entendre
un jour ces nobles paroles , adresssées par une femme ver«
tueuse et pauvre, k un ami auqml on avait proposé de
vendre sa conscience contre de l^irgent et des honneurs :
« Je sais d*où tu viens, je devine ce qu'on t'a offert, je ne
doute pas de ta réponse. Sois prudent dans les actes exté-
rieurs de ta vie , mais continue à marcher courageus^noit
et sans inquiétude. Nous serons condamnés i des priva-
BU SIECLE. 977
lions cruelles dans le vêtement et la nourriture ; nous au-
rons peut-être même à subir la misère ^ mais du moins
nous ne cesserons pas de nous aimer, et nous n'aurons ja-
mais à rougir de rien , même d'intimes pensées que nous
n'oserions exprimer tout haut l'un devant l'autre. » Voilà
l'un des types du mariage de l'avenir. — Cette institution
est susceptible de progrès, oomaie tout ce qui tient à notre
espèce ; mais ce progrès ne s'accomplira point dans la di-
rection de la liberté des amours et de la mobilité : il se
liera nécessairement au développement de plus en plus
considérable de ce qi»'il y a d'humain en nous, parce qu'il
est dans les destinées de l'humanHé de s'élever sans cesse ,
par des progrès nouveaux, vers cette vie tonte idéale, vers
CQtte vie d'intelligence et d'amour qui doit utiliser et diri-
ger la sensation , au lieu d'être guidé par les attractions
purement matérielles. Nier ce qui précède, ce serait nier
que le cerveau des espèces animales s'élève ccmstamment
de la grenouille à l'homme et que chez Tbomme H doive se
développer encore , quoique lentement , sous l'influence de
réducation ; ce serait nier que l'éducation doive avoir sur-
tout pour but de développer, chez tous, les facultés intel-
lectuelles et morales ; ce serait mettre le rut au-dessus de
l'amour et consacrer l'exploitation des femmes.
Pour la plupart des époux , le mariage n'est que le droit
légal au plaisir. Jeunes gens qui voulez vivre heureux , sa-
chez en faire autre chose : soyez défiants vis-à-vis cet amour
sensuel dont le lit conjugal n'est pas la consécration. Que
la volupté soit toujours excitée par les charmes de l'épouse,
par sa modestie , son langage , et conquise par l'époux à
titre d'amant. Craignez l'abus du bonheur ; ne confondez
jamais ces deux choses si distinctes, l'intimité et la familia-
rité. Où manquent , d'un côté , le respect et la déférence ;
de l'autre, l'estime et la réserve, il n'y a plus, quelque
soit le caractère du Hen conjugal, qu'une prostitution auto-
risée en apparence et selon la forme , par la loi et la reli-
gion , mais condamnée par la eonsci^ce et la vraie morale.
Adieu l'amour, quand il a perdu ses rêves et ses mys-
tères.
N'est-cepas une faute grave que d'individualiser les maria-
978 PHILOSOPHIB^
ges ? Pourquoi ne pas réunirle même jour) à la même heure,
eu un même lieu, les jeunes gens de la même commune
qui se marient, en établissant pour ces solennités des
cpoijues fixes, de manière à en faire des fêtes communales?
Quoi de plus propre à répandre les pratiques d*uiie bien-
veillance réciproque ; et puis , le mariage est acte sérieux :
la solennité île lui nuirait. La réunion des jeunes gens , en
pareille occasion , établirait entre eux une sorte de solda-
nte pour la vie. La douce amitié créée par les rapports
d'enfance , consacrée à l'entrée dans l'adolescence par les
plaisirs de la jeunesse , se resserrerait encore par le ma-
riage. L'avenir est le fils du présent dont le passé a été le
père, et les dates sont pour beaucoup dan^ noire vie. Les
souvenirs ont un parfum que bien des âmes savent odorer,
et dont il convient de consacrer le culte. — Rien de plus
spiritualiste en apparence que notre société, rien en réalité
de plus matérialiste : nos mariages actuels en sont la
preuve. Ck)mbien de jeunes personnes que les bijoux , les
parures , les cadeaux de noces préoccupent beaucoup plus
que le reste. — Il faut être femme pour avoir droit de se
vêtir en certaine manière : donc on veut se marier. Pour-
3uoi associer l'amour de deux êtres à mille choses qui lui
oivent rester étrangères ? Mais je m'aperçois qu'au lieu
d'exposer le mariage physiologique, je m'arrête à critiquer
encore des habitudes auxquelles il faut pardonner, puis-
qu'elles doivent disparaître.
Dans l'avenir, le mariage. sera débarrassé de tout cet at-
tirail prosaïque qui lui enlève aujourd'hui son recueillement
et son charme : point d'acte à dresser , point de registre i
signer, point de témoins à présenter. Le matériel sera ter-
miné lorsque les futurs époux viendront devant le chef
de la commune pour y recevoir la conisécration publique
et sociale de leur amour.
- Les discours des chefs des commiiae» pourront varier ,
mais ils seront , quand au fond , toujours les mêmes. Le
cœur n'a point de nombreux thèmes; il n*en possèdt^
qu'une série qu'il diversifie sans cesse par les mille fonces
données au sentiment qui l'inspire.
Le m^iage communal de l'avenir sera surtout la cens*
BU 8IÈCLE. 979
tataiion poétique d'unions individuelles préexistantes. Lors-
que les coeurs s'entendent , lorsque la religion de l'amour
a confondu désirs, promesses, espérances, le mutuel con-
sentement à une vie commune devient, aux yeux des âmes
saintes, Tessence de l'union conjugale : le reste n'est que
formalité d'église et de nJairie. ûu'est-il besoin d'ajouttsr
que ce mariage sera égalitaire, qu'il consacrera les droits
similaires des époux, leurs attributions respectives, leurs
devoirs réciproques? — Entre deux amants, voyons^nous
un mattre et une servante ? pourquoi donc nos institutions
s'occuperaieni*eltes de dénaturer les lois éternelles de
l'amour ? L'hymen n'a point pour devoir de proscrire la
tendresse , ni de créer la servitude de la femme : il n'est ,
il ne doit plus être que l'aveu public de sentiments intimes
sur lesquels on s'est suffisamment interrogé.
Cette cérémonie aura un double caractère : l'un de pu*
blicité et de fête communale , l'autre d'intimité , de tête
d'amour. Â la. première, le chef de la commune donnera
le ton. Sévère sans pruderie, il n'oubliera jamais qu'entre
humains, le mariage est encore plus intellectuel et moral
que physique ; il évitera aux jeunes époux ^utes ces gro-
tesques plaisanteries, toutes ces aimables obscénités dont
on les abreuve si souvent , tantôt avec des formes épurées,
comme cela se passe au salon, tantôt avec moins de fa-
çons, comme nous faisons si souvent au village, où nous
croyons, riches et pauvres, qu'il ne faut farder la pensée ,
mais bien la dire toute crue et telle qu elle vient à l'esprit.
Au lieu d'ennuyer les époux par des distractions qui ne
sauraient les distraire , on leur laissera la liberté de se re-
cueillir l'un dans l'autre , car à cette époque le magnétisme
est si puissant que Ton se peut aisément passer de la pa-
role. Dieu I qu'un serrement de main , qu'une douce
étreinte , qu'un regard ont d'éloquence ! et que le langage
est en arrière du geste, lorsque l'âme déborde en ses affec-
tueuses émotions !
S'il se trouvait au sein de la commune deux ou trois
communions différentes , la fête communale ne contrarie-
rait en rien les sacrements individuels ; elle n'en serait
qu'une nouvelle et plus éclatante consécration, en moine
980 PHILOSOPHfB
temps qu'elle condairait , par la tolérance récipfoqae , les
couples unis le même jour, à cette véritable liberté qui ne
veut couler au même moule ni les choses matérielles, ni k
plus forte raison les choses du cœur.
L'esprit américain trouvera dans nos solennités des nais-
sances, de l'adolescence et du mariage, matière à critique ;
il affirmera que nous attentons à la liberté. Mais la vraie
liberté ne doit^elle pas s'exercer au sein de rhiimanité ;
n'est-elle pas une dépendance de la solidarité ? Je passe
donc outre.
Je ne sache rien de plus ridicule que toutes ces diverses
scènes du premier soir, dans lesquelles les matrones, encore
plus que les mères, font étalage de sentiment et de sensi-
blerie. Que ne laisser-vous deux jeunes gens qui se con-
naissent et qui s'aiment , se le prouver à leur manière avec
la tendresse et la réserve de leurs natures et de leur éduca-
tion , sans y mêler toutes ces jongleries de notre civilisa-
tion dont personne n'est dupe ; mais qui sont , pour les
époux, d'un poids si lourd. Si la mariée avait moins belk
toilette , et si le marié avait droit de l'assister, le bonheur
de ces dignes jeunes gens n'en serait amoindri. Beaux
cheveux où pourront se mêler les mains, épingles jalouses,
et vous, crochets du corsage, soyez donc, soyez les muets
témoins de leurs plaisirs ; ils ont assez de modestie , assez
de pudeur l'un et l'autre, pour amoindrir le jour s'il en
était besoin, ils s'aiment, ils sont mariés : laissons-les à
leurs tendres et voluptueuses caresses.
Que la conduite des parents , en cette circonstance , soit
encore l'un des moyens éducateurs de cette philosophie
qui veut arriver au double perfectionnement de l'homme
et de la société.
DB Lk MORT.
La fonction humaine est terminée , la vie prolongée par
la science va s'éteindre , la iampç est épuisée : l'être qui a
BU SIÈGLB. 981
vécu va subir ^ loi générale. Ici se présente un moment
solennel qui grandit selon les circonstances de toute l'intel-
ligence du malade et des assistants.
Il y a quelques mois, à peine qu'une de nos amies ^
mourait, à Angers; elle nous avait demandé par le télé-
graphe électrique, et nous vinmes & son appel. Nous la
trouvâmes h causer des révélateurs, de Dieu, du Christ , de
la mission de l'avenir, de Thumanité , de la mort et des
transformations qu'elle nous révèle. Néei protestante dans
une famille jadis riche , elle avait subi les épreuves de la
vie : sa jeunesse avait connu les obligations impérieuses du
travail et les dures nécessités que souvent il nous impose.
Mariée plus tard à un gentilhomme de vieille souche qui
avait cru non pas déroger, mais retremper sa noblesse et
la conserver en travaillant , elle jouissait alors d'une très-
grande aisance et pouvait apprécier en connaissance de
cause toutes les situations sociales. Elle quittait la vie ,
jeune encore, et cependant lious ne saurions rendre tout ce
que' ses religieuses croyances f qui étaient si rapprochées
(les nôtres , lui inspirèrent de courageuse résignation , d'af-
fection dans ses adieux , de poésie sublime dans les der-
nières expansions de son ftme.
Ce qui est aujourd'hui une exception sera dans l'avenir
la règle générale. Les dernières heures des jeunes auront
souvent le chant du cygne. Les dernières heures des plus
âgés seront sans douleur physique et morale , alors même
que l'intelligence aurait survécu ; car telle est la grâce ac-
cordée à la faiblesse d'organes débilités.
Après la mort , la conduite au dernier asile : voilà pour
la famille individuelle. Mais la famille communale sentira
aussi le besoin de dire ses regrets et d'exprimer bien haut
cette grande pensée :
Aimer, c'est vivre ; être aimé , c'e^r^ vivre encore.
FIN.
TABLE. 983
TABLE DES MATIÈRES.
Pages
De roBarre oofitemporaine 5 à 10
Credo scientifique da siècle (93 prépositions résumant la physiologie des
cinq règnes) 10 32
De Tordre logique de ce livre 93 35
Ce qu'il faut entendre par ces mots : philosophie , sagesse , Yérité ,
Terttt 35 30
Dieu 39 35
Providence 35 38
La vie universelle et le plan providentiel 38 40
De la destinée de l'humanité. : 40 46
De la polarité , de la solidarité et de la circulation dans l'univers 46 47
Circulation et solidarité; leurs moyens d'actioA. 47 51
De la chaleur, de la hunière , de l'électricité 51 65
Aurore polaire 65 68
De l'air atmosphérique $ ses propriétés , aun rdle 68 83
Des eaux ; leurs propriétés , leur r6le physiologique 83 98
Le Soleil 99 103
Mercure 103 105
Vénus 105 106
La Terre 106 107
La lune 107 110
Bolides, étoiles filantes, aérolHhes 110 113
— «ars 113 114
Planètes télescopiques ^... 114 115
Jupiter Ii5 118
Saturne 118 121
Uranus 131
Neptune 121
Série planétaire 131 193
Des comètes 123 124
Etoiles fixes , 124 131
Formation du système solaire.... 131 138
98i TABLE.
tJtrwM m.— »■• mxtwrmmm» tamàmAtMM.
D« mouvement et des forcet motrices. — MoQvement de Tair . — Hoove»
méat de Teaii; forces gratuites. — Des enimaux. — Réactions
moléoilaires ; éoiypile, etc. — Hechiae de Papin. — Newcomea. —
Watt; son qmittb. — Progrès de Watt à nous. — Unités diverses.
-^ Traction sur les diemîiis de Ter. -* IlSchines de navire. ~ Ana-
lyse des progrès possibles. — Rotatives et chaudières tuhniaires. —
Progrès possibles sur le NfpoUsa.*-^ Machinesè «ir cbaud 138 à 154
Macbines électro-motrices. — IVlégraphie. — Horloges à galvanisme. —
Possibilités du communalisme. — Forces eiplosives. — Imt «m-
ploi 1S4 159
Gomâdérations technologiques et philosophiques sur les corps les plas
usuels. — Oxigène. — Hydrogène.— Asote.— Ammouaqne. —
Soufre. — Acides du soufre. — Chlore,^- Acids cUorhydriqM. —
BrAme et iode.— Fluor.— Phosphore.— Arsenic— Bore. — Silî*
cium. — Carbone; ses sources et usages. — Acide carbonique. —
Id. oxalique.— Hydrocarbures. — Cellulose, bois, ehifibiis, papier. •
— Farines et amidon ; préparation de la fécule ; id. du pats. —
Socre.-* Alcool, vins et cidres. — Baryum et strontium. — Caldom
et sels de chaux. — Magnésium. — Aluminium et sels d'alumiae;
pierres factices, elc.^— Potassium et sodium ; sels de potasse ei de
soude. — Sels ammoniacaux. — Manganèse. — Fer ; ses minerais,
sa métallurgie, ses usages, sa consommation, ses divers sels. —
Gbrdme. — Nikel.— Zincr- Etain. — Plomb. — Bismuth.— An-
timoine.-Cuivre.— Mercure. — Argent.-* Daguerréotype, pho-
tographie . — Or, galvano-plastie, platine iS9 491
Philosophie de la chhnie ; des règles ou lois des existences minérales.—
Introduction 194
Des éléments. — Des molécules et des atâmes. — Poids àei moiéoalos.
— Volume des molécules; de la Uberté des molécules. — De Téffs-
Ilié chimique. — Equivalents en volume ; cause des volumes. — Loi
des équivalents. -> Des formes des cristaux. — Isomorpbisna.—
Etat utriculaire des minéraux.— Langue de la cbmiie (nomeuda-
ture^. — Isomérisme. — Corps métalliques ou basiaues, n«n-mé-
tdliquesoo non-basiques. — Existe-t-il trois chimie, 1 une minérale,
Tautre végétale, Taulre animale? — Des afiinilés. -^Jfiroupes ei
séries chimiques. — Des faits de catalyse , 196 9^9
De rétuie de la chimie •. 990 993
Des corporations ; découvertes à faire. —Sensibles deReichenbach. — 993
BA^iJiMB HMTomitOB »m méTOi.iJTM»if« tto «LOBB. — Celte
esquisse est une histoire des huit premières pénodes de la terre et
des progrès de ses cinq organes: rair, Teau, les continents, la sub-
stance végétale et la substance animale 993 949
Tremblements de terre et volcans 949 953
Fumerolles, salses, geysers et sources chaudes 953 9S5
Filons métalliques 955 956
LITAB IT. — »■• TIBB TAfiAVAUEB.
Analyse des faits les olus importants ; leur physiologie 996 979
Des anomalies végétales 970 973
Agriculture; son rôle soctal. — Régions agricoles. — 'Arrosemcats.—
Labours ; pioche mécanique.— Engrais pour le chaulage ; engrais
TABLE. 985
Pftgts.
hauideft. — Id. paWénilents ; leur Talear relatÎTt.-* Formate ^në-
raie d^engrais palvéraleots. -r Procédé oiortaÎA. — Guano arUiieiel.
— Gompots et fumiers. — Ce que pourrait faire une agriculture plus
«▼ante. — Réfuta'ioo de Halthus. — Progrès facilement réolii»ables.
— Arbres fruitiers. — Marchés aux fleurs. — ludicatioos à Toccasion
dé la dimature 986
Des montagnes, page 288. — Des plateaux, des plaines et des Tallées,
page 989. -- Culture de France . — Ce qu'elle peut deTeair 998 è 39S
I.ITBB T. — TIM AWIHALBfl.
C^MHBWV BB UmnV VBODVITB 1.BB ftVMBB ACTVBLB 995
Progrès récents de la science. — Métamorphoses des insectes.— Des té-
tards. — Des eDg^èoes.— Substîtalions organiaues. — Influence de
]*air et de le lumière. — Protée des mines de Caroiole.— * Applica-
tioBS à riioame.— Des-habiludes des animaux et de leur influence.
— Les attractions transforment les organes. — Magnétisme terrestre
des espèces. — Transformations d'espèces et même de genres de
l'ordre végétaL — Hypothèses. — De la génération chez les animaux.
—Parallèle de la génération spontanée et de la fécondation. — Pré-
visions « 995 347
De la polarité animale 317 318
•■«AB^oéBéBiB . — Période embryonaire . — Transmissions bérédilai-
res. — L'homme forme une association d'organes dont chacun a subi
une série de perfectionnements. — Parallèle des phases géolojgiques
et des phases embryologiques sur le développement des organismes.
— De la formation du cœur. — De -la formation des autres organes ;
parallèle de Girandais en^re Tembryologie du mouton et' celle du
f>ombyx du mûrier ou ver à soie 318 39d
KiiB«Y«i.«ciB. — Les deux cellules primitives de Serres. — Des trois
feuillets de chaque cellule.—- Première phase du développement. —
Deuxième phase. <— Troisième phase. — Loi d'équilibration. — Ap-
plications a l'homme 399 337
»BB ■•BBTmvoBiTéB.-* Wînslow etLemery. — Etude disidore Str
Hilaire ; ses cinq clauses d'anomalies. — Des nains. — Des géants.
— Ghan^ment de position des organes. — Pied bot; réunions des
parties similaires. — Rotule au bras. — Division de la langue ejt
du nez, etc., etc. — Iaver»ion viscérale.— Hermaphrodisme, para-
sites, omphalosites, otosites ^ . . 337 353
DB LA ••MBBTiGATi«ii des espèccs snifflales — De la création d'es-
pèces et de variétés nouvelles. — Dès races humaines doiveot-ellee
encore disparattre ? ^... 359 36<
BkB CBBTmBB D'év«i.iJTi«i« dss ospèces animales et principalement
des races humaines ,.,... p 366
Introduction , i 366 368
Australie % .366 379
Océanie .' 379 374
Madagascar , 375 976
Afrique du Sud 377 380
Afrique du Nord 380 387
Amériques du Nord et du Sud 387 é09
Asie occidentale ou européenne v 409
Asie orientale ou chinoise •.... 409 405
A« e byperboréenne .' 405
986 TàBLB.
Résumé et oondasioD « 4115 à Itt
Progrès tiuloiiiiqQes et pIiysioIogt<iae& nécesaeiffss 4M 409
»B ■.'■•HMB. — FoDdioa de rbaBanité. — ]>e rbu>MBité 410
■«■0 0BV0.— tiénëralités 4iO 4ll
Dtt toucher ; ses ueils , t^oa sié^e et sa nature chez les suimaux. — Il a'y
a qu'un sens. — Idéal des jouissances du loucher 414 417
Du go6t ; son organe ches les divers animaux ; du goût selon les âçes.
— Influence de l'éducation. — Régime végétai. — Vue paolhéiilt-
que de r Allemagne. — Idéal du goût. 417 4^
0e l'odorat dans la série animale ; essence des odeurs. — Doutes de Boer-
have.r- Odeurs et parfums. — Progrès de Todorat ; idéal de Podo-
rat. — £xi8le-t-il une série pour les odeurs comme poui les sons?
est-elle soumise aux lois de la géométrie V T 431 425
De Touie. 'Des parties diverses de ToreUle. ^ Du pavillon : de sa
forme chez les aveugles-nés; de leur lacullé auditive. — Parties
diverses et foloctions de roreMle interne. — Finesse de fouie eC
justesse de Toreille. — Facnltés cérébro-intellectuelles qui jugent
des sons. — Durée des impressions des sons. — Education de
l'ouie. — La musique; quatrième partie de la trélrede sacrée de
Taotiquité 495 4^
de la vision chez les animaux. — Nos doutes — Errenrs sur la cornée
des poissons. -*- Muscle noteur do cristallin des poissons. — (Eit
des reptiles, csil des oiseaux, oeil des mammifères. — Do lapis;
faits nouveaux.— Tolume de rcsil. — De Tœil humain.— Cornée.
— Humeur aqueuse.— Iris : son absence congénitale. — Cristallin.
Cataractes. — Chirurgie oculaire. —-Cristallin double. — On peut
bien voir et être myope sans cristallin .>- Humeur vitrée ; sa liquidité
maladive. — Visions d'auréoles colorées. — Gboroide. — Comment
se fait la vision, page 436. — Persistanoe et durée des impressions,
I>age 4 \7 .r— Images accidentelles, page 137. -^ De la vision dis-
tincte à diverses distance, pages 437 et 438. — Achromatisme de
de l'oBil ; angle visuel ; renversemeni de l'image ; unité de sen»-
tioo, page 438. — Aptitude à bien voir; aptitude à apprécier les
grandeurs et les distances; id. À juger les lurmes; id. à juger les
couleurs. —Conséquences en éùucation. --^ Conséquences mo-
rales. — De l'aochromateupsie !..... 441 443
L'oiûeet la vision, page 433.— Idéal 444 445
•V 0«MiiBii. 445 449
Mm.BT, v«ix , rAmoLB et lahsabb 449
Instruments du son, pages 449 à 45).-^ Instrument vocal de Tbomme,
pages 45â et 453. — Voix, pages 453 et 454. — Parole, pages
454 à 4bO.^ Physiologie du langage, page 46d. — Le mot,
page 460.— Etapes de l'histoire, page 461 . — Des mânes-, page
462. — Dict'iouôetres, page 4HS.-— Formeliondes-mots,-page 463.
— Racines et dérivés, radicaux, analyses de mots, pa^ 464 à 466.
— Permutation de consonnes, page 466. — Terminaisons, page
467. — Mots adjeeti£i, page 468. — Langue savante universeUe. . . 470 474
BOTmiTioB, BéYBLerrBaBBT, ooBBBmTATi«Bdei.'mBBiMB. 474 481
»B0 rSlBCIPAi PBYBI«LOCllf|VBB 00» 1.BB91JBI.B BB^mAIBirT
KBroBBm li'éBiFCAnBii Bv liB BTBTàaiB riartTBii-
TiAXBB 481 ai
TAUB. 987
Tafcs.
BB i.'iiivsi.i.ioBiics ■WAm •• 485
Faeoltés pbfsiqoes ou anuules, bcdités iotelUetMUes , ùenïlH ho-
iDiiiDes ott lociables, page 486. — Arrdls de dérelopMfDeBt. —
Absence, page 487 — Prioeipales toqchea du piano cérébral dans
ses Irois octaves, pages 487 à 489. — Gomment rhomme est
homme, pages 488 à 491 .^ Localisation, page 493. « Instioets et
propensions, pensée, sensation, images dagnerriennes au cerreau,
pages 493 & 493 . — Étude physiologique dos idées et des tendances,
pages 493 et 494. — Le cerveau est une assemblée délibérante de
facalléx, page 494. — VMonté, désir, ragret, pages 494 è 496.—
Esquisse graphique de la poUrilé cérébrale, page 496. — Expli-
cation de régolsme, pages 497 et 498. •— L'homme rertueui, page
498.'— La vertu et ravenir 499
•s 1.A PLOmALITà DM •SOAlfBS l]iVBUJBVllBi«* 500 ft 501
DOCrmiNB nu cali. 50i
Bistioclion entra ta phrénologie et la cranioseopie ; des vingt-sept organes
de Gall ; divisun de Spurzbeim ; goûl, énergie, passion, manie ; les
cinq classes des hommes ; jeunesse de Gall ; découvertes à faire par
Tanatomie 501 507
»■• MOVSTmVOMTM HMIALBB 509 511
•B LA KOBALB 511 5t3
Phénomènes anormaux du svstème nerv^x chez les extatiques et les sen-
sibles • 517
De l'extase 517
Extatiques naturels. . v 521 .
De l'extase chex les premiers chrétiens 523
De l'extase chez les gnostiques 534
Possédés, sorciers, magideDs 530
Ljcanthropes * % « 533
l)es roses-croix. 535
Trembleure des Cérennes 536
Convultionnair^is de St-Médaid 537
Des swedemborgistes 539
Magnétisme animal , oracles. 545 551
Des tables tournantes et fatidiques 551
Sensitifs de Reichei^ach 553 555
Esquisses physiologiques et psycologiqoes sur lliumaine nature en ses
différents Ages et selon les diflérences des tempéremments et des
sexes * k 555 573
Périodes de la vie, page 556 : enfance, pege 557 ; puberté, page 559 ;
ftge mûr, page 558 ; vieillesse, page 559 ; tastretion, page 559. —
Rapports des formes corporelles et des prédispositions, page 560. —
Tempéraments ; quatre hypothèses, pages 560 et 561. — Des sai-
sons de l'année et des tempéraments, page 563. — Portraiture de
l'homme, pages 563 à 565. — Portraiture de la femme , 665 573
BflQViaSB 9V BévBiiOrrBBtBBT BB L*BOKABIT< 573
Introduction 573
Ce que c'est que l'histoire. — Ce n'est ni la légende, ni la chronique. —
Etude des deux facteure: nature et éducation. — Ce qu'il faut enten-
dre par ces mots: civitisaiion et réfélation. — Des époques organi-
ques et des époques criticpies.— Analogies des phases de l'humanité
rudmentain 573 575
Période anté-historiqne.-^Premien souvenirs traditionnels, conservés par
lesllaçkas 575 577
988 TABLB.
Période anté-chréliaone , S77
Gomment, à la manière des géomètres, les histonena penfcal reaeiiler
des dêrirées aui fonctions primitif es, page 577. — AUntioD i«doae.
— Ailuvion xend.~ Eipréssion panthéistiqQe de la nature de l'Inde,
page 578.^ L*œuf du monde, 1 hermaphrodisme divin et la liimlé. 578 i 57S
Chronique de Kachmir, paga 579.— Des Yédas, des lois de ManM et
des épopées, pages 579 et 580.— Bouddhisme, page 580. — Litté-
rature indoue et architecture, pages 580 à 583. — Religian, pages
583 a 584 . — Le monde moderne est le fils de TAsie pour la seitnee
et la morale, page 584.— Castes, travailleurs^ f
nations dans 1 Inde, pages 585 et 586 . — Espnt de l'Inde 597
De TArie comparée avec rlnde pour sa natum, ses monirs at son esprit.
-— De la civilisation de ZoroasUa et de son inflveaoa à trtfers les
âges 587 5»
Egypte; résumé de sa chronologie, qui est positive depuis Taa 5^7
avant l'ère chrétienne jusqu'à cette ère, pages 589 à 592. -~* GoOh'
merce science et religion « , ; 59S 593
labylone ^ ses légendes, se chronologie.— GulU du dieu Bai et du Saint-
Esprit. — Noov«sUe iradttçt^oa de la Bible pour le légende de le loor
de Babel . — Organisation de la prostitution 593 59(
'Philosophie de l'Inde et bouddhisme. — Ame humaine; ses aspects. —
Vie des astres. — Huitième incarnation du verbe divin seus le nom
de Christna. — Union en Dieu. — Des huit devoirs. — Horale et
charité des pLilosophes indiens. — Légende de Bouddha, la veu-
vième incarnation du verbe divin . — Klaproth ; son opinion , 596 W
Chine; aperçu général. — Chronologie «... 601 (03
Etrusc|ues ; origine, langue, archiieclure. arts, position des femmes, di-
Tinités, calendrier, religion, administration, décadence........... 603 (M
Civilisation, origine, caractère, inbus, la|igues, religion, système astror
nomique, ressemblances avec les Sémitiques, culte de Beli doetripe
des transformations, peines et récompenses, circulation des Ames
chez les Gaulois. — Hiigardan, chronologie anté-chrétienne, oofionéle
parCésar .7 .TT... 606 «3
Civilisation juive ; ses sept périodes. -- Première période: patriarcbatet •
poligamie.— Deuxième : captivité d*£gypte. —Troisième: Hoise;
son rôle, sa législation. — Quatrième : commune juive, les juges. —
Cinquième : Saùl, Ddvid et Salomon ; ils élèvent la Judée au niveau
des autres pays civilisés. — Sixième : œuvré des prophètes. — Sep-
tième : les pharisiens deviennent prépondérants; mouvement dn pre-
mier siècle avant notre ère , . • 613 II'
Civilisation grecque; son lieu géographioue. — Histoire sommaire. —
Orphée. — Escuîape. — Guerre de Troie. — Zamaliis, Lycurgne, '
Solon, Thaïes, Pyihagorcj sa doctrine.— Siècle de Périciès, Aspe-
sic, Socraie, Platon et autres. — Aristote. — Alexandre; son œuvre.
Sciences mathématiques . — Physiologie . — Chirurgie . — Commerce.
— Philosophie . — Analyse du stoîcism i et de Tépicuiisme • 619 6ân
Civilisation romaine, page 616 ; sa légende. — Numa. — Idéal des Rn^
mains. — Architecture. — Organisation politique.— Feules de
Rome. — La vie romaine offre cinq pénodes; état social de la pre*
fflière . — Deuxième pério <e . — Troisième période . — Les Gracaoes s
leur politique élevée, lenr habileté. — Le peuple de Rome trahit là
civilisation. — Marins et Scylla ; caractère de leur lutte, -r La véf
rite sur Calilina. — César ; sa nature et si grande politique. —
Octave; ses fautes 696 w
TABLE. 989
Pages.
Des Germaios; leur lien géographique, leur nature, leurs cbanU de
guerre. — Langue, clergé, femmes, enrants, famille, propriété, fer-
mage, commune ebex ces peuples ; erreurs de Gmoi 640 à G i3
GîTiltsation chrétienne : troisième période 643
Mélange des doctrines.— Les révélateurs. — Appollonius de Thyane;
sa sainteté, ses voyages, ses enseignements, ses miracles, sa compa-
rution ches Domitien, sas prophéties, sa mort, sa réapparition. —
Dosithée ; sa doeirioe. — Simon le magicien 5 sa doctrine. — Philon
le iuif ; sa doctrine. — ûainlus Sextus : sa règle de vie.— Séoèque.
—-Les Esséniensefc leur» croyances.— Le Christ ^ grandeur de sa vie
de prédication. — La Samaritaine. — La sermon sur la montagne .
^-Extraits d'aneicis évangiles conservés par Grabius ; comment il
fantles jnger.-^La féoime adultère. — Le Samaritain. — lésus
lave les pieds de ses disciples f il communie avec eui . — Hésnrrec-
tion chréuenne. — Christ résume sa doctrine ; il Feiplique à nou-
veau ; il nie la mort. •— Grandeur du drame intime dn jardin des
Oliviers. — PreBiier concile* r~ Deuxième oondle. — Troisième
concile. •— (Suvre et earectère àes trois premiers conciles. — Saint
lean ; sa mission. — Saint Marc et le christianisme & Alexandrie. —
Saint Paul et sa doctrine. — Erreur du socialisme chrétsen ; il est
trop communiste . — Sectes chrétiennes . — Christianisme et boud-
dhisme.— Organisation catholique ^ $43 66i
AgrkuUnre, industries, commerce et sciences aux deux premiers siècles
de notre ère #....^..> , 66i
Animaux domestiques, arboriculture, culture alternée, charrue, engrais,
panification, vins, commerce, produits chimiques, toxicologie, ma-
nuijBCtures et mines. — Alexandrie, Ptolémée, Celse,. Archigène
d*Apamée, Arétée de Gappadoce et autres. — Golien ; sa doctrine. -^
Pline et son œavre. — Aqueducs de Rome, ponts, routeSy po^s,
aiberges des voies romaines» ..w. ».....»• 661 669
Littérature, beaux-«rts, éducation. ^ 669 6/3
Accroissement et décadence de l'empire romain 673
Bas deAx moyens de gouvernement. — Provinces. — Cités. — Pagus. —
Intérêts des empereurs. -^ Fautes d* Auguste ; sa politique , ses
conquêtes. — Tibère. -—Marobodous. — Germanicus. — Armiuius.
Galigula, Claude et Néron ; leur politique. ~ Politique de bascule.
— Les empereurs multiplient les fonctionnaires et créent la féodalité.
-* Misères des contribuables, selon Laclance et Salvieo. — DéCen-
seurs des cités. -^ Origine des tribunaux ecclésiastiques.^ Impuis-
sanci du pouvoir èrépiimer la féodalité. — Origine des Bagaudes;
lexir caractère^ leurs luttes.^ Concessions trop tardives d^onorius.
<— Le clergé adopte les Francs 673 689
EB|Mre méroviûgîen . . . V ^ ^ 689
Wailia.— Emigration bretonne. -^ Alilla. — Mort d*Aétius. — Odoacre
suprime l'empire. — Glovis^ sa politique; il se sert de Tadminis-
tration romaine et perd sa djnastie, — Origine du pouvoir des
comtes. — Gentilshommes. — Vereeplion de l'impôt. — Chilpénc et
Fffédégonde. — Brunehaud. -> Abaissement de la royauté. — Ce
qu'elle eut dû faire 689 692»
Triomphe de la féoJalité ^. ............'.. 695 696
Eléments du commuoalisme ^ 696' 697
Evénements religieux. — Concile de Ricée.^ Pélasge.^Nestorius..-^
Eutychès*— Fauste de Lério.— Concile d'Orléans.— Election des-
érêques . — Leurs empiétements . -^ Eneuc de GuiiOt 697 704
42
SdO TABLE.
Pages.
Arts, sciences, industries aux siècles dé Berbsrie 7IK à 7M
Epidémie du YI* siècle 703 704
D« l'islamisme. — Terres sociales, eharilé, costume, esdayage, polyga>
mie, missionnaires chei les musalmans. — Légende dellahomet. —
Conquêtes ded musulmans . — Schismes . — Ecoles . — Astronomie .
— MaUiémaliques.-> Géologie. — Gbimie. — Médecine et chirur-
gie.— Trafaui publics et commerce '. 704 713
De rœurre de Cbarlemagne 713 71€
Comments'estéleutrempire d'Orient *. . 716 719
iaovBir-A«K.— Cinq groupes de faits 719
kvéïTBMBiiTS msLittiBirx. — Les cinq actes du drame de la pa-
pauté.— f* Hérésies de Gaodulfo et de Béranger. — â* Hildebrand
et les Croisades. — 3* Abeilard, Arnaud deBresdd, doctrine des
albigeois, persécutions, faudois, béguins, béguines, etc., fb^ellaolSy
Hugo deSainl-Tictor. — 4* Wicleff, Jean Hus, Jérôme dePmgse.
— 5* Luther, le caslel, ses phases .....'
éMAiecirATi«iK •■• AOTVKiBM. — Henri VOiseleor. — Chartes ;
leur caractère. — Frédéric d'Allemagne, Louis de Thuringc, Henri
le Lion. — Communisme communal, page 73S. — Magistrats mu-
nicipaux, page 73?. — Situation des bourgeois. -^ Situation de la
femme, pog«733. — Delà paternité»— Des manants, page 734. —
lk)orgeoisie de corps ou de filles. -— Emancipation des paysans,
page 735. — Organisation de la puissance législatire, page 736. —
Les bourgeois aux Etats.'— UouTement ellemond. ^^ Hanse teuto-
nique et confédération suisse, page 737. — Mourement itafieo. —
Politique de Philippe le Bel 737
pmocniMi db i.'BflPiuT ■VHAiii , page 738. — IX*, X*, XI*, XII*
XIU* siècle.5, page 739.— Prix des denrées, XIV« siècle, page 740.
— Intérêt de l'argent, laines, draps, toiles, commerce, charbon de
terre, lettres de change, glaces de Venise, papier, boussole, écoles
de dessin, Toulouse^ Paris, les troubadours, Le Dante et rimitalion.
— XV siècle 742
Quatrième période ; ère scientifique 74i
Premiers efforts de l'imprimerie. — Guttenberg. — Faust, page 743. —
Diffusion de l'imprimerie.— Premiers U?res scicntitiques.— Persé-
cutions, page 744. — Les Aide. — Imprimerie en Espagne|j>age
745. — En France. — Henri Etienne, page 745. — Louis W, —
François !•* persécute cruellement l'imprimerie. — Roberi Etienne,
: pag; 747. — Etienne Dolet est brûlé rif. — Pendaison de Martin
l'Homme.— Les Elietires 749
■ociéTSfl flATAiiTBS , page 749. — Académie des secrets ; id. plato-
nique.— Société des secrets de la nature. — Soci'ié de Rome. —
Académie del cimento.— Réunion d'Oifort. — Socif^té royale de
Londres et transactions philosophiques. — Le père Mersène. —
Tbévenot. — Académie française.- Id. des sciences.— Id. en Es-
pagne, des curieux de h nature . — Id. en Allemagne, page 751 . —
Journal des sarants. — M. Denis. — M. de Blegny. — Bayle. —
Actes des érudits de Léipiic 75C
i.ittéiiati;rb * bt raiLCMormiB , page 752. — Traductions el
imitations au XVI* siècle. — Œuvres des femmes. — Shakespeare,
page 753. — Pomponace, Machiavel, Çrasme, Paracelse, Jordaous,
pige 754. — Bacon, Rabelais, Charron, page 755. — Montaigne,
Etienne de la Béolie, page 756. — Agrippa, Jean-Louis Vives, Las
Cdses, lea déistes, Andre Cesalpia, Bernard Palissy 757
TABLE. 991
Pages.
XVII* siècle. •— Eauméralioo de ses écriTaim, pago 7S7. --Part d.:s
famines, Oage 757. — LiVtéralure sërieiise, page 758. — Hôtel
Rambouillet, page 759. — Mercure de France, pag« 760. — Thomas
Morus.— Les ipolioisles. — Hobbea, page 761 . — <vrolius, €am-
panella, Gassendi, Descartes. — Les quakers, page 76S. — Roger
WîHiam, fondateur des baptîstes. — Pascal, Arnaud, KicoUe, Spi-
nosa 763
XVHI* siècle, page 764 . — Les salons, Técole de Sceau, leCareau . —
Femmes éminentes.— Morelly, page 766. — Mably, Thomas Bur-
net, Leibnilx, Boerbare, Stabl, Fréret, page 767. — Abbé de Saint-
Pierre, Yaufenar^eSf de la Mëtrie, rencyelopédie de Diderot, page
768. — Cœnomie politique, page 769. — D'Holbach, HeWétius,
Buffon, Gondillac, Franklin, Smith, £ant, Dupont de Nemours, Ro-
bertsoo, etc., page 769. — Montesquieu, page 769. - Voltaire,
page 770.— llonsseau ; ses erreurs 770
MOVFBMBiiT mdWMTwrwQim^ page 771 . — Gopernic, Rheticus, Ti-
cho Brahé, Kœpler, page 772. — Gnomonique, page 772.— Mathé-
matbioues, MauroUcus, Ramuset son procès. — L'archeyèque de
Gandaile. — Algèbre, Lucas de Burgo, Tartalea, Jérôme Cardan,
Louis Ferrari, Bombelli, Viéte 775
.Cartes marines, Mercator, loxodromie, page 774. — Galilée. — Loga-
rithmes, page 775. — Pascal, Descartes, Fermât, Torriceui,
Huyghens, Cassini, page 776. — Grands traraux des savants an-
glais, page 776. — Newton, page 776. — Progrès de Tanahfse,
page 777.— Progrès de 1715 4 1796, page 778.— Création d'une
littérature seientitique, page 778.— Tendances actuelles 779
CHIHW, KI]léKAI.«OIB, CI^OI.«OtK 779 781
PHT0IOL«aiB VB0 âTKBB OmOAllIséfl, Alf ATOKIB, Br^DBCIlVBi
GBisumoiB .*. 781
XVI* siècle 781 784
XVII* siècle. — ^Hanrey et sa circulation, transfusion du sang, microscopie,
circulation des petits vaisseaux, respiration, découvertes analomi-
ques, pages 784 et 785. — Les sens, la génération, réparation des
organes, animalcules "spermatiques, médecine, thérapeutique, Yan-
Helmon, pages 785 et 786. — Sylviuf, Boerhave, Témétique, po-
lypes d'eau douce, sourds et muets, étude de la parole, page 7s6.
— Jardin des Plantes, page 786 . — Tremblay, Buffon, Yenel, Hel-
▼ëtius, De Haller, Bourgelat, académie de Philadelphie^ Daubenlon,
Lavater, Linnée. Valerius, Werner. — Mesmer. — Adanson et Jus-
sieu. — Unité aes poids et mesures, pages 787 et 788. — Méde-
cine, page 788.— Chirurgie ; ses progrès aux XVII* et XVIII* siè-
cles, pages 788 et 789. — Littérature physiologique 789
H^VTBMBIIT BOCIAL BV P«LIT1||VB DB l'AbB «GlBKTl-
vi^VB 790
Situation des diverses classes au XYI* siècle, les riches, les ouvriers,
voyaçes des rois, cours, enlants et femmes, usurpations royales,
population, transactions commerciales, corporations, taxes, beaux-
arts, musique, communes rurales, société du Pauvre-Conrad, les
ditmarses,* mouvement féodal d'Espagne, mouvement communal,
pages 790 à 795.— François i^ et Charles-Quint, page 795.— La
réforme, page 795. — Luther À Woms.— La charte des paysans,
page 797 ; Zingli, Munster, page 798 ; Calvin, la sainte Ligue, page
796 ; mouvement commercial, page 800 ; Mexicains et Péruviens. . 801
XVII* sièale. — Guerre de trente ans, page 801 ; traité de Yestphalie,
092 TABLE.
?if«i.
lentatires ripnblIcaiBes, iSsuitM, page MS ; progrès de la raynté,
page 804 ; féyokiUoDs orilaDDi^iieSy page 8Ô6 j FlHmsUers, éni-
frratioiis, pave 806 ; Penajlfanie 801
XVni* siècle. — Pah d'Dtreeht, page 807; Rmsie ; sêi progite, page
807 ; progrès de la Presse, page 809 ^ AiMriche, 809 ; seeond çer-
tage dis la Polope, page 8iu ^ Amënque de Neni : sa révoluliOD,
page 81 ij éimgrés prolestaots de Franee, 819 ; LeiUB XY, page
• 814 ; Loeis XTl, page 816 } milles, depâe des Ttyages, seotirneB-
talisme politiqae, page 815; 4 mai, page 816 ; la femme oubliée,
page 817 ; nuit da 4 août, |»age 817 ; développeiMols de la RéTeln-
tion, sagesse et fiiates, pages 818 à 823 ; procès de roi, page 8^;
Giroodins, page 894 ; Uireeteire 8iS
\1\* siècle. — Srreor de Napoléon, erreur des fiourboBS, pages 897 et
828 ; retour de Tlle <rElbe, page 899 ; réaclioD royaliste, page
8S0; fautes deslibëraui, page 831 ; Louis XYIII, Oharks X, mi-
Dislère Martignac, page 833^ Louis-Philippe et ûs fautes de soe
règne; mouTement puloeophique , réformateurs, les sainta-simo-
nieos et les fouriéristes 834
Suint-Siraon en 1797, pege 834 ; en 1809, page 837 : Saint-Simon en
1819, 1891, 1893 et 1894, pan 838 ; sa mort, (Hnide Rodrigues,
le Producteur, page 839 ; Enfantin , page 840 ; grandes lagons
d'histoire, par Bezard, écrites par Canot, pages 849 à 848 ; pîtt-
seurs et écriraios sainis-simoniens, page 848 ; communisme sàeik-
titique et théocratique d'Enfantin, pages 849 et 890 ; morale d*En-
faniîD, page 850 ; schisme saint-simonien, page 851 ; Mîdiel Gbe>
voilier, page 856 ; roToe encyclopédique, page 857 ; encydopédift
nouTelle, page 857 ; fouriérisme, page 857 ; erreurs, ^raâdkise ei
sioffulanté du roman de Fourier, pages 857 à 867 ; set idées indus-
trielles, pages 867 è 870 ; de la commune sociétaira, nages 870 k
874 ; erreurs morales, page 875 ; Comte, page 875 ; Lamennais et
Bâchez, pages 875 et 876 ; la lutte du fouriérisme et du saint -siiMO-
nisme existe incomprise au sein des nations; formule de M. de
Girardin, page 876 ; fouriéristes les plus éminents, page 876: in-
tluence du mouvement philosophique (rançais; Louis Blanc, Proudhon,
Girardin, paçe 878 ; importance de ce mouvement, page 879; les
marnes questions aux Etats-Unis, page 879; esprit du peele fédéral,
page 880 ; Confédération européenne , page 881 ; logique des
fdits, page 883 ; erreurs accréditées sur les Etats-Cnis depuis Da
Mdistre jusqu'à Guizot, page 883; lutte des partis.; leur «orrespon-
ciance philosophique , pages 884 et 885 ; Hannlloo , page 885 ; •
John Adams, jMge 887 ; la démocratie arrive au pouvoir par Jeifer-
bOQ, page 887 ; guerres, développement de la corruption gouverne-
mentale, banques aristocratiques, page 888: Jackson, page 889$
Van-Buren, page 891 ; Hérisson, page 891 ; John Tyler, page 891 ;
Polck, page 891; Taylor, page 899; Franck Pieree, page 899;
lo lutte nest que transformée, page 899; exemples donnés par
r Union, page 893; interrogations que la véritable hisloiro doit
alresser aux révolutions européennes qui ont eu lieu depuis 1848. 895
xiTHs Tii. — cQncusmfvm.
Similitudes de Thomme et de l'humanité 895 ^
Kmhryologie sociale, pages 899 à 909; commune physiologique, pages
903 à 907 ; naissance et développement de l'humanité < • 907 J*'
TABLE. 993
lA «cmrcB MW MM mommm m'vnm cmicii.iavmx vmvBm-
•BUA *. 917
OpisioB d*Origèiie, fMge 919 ; id. de HaDOu,paffe 919 f opinion du plus
docte des labbios, pego 91d | opinion de TEgyple, de Pythagore,
des druides, page 9S0 j •opinioo du pape SylTestre, page 930 ^ opi-
nion des mabométans instruits * 921
MB LA lÀœtéÊUkxmwat mmi^'imm BcmiTin^ra 922
^to^fmit entendre philosophiquement par la littératore. paee9Sâ{
les neuf grandes littéralurts, page 922^ tiuératnre de llnde, page
S23; tittéraiure bouddhiste, page 924^ littérature chinoise, page
924: littérature grecque,- page 935; littérature juiTe, page 937;
' ' ^'KMaMlre Tomaioe, page 938 ; littérature chrétienne, page 939:
• littérature musulmane, page 980; XYI*, SYQ" et IVlA* siècles,
page 931 : de 89 à 1850, page 931 ; littératures nationales, pag»
^ ^ 1^33^ histrf>ire, page 933; ayénement littéraire des IraTailleurs, page
953 ; ayénement des femmes, page 934 ; mouvement aboUtioniste,
page 935 ; femmes américaines, page 936 ; mouTement doctrinaire,
page iÊ% ; mooTemenl philosophjque de rAllemagne ; Xant,' Fichle,
ëigeliO; Schlegel, Hardenberg, Helderl'm, Leasing, Schelling,
egel et son éoole, page 941 ; supériorité et défaut du mouvement
allemand, page 943; Fuerbach et Strauss, paee 943 ; Rooge et le
catholicisme allemand, page 943 ; coramnne libre, page 943 ; mu-
sique, page 944 ; Uhlaiid et Cbamisso de Bonceurt, page 944 ; les
Bauer,Rug8,H8n, BoBme, Ewerbeeek, etc., page 945; les femmes
et leur influence, page 946; éducation ^ Marie mllebrend; son éu-
blissement, ses enseignemMits, sa philosophie, page 946 à 951 ;
collège de demoiselles de Brème, page 951 ; id. de Londres, page
951 ; établissement deLowell, pagB 951 ; famille Lowell, page 953 ;
oolléges des Etats-Unis, page 953; Roger William et les baptistes,
page 953; collège d'Antioche, page 954; caractère de la charité et
de la tolérance américaine, page 957 ; erreurs des jésuites, page
957 ; la Bible de Tère scientifiqu(e 959
»■ ^'àmvcATfn 959
De reDregistrement des enfants, pa^ 960; fête communale des nais-
sances, page 961 s son explication 963
De Téducation des enfants nouveaux-nés, page 963 ; des habitations,
nage 964 ; éducation par les sens 964
»B LBDVCATiBB de sopt à quinzo ans • 966
Pèle communale; lùstoire légendaire de rhumanité avec musique et dio-
rama • 969
Fête des adolescents 971
•B LA JBDBBBBB « 973
VU BiA«lA«B 975
Esprit du Mariage 975
Fôte communale des mariés 978
nu LA liBBB « 981
ERRATA.
Pa
25, au lieu de livrera , lisez livrons.
71,
—
XIX' , —
XIV'.
145,
—
vertébré, —
HAHMIFÈRE
147,
—
175,5, —
75,5.
255,
—
ri H', —
VII".
796,
—
Calvin, —
DcLcm.
805,
CkarlesIV, —
Charles II
Nota. — Pendant l'impression de ce livre , nous avons
eu occasion de voir une portion du sternum du grand
oiseau fossile de Madagascar, et cette pièce nous a paru
donner entièrement rais(Hi à Topinion de M. Geoffroy Saint-
Hilaire contre les traditions du pays.
Nanlea , laprimerie W. Busseuii.
■
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